MODELISATION CLIMATIQUE ET ENVIRONNEMENT
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MODELISATION CLIMATIQUE ET ENVIRONNEMENT
MODELISATION CLIMATIQUE ET ENVIRONNEMENT Serge PLANTON Météo-France, Centre National de Recherches Météorologiques, Toulouse Introduction I. Caractérisation du climat méditerranéen 1. Les éléments du système climatique 2. Les sources de données 3. Définition du climat méditerranéen II. La variabilité du climat méditerranéen 1. Variabilité observée . Le cycle saisonnier B. La variabilité interannuelle C. La variabilité interdécennale 2. Quelques hypothèses sur l’origine de la variabilité . L’ENSO B. La mousson indienne III. Climat méditerranéen et changement climatique 1. La modélisation climatique 2. L’effet de serre et ses conséquences Conclusion Références index 1.0 INTRODUCTION Le climat résulte de la superposition des types de temps caractéristiques d’une région plus ou moins étendue suivant que l’on considère les climats zonaux, généraux ou régionaux. Le premier type de climat concerne une bande de latitude et dépend principalement de l’inclinaison du rayonnement solaire au sommet de l’atmosphère. Etymologiquement, le terme climat signifie d’ailleurs « inclinaison ». Il y a deux à trois types de climats généraux par bandes de latitudes, tandis que les climats régionaux couvrent des domaines atteignant plusieurs millions de kilomètres carrés de superficie. Le climat méditerranéen appartient à cette dernière catégorie. Il présente des particularités sous régionales et locales sur lesquelles nous n’insisterons pas ici. Pour plus de détails sur ces particularités, le lecteur pourra se référer aux articles publiés par Mohammed Kadi et par Manuel de Castro à l’occasion d’une école d’été du CNES sur « Les climats subtropicaux et leur évolution » (1992). Après une partie introductive sur les éléments du système climatique et les sources de données, nous commencerons par caractériser le climat méditerranéen en nous appuyant sur des méthodes courantes de classifications. Puis nous compléterons cette présentation en analysant sa variabilité à différentes échelles de temps, et nous intéresserons à quelques mécanismes climatiques pouvant être à l’origine de cette variabilité. Nous terminerons par une présentation de quelques résultats de modélisation de l’évolution climatique de la région au cours des prochaines décennies. index 1.0 introduction 1.2 1. Caractérisation du climat méditerranéen 1. 1 Les éléments du système climatique Aux échelles de temps climatiques, il est indispensable de prendre en compte les interactions entre l’atmosphère et les autres éléments du système climatique que sont la mer et l’océan, la biosphère (ensemble des êtres vivants), la neige ou la glace et la lithosphère (partie solide de la croûte terrestre). A chaque élément du système climatique, sont associées des échelles de temps caractéristiques des processus physiques ou dynamiques qu’il fait intervenir. Par exemple, une éruption volcanique injecte des gaz soufrés dans l’atmosphère, puis ces gaz s’oxydent et se condensent en fines gouttelettes d’acide sulfurique. Ces aérosols interceptent le rayonnement du soleil et donc refroidissent la basse atmosphère. Il faut environ une semaine pour que cette partie de l’atmosphère retrouve un équilibre. Dans la partie haute de l’atmosphère (stratosphère), ces aérosols sont transportés par les vents et il faut souvent plus d’un an pour qu’ils se répartissent entre les deux hémisphères terrestres. L’effet de refroidissement se fera alors sentir sur une large partie de la planète jusqu'à 2 ans après l’éruption. Cet exemple n’est pas choisi au hasard, car il sera illustré par la suite lorsque nous étudierons la variabilité interannuelle du climat méditerranéen. L’océan Atlantique et la mer Méditerranée sont des composantes lentes du système climatique méditerranéen. Ils agissent sur le climat notamment par le biais de l’évaporation, de l’échange de chaleur ou de gaz carbonique, avec des échelles de temps allant de quelques jours à plusieurs saisons. Nous illustrerons plus loin le rôle de la mer Méditerranée sur le cycle saisonnier. Mais l’influence de l’atmosphère sur l’océan peut quant à elle se faire sentir sur des périodes encore plus longues. On peut en particulier citer le rôle du Mistral et de la Tramontane qui peuvent conduire en hiver, du fait du refroidissement lié à une forte évaporation, à la formation d’eau profonde dans le golfe du Lion: les eaux de surface refroidies deviennent plus denses et plongent jusqu'à des profondeurs atteignant parfois le fond de l’océan. Compte tenu de la faiblesse des courants en profondeur, il peut falloir plusieurs centaines d’années pour que ces eaux eviennent à la surface. La végétation joue aussi un rôle climatique aux échelles de temps journalières à pluriannuelles, du fait des échanges de chaleur, d’eau et de gaz carbonique avec l’atmosphère. En particulier, la région méditerranéenne était à l’époque romaine couverte d’importantes forêts. L’importance de cette végétation sur la détermination du climat de la région est un sujet de recherche très actuel. Concernant la lithosphère, il faut mentionner le rôle particulier que joue le relief environnant le bassin méditerranéen sur son climat saisonnier comme nous aurons l’occasion d’y revenir. Le premier des facteurs externes au système climatique ayant une importance majeure est bien sûr le rayonnement solaire. Mais, nous savons depuis de nombreuses années que l’homme peut avoir une influence sur le climat à l’échelle locale. Il n’est que de constater que les températures dans les villes sont en moyenne plus élevées de quelques degrés par rapport à celles des campagnes environnantes. Mais récemment, la communauté scientifique regroupée au sein du « Groupe Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat » (GIEC), a suggéré que l’homme pourrait aussi avoir été à l’origine d’une modification du climat global (IPCC, 1995). Nous illustrerons cette question dans la dernière partie, en présentant quelques scénarios d’évolution du climat méditerranéen en liaison avec l’augmentation de la concentration des gaz à effet de serre. introduction 1.2 1.1 1.3 1. 2 Les sources de données Sur la période récente, les premières sources de données sont les données historiques d’observation du réseau météorologique de surface et d’altitude. Les premières observations régulières datent de la deuxième moitié du XIXième siècle. Ces séries ont permis la constitution de climatologies qui sont des moyennes sur des périodes longues des paramètres climatiques classiques. Pour les précipitations et la température de l’air en surface, on peut en particulier citer l’une des plus récentes qui est la climatologie de Legates et Willmott (1990) qui fait une moyenne sur la période 1920 - 1980. Ces séries ont permis la réalisation d’un rapport sur le climat de l’Europe à l’initiative de l’«European Climate Support Network» (ECSN, 1995). Ce rapport couvre la plus large partie du bassin Méditerranéen. Les données d’observations sont utilisées pour définir les états initiaux des modèles de prévision météorologique. Cette opération s’appelle l’analyse des données. Le modèle de prévision apporte une information complémentaire en estimant les valeurs des paramètres météorologiques même dans les régions où on ne dispose pas d’observations à une date déterminée. C’est la raison pour laquelle les résultats de ces analyses permettent de constituer de nouveaux ensembles de données climatologiques plus complets. Cependant, pour s’affranchir des fréquentes modifications des systèmes opérationnels de prévision du temps, les principaux centres de prévision mondiaux ont du retraiter les années écoulées au moyen du système le plus à jour (on parle de ré-analyse). Le «National Centers for Environmental Prediction» (NCEP) aux USA l’a fait pour une période de 40 ans, et l’ «Centre Européen de Prévision à Moyen Terme» (Reading, Grande-Bretagne) l’a réalisé sur la période 1979 -1993. Depuis le début des années 60, les satellites météorologiques stationnaires ou défilants mesurent le rayonnement au sommet de l’atmosphère dans différentes bandes de fréquences. Le traitement de ces données permet de reconstituer des séries observées de quelques paramètres météorologiques dont la température de l’air en surface et les précipitations. La climatologie de précipitations de Xie et Arkin (1996) portant sur la période 1979 - 1996 combine à la fois des données conventionnelles, au dessus des continents principalement, des données de la ré-analyse du NCEP, et des données d’origine satellitale qui complètent la quasi absence de données au-dessus des océans. Une comparaison de ces différentes sources de données met en relief les importantes incertitudes qui portent sur les précipitations. Même si toutes les climatologies s’accordent pour indiquer des pluies annuelles inférieures au mètre sur la Méditerranée et son pourtour, à l’exception de quelques régions de relief élevé (Arc alpin, région des Balkans, ...), les écarts au dessus des océans atteignent souvent les 50% Une moindre partie de ces écarts s’explique par les différences de périodes de référence utilisées pour les statistiques. Il faut noter l’effet de lissage introduit par la résolution des données reproduites ici, chaque valeur tracée représentant un domaine d’environ 250km de côté. Certains maxima locaux de précipitations peuvent de ce fait ne pas apparaître (pied du Rif occidental en particulier). 1.1 1.3 1.2 2.0 1. 3 Définition du climat méditerranéen Le climat méditerranéen se caractérise par des hivers doux et humides, des printemps et automnes souvent humides et des étés secs. Au delà de ces indications qualitatives, certains éléments quantitatifs peuvent être utilisés pour mieux le définir. Les climatologues ont coutume d’utiliser des classifications des climats établies à partir d’indicateurs souvent relatifs au temps sensible (température, précipitations, humidité, ensoleillement, ...). Le choix d’une classification des climats, dont le climat méditerranéen peut être extrait, dépend avant tout de l’usage que l’on veut en faire. Les bioclimatologues sont en particulier intéressés à définir le climat d’une région continentale en fonction des types de végétation que l’on peut y rencontrer. Dans le cas du climat méditerranéen, certains ont ainsi proposé de le définir comme celui des régions où pousse l’olivier. De plus grande portée, bien qu’elle même orientée vers les applications bioclimatiques, la classification de Köppen (1936) est l’une de celles qui est le plus utilisée. Elle ne repose que sur des statistiques mensuelles de température en surface et de précipitations. Selon cette classification, le climat méditerranéen se définit par les deux conditions suivantes : ❍ La température du mois d’hiver le plus froid est comprise entre -3° et 18° ❍ Le mois le plus sec de l’été a une pluviométrie inférieure au tiers de celle du mois d’hiver le plus pluvieux Lorsqu’on applique ces critères à des données climatologiques, on constate que le climat de type méditerranéen n’est pas limité au seul pourtour de la mer Méditerranée. On le retrouve dans d’autres régions du globe situées généralement entre 30° et 40°N. C’est le cas de l’ouest de la Californie, du Chili central, de l’extrême sud de l’Afrique ou encore de l’extrême sud australien. Il apparaît ainsi comme un climat de transition entre les deux grands climats généraux que sont le climat tempéré d’une part et les climats désertiques ou tropicaux d’autre part. L’excédent d’énergie solaire reçu par les régions intertropicales est transporté par la circulation méridienne à la fois dans les océans et dans l’atmosphère. L’une des principales caractéristiques de la circulation méridienne atmosphérique de l’hémisphère nord est la cellule de Hadley (l’hémisphère sud comporte aussi une cellule de Hadley plus marquée au cours de l’hiver). Il s’agit d’une circulation moyenne zonale qui présente une branche ascendante près de l’équateur, au-dessus de la zone de convergence intertropicale qui est le siège d’une importante activité orageuse. C’est la chaleur libérée par la condensation de la vapeur d’eau qui est le moteur de cette ascendance. L’air est transporté vers le nord dans la haute atmosphère et redescend au-dessus des régions subtropicales qui sont de ce fait des régions plus sèches et parfois de climat désertique. La Méditerranée se situe à la bordure nord de cette région de subsidence (affaissement de la masse d’air). Plus au nord, se situent les régions tempérées marquées par la présence de vents d’ouest très forts en altitude (jet d’ouest) à l’origine du développement de perturbations atmosphériques qui circulent d’ouest en est. En hiver, certaines perturbations atteignent la région méditerranéenne et contribue à maintenir la douceur et l’humidité de la période hivernale. 1.2 2.0 1.3 B 2. La variabilité du climat méditerranéen 2.1 Variabilité observée A. Le cycle saisonnier Du fait de la double influence des circulations au nord et au sud, le cycle saisonnier du climat méditerranéen se calque sur le balancement de la circulation générale. Les perturbations d’origine atlantique qui atteignent la Méditerranée en hiver représentent environ le tiers de l’ensemble des systèmes perturbés qui concernent la région. Ces perturbations sont en partie réactivées à leur passage au dessus de la mer plus chaude en moyenne que l’air, facteur qui favorise l’évaporation. Les deux autres tiers des perturbations sont d’origine locale et leur développement est ici favorisé par le contraste thermique entre l’air plus au nord et l’air relativement doux situé au dessus de la mer. Les hauts reliefs des Balkans accentuent ce contraste thermique expliquant une plus forte cyclogénèse (naissance des perturbations) au dessus de l’Adriatique, tout comme le relief des Alpes entraîne une plus forte cyclogénèse dans le golfe de Gênes . Les températures d’hiver sont douces, et le nombre de jours de gel est peu élevé excepté en bordure de la zone de climat tempéré. L’été est marqué par une extension des hautes pressions subtropicales (anticyclone des Açores) au dessus du domaine méditerranéen. Ici aussi l’océan joue un rôle, du fait des températures plus fraîches à la surface de l’eau par rapport aux régions continentales avoisinantes. Il s’ensuit un renforcement de la pression et donc des conditions de sécheresse estivale. Ce sont aussi ces hautes pressions qui expliquent la présence des « étésiens », ces vents de nord-est qui soufflent dans la partie orientale du bassin. Les températures d’été sont souvent très élevées avec des maxima mensuels pouvant dépasser 40°. Le caractère chaud et sec est l’une des principales caractéristiques du climat méditerranéen. Il faut cependant noter que la durée de la période de sécheresse est très variable localement car si elle est limitée aux mois d’été à Perpignan ou à Rome, elle s’étend sur une moitié du printemps et de l’automne a Athènes, Beyrouth ou Marrakech. A C B La variabilité interannuelle La tendance générale est conforme à celle que l’on a observée pour la température globale, à savoir un léger réchauffement sur la période (allant au delà de l’année 92). Les années 91 et 92 font ici exception car elle marquent une rupture dans cette tendance générale. A l’échelle globale, le refroidissement relatif aussi constaté ces années-là a pu être attribué à une conséquence de l’éruption volcanique du Mont Pinatubo (Philippines). Il est donc probable que le refroidissement constaté soit au moins en partie consécutif à la dispersion des aérosols volcaniques par la circulation générale dans la stratosphère. Il est plus délicat de déceler une tendance sur la courbe correspondante des précipitations cumulées car la variabilité interannuelle est importante. Une fois sur deux, la variabilité d’une année à l’autre est en effet voisine de 10%. Il faut apprécier cette variabilité à l’échelle du domaine considéré. Localement, la variabilité peut être bien entendu beaucoup plus forte. On a ainsi par exemple observé 223mm de pluies à Jérusalem en 1946 et plus d’un mètre en 1992. Cette variabilité n’est cependant pas exceptionnelle si on la compare à celle d’autres régions de la planète comme les régions de relief élevé ou celles qui sont concernées par le déplacement saisonnier de la zone de convergence intertropicale. Sur la même période, la variabilité interannuelle des précipitations sur l’ensemble de l’Europe est du même ordre de grandeur. A C B 2.2 C La variabilité interdécennale Les différences de température entre la période 1981-1990 et la période 1951-1980, figurant dans le rapport de l’ECSN, mettent en évidence un léger réchauffement de la partie occidentale du bassin méditerranéen et un léger refroidissement de la partie orientale. Le réchauffement présente deux maxima locaux centrés sur le nord de l’Espagne et le sud tunisien de l’ordre de un demi degré en moyenne annuelle. Ce réchauffement est plus important au cours de l’été et de l’automne. Le refroidissement oriental est centré sur la Turquie où il atteint une valeur de l’ordre de trois dixièmes de degrés. C’est en automne et en hiver qu’il est le plus marqué bien qu’il apparaisse en toute saison. Au titre de comparaison, sur l’ensemble du globe, on a constaté un réchauffement de l’ordre de 1 à 2 dixièmes de degrés entre les deux périodes. Les différences de précipitations entre les mêmes périodes suivant la même source, font apparaître une diminution sur l’ensemble du bassin à l’exception de la Tunisie et de l’extrême nord de l’Algérie (les données au sud de 32°N ne sont pas prise en compte dans le rapport de l’ECSN). Les extrema locaux de la réduction des précipitations se situent en hiver près du détroit de Gibraltar, dans le Golfe de Gêne, à l’ouest de la Grèce et au sud de la Turquie. Une étude particulière menée sur les données de précipitations en Espagne a révélé que la période de référence choisie (1951-1980) incluait la période de 15 ans la plus pluvieuse depuis environ 100 ans. Au moins pour cette région, l’assèchement constaté doit donc être relativisé. Cette même étude révèle aussi d’autres périodes aussi sèches que la période récente, notamment entre 1867 et 1875. Il faut donc en conclure que les précipitations varient significativement à toutes les échelles de temps. B 2.2 2.1.C B 2.2 Quelques hypothèses sur l'origine de la variabilité A L'ENSO Le sigle ENSO signifie« El Niño - Southern Oscillation ». Le terme « El Niño » s’applique à une anomalie (écart à la normale, c’est-à-dire à la moyenne des observations) de température de surface de la mer dans le Pacifique est et central, près de l’équateur. L’oscillation australe (« Southern Oscillation ») est une bascule de pression équatoriale entre le Pacifique ouest et le Pacifique central : la pression est normalement plus élevée dans le Pacifique central que dans le Pacifique ouest, mais cette différence s’inverse certaines années. L’anomalie océanique et l’anomalie atmosphérique se produisent simultanément faisant de l’ENSO un phénomène qui couple l’océan et l ‘atmosphère. Il se produit tous les 2 à 10 ans sans réelle régularité et dure de 6 mois à un an avec un maximum d’intensité au cours de l’hiver. Outre les variations de pression en surface, les principales caractéristiques de la composante atmosphérique de l’ENSO sont une réduction des vents alizés (vents d’est) au dessus du Pacifique et un déplacement vers le Pacifique central de la zone de fortes pluies normalement située au dessus de l’Indonésie. Des anomalies climatiques, «transportées » par la circulation atmosphérique, peuvent aussi affecter d’autres régions tropicales ou des latitudes moyennes. Il est donc légitime de se poser la question d'un lien possible entre l’ENSO et la région méditerranéenne. Les études statistiques conduites par deux chercheurs américains, Halpert et Ropelewski, ne révèlent cependant aucun lien statistiquement significatif entre l’ENSO et des anomalies climatiques dans cette partie du monde. Cela ne signifie pas qu’il n’y ait absolument aucune influence entre la circulation atmosphérique au-dessus du Pacifique et celle de la région méditerranéenne. Cela signifie simplement que ce lien est trop faible ou trop variable d’un événement à un autre pour apparaître dans les statistiques. Par contre, les mêmes auteurs (1992) ont mis en évidence une relation statistique entre les événements de type «La Niña» et les températures de fin d’hiver et de début du printemps au dessus de la Méditerranée occidentale. En terme d’anomalies, un événement « La Niña » est exactement l’opposé d’un événement «El Niño», et se traduit donc par des températures de surface océanique plus froides que la normale dans le Pacifique équatorial est et central. Il s’agit toutefois d’un événement moins fréquent que ne l’est « El Niño », avec un intervalle entre deux événements consécutifs compris entre 0 et 15 ans sur le dernier siècle. L’étude statistique révèle que les températures au dessus du domaine méditerranéen, à l’ouest de 20°E, sont généralement plus froides que la normale entre les mois de février et de mai suivant un événement «La Niña». A 3.0 B La mousson indienne Récemment, deux scientifiques britanniques, Rodwell et Hoskins (1996), ont suggéré un mécanisme liant la mousson indienne et l’assèchement estival de la région méditerranéenne. Selon ces auteurs, la subsidence au dessus de la Méditerranée orientale, pourraient être induite par les modifications de circulation atmosphériques pilotées par une ascendance au dessus de l’Inde. Or une subsidence limite le développement de l’activité orageuse et pourrait donc expliquer l’assèchement que connaît le bassin méditerranéen en été. Il s’agirait d’un mécanisme complexe faisant aussi jouer un rôle au relief (en l’occurrence celui de l’Atlas) qui contribuerait à déterminer le centre de la zone de subsidence. Toujours selon ces auteurs, la subsidence pourrait aussi être amplifiée par un mécanisme analogue au mécanisme de désertification de Charney. Charney a, en 1976, publié un article dans lequel il proposait une hypothèse explicative à la sécheresse subie par la région du Sahel. Le postulat de base est qu’une réduction de la couverture végétale entraîne une augmentation de la part du rayonnement solaire réfléchie par la surface du sol (albédo). Il s’ensuit un refroidissement de la basse atmosphère qui entraîne une subsidence, une réduction des pluies et donc ... de la végétation. Il s’agit donc d’un mécanisme à rétroaction positive qui aurait pu expliqué la désertification de la région sur une période de plusieurs années. Ce mécanisme a été par la suite abondamment discuté et en partie remis en cause. Il ne reste pas moins envisageable qu’il intervienne au dessus de la Méditerranée en association avec le mécanisme évoqué plus haut, introduisant ainsi un lien plus fort entre le climat et la désertification. Ces hypothèses devront cependant être confirmées par d’autres études réalisées aussi bien à partir des données observées, qu’à partir de modèles de simulation du climat. A 3.0 2.2.B 3.2 3. Climat méditerranéen et changement climatique 3.1 La modélisation climatique Avant d’évoquer l’évolution du climat méditerranéen au cours des prochaines décennies, il convient de présenter les outils qui servent à réaliser ces projections, et qui servent aussi à tester les mécanismes du type de ceux évoqués dans la section précédente. Les modèles sont des représentations du système climatique fondées sur des lois connues de la dynamique et de la physique. Leur complexité est très variable, allant de simples modèles de bilan d’énergie qui peuvent être résolus analytiquement, jusqu'à des modèles numériques dont les algorithmes de calculs nécessitent l’utilisation des ordinateurs les plus puissants. Dans ce dernier cas, la composante atmosphérique des modèles de climat est analogue à celle des modèles utilisés quotidiennement pour la prévision du temps par les services météorologiques. Cependant, à la différence de ces derniers, les simulations climatiques portent sur des périodes beaucoup plus longues, allant de plusieurs mois jusqu'à plusieurs milliers d’années dans le cas des études de paléoclimatologie. De façon à limiter le temps de calcul, il est alors nécessaire de réduire la résolution des modèles. Les calculs ne sont en effet réalisés qu’en un nombre limité de point, chacun étant représentatif d’un petit volume d’atmosphère dans lequel les paramètres météorologiques sont supposés homogènes. La résolution fait référence à la dimension des boîtes élémentaires et donc au nombre de points utilisés pour décrire l’ensemble de l’atmosphère. Dans les modèles de climat, deux points consécutifs sont au mieux espacés de 50km, alors que cette distance est réduite à moins de 10km dans certains modèles de prévision météorologique. Autre spécificité des modèles de climat liée à la longueur de la période simulée, il est nécessaire de représenter l’évolution de plusieurs composantes du système climatique. Comme indiqué dans la section 1.1, ces différentes composantes présentent en effet des échelles de temps caractéristiques qui dépendent des processus physiques et dynamiques qu’elles mettent en jeu. Pour des simulations de l’ENSO ou du changement climatique lié à l’effet de serre, il est ainsi généralement nécessaire de représenter l’évolution conjointe de l’atmosphère et de l’océan interagissant avec elle. La prochaine génération de modèles de climat devra aussi intégrer une modélisation de la végétation complètement interactive avec l’atmosphère, ainsi qu’une représentation élaborée des processus chimiques modifiant la composition de l’atmosphère. Quelque soit le degré de perfectionnement du modèle de climat, sa crédibilité repose sur l’analyse comparative entre ses résultats et les observations disponibles. Cette étape de validation, conduite en général sur les quinze à vingt dernières années sur lesquelles on dispose d’un nombre suffisant d’observations, est indispensable avant d’entreprendre une étude de reconstitution d’un climat passé ou futur, ou une analyse de mécanismes permettant d’interpréter la variabilité climatique. 2.2.B 3.2 3.1 conclusion 3.2 L'effet de serre et ses conséquences L’effet de serre est au premier rang des facteurs environnementaux susceptibles d’entraîner une modification notable du climat méditerranéen au cours des prochaines décennies. L’effet de serre est avant tout un phénomène naturel grâce auquel la température moyenne à la surface du globe est voisine de 15°C, alors qu’elle serait de près de -18°C si il n’y avait pas d’atmosphère. L’atmosphère agit en effet comme la vitre d’une serre : relativement transparente au rayonnement du soleil , elle piège le rayonnement infrarouge d’origine thermique qui est émis par la terre vers l’espace entraînant ainsi le réchauffement de la surface. Certains gaz qui composent l’atmosphère sont en partie responsables de l’absorption du rayonnement infrarouge. Au premier rang de ceux-ci, la vapeur d’eau contenue dans l’air, même en dehors des zones nuageuses. Mais c’est le gaz carbonique (CO2), qui compose aussi naturellement l’atmosphère, qui retient le plus l’attention car son volume ne cesse d’augmenter du fait des activités humaines. On estime ainsi à 30% le taux d’augmentation du CO2 atmosphérique depuis 1750, c’est-à-dire depuis le début de la période industrielle. Cette augmentation, combinée à celle d’autres gaz comme le méthane, l’ozone de la basse atmosphère et les Chlorofluorocarbones (CFCs), est responsable d’un effet de serre additionnel susceptible de réchauffer la planète. Or les observations de température à l’échelle globale reconstituées à partir de la plupart des données disponibles, montrent un réchauffement à la surface du globe compris entre 0,3°C et 0,6°C depuis 1860. Cette fourchette correspond aux incertitudes liées aux capteurs, aux méthodes de mesures et à la mauvaise couverture de l’ensemble de la planète par les observations. Le lien entre l’augmentation de la concentration des gaz à effet de serre et ce réchauffement ne peut cependant pas être établi sans faire appel à la modélisation climatique. Les simulations du climat les plus récentes ont permis de reproduire quantitativement le réchauffement sur le dernier siècle et qualitativement, la répartition de ce réchauffement suivant l’altitude et l’hémisphère terrestre concerné. Cet accord est à l’origine de la principale conclusion du rapport du GIEC sur un « faisceau d’élément » suggérant « une influence perceptible de l’homme sur le climat global ». Les modèles de climat ont aussi été utilisés pour faire des projections du changement climatique au cours des prochaines décennies. La fourchette des variations de température moyenne globale calculée pour la fin du prochain siècle s’établit entre 1° et 4,5°. L’une de ces simulations (Barthelet et al, 1998), réalisée au CERFACS (Centre Européen et Recherche et de Formation Avancée en Calcul Scientifique) au moyen du modèle de climat de Météo-France couplé au modèle océanique du LODYC (Laboratoire d’Océanographie Dynamique et de Climatologie), conclut à un réchauffement de l’ordre de 1,6° pour un doublement de la concentration du CO2, vers 2060, si la concentration du gaz carbonique augmente régulièrement de 1% par an (proche du taux d’augmentation de 1990). Comme indiqué dans la section 2.1-b, l’observation déduite de la ré-analyse du CEPMMT est aussi reproduite en trait fin de même que sont reportés les résultats d’autres simulations réalisées avec la seule partie atmosphérique du modèle de climat tant pour la période actuelle (cercle bleu), que pour des conditions de doublement du CO2 (les 3 autres cercles). Les dernières simulations citées ne diffèrent que par la façon dont la végétation est représentée dans le modèle. Toutes les simulations, qui sont assez proches des observations pour la période actuelle, calculent un réchauffement de l’ordre de 2°C sur le domaine méditerranéen. Ce réchauffement apparaît plus important en été excepté sur le domaine maritime. Les valeurs correspondantes de précipitations moyennes sur le même domaine ne mettent pas en évidence de tendance sensible entre la période actuelle et celle d’un doublement du CO2 atmosphérique. Une analyse plus détaillée montre toutefois une tendance à l’augmentation des précipitations sur le nord de la région en hiver et une tendance à l’assèchement en été dans le sud du domaine. Ces résultats relativement convergents ne doivent pas masquer l’importante incertitude qui les affecte. Le rapport du GIEC déjà cité (1995), fait en particulier état pour le sud de l’Europe d’une fourchette de variation des températures simulées par différents modèles de 1° à 4,5° en été et en hiver, elle s’étend de 0 à 30% pour les précipitations d’hiver et de -35% à +15% pour les pluies estivales. Ces ordres de grandeur sont assez représentatifs du degré d’incertitude sur l’évaluation du changement climatique d’une région de relativement faible extension comme l’est le domaine méditerranéen. Les sources d’incertitude à cette échelle sont multiples. On peut citer, sans être exhaustif, l’incertitude sur les scénarios d’émission de gaz à effet de serre, celles portant sur le rôle des nuages et celui de la surface des sols. D’autres facteurs plus spécifiques au domaine méditerranéen, comme l’importance du relief, son caractère de zone de transition entre deux climats de types différents, ou encore le rôle joué par les échanges entre l’atmosphère et la mer, pourraient même conduire à une plus grande dispersion des résultats. 3.1 conclusion 3.2 références CONCLUSION Le climat du domaine méditerranéen est un climat de transition entre un climat tempéré au nord et un climat sub-tropical ou désertique au sud. Il est fortement influencé par la circulation générale atmosphérique qui conditionne fortement son cycle saisonnier. Il est également soumis à d’importantes influences locales de par le rôle joué par l’étendue maritime et par le relief. La variabilité de ce climat, en particulier des précipitations, est apparente à toutes les échelles de temps. Il peut être influencé par des connexions avec des régions très éloignées . Il pourrait notamment y avoir un lien entre la mousson indienne et la sécheresse estivale particulièrement au dessus de la Méditerranée orientale. Si aucune étude statistique ne révèle de relation significative avec le phénomène d’ « El Niño », une relation a été établie entre des températures de fin d’hiver et de début de printemps plus froides que la normale lors des événement « La Niña ». Les simulations du changement climatique au cours des prochaines décennies réalisées à partir des modèles du système climatique sont très incertaines à l’échelle du domaine méditerranéen. Si ces simulations s’accordent pour projeter un réchauffement de quelques degrés en moyenne à la fin du prochain siècle, la tendance sur l’évolution des précipitations est beaucoup moins nette. Il est probable, qu’au contraire de la température, le changement des précipitations soit fortement dépendant du cycle saisonnier. 3.2 références conclusion REFERENCES Barthelet P., et al, 1998 : Simulations couplées globales des changements climatiques associés à une augmentation de la teneur en CO2. C.R. de l’Académie des sciences, 326, 677-684. De Castro M., 1993 : The climate of the mediterranean basin : its sensitivity to global change. Ecole d’été du CNES sur « Les climats subtropicaux et leur évolution : de l’observation spatiale à la modélisation, la-londe-les-maures, septembre 1992, 261-280. ECSN, 1995 : Climate of Europe. Royal Netherlands Meteorological Institute, De Bilt, 72p. Halpert M. S., et C. F. Ropelewski, 1992 : Surface temperature patterns associated with the southern oscillation. Journal of Climate, 5, 577-593. 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Rodwell M. J., et B. J. Hoskins, 1996 : Monsoons and the dynamics of deserts . Quaterly Journal of the Royal Meterorological Society, 122, 1385-1404. conclusion