Offshore - Le Monde Informatique
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DOSSIER Analyse Panorama Pratique Un phénomène voué à s’amplifier P 22 Des pays qui luttent pour attirer les investissements P 28 Une méthodologie inspirée des processus industriels P 30 Offshore : DR un premier bilan français Pour l’instant, la délocalisation des services informatiques dans les pays à bas coût de main d’œuvre – autrement dit l’offshore – n’a rien du raz de marée dans l’Hexagone. Mais les entreprises et les SSII hexagonales testent toutes plus ou moins la formule. Et font progressivement monter en puissance leurs activités externalisées en Inde, en Europe de l’Est ou au Maghreb. Une mécanique qui, une fois lancée, sera bien difficile à enrayer. www.weblmi.com N° 1040 • 1er octobre 2004 • LE MONDE INFORMATIQUE 21 DOSSIER | Externalisation Analyse Offshore : un démarrage prudent, une accélération inéluctable Technologies adaptées, qualité de la sous-traitance, réorganisations internes des entreprises, main-d’œuvre à bas prix, pression des directions achats, barrière psychologique qui s’effondre… Le mouvement de croissance de l’offshore semble inéluctable dans les services informatiques, y compris en France. Reste à mieux le quantifier. a délocalisation des services n’en est certes qu’à ses débuts, mais il se pourrait qu’elle marque rapidement un tournant. Elle annonce un déplacement à grande échelle de l’activité de production qui va entraîner une nouvelle division internationale du travail.” Cette prédiction pessimiste ne sort pas de la bouche d’un syndicaliste, mais d’un organisme très sérieux, l’ONU. Plus précisément, elle est extraite du dernier rapport de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) sur les investissements internationaux. Depuis plusieurs mois, les délocalisations d’emplois des pays développés vers les pays émergents sont devenues un sujet brûlant. Au point de figurer, aux Etats-Unis, au cœur de la campagne pour l’élection présidentielle de novembre. Le Sénat américain a fait voter en janvier dernier des restrictions à l’accès aux marchés publics pour les entreprises procédant à des délocalisations. D’autres parlementaires américains ont proposé la création d’une taxe sur les emplois délocalisés à la fois pour freiner les velléités des entreprises en la matière et pour créer un fonds qui permettrait la création d’emplois nationaux. En France, Jacques Chirac a chargé Jean-Louis Beffa, ex-patron de Saint-Gobain, d’un rapport qui explorerait les possibilités de grands programmes industriels pour endiguer les pertes d’emplois liées à l’offshore. Si les emplois industriels sont les premiers visés, le secteur des services est également touché. Nombre de prestations, comme la comptabilité ou la facturation, sont d’ores et déjà sous-traitées dans des pays à bas salaires. Ce mouvement ne peut que s’accélérer, et l’informatique et les technologies de la communication sont doublement concernées. D’abord parce qu’elles permettent de produire les services cités ci-dessus à distance, et ce pour un coût sans cesse à la baisse compte tenu de la chute du tarif des télécommunications. Ensuite, parce que des prestations comme le support aux utilisateurs ou le développement de logiciels se prêtent particulièrement bien à cette pratique. D’où cette estimation de la Cnuced : la sous-traitance à l’étranger des prestations informatiques devrait pas- L TEAMLOG PRIVILÉGIE LA PROXIMITÉ lutôt orientée nearshore avec P des implantations en Espagne, en Roumanie et en Slovaquie, la SSII DR “ Le siège de Yahoo à Bangalore, en Inde. La ville – et plus généralement l’ensemble du sous-continent – reste la référence numéro un en matière de programmation offshore. Mais d’autres pays, de l’ancien bloc soviétique, d’Asie du Sud-Est ou du Maghreb, sont également sur les rangs. Glossaire 1 % du chiffre d’affaires du secteur, soit 100 millions d’euros environ. Mais les choses ont bien évolué depuis. Les grandes SSII, tels Capgemini ou Atos Origin, se sont implantées en Asie. L’élargissement de l’Union européenne en mai dernier a aussi déclenché des réflexions chez nombre d’acteurs du secteur, qui ont vu là l’opportunité de s’implanter dans des pays peu éloignés et au coût du travail inférieur. Enfin, des pays comme le Maroc, la Tunisie Nearshore Il s’agit ou la Roumanie, qui ne sont d’une externalisation pas membres de l’Union, se de proximité. On confie sont aussi lancés dans de tout ou partie d’un vastes opérations de charme Délocalisation de projet à une entreprise vers les SSII hexagonales. On services : multipliée implantée dans a ainsi vu récemment Unipar trois en deux ans l’Hexagone, mais dans log s’associer avec une filiale de France Télécom pour ouEn France, le sujet préoc- des régions où les vrir un centre de services cupe certes, mais peu de tarifs pratiqués sont chiffres avérés circulent. Les inférieurs. Le terme est d’externalisation qui se consacre au développement dernières estimations de la également employé chambre patronale du sec- pour des pays proches. et à la maintenance de système. Et le cabinet d’études teur des logiciels et services informatiques remontent à 2002 : le Pierre Audouin Consultants estime que Syntec estimait alors que le dévelop- l’estimation du Syntec pourrait avoir pement offshore ne représentait que triplé d’ici à la fin de l’année, pour ser de 1milliard de dollars en 2002 à 24 milliards en 2007. Un taux de croissance à faire rêver une start-up de la bulle Internet. Parmi les multinationales, l’organisme onusien estime que près de la moitié des grands groupes européens (45%), qui ont déjà délocalisé une partie de leurs activités, vont amplifier le mouvement, ce qui signifie qu’ils sont satisfaits de niveau de qualité de leurs soustraitants. Et d’estimer qu’aux Etats-Unis trois millions et demi d’emplois pourraient ainsi se voir délocalisés dans les dix prochaines années. Offshore Le terme, issu du vocabulaire des pétroliers, s’applique en général à toute entreprise située hors des frontières de résidence, et donc d’imposition, de son propriétaire. Le modèle consiste pour les entreprises à faire réaliser tout ou partie d’un projet à l’étranger afin de bénéficier de coûts plus bas que ceux pratiqués localement. Teamlog (110 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2003 pour 1 700 personnes) propose à ses clients des prestations délocalisées depuis 2002. A l’étranger, 140 personnes composent aujourd’hui ses effectifs, dont 70 % travaillant sur du helpdesk et 30 % sur du développement. Si la SSII a choisi de ne pas s’implanter en Inde, c’est pour ne pas s’éloigner de ses clients, Teamlog travaillant sur “des projets francofrançais ou européens”, explique Vincent Billiet, directeur commercial de cette activité. “Les grands projets internationaux représentent 10 % du marché de l’externalisation à l’étranger. Nous visons le cœur du marché, des clients pour lesquels la dimension proximité est un plus.” Pourtant Vincent Billiet reconnaît : “L’offre nearshore est un peu plus chère que l’offshore. En Ile-de-France, nous facturons la journée 350 euros. En nearshore, c’est entre 160 et 200 euros par jour, contre 150 euros pour l’offshore.” Mais le prix de la journée n’est pas le seul facteur. “Les économies réalisées en Espagne sont de l’ordre de 10 % sur les salaires, de 15 % sur les charges. Mais il faut ajouter à cela le temps de travail hebdomadaire, qui est de 40 heures. Et organiser le travail sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre s’avère plus facile de l’autre côté des Pyrénées, la législation étant beaucoup plus souple.” Des arguments qui feraient bondir des syndicalistes. Ce à quoi Vincent Billiet répond que Teamlog n’a jamais délocalisé un seul emploi. “Cette offre se fait uniquement sur de nouvelles activités. Ce ne sont donc que des créations de postes.” Deux ans après son lancement, elle représente un peu moins de 10 % du chiffre d’affaires de l’entreprise. “Mais c’est notre activité qui croît le plus vite”, souligne fièrement son J. G. responsable commercial. Suite page 24 ➤ 22 er LE MONDE INFORMATIQUE • N° 1040 • 1 octobre 2004 www.weblmi.com | Externalisation Chiffres clés 600 millions d’euros, c’est le chiffre d’affaires attendu cette année pour l’offshore en France selon Pierre Audouin Consultants, soit 3 % du marché des logiciels et services (20 milliards d’euros), essentiellement sur des activités de développement et de support. Un chiffre six fois supérieur à l’estimation donnée par le Syntec en 2002. ➤ atteindre 3 % du marché et 10 000 em- plois délocalisés. Les PME pourraient aussi tirer la croissance de la délocalisation des services informatiques, attirées par des salaires parfois moitié moins élevés et par des prestations au forfait, mieux adaptées à l’offshore. Le cabinet Gartner estime, lui, que “d’ici à 2005, 30 % des principales entreprises européennes exploiteront des sites à l’étranger” et souligne que “la France a commencé à vaincre sa résistance culturelle”.Le Mouvement pour une union nationale des consultants informatiques (Munci), qui regrette l’érosion de cette résistance culturelle, évoque, de son côté, le chiffre de 15 000 emplois perdus. Autre facteur qui plaide pour le développement de l’offshore, la nouvelle organisation des entreprises. Une étude parue au printemps dernier, réalisée par Tubbydev, une SSII française dont les développeurs sont en grande partie en Russie, soulignait : “Le développement informatique en France est à intégrer dans un débat plus global sur les réorganisations internes des entreprises : l’entreprise se déstructure pour se réorganiser sous la forme d’un réseau. On assiste notamment au repositionnement des DSI et au renforcement des directions achats, deux directions qui n’ont pas la même vision, notamment quand il faut faire le choix de la sous-traitance, en particulier à une société offshore.” La récente prise de pouvoir des acheteurs, dont la mission est la rationalisation et la baisse des coûts de l’entreprise, favorise donc la progression de l’offshore. N’externaliser que ce que l’on maîtrise bien Pourtant, toutes les prestations informatiques ne sont pas “offshorisables”, tant s’en faut. Encore très hésitantes dans leur démarche de délocalisation, les entreprises ne confient à l’étranger que des projets de taille modeste, à effet de test ou de pro- totype, et dont l’objet et l’issue ne sont pas stratégiques. Catherine Le Louarn, pour KLC, une société de conseil et d’assistance à maîtrise d’ouvrage dans les opérations d’externalisation, le souligne : “Les projets menés en offshore ne sont pas des projets sensibles tout simplement parce qu’il existe des problèmes liés d’une part à la confidentialité (une sécurisation entraînant de plus un surcoût dissuasif ), et d’autre part aux aspects juridiques. Il reste difficile d’évaluer ce qui se passerait en cas de litige.” Enfin, tout projet réalisé au-delà des frontières, compte tenu des barrières de la langue et de la culture locale, demande une préparation minutieuse et une rationalisation et une formalisation précise des processus afin d’éviter tout dérapage, qui viendrait grever le budget de façon aléatoire. “On ne passe en offshore que ce que l’on maîtrise déjà bien aujourd’hui sur place”, affirme Nicolas Goldstein, consultant en développement offshore pour OD Consortium. Le développement reste ainsi l’un des grands classiques, qu’il s’agisse de spécifique dans le cadre d’un nouveau projet, de refonte, de migration ou de conversion de code. Les applications existantes sont basculées en mode Web ou vers des langages plus récents (Java, C++, .Net ou J2EE). “Mais ces prestations ne touchent pas aux aspects fonctionnels”,précise Jean-Yves Grisi, directeur général de Pivolis, une société pivot. Ce sont les services proposés par des pays tels que la Roumanie, le Maghreb ou l’Ukraine. Un cran au-dessus, l’intégration de progiciels, autour des produits SAP ou PeopleSoft entre autres, est devenue la spécialité de l’Inde, qui est montée en puissance sur ces aspects et reste le seul pays à proposer ces prestations. Le groupe Lafarge a ainsi lancé à Bombay un programme de développement autour du progiciel JD Edwards par l’intermédiaire d’un partenaire local. La TMA (tierce maintenance applicative) est également l’une des activités Sur les 20 milliards de dollars que représentent les dépenses en services offshore dans le monde, la part des Etats-Unis se monte à plus de 80 %. 20 En milliards de dollars Autres pays Taux de croissance annuel moyen + 35% Etats-Unis 6,6 2001 2005 Le comportement des DSI français ne diverge guère de celui de leurs homologues européens. Selon Forrester Research, 80 % de ceux-ci ne prévoient pas d’utiliser les développements offshore. Les intentions des DSI français Aucun projet d'externalisation, aucune réflexion en cours 88,4% 3% 1,3% 2% 5,3% Projet terminé Projet en cours Phase pilote Réflexion en cours Les Français préfèrent l’Ouest 50% 33% France 33% 38% 63% Royaume-Uni 13% 49% 40% Allemagne 37% Europe de l'Ouest C’est en France que le motif de réduction du coût des prestations est le plus mis en avant dans la décision de recourir à des prestations délocalisées. Asie Europe de l'Est A la question “Dans quel pays avez-vous fait appel à des prestations délocalisées ?”, les entreprises européennes continentales, notamment françaises, répondent en citant en premier lieu des pays d’Europe de l’Ouest. Les prix bas, première motivation des DSI 87% France Royaume-Uni 68% Allemagne 65% Pays-Bas 64% Source : Forrester Research DR Jean-Yves Grisi, directeur général de Pivolis : “De manière générale, les prestations de développement effectuées en offshore ne touchent pas aux aspects fonctionnels.” Dépenses en services offshore dans le monde Nicolas Goldstein, consultant en développement offshore pour OD Consortium : “Au-dessous de 35 à 40 % d’économie, il n’est pas intéressant de faire de l’offshore.” Source : CIO Research France DR Catherine Le Louarn, pour KLC : “Les projets menés en offshore ne sont pas des projets sensibles à cause des problèmes liés à la confidentialité et aux aspects juridiques.” Source : IDC DR ILS ONT DIT Source IDC/Unilog DOSSIER Suite page 26 ➤ 24 er LE MONDE INFORMATIQUE • N° 1040 • 1 octobre 2004 www.weblmi.com DOSSIER | Externalisation DU LEASING APPLIQUÉ À L’INFORMATIQUE OFFSHORE SOCIÉTÉS PIVOT OU SSII ÉTRANGÈRES AYANT DES RÉFÉRENCES EN FRANCE INDE OCÉAN INDIEN Wipro, Infosys, TCS, Ishir Infotech, Unionlab, Mindfra JM Contacts, Value Data, Saisie.fr, Ingenosya RUSSIE AFRIQUE DU NORD Tubbydev, Antadis Oasis, Offshore Box, Net Concept, Dev Online AUTRES PAYS DE L’EST Kepler-Rominfo, Siveco, CAD CZ, Pentalog AUTRES PAYS D’AFRIQUE CHINE BRÉSIL China Offshore, High Soft Websourcing Brasil IBS Solution, PCCI, DGCNet Pour mener un projet en offshore, les entreprises disposent de plusieurs solutions en fonction du montage choisi. Avantages et inconvénients. 1 Mode direct L’entreprise s’adresse directement à une société étrangère à qui elle confie son projet . C’est une solution rarement retenue car elle est risquée. AVANTAGES - pas d’intermédiaire - possibilité d’obtenir des coûts très bas INCONVÉNIENTS - nécessité d’une structure de contrôle forte sur place - déplacements d’équipes du client chez le prestataire - complexité juridique 2 Partenariat avec une société pivot ➤ les plus pratiquées par les en- Glossaire un développement réalisé Onshore “Importapar une petite société offtreprises françaises hors de nos tion” d’informaticiens shore pour le compte frontières. “C’est une prestaétrangers pour des d’une SSII occidentale, de tion facile à déporter”, prémissions au forfait ou 500 à 750 euros par jour cise Jean-Yves Grisi. Certaines en régie. Une pratique pour un développement sociétés ont souvent comillégale en France, effectué à l’étranger par mencé par l’externaliser en prosauf à faire signer une SSII française pour vince, comme le proposent des des contrats de travail une PME française (à rapSSII telles que Unilog (à nationaux. procher d’une moyenne Amiens) ou Atos Origin (à Sode 1 000 euros par jour, prix phia-Antipolis). Mais pour Ca- Rightshore Appellapratiqué par de grossesSSII therine Le Louarn, il ne s’agit tion déposée par que d’une première étape : Capgemini. La pratique locales pour les grands “Pour une entreprise, le plus consiste à utiliser pour comptes). Sur le papier, gros effort consiste à accepter un projet “la bonne res- une SSII française rachetant une partie de la presl’idée de sortir l’activité de ses source, au bon niveau tation offshore à 200 euros murs. Il faut formaliser les pro- et au bon endroit” et la revendant à 800 euros cessus, les demandes, organi- en fonction des tarifs, réalise donc une marge ser les comités de pilotage, c’est des compétences confortable. Reste que le un travail important. L’activité et de la disponibilité. est ensuite déportée, mais tou- En bref, une localisation tarif à la journée n’est que la partie immergée jours sur la France (on parle optimisée de la de l’iceberg. Bruno Camde nearshore), avec un effet in- production. penon, responsable inforduit un peu pervers car elle est dès lors prête pour le vrai offshore, à un matique d’avant-projet qui a mené un coût plus intéressant. C’est l’effet cen- projet offshore mobilisant en Inde environ 70 personnes pour BPPS (filiale de trifugeuse.” BNP Paribas), le soulignait dans nos colonnes en rappelant que les ajustements Une revente rentable liés au démarrage, sous-estimés, en pour les SSII françaises termes de déplacements par exemple, Depuis que les services achats ont re- avaient un peu alourdi la facture. Néanpris la main sur la rentabilité de l’in- moins, ces erreurs seront petit à petit éviformatique, il est devenu évident que tées à mesure que les directions hexale prix reste l’élément moteur de la dé- gonales se familiariseront avec ces cision pour un projet. C’est encore plus nouvelles méthodes de travail. La forflagrant en ce qui concerne l’offshore. malisation des processus et l’organisa“Au-dessous de 35 à 40 % d’économie, il tion humaine ont aussi un coût, avec la n’est pas intéressant de faire de l’off- création de postes de responsables opéshore”, constate Nicolas Goldstein. Si rationnels nécessaire au pilotage de ce les chiffres sont difficiles à vérifier sur type de projet. Et puis, comme le précise le terrain, la société Tubbydev, avec ses Catherine Le Louarn : “On peut estimer développeurs russes, propose ainsi des le gain de l’ordre de 30 à 50 % sur le coût tarifs à 185 euros par jour, qu’elle com- global d’un projet, mais l’écart entre les pare aux 200 euros par jour pour un In- prix pratiqués par les pays les plus dien, 300 euros pour un Indonésien et connus, initialement de 1 à 4, se réduit 400 euros pour un Français titulaire d’un car le niveau de compétences s’élève.” BTS. “Il est même possible de descendre Dominique Malige, directeur informajusqu’à 80 euros par jour en travaillant tique du groupe Lafarge, estime, lui, que en direct avec un prestataire étranger”, l’offshore lui permet de diviser les coûts avance Nicolas Goldstein. Une étude par un facteur de 5 à 10. Un éclatement menée par JM-Contacts, une petite so- des estimations qui prouve que l’offciété malgache spécialisée dans l’off- shore reste en France sujet à bien des shore, révèle de son côté les tarifs sui- approximations. ● vants : de 150 à 200 euros par jour pour JEAN GIMONT ET SOPHIE HUET 26 LE MONDE INFORMATIQUE • N° 1040 • 1er octobre 2004 Les sociétés pivot jouent le rôle d’intermédiaire entre le client et l’entreprise étrangère qui réalise la prestation. La création assez récente de plusieurs sociétés pivot de ce type l’a mis à la mode. On en compte actuellement une quinzaine en France. AVANTAGES - réduction du risque de négociation des contrats - la société pivot est théoriquement responsable de la qualité de la prestation INCONVÉNIENTS - multiplication des prestataires - peu de contrôle pour le client - pas de garantie dans la durée 3 Sous-traitance à une SSII locale travaillant à l’offshore Dans ce cas, l’entreprise traite localement avec une SSII, cette dernière ayant recours à l’offshore pour tout ou partie du projet. AVANTAGES - moins de risque social, car le client n’est pas toujours informé du mode de réalisation - contrat franco-français - gestion sous la responsabilité du partenaire INCONVÉNIENTS - tarifs plus élevés compte tenu de la marge prise par la SSII 4 Création d’une filiale dans un pays émergent Certains grands comptes implantent directement des équipes informatiques dans les pays à faible coût de main-d’œuvre afin d’assurer les développements informatiques du groupe. AVANTAGES - intéressant pour le long terme - rentable en cas de volume important INCONVÉNIENTS - coût de démarrage élevé - nécessite l’expatriation d’une équipe - risque lié à la création d’une entité 5 Rachat d’une entreprise offshore Cette option, a priori séduisante puisqu’elle se fonde sur un existant, exige en contrepartie des perspectives d’activité importantes. AVANTAGES - développement rapide sur place - pas de coût de démarrage de l’activité INCONVÉNIENTS - coût du rachat - nécessité d’avoir le volume pour rentabiliser 6 Prise de participation dans une entreprise offshore Cette solution a évolué récemment vers un nouveau concept : le BOT (Built Operate Transfer). Il s’agit de louer dans un premier temps une équipe étrangère en y incluant la gestion des ressources et l’infrastructure, puis de racheter éventuellement l’équipe devenue opérationnelle. AVANTAGES - chaque partenaire apporte sa part - travail dans la durée INCONVÉNIENTS - risque financier lié à ce type d’opération www.weblmi.com Panorama La ruée vers l’Est Si l’Inde reste une valeur sûre de l’offshore, les décideurs français s’intéressent aussi à des pays moins en vue des entreprises américaines. A commencer par les pays de l’Est, Roumanie et Bulgarie en tête. ormis certains pays d’Europe occidentale (Espagne, Ecosse, Irlande…), pour des prestations très spécifiques et de faibles économies, les entreprises françaises choisissent d’abord l’Asie et l’Europe de l’Est pour sous-traiter à l’étranger. L’Inde, malgré le fossé culturel et linguistique qui peut compliquer les échanges, reste la destination la plus prisée. Notamment sur les projets importants, du fait de la présence sur place de SSII à la force de frappe redoutable. Du fait aussi du niveau des formations basées sur le système anglo-saxon. Mais la concurrence galopante venue des quatre coins du globe menace le sous-continent, d’autant que le pays commence à avoir du mal à faire face à la demande. La Roumanie, par exemple, grâce au bon niveau de français, y compris chez les chefs de projet et les développeurs, intéresse de plus en plus les entreprises françaises. Viennent ensuite les autres pays d’Europe de l’Est, à commencer par la Russie, mais aussi la Bulgarie, l’Ukraine, la République tchèque ou encore la Lettonie, qui ont saisi leur chance au moment des projets an 2000 et de la vague Internet. Puis les pays du Maghreb, Maroc en tête, et l’Ile Maurice. Les ressources informatiques et la qualité des formations y sont cependant li- H mitées. Quelques entreprises françaises ont également choisi des destinations plus exotiques (Vietnam, Madagascar…) et commencent à s’intéresser à la Chine, difficile d’accès puisque la langue française y est extrêmement peu pratiquée. Les SSII chinoises portent d’ailleurs davantage d’intérêt au marché américain. Pour choisir leur destination, les entreprises tiennent compte de plusieurs critères. Le premier élément de sélection concerne la taille du projet et sa nature. “Tous les pays ne sont en mesure d’assurer n’importe quel type de prestation, confirme Jean-Yves Grisi, directeur général de Pivolis, société spécialisée dans le conseil et le développement informatique offshore. L’Inde, par exemple, a une forte expertise autour de l’intégration de PGI.” Le critère de la langue arrive ensuite : selon une étude récemment réalisée par IDC et Unilog (*), les entreprises européennes ayant recours à l’offshore estiment que travailler avec un prestataire parlant sa langue et ayant une culture proche est une des principales conditions de succès. ● (*) Etude réalisée en Allemagne, en France et au Royaume-Uni au premier semestre 2004, auprès de 200 entreprises de plus de 1 000 salariés. L le manque de confiance qu’affichent les DSI face à des prestataires qu’ils ne connaissent pas. Premier réflexe : blinder le contrat. Une protection bien illusoire pour Isabelle Renard, associée au cabinet d’avocats August & Debouzy et spécialiste de l’offshore : “Un contrat international, si bien rédigé soit-il, ne reste qu’un bout de papier si on n’a aucune possibilité d’exercer un contrôle sur la société avec laquelle on signe.” L’avocate conseille donc de privilégier les SSII étrangères ayant une filiale en France. De ce 28 point de vue, l’Inde, avec ses gros prestataires soucieux de conserver leur notoriété, paraît moins risquée que les pays de l’Est. Autre difficulté, mal mesurée par les directeurs informatiques : l’accès à des informations confidentielles. “En externalisant leur comptabilité, leur R&D, les entreprises ouvrent la porte à des vols de leur propriété intellectuelle.” Et difficile pour la plupart d’entre elles d’aller poursuivre un contrefacteur à l’autre bout du monde. L’externalisation des seules fonctions périphériques, comme le centre d’appels, permet de supprimer ce risque. R. F. LE MONDE INFORMATIQUE • N° 1040 • 1er octobre 2004 Maroc POPULATION : 30 millions d’habitants environ. LANGUES PRATIQUÉES : français, anglais. PRINCIPAUX CENTRES IT : Casablanca (Technopark), Rabat, Tanger. NOMBRE D’INFORMATICIENS : 6 500 diplômés en NTIC par an (techniciens et ingénieurs). SALAIRE MENSUEL MOYEN D’UN PROGRAMMEUR : 650 à 800 euros. POINTS FORTS • Proximité géographique, linguistique et culturelle avec la France ; • Qualité des formations locales et présence de professionnels formés en France, au Canada ou aux Etats-Unis ; compétences fortes en monétique. développement des TIC souhaité par le gouvernement, qui veut attirer les grands groupes du secteur. Le nombre de techniciens formés a ainsi été multiplié par trois en deux ans. Le Maroc a également lancé un programme d’informatisation de l’administration, qui regroupe une quarantaine de projets. QUELQUES SSII LOCALES CapInfo, Archos Conseil, Omnidata INFORMATIONS PRATIQUES QUELQUES SSII FRANÇAISES IMPLANTÉES Unilog, Net2S, GFI, Capgemini VISION GÉNÉRALE Le système éducatif s’efforce de mettre sur le marché les compétences nécessaires au Décalage horaire de -2 heures en été, -1 heure en hiver. Taxe de 10 % de la facture totale pour un contrat avec une société marocaine. Exonération de taxes et facilités de rapatriement des capitaux dans les zones franches créées pour attirer les investissements étrangers. République tchèque POPULATION : 10 millions d’habitants environ. LANGUES PRATIQUÉES : allemand (35 % de la population), anglais (35 % de la population), français (6 % de la population, 13 % à Prague et Olomouc). PRINCIPAUX CENTRES IT : Prague, Brno (Czech Technology Park), Olomouc, Ostrava (Science and Technology Park), Plzen. NOMBRE D’INFORMATICIENS : 2 500 informaticiens formés par an. SALAIRE MENSUEL MOYEN D’UN PROGRAMMEUR : Entre 700 et 950 euros, 1 100 euros pour un ingénieur système. POINTS FORTS Quelques spécialités techniques (le développement objet, les réseaux et les télécoms) ; la qualité des universités et écoles tchèques, les facilités offertes par l’entrée dans l’Union européenne (notamment pour le travail de Français sur place). REYNALD FLÉCHAUX, THIERRY PARISOT, MARC DI ROSA Une externalisation comme les autres, mais plus risquée des principaux freins ’un psychologiques à l’offshore reste Sources : ministère des Affaires économiques et générales, Association des professionnels des technologies de l’information, Net2S | Externalisation élevé à 770 millions de dollars, soit une hausse de 11 % sur un an. Le dynamisme du marché local, dopé par des projets d’alignement sur les critères européens, tire les salaires vers le haut. Pour faire face à la pénurie, les entreprises recrutent aujourd’hui des ingénieurs slovaques. INFORMATIONS PRATIQUES QUELQUES SSII LOCALES Sources : IDC, Czech Invest, Devoteam DOSSIER PVT, Cleverlance, Unicorn QUELQUES SSII FRANÇAISES IMPLANTÉES Devoteam, NextiraOne VISION GÉNÉRALE En 2002, le marché des services s’est Pas de décalage horaire ; subventions pour l’implantation de centres technologiques ou de services (20 % des coûts salariaux des deux premières années d’implantation, pour un investissement à Prague par exemple). Délai de 3 mois pour l’enregistrement d’une société. ET AUSSI… BULGARIE Sous-traitant compétitif dans le développement logiciel. Salaires modérés, mais à la hausse. VIETNAM Coûts salariaux très bas (moins de 500 euros/mois par programmeur). Politique volontariste pour attirer les investissements. CHINE 590 000 informaticiens dans le logiciel fin 2003. Surtout tourné vers les Etats-Unis, pour des questions de langue (mandarin et anglais). LETTONIE Politique industrielle pour doper le secteur. Emergence de SSII locales, comme Dati Grupa. UKRAINE MADAGASCAR Après le développement logiciel, le conseil est la seconde spécialité. Environ 10 000 personnes dans les services. Pratique du français. Avantages fiscaux (exonération totale de l’impôt sur les bénéfices pendant cinq ans) . www.weblmi.com Inde Russie POPULATION : plus d’un milliard d’habitants. LANGUES PRATIQUÉES : anglais. PRINCIPAUX CENTRES IT : Bangalore, Mumbai, Delhi, Chennai. NOMBRE D’INFORMATICIENS : 813 000 (en 2003-2004). SALAIRE MENSUEL MOYEN D’UN PROGRAMMEUR : 550 euros. POPULATION : 144 millions d’habitants. LANGUES PRATIQUÉES : anglais, français. PRINCIPAUX CENTRES IT : Moscou (78 % des entreprises IT y ont leur siège), Ekaterinbourg, Irkoutsk, Kazan, Saint-Pétersbourg, Novossibirsk, Nijni-Novgorod. NOMBRE D’INFORMATICIENS : entre 650 000 et 750 000 (sources multiples). Environ 50 000 diplômés par an. SALAIRE MENSUEL MOYEN D’UN PROGRAMMEUR : entre 490 et 980 euros nets (profil confirmé, à Moscou). QUELQUES SSII FRANÇAISES IMPLANTÉES Atos Origin, Capgemini, Valtech VISION GÉNÉRALE Selon le Nasscom (association des entreprises indiennes du secteur des technologies de l’information), l’industrie INFORMATIONS PRATIQUES Décalage horaire, +3 h 30 min en été, +4 h 30 min en hiver. POINTS FORTS Développement de logiciels et PGI ; intégration de systèmes ; sécurité informatique ; bon niveau de formation général en informatique ; existence de filières d’ingénieurs scientifiques capables de travailler dans le secteur. QUELQUES SSII LOCALES Sources : mission économique française QUELQUES SSII LOCALES Infosys, Wipro et Tata Consultancy Services (TCS) des services informatiques offshore doit croître de 30 % en 2004-2005 et générer un chiffre d’affaires de 5,1 milliards de dollars. Pourtant, une pénurie de ressources menace l’Inde : environ 200 000 nouveaux ingénieurs informaticiens sont diplômés chaque année alors qu’il en faudra 375 000 par an d’ici à 2008. Le pays compte aujourd’hui quelques SSII pesant assez lourd pour rivaliser sur certains projets avec les grands noms américains ou européens du service. C1, Parus, Roussoft, Silicon Taiga, Tubbydev, V6 Technologies (groupe Vesta). QUELQUES SSII FRANÇAISES IMPLANTÉES Atalan, Davision (groupe Principia). VISION GÉNÉRALE L’un des principaux objectifs du ministère des Technologies de l’information et des Télécommunications est d’augmenter les exportations de logiciels, pour passer d’environ 410 millions de dollars en 2003 à 1,3 milliard vers 2007. INFORMATIONS PRATIQUES Des problèmes liés à la langue russe et à l’alphabet cyrillique. Administrativement, il est beaucoup plus facile d’acquérir une société locale que de créer sa propre structure. Quelques faiblesses des infrastructures télécoms. On constate de fortes disparités (salaires, postes, types de prestations…) entre les régions. Ile Maurice Roumanie POPULATION : environ 1,2 million d’habitants. LANGUES PRATIQUÉES : anglais (administratif), français (vie courante). PRINCIPAUX CENTRES IT : Port-Louis et la région des plaines Wilhems. NOMBRE D’INFORMATICIENS : environ 700. SALAIRE MENSUEL MOYEN D’UN PROGRAMMEUR : De 430 à 515 euros. POPULATION : 22 millions d’habitants environ. LANGUES PRATIQUÉES : anglais, français. PRINCIPAUX CENTRES IT : Bucarest, Cluj, Timisoara, Brasov, Iasi. NOMBRE D’INFORMATICIENS : environ 30 000, dont 24 000 dans les logiciels et services. SALAIRE MENSUEL MOYEN D’UN PROGRAMMEUR : entre 650 et 980 euros nets pour un profil confirmé (coût pour l’entreprise : entre 1 300 et 2 000 euros). POINTS FORTS Régime fiscal attractif pour les investisseurs étrangers ; flexibilité des lois du travail ; démarches administratives réduites. QUELQUES SSII LOCALES Infinity BPO, Mauritius Computing Services. UNE SSII FRANÇAISE IMPLANTÉE Astek. VISION GÉNÉRALE L’île Maurice mise sur sa proximité culturelle avec la France pour attirer les investisseurs. L’île ne peut pas offrir un bassin d’emplois gigantesque comme l’Inde et vise donc des marchés de niche : des projets pour des entreprises de plus www.weblmi.com petite taille. Néanmoins, Maurice en reste aux prémices des services informatiques : Gilbert Ahnee, du quotidien Le Mauricien, relativise le “fantasme au sujet de l’IT à Maurice”, en raison du “manque de ressources humaines qualifiées”. Politique volontariste du gouvernement, qui a réalisé des infrastructures modernes (cybercité Ebène) pour attirer les investisseurs. Tarifs télécoms dissuasifs pour de nombreuses sociétés, selon un rapport de Gartner publié en août. INFORMATIONS PRATIQUES Décalage horaire +2 heures en été, +3 heures en hiver. POINTS FORTS Les centres d’appels ; le développement logiciel ; la pratique courante de la langue française ; à moins de trois heures d’avion de Paris. Roumanie poursuit son expansion dans l’informatique offshore, notamment avec des clients français, comme Areva ou la Société générale. INFORMATIONS PRATIQUES QUELQUES SSII LOCALES Sources : mission économique française Sources : mission économique française, Board of Investment Mauritius, Le Mauricien Sources : mission économique française, Nasscom, Reuters et Wired POINTS FORTS Main d’œuvre à bas coût ; informaticiens très qualifiés ; démarche qualité et maîtrise des process industriels (de nombreuses SSII sont certifiées SEI-CMM). Business Information Systems, Crinsoft, Romsys, Siveco, Societate de Inginerie Sisteme (SIS). QUELQUES SSII LOCALES À PARTICIPATION FRANÇAISE Akela Informatique, Algoritma, Est-West Informatique, Kepler Prodimpex, Softwin. VISION GÉNÉRALE Souvent appelée “l’Inde européenne”, la Une loi de 2002 exempte les sociétés de développement informatique de l’impôt sur les salaires. A noter existence d’une association nationale des sociétés de logiciel, l’Anis (www.anis.ro). Comme sa voisine Bulgare, la Roumanie devrait entrer dans l’Union Européenne en 2007. A la clé, des simplifications administratives (notamment pour le travail de Français sur place). N° 1040 • 1er octobre 2004 • LE MONDE INFORMATIQUE 29 | Externalisation DOSSIER Pratique Les méthodes industrielles appelées à la rescousse Les projets réalisés en Inde, au Brésil ou en Russie imposent des contraintes variées, géographiques et culturelles en premier lieu. Pour les surmonter, les sociétés de services informatiques s’inspirent des méthodes de l’industrie. i les projets offshore promettent des réductions de coût, ils obligent les SSII et leurs clients à posséder une méthodologie sans faille. Faute de quoi, les économies de budget prévues se transformeront en pertes sèches. Car les contraintes sont nombreuses: travail à distance, décalage horaire et déplacements, différences culturelles et linguistiques. Sous l’impulsion de l’offshore, l’organisation et la méthodologie des projets de services informatiques se calquent sur les procédures nées dans l’industrie. Le mode forfait recueille les faveurs des principaux acteurs de l’offshore. Hubert Tardieu, un des inventeurs de la méthode Merise, en charge du conseil et de l’intégration chez Atos Origin, l’affirme: “L’offshore requiert des forfaits.” Corollaire du travail au forfait, la phase d’analyse doit être mieux documentée et plus précise. En général, “l’expression des besoins et les spécifications fonctionnelles se font sur site. En offshore, on effectue le développement et les tests unitaires”,précise Prakash Chellam, directeur commercial pour la France d’Infosys, une des plus grosses SSII indiennes (près de 27 000 employés). L’estimation des charges constitue la première difficulté de ce type de projet : comment s’accorder entre client, SSII et S Organisation d’un projet offshore Entreprise utilisatrice SSII Centre offshore Chef de projet DSI Source : LMI Expression des besoins Connaissance fonctionnelle et technique Evaluation des charges Etat d'avancement Chef de projet Concepteurs Spécifications fonctionnelles Analyse des besoins Documentation détaillée L’offshore se caractérise par un pilotage bicéphale du projet. Le succès repose sur la qualité du dialogue entre les deux chefs de projet. développeurs offshore ? La recherche de ce consensus passe par “des bases objectives d’évaluation, répond Hubert Tardieu. D’ailleurs, les grands clients demandent à Atos Origin des standards de réalisation pour les développements”. L’intégrateur français Linedata procède de façon similaire. Mondher Merai, directeur de la filiale de Tunis, parle “d’estimations basées sur des étalons, chaque écran développé selon un langage donné possédant un temps de référence”. Chez Infosys, “on met en œuvre des processus industrialisés,précise Prakash Chellam”. De la conception au développement, la coordination entre les équipes distantes représente un obstacle majeur. Et la barrière linguistique ne favorise pas la communication. “L’offshore induit un changement dans les méthodes de travail, note Prakash Chellam. Avec des origines différentes et l’anglais comme langue de travail, les documentations très détaillées, l’écriture et la formalisation de chaque point donnent une impression de lourdeur au départ.” Différences culturelles Le suivi d’un projet implique de nombreuses réunions. En avion, il faut 8 h 45 min pour parcourir les 7 000 kilomètres qui séparent Paris de Mumbai, en Inde. A la distance se greffe le décalage horaire. De ce fait, les équipes off- LE MONDE INFORMATIQUE • N° 1040 • 1er octobre 2004 MARC DI ROSA façon tacite. En offshore, tout doit être formalisé. Valtech a mis en place une cellule de traduction et un glossaire métier pour restituer avec précision des références françaises. Les points à risques du projet étant travaillés en tête à tête avec le chef de projet indien. On procède selon un mode itératif. A l’issue de chaque itération (toutes les quatre à six semaines), je me rends en Inde pendant deux semaines. On déploie une application dont on fait la démonstration au client grâce à un outil de travail collaboratif. Puis je reste sur place pour lancer l’itération suivante. “La hiérarchie est plus marquée qu’en France” DR DR Je travaille sur un gros projet d’ingénierie pour un client français. Le projet, une application réalisée de bout en bout, a mobilisé jusqu’à 55 développeurs de notre centre de Bangalore en Inde. La différence de culture entre Occident et Orient est un des principaux pièges de l’offshore. Ainsi, la notion d’engagement est perçue différemment. Dans la culture indienne, chacun va faire le maximum, sans toujours communiquer sur les problèmes rencontrés. Un autre piège réside dans l’existence d’informations implicites, que des équipes homogènes partagent de shore ne manquent-elles pas de réactivité ? Un argument réfuté par les SSII. Hubert Tardieu estime ainsi que “c’est d’abord une question de discipline”. Même avec une méthodologie affûtée, il faut gommer une difficulté intrinsèque de l’offshore : les différences culturelles. “Mon rôle est d’établir des processus suffisamment génériques pour être acceptés par tout le monde”, explique Hubert Tardieu. L’industrialisation des projets occulte cependant le point essentiel, selon le consultant Alain Lefebvre: “La qualité des gens et de leurs relations. Dans la méthodologie, cet aspect va être délicat à prendre en compte car il n’est pas quantifiable.” ● AVIS D’UN DÉVELOPPEUR “L’implicite doit être formalisé” 30 Développeurs Ecriture du code Tests unitaires Circuit de décision AVIS D’UN CHEF DE PROJET François Cotte, responsable des projets offshore pour la SSII Valtech Connaissance fonctionnelle et technique Evaluation des charges Etat d'avancement Tarik Chaghrouchni, ingénieur en informatique au Crédit du Maroc (groupe Crédit Lyonnais) et diplômé d’une école d’ingénieurs française A 90 %, un ingénieur travaillant au Maroc garde les conditions de travail “à la française”. Les réunions se font en français et les documents de travail sont écrits dans la même langue. En outre, les salaires des ingénieurs marocains sont parmi les plus élevés pour les cadres du pays. Par exemple, un ingénieur diplômé au Maroc touchera de 800 à 900 euros net par mois, un ingénieur issu d’une école française 1 200 euros net. Nous travaillons 39 heures par semaine environ et nous avons 27 jours de vacances par an. Par rapport à la France, on observe bien sûr quelques spécificités. Des différences culturelles. D’une part, on tient compte du ramadan. Ainsi, le mois prochain, pendant cette période, nous travaillerons en journées continues. Sur le plan de l’organisation, la hiérarchie est plus marquée qu’en France. On n’y tutoie pas son supérieur. Au Maroc, les SSII offrent moins d’avantages sociaux que les entreprises qui emploient en fixe. D’autre part, l’état d’esprit marocain consiste à rechercher plutôt la stabilité que l’aventure. www.weblmi.com Emploi Lesinformaticiens peu informés sur l’ampleur du mouvement Les chiffres avancés par les observateurs sur les pertes d’emplois dues aux délocalisations sont alarmistes. Mais au sein des entreprises, les informaticiens ont pour l’instant du mal à appréhender cette menace diffuse. ntre inquiétude, colère et résignation, les informaticiens restent partagés face à l’accroissement des pôles de développement informatiques de certains éditeurs et SSII dans les pays à faibles coûts de main d’œuvre et aux dernières études concernant l’impact sur l’emploi du phénomène offshore. Dernière en date, celle de Forrester Research annonçant la perte de plus d’un million d’emplois pour l’Europe d’ici à 2015. Une menace diffuse, que les salariés des SSII ont encore plus de mal à appréhender dans leurs entreprises respectives. Lesquelles, pour la plupart, ne veulent d’ailleurs rien dévoiler de la part de leur chiffre d’affaires attribuée à l’offshore. “Tout le monde parle du phénomène comme d’un couperet prêt à tomber, mais chez EDS, la seule information dont les collaborateurs disposent, c’est l’existence d’un centre en Inde, sans savoir quelles peuvent en être les incidences sur l’emploi”, explique Jean-Louis Viatgé, délégué syndical central CFDT. Pour Hervé Payan, directeur commercial, une distinction s’impose. “Sur le plan mondial, l’offshore représente environ 5% de notre chiffre d’affaires. Mais en France, c’est tout à fait négligeable”, estime-t-il. Pas de mesure statistique Chez Capgemini, on n’en sait guère plus. Mais il semble que depuis les prises de position radicales de son directeur général Paul Hermelin (lequel estimait, en 2003, que le marché des ser- www.weblmi.com DR E Ivan Béraud, secrétaire général du Bétor-Pub CFDT : “Le problème, c’est le manque total de visibilité sur les contrats directement négociés par des entreprises françaises en Inde.” vices informatiques connaîtrait un scénario de délocalisation comparable à celui de l’industrie textile), la fièvre soit bel et bien retombée. Même si “l’offshore est toujours brandi comme une menace dans le discours managérial pour mettre la pression sur les collaborateurs”, convient également François David, délégué CFDT et secrétaire adjoint du CEE. “Mais on entend aujourd’hui un discours beaucoup plus modéré sur le sujet, la réflexion portant davantage sur la délocalisation de centres de ser vices en province. Et même ce mouvement connaît un net ralentissement”, ajoute-t-il. Le Betor-Pub CFDT ne conteste d’ailleurs pas l’estimation du Syntec concernant le poids des prestations offshore (environ 1,5 %) dans l’Hexagone. “Cela correspond à ce qu’on peut voir, la France étant de toute façon beaucoup plus impliquée dans le développement à façon”, confirme son secrétaire général Ivan Béraud, pour qui la polémique est en train de retomber, faute de signaux réellement inquiétants (à l’exception, toutefois, des centres d’appels). Impossible, quoi qu’il en soit, de disposer d’informations fiables sur le sujet. “On peut mesurer l’activité française délocalisée en Inde. Le problème, souligne Ivan Béraud, c’est le manque total de visibilité sur les contrats directement négociés par des entreprises françaises sur place. Nous avons une vraie difficulté de mesure statistique sur l’ensemble des activités offshore.” Ce manque de données préoccupe d’ailleurs aussi la Fédération nationale des sociétés d’études CGT, qui va lancer une étude sur le sujet, dont les résultats sont attendus pour février 2005. Pour marginal qu’il soit, le phénomène amène tout de même les partenaires sociaux à s’interroger sur l’avenir des métiers informatiques. “Nous sommes peut-être à l’aube d’une mutation profonde du secteur, et donc, d’un marché de l’emploi qui privilégiera le conseil et l’intégration au détriment du développement, plus facilement délocalisable”, conclut Ivan Béraud. ● GRAND ÉCART ENTRE RAFFARIN II ET III a position des politiques L français en matière de délocalisation laisse perplexe, alors même qu’ils sont parfois dans le même camp, voire dans un gouvernement dirigé par le même Premier ministre. Ainsi, en mars dernier, au cours d’un voyage en Inde, Nicole Fontaine, alors ministre de l’Industrie du gouvernement Raffarin II, s’est fait l’avocate de “la délocalisation positive”, c’est-à-dire des collaborations fructueuses entre les entreprises hexagonales et du sous-continent. Notamment dans les secteurs des technologies de l’information. La ministre avait même précisé que l’objectif du gouvernement était d’aider à la mise en place de tels partenariats pour préserver la compétitivité des SSII françaises. Or le 23 septembre, Jean-Pierre Raffarin, encore Premier ministre, a déclaré à nos confrères du Wall Street Journal qu’il fallait “empêcher les entreprises de délocaliser sauvagement leurs emplois à l’étranger sur la base de considérations opportunistes et de court terme. Certaines se mettent à faire du chantage, en menaçant de délocaliser si leurs salariés n’acceptent pas certaines conditions.” HÉLÈNE TRUFFAUT N° 1040 • 1er octobre 2004 • LE MONDE INFORMATIQUE 31