Madame la Préfète du Cher, Messieurs les Députés
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Madame la Préfète du Cher, Messieurs les Députés
Audience de rentrée CA de Bourges 12 janvier 2017 Discours de Dominique Decomble, premier président Madame la Préfète du Cher, Messieurs les Députés, M. le représentant du Conseil Régional, M. le représentant du Président du Conseil Départemental, Monsieur représentant du Maire de Bourges, Monsieur le Président de la Section d'entraide des membres de la Légion d' Honneur du Cher, Monsieur le Président du Tribunal administratif d' Orléans, Messieurs les Directeurs intergégionaux de la Police judiciaire de Dijon et d' Orléans, Messieurs les représentants des Commandants des Régions de Gendarmerie du Centre et de Bourgogne, Monsieur le représentant du Délégué militaire départemental et Monsieur le Colonel commandant de la Base de défense d'Avord, Madame et Messieurs les responsables de la Police et de Gendarmerie du Cher, de l' Indre et de la Nièvre, Mesdames et Messieurs les représentants du Défenseur des droits, des Finances publiques, de l'Université et de la Faculté de droit de Bourges, de la Santé, de l'Administration pénitentiaire et des autres services de l'Etat, Mesdames et Messieurs les Chefs des juridictions, Magistrats et fonctionnaires de la Cour et des juridictions du ressort, Mesdames les Bâtonniers, Mesdames et Messieurs les Avocats, Messieurs les Présidents de la Chambre interdépartementale des Huissiers, et de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes, de la Compagnie régionale des Experts judiciaires, de l' Association des Conciliateurs Monseigneur l'Archevêque de Bourges, Mesdames, Messieurs les représentants des chambres consulaires, du monde économique, associatif et de la presse, Mesdames et Messieurs, Au nom de la cour je vous remercie d'avoir répondu très nombreux à notre invitation et vous adresse pour la nouvelle année qui commence, nos vœux les plus chaleureux pour vous mêmes et tous ceux qui vous sont chers, ainsi que pour les services que vous représentez. Notre pays est placé, maintenant depuis plus d'un an, sous le régime juridique de l'« état d'urgence » pour faire face à des attaques visant notre mode de vie en société. Les menaces restent bien réelles comme l'actualité de 2016 l'a démontré notamment à Nice et à Berlin. C'est pour nous un devoir de nous d'avoir une pensée pour les victimes de la barbarie qui nous atteint, leurs familles mais aussi, pour tous les responsables et acteurs de la sécurité publique de nos concitoyens qui risquent parfois leur vie pour nous prémunir contre d'éventuelles attaques. C'est donc dans ce contexte nouveau et particulièrement exigeant que nous tous, au sein de cette cour d'appel, nous assumons la mission qui nous est confié de rendre la justice au nom du peuple français et dont, conformément aux prescriptions du code de l'organisation judiciaire, nous vous rendrons compte dans quelques instants. Auparavant, nous commençons cette audience par l'installation dans ses nouvelles fonctions d'un nouveau membre de cette cour en la personne de Madame Marie-Pierre VIRET nommée substitut général chargé du secrétariat général du parquet général. Je désigne Madame JACQUEMET, pour aller chercher notre nouvelle collègue. Madame Le Procureur général, voulez-vous magistrat de votre parquet général. désigner un Madame le Procureur général, vous avez la parole. Madame la Directrice de greffe, voulez-vous donner lecture des décret de nomination de Madame VIRET. ************ Madame VIRET, nous connaissons le dynamisme et la conscience professionnelle qui vous caractérisent et nous vous félicitons pour votre promotion amplement méritée. Nous apprécions d'autant plus votre arrivée de ce côté-ci de nos bâtiments où vos compétences seront particulièrement précieuses pour l'accomplissement de votre missions de « secrétaire général » qui sont symétriques à celles de Madame JACQUEMET qui assume les siennes depuis une année. Ces missions sont en effet parfois transversales et communes entre le siège et le parquet, puisque la direction de nos juridictions est « dyarchique ». Ce mode de fonctionnement particulièrement atypique requiert en effet de ceux qui en ont la charge, une ouverture d'esprit et des dispositions personnelles certaines au dialogue franc et loyal. Avec tous les magistrats du siège, je me réjouis de notre collaboration et vous souhaite pleine réussite dans vos nouvelles fonctions. – Je vous invite à rejoindre votre place au siège du parquet général. ********* Activité et avenir de la cour d'appel Montesquieu nous avait prévenu en indiquant que lorsque « La justice élève sa voix, elle a peine à se faire entendre dans le tumulte des passions » ! Force est de constater que cette année 2016 a été marquée, audelà des réformes législatives sur lesquelles je reviendrai plus tard, par plusieurs événements intéressant directement la conception que notre pays se fait de l'institution judiciaire. A l'occasion du Colloque sur la place de l'autorité judiciaire dans nos institutions, l'on s'est interrogé notamment sur le point de savoir si la justice judiciaire française devait disposer des mêmes garanties statutaires que celles dont disposent ses homologues européennes. Cette réflexion est d'autant plus importante voire essentielle, car chaque jour ou presque, des événements judiciaires illustrent les difficultés de notre positionnement dans l'architecture constitutionnelle. Il suffit de se souvenir des questionnements suscités dernièrement par la décision de la juridiction qu'est la Cour de Justice de la République et, quelques jours plus tard, par l'exercice du droit de grâce, prérogative du président de la République, effaçant une condamnation judiciaire... Ces deux décisions renvoient aux responsables politiques, l'obligation d'expliquer sinon de clarifier les modes d'exercice de la justice dans ce pays. En effet, les « passions » que Montesquieu avait déjà décelées, sont toujours à l'œuvre ! Et il n'est pas supportable au XXI ° siècle, d'entendre dire que notre justice « serait héritée de la monarchie » ou pire, que La Fontaine aurait toujours raison puisque « Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous seront blanc ou noir »... Ces discours participent en effet du travail de sape des fondements de l'autorité judiciaire dont nous sommes les dépositaires. Sans ouvrir plus largement ici le débat de la place de notre justice au sein des institutions républicaines, l'on ne peut cependant laisser se développer sans réagir des attaques ou des interprétations qui, à la longue, favoriseraient la mise en cause directe de l'indépendance de l'institution judiciaire. Aussi, est-il nécessaire de rappeler les fondements de cette indépendance et des règles qui la garantissent en toutes circonstances. Comment en effet ne pas s'inquiéter, en tournant notre regard vers la Turquie, aux limites de l'Europe, de voir un pouvoir par ailleurs démocratiquement élu et qui plus est, représenté par un juge à la Cour de Strasbourg, anéantir les fonctions de très nombreux magistrats, procureurs et juges, et procéder à leur encontre par des « purges » qui renvoient aux heures sombres de notre propre histoire judiciaire... La société actuelle est en outre soumise aux coups de boutoir amplifiés par les « réseaux sociaux », moyens de communication manipulables à merci... quand ce n'est pas délibérément par la « cyberguerre ».... En cette année d'élections politiques cruciales pour notre pays, souhaitons que l'esprit public conserve de la hauteur et mette au cœur du débat national le respect loyal et authentique de l'équilibre de tous les pouvoirs sans lequel il n'existe pas de démocratie. Précisément, la prise de position publique, à deux reprises ces derniers mois et « en urgence absolue », des plus hauts responsables de notre institution, le premier président de la cour de cassation et le procureur près cette juridiction, révèle l'impérieuse obligation de s'assurer en toutes circonstances, de la réalité des garanties institutionnelles de l'indépendance de la justice dans notre pays. ********** L'avenir de la cour d'appel de Bourges Dans notre ressort, il est une autre préoccupation qui resurgit... C'est la lancinante question de la vie, sinon de la « survie », de notre cour ! Beaucoup d'eau est passée sous les ponts depuis les premières menaces que contenait la réforme de 2008. Le mauvais présage paraissait s'être éloigné jusqu'à la réforme des régions administratives qui a confirmé la volonté politique de « rationaliser » les services publics dans les territoires. Je ne pensais pas rouvrir ce dossier, mais à lire certains rapports officiels, après la réalisation de la réforme de la carte des cours d'appel des juridictions financières et administratives, le dernier bastion qui résisterait encore est celui des cours d'appel judiciaires ! Il nous est ainsi expliqué que le découpage territorial judiciaire n'est aujourd'hui plus « soutenable » et qu'est venu le temps de le redéfinir... Or, l'on peut s'interroger sur les prémisses d'une telle refonte en regardant de plus près une réforme qui vient d'être décidée et dessinée avec la loi dite « J21 » du 18 novembre 2016 : celle de la réorganisation de la gestion du contentieux « social ». En effet, cette loi prévoit « le transfert définitif, au 1° janvier 2019, du contentieux des tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS), des tribunaux du contentieux de l’incapacité (TCI), et d’une partie des commissions départementales d’aide sociale (CDAS) vers les futurs « pôles sociaux » des tribunaux de grande instance spécialement désignés ». L'objectif recherché est double : - il s'agit de mettre fin à la particularité de ces juridictions, présidées par des magistrats judiciaires relevant du ministère de la justice, mais dont le secrétariat est assuré par des agents issus des organismes de sécurité sociale et du ministère des affaires sociales et de la santé. -et d'autre part, l'intégration de la juridiction sociale au sein de la juridiction de droit commun et le regroupement du contentieux social doivent constituer un levier d’amélioration du service public avec notamment la réduction des délais de jugement, l’uniformisation des procédures et l’amélioration du pilotage de ces contentieux. Ainsi, la Circulaire du 2 janvier dernier décrit en détail le phasage sur 2 ans de la préparation de cette réforme . Des moyens financiers exceptionnels sont d'ailleurs dégagés pour atteindre l'objectif impératif d'un an d'ancienneté des affaires en instance, quand il est parfois dans certaines juridictions sinistrées de deux, voire trois ans...ce qui n'est pas le cas dans ce ressort rassurez-vous ! Mais d'autre part, le Législateur a décidé de restructurer le traitement en appel de ces contentieux qui sera confié à quelques cours déterminées suivant un distribution territoriale originale qui n'est pas calquée sur les 12 nouvelles régions administratives, mais s'en rapproche puisqu'en définitive, sur les 36 cours d'appel, seulement 18 cours sont désignées pour traiter les recours. Nous concernant, le contentieux en appel des « pôles sociaux » des tribunaux de grande instance du ressort ne sera donc plus assuré par la cour de Bourges mais sera divisé entre d'un côté celui des départements de l'Indre et du Cher, qui rejoindra la cour d'appel d' Orléans, et d'autre part, les affaires jugées à Nevers seront rejugées par la cour d'appel de Dijon. Cette circulaire ouvre une période de préparation avec la création dès à présent, de « comités locaux » au sein de chaque Tribunal de grande instance, réunissant les représentants des services judiciaires et des administrations des affaires sociales. Ils ont pour mission de mesurer sur chaque site les moyens humains comme matériels, voire immobiliers, nécessaires pour assurer l'effectivité de la réforme dans le délai fixé. Auprès de chacune des 18 nouvelles juridictions d'appel qui viennent d'être désignées, un « comité de synthèse » des comités locaux est aussi constitué. Celui d'Orléans se réunira le 2 février...et celui de Dijon le 1° mars... Comment une réorganisation si lourde et déployée à marche forcée sur l'ensemble du territoire, serait-elle remise en cause ou abandonnée dans quelques mois ? Il semble difficile de ne pas se demander si ce scénario, en forme de préfiguration d'une décision politique à venir, n'annoncerait pas, à mots couverts, le prochain « redécoupage » territorial des cours d'appel... Depuis longtemps, des prémisses de cette réforme ont été repérés, mais aujourd'hui, les facteurs juridiques et politiques nécessaires semblent pouvoir être réunis, s'il existe une volonté politique forte, pour accélérer le processus .... L'enjeu est donc de taille pour les citoyens des ressorts concernés, et en premier lieu pour les professionnels du droit qu'ils soient fonctionnaires comme les magistrats et greffiers, mais aussi bien évidemment pour les auxiliaires de justice, au premier rang desquels les avocats. La réflexion sur les implications d'une telle réforme devra donc être entreprise sans pour autant ralentir les efforts de rapprochement de nos services du justiciable comme au moyen des CDAD, et l'amélioration de l'accueil dans les juridictions, avec le déploiement des « SAUJ ». Efforts qui sont chaque jour plus évidents pour répondre à la demande d'une « justice de proximité » adaptée aux particularités de notre région. Les nouvelles réformes … Cette année 2016 a vu fleurir de nombreuses réformes législatives et notamment celles qui sont issues du colloque de janvier 2014 sur la « Justice du XXI° siècle », avec en particulier la « loi J21 » que je viens d' évoquer. Madame le Procureur général a parlé des aspects pénaux de la réforme, aussi, je ne reviendrai en cette matière que sur la réforme du « JLD », pour évoquer ensuite deux autres domaines : l'indépendance et l'impartialité des juges, qu'il soient magistrats professionnels ou non professionnels et « le divorce sans juge ». a) La réforme des fonctions de « JLD » ( juge des libertés et de la détention) Après l'affaire dite d' Outreau, la réforme attendue, était celle de la juridiction en charge du placement en détention provisoire. Votée en 2007, une loi qui apportait une réponse à cette demande, n'a jamais pu être mise en application et le Parlement vient de l'abandonner définitivement . C'est donc la loi du 8 août 2016 qui entrera en application le 1° septembre prochain, qui a retenu la formation d'un juge unique, le « JLD », qui a des pouvoirs très importants. Ce magistrat a en effet, une mission double puisqu'il est le juge des atteintes à la liberté d'aller et de venir, qu'elles soient d'origine civile, comme en matière de soins sans consentement ou de rétention administrative des étrangers en situation irrégulière, ou qu'elles aient un aspect pénal, avec la détention provisoire. Pour garantir de façon exceptionnelle l'indépendance de ce magistrat du siège, non seulement à l'égard des parties, et du parquet, mais aussi, de sa hiérarchie directe représentée par le président de la juridiction, le statut prévoit que le magistrat « JLD » est un vice-président spécialement nommé à cette fonction par décret pour une durée de 10 ans, comme c'est le cas pour les autres fonctions spécialisées comme les juges des enfants ou les juges de l'application des peines. La lourdeur de la charge du « JLD » et notamment la potentielle sollicitation jusqu'à 7 jours sur 7 et 24h/24 dans des circonstances exceptionnelles, a été évaluée dans les juridictions. Elle nécessite au minimum deux magistrats pour assurer un relais. Or, la définition de ces nouvelles fonctions ne se traduira pas chez nous, par la création mais par la transformation de postes déjà existants, ce qui équivaut en pratique à une réduction des moyens humains des Tribunaux de grande instance. Il faut en effet prévoir que le titulaire de la charge de JLD devra assurer d'autres services ou du moins qu'il devra être secondé dans certaines situations. C'est donc une dérogation au statut qu'il faudra mettre en œuvre, et vraisemblablement recourir à la participation à tour de rôle, d' autres collègues, comme c'est déjà le cas actuellement,ces participations étant incontournables dans les faits. Les réflexions dont nous feront part au cours de leurs audiences de rentrée les présidents des Tribunaux de grande instance du ressort seront intéressantes sur leur vision de cette réforme structurelle qui paraît très compliquée à mettre en oeuvre. b) les garanties d'indépendance et d'impartialité des juges, qu'il soient magistrats professionnels, juges consulaires ou conseillers prud'homaux La question de l'indépendance et de l'impartialité de la justice a constitué un fil conducteur des débats sur la Justice du XXI° siècle. Comme toute autre activité publique, elle est soumise à l'exigence toujours plus vive de la « transparence de la vie publique ». Une notion centrale de la problématique est notamment celle du « conflit d'intérêts » dont les illustrations défraient régulièrement la chronique médiatique et judiciaire des personnes chargées d'un mandat politique. C'est aujourd'hui dans le souci de « responsabiliser les juges » que la même exigence a donc été logiquement étendue aux juges de l'ordre judiciaire. Ainsi, s'agissant des magistrats professionnels, la loi affirme que « Les magistrats veillent à prévenir ou à faire cesser immédiatement les situations de conflit d'intérêts. « Constitue un conflit d'intérêts toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés, qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif d'une fonction ». Aussi, elle prévoit que « Dans les deux mois qui suivent l'installation dans leurs fonctions, les magistrats remettent une déclaration exhaustive, exacte et sincère de leurs intérêts ». En outre, certains magistrats et notamment les chefs de juridictions devront faire une « déclaration de patrimoine » au début de leurs fonctions. Par ailleurs, les personnes participant occasionnellement au service de la justice doivent dorénavant se soumettre à diverses contraintes inspirées par le même souci de « transparence ». Ainsi, pour les juges des tribunaux de commerce, qui sont par nature immergés dans monde des affaires, la confrontation de ces magistrats occasionnels aux risques de conflits d'intérêts est fréquente. Elle constituait d'ailleurs, l'une des raisons de la mise en cause de cette juridiction d'exception, jusqu'à la décision du Conseil constitutionnel du 4 mai 2012 qui a confirmé le statut de cette juridiction dans sa forme actuelle, excluant toute modification comme par exemple celle de l'échevinage qui avait été envisagé. C'est dans ce contexte que la loi « J21 » vient de poser des conditions nouvelles permettant de garantir l'indépendance des juges consulaires. Ainsi, à côté de l'obligation de formation continue, la loi fixe certaines règles comme la limite d'âge à 75 ans pour l'exercice d'un mandat et à 4 le maximum de mandats consécutifs dans le même tribunal. Mais surtout, la loi affirme que « Les juges des tribunaux de commerce exercent leurs fonctions en toute indépendance, dignité, impartialité, intégrité et probité et se comportent de façon à prévenir tout doute légitime à cet égard » . Elle détermine enfin dans les mêmes termes que pour les magistrats professionnels, l'obligation de la déclaration d'intérêts dans les deux mois qui suivent l'élection du juge consulaire. Par ailleurs, la procédure et le régime disciplinaire sont modifiés par l'introduction de la possibilité de la saisine directe par un justiciable de la Commission nationale de discipline, sous réserve de dispositif de filtrage pour éviter les tentatives d'intimidation. Il est également prévu que le Garde des sceaux ou le premier président d'une cour d'appel, peut délivrer un avertissement en dehors de toute procédure disciplinaire ou saisir la Commission nationale de discipline. Enfin la mise en place d'un recueil de déontologie est prévue. Ces mesures prises concernant les juges des tribunaux de commerce sont similaires à celles que la loi du 6 août 2015, dite « Loi Macron » a instauré pour les juges prud'homaux et dont le décret d'application vient d'être publié le 28 décembre dernier. Ainsi, dès le 1° février prochain, le nouveau dispositif disciplinaire sera opérationnel et une Commission nationale de discipline sera mise en place. Il n'est pas inutile de souligner que le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle le conseiller prud'homme mis en cause siège, peut proposer au président de la Commission nationale de discipline de suspendre un conseiller prud'homme, pour une durée qui ne peut excéder six mois, lorsqu'il existe contre l'intéressé des faits de nature à entraîner une sanction disciplinaire. Tous ces dispositifs nouveaux ont en définitive pour vocation de renforcer les mesures de contrôle des conditions d'exercice de l'activité judiciaire et au-delà, de doter les juridictions des moyens institutionnels leur permettant de relever le défi qui consiste à restaurer la confiance des français dans leur système judiciaire. – « le nouveau divorce sans juge » Une autre réforme mérite d'être rappelée, celle qui aboutit au « divorce sans juge » Faut-il le rappeler, elle était initialement présentée comme un moyen de « recentrer le juge sur ses missions essentielles »... En réalité, cette réforme instaurée par la loi « J21 » va surtout dans le sens de l'évolution de notre société et d'ailleurs, l'argument selon lequel elle aurait « porté atteinte à l'ordre public du droit de la famille » a été rejeté par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 17 novembre 2016. Si elle épouse donc les mœurs du temps présent, la loi nouvelle n'en est pas moins « révolutionnaire » a-t-on pu écrire, puisqu'en somme, c'est ici la volonté des époux qui « fait le divorce » sans intervention du juge, ni d'une quelconque autorité publique. Ce mode de divorce se rapproche donc de « la rupture par déclaration conjointe » qui est prévue en matière de PACS. Ainsi la « déjudiciarisation » du droit de la dissolution du mariage est inscrite dans notre droit. Et ce n'est pas, en qualité de gestionnaire des faibles moyens humains et financiers de nos juridictions, que je vais le regretter... Par contre, il me semble important de souligner les incidences plus discrètes mais non moins réelles qui en découlent et que les praticiens ont immédiatement mis en évidence. Il s'agit du nouveau rôle dévolu à l'avocat d'une part, mais aussi du « retour du juge » dans certaines circonstances. Je n'évoquerai pas le rôle du notaire qui n'a qu'à enregistrer l'acte, sans disposer, ni revendiquer d'ailleurs, aucun contrôle sur son contenu... Ce que l'on a décrit comme l'« éviction du juge » suppose que la volonté des époux sur le principe du divorce et surtout sur ses conséquences, est certain, le double accord n'étant plus soumis à aucun contrôle d'un tiers, comme le faisait le «jugegendarme ». Aussi, pour éviter des dérives, la loi a exclu la pratique de l'avocat commun et exige désormais que chacun des époux soit assisté de son propre avocat pour l'établissement de la convention de divorce. Cette convention est un « acte d'avocat » contresigné par chacun des avocats. Il s'agit de la manifestation la plus symbolique de cette nouvelle catégorie d'acte juridique introduite récemment dans notre droit qui officialise très fortement la responsabilité de l'avocat à l'égard de son client. Il lui revient en effet non seulement de vérifier la réalité du consentement du client, mais surtout de le conseiller dans l'élaboration de la convention, accord qui pourrait s'avérer fragile ou inadapté, ou au pire préjudiciable à l'un ou l'autre, voire aux deux époux... N'étant plus garantie par l'« homologation judiciaire » cette convention pourra donc être contestée par les époux en cas d'absence ou de vice du consentement, mais aussi par des tiers des créanciers qui s'estimeraient lésés...... Aussi certains redoutent déjà la survenance d'un nouveau contentieux ou bien le recours à d'autres modes de divorce qui sont nécessairement « judiciaires »...ce qui reviendrait à nier l'objectif recherché ! En l'état, une seule hypothèse de contrôle par le juge de l'accord des époux a été prévue par le Législateur. C'est l'hypothèse où un enfant mineur demanderait à être entendu. Le « retour du juge » est en effet considéré comme une garantie exigée par la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE). Il est ainsi expressément exigé des époux qu'ils attestent, dans la convention contresignée par leurs avocats, qu'ils ont bien informé leur enfant mineur de son droit à être entendu par le juge. Cette mention doit être portée à peine de nullité de la convention, ce que le notaire devra sans doute vérifier …Mais reste posée la question de la vérification de ce que les enfants ont été bien et loyalement informés, en dehors de toute manipulation...?? En somme, si la loi ouvre désormais un nouveau mode de « divorce sans juge », la pratique dira si, à l'exemple des dissolutions des PACS, de nouveaux contentieux judiciaires ne seront pas générés... qui seraient alors vraisemblablement beaucoup plus conflictuels ... La réforme de la cour de cassation.... Il y a un an, j'évoquais les réflexions internes à notre institution sur une réforme des voies de recours de l'appel et du pourvoi en cassation. Les procédures de « filtrage » des pourvois en cassation mises en place restant insatisfaisantes, la réflexion avançait notamment sur une proposition inspirée du système allemand qui confie aux cours d'appel elles-même l’examen de la recevabilité du recours, décision elle même soumise à recours.... Mais, outre sa complexité et son éloignement de la tradition française, cette procédure serait en pratique ingérable au sein de juridictions de la taille de notre cour d'appel …. Mais, en attendant de réformer les procédures de « filtrages » , la loi « J21 » du 18 novembre 2016 vient, alors même que le projet de loi initial ne l'abordait pas, au moyen d'un amendement « subreptice », de modifier la cour de cassation elle même ! Le but recherché est de donner à la juridiction suprême « la liberté de choisir les pourvois dignes d'intérêt et de refuser d'examiner les autres », lui permettant ainsi de mieux assurer son rôle de cour régulatrice de la jurisprudence. Ainsi, a été introduit la possibilité pour la cour de solliciter « l'amicus curiae », c'est à dire « toute personne dont la compétence ou les connaissances sont de nature à l'éclairer utilement sur la solution à donner à un litige, à produire des observations d'ordre général sur les points qu'elle détermine ». Cette procédure est le symétrique de celle qui existe déjà devant le Conseil d' Etat. Elle est en outre complétée par une nouvelle définition de la mission du parquet général près la cour de cassation. En effet, le Procureur général se voit confier la mission de « rendre des avis dans l'intérêt de la loi et du bien commun. Il éclaire la cour sur la portée de la décision à intervenir ». L'intervention du parquet général n'est donc plus limitée à la vision légaliste du problème posé mais elle peut désormais porter sur l'évolution sociétale. L'ancien Procureur général NADAL avait parlé de «fenêtre sur l'extérieur »... Avec l' « amicus curiae », la cour de cassation dispose donc désormais d'outils au service de son ambition de devenir une véritable « cour suprême » en mesure de rendre des décisions de portée très générale. Par ailleurs, la cour de cassation peut désormais trancher les litiges au fond sans se référer aux conditions strictes qui étaient exigées jusque là. Elle peut en effet casser la décision des juges du fond et elle-même « en matière civile comme en matière pénale, statuer au fond lorsque l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie » ( art L 411-3 al 2 du COJ) ou « lorsque les faits tels qu'ils ont été souverainement constatés et appréciés par les juges du fond, lui permettent d'appliquer la règle de droit appropriée » ( art L 411-3 al 3 su COJ). L'alignement sur la procédure devant le Conseil d'Etat est très clair. Mais, à la différence de la cour de cassation, le « juge suprême » de l'ordre administratif a toujours été « juge du fait » et le dossier de procédure qui lui est transmis est entier à la différence de la procédure de cassation. Désormais, les deux juridictions sont dotées des mêmes pouvoirs afin « de ne pas prolonger inutilement le litige et d'y mettre fin dans les cas où le renvoi à la juridiction dont la décision est cassée ne se justifie pas ». Cette réforme répond par ailleurs aux critiques venant de la Cour de Strasbourg qui reprochait à la cour de cassation de ne pas juger les affaires elle-même... L'activité de cette cour en 2016... S'agissant des chiffres d'activité figurant sur la plaquette qui vous est remise, je me limiterai à quelques commentaires pour constater que nous conservons des délais de traitement des affaires qui sont très corrects par comparaison avec les cours d'appel de taille comparable. S'agissant des stocks d' affaires en attente de décision, celui de la chambre sociale qui augmentait depuis deux ans, enregistre cette année une diminution de 18 % ( de 626 fin 2015 à 509 fin 2016). Ce résultat provient notamment d'une diminution significative de 15% des affaires nouvelles (595 en 2015 à 500 en 2016). Certes, cette diminution peut n'être que conjoncturelle et pourrait s'expliquer en partie par l'entrée en vigueur de la nouvelle procédure d'appel par voie numérisée le 1° août dernier... Mais ce résultat provient surtout de l'augmentation des affaires terminées cette année : 621 affaires pour seulement 529 en 2015, soit une augmentation de 14% qui nécessite quelques précisions. Depuis plusieurs années, nous avons mis en place des dispositifs reposant sur la bonne intelligence entre les avocats du ressort et nos services, pour garantir à la fois le respect du contradictoire et une meilleure fluidité des affaires en proscrivant les trop nombreux renvois souvent dilatoires. Force est de constater que la « convention de procédure » est restée souvent ignorée ou du moins sans les effets recherchés.... Face à la dérive de l'augmentation des demandes de renvois, la chambre a du revenir à la pratique que l'on voulait éviter qui est celle de la radiation des affaires du rôle qui sont le plus souvent réinscrites pour être jugées. Le taux de ces radiations qui atteint plus de 21% des affaires fixées, constitue donc un allègement des stocks qui n'est qu'un trompe-l'œil !. Mais depuis le 1° août dernier, la donne a changé puisque la loi a étendu à la procédure devant la chambre sociale la procédure avec représentation obligatoire, et introduit la mise en état par voie dématérialisée. Cette innovation constitue un changement important dans la pratique de avocats et du Greffe par l'instauration de délais contraints pour l'échange des conclusions entre les parties et l'application de la sanction couperet qu'est la caducité en cas de non respect des délais. Cependant, un frein important à l'efficacité optimale attendue de la nouvelle mise en état des affaires tient à ce qu'elle ne s'impose qu'entre avocats du ressort de la cour mais ne peut pas être étendue aux avocats de l'extérieur de la cour... qui sont pourtant nombreux à venir plaider à Bourges. Aussi, l'enregistrement de tous les avocats de France sur nos réseaux numérisés est très attendue. Les choses avancent certes, mais encore bien trop lentement alors que le «tout numérique » est déjà largement répandu dans quasiment tous les secteurs de la société... En matière pénale, comme Madame le Procureur général vient de le démontrer, la charge des cours d'Assises reste lourde. Il convient de souligner que comme les années passées, l'engagement professionnel des conseillers Jean-Michel Pignoux et Patrice Bresciani auxquels s'est joint Olivier Guiraud pour assurer la présidence de toutes les affaires, ce qui a permis d'éviter des renvois et l'allongement des délais d'audiencement des affaires. Pour rester sur ce chapitre de l'activité pénale, je rejoins les observations de Madame le Procureur général sur les dysfonctionnements de ce qu'un « grand quotidien du soir » a décrit sous le titre « transfert des détenus : autopsie d'une réforme mal menée ». Le constat est catastrophique au plan national et le président du Tribunal de grande instance de Châteauroux avait dès octobre dernier, alerté publiquement les autorités. Son message est d'ailleurs repris l'article. Cette situation est un élément extérieur à nos services qui, audelà des pertes de temps innombrables pour « organiser dans certaines l'inorganisable », risque d'être la cause situations de remises en liberté de personnes avant leur jugement. Aussi, les mesures préconisées par l'inspection interministérielle ( Justice et Intérieur) sont d'autant plus urgentes à mettre en œuvre car il est évident que nous ne pouvons assumer la responsabilité des conséquences fâcheuses de ce qui est parfaitement décrit comme la chronique d'une catastrophe sinon annoncée du moins prévisible... ! *************** D'une manière générale, pour assumer nos missions, l' effectif des magistrats du siège de la cour est resté complet pendant toute cette année 2016 et le restera en 2017, sauf quelques semaines entre mon prochain départ à la fin de ce mois, et l'installation de mon successeur... ! Mais la cour dispose depuis cette fin d'année 2016 de nouveaux moyens humains. En effet, contre toute attente, le Ministre de la Justice a doté l'ensemble des cours d'appel de crédits nous permettant de recruter de nouveaux agents qui sont les juristes assistants et les chefs de cabinet. Ainsi, trois « juristes assistantes » viennent d'être recrutées par notre cour et deux d'entre elles sont déjà à l'œuvre auprès des magistrats de la chambre civile et de la chambre sociale en particulier, ce qui constitue un renfort très appréciable. De son côté, la « cheffe de cabinet » dont les missions sont communes entre la première présidence et le parquet général, prendra ses fonctions dans quelques jours. Je saisis l'occasion pour renouveler mes souhaits de bienvenue et de pleine réussite dans leurs nouvelles fonctions à nos quatre nouvelles collaboratrices. Les fonctionnaires du Greffe de la cour ont assuré leurs missions avec un déficit d'effectif de près de 10% et je tiens à saluer leur dévouement au travail quotidien dans la discrétion mais marqué par une efficacité sans faille alors qu'ils doivent en outre s'adapter aux modifications dans l'organisation des services ou les modes de travail apportées par l'évolution des procédures, des techniques ou des façons de travailler des magistrats ! De son côté, fidèle à sa réputation d'excellence qui s'est maintenue alors que les titulaires ont été pratiquement tous renouvelés cette année, la qualité du travail du « SAR »(Service d'administration régionale) nous a permis de faire face aux difficultés de gestion des déficits en ressources humaines avec les greffiers placés qui sont envoyés en mission dans les services ou en déployant des moyens financiers qui permettent de recruter le personnel temporaire contractuel sans lequel nos services seraient sinistrés. Ainsi, la cour a pu disposer cette année 2016 de 5 ETP ( équivalent temps plein), ce qui a permis de déployer 61 mois de renforts contractuels qui ont été répartis principalement au Tribunal de grande instance de Bourges pour 15 mois et au Tribunal de grande instance de Nevers pour 23 mois. Cette gestion sûre et fiable du budget qui nous est alloué est la marque de notre service. Elle nous a permis d'engager la réorganisation des services d'accueil des justiciables dans les juridiction avec le déploiement du « SAUJ » ( « Service d'Accueil Unique du Justiciable ») qui commence par celui du Tribunal de grande instance de Bourges qui sera inauguré dans quelques jours. Un autre domaine a pris cette année une nouvelle envergure avec le recrutement d'un « technicien immobilier » en la personne de Madame Drodde dont le temps de travail est partagé avec la cour d'appel d'Orléans. Sa formation d'architecte est très largement sollicitée l'étude préalable de projets immobiliers comme notamment celui du palais de Châteauroux ou les aménagements nécessaires pour rendre accessibles aux « PMR » les locaux de ce site, ou aménager le futur local d'accueil du Tribunal de grande instance de Nevers.... C'est donc avec plaisir que je tiens une nouvelle fois à féliciter tout le personnel du service dirigé par notre DDARJ ! Vie des juridictions en 2016... Parmi les magistrats du siège du ressort l'on compte à ce jour cinq postes vacants dans le ressort: - trois postes au Tribunal de grande instance de Bourges : un juge des enfants, le juge l'application des peines et le 3° juge d'instruction. – un poste de juge au Tribunal d'instance de Châteauroux, – un poste de vice président au Tribunal d' instance de Nevers. La cour qui dispose de trois juges placés les délégue en renfort dans les juridictions : deux sont affectés au Tribunal de grande instance de Bourges pour assurer les fonctions de juge de l'application des peines et de juge des enfants. Le troisième, a pour mission d'aider le Tribunal de grande instance de Nevers en particulier pour remettre le service du TASS de la Nièvre en état pour respecter les objectifs de la réforme que je viens d' évoquer. Je ne m'appesantirai pas sur l'activité de chacune des juridictions qui sera déclinée à l'occasion de leurs audiences de rentrée dans les prochains jours, mais je retiendrai quelques faits significatifs : - Au Tribunal de grande instance de Bourges, c'est le départ du président Ollivier Joulin promu dès la fin mars pour présider le Tribunal de grande instance de Rennes. Il n'a été remplacé qu'en septembre par le président Yannick Gressot. Pendant l'intérim, la charge de travail du président a du être répartie entre les magistrats et je tiens à souligner qu'un renfort a même été donné à cette juridiction par deux conseillers de la cour, Madame Jacquemet et Monsieur Perinetti. A Châteauroux, l'activité s'est maintenue à un très bon niveau et les réorganisations se sont poursuivies pour une meilleure efficacité du service. Le déficit d'affaires nécessitant la réunion de la cour d'assises dans l'Indre permet d'ailleurs aux magistrats d'assurer leurs fonctions principales dans les meilleures conditions possibles. Par contre, la préoccupation des occupants du Palais a été toute cette année de préparer l'arrivée dans les locaux désormais partagés, du service du Conseil des prud'hommes. La réflexion a été longue et laborieuse, voire par moments tendue avec certains membre de la juridiction ainsi déplacée. Aujourd'hui, grâce à la bonne volonté et à l'effort de chacun mais aussi grâce à l'apport important de notre nouvelle technicienne de l'immobilier, Madame Drodde, les opérations matérielles du déménagement ont pu être menées à bien dans les délais fixés. Certes des aménagements ont été nécessaires et restent à réaliser pour améliorer les conditions de l'accueil des justiciables, et c'est le chantier déjà engagé qui s'ouvre aujourd'hui et occupera les mois qui viennent afin de mettre en place le « SAUJ » dans les conditions optimales avant la fin de cette année. A Nevers, le début de l'année a été très impacté par l'organisation du procès de M Van Nierop qui a été qualifié de « procès sensible » et qui a permis de réaliser des aménagements mobiliers très significatifs. Ce procès très bien anticipé de longue date avec méthode et sérieux, a été très bien conduit et c'est à l'honneur de la juridiction dans son ensemble ! D'ailleurs, le succès remarquable de l'opération « Portes ouvertes » du CDAD de la Nièvre qui a eu lieu en automne dans le palais de justice peut être considéré comme un écho très favorable de l'image de la justice qui a été donnée par toute la juridiction au cours de cette année. L'année 2017 s'ouvre avec l'anticipation de la mise en place du « SAUJ » qui nécessite au-delà du choix des personnels compétents et efficaces pour cette mission délicate, la réalisation de certains aménagements immobiliers. Forte de la réussite des opérations du procès qui a marqué l'année 2016, je ne doute pas que le Tribunal de grande instance de Nevers relèvera ce nouveau défi avec la même compétence et le même désir de bien faire. Puisque j'évoque les aménagements des sites judiciaires, il n'est pas inutile de souligner la difficulté que nous rencontrons pour mettre en œuvre dans chacun des lieux accueillant du public, les préconisations pourtant impératives du plan « Vigipirate renforcé ». Il faut bien admettre que les moyens financiers dont nous disposons, bien qu'ils soient abondés dans le cadre des « crédits PLAT » ( Plan de Lutte Anti-Terrosisme) ne permettent pas de garantir la parfaite sécurisation de certains sites qui ne sont pas gardés. Néanmoins, des dispositifs sont mis en place pour pallier au maximum ces carences et devraient garantir une sécurisation minimale pour permettre le fonctionnement le plus serein possible des services. La suppression de la juridiction de proximité... Le fonctionnement des juridictions de première instance va être très sérieusement affecté par la suppression de la juridiction de proximité dont l'entrée en vigueur initialement prévue pour le 1° janvier dernier, a été reportée au 1° juillet prochain. En effet, les juges de proximité dont la dénomination est remplacée par celle « Magistrat à titre temporaire » auront des fonctions d'assesseur au Tribunal de grande instance et participeront à la marge aux services du Tribunal d'instance puisque celui des affaires civiles qu'il traitaient exclusivement, sera transféré aux juges d'instance dont les effectifs restent inchangés. Certes, les nouveaux « MTT » siègeront dans les formations collégiales du Tribunal de grande instance et devraient ainsi dispenser les juges d'instance de venir participer aux services du Tribunal de grande instance. Cependant, à ce jour, nous enregistrons une désaffection manifeste des anciens juges de proximité pour les nouvelles fonctions qui leur sont proposées. Si l'objectif de la réforme est également d'intégrer les magistrats professionnels à la retraite dans ces services actifs, il nous appartient de les convaincre à poursuivre leurs activités dans ce nouveau cadre statutaire... Nos relations avec les Barreaux,les Experts et les étudiants. Cette année 2016 nous a permis d'établir des relations fructueuses avec les nouvelles Bâtonnières qui atteignent la moitié de leur mandat.... Les échanges entre les barreaux et les juridictions de première instance ont été marqués en particulier par la réforme de la postulation qui l'étend désormais à l'ensemble du ressort de la cour. J'espère que les travaux en cours de finalisation permettront très prochainement la signature de la Convention qui règle les modalités de cette nouvelle façon de procéder de façon plus harmonieuse devant les trois tribunaux de grande instance. De son côté, la Compagnie des Experts judiciaires, sous l'impulsion de son président M. Yves Chausset, a renoué en juin dernier avec la tradition, interrompue quelques années, dela rencontre enrichissante pour la connaissance mutuelle et l'échange direct des experts avec les magistrats du Tribunal de grande instance de Bourges et de la cour. Cette pratique est à poursuivre. Par ailleurs, avec le concours de l'expert en informatique Monsieur Gaultier, la Compagnie a organisé plusieurs sessions de formation destinées à la fois aux experts mais aussi aux avocats, magistrats et greffiers du ressort pour se familiariser avec la dématérialisation des expertises judiciaires. La cour se félicite d'avoir contribué en mettant nos installations informatiques à la disposition de cette action. Grâce à cet investissement, elle se trouve dans le peloton de tête des cours d'appel engagées dans l'expérimentation de cette pratique innovante qui doit être généralisée dans les prochaines années. D'ailleurs, les services du Ministère doivent nous proposer de nouveaux développements que nous sommes prêts à mettre en œuvre dans cet esprit très constructif qui nous caractérise. Les relations de la cour avec la Faculté de Droit de Bourges, antenne de l' Université d' Orléans, se sont enracinées avec le deuxième événement-phare qu'est le Concours d'éloquence qui permet aux étudiants de découvrir l'exercice des métiers judiciaires en s'y plongeant avec le concours de plaidoiries mais aussi avec des stages chez des avocats ou dans nos services. Nous remercions aussi tout spécialement la Direction de la Faculté de droit pour l'accueil de réunions de travail dans ses locaux comme lundi dernier pour un colloque sur les tutelles qui a rassemblé un public très nombreux dans de bien meilleures conditions que dans nos salles d'audience.... ************** Avant de conclure..., et puisque c'est la dernière fois que je m'exprime publiquement devant vous, permettez-moi de vous livrer quelques réflexions personnelles sur l'exercice de mes fonctions que je quitte. D'une façon générale, comme je l'évoquais au début de mon propos, je tiens à souligner que le contexte dans lequel magistrats et fonctionnaires de justice, nous devons remplir nos missions, s'est compliqué par un environnement marqué par le développement de l'individualisme et par la violence des réactions, tant en paroles qu'en actes, des personnes qui comparaissent devant les juridictions. Le respect de l'autorité n'est plus évident dans l'esprit de nombre de nos concitoyens ! Aussi, comment rechercher la vérité, une vérité socialement acceptable, certes pas divine, d'une affaire à l'ère de la prolifération du « post-factuel » et de la « post-vérité »... Les remparts de la République que constituaient la déférence à l'égard de l'enseignant, puis du policier ou gendarme, et enfin du juge, sont bien rabaissés. La question de l'adaptation de nos modes de fonctionnements judiciaires aux évolutions sociales est cependant permanente et au cœur de nos préoccupations. Elle nous incite à développer toujours plus les meilleures conditions d'accueil du justiciable et à favoriser la compréhension de nos procédures comme de nos décisions qui doivent être rédigées dans un style simple et accessible. Mais pour atteindre ces objectifs ambitieux, alors que nos charges qui restent lourdes, nos moyens sont très limités. Monsieur Urvoas a lui-même déclaré en juin dernier que la justice était « en voie de clochardisation » ! Cette expression provocatrice par certains égards, correspond cependant exactement au vécu dans nos services confrontés aux difficultés récurrentes pour se doter des fournitures de base... De même, ce n'est plus un secret, nous ne payons plus en temps normal nos fournisseurs ou les auxiliaires de justice comme les experts par exemple … La situation nous dit-on s'améliore car le Gouvernement a pris en considération la situation dramatique de notre Ministère... et force la main de « Berçy » pour débloquer des fonds... mais en contrepartie, nous devons montrer nos capacités à dépenser utilement et à poursuivre nos efforts de rationalisation et d'économies... car la gestion de notre ministère est dans le viseur de Berçy et dans celui de la Cour des Comptes qui souhaitent confier cette gestion à des administrateurs civils... au risque de dénaturer à titre symbolique l'indépendance de la justice qui repose notamment sur l'autonomie de sa gestion confiée jusqu'à présent aux magistrats eux-mêmes. C'est là un défi majeur lancé à notre institution ! Ma deuxième réflexion a trait plus particulièrement aux ressources humaines. En l'état, nos missions se sont considérablement alourdies depuis ces dernières années et les juridictions ont du les assumer avec moins de personnel, les départs à la retraite n'étant pas toujours compensés et certains personnels ne disposant plus des compétences nécessaires pour assurer avec la qualité et l'efficacité attendues des services en perpétuelle rénovation. La « GRH » tant celle des magistrats que celle des fonctionnaires, est donc devenu une préoccupation permanente des responsables des services, et il nous est demandé d'apporter une attention toute particulière aux situations de « RPS » ( risques psycho-sociaux) qui n'étaient pas imaginables il y a quelques années à peine, dans notre administration. Ne voyez pas là un message de Cassandre ou de présages de mauvaise augure, mais seulement des raisons d'alerte et de vigilance pour assurer et garantir l'avenir de la belle et solide institution que j'ai eu l'honneur de servir sur le terrain, et que je continuerai encore de servir ... dans des sphères plus parisiennes... La Cour : – Déclare Madame Marie-Pierre VIRET installée dans ses fonctions de Substitut chargé du Secrétariat général du parquet général de cette cour , – Déclare close l'année judiciaire 2016 et ouverte l'année judiciaire de 2017, Donne acte à Madame le Procureur général de ses réquisitions, – Dit que du tout il sera dressé procès-verbal pour être joint aux actes importants de cette juridiction. Avant de lever l'audience, je tiens à remercier publiquement toutes celles et ceux qui, pendant ces 7 années, m'ont accueilli et accompagné dans l'exercice passionnant de mes responsabilités de chef de cour et bien sûr en premier lieu les Procureurs généraux successifs et plus particulièrement Madame le Procureur général, chère Jeanne-Marie, avec qui j'ai partagé avec bonheur la co-direction de cette cour pendant 4 ans. Je vous souhaite enfin à chacun des magistrats comme les fonctionnaires de la cour, des Tribunaux de grande instance, d'instance, des Tribunaux de Commerce et des Conseil des prud'hommes de poursuivre dans la sérénité l'accomplissement de nos éminentes fonctions, au service de la paix et de la modération des relations sociales dans cette belle cour d'appel qui a démontré l'utilité de son implantation locale et dont nous pouvons être particulièrement fiers ! Il est temps de nous retrouver dans le Salon d'honneur pour poursuivre nos échanges dans un moment de convivialité. –L'audience solennelle est levée. *******************