MODELISATION CLIMATIQUE ET ENVIRONNEMENT

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MODELISATION CLIMATIQUE ET ENVIRONNEMENT
MODELISATION CLIMATIQUE ET
ENVIRONNEMENT
Serge PLANTON
Météo-France, Centre National de Recherches Météorologiques,
Toulouse
Introduction
I. Caractérisation du climat méditerranéen
1. Les éléments du système climatique
2. Les sources de données
3. Définition du climat méditerranéen
II. La variabilité du climat méditerranéen
1. Variabilité observée
. Le cycle saisonnier
B. La variabilité interannuelle
C. La variabilité interdécennale
2. Quelques hypothèses sur l’origine de la variabilité
. L’ENSO
B. La mousson indienne
III. Climat méditerranéen et changement climatique
1. La modélisation climatique
2. L’effet de serre et ses conséquences
Conclusion
Références
index
1.0
INTRODUCTION
Le climat résulte de la superposition des types de temps caractéristiques
d’une région plus ou moins étendue suivant que l’on considère les
climats zonaux, généraux ou régionaux. Le premier type de climat
concerne une bande de latitude et dépend principalement de l’inclinaison
du rayonnement solaire au sommet de l’atmosphère. Etymologiquement,
le terme climat signifie d’ailleurs « inclinaison ».
Il y a deux à trois types de climats généraux par bandes de latitudes,
tandis que les climats régionaux couvrent des domaines atteignant
plusieurs millions de kilomètres carrés de superficie. Le climat
méditerranéen appartient à cette dernière catégorie. Il présente des
particularités sous régionales et locales sur lesquelles nous n’insisterons
pas ici.
Pour plus de détails sur ces particularités, le lecteur pourra se référer aux
articles publiés par Mohammed Kadi et par Manuel de Castro à
l’occasion d’une école d’été du CNES sur « Les climats subtropicaux et
leur évolution » (1992). Après une partie introductive sur les éléments du
système climatique et les sources de données, nous commencerons par
caractériser le climat méditerranéen en nous appuyant sur des méthodes
courantes de classifications. Puis nous compléterons cette présentation
en analysant sa variabilité à différentes échelles de temps, et nous
intéresserons à quelques mécanismes climatiques pouvant être à
l’origine de cette variabilité.
Nous terminerons par une présentation de quelques résultats de
modélisation de l’évolution climatique de la région au cours des
prochaines décennies.
index
1.0
introduction
1.2
1. Caractérisation du climat méditerranéen
1. 1 Les éléments du système climatique
Aux échelles de temps climatiques, il est indispensable de prendre en
compte les interactions entre l’atmosphère et les autres éléments du
système climatique que sont la mer et l’océan, la biosphère (ensemble
des êtres vivants), la neige ou la glace et la lithosphère (partie solide de
la croûte terrestre). A chaque élément du système climatique, sont
associées des échelles de temps caractéristiques des processus
physiques ou dynamiques qu’il fait intervenir. Par exemple, une éruption
volcanique injecte des gaz soufrés dans l’atmosphère, puis ces gaz
s’oxydent et se condensent en fines gouttelettes d’acide sulfurique. Ces
aérosols interceptent le rayonnement du soleil et donc refroidissent la
basse atmosphère.
Il faut environ une semaine pour que cette partie de l’atmosphère
retrouve un équilibre. Dans la partie haute de l’atmosphère
(stratosphère), ces aérosols sont transportés par les vents et il faut
souvent plus d’un an pour qu’ils se répartissent entre les deux
hémisphères terrestres. L’effet de refroidissement se fera alors sentir sur
une large partie de la planète jusqu'à 2 ans après l’éruption. Cet exemple
n’est pas choisi au hasard, car il sera illustré par la suite lorsque nous
étudierons la variabilité interannuelle du climat méditerranéen.
L’océan Atlantique et la mer Méditerranée sont des composantes lentes
du système climatique méditerranéen. Ils agissent sur le climat
notamment par le biais de l’évaporation, de l’échange de chaleur ou de
gaz carbonique, avec des échelles de temps allant de quelques jours à
plusieurs saisons. Nous illustrerons plus loin le rôle de la mer
Méditerranée sur le cycle saisonnier. Mais l’influence de l’atmosphère sur
l’océan peut quant à elle se faire sentir sur des périodes encore plus
longues. On peut en particulier citer le rôle du Mistral et de la
Tramontane qui peuvent conduire en hiver, du fait du refroidissement lié
à une forte évaporation, à la formation d’eau profonde dans le golfe du
Lion: les eaux de surface refroidies deviennent plus denses et plongent
jusqu'à des profondeurs atteignant parfois le fond de l’océan. Compte
tenu de la faiblesse des courants en profondeur, il peut falloir plusieurs
centaines d’années pour que ces eaux eviennent à la surface. La
végétation joue aussi un rôle climatique aux échelles de temps
journalières à pluriannuelles, du fait des échanges de chaleur, d’eau et
de gaz carbonique avec l’atmosphère.
En particulier, la région méditerranéenne était à l’époque romaine
couverte d’importantes forêts. L’importance de cette végétation sur la
détermination du climat de la région est un sujet de recherche très
actuel. Concernant la lithosphère, il faut mentionner le rôle particulier que
joue le relief environnant le bassin méditerranéen sur son climat
saisonnier comme nous aurons l’occasion d’y revenir.
Le premier des facteurs externes au système climatique ayant une
importance majeure est bien sûr le rayonnement solaire. Mais, nous
savons depuis de nombreuses années que l’homme peut avoir une
influence sur le climat à l’échelle locale. Il n’est que de constater que les
températures dans les villes sont en moyenne plus élevées de quelques
degrés par rapport à celles des campagnes environnantes. Mais
récemment, la communauté scientifique regroupée au sein du « Groupe
Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat » (GIEC), a suggéré que
l’homme pourrait aussi avoir été à l’origine d’une modification du climat
global (IPCC, 1995). Nous illustrerons cette question dans la dernière
partie, en présentant quelques scénarios d’évolution du climat
méditerranéen en liaison avec l’augmentation de la concentration des
gaz à effet de serre.
introduction
1.2
1.1
1.3
1. 2 Les sources de données
Sur la période récente, les premières sources de données sont les
données historiques d’observation du réseau météorologique de surface
et d’altitude. Les premières observations régulières datent de la
deuxième moitié du XIXième siècle. Ces séries ont permis la constitution
de climatologies qui sont des moyennes sur des périodes longues des
paramètres climatiques classiques. Pour les précipitations et la
température de l’air en surface, on peut en particulier citer l’une des plus
récentes qui est la climatologie de Legates et Willmott (1990) qui fait une
moyenne sur la période 1920 - 1980. Ces séries ont permis la réalisation
d’un rapport sur le climat de l’Europe à l’initiative de l’«European Climate
Support Network» (ECSN, 1995). Ce rapport couvre la plus large partie
du bassin Méditerranéen.
Les données d’observations sont utilisées pour définir les états initiaux
des modèles de prévision météorologique. Cette opération s’appelle
l’analyse des données. Le modèle de prévision apporte une information
complémentaire en estimant les valeurs des paramètres
météorologiques même dans les régions où on ne dispose pas
d’observations à une date déterminée. C’est la raison pour laquelle les
résultats de ces analyses permettent de constituer de nouveaux
ensembles de données climatologiques plus complets.
Cependant, pour s’affranchir des fréquentes modifications des systèmes
opérationnels de prévision du temps, les principaux centres de prévision
mondiaux ont du retraiter les années écoulées au moyen du système le
plus à jour (on parle de ré-analyse). Le «National Centers for
Environmental Prediction» (NCEP) aux USA l’a fait pour une période de
40 ans, et l’ «Centre Européen de Prévision à Moyen Terme» (Reading,
Grande-Bretagne) l’a réalisé sur la période 1979 -1993.
Depuis le début des années 60, les satellites météorologiques
stationnaires ou défilants mesurent le rayonnement au sommet de
l’atmosphère dans différentes bandes de fréquences. Le traitement de
ces données permet de reconstituer des séries observées de quelques
paramètres météorologiques dont la température de l’air en surface et
les précipitations. La climatologie de précipitations de Xie et Arkin (1996)
portant sur la période 1979 - 1996 combine à la fois des données
conventionnelles, au dessus des continents principalement, des données
de la ré-analyse du NCEP, et des données d’origine satellitale qui
complètent la quasi absence de données au-dessus des océans.
Une comparaison de ces différentes sources de données met en relief
les importantes incertitudes qui portent sur les précipitations. Même si
toutes les climatologies s’accordent pour indiquer des pluies annuelles
inférieures au mètre sur la Méditerranée et son pourtour, à l’exception de
quelques régions de relief élevé (Arc alpin, région des Balkans, ...), les
écarts au dessus des océans atteignent souvent les 50%
Une moindre partie de ces écarts s’explique par les différences de
périodes de référence utilisées pour les statistiques. Il faut noter l’effet de
lissage introduit par la résolution des données reproduites ici, chaque
valeur tracée représentant un domaine d’environ 250km de côté.
Certains maxima locaux de précipitations peuvent de ce fait ne pas
apparaître (pied du Rif occidental en particulier).
1.1
1.3
1.2
2.0
1. 3 Définition du climat méditerranéen
Le climat méditerranéen se caractérise par des hivers doux et humides,
des printemps et automnes souvent humides et des étés secs. Au delà
de ces indications qualitatives, certains éléments quantitatifs peuvent
être utilisés pour mieux le définir. Les climatologues ont coutume
d’utiliser des classifications des climats établies à partir d’indicateurs
souvent relatifs au temps sensible (température, précipitations, humidité,
ensoleillement, ...).
Le choix d’une classification des climats, dont le climat méditerranéen
peut être extrait, dépend avant tout de l’usage que l’on veut en faire. Les
bioclimatologues sont en particulier intéressés à définir le climat d’une
région continentale en fonction des types de végétation que l’on peut y
rencontrer. Dans le cas du climat méditerranéen, certains ont ainsi
proposé de le définir comme celui des régions où pousse l’olivier.
De plus grande portée, bien qu’elle même orientée vers les applications
bioclimatiques, la classification de Köppen (1936) est l’une de celles qui
est le plus utilisée. Elle ne repose que sur des statistiques mensuelles de
température en surface et de précipitations. Selon cette classification, le
climat méditerranéen se définit par les deux conditions suivantes :
❍ La température du mois d’hiver le plus froid est comprise entre -3°
et 18°
❍
Le mois le plus sec de l’été a une pluviométrie inférieure au tiers
de celle du mois d’hiver le plus pluvieux
Lorsqu’on applique ces critères à des données climatologiques, on
constate que le climat de type méditerranéen n’est pas limité au seul
pourtour de la mer Méditerranée. On le retrouve dans d’autres régions du
globe situées généralement entre 30° et 40°N. C’est le cas de l’ouest de
la Californie, du Chili central, de l’extrême sud de l’Afrique ou encore de
l’extrême sud australien. Il apparaît ainsi comme un climat de transition
entre les deux grands climats généraux que sont le climat tempéré d’une
part et les climats désertiques ou tropicaux d’autre part.
L’excédent d’énergie solaire reçu par les régions intertropicales est
transporté par la circulation méridienne à la fois dans les océans et dans
l’atmosphère. L’une des principales caractéristiques de la circulation
méridienne atmosphérique de l’hémisphère nord est la cellule de Hadley
(l’hémisphère sud comporte aussi une cellule de Hadley plus marquée
au cours de l’hiver). Il s’agit d’une circulation moyenne zonale qui
présente une branche ascendante près de l’équateur, au-dessus de la
zone de convergence intertropicale qui est le siège d’une importante
activité orageuse. C’est la chaleur libérée par la condensation de la
vapeur d’eau qui est le moteur de cette ascendance. L’air est transporté
vers le nord dans la haute atmosphère et redescend au-dessus des
régions subtropicales qui sont de ce fait des régions plus sèches et
parfois de climat désertique.
La Méditerranée se situe à la bordure nord de cette région de
subsidence (affaissement de la masse d’air). Plus au nord, se situent les
régions tempérées marquées par la présence de vents d’ouest très forts
en altitude (jet d’ouest) à l’origine du développement de perturbations
atmosphériques qui circulent d’ouest en est. En hiver, certaines
perturbations atteignent la région méditerranéenne et contribue à
maintenir la douceur et l’humidité de la période hivernale.
1.2
2.0
1.3
B
2. La variabilité du climat méditerranéen
2.1 Variabilité observée
A. Le cycle saisonnier
Du fait de la double influence des circulations au nord et au sud, le
cycle saisonnier du climat méditerranéen se calque sur le
balancement de la circulation générale. Les perturbations d’origine
atlantique qui atteignent la Méditerranée en hiver représentent
environ le tiers de l’ensemble des systèmes perturbés qui
concernent la région.
Ces perturbations sont en partie réactivées à leur passage au
dessus de la mer plus chaude en moyenne que l’air, facteur qui
favorise l’évaporation. Les deux autres tiers des perturbations sont
d’origine locale et leur développement est ici favorisé par le
contraste thermique entre l’air plus au nord et l’air relativement
doux situé au dessus de la mer. Les hauts reliefs des Balkans
accentuent ce contraste thermique expliquant une plus forte
cyclogénèse (naissance des perturbations) au dessus de
l’Adriatique, tout comme le relief des Alpes entraîne une plus forte
cyclogénèse dans le golfe de Gênes .
Les températures d’hiver sont douces, et le nombre de
jours de gel est peu élevé excepté en bordure de la zone de climat
tempéré. L’été est marqué par une extension des hautes
pressions subtropicales (anticyclone des Açores) au dessus du
domaine méditerranéen. Ici aussi l’océan joue un rôle, du fait des
températures plus fraîches à la surface de l’eau par rapport aux
régions continentales avoisinantes. Il s’ensuit un renforcement de
la pression et donc des conditions de sécheresse estivale.
Ce sont aussi ces hautes pressions qui expliquent la présence
des « étésiens », ces vents de nord-est qui soufflent dans la partie
orientale du bassin. Les températures d’été sont souvent très
élevées avec des maxima mensuels pouvant dépasser
40°. Le caractère chaud et sec est l’une des principales
caractéristiques du climat méditerranéen. Il faut cependant noter
que la durée de la période de sécheresse est très variable
localement car si elle est limitée aux mois d’été à Perpignan ou à
Rome, elle s’étend sur une moitié du printemps et de l’automne a
Athènes, Beyrouth ou Marrakech.
A
C
B La variabilité interannuelle
La tendance générale est conforme à celle que l’on a observée pour la
température globale, à savoir un léger réchauffement sur la période
(allant au delà de l’année 92). Les années 91 et 92 font ici exception car
elle marquent une rupture dans cette tendance générale. A l’échelle
globale, le refroidissement relatif aussi constaté ces années-là a pu être
attribué à une conséquence de l’éruption volcanique du Mont Pinatubo
(Philippines). Il est donc probable que le refroidissement constaté soit au
moins en partie consécutif à la dispersion des aérosols volcaniques par
la circulation générale dans la stratosphère.
Il est plus délicat de déceler une tendance sur la courbe correspondante
des précipitations cumulées car la variabilité interannuelle est importante.
Une fois sur deux, la variabilité d’une année à l’autre est en effet voisine
de 10%. Il faut apprécier cette variabilité à l’échelle du domaine
considéré. Localement, la variabilité peut être bien entendu beaucoup
plus forte.
On a ainsi par exemple observé 223mm de pluies à Jérusalem en 1946
et plus d’un mètre en 1992. Cette variabilité n’est cependant pas
exceptionnelle si on la compare à celle d’autres régions de la planète
comme les régions de relief élevé ou celles qui sont concernées par le
déplacement saisonnier de la zone de convergence intertropicale. Sur la
même période, la variabilité interannuelle des précipitations sur
l’ensemble de l’Europe est du même ordre de grandeur.
A
C
B
2.2
C La variabilité interdécennale
Les différences de température entre la période 1981-1990 et la période
1951-1980, figurant dans le rapport de l’ECSN, mettent en évidence un
léger réchauffement de la partie occidentale du bassin méditerranéen et
un léger refroidissement de la partie orientale. Le réchauffement
présente deux maxima locaux centrés sur le nord de l’Espagne et le sud
tunisien de l’ordre de un demi degré en moyenne annuelle.
Ce réchauffement est plus important au cours de l’été et de l’automne.
Le refroidissement oriental est centré sur la Turquie où il atteint une
valeur de l’ordre de trois dixièmes de degrés. C’est en automne et en
hiver qu’il est le plus marqué bien qu’il apparaisse en toute saison. Au
titre de comparaison, sur l’ensemble du globe, on a constaté un
réchauffement de l’ordre de 1 à 2 dixièmes de degrés entre les deux
périodes.
Les différences de précipitations entre les mêmes périodes suivant la
même source, font apparaître une diminution sur l’ensemble du bassin à
l’exception de la Tunisie et de l’extrême nord de l’Algérie (les données au
sud de 32°N ne sont pas prise en compte dans le rapport de l’ECSN).
Les extrema locaux de la réduction des précipitations se situent en hiver
près du détroit de Gibraltar, dans le Golfe de Gêne, à l’ouest de la Grèce
et au sud de la Turquie.
Une étude particulière menée sur les données de précipitations en
Espagne a révélé que la période de référence choisie (1951-1980)
incluait la période de 15 ans la plus pluvieuse depuis environ 100 ans.
Au moins pour cette région, l’assèchement constaté doit donc être
relativisé. Cette même étude révèle aussi d’autres périodes aussi sèches
que la période récente, notamment entre 1867 et 1875. Il faut donc en
conclure que les précipitations varient significativement à toutes les
échelles de temps.
B
2.2
2.1.C
B
2.2 Quelques hypothèses sur l'origine de la variabilité
A L'ENSO
Le sigle ENSO signifie« El Niño - Southern Oscillation ». Le terme « El
Niño » s’applique à une anomalie (écart à la normale, c’est-à-dire à la
moyenne des observations) de température de surface de la mer dans le
Pacifique est et central, près de l’équateur. L’oscillation australe («
Southern Oscillation ») est une bascule de pression équatoriale entre le
Pacifique ouest et le Pacifique central : la pression est normalement plus
élevée dans le Pacifique central que dans le Pacifique ouest, mais cette
différence s’inverse certaines années.
L’anomalie océanique et l’anomalie atmosphérique se produisent
simultanément faisant de l’ENSO un phénomène qui couple l’océan et l
‘atmosphère. Il se produit tous les 2 à 10 ans sans réelle régularité et
dure de 6 mois à un an avec un maximum d’intensité au cours de l’hiver.
Outre les variations de pression en surface, les principales
caractéristiques de la composante atmosphérique de l’ENSO sont une
réduction des vents alizés (vents d’est) au dessus du Pacifique et un
déplacement vers le Pacifique central de la zone de fortes pluies
normalement située au dessus de l’Indonésie. Des anomalies
climatiques, «transportées » par la circulation atmosphérique, peuvent
aussi affecter d’autres régions tropicales ou des latitudes moyennes. Il
est donc légitime de se poser la question d'un lien possible entre l’ENSO
et la région méditerranéenne.
Les études statistiques conduites par deux chercheurs américains,
Halpert et Ropelewski, ne révèlent cependant aucun lien statistiquement
significatif entre l’ENSO et des anomalies climatiques dans cette partie
du monde. Cela ne signifie pas qu’il n’y ait absolument aucune influence
entre la circulation atmosphérique au-dessus du Pacifique et celle de la
région méditerranéenne. Cela signifie simplement que ce lien est trop
faible ou trop variable d’un événement à un autre pour apparaître dans
les statistiques. Par contre, les mêmes auteurs (1992) ont mis en
évidence une relation statistique entre les événements de type «La
Niña» et les températures de fin d’hiver et de début du printemps au
dessus de la Méditerranée occidentale.
En terme d’anomalies, un événement « La Niña » est exactement
l’opposé d’un événement «El Niño», et se traduit donc par des
températures de surface océanique plus froides que la normale dans le
Pacifique équatorial est et central. Il s’agit toutefois d’un événement
moins fréquent que ne l’est « El Niño », avec un intervalle entre deux
événements consécutifs compris entre 0 et 15 ans sur le dernier siècle.
L’étude statistique révèle que les températures au dessus du domaine
méditerranéen, à l’ouest de 20°E, sont généralement plus froides que la
normale entre les mois de février et de mai suivant un événement «La
Niña».
A
3.0
B La mousson indienne
Récemment, deux scientifiques britanniques, Rodwell et Hoskins (1996),
ont suggéré un mécanisme liant la mousson indienne et l’assèchement
estival de la région méditerranéenne. Selon ces auteurs, la subsidence
au dessus de la Méditerranée orientale, pourraient être induite par les
modifications de circulation atmosphériques pilotées par une ascendance
au dessus de l’Inde. Or une subsidence limite le développement de
l’activité orageuse et pourrait donc expliquer l’assèchement que connaît
le bassin méditerranéen en été. Il s’agirait d’un mécanisme complexe
faisant aussi jouer un rôle au relief (en l’occurrence celui de l’Atlas) qui
contribuerait à déterminer le centre de la zone de subsidence. Toujours
selon ces auteurs, la subsidence pourrait aussi être amplifiée par un
mécanisme analogue au mécanisme de désertification de Charney.
Charney a, en 1976, publié un article dans lequel il proposait une
hypothèse explicative à la sécheresse subie par la région du Sahel. Le
postulat de base est qu’une réduction de la couverture végétale entraîne
une augmentation de la part du rayonnement solaire réfléchie par la
surface du sol (albédo). Il s’ensuit un refroidissement de la basse
atmosphère qui entraîne une subsidence, une réduction des pluies et
donc ... de la végétation. Il s’agit donc d’un mécanisme à rétroaction
positive qui aurait pu expliqué la désertification de la région sur une
période de plusieurs années.
Ce mécanisme a été par la suite abondamment discuté et en partie remis
en cause. Il ne reste pas moins envisageable qu’il intervienne au dessus
de la Méditerranée en association avec le mécanisme évoqué plus haut,
introduisant ainsi un lien plus fort entre le climat et la désertification. Ces
hypothèses devront cependant être confirmées par d’autres études
réalisées aussi bien à partir des données observées, qu’à partir de
modèles de simulation du climat.
A
3.0
2.2.B
3.2
3. Climat méditerranéen et changement climatique
3.1 La modélisation climatique
Avant d’évoquer l’évolution du climat méditerranéen au cours des
prochaines décennies, il convient de présenter les outils qui servent à
réaliser ces projections, et qui servent aussi à tester les mécanismes du
type de ceux évoqués dans la section précédente. Les modèles sont des
représentations du système climatique fondées sur des lois connues de
la dynamique et de la physique. Leur complexité est très variable, allant
de simples modèles de bilan d’énergie qui peuvent être résolus
analytiquement, jusqu'à des modèles numériques dont les algorithmes
de calculs nécessitent l’utilisation des ordinateurs les plus puissants.
Dans ce dernier cas, la composante atmosphérique des modèles de
climat est analogue à celle des modèles utilisés quotidiennement pour la
prévision du temps par les services météorologiques.
Cependant, à la différence de ces derniers, les simulations climatiques
portent sur des périodes beaucoup plus longues, allant de plusieurs mois
jusqu'à plusieurs milliers d’années dans le cas des études de
paléoclimatologie.
De façon à limiter le temps de calcul, il est alors nécessaire de réduire la
résolution des modèles. Les calculs ne sont en effet réalisés qu’en un
nombre limité de point, chacun étant représentatif d’un petit volume
d’atmosphère dans lequel les paramètres météorologiques sont
supposés homogènes. La résolution fait référence à la dimension des
boîtes élémentaires et donc au nombre de points utilisés pour décrire
l’ensemble de l’atmosphère. Dans les modèles de climat, deux points
consécutifs sont au mieux espacés de 50km, alors que cette distance est
réduite à moins de 10km dans certains modèles de prévision
météorologique.
Autre spécificité des modèles de climat liée à la longueur de la période
simulée, il est nécessaire de représenter l’évolution de plusieurs
composantes du système climatique. Comme indiqué dans la section
1.1, ces différentes composantes présentent en effet des échelles de
temps caractéristiques qui dépendent des processus physiques et
dynamiques qu’elles mettent en jeu.
Pour des simulations de l’ENSO ou du changement climatique lié à l’effet
de serre, il est ainsi généralement nécessaire de représenter l’évolution
conjointe de l’atmosphère et de l’océan interagissant avec elle. La
prochaine génération de modèles de climat devra aussi intégrer une
modélisation de la végétation complètement interactive avec
l’atmosphère, ainsi qu’une représentation élaborée des processus
chimiques modifiant la composition de l’atmosphère.
Quelque soit le degré de perfectionnement du modèle de climat, sa
crédibilité repose sur l’analyse comparative entre ses résultats et les
observations disponibles. Cette étape de validation, conduite en général
sur les quinze à vingt dernières années sur lesquelles on dispose d’un
nombre suffisant d’observations, est indispensable avant d’entreprendre
une étude de reconstitution d’un climat passé ou futur, ou une analyse de
mécanismes permettant d’interpréter la variabilité climatique.
2.2.B
3.2
3.1
conclusion
3.2 L'effet de serre et ses conséquences
L’effet de serre est au premier rang des facteurs environnementaux
susceptibles d’entraîner une modification notable du climat
méditerranéen au cours des prochaines décennies.
L’effet de serre est avant tout un phénomène naturel grâce auquel la
température moyenne à la surface du globe est voisine de 15°C, alors
qu’elle serait de près de -18°C si il n’y avait pas d’atmosphère.
L’atmosphère agit en effet comme la vitre d’une serre : relativement
transparente au rayonnement du soleil , elle piège le rayonnement
infrarouge d’origine thermique qui est émis par la terre vers l’espace
entraînant ainsi le réchauffement de la surface. Certains gaz qui
composent l’atmosphère sont en partie responsables de l’absorption du
rayonnement infrarouge. Au premier rang de ceux-ci, la vapeur d’eau
contenue dans l’air, même en dehors des zones nuageuses. Mais c’est
le gaz carbonique (CO2), qui compose aussi naturellement l’atmosphère,
qui retient le plus l’attention car son volume ne cesse d’augmenter du fait
des activités humaines.
On estime ainsi à 30% le taux d’augmentation du CO2 atmosphérique
depuis 1750, c’est-à-dire depuis le début de la période industrielle. Cette
augmentation, combinée à celle d’autres gaz comme le méthane, l’ozone
de la basse atmosphère et les Chlorofluorocarbones (CFCs), est
responsable d’un effet de serre additionnel susceptible de réchauffer la
planète.
Or les observations de température à l’échelle globale reconstituées à
partir de la plupart des données disponibles, montrent un réchauffement
à la surface du globe compris entre 0,3°C et 0,6°C depuis 1860. Cette
fourchette correspond aux incertitudes liées aux capteurs, aux méthodes
de mesures et à la mauvaise couverture de l’ensemble de la planète par
les observations. Le lien entre l’augmentation de la concentration des
gaz à effet de serre et ce réchauffement ne peut cependant pas être
établi sans faire appel à la modélisation climatique. Les simulations du
climat les plus récentes ont permis de reproduire quantitativement le
réchauffement sur le dernier siècle et qualitativement, la répartition de ce
réchauffement suivant l’altitude et l’hémisphère terrestre concerné. Cet
accord est à l’origine de la principale conclusion du rapport du GIEC sur
un « faisceau d’élément » suggérant « une influence perceptible de
l’homme sur le climat global ».
Les modèles de climat ont aussi été utilisés pour faire des projections du
changement climatique au cours des prochaines décennies. La
fourchette des variations de température moyenne globale calculée pour
la fin du prochain siècle s’établit entre 1° et 4,5°. L’une de ces
simulations (Barthelet et al, 1998), réalisée au CERFACS (Centre
Européen et Recherche et de Formation Avancée en Calcul Scientifique)
au moyen du modèle de climat de Météo-France couplé au modèle
océanique du LODYC (Laboratoire d’Océanographie Dynamique et de
Climatologie), conclut à un réchauffement de l’ordre de 1,6° pour un
doublement de la concentration du CO2, vers 2060, si la concentration
du gaz carbonique augmente régulièrement de 1% par an (proche du
taux d’augmentation de 1990).
Comme indiqué dans la section 2.1-b, l’observation déduite de la
ré-analyse du CEPMMT est aussi reproduite en trait fin de même que
sont reportés les résultats d’autres simulations réalisées avec la seule
partie atmosphérique du modèle de climat tant pour la période actuelle
(cercle bleu), que pour des conditions de doublement du CO2 (les 3
autres cercles). Les dernières simulations citées ne diffèrent que par la
façon dont la végétation est représentée dans le modèle. Toutes les
simulations, qui sont assez proches des observations pour la période
actuelle, calculent un réchauffement de l’ordre de 2°C sur le domaine
méditerranéen. Ce réchauffement apparaît plus important en été excepté
sur le domaine maritime.
Les valeurs correspondantes de précipitations moyennes sur le même
domaine ne mettent pas en évidence de tendance sensible entre la
période actuelle et celle d’un doublement du CO2 atmosphérique. Une
analyse plus détaillée montre toutefois une tendance à l’augmentation
des précipitations sur le nord de la région en hiver et une tendance à
l’assèchement en été dans le sud du domaine.
Ces résultats relativement convergents ne doivent pas masquer
l’importante incertitude qui les affecte. Le rapport du GIEC déjà cité
(1995), fait en particulier état pour le sud de l’Europe d’une fourchette de
variation des températures simulées par différents modèles de 1° à 4,5°
en été et en hiver, elle s’étend de 0 à 30% pour les précipitations d’hiver
et de -35% à +15% pour les pluies estivales. Ces ordres de grandeur
sont assez représentatifs du degré d’incertitude sur l’évaluation du
changement climatique d’une région de relativement faible extension
comme l’est le domaine méditerranéen. Les sources d’incertitude à cette
échelle sont multiples.
On peut citer, sans être exhaustif, l’incertitude sur les scénarios
d’émission de gaz à effet de serre, celles portant sur le rôle des nuages
et celui de la surface des sols. D’autres facteurs plus spécifiques au
domaine méditerranéen, comme l’importance du relief, son caractère de
zone de transition entre deux climats de types différents, ou encore le
rôle joué par les échanges entre l’atmosphère et la mer, pourraient
même conduire à une plus grande dispersion des résultats.
3.1
conclusion
3.2
références
CONCLUSION
Le climat du domaine méditerranéen est un climat de transition entre un
climat tempéré au nord et un climat sub-tropical ou désertique au sud. Il
est fortement influencé par la circulation générale atmosphérique qui
conditionne fortement son cycle saisonnier. Il est également soumis à
d’importantes influences locales de par le rôle joué par l’étendue
maritime et par le relief. La variabilité de ce climat, en particulier des
précipitations, est apparente à toutes les échelles de temps.
Il peut être influencé par des connexions avec des régions très éloignées
. Il pourrait notamment y avoir un lien entre la mousson indienne et la
sécheresse estivale particulièrement au dessus de la Méditerranée
orientale. Si aucune étude statistique ne révèle de relation significative
avec le phénomène d’ « El Niño », une relation a été établie entre des
températures de fin d’hiver et de début de printemps plus froides que la
normale lors des événement « La Niña ».
Les simulations du changement climatique au cours des prochaines
décennies réalisées à partir des modèles du système climatique sont très
incertaines à l’échelle du domaine méditerranéen. Si ces simulations
s’accordent pour projeter un réchauffement de quelques degrés en
moyenne à la fin du prochain siècle, la tendance sur l’évolution des
précipitations est beaucoup moins nette. Il est probable, qu’au contraire
de la température, le changement des précipitations soit fortement
dépendant du cycle saisonnier.
3.2
références
conclusion
REFERENCES
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une augmentation de la teneur en CO2. C.R. de l’Académie des
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conclusion