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Dei Verbum
IDFP – 2 décembre 2011
A l’occasion de l’anniversaire du Concile Vatican II, il m’a été demandé de vous présenter la
Constitution dogmatique sur la Révélation, Dei Verbum. Je le fais avec d’autant plus de joie
qu’elle est – à mon sens – une pièce majeure du Concile. Je sais bien que tout conférencier a
tendance à considérer que son sujet est le plus important … C’est un peu nécessaire pour
pouvoir être convaincu, mais dans le cas de Dei Verbum, en plus c’est vrai !
La constitution Dei Verbum a une histoire assez tourmentée. Cette histoire illustre bien les
enjeux du Concile et les questions qui se posaient à l’époque. En revanche sa réception est
largement consensuelle. L’enseignement qui y est dispensé est tellement puissant, qu’il a été
généralement bien intégré par l’ensemble de l’Eglise, au point que la Constitution apparaît
presque la grande oubliée. Unanimement acceptée, il nous semble qu’elle enseigne des
évidences (ce qui n’était pas le cas à l’époque) et qu’elle n’est l’objet d’aucune controverse
post-conciliaire ! Si je crois que tout le Concile est inspiré par l’Esprit Saint, Dei Verbum en
est sans aucun doute l’illustration la plus admirable !
Nous allons donc retracer l’histoire de cette constitution, puis nous jetterons un coup d’œil sur
son mouvement d’ensemble, avant de suivre l’enseignement conciliaire en soulignant, chaque
fois que nécessaire les tenants et aboutissants de ce qui est dit.
Une histoire tourmentée.
Le Concile Vatican II avait bien commencé. Lors de la première session qui s’ouvre le 11
octobre 1962, le schéma sur la liturgie est présenté du 22 octobre au 13 novembre dans un
consensus à peu près général. Les choses se gâtent lorsqu’on présente le schéma sur les
sources de la Révélation, le 14 novembre 1962.
Ce schéma, qu’on appellera schéma I, proposé par la commission préparatoire reprenait
l’enseignement courant des manuels catholiques de l’époque. Cela signifie qu’il était très
marqué par la controverse avec les protestants sur les rapports entre Ecriture et Tradition.
C’est bien ce qui posa problème aux pères conciliaires. Sans grande originalité théologique il
se proposait de canoniser et d’inscrire dans le magistère une position qui se trouvait à bien des
égards au cœur de la problématique œcuménique. Le résultat ne se fit pas attendre. Le 20
novembre le schéma est rejeté par 1368 voix contre 822 et 19 nuls. Cela ne suffit pas à
l’éliminer. La règle du Concile voulait qu’une décision soit prise à la majorité des deux tiers,
et il manquait une 155 voix pour que le rejet ait force de loi !
C’est donc le pape Jean XXIII qui décida de retirer le schéma et de constituer une commission
mixte, obligeant le Saint Office et le Secrétariat pour l’Unité des Chrétiens à collaborer pour
proposer un nouveau texte. Ce schéma – schéma II – fut approuvé le 27 mars 1963 et envoyé
aux pères qui devaient réagir par des observations. Il ne fut donc pas présenté en congrégation
générale, mais c’est le schéma III – enrichi des remarques parvenues qui fit l’objet d’un
examen entre le 30 septembre et le 2 octobre 1964. Ce texte fut accueilli avec bienveillance,
mais il restait tout de même 1498 placet iuxta modum, c’est-à-dire autant de propositions
d’amendements.
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Cela donna le schéma IV, présenté le 29 octobre, il y eu alors 2081 placet, 27 non placet et 7
nuls. Le texte final fut promulgué le 18 novembre 1965 par 2344 voix contre 6.
A bien des égards cette constitution suit donc l’histoire du Concile. Présentée au début de
celui-ci, elle est l’occasion de la première grande crise. Mais le travail des pères, des experts
et de l’Esprit Saint permet de parvenir à une « unanimité morale » pratiquement à la fin du
concile (qui est clôt solennellement le 8 décembre 1965)
Le plan de la Constitution
Avant d’entrer dans le détail des controverses et des problématiques, jetons un coup d’œil
général sur la Constitution.
Le plan est le suivant : après un préambule assez classique dans sa forme et clarifiant le
propos, à savoir « proposer la doctrine véritable sur la Révélation divine et sa transmission »,
on trouve 6 chapitres :
Ch I. La Révélation elle-même
Ch II. La Transmission de la Révélation divine
Ch. III. L’Inspiration de la Sainte Ecriture et son interprétation
Ch. IV. L’Ancien Testament
Ch. V. Le Nouveau Testament
Ch. VI. La Sainte Ecriture dans la vie de l’Eglise
Le changement de titre de la constitution – le schéma préparatoire étant intitulé de fontibus
Revelationis (sur les sources de la révélation) – qui est devenu De Divina Revelatione (sur la
Révélation Divine) marque donc aussi un changement d’approche et donc de structure.
Les Pères ne se sont pas laissés enfermer dans une optique dialectique où la révélation se
partagerait entre deux pôles indépendants ou deux réalités parallèles (l’Ecriture et la
Tradition) se disputent la compétence et la prédominance pour la connaissance de Dieu, sous
le regard d’un arbitre (le Magistère). Celui-ci alors, se retrouverait finalement l’instance
supérieure et définitive. Bien au contraire, la constitution nous propose une démarche
organique, contemplant le mystère divin en déployant l’économie1 de celui-ci, c’est à dire en
suivant la manière dont le mystère nous parvient tout au long des siècles et de l’histoire.
On peut distinguer deux grandes parties dans la Constitution. Tout d’abord, les chapitres 1 &
2 qui traitent de la Révélation et de sa transmission, et ensuite les chapitres 3 à 6 qui renvoient
à la question biblique. Ce faisant, on dépasse le clivage entre Tradition et Ecriture, sans
revenir dans une approche de Scriptura Sola, puisque l’Ecriture est inscrite comme une des
modalités de la transmission de la Révélation.
On peut noter aussi que le chapitre 6 sur « la Sainte Ecriture dans la vie de l’Eglise » donne
une touche finale plus « pastorale » sans cesser d’être dogmatique. Là encore il s’agit de
dépasser un clivage et une dialectique, hélas encore trop répandue. On sait que le but principal
du Concile était pastoral. Il ne s’agissait pas de se lancer dans une réflexion et un
enseignement théorique et conceptuel, mais de fournir des repères importants pour la pratique
et la vie de l’Eglise. La constitution Dei Verbum est qualifiée de dogmatique, et de fait les 5
1
Rien de bancaire dans la notion d’ « économie » ici … en théologie l’économie c’est l’histoire comprise, la
manière dont se déploie au long des siècles le dessein de Dieu.
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premiers chapitres sont de l’ordre du dogme et de l’enseignement. Mais cet enseignement
dogmatique ouvre et fonde la pastorale et la pratique concrète de l’Eglise. C’est bien une
théologie apaisée que nous propose la Constitution. C’est ce mouvement que nous allons
maintenant suivre et parcourir.
La Révélation
Le premier chapitre traite donc de la Révélation en elle-même. Comme le précisait le
préambule, il s’agit de suivre les traces des Conciles de Trente et de Vatican I. Non pas pour
les répéter, mais pour avancer dans une connaissance plus profonde du mystère. Le contexte
historique, théologique et ecclésial n’étant plus celui du XVI° ou du XIX° siècle, le Concile
peut dépasser les controverses et problématiques qui se posaient à l’époque. Non pas, encore
une fois, pour les nier mais pour les approfondir. Si le Concile de Trente devait répondre à la
controverse protestante qui opposait Ecriture et Tradition, et le Concile Vatican I devait
résoudre l’épineuse question de la révélation naturelle (accessible à tous par la raison) et la
révélation surnaturelle (qui n’est accessible que par la foi), le Concile Vatican II replace la
question de la Révélation dans une optique plus profonde, en s’attachant d’abord à la
dimension Christologique. La Révélation n’est donc plus une question d’instruction ou
d’enseignement, mais d’abord une communication interpersonnelle advenue en Jésus.
Le vocabulaire est significatif de ce changement de perspective. On ne dit plus que “Dieu
enseigne” mais que “Dieu parle” : « il s’entretient [avec les hommes] pour les inviter et les
admettre à partager sa propre vie ». Ce n’est évidemment pas contradictoire, puisque
l’enseignement passe par la parole, mais la parole est plus large qu’un simple enseignement.
Et surtout la Révélation est remise dans une perspective sotériologique2. Pourquoi Dieu se
révèle-t-il ? Non pas simplement pour dévoiler aux hommes des vérités qui leur seraient plus
ou moins accessibles, mais pour les inviter à partager la vie divine. La Révélation fait donc
partie des moyens que Dieu prend pour nous sauver !
Le chapitre n’oublie pas de déployer l’économie de la Révélation : la préparation évangélique
dans l’histoire du peuple de Dieu conduit au Christ qui est la plénitude personnelle de la
Révélation. La Révélation est ensuite accueillie par la foi. Nous avons donc trois étapes dans
la Révélation : la préparation (tout au long de l’histoire des hommes) ; la plénitude (dans la
vie et l’enseignement du Christ) ; la foi (dans la vie de l’Eglise). Ce chapitre sur la Révélation
se termine par la reprise de l’enseignement de Vatican I sur la connaissance naturelle de Dieu.
A savoir qu’il est possible de connaître Dieu par la seule raison humaine à partir de la
création. Mais que la Révélation n’est pas pour autant facultative : elle facilite l’accès au plan
de Dieu et assure notre connaissance dans la vérité.
Il y a toutefois un aspect important à souligner : c’est la structure sacramentelle de la
Révélation qui comporte à la foi des gestes et des paroles. « La Révélation comprend des
événements et des paroles intimement unis entre eux, de sorte que les œuvres réalisées par
Dieu […] attestent et corroborent et la doctrine et le sens indiqués par les paroles, tandis que
les paroles publient les œuvres et éclairent les mystères qu’elles contiennent ». On retrouve
cette cohérence et cette complémentarité entre les gestes et les paroles dans les sacrements.
C’était même à l’époque scolastique une manière de les définir3. Mais nous avons bien
compris que cette dynamique où les gestes et les paroles s’éclairent réciproquement est
2
3
Sotériologique = qui a trait au salut.
Un geste et une parole qui réalisent ce qu’ils signifient.
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fondée au plus haut point dans le fait que la plénitude de la Révélation est une personne : le
Christ.
Transmission de la révélation
On va retrouver tout naturellement la structure sacramentelle de la Révélation dans la
transmission de la Révélation. Le Christ confie aux apôtres le soin d’annoncer ce qu’ils ont
appris de lui et de guider les hommes pour qu’ils vivent selon son exemple. Les apôtres ont
donc à la fois un rôle de témoignage et d’enseignement. Ce double rôle est constitutif de leur
mission d’apôtre : dire et vivre. Ensuite cette mission sera transmise aux évêques, successeurs
apôtres en même temps qu’est consignée par écrit la prédication des apôtres. C’est ainsi que
l’on voit apparaître dans le même temps et dans le même mouvement la Sainte Tradition et la
Sainte Ecriture, toutes deux d’origine et de fondation apostolique.
Il me faut ici évoquer cette fameuse question des deux sources. Le Concile de Trente avait
déclaré que l’évangile du salut, l’enseignement du Christ est contenu et dans les livres écrits
et dans les traditions non écrites, reliant Ecriture et Tradition par la conjonction « et ». Mais
dans les manuels catholiques qui ont suivi, on a très souvent recopié le texte conciliaire en
remplaçant « et » par « partim » … c’est-à-dire « en partie ». Il est vrai qu’une proposition
d’amendement avait déjà proposé cette substitution lors du Concile de Trente, mais cette elle
avait été rejetée. La différence peut sembler minime, et apparaître comme une simple
précision de l’enseignement tridentin. Pourtant cette précision modifie considérablement les
rapports entre Ecriture et Tradition. Alors que le Concile se contentait de noter la conjonction
entre l’écrit et le non-écrit, l’introduction de partim conduit à une complémentarité exclusive
qui donnera naissance à la théorie des deux sources. Selon cette théorie, Ecriture et Tradition
sont deux sources indépendantes et parallèles. Alors que le Concile soulignait l’insuffisance
modale ou herméneutique de la Bible – c’est-à-dire qu’on a besoin de la Tradition pour
interpréter correctement la Bible – la théorie des deux sources affirme l’insuffisance
matérielle de l’Ecriture, c’est-à-dire qu’on ne peut pas connaître la Révélation par la Bible
seulement.
Le Concile Vatican II va sortir de cette impasse – qui était un lourd contentieux avec le
protestantisme – en déclarant qu’il y a une source unique de la Révélation qui est Dieu. La
Révélation n’est donc ni l’Ecriture seulement, ni la Tradition seulement, mais la Parole de
Dieu consignée dans l’Ecriture et transmise par la Tradition. On mesure ici la force du
changement de titre de la Constitution, il n’y a pas deux sources de la Révélation, il n’y a en a
qu’une seule : le Christ. Ecriture et Tradition sont donc un unique dépôt de la parole de Dieu
confiée à l’Eglise.
Dans ce cadre, le magistère de l’Eglise n’est pas un arbitre au-dessus des parties, délimitant ce
qui appartient à l’une ou à l’autre, mais il est au service de la Parole de Dieu écrite et
transmise. De cette manière est exposé l’unité organique de la Tradition, de l’Ecriture et du
magistère qui « sont tellement reliés et solidaires entre eux qu’aucune de ces réalités ne
subsiste sans les autres, et que toutes ensembles, chacune à sa façon, sous l’action du seul
Esprit Saint, contribuent efficacement au salut des âmes ». On notera au passage la dimension
salvifique de la Révélation qui est une nouvelle fois affirmée et qui replace la question dans sa
juste perspective !
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La question biblique
Les chapitres suivants (3 à 5) abordent la question biblique. C’est une question
particulièrement sensible à l’époque – et sans doute encore aujourd’hui – à travers trois
problématiques : l’inspiration, l’inerrance et l’interprétation.
L’inspiration est la question du rapport entre l’origine divine et l’origine humaine des textes
bibliques. On peut schématiser de la manière suivante les enjeux de la controverse. Soit l’on
tient que Dieu est auteur des textes et qu’il dicte aux hommes ce qu’il veut dire. Soit l’on
considère l’écriture des textes bibliques comme une œuvre purement humaine. La première
approche plus surnaturaliste, se rapproche assez fortement du modèle musulman, mais il fait
fi de la constante tradition qui considère les auteurs humains au point de leur attribuer la
paternité du livre (on parle ainsi du livre d’Isaïe, d’Ezéchiel, de l’évangile selon saint
Matthieu, saint Jean …). La deuxième approche est celui du moderniste qui oublie que le
texte est parole de Dieu, et qu’il ne se comprend pas seulement en recherchant la littéralité de
ce que l’auteur a voulu dire. Le Concile, réaffirme la double conviction que Dieu et l’homme
sont chacun auteurs du texte Biblique, et que la parole de Dieu s’exprime à travers l’œuvre de
l’homme.
La question de l’inerrance est la question de savoir s’il existe des erreurs dans la Bible.
Certaines découvertes scientifiques ou archéologiques, ont en effet amené à reconsidérer
l’exactitude matérielle de certaines affirmations qui apparaissent comme dépendantes des
connaissances de l’époque ou de la subjectivité de l’auteur. On peut illustrer de manière un
peu caricaturale cette interrogation, dans la question de savoir, par exemple s’il peut exister
des erreurs de grammaires dans la Bible. Le Concile aborde, une fois encore, la problématique
par le haut. Au lieu de parler d’inerrance, il évoque les vérités salutaires : « les livres de
l’Ecriture enseignent fermement, fidèlement et sans erreur les vérités que Dieu pour notre
salut a voulu voir consignée dans les Lettres sacrés ». Par exemple, dans le récit de la
création, il n’est pas question de savoir si le monde a été créé en six révolutions de la terre sur
elle-même mais de savoir que tout vient de Dieu.
Enfin sur la question de l’interprétation, le Concile reprend l’affirmation que Dieu et l’homme
sont véritablement auteurs. Il faut donc chercher avec attention ce que les hagiographes ont
vraiment voulu dire et ce qu’il a plus à Dieu de faire passer par leurs paroles. Pour
comprendre le sens littéral – c’est-à-dire ce que l’auteur humain a voulu dire – il faut tenir
compte des « genres littéraires », à savoir les manières de sentir, parler ou raconter à l’époque
de l’auteur. Reprenant l’enseignement de Pie XII dans l’encyclique Divino afflante Spiritu, la
constitution reconnaît ainsi la légitimité de l’exégèse historico-critique, une approche qui a
longtemps été l’objet de controverses dans l’église catholique. Mais s’ils reconnaissent la
légitimité de cette approche, les pères n’entendent pas pour autant la « canoniser » au sens où
ce serait la seule exégèse légitime et que la méthode historico critique serait exclusive pour
interpréter la Bible. Il faut lire et interpréter l’Ecriture dans l’esprit où elle a été écrite, c’est-àdire à la lumière de l’Esprit Saint. Le sens littéral n’est que le support permettant ensuite
d’accéder au sens spirituel qui n’est pas tant ce que l’homme a voulu dire, mais ce que Dieu a
voulu nous communiquer. Ce sens spirituel doit alors prendre en compte l’analogie de la foi,
l’unité de toute l’Ecriture et la Tradition vivante de l’Eglise.
Le paragraphe 13 reprend l’ensemble du chapitre 3 en donnant finalement la clé qui permet
d’aborder ces questions de la manière la plus juste. Il s’agit de voir combien la Bible s’inscrit
dans la logique de l’Incarnation. Ce que j’appelle la logique de l’Incarnation, c’est que le
Verbe s’est fait chair, c’est-à-dire que Dieu a pris la nature humaine, y compris dans ses
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limites et ses imperfections pour se communiquer à nous. De la même manière la Parole de
Dieu passe par le langage humain. En confessant l’Incarnation du Verbe de Dieu en Jésus, on
ne peut jamais opposer l’approche humaine et l’approche divine. Bien au contraire il faut en
garder l’unité : c’est dans la consistance de l’humanité que se manifeste la grandeur de Dieu.
On ne servira jamais Dieu en niant l’humanité, on ne respectera jamais l’humanité en la tenant
en deçà de la perspective divine.
Ensuite, Dei Verbum, consacre les deux chapitres suivants à l’Ancien et au Nouveau
Testament. Il s’agit de montrer l’unité entre les deux parties de la Bible. L’Ancien témoignant
de la préparation évangélique. Même si les livres contiennent de l’imparfait et du caduc, ils
sont témoins de la pédagogie divine et permettent de mieux recevoir le Nouveau. Reprenant
une phrase de St Augustin, le Concile affirme que « le Nouveau est caché dans l’Ancien, et
dans le Nouveau l’Ancien est dévoilé ». Pour le Nouveau Testament, la constitution rappelle
l’excellence et l’importance de celui-ci (liées bien sûr au caractère unique du Christ). Elle
réaffirme aussi l’origine apostolique des livres du Nouveau Testament et l’historicité des
évangiles.
Aujourd’hui la Parole
Le dernier chapitre aborde la Sainte Ecriture dans la vie de l’Eglise. Les paroles sont très
fortes, même si elles peuvent nous sembler assez évidentes aujourd’hui (ce qui est une
illustration de la bonne réception du texte).
Tout d’abord le Concile évoque les deux tables, en soulignant que l’Eglise a toujours vénéré
les divines Ecritures, comme elle l’a fait pour le Corps du Seigneur. C’est aussi une invitation
à appuyer la prédication ecclésiastique (et la théologie) sur la Bible, confiante dans sa force et
sa puissance.
Pour cela, il est important que les chrétiens aient un accès largement ouvert à l’Ecriture, en
particulier grâce aux traductions en langues vernaculaires, dans le même esprit qui a présidé à
l’établissement de la traduction grecque des Septante et à la traduction latine de la Vulgate.
Ces traductions doivent, autant que possible se faire à partir des textes originaux (donc
l’hébreu et le grec), et peuvent être le fruit d’une collaboration avec les frères séparés. C’est la
porte ouverte aux traductions œcuméniques !
Enfin les pères recommandent la lecture spirituelle et l’étude approfondie de l’Ecriture Sainte.
Sans que l’expression elle-même se retrouve littéralement, c’est un véritable plaidoyer pour la
lectio divina, qui termine la constitution Dei Verbum. Sans doute la lectio représente-t-elle
une méthode particulière, éprouvée au long des siècles par la vie monastique, méthode dans
laquelle le Concile n’a pas voulu enfermer l’approche croyante de la Bible. Mais il rappelle
l’importance de fréquenter assidument l’Ecriture, par la liturgie, par la lecture, par des cours,
et toujours dans un esprit de prière. On se souvient que Dei Verbum avait commencé en
décrivant la Révélation comme un dialogue ouvert par Dieu en direction des hommes. Ainsi
la vie spirituelle est une manière d’entrer dans ce dialogue : la Parole de Dieu à l’homme
accueillie par la foi trouve un écho par la parole de l’homme à Dieu dans la prière.
Quelques conséquences
Pour terminer cette rencontre, on peut évoquer quelques fruits de cette constitution Dei
Verbum.
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Tout d’abord, elle a contribué à apaiser considérablement le climat œcuménique. Si l’unité
des chrétiens n’est pas encore pleinement manifestée, la question de la Révélation n’est pour
ainsi dire, plus un problème entre les différentes églises et communautés chrétiennes. Sortant
de la dialectique stérile où les uns se considéraient comme défenseur de l’Ecriture et les autres
comme défenseur de la Tradition, il est clair pour à peu près tout le monde que l’un ne va pas
sans l’autre et que la Bible nous est transmise au sein d’une communauté qui s’efforce de
garder fidèlement la parole de Dieu. Certains théologiens protestants ont ainsi pu mettre en
évidence la nécessité d’une tradition pour une approche correcte de l’Ecriture.
Ensuite, il est indubitable que cela a permis aux catholiques de retrouver l’importance de la
Bible dans la vie spirituelle. Il est un peu caricatural de dire qu’avant Vatican II, la lecture de
celle-ci était interdite aux catholiques. On trouve de nombreuses traductions en langue
vernaculaire et dans les écrits des saints, nombreuses sont les références bibliques. Si
l’autorité a parfois mis en garde contre certaines traductions bibliques ce n’était pas une
remise en cause de la Bible elle-même. D’ailleurs, ça n’est pas parce qu’on traduit la Bible
qu’on y est nécessairement fidèle ! Il reste que l’intérêt biblique du coté catholique s’est
considérablement développé au cours des dernières décennies, un intérêt encouragé par
l’autorité ecclésiastique. Les initiatives et les pratiques ont remis la Bible au cœur de la vie
spirituelle. Si des progrès sont encore à faire, on peut admirer ceux qui ont déjà été fait.
Cela a conduit aussi à une belle fécondité théologique et exégétique. Libérant et
décomplexant les universitaires qui s’efforcent de mieux connaître et mieux comprendre la
Bible. En 1994, la Commission Pontificale Biblique a publié une document sur
l’Interprétation de la Bible dans l’Eglise, document qui met en valeur l’extraordinaire
diversité des méthodes exégétiques, et donnant quelques repères pour un discernement
scientifique et spirituel de leur utilisation. Déjà on peut dire que s’accomplit le souhait des
pères qui concluaient la constitution dogmatique sur la Révélation en affirmant « De même
que l’Eglise reçoit un accroissement de vie par la fréquentation assidue du mystère
eucharistique, ainsi peut-on espérer qu’un renouveau de vie spirituelle jaillira d’une
vénération croissante pour la parole de Dieu, qui « demeure à jamais ».
P. Charles Mallard +
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