les opportunites en matiere de planification immobiliere

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les opportunites en matiere de planification immobiliere
LES OPPORTUNITES EN MATIERE DE PLANIFICATION IMMOBILIERE
Marie-Pierre DONEA
Avocat au Barreau de Bruxelles
Professeur à L’E.S.S.F.
[email protected]
1.
INTRODUCTION
La pression fiscale sur la détention et la transmission d'immeubles (tant entre vifs que pour cause
de décès) est telle que tout contribuable se pose à un moment donné la question de savoir
comment faire l’acquisition de ce patrimoine ou comment transférer ce patrimoine au moindre
coût fiscal.
Dans ce cadre, la question de la constitution d'une société immobilière revient à intervalles
réguliers.
L'abondante littérature sur ce sujet démontre tout l'intérêt que suscite cette matière.
On note aujourd'hui peut-être un mouvement inverse. Pour une série de motifs (disparition des
titres au porteur, insécurité juridique liée à certaines constructions juridiques aujourd'hui scrutées
par l'administration fiscale,…), on constate que bon nombre de contribuables souhaitent
dorénavant trouver un mécanisme pour sortir les immeubles de sociétés patrimoniales ou pour
transférer leur patrimoine immobilier au moindre coût fiscal.
Comme cela est toujours le cas en matière d'organisation patrimoniale, la réponse n'est pas
uniforme. Il existe presque autant de solutions que de situations différentes.
Malgré cette diversité de cas de figure, nous tenterons de faire le point sur les motifs qui ont
conduit certains contribuables à mettre leurs propriétés foncières en société et sur les raisons qui
les poussent aujourd’hui à faire marche arrière. Nous évoquerons également quelques méthodes
pour sortir les immeubles de la société. Nous verrons également comment s’organiser pour
réaliser une planification immobilière sans intervention d’une société.
Il est précisé que les immeubles auxquels nous nous intéressons sont essentiellement ceux qui
sont destinés à l’habitation.
1
2.
QUELLES
SONT
(ONT
ÉTÉ)
LES
MOTIVATIONS
DU
CONTRIBUABLE
POUR
TRANSFÉRER SES IMMEUBLES EN SOCIÉTÉ ?
Les motivations qui président à la création d'une société immobilière sont multiples et
particulières à chaque cas d'espèce ou situation familiale.
On enseigne toutefois traditionnellement que trois motivations essentielles semblent déterminer
le contribuable :
a.
b.
c.
2.1.
La séparation des patrimoines privé et professionnel,
La pérennité du patrimoine,
Les considérations fiscales.
La séparation des patrimoines privé et professionnel
La constitution d'une société immobilière évite de faire courir aux avoirs immobiliers un risque
d'entreprise.
L'exercice d'une activité professionnelle en personne physique ne protège en effet pas le
patrimoine personnel de l'entrepreneur, sous la réserve de la récente introduction dans notre
droit de la possibilité de procéder à une déclaration d'insaisissabilité du domicile.
2.2.
La pérennité du patrimoine
Le décès risque de mettre à mal le patrimoine immobilier. Dans de nombreux cas, le décès
signifiera en effet la disparation ou le morcellement de ce patrimoine. En cas de succession, le
patrimoine immobilier tombera en effet en indivision entre les héritiers du défunt et sera souvent
cédé à un tiers dans le cadre du partage.
La société immobilière permet tout d'abord relativement facilement aux propriétaires des titres
de les céder progressivement à leurs successibles. Lorsque les titres n'ont pas été (totalement)
répartis du vivant du père de famille, l'indivision ne portera plus sur les immeubles mais sur les
titres obtenus en échange de l'apport en société.
2
2.3.
Considérations fiscales
Les deux objectifs fiscaux généralement poursuivis par la mise en société du patrimoine
immobilier sont :
-
assurer la transmission de ce patrimoine aux héritiers hors droits de succession et de
donation;
-
alléger la charge fiscale directe liée à la détention d'un patrimoine immobilier important.
La situation actuelle démontre combien ces objectifs sont délicats et les solutions aléatoires. En
effet, l’utilisation des sociétés patrimoniales a mené à des abus et a conduit à des réactions
législatives parfois très sévères. De plus, ces matières subissant, à intervalles réguliers,
d'incessants et importants changements, il devient tout à fait hasardeux de faire une
programmation fiscale sur le long terme.
3.
QUELLES SONT LES ÉVOLUTIONS CONSTATÉES ?
3.1.
En matière de droits d'enregistrement
L'hypothèse de la constitution d'une société immobilière est fréquemment envisagée pour assurer
la transmission du patrimoine à moindre coût en termes de droits d'enregistrement. Le scénario
est d'autant plus séduisant que les fiscalités régionales en matière de donation de valeurs
mobilières ont évolué favorablement ces dernières années. Il faut toutefois rester prudent et
examiner la situation au cas par cas et région par région.
Il existe tout d'abord un frein à la constitution d'une société de patrimoine depuis la loi du 30
mars 1994 laquelle a eu pour effet de soumettre dorénavant aux droits de mutation (12,5 % pour
la Région wallonne et la Région de Bruxelles-Capitale et 10 % pour la Région flamande) les
apports de biens immeubles situés en Belgique affectés ou destinés totalement ou partiellement à
l'habitation.
Une fois l'immeuble apporté en société, il est possible de procéder à des donations portant sur
les titres de la société. De nombreuses planifications successorales ont ainsi été réalisées
extrêmement facilement : les titres au porteur de la société faisaient l'objet d'une donation
manuelle qui, si elle intervenait en dehors du délai de 3 ans précédant le décès du donateur,
échappait à toute forme d'imposition (article 7 du Code des droits de succession).
3
La fiscalité, désormais favorable, des donations de biens meubles a par ailleurs constitué un
incitant à l'enregistrement de donations de titres, de façon à supprimer l'aléa relatif à l'écoulement
du délai de 3 ans dont question ci-avant.
Toutefois, il existe une difficulté majeure en Région wallonne : les donations de parts et actions
d'une société immobilière ne bénéficient pas du taux réduit (0 %, 3 %, 5 % ou 7 %). La taxation
s'effectue en effet au taux ordinaire car la société immobilière, en Région wallonne, n'est pas
considérée comme une société développant des activités commerciales au sens de l'article 131bis
§ 2, 1° du Code des droits d'enregistrement, tel qu’applicable en région wallonne.
Le contribuable wallon n'a donc pas la possibilité d'enregistrer une donation portant sur les
actions d'une société immobilière aux taux réduits.
A cette particularité régionale, s'ajoute la suppression des titres au porteur résultant de la loi du
15 décembre 2005.
Depuis le 1er janvier 2008, une société ne peut en effet plus émettre que des titres sous forme
nominative ou dématérialisée. Depuis cette même date, les titres au porteur existant qui sont
inscrits en comptes-titres ne pourront plus faire l'objet d'une délivrance physique en Belgique.
Pour les sociétés non cotées, la conversion en titres nominatifs ou en titres dématérialisés doit
être demandée auprès de la société émettrice afin que cette conversion soit réalisée pour le 31
décembre 2013 au plus tard. Cette échéance concerne exclusivement les titres qui ont été émis
avant la date de publication de la loi, soit le 6 février 2006. Pour les titres émis après cette date,
la conversion en titres nominatifs ou dématérialisés devra être réalisée au plus tard le
31 décembre 2012.
Dès lors que les titres au porteur auront complètement disparu, il ne sera plus possible de réaliser
une donation manuelle de titres, de sorte que le contribuable n'aura plus d'autre choix que de
procéder à une donation par acte notarié qui ne pourra, en Région wallonne, en principe être
enregistrée aux taux réduits.
Pour palier à cet inconvénient, certains soutiennent qu'une simple mention dans le registre des
associés pourrait constituer un support neutre à une donation de titres et permettrait de réaliser
un don indirect.
Ce procédé de la simple mention, dans le registre des parts, de la transmission reste dangereux.
En effet, il faut distinguer, d'une part, le transfert même de titres nominatifs et, d'autre part,
l'opposabilité de ce transfert à la société et aux tiers. La mention de la transmission dans le
registre des parts ne serait pas suffisante à mettre en échec le vice de forme, sanctionné de nullité
absolue, pour absence d'acte notarié. Comme il s'agit d'une nullité absolue en droit civil, le
donateur ne pourrait même pas réparer, par un acte confirmatif, le vice frappant la donation.
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Certes, au décès du donateur, la nullité devient relative, de sorte que les héritiers pourraient
confirmer valablement la donation. Il s'agit toutefois d'un fameux pari sur l'avenir.
3.2.
En impôts des sociétés
a.
Jurisprudence relative à l'article 49 du CIR/92
L'article 49 énonce que pour être déductible, une charge professionnelle doit être faite ou
supportée pendant la période imposable, en vue de conserver ou d'acquérir des revenus
imposables et être justifiée au moyen de documents probants.
La loi fiscale n’édicte en cette matière aucune autre condition. Cependant, depuis quelques
années, l'administration, suivie par la jurisprudence, s'est mise à ajouter une nouvelle exigence au
texte de loi : les charges professionnelles doivent, en outre, rentrer dans les limites de l'objet
social statutaire.
Il n'est évidemment pas surprenant que cette théorie ait trouvé le plus large écho en matière de
charges immobilières.
L'une des illustrations les plus marquantes de cette théorie administrative, résulte d'un arrêt de la
Cour d'Appel de Liège du 10 mars 1999 (FJF, n° 2000/137). Dans cet arrêt, la Cour d'Appel de
Liège a considéré que les redevances immobilières payées par une société n'étaient déductibles
que si la société pouvait établir que ces dépenses étaient nécessaires à la réalisation de son objet
statutaire.
Dans le cas d'espèce, une SPRL constituée par deux médecins avait pour objet l'exercice de
l'activité médicale. Les gérants avaient ensuite acheté, en personne physique, un terrain sur
lequel ils avaient accordé un droit d'emphytéose à la société. Le contrat d'emphytéose prévoyait
que la société pouvait construire sur le terrain des bâtiments qui resteraient sa propriété jusqu'au
terme du contrat. Pendant la durée du contrat, il était également prévu que la société paierait un
canon d'un montant de 25.000 BEF par mois et que, dès la fin des travaux de construction, la
société donnerait en location l'immeuble à ses gérants pour un loyer annuel de 300.000 BEF.
L'administration, suivie par la Cour d'Appel, a estimé que toutes les charges liées au bâtiment
constituaient des libéralités non déductibles de la société car de telles charges sortaient du cadre
de l'activité sociale définie dans les statuts de la société. La Cour de Cassation a confirmé, dans
un arrêt du 12 décembre 2003, la position du juge du fond (FJF, 2004, livre 5, 425, notes).
La Cour de Cassation a ainsi confirmé la jurisprudence initiée par son arrêt du 18 janvier 2001
(Pas., 2001, I, n° 34) par lequel elle avait décidé que l'administration avait le droit de rejeter la
déduction de charges non nécessitées par l'activité de la société, telle que définie dans ses statuts.
5
Bon nombre d'auteurs n'ont pas manqué de critiquer cette jurisprudence en indiquant,
notamment, qu'une telle position devrait entraîner, en toute logique, l'exonération des bénéfices
sortant de l'objet social, puisque les charges corrélatives sont rejetées…
Cette jurisprudence de la Cour de Cassation, fût-elle critiquable, a pourtant été réitérée dans un
arrêt du 9 novembre 2007 (www.cass.be, n° C.06.0251.F). Celui-ci enseigne notamment qu'il ne
suffit pas de modifier l'objet social d'une société pour que les charges deviennent déductibles. Il
faut en effet que celles-ci soient véritablement liées à l'activité de la société.
Il va de soi que cette jurisprudence doit être conservée à l'esprit dès lors que le but essentiel
recherché par la personne physique qui met son immeuble en société est précisément la
déduction des charges relatives à l'immeuble (amortissements, charges de financement,…).
b.
Jurisprudence en matière de démembrement de la propriété
Depuis de nombreuses années, l'administration fiscale s'intéresse de très près aux montages
impliquant un démembrement de la propriété de l'immeuble entre un dirigeant d'entreprise et
une société qu'il détient.
Les décisions de jurisprudence rendues récemment démontrent que l'administration fait en cette
matière flèche de tout bois.
Prudence est dès lors plus que jamais mère de sûreté.
Il est rappelé que les vertus fiscales des démembrements de propriété sont multiples et variées.
Ils permettent notamment :
-
d'alléger le coût particulièrement élevé des droits d'enregistrement,
de déduire la TVA grevant les frais de construction ou d'acquisition d'un bâtiment neuf,
d'amortir le bâtiment et le terrain sur la durée du droit réel,
de déduire les frais relatifs à l'immeuble,
d'éviter la requalification en revenus professionnels d'une partie des loyers perçus par un
dirigeant d'entreprise de sa société,
de répartir les droits réels sur les biens immobiliers entre époux et/ou de planifier une
succession, etc.
On relèvera dans les lignes qui suivent les principaux arguments dont l'administration fiscale fait
généralement usage pour critiquer ces mécanismes.
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o
lors de l'acquisition
Pour éviter toute contestation de la part de l'administration fiscale, on sera premièrement
particulièrement attentif à l'évaluation de l'usufruit (ou de tout autre droit réel démembré), sous
peine pour le dirigeant d'être taxé sur un avantage de toute nature ou, pour la société, d'être
imposée à la cotisation distincte de 300 %.
Dans une décision anticipée du 30 septembre 2003, le service des décisions anticipées avait
précisé que l'usufruit pouvait être évalué sur base de l'article 47, al. 2 du Code des droits
d'enregistrement (décision anticipée n° 300.081 du 30 septembre 2003).
Le Ministre des Finances avait pour sa part déclaré que pour évaluer l'usufruit, il convenait de se
référer au produit actualisé des locations et qu'il ne fallait pas nécessairement se référer aux
méthodes d'évaluation prévues dans le Code des droits d'enregistrement et dans le Code des
droits de succession (Questions et Réponses, Chambre 2004-2005, n° 76 du 2 mai 2005, p.
12735).
Par ailleurs, par avis du 8 février 2007 (aujourd'hui retiré) sur l'application de l'article 344 § 1er du
CIR/92 aux constructions « usufruit », le service des décisions anticipées avait précisé que la
valorisation d'un usufruit temporaire devait être effectuée sur base de sa valeur réelle. Le SDA
précisait à cet égard que "pour l'application des impôts directs, les méthodes de valorisation forfaitaire utilisées
en matière de droit d'enregistrement et de droit de succession ne sont pas appropriées. La valorisation doit être
examinée au cas par cas et devra entre autres tenir compte de l'état dans lequel se trouve le bien, des travaux
encore à effectuer, des frais générés par la constitution de l'usufruit (frais de notaire, droits d'enregistrement, etc),
ainsi que de l'affectation effective donnée par la société au bien immobilier (utilisation propre, mise en location,
usage intensif, usure,…)".
Cette approche avait fait l'objet de vives critiques par la doctrine.
Dans un nouvel avis (lequel a été soumis à la consultation populaire jusqu'au 30 septembre
2009), le SDA avait pourtant réitéré sa position. Il semblerait aujourd'hui que, même si plus
aucun avis officiel n'existe en cette matière, la jurisprudence du SDA demeure inchangée.
Il semble par conséquent prudent dans ce contexte que le contribuable requiert une expertise
immobilière ayant pour objectif de déterminer de manière raisonnable le revenu locatif brut
annuel du bien avant et après les travaux de transformation, le cas échéant. Une fois la valeur
économique de l'usufruit déterminée, les parties pourraient déterminer la durée de l'usufruit en
s'assurant que la société retire un bénéfice de l'opération.
Un arrêt récent de la cour d’appel de Mons offre une illustration intéressante de cette
problématique d’évaluation (Mons, 30 novembre 2009, commenté dans le Fiscologue 1211 du 25
juin 2010).
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En 1999, une S.A. avait acheté un bien immobilier avec ses administrateurs et avec une autre
société pour un prix total de 33.500.000 BEF. La S.A. avait acheté l’usufruit pour une période de
huit ans et avait payé 26.800.000 BEF pour cet usufruit (80 % du prix total).
Le fisc était d’avis que la société anonyme avait payé son usufruit trop cher procurant ainsi un
avantage de toute nature à ses administrateurs. Cet avantage de toute nature n’étant pas repris
dans les fiches individuelles et dans les relevés récapitulatifs, l’administration a tenté de soumettre
l’avantage à la cotisation spéciale sur commissions secrètes (article 219 du CIR 92).
Pour justifier sa décision, la cour d’appel de Mons a recherché l’évaluation correcte de l’usufruit
en consacrant à cette problématique des considérations théoriques intéressantes.
La cour a commencé par signaler que la charge de la preuve de la surévaluation de l’usufruit
incombait à l’administration. Elle a également rejeté d’emblée l’application de la méthode
forfaitaire déterminée à l’article 47 du code des droits d’enregistrement pour calculer la valeur
d’un usufruit.
Selon la cour, au cours de la durée de l’usufruit, les nus-propriétaires sont privés des produits
générés par le bien immobilier de sorte qu’il convient de vérifier si cette perte de revenus
correspond au prix qu’ils ont payé et si, en devenant nus-propriétaires, ils ont ou pas obtenu un
avantage.
La cour d’appel rappelle également toutes les spécificités civiles de l’usufruit et notamment la
répartition des charges entre le nu-propriétaire et l’usufruitier.
La cour poursuit ensuite en faisant une analyse concrète de la situation, sur la base des principes
civils et économiques.
La cour constate ainsi que le bâtiment auquel se rapporter l’usufruit avait moins de vingt-cinq ans
au moment de l’achat. Le vendeur l’avait donné en location pour un loyer mensuel de 351.000
BEF, augmenté de plusieurs charges supplémentaires à supporter par les locataires.
Sur la base des données qui lui étaient soumises, la cour a été amenée à conclure que la valeur
économique de la perte des fruits pour les nus-propriétaires (le rendement locatif brut) pouvait
être évaluée objectivement à 400.000 BEF par mois ou 5.280.000 BEF par an.
La cour poursuit en constatant qu’aucun élément ne permettait de conclure qu’au moment de
l’achat des travaux importants étaient prévisibles et qu’en conséquence, au maximum 15 % de
charges pouvaient être déduits du rendement locatif brut pour arriver au rendement net.
La cour conclut que la valeur des produits dont sont privés les nus-propriétaires, par le fait des
droits de l’usufruitier, s’élève donc à 4.488.000 BEF par an.
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Enfin, ce montant annuel doit être pris en considération durant les huit années de l’usufruit et
être actualisé à la valeur actuelle.
Pour obtenir cette valeur actuelle, la cour effectue deux calculs :
-
La cour se base par analogie sur l’article 47 du code des droits d’enregistrement et
parle d’un taux d’intérêt de 4 %. Dans ce cas, on arriverait pour une durée de huit
ans à un coefficient de 6,737244. La valeur de l’usufruit deviendrait alors 4.488.000
BEF x 6,737244 = 30.216.551 BEF.
-
Si l’on tient compte du taux d’intérêt réel pour une période de huit ans entre 1999 et
2007, la cour considère qu’il convient de se baser sur un taux d’intérêts de 3 %, ce qui
aboutirait à un coefficient de 7,01969. La valeur de l’usufruit serait dans ce cas plus
élevée.
En tout état de cause, la cour constate que les parties ont fixé la valeur de l’usufruit à 26.800.000
BEF, de sorte qu’aucune surévaluation n’était démontrée.
Cette décision est une belle illustration de la façon dont il convient de calculer la valeur de
l’usufruit. On ajoutera une nouvelle fois que pour éviter des discussions, un rapport d’expert
sera utilement versé au dossier dès la constitution de l’usufruit.
o
En cours d'exécution du contrat
Comme déjà indiqué, l'administration tente de plus en plus fréquemment de rejeter la
déductibilité des charges inhérentes à l'immeuble.
L'administration invoque le plus souvent le non-respect du critère de causalité dont question à
l’article 49 du CIR/92 : dépenses non inhérentes à l'exercice de la profession et ne se rattachant
pas à l'activité sociale.
Il y a lieu de rester extrêmement prudent en cette matière dans la mesure où la thèse
administrative est diversement accueillie par les cours et tribunaux.
Ainsi, dans une affaire soumise à la Cour d'Appel de Gand, il était question d'une société
usufruitière d'un immeuble qui amortissait une piscine adjacente à une habitation mise
gratuitement à disposition du dirigeant. L'administration soutenait que les amortissements
pratiqués sur la piscine devaient être rejetés. La Cour d'Appel de Gand, dans son arrêt du 4
décembre 2002, a toutefois relevé que les statuts incluaient la gestion d'immeuble de sorte que
l'achat de la piscine rentrait dans le cadre de l'objet social.
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Dans le même sens, un jugement du tribunal de première instance de Liège du 20 septembre
2004 conteste la position administrative et indique que :
-
il n'appartient pas à l'administration de juger de l'opportunité ou de l'utilité d'une dépense : il
ne peut être dès lors reproché à une société de mettre à disposition des dirigeants, pour leurs
besoins privés et moyennant un prix relativement modique, une partie d'un immeuble dont la
société est usufruitière, fût-il de standing;
-
la mise à disposition d'un immeuble par un employeur ou une société à un de ces travailleurs
ou un de ces dirigeants n'a rien d'exceptionnelle, et a été envisagée expressément par le
législateur qui a indiqué les règles à suivre pour déterminer la valeur de l'avantage en nature à
retenir;
-
une telle mise à disposition peut résulter du souci ou de l'idée de placer son bénéficiaire dans
un environnement favorable, de lui réserver des conditions et une situation de nature à le
rendre plus disponible et mieux disposé à l'égard de son entreprise, bref, plus performant
avec la conséquence d'en retirer, en définitive, un bénéfice;
-
une pareille mise à disposition peut aussi s'analyser comme une autre manière de rémunérer
les personnes travaillant dans l'entreprise, avec le bénéfice (moindre coût) que cette autre
forme de rémunération peut engendrer.
Toujours dans le même sens, le tribunal de première instance de Namur a, par une décision du
14 juin 2006, confirmé la déductibilité des charges d'amortissement d'un usufruit acquis pour une
durée de 15 ans par une société, alors que la partie de l'immeuble affectée à l'habitation privée
était de 82 %. Le tribunal a notamment retenu que l'acquisition de l'usufruit procurait à la
société la jouissance de l'immeuble et que la rétrocession de ce droit d'occupation sous forme de
rémunération aux dirigeants relevait d'un choix souverain de la société.
La thèse administrative a par contre été accueillie à de nombreuses reprises par la jurisprudence
et notamment par la Cour de Cassation dans son arrêt du 12 décembre 2003, déjà commenté.
Des juridictions de fond ont encore récemment suivi la jurisprudence de la Cour Suprême.
Le tribunal de première instance d'Arlon a notamment, dans une décision du 28 février 2007,
rejeté une partie des dépenses prises en charge par une société qui avait construit un immeuble à
affectation mixte sur un terrain sur lequel son dirigeant, médecin, lui avait constitué un droit de
superficie pour une durée de 17 ans. Il faut souligner que dans l'espèce qui était soumise au
tribunal, il était prévu que les constructions revenaient sans indemnités au tréfoncier à l'issue du
droit de superficie.
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Le tribunal de première instance de Bruges a également, par décision du 12 novembre 2007,
refusé la déductibilité de l'amortissement d'un usufruit sur un appartement à la mer, tenant
compte du fait que d'une part l'objet social était essentiellement l'exercice de la médecine et
d'autre part que la société avait recouru à l'emprunt pour le financement de l'acquisition de
l'usufruit.
La diversité de cette jurisprudence démontre que pour assurer la déductibilité des charges
inhérentes à l’immeuble, il convient notamment de prendre les précautions suivantes :
-
-
-
l’objet social statutaire doit impérativement viser également l’activité immobilière ;
il est opportun de fixer le siège social de la société dans l’immeuble et d’affecter une
partie significative de celui-ci aux besoins de la société (bureau, salle d’archive, garage,
salle de réunion,…) ;
il faut conserver à l’esprit que l’administration est plus encline à contester la déductibilité
des charges dès lors que la société a dû recourir à l’emprunt pour assurer le financement
de l’acquisition de l’usufruit ou de travaux ;
dans le cadre de l’exécution du contrat, le contribuable doit être spécialement attentif à la
facturation des travaux réalisés (respect du droit civil).
Sur ce dernier point, on rappellera que selon les dispositions du code civil, les grosses réparations
demeurent à charge du nu-propriétaire, à moins qu’elles n’aient été occasionnées par le défaut
d’entretien de l’usufruitier, alors que l’usufruitier est tenu quant à lui aux seules réparations
d’entretien.
Le succès d’une planification fiscale ayant pour objet le démembrement de la propriété dépend
notamment du respect des conventions et du fait que les différentes parties en cause acceptent
les conséquences de leurs actes. Il y a dès lors lieu de respecter la répartition des travaux prévue
par le code civil.
En cours d’exécution du contrat, l’administration tente encore régulièrement de rejeter les
charges afférentes à l’immeuble par le recours à l’article 344, §1er du CIR 92.
Cette disposition rend inopposable à l’administration fiscale la qualification juridique donnée par
les parties à un acte ainsi qu’à des actes distincts réalisant une même opération lorsque
l’administration fiscale constate que cette qualification a pour but d’éviter l’impôt. Le
contribuable peut néanmoins démontrer que cette qualification répond à des besoins légitimes de
caractère financier ou économique. Seule la qualification d’un acte peut ainsi être rendue
inopposable à l’administration et l’administration ne peut donner à cet acte une autre
qualification qu’en respectant ses effets juridiques (Cass., 4 novembre 2005, Juridat.be).
Il appartient au juge, selon la Cour de cassation, de vérifier si les effets juridiques de l’opération
nouvellement qualifiée et ceux de l’opération initialement qualifiée sont similaires.
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En ce qui concerne l’usufruit, l’administration fiscale tente généralement de requalifier
l’opération en une vente de la pleine propriété au dirigeant d’entreprise, suivie du versement d’un
loyer payé d’avance par la société. Cette requalification permet à l’administration d’invoquer
l’article 32, 3° du CIR 92 dans la foulée.
La jurisprudence a confirmé a plusieurs reprises que l’administration fiscale ne pouvait procéder
à une telle requalification.
Il est ainsi acquis depuis un important arrêt prononcé par la Cour de cassation le 22 novembre
2007 que l’administration ne peut procéder à la requalification d’une opération que si la nouvelle
qualification a des effets juridiques similaires au résultat final des actes juridiques posés par les
parties.
Or, dans l’affaire qui lui a été soumise, la cour d’appel de Gand avait constaté que la qualification
de location substituée à la qualification d’usufruit choisie par les parties n’avait pas les mêmes
effets, que la relation de propriété avait été sensiblement modifiée et que la relation juridique
entre le tiers vendeur et la société avait également été ignorée. La Cour de cassation conclut que
la cour d’appel de Gand justifie légalement sa décision selon laquelle les actes contestés ne sont
pas susceptibles de qualification différente, de sorte que l’article 344, §1er du CIR 92 ne peut être
appliqué.
La cour d’appel de Mons a rendu un arrêt dans le même sens le 21 avril 2006. La cour souligne
notamment que le fait que des similitudes existent entre une constitution d’usufruit et un contrat
de bail n’empêche pas qu’une différence fondamentale subsiste, à savoir que l’usufruitier est
titulaire d’un droit réel sur l’immeuble tandis que le locataire n’est titulaire que d’un droit de
créance à l’égard du propriétaire. En l’espèce, la qualification proposée par l’administration
fiscale ne respectait pas tous les effets de la convention conclue entre parties (Mons, 21 avril
2006, consultable sur fiscalnet).
Il y a d’ailleurs lieu de noter que même au sein de l’administration fiscale, certains directeurs
régionaux admettent que l’article 344, §1er du CIR est inapplicable pour écarter la qualification
de l’usufruit (Civ. Louvain, 29 octobre 2004, consultable sur fiscalnet).
Néanmoins, le service de décision anticipé avait indiqué dans son premier avis rendu en cette
matière que l’administration fiscale était fondée à requalifier, sur pied de l’article 344, §1er du
CIR 92, un montage usufruit-nue-propriété « lorsque plusieurs qualifications de l’opération sont
possibles et que le demandeur ne convainc pas le SDA que la qualification choisie répond à des
besoins légitimes de caractère financier ou économique».
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Le SDA avait ainsi estimé que l’opération ne devait pas être requalifiée lorsqu’elle réunissait les
cinq conditions suivantes :
-
-
l’usufruit devait être obtenu d’un tiers ;
la durée de l’usufruit devait être de minimum 20 ans ;
une partie importante de l’immeuble (au moins 50 %) devait être affectée par la société
usufruitière à sa propre activité ;
pour la partie non affectée à l’activité de la société, un loyer devait être payé sur la base
d’un contrat de bail enregistré. Une mise à disposition gratuite ou un loyer fixé sur la
base des montants forfaitaires prévus à l’article 18 de l’arrêté royal d’exécution du CIR 92
ne satisfaisaient pas à cette condition ;
les frais exposés dans l’immeuble devaient être répartis en fonction des dispositions du
code civil.
Compte tenu des critiques très vives formulées par la doctrine à l’encontre de cet avis, le SDA l’a
retiré et a soumis un nouvel avis à la consultation populaire jusqu’au 30 septembre 2009. Dans
ce projet d’avis, le SDA avait retiré les conditions qu’il imposait au contribuable pour obtenir un
ruling positif et avait maintenu la possibilité d’une requalification. Il avait exclu toutefois cette
possibilité chaque fois que les caractéristiques juridiques propres à l’usufruit « produisent leurs
effets in concreto ».
Force est de constater qu’aujourd’hui plus aucun avis officiel du SDA n’existe en cette matière.
Est-ce à dire que les anciennes directives ne sont plus d’application ? Compte tenu des décisions
individuelles rendues à ce sujet par le SDA, rien n’est moins sûr…
o
A l’expiration du contrat
A l’expiration du droit d’usufruit, le nu-propriétaire recouvre la pleine propriété du bien par
l’effet de la loi.
L’administration fiscale indique régulièrement qu’elle n’exclut pas l’éventualité de taxer dans le
chef du nu-propriétaire, au moment de la reconstitution de la pleine propriété, un avantage de
toute nature estimé à la valeur des travaux d’amélioration réalisés par l’usufruitier (décision
anticipée n°300.081 du 30 septembre 2005, consultable sur Fisconet.fgov.be).
En réalité, à l’expiration de la convention de l’usufruit, le nu-propriétaire acquiert ce qu’il a
acheté lors de la conclusion du contrat, soit le droit de devenir plein propriétaire du bien dont il
s’est privé à la fois des revenus et de la jouissance pendant la durée du contrat.
En conséquence, on aperçoit difficilement qu’il puisse y avoir attribution d’un avantage à l’issue
du contrat.
13
On constate pourtant que l’administration fiscale n’est pas de cet avis, suivie en cela par certaines
décisions de jurisprudence.
L’administration a notamment montré une sensibilité particulière dans le cas de reconstitution de
la pleine propriété d’un bâtiment à l’issue d’un droit de superficie.
Sur la base de l’article 6 de la loi sur le droit de superficie du 10 janvier 1824, à l’expiration du
droit de superficie, la propriété des bâtiments, ouvrages ou plantations, passe au propriétaire du
fonds, à charge pour lui de rembourser la valeur actuelle de ces constructions au propriétaire du
droit de superficie qui, jusqu’au remboursement, dispose d’un droit de rétention.
La loi distingue néanmoins la situation dans laquelle le superficiaire a acquis les constructions
existantes de la situation dans laquelle il n’a pas acquis celles-ci.
Ainsi, si le droit de superficie a été établi sur un fonds sur lequel se trouvent déjà des bâtiments,
ouvrages ou plantations dont la valeur n’a pas été payée à l’acquéreur, le tréfoncier reprendra le
tout à l’expiration du droit, sans être tenu à aucune indemnisation pour ces bâtiments (article 7
de la loi du 10 janvier 1824).
Ces règles sont néanmoins supplétives de sorte que les parties peuvent y déroger.
L’administration fiscale a soutenu à de nombreuses reprises qu’elle n’excluait pas l’éventualité
d’une taxation dans le chef du tréfoncier au moment de la reconstitution de la pleine propriété,
au titre d’un avantage de toute nature, estimé à la valeur des travaux réalisés par le superficiaire.
La jurisprudence a rendu diverses décisions en la matière.
Ainsi, le tribunal de première instance d’Anvers (Civil Anvers, 19 mars 2002, Courrier fiscal,
2002/409) a tranché en faveur du contribuable dans un litige dans lequel l’administration fiscale
avait soutenu que l’administrateur devenant plein propriétaire d’un magasin à l’issue d’un droit de
superficie devait être imposé sur un avantage de toute nature.
Dans cette affaire, un administrateur avait accordé à sa société un droit de superficie sur une
parcelle dont il était propriétaire. Ce contrat avait été conclu pour une durée de quinze ans. Il
prévoyait que la société paierait à son administrateur une indemnité annuelle de 1BEF. Le
contrat prévoyait également qu’à son expiration, les constructions érigées par la société
deviendraient, sans indemnité, la propriété de l’administrateur.
Le tribunal a estimé dans cette affaire qu’il ne pouvait être question d’un avantage de toute
nature que si le contrat conclu entre l’administrateur et la société avait un caractère anormal ou
bénévole. Selon le tribunal, il appartient à l’administration d’en rapporter la preuve.
14
Toujours selon le tribunal, puisque le propriétaire du terrain n’avait en l’espèce reçu qu’une
indemnité symbolique en cours d’exécution du contrat, il fallait admettre que l’obtention gratuite
des constructions ne visait qu’à compenser la perte de revenus qu’il avait subie pendant la durée
du contrat de superficie. Le tribunal a dès lors décidé que l’administration fiscale n’avait pas
établi que la société avait accordé un avantage à son administrateur.
Ce jugement a été confirmé par un arrêt de la cour d’appel d’Anvers du 27 septembre 2005
(Anvers, 27 septembre 2005, courrier fiscal, 2005/599).
Enfin, on notera une aversion particulière de l’administration fiscale pour les contrats de
démembrement de la propriété auxquels il est renoncé de manière anticipative.
Il peut arriver pour de multiples raisons que l’usufruitier ou le superficiaire renonce de manière
anticipée à leur droit. Si, à cette renonciation anticipée, s’ajoute une absence d’indemnisation de
l’usufruitier ou du superficiaire, la situation fiscale du bénéficiaire de la renonciation s’avère
risquée (sauf le cas bien entendu d’une renonciation forcée, par exemple en raison d’une faillite
de l’usufruitier ou du superficiaire).
4.
AUTRES INCONVENIENTS LIES A LA DETENTION D’UN IMMEUBLE EN
SOCIETE
Comme évoqué au titre précédent, la détention d’immeubles en société peut présenter des
risques fiscaux importants. Au-delà, la détention d’immeubles en société présente en elle-même,
en dehors de toute notion de risque, certains inconvénients.
Ils sont essentiellement les suivants.
4.1
La taxation des loyers
Les loyers réels perçus par une société détenant un immeuble sont taxables à l’impôt des sociétés
sans considération de la qualité du locataire. Ainsi, même si le locataire est une personne
physique affectant l’immeuble à son habitation, la société sera taxable sur le loyer réel déduction
faite des charges afférentes à l’immeuble, alors que si le même immeuble était donné en location
par une personne physique, seul le revenu cadastral indexé et majoré de 40 % est taxable.
15
4.2.
Les difficultés liées à la revente des parts d’une société immobilière
Le marché accessible au vendeur de sociétés immobilières est évidemment bien plus étroit que le
marché immobilier « classique ». Bon nombre d’actionnaires de sociétés immobilières
rencontrent aujourd’hui un problème pour réaliser les actions d’une société.
Ceci est évidemment lié essentiellement au fait que l’investisseur Lambda ne souhaite en général
pas faire face aux difficultés administratives liées à la détention d’un immeuble par le biais d’une
société.
Par ailleurs, jusqu’à récemment, les biens appartenant à une société immobilière ne pouvaient pas
être donnés en sûreté à une institution de crédit dans le cadre de l’acquisition des actions de
ladite société.
En effet, jusqu’au 1er janvier 2009, les SPRL, les S.A. et les SCRL ne pouvaient accorder à des
tiers aucune avance de fonds, prêts ou sûretés en vue de l’acquisition de ses propres actions
(articles 329 et 629 du code des sociétés).
Cette interdiction de ce qu’on appelle l’aide financière a été supprimée au 1er janvier 2009, par
arrêté royal du 8 octobre 2008. Cette modification est le résultat de la transposition en droit
belge de la deuxième directive européenne (directive capital 77/91/CEE du 13 décembre 1976,
modifiée par la directive 2006/68/CE du 6 septembre 2006).
Depuis le 1er janvier 2009, l’article 629 du Code des sociétés, applicable aux SA, se lit comme
suit :
« § 1er. Les avances de fonds, prêts ou sûretés accordés par une société anonyme en vue de
l’acquisition de ses actions ou de ses parts bénéficiaires ou en vue de l’acquisition ou de la
souscription par un tiers de certificats se rapportant à des actions ou des parts bénéficiaires
doivent satisfaire aux conditions suivantes :
1° les opérations ont lieu sous la responsabilité du conseil d’administration à de justes
conditions de marché, notamment au regard des intérêts perçus par la société et des sûretés qui
lui sont données. La situation financière de chaque contrepartie concernée doit être dûment
examinée ;
2° l’opération est soumise à une décision préalable de l’assemblée générale statuant aux
conditions de quorum et de majorité prévues à l’article 558 (celles prévues pour les modifications
statutaires) ;
3° le conseil d’administration rédige un rapport indiquant les motifs de l’opération, l’intérêt
qu’elle présente pour la société, les conditions auxquelles elle s’effectue, les risques qu’elle
16
comporte pour la liquidité et la solvabilité de la société et le prix auquel le tiers est censé acquérir
les actions. Ce rapport est publié conformément à l’article 74 (au moniteur belge) ;
Si un administrateur de la société mère ou la société mère elle-même est bénéficiaire de
l’opération, le rapport du conseil d’administration doit en outre spécialement justifier la décision
prise compte tenu de la qualité du bénéficiaire et des conséquences patrimoniales de cette
décision pour la société ;
4° les sommes affectées à cette opération doivent être susceptibles d’être distribuées
conformément à l’article 617. La société inscrit au passif du bilan une réserve indisponible d’un
montant correspondant à l’aide financière totale ;
5° lorsqu’un tiers bénéficiant de l’aide financière de la société acquiert des actions aliénées par la
société conformément à l’article 622, § 2 (rachat d’actions propres), ou souscrit des actions
émises dans le cadre d’une augmentation du capital souscrit, cette acquisition ou cette
souscription est effectuée à un juste prix.
§ 2. A l’exception de l’alinéa 1er, 4°, le paragraphe 1er ne s’applique pas :
1° aux opérations courantes conclues aux conditions et sous les garanties normalement exigées
pour des opérations de la même espèce, par des entreprises régies par la loi du 22 mars 1993
relative au statut et au contrôle des établissements de crédit;
2° aux avances, prêts et sûretés consentis à des membres du personnel de la société ou
d’une société liée à celle-ci pour l’acquisition d’actions de ces sociétés, ou de certificats se
rapportant aux actions de ces dernières ;
3° aux avances, prêts et sûretés consentis à des sociétés dont la moitié au moins des droits de
vote est détenue par les membres du personnel de la société, pour l’acquisition par ces sociétés,
d’actions ou de certificats se rapportant aux actions de cette société, auxquels est attachée la
moitié au moins des droits de vote ».
Moyennant le respect de l’ensemble de ces conditions, il est aujourd’hui envisageable qu’une
société donne une sûreté (de quelque nature que ce soit) pour un crédit à obtenir par son nouvel
actionnaire, pour l’achat des actions de ladite société.
L’article 329 du Code des sociétés prévoit des modalités analogues en matière de SPRL.
Tout cela étant, il semblerait que le secteur bancaire ne fasse pas preuve d’une grande souplesse
en cette matière.
17
Par ailleurs, il va de soi que le prix obtenu dans le cadre de l’acquisition directe d’un immeuble
n’est pas identique à celui obtenu dans le cadre de la vente d’une participation d’une société
immobilière.
En effet, en vendant sa participation, l’actionnaire de la société immobilière économise l’impôt
dû sur la plus-value latente. Il est alors habituel que cette économie d’impôt soit répartie de
manière équilibrée entre l’acheteur et le vendeur. Il n’est par ailleurs pas rare que le vendeur
demande alors à son tour à bénéficier d’une partie de l’économie réalisée par l’acheteur en
matière de droits d’enregistrement.
4.3.
Taxation de la plus-value
Alors qu’en personne physique la plus-value réalisée sur immeuble n’est en principe pas taxable
(sous réserve de l’application des articles 37, 90,1°, 90, 8° et 90, 10° du CIR 92), les plus-values
réalisées par une société à l’occasion d’une vente d’immeuble sont taxables à l’impôt des sociétés.
Même si la taxation de cette plus-value peut se faire de manière étalée par le biais du remploi
(article 47 du CIR 92), il n’en demeure par moins que les plus-values réalisées sur immeubles en
société sont en tout état de cause taxables.
5.
COMMENT SORTIR UN IMMEUBLE D’UNE SOCIETE ?
5.1.
Dissolution de la société
La détention d’un immeuble en société peut, comme on vient de le voir, représenter un risque ou
un coût fiscal important. Pour ces raisons, ainsi que pour toute une série de motifs familiaux, les
associés d’une société immobilière pourraient souhaiter sortir des biens immeubles d’une société.
Cela peut bien entendu se faire de différentes façons. Certains mécanismes n’iront pas de paire
avec la dissolution de la société : la vente, l’échange, l’apport à une autre structure, la dation en
paiement ou la réduction de capital en nature (lorsque c’est possible).
D’autres mécanismes emportent par contre la dissolution pure et simple de la société
patrimoniale.
Ces différentes opérations ont bien entendu un premier impact en matière de droits
d’enregistrement.
18
En cette matière, il y a lieu d’établir une distinction entre les immeubles qui proviennent d’une
société de personnes, d’une société par actions, d’une société coopérative ou d’une société sans
personnalité juridique.
En ce qui concerne les sociétés de personnes, l’article 129 du code des droits d’enregistrement
énonce que :
« L’acquisition par un ou plusieurs associés, autrement que par voie d’apport en société, d’immeubles situés en
Belgique qui proviennent d’une société en nom collectif ou en commandite simple, d’une société privée à
responsabilité limitée ou d’une société agricole donne lieu, de quelque manière qu’elle s’opère, au droit établi pour
les ventes.
En cas de remise de biens sociaux par le liquidateur de la société en liquidation à tous les associés, l’alinéa qui
précède s’applique à l’attribution ultérieure des biens à un ou plusieurs associés.
Le premier alinéa n’est pas applicable (il y a donc exemption) en ce qui concerne :
1°
les immeubles apportés à la société, lorsqu’ils sont apportés par la personne qui a effectué l’apport ;
2°
les immeubles acquis par la société avec paiement du droit d’enregistrement à fixer pour les ventes,
lorsqu’il est établi que l’associé qui devient propriétaire de ces immeubles faisait partie de la société au
jour de l’acquisition par celle-ci ».
En ce qui concerne les sociétés par actions et les sociétés coopératives, l’article 130 du code des
droits d’enregistrement énonce que :
« L’acquisition par un ou plusieurs associés, autrement que par voie d’apport, d’immeubles situés en Belgique et
qui proviennent d’une société par actions ou d’une société coopérative, donne lieu, de quelque manière qu’elle
s’opère, à la perception du droit de vente ».
Pour ces sociétés, on ne retrouve donc pas l’exception prévue pour les sociétés de personnes.
En ce qui concerne les sociétés sans personnalité juridique, la loi ne contient pas expressément
de règles. Pour la perception, ces sociétés sont donc considérées comme des indivisions
ordinaires auxquelles les articles 109 à 114 du code de droit d’enregistrement sont applicables.
Lorsqu’un des associés est devenu copropriétaire, par voie d’apport, d’un immeuble apporté par
un autre associé, l’acquisition ultérieure du bien en question par le premier nommé donnera lieu,
en application de l’article 113 du code des droits d’enregistrement, au droit de vente sur
immeuble, mais seulement sur les quotités indivises qu’il a acquises par l’effet de la convention.
Dans la mesure où seul l’article 129 du code des droits d’enregistrement permet l’acquisition d’un
immeuble par un associé sans perception du droit proportionnel, nous ne reviendrons donc que
sur l’hypothèse des sociétés de personnes.
19
L’article 129, al. 1er du code des droits d’enregistrement contient la règle générale qui s’applique à
l’acquisition d’immeubles situés en Belgique provenant d’une société de personnes. Quelle que
soit la manière dont l’acquisition s’opère, elle donne lieu au droit établi pour les ventes.
Ce droit est exigible sans que l’on distingue si l’acquisition est translative (par exemple, vente aux
associés par la société) ou déclarative (par exemple, partage entre les associés après dissolution de
la société) ou même si elle n’est ni translative ni déclarative (par exemple, dissolution après
réunion de toutes les parts en une seule main).
Les alinéas 2 et 3 de l’article 129 du code des droits d’enregistrement prévoient toutefois des
exceptions à la perception du droit proportionnel.
Ces exceptions sont les suivantes :
1°
L’acquisition par tous les associés ensemble, à la suite de la remise des biens sociaux par
le liquidateur de la société mise en liquidation, n’est assujettie qu’au droit fixe. L’application de la
règle de l’article 129, al. 1er est différée jusqu’à l’attribution ultérieure des biens à un ou plusieurs
associés ;
2°
La règle générale de l’article 129, al. 1er n’est pas applicable en ce qui concerne les
immeubles apportés à la société, lorsqu’ils sont acquis par la personne qui a précisément effectué
l’apport ;
3°
La règle générale de l’article 129, al. 1er du code des droits d’enregistrement n’est pas non
plus applicable en ce qui concerne les immeubles acquis par la société avec paiement du droit
d’enregistrement fixé pour les ventes, lorsqu’il est établi que l’associé qui devient propriétaire de
ces immeubles faisait partie de la société au jour de l’acquisition par celle-ci.
En ce qui concerne la seconde exception, une circulaire du 24 décembre 1958 (répertoire R.J.E.,
129/01-01) précise que l’article 129 al. 3 du code des droits d’enregistrement est, moyennant le
respect de certaines conditions, également applicable lorsque les immeubles sont acquis par les
héritiers ou légataires de celui qui a apporté ces biens ou le cas échéant les héritiers de ses
héritiers.
Précisons encore au sujet de cette deuxième exception que l’associé qui, ensemble avec d’autres,
a apporté un immeuble, n’a apporté qu’une part indivise ; plus tard, lorsqu’en cas de liquidation
de la société entre les associés au cours de laquelle la totalité de l’immeuble est attribuée, il ne
peut invoquer l’application de l’article 129, al. 3 que pour la part qu’il a lui-même apportée dans
la société.
20
Compte tenu de cette deuxième exception, se pose évidemment la question de la transformation
d’une société par actions en une société de personnes lorsque l’actionnaire veut sortir le bien
immeuble de la société. Il résulte à ce sujet de la loi du 23 février 1967 que le changement de
forme juridique n’apporte plus de modification à la personnalité juridique de la société. La
conséquence directe en l’occurrence est qu’en cas de liquidation ultérieure de la société de
personnes, l’exception de l’article 129, al. 3 du code des droits d’enregistrement peut être
appliquée pour l’acquisition par les associés d’immeubles qui proviennent de la société dans son
ancienne forme, comme si elle avait toujours eu la forme d’une société de personnes (décision du
14 septembre 1972, Recueil général de l’enregistrement et du notariat, n°21.656).
Il est enfin souligné que les exceptions contenus à l’article 129, al. 3 du code des droits
d’enregistrement ne signifie pas une exemption du droit proportionnel d’enregistrement mais a
simplement pour conséquence que dans ce cas, la perception doit être opérée en respectant le
caractère de droit civil de l’opération intervenue. Le droit de partage sera ainsi dû si le partage
est la conséquence d’une cession de droit indivis ou d’un partage entre associés. Le droit fixe
n’est perçu que lorsque l’acquisition est la conséquence d’un fait ou lorsque le bien immeuble est
repris par l’unique associé d’une SPRL.
Du point de vue de l’impôt des sociétés, la liquidation d’une société patrimoniale s’apparente à
celle d’une société commerciale classique. L’impôt des sociétés de liquidation est donc dû, de
même qu’un précompte mobilier de 10 % sur le boni de liquidation (voyez pour un exemple
concret (S. MERCIER, Liquidation d’une société patrimoniale, PACIOLI, n° 249, p. 1 et sc).
5.2.
Rachat de l’immeuble par une personne physique
Le rachat de l’immeuble par une personne physique donnera en principe lieu à la débition des
droits d’enregistrement fixés pour le droit de vente (12,5 % ou 10 %). Toutefois, l’article 109, 1°
et 2° du code des droits d’enregistrement prévoit un droit de 1% pour :
-
Les partages, partiels ou totaux, de biens immeubles situés en Belgique ;
-
Les cessions à titre onéreux, entre copropriétaires, de part indivise dans de tels biens
immeubles, sans qu’il soit nécessaire que la cession se fasse avec l’intervention de tous les
copropriétaires ou qu’elle fasse cesser l’indivision à l’égard de l’un d’eux.
On voit donc tout l’intérêt qu’il y a de conserver toujours à tout le moins 1 % de la propriété de
l’immeuble en personne physique lorsqu’on souhaite mettre son immeuble en société.
Au surplus, il va de soi que la société sera imposable à l’impôt des sociétés, le cas échéant, sur la
plus-value réalisée à l’occasion de la vente
21
5.3.
Vente de titres de la société
Lorsque le contribuable personne physique ne souhaite plus détenir un immeuble au travers
d’une société patrimoniale, il lui est bien entendu toujours loisible de vendre les titres de la
société.
Cette opération ne doit bien entendu pas faire l’objet d’un quelconque enregistrement. Il y a
toutefois lieu d’être attentif à la délicate question de l’apport en société d’un bien immeuble suivi
de la cession subséquente des actions obtenues en rémunération de l’apport.
Là, on le sait, l’administration a souvent considéré que l’opération constituait en réalité une vente
simulée ou déguisée d’un immeuble, de façon à pouvoir percevoir le droit proportionnel de
vente. Pour ce faire, elle tente de prouver que l’apport n’est pas réel au motif qu’il n’y aurait pas
d’affectio societatis dans le chef de l’apporteur.
Dans une récente décision administrative (26 septembre 2006), l’administration a toutefois
reconnu que la vente de toutes les actions d’une société dont le principal actif est immobilier
n’est pas comme telle une vente d’immeuble et n’est pas soumise au droit proportionnel de
l’article 44 du code des droits d’enregistrement.
Il n’y a pas simulation si les parties au contrat de vente des actions ont, dès l’origine, eu
l’intention de vendre les actions et si aucun indice ne permet d’établir que, de manière indirecte
ou déguisée, c’est la cession des immeubles qui était in specie visée. Ceci pourrait être le cas, par
exemple si, avant la cession des actions, le bilan de la société dont les actions sont cédées est
modifié, pour sortir avant la cession, les actifs ou certains actifs mobiliers.
En matière d’impôt des personnes physiques, la plus-value que réaliserait l’actionnaire à
l’occasion de la vente de sa participation dans la société immobilière est en principe exemptée
d’impôt.
Ceci étant, on notera une propension de plus en plus large de l’administration fiscale à tenter de
faire application de l’article 90, 1° du code des impôts sur les revenus 1992 qui énonce que :
« Les revenus divers sont :
Sans préjudice des dispositions du 8e et du 10e, les bénéfices ou profits, quelle que soit leur qualification, qui
résultent, même occasionnellement ou fortuitement, de prestations, opérations ou spéculations quelconques ou de
services rendus à des tiers, en dehors de l’exercice d’une activité professionnelle, à l’exclusion des opérations de
gestion normale de patrimoine privé consistant en biens immobiliers, valeurs de portefeuille et objets mobiliers ».
L’analyse de cette disposition complexe sort du cadre de la présente contribution. Ceci étant, on
rappellera utilement qu’il appartient à l’administration fiscale d’établir qu’un acte s’écarte de la
gestion normale d’un patrimoine privé. Une déclaration de principe ne suffit pas à cet égard. On
22
rappellera également que pour apprécier si le contribuable a acquis un bien avec une intention
spéculative, il importe de se placer au moment de l’acquisition du bien et non au moment de sa
revente.
Lorsque l’intention spéculative n’apparaît qu’au moment de la réalisation du bien ou longtemps
après son acquisition, la jurisprudence admet que l’opération ne peut s’inscrire que dans le cadre
de la gestion normale d’un patrimoine privé.
Enfin, rappelons que les critères pour distinguer l’intention spéculative de l’acte de gestion en
bon père de famille sont nombreux et que c’est bien souvent la réunion de plusieurs d’entre eux
qui emportera la conviction du juge.
En synthèse, on peut considérer que les éléments de fait suivants sont ceux qui sont
généralement retenus par la jurisprudence :
-
L’entrée normale des biens dans le patrimoine privé du contribuable (a contrario) ;
Le recours à l’emprunt ;
La répétition des opérations ;
La rapidité des opérations effectuées ;
Les opérations à haut risque ;
Les travaux de valorisation ;
Le recours à des professionnels de la vente ;
L’utilisation des connaissances, de l’expérience ou des relations d’affaires propres ;
L’affectation du profit au bénéfice réalisé ;
L’ordre dans lequel les opérations se sont déroulées ;
La réalisation d’un profit ou bénéfice important.
Si l’administration est en mesure de prouver que plusieurs de ces éléments existent dans le cas
d’espèce, elle sera en droit de taxer la plus-value réalisée sur titres au taux distinct de 33 %.
5.4.
Scission partielle
Pour mémoire.
23
6.
QUELQUES ALTERNATIVES
IMMOBILIÈRE
EN
MATIÈRE
DE
6.1.
Financement immobilier via le deuxième pilier de pension
PLANIFICATION
Quand on parle du 2ième pilier de pension, on pense en premier lieu à la constitution d’une
pension et le cas échéant aux possibilités fiscales qu’il offre. Cependant, sa dimension
immobilière reste très largement méconnue.
Précisons d’emblée que l’acquisition dont il est question ici est une acquisition réalisée en
personne physique.
Dans le cadre de ce financement via le deuxième pilier de pension, il convient de distinguer deux
techniques :
-
L’avance sur police ;
-
La mise en gage d’un plan de pension pour la reconstitution d’un crédit hypothécaire.
L’article 59, § 6 du CIR 92 pour l’engagement individuel de pension et les assurances groupes et
l’article 49, § 2 de la loi-programme du 24 décembre 2002 pour la PLCI indiquent sous quelles
conditions les techniques d’avance ou de mise en gage peuvent être appliquées.
L’article 59, § 6 du code des impôts sur les revenus 92 stipule que « les avances sur prestations, la
mise en gage des droits à la pension pour sûreté d’un emprunt et l’affectation de la valeur de
rachat à la reconstitution d’un emprunt hypothécaire ne font pas obstacle au caractère définitif
du versement des cotisations et des primes versées à titre définitif à une entreprise d’assurance, à
une institution de prévoyance ou à une institution de retraite professionnelle établie dans un Etat
membre de l’Espace économique européen, lorsqu’elles sont consenties pour permettre au
travailleur (et par assimilation au dirigeant d’entreprise) d’acquérir, de construire, d’améliorer, de
restaurer ou de transformer des biens immobiliers situés dans un Etat membre de l’espace
économique européen et productif de revenus imposables en Belgique ou dans un autre état
membre de l’Espace économique européen et pour autant que les avances et les prêts soient
remboursés dès que les biens précités sortent du patrimoine du travailleur ».
24
L’article 49, § 2 de la loi programme du 24 décembre 2002 énonce pour sa part que « les avances
sur prestations ou la mise en gage de droit de pension ou la possibilité d’affecter la valeur de
rachat à la reconstitution d’un crédit hypothécaire, ne peuvent être admises que pour permettre à
l’affilié d’acquérir, de construire, d’améliorer, de réparer ou de transformer des biens immobiliers
situés sur le territoire de l’Union Européenne et productifs de revenus imposables. »
Ces avances et prêts doivent être remboursés dès que ces biens sortent du patrimoine de l’affilié.
On déduit de ces deux textes que les possibilités d’application sont très vastes : c’est en effet non
seulement l’acquisition d’une habitation qui peut être financée mais également d’un immeuble
commercial, ou d’un terrain, etc. Par ailleurs, peu importe que l’immeuble soit utilisé en tout ou
en partie à des fins professionnelles. Il peut s’agir tant du financement de l’achat, de la
construction, de la transformation, de l’amélioration que de la réparation d’un bien immobilier.
A la lecture des textes, on constate encore qu’il existe deux techniques : l’avance sur police et la
mise en gage du plan de pension pour la reconstitution d’un crédit hypothécaire.
En ce qui concerne l’avance sur police, il s’agit d’une forme de crédit spécifique propre aux
assurances vie. En cas d’avance, l’assureur « avance » une partie des prestations d’assurance
future. L’avance est donc calculée sur la base des réserves de pension déjà constituées de la
police. Contrairement à l’hypothèse du rachat, la police se poursuivra normalement après
l’attribution de la vente.
L’arrêté royal « Vie » limite le montant de l’avance à la valeur de rachat nette de la police de sorte
qu’en pratique l’avance correspondra plus ou moins à 60 % de la réserve constituée.
En ce qui concerne la mise en gage d’un plan de pension pour la reconstitution d’un emprunt
hypothécaire, il s’agit de combiner un emprunt à terme fixe avec la mise en gage d’une assurance
vie. Concrètement, cela signifie qu’aucun remboursement de capital n’intervient pendant la
durée de l’emprunt mais que celui-ci est remboursé en une seule fois à l’échéance finale de
l’assurance vie, c'est-à-dire à la date finale prévue par la police en cas de vie de l’assuré ou lors du
décès prématuré de celui-ci. Cette méthode de financement de l’acquisition d’un bien immobilier
doit être encouragée dans la mesure où elle exploite au maximum les possibilités de déduction
fiscale tant en matière de fiscalité des biens immobiliers qu’en terme de fiscalité du deuxième
pilier.
Ceci étant, il faut être conscient que le capital pension constitué pendant la durée de vie du
contrat sera affecté au remboursement de l’emprunt et ne sera donc plus disponible pour
l’indépendant qui arrive en fin de carrière et qui disposera d’une pension légale extrêmement
réduite.
25
Quoiqu’il en soit, compte tenu des inconvénients liés à la détention d’un immeuble en société,
l’acquisition d’un immeuble en personne physique par le biais de ces méthodes de financement
nous paraît devoir être plus systématiquement explorés.
Par ailleurs, afin de pallier aux inconvénients de la détention d’un immeuble en société ou
d’éviter des risques fiscaux liés notamment au démembrement de propriété, les opérations
suivantes nous paraissent pouvoir être recommandées en matière de planification.
6.2.
La donation de l’habitation familiale
Il est premièrement possible d’opérer une planification par le biais de l’utilisation de tarifs
préférentiels.
Le législateur wallon a instauré un régime de taxation favorable pour la donation de l’habitation
familiale. Le décret du 15 décembre 2005 a ainsi inséré l’article 131ter dans le code des droits
d’enregistrement, tel qu’applicable en Région wallonne.
Le tarif progressif préférentiel relatif à l’habitation familiale est réservé aux donations intervenant
en ligne directe, entre époux ou entre cohabitants légaux au sens « wallon » du terme. En ce qui
concerne ce dernier, le législateur wallon imposait encore jusqu’il y a peu, en guise de délai
probatoire, que la déclaration de cohabitation légale ait été formalisée plus de six mois avant la
donation. Cette conception restrictive de la cohabitation légale en Wallonie s’appliquait
également en matière de droits de succession. Par un arrêt du 26 novembre 2009 (numéro
187/2009), la Cour constitutionnelle a toutefois jugé que cette exigence de délai qui ne concerne
pas les couples mariés violait les articles 10 et 11 de la Constitution.
Le récent décret du 10 décembre 2009 assouplit la conception wallonne de la cohabitation légale
et précise, dans le même temps, la notion de « conjoints » en tenant compte de considérations
liées au droit international privé.
Le dernier alinéa de l’article 131 du « code wallon » prévoit qu’il faut désormais entendre par
« époux ou conjoint » la personne qui, au moment de la donation, était dans une relation de
mariage avec le donateur conformément aux dispositions du code civil, ainsi que la personne qui,
au moment de la donation, se trouvait dans une relation de mariage avec le donateur,
conformément au chapitre 3 du droit international privé.
Sous l’expression de « cohabitant légal », il faut dorénavant englober toute personne qui, au
moment de la donation, était domiciliée avec le donateur et était avec lui dans une relation de
cohabitation légale conformément aux dispositions du livre III, titre Vbis du code civil. Aucun
délai probatoire ne doit plus s’être écoulé entre la déclaration de cohabitation légale et la date de
la donation.
26
Les taux d’imposition sont, pour une donation de l’habitation familiale, réaménagés comme suit :
Tranche de la donation en euros
De …à … inclus
0,01 € à 25.000 €
25.000,01 € à 50.000 €
50.000,01 € à 175.000 €
175.000,01 € à 250.000 €
250.000,01 € à 500.000 €
Au-delà de 500.000 €
En ligne directe,
entre époux et entre
cohabitants légaux
%
1%
2%
5%
12 %
24 %
30 %
Notons encore que cette générosité a encore été accentuée par l’octroi à chaque donateur d’un
abattement sur la première tranche de 12.500 € qu’il recueille, exemption pouvant s’étendre à la
tranche de 12.500 € suivante, pour autant que l’émolument brut alloué à ce donataire n’excède
pas 125.000 € (article 131ter, § 3 du code des droits d’enregistrement, tel qu’applicable en Région
wallonne).
Pour bénéficier de ce tarif préférentiel, les conditions suivantes doivent encore être réunies :
-
Le bénéficiaire ne peut prétendre au régime préférentiel que si le donateur transmet par
ce biais l’ensemble des droits qu’il détient en pleine propriété sur l’immeuble (ce qui ne veut
pas dire que le donateur doive nécessairement être propriétaire de l’ensemble du
bâtiment donné).
-
L’habitation ne peut être située ailleurs qu’en Région wallonne et le donateur doit être
domicilié en Wallonie au jour de la donation.
-
Une affectation partielle de l’immeuble à une destination d’habitation n’empêche pas que
la donation jouisse des taux réduits pour le tout. Il suffit en effet que le bien considéré
soit destiné en tout ou en partie à l’habitation. Par contre, le texte wallon requiert que le
donateur y ait fixé sa résidence principale durant les cinq années précédant la donation.
-
Le donataire, s’il estime pouvoir bénéficier du régime de faveur, doit en solliciter
expressément l’application.
On notera encore qu’aucune restriction n’est formulée quant au(x) bien(x) immobilier(x) dont
pourrait d’ores et déjà être détenteur le donataire au jour de la donation et que celui-ci n’est pas
contraint d’établir sa résidence principale dans l’habitation donnée dans un délai quelconque.
Enfin, pour déterminer le taux applicable en vertu de l’article 131ter, il conviendra d’être attentif
à l’éventuelle mise en œuvre de la réserve de progressivité réglée à l’article 137 du code des droits
d’enregistrement tel qu’applicable en Région wallonne. Ainsi, le receveur tiendra compte, pour le
27
calcul du taux applicable à la donation d’une habitation familiale, des libéralités qui sont
intervenues entre les mêmes parties dans les trois années précédant la donation de l’immeuble
familial et qui ont été enregistrées. Ces dernières ne font bien entendu pas l’objet d’une nouvelle
imposition mais servent uniquement à rehausser la progressivité de la nouvelle donation.
La transmission de l’habitation familiale emportera également une majoration de la base
imposable des gratifications consenties entre les mêmes parties durant les trois années
subséquentes.
Par ailleurs, les donations soumises aux taux de faveur prévu pour les transmissions entre vifs de
l’habitation familiale sont prises en compte pour la mise en œuvre de la réserve de la
progressivité dont question à l’article 66bis du code des droits de succession tel qu’applicable en
Région wallonne.
6.3.
La donation simple
Pour les donations entre vifs de biens immeubles, il est perçu en droit proportionnel sur
l’émolument brut reçu par chacun des donataires d’après le tarif suivant :
Tranche de la donation en euros
De …à … inclus
0,01 € à 12.500 €
12.500 € à 25.000 €
25.000 € à 50.000 €
50.000 € à 100.000 €
100.000 € à 150.000 €
150.000 € à 200.000 €
200.000 € à 250.000 €
250.000 € à 500.000 €
Au-delà de 500.000 €
En ligne directe,
entre époux et entre
cohabitants légaux
%
3%
4%
5%
7%
10 %
14 %
18 %
24 %
30%
Même s’il est vrai que ces tarifs restent relativement élevés, la donation simple peut toutefois
présenter les avantages suivants :
-
Eviter la progressivité des droits de succession, à tout le moins si la donation a eu lieu
plus de trois ans avant le décès et que, s’il y a plusieurs donations, elles soient espacées de
plus de trois ans l’une de l’autre.
-
Eviter que le bien donné qui augmenterait de valeur soit taxé sur une base plus
importante lors de la succession.
28
-
6.4.
Permettre au donateur de payer les droits de donation à la place des donataires, ce qui
réduira d’autant le patrimoine successoral. Il est en effet admis par l’administration fiscale
que si le donateur paie les droits de donation il ne s’agit pas d’une nouvelle donation
taxable.
Les donations partielles successives
Afin de réduire encore la progressivité de l’impôt pour des immeubles de valeur importante, le
donateur peut également décider de réaliser des donations partielles de l’immeuble tous les trois
ans. Il faut toutefois conserver à l’esprit que les frais d’acte notariés seront dus à l’occasion de
chaque donation et qu’il est possible que l’immeuble augmente de valeur entre deux donations et
fasse alors l’objet d’une taxation dans une tranche plus élevée.
6.5.
La donation de fonds nécessaires à l’acquisition du bien immeuble
Le propriétaire personne physique de l’immeuble peut également faire une donation de fonds à
son enfant pour lui permettre d’acquérir la nue-propriété ou la pleine propriété de l’immeuble.
Compte tenu des taux favorables de taxation des donations de meubles dans les trois régions,
cette donation peut intervenir soit par acte notarié, soit par don manuel ou encore par simple
virement de fonds à l’enfant.
Sur le plan fiscal, l’opération n’est aujourd’hui plus contestée par l’administration fiscale pour
autant qu’elle s’inscrive dans le contexte d’un arrangement de famille et que le don des fonds soit
réalisé de manière régulière. Il faut, suivant une position récente de l’administration fiscale
(décision administrative du 13 décembre 2007, RGEN 2008, n°25936, page 197), que la donation
des fonds ait été réalisée avant la date de l’acte authentique d’achat de l’immeuble.
Les articles 9 et 11 du code des droits de succession permettant de requalifier l’opération d’achat
de la nue-propriété pour taxer le bien dans la succession de l’ascendant usufruitier décédé ne
s’appliquent alors pas dans la mesure où le nu-propriétaire sera en mesure de faire la preuve qu’il
a acheté la nue-propriété au moyen de fonds qui lui appartenaient. Comme le relève Philippe De
Page (ouvrage collectif, investissement immobilier privé, Anthémis, 2010), il sera essentiel de
pouvoir démontrer que :
-
l’acquéreur de la nue-propriété – l’enfant ayant bénéficié du don – était en possession des
fonds nécessaires à l’achat de l’immeuble préalablement à cet achat, c'est-à-dire avant la
signature de l’acte authentique d’achat. Cependant, on restera prudent en faisant payer
par le nu-propriétaire sa part dans l’acompte au moment de la signature du compromis
de vente ;
-
et que l’acquéreur de la nue-propriété a réellement affecté des fonds personnels à cet
achat.
29
« Ces preuves ne sont pas considérées comme étant rapportées par la simple mention, dans l’acte d’achat, que le nupropriétaire a payé sa part ou que le prix a été payé antérieurement à l’acte. Il en est de même si le vendeur –
l’ascendant qui cède la nue-propriété – paie le prix pour le compte du nu-propriétaire ou, dans le cas de l’achat de
l’immeuble à un tiers, si les acheteurs – l’ascendant pour l’usufruit et le tiers suspect pour la nue-propriété – ne
paie pas distinctement leur part respective dans le prix.
Il est conseillé de ne pas procéder, le même jour, à la donation et à l’achat de la nue-propriété de l’immeuble
appartenant au donateur des fonds. Pareillement, si après la donation qui a permis l’achat en pleine propriété ou
en nue-propriété de l’immeuble appartenant au donateur, ce dernier restitue la somme donnée par l’enfant à celuici, il y aura simulation et l’administration fiscale considérera que l’opération apparente déguise une donation de
l’immeuble, taxable en tant que telle ».
6.6.
Achat en indivision ou donation ou legs en indivision
Comme déjà précisé, lorsque deux ou plusieurs personnes sont à l’origine d’une indivision ou si
elles rentrent dans une indivision par succession, la sortie d’indivision entrainera, en matière
immobilière, des droits d’enregistrement de 1 %.
Il peut dès lors être utile d’acquérir un immeuble en mettant déjà 1 % de la propriété au nom
d’un enfant.
En effet, par ce biais, il pourra plus tard reprendre cet immeuble à son parent au taux de 1 %, le
cas échéant avec des fonds qui lui auront été donnés par son parent. Cette opération peut
également se réaliser par le biais d’un testament ou d’une donation et viser une planification
successorale à long terme. Ainsi, si je donne ou lègue à un enfant un immeuble pour 99 % et à
son propre enfant pour 1 %, ce dernier pourra reprendre à son père les 99 % en payant un droit
d’enregistrement de 1 %. Il y a donc un passage à la deuxième génération au taux de 1 %.
6.7.
Vente d’un bien immeuble
Afin d’éviter des droits de donation ou de succession importants il est évidemment toujours
possible de vendre l’immeuble et de donner ensuite à la personne que l’on souhaite gratifier le
produit de la vente. En vendant l’immeuble, le propriétaire mobilise des biens et sera en mesure
de réaliser des donations mobilières à des taux particulièrement raisonnables voire nuls.
6.8.
Démembrement de la propriété emphytéose-tréfonds
Il est encore possible de réaliser une optimisation en droits de succession par le biais d’un
démembrement de la propriété emphytéose-tréfonds.
L’hypothèse est la suivante : un père de famille est propriétaire d’un immeuble. Il crée une
société patrimoniale immobilière à laquelle il « vend » une emphytéose (avec application de droits
d’enregistrement de 0,20 %) avec ou sans réserve du droit d’habitation. Il donne ensuite à ses
enfants la créance résultant de la cession de l’emphytéose et leur vend ou leur donne le tréfonds.
30
Les actions de la société patrimoniale feront ensuite l’objet d’une donation (avec les nouvelles
difficultés que l’on connaît, à savoir la disparition des titres au porteur).
6.9.
Le recours à l’endettement
Imaginons qu’un oncle soit propriétaire d’un immeuble libre d’hypothèque d’une valeur de
250.000 €. L’oncle pourrait emprunter 250.000 € auprès d’une banque et faire donation des
fonds empruntés à ses neveux (don manuel enregistré ou non ou donation authentique).
Les neveux hériteraient alors d’une part de l’immeuble et d’autre part de la dette bancaire, de
sorte que les droits de succession seraient calculés sur une base réduite.
L’inconvénient du système réside en ce que les intérêts de l’emprunt ne sont pas déductibles.
Pour pallier à cet inconvénient, les neveux pourraient acheter, en indivision avec l’oncle, un autre
immeuble avec le produit de la donation de fonds.
Plus encore que pour d’autres mécanismes, le risque de simulation doit être correctement
apprécié.
*
* *
De multiples autres solutions peuvent évidemment encore être trouvées. Il n’est évidemment
pas possible d’en faire un relevé exhaustif. Chaque situation nécessite en effet une analyse
particulière pour éviter toute réaction négative de la part de l’administration fiscale. Nous
n’avons donc pour but que de tracer des pistes de réflexion qui doivent être affinées compte tenu
des spécificités de chaque cas d’espèce.
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