Des lendemains qui déchantent

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Des lendemains qui déchantent
Des lendemains qui déchantent
Les dystopies dans la littérature jeunesse
A chacun ses utopies
Cette brochure a été réalisée au sein de la Section Éducation et Formation, du Service Commun de la Documentation
et de l'Espé de l'Université de Poitiers.
Elle s'inscrit dans le cadre du programme d'action culturelle de l'Université en 2014 « A chacun ses utopies ».
Les textes ont été rédigés par Valérie Nouviale, enseignante-documentaliste (Espé, site d'Angoulême) et de Yvan
Hochet, responsable de la Section Éducation et Formation.
Nos plus vifs remerciements à nos contributeurs : Nadia Miliani, Louise Hochet, Sophie Winter, Yves Grevet, Denis
Guiot.
Les ouvrages exposés ont été prêtés par la Bibliothèque municipale de Poitiers et la bibliothèque de l’IUT.
L'image de couverture est issue de Flickr : auteur Chris Jones (licence Creative Commons).
Les couvertures des livres reproduits le sont grâce à l'aimable autorisation des éditeurs, limitée au cadre de cette
publication.
Poitiers, mars 2014.
Le succès cinématographique de la trilogie Hunger Games a remis au
grand jour un genre fictionnel particulier : la dystopie. Même si les
limites de ce genre restent discutées, il est néanmoins possible de le
définir comme la description romancée d’un avenir cauchemardesque,
où un pouvoir totalitaire exerce un contrôle absolu et injuste sur une
population.
Or, ce succès cinématographique (le deuxième volet est la plus grosse
recette sur le sol nord-américain en 2013) n’est que la part émergée
d’un iceberg éditorial : il existe une véritable vogue actuelle du roman
dystopique dans la littérature jeunesse. Ainsi, si ces deux premiers films
ont eu tant de succès, c’est d’abord parce qu’ils étaient attendus : la
trilogie romanesque a été un succès international et, s’il reste difficile
d’obtenir des chiffres précis, les éditions se comptent en millions.
Peut-on définir ce genre ? Pourquoi connaît-il tant de succès chez les
adolescents ? Est-il récent ou ancien ? Est-ce un effet de mode analogue
aux histoires de petits sorciers ou de vampires romantiques ? Quel intérêt
les jeunes trouvent-ils à la dystopie ou quel intérêt la dystopie a-t-elle pour les jeunes ? C’est à ces quelques questions
que cette brochure tente de répondre… tout en essayant bien sûr de donner envie de se faire sa propre opinion en
découvrant des titres qui valent le détour.
L’avenir n’est plus ce qu’il était�: esquisse d’un genre littéraire
La « dystopie » est littéralement le contraire d’une utopie, terme créé à partir de l’ouvrage fondateur de Thomas
More au XVIe siècle. Il est donc possible de trouver également les expressions équivalentes mais moins élégantes
de « contre-utopie » ou d' « anti-utopie ». On signale également la trace de la dénomination de « cacotopie » qui,
heureusement, n’aura pas dépassé son XIXe siècle. L’origine du terme est assez obscure mais il est entré dans le
langage courant, au point de trouver sur le web une quantité impressionnante de sites qui traitent de ce sujet.
Une dystopie est un récit de fiction décrivant une société imaginaire, dans un futur plus ou moins proche : organisée
de manière totalitaire, cette société vise officiellement à assurer un bonheur collectif, au détriment de celui des
individus. La dystopie est donc un thème qui relève de la science-fiction.
Mais si les listes de dystopies, nombreuses sur le web, présentent parfois plusieurs centaines de titres, c’est
probablement en raison d’une définition trop large, incluant toute vision d’un futur pessimiste… ce qui représente
une grande partie de la production de la SF ! A nos yeux, il convient de distinguer la dystopie d’autres branches des
littératures de l’imaginaire : le « post-apocalyptique » (la survie dans un monde après une catastrophe majeure),
l’uchronie (un passé alternatif, ou ce qui serait arrivé si…), les super-héros (où des personnages, souvent adolescents,
se découvrent des pouvoirs extraordinaires), la conspiration (où des groupes clandestins luttent pour le contrôle de
notre société ou pour la défendre contre des forces maléfiques), le steampunk (un XIXe siècle éternellement prolongé
comme dans les bandes dessinées de Schuiten et Peeters ou les romans de Jules Verne), l’anticipation (la description
de nos sociétés dans quelques années, avec des défauts amplifiés). Le critère essentiel de la dystopie est bien celui
de la description d’une société totalitaire future, sans une once de fantastique ou de merveilleux.
«� S’ils ne comprennent pas que nous leur apportons le bonheur
mathématique et exact, notre devoir est de les forcer à être
heureux.�» (Evgueni Zamiatine, Nous Autres, 1920)
En apparence, le succès éditorial est récent. En réalité, les racines des romans dystopiques sont plus profondes.
Certains font remonter ce genre bien avant, en se référant à l’Histoire comique des Estats et empires de la Lune et
l'Histoire comique des Estats et Empires du Soleil de Cyrano de Bergerac (1657), ou aux Voyages de Gulliver (1721)
de Jonathan Swift, voire à L’An 2440, rêve s’il en fut jamais de Louis-Sébastien Mercier (1770). Il est vrai que la
lecture actuelle des utopies depuis Platon (les Lois et la République) jusqu’au début du XXe siècle avec Une Utopie
moderne de Wells (1905), suscite clairement pour lecteur contemporain un lâche soulagement : heureusement
que ces programmes n’ont jamais été appliqués, tant ils sacrifiaient l’individu sur l’autel de l’intérêt général…
Mais le genre dystopique est clairement ancré dans la première moitié du XXe siècle, les auteurs puisant
manifestement leur inspiration dans les expériences totalitaires communiste en URSS, puis nazie en Allemagne,
ainsi que dans les dérives de la science moderne. Il s'agit ici probablement d'une forme de réaction au scientisme
et au positivisme de la fin du XIXe siècle. Ainsi, Nous autres (1920) de Evgueni Zamiatine est sans doute la première
dystopie explicite. Le Meilleur des mondes (1932) d'Aldous Huxley, 1984 (1949) de George Orwell, Fahrenheit 451
(1953) de Ray Bradbury en sont les représentants les plus connus.
Tout comme les utopies, qui présentent moins un programme concret à appliquer qu'un prétexte à regarder
autrement la société qui nous entoure et que nous contribuons à faire fonctionner, la dystopie ne fait que souligner,
en les exagérant, certains travers de notre modernité. Utopies et dystopies ont donc un objectif commun : nous
faire réfléchir au fonctionnement de notre société.
Rage against the machine
Le premier point commun des romans dystopiques est la description d’une société qui a concrétisé un projet
politique : les bonnes lois sont appliquées et tout le monde est censé être heureux. Cette société totalitaire, où
l’intérêt collectif prime et écrase l’individu, est à la fois le contexte du récit mais également le sujet même du
roman : le ou les héros vont s’ingénier à la mettre en échec. En effet, c’est bien connu, les sociétés heureuses n’ont
pas d’histoire : sous le couvert d’un bonheur obligatoire ou d’une soumission généralisée et intériorisée, tout ou
partie de la population souffre d’un décalage entre ce qu’elle ressent et les promesses officielles.
Ces sociétés totalitaires futures sont le fruit des menaces de fond de nos sociétés passées ou actuelles : communisme
stalinien, extrême-droite et fascisme, militarisme, société clivée en classes, risques écologiques, technologies
envahissantes, manipulations génétiques et chirurgicales, société du spectacle, pénurie énergétique, fanatisme
religieux, racisme, domination masculine… se traduisent par des pouvoirs qui affichent les meilleures intentions du
monde, justifiant un contrôle total sur chaque existence. La dystopie est donc d’abord, en creux, une critique par
l’auteur de la tyrannie, voire de toute idéologie susceptible de l’engendrer ou de la justifier. Il s’agit donc d’une forme
de littérature politique : le récit porte un discours métaphorique sur la place de l’individu et sur sa lutte contre toute
tentative de conditionnement.
Ces dictatures sont souvent présentées comme probables dans un futur proche : c'est sans doute un moyen pour
l'auteur de rendre sa dénonciation plus efficace (ce qui explique aussi l’absence de fantastique qui pourrait affaiblir
son propos). La technologie n’y occupe pas une place centrale ; au contraire, elle peut parfois avoir retrogradé.
Ces sociétés dystopiques sont la plupart du temps présentées comme déjà établies : le processus de prise du
pouvoir, d’édification du totalitarisme est très rarement évoqué. Au contraire, le récit présente souvent la fin de
ces cauchemars, mis en échec par un ou des individus. Les dystopies ne sont donc pas forcément l’opposé d’une
utopie : on pourrait même avancer que les dystopies sont des programmes utopiques, tels que ceux de Platon, de
More, de Campanella, de Cabet ou d’Owen, qui ont réussi… mais qui sont littéralement invivables.
Ces sociétés sont en effet, dans la littérature de jeunesse, remises en cause par un ou des héros adolescents,
rarement épaulés par des adultes et ne devant compter que sur eux-mêmes. Il ne s'agit donc pas du retour d'un
discours sur la lutte des classes, même si les sociétés décrites sont souvent extrêmement clivées. C’est plutôt le
ressort de l’amour contrarié qui constitue l’élément de la prise de conscience puis de la révolte. Le point de vue est
donc la plupart du temps celui « d’en-bas », mais parfois aussi celui d’un(e) privilégié(e) qui culpabilise au point de
tout remettre en cause. Le schéma narratif suit souvent le déroulement suivant : présentation des héros et du
contexte dictatorial / événement déclencheur / prise de conscience / acte(s) subversif(s) / dénouement (soit la fuite
réussie du héros, soit la destruction de la dystopie).
Par rapport au récit utopique dont la forme est établie depuis More, la dystopie opère plusieurs glissements. Le
premier est le passage du descriptif au narratif : là où les récits utopiques avaient pour but de présenter l’utopie
sous son meilleur jour (souvent sous la forme d’un récit de voyage et/ou d’un dialogue), le roman dystopique est
clairement narratif, en suivant l’éveil progressif du héros. Le régime totalitaire se devine donc progressivement, par
fragments, souvent de manière subjective. Le second glissement, corollaire, est celui du collectif à l’individuel : là
où le récit utopique décrit des masses et des catégories sociales, le roman dystopique se centre sur les individus,
héros ou bourreaux.
Le récit entretient un rapport ambigu avec le passé, souvent présenté à la fois comme une période de troubles
majeurs (dont la résolution a donné lieu à la mise en place de la dictature contre laquelle le héros se révolte)
et comme source de nostalgie (les plus personnages les plus âgés se souviennent d'une société plus libre et en
conservent parfois – dans l'illégalité – des reliques).
Un feu de paille éditorial�?
La littérature jeunesse est plus sujette aux modes que la littérature générale. Il y a quelques années, des clones
d’Harry Potter se sont multipliés avant de laisser une partie du terrain à des vampires amoureux, à des héros de
fantasy et aux filles délurées de la chick lit (littérature de jeunes femmes).
Il n’empêche que le succès est bien là : en 2013, les trois tomes de Hunger Games ont occupé les trois premières
places des ventes jeunesse avec plus de 250 000 ventes cumulées en France. Dans le monde, la trilogie est traduite
en 26 langues. Mais le recul est-il déjà là ? Les ventes de 2012 s’élevaient à plus du double… Sur les 25 premiers titres
de 2013, aucun autre roman jeunesse ne relevait de la dystopie. Dès décembre 2013, une journaliste constatait déjà
aux États-Unis l’essoufflement éditorial de ce genre au profit du roman réaliste contemporain1.
Pourtant, la production s’est considérablement accélérée, semble-t-il depuis les années 2010 en France, un peu
avant aux États-Unis : la liste des romans dystopiques sur Wikipedia2 indique 47 romans (en anglais) parus entre
2000 et 2010 et déjà 32 pour ceux publiés depuis 2010 (contre 119 pour l’ensemble de la production de l’ensemble
du XXe siècle, romans adultes compris). La vague semble avoir davantage concerné la France depuis les années
2010 (notamment par la traduction des romans étrangers).
Autre fait notable : la production est massivement anglo-saxonne. Peu d’auteurs français ont écrit des dystopies
et souvent, ils reviennent assez peu à ce genre (Jean Molla, Jean-Claude Mourlevat, Fabrice Colin, Yves Grevet,
Anne-Laure Bondoux...).
Pour l’anecdote, on notera que beaucoup de romans dystopiques donnent lieu à des trilogies romanesques. Il ne
semble pas exister en revanche de collections spécifiques à la dystopie chez les éditeurs : les titres sortent la plupart
du temps dans la collection jeunesse, voire SF de l’éditeur. La fiction dystopique s’insère en effet dans ce nouveau
segment qui est celui des « jeunes adultes », invention éditoriale récente, qui donne parfois des soucis de classement
aux bibliothécaires : une littérature plus simple d’accès, résolument portée sur l’évasion, mais aux formats la faisant
ressembler à la littérature générale (grande taille, nombre de pages qui se compte en centaines, deux ou trois tomes).
Ce n'est en effet pas le moindre des paradoxes de voir, à l'instar de Harry Potter, de jeunes lecteurs dévorer des
ouvrages très épais. Pocket Jeunesse, très proche de la sensibilité des cultures populaires, semble être l’éditeur qui a
réussi à prendre une longueur d’avance sur ses concurrents dans le champ de la dystopie pour adolescents.
Une culture dystopique�?
La dystopie ne s’exprime pas seulement dans la fiction romanesque. De nombreux autres secteurs culturels se
sont emparés du thème. On pensera bien entendu au cinéma en premier lieu, en dehors même de l’adaptation des
romans à succès : Metropolis de Fritz Lang, THX 1138 de Georges Lucas, Rollerball de Norman Jewison, Gattaca
puis Time Out d’Andrew Niccol, Brazil de Terry Gilliams, Matrix des frères Wachowski, The Island de Michael Bay…
Des œuvres majeures sont parues en bandes dessinées comme V pour Vendetta d’Alan Moore, SOS Bonheur de
Griffo et Van Hamme ou Le Transperceneige de Lob et Rochette, qui vient d'être adapté au cinéma. Même les jeux
vidéo ont intégré cette toile de fond (Fall Out), ainsi que la musique (un album de Muse s’intitule Resistance et fait
explicitement référence à 1984, Mylo Xyloto de Coldplay traite d’un amour dans une société dystopique). La liste
recensant les références musicales est assez impressionnante3.
Il est probable que l'adaptation cinématographique prochaine de Divergent (prévu pour avril 2014) relance l'intérêt
pour le genre.
Pour Jean-Paul Engélibert, dans Apocalypse sans royaume : politique des fictions de la fin du monde, XXe-XXIe siècles
(2013), la littérature jeunesse dystopique n’est qu’une branche d’un vaste mouvement touchant toute forme de
1
2
3
http://www.slate.fr/story/81621 http://www/litterature-young-adult-dystopie-realisme- (consulté le 06/03/2014)
http://en.wikipedia.org/wiki/List_of_dystopian_literature (consulté le 06/03/2014)
http://en.wikipedia.org/wiki/List_of_dystopian_music,_TV_programs,_and_games (consulté le 06/03/2014)
fiction et d’expression artistique depuis la seconde moitié du XXe s. Il s’agit rien moins de l’expression d’un sentiment
confus sur les angoisses de fin du monde, sans perspective d’avenir meilleur, vision laïque de l’apocalypse mais
dénuée de toute forme de salut. Cette forme d’expression privilégie les visions sombres voire désespérées de l’avenir,
comme La Route de C. Mac Carthy ou Les particules élémentaires de Michel Houellebecq. Elles n’en restent pas moins
en premier lieu des critiques du présent.
Pourquoi un tel succès�?
Genre oblige, les héros sont des adolescents : l'identification du lecteur en est évidemment facilitée. Bien que située
dans le futur, les sentiments et réflexions sont les mêmes que ceux d'un jeune d'ajourd'hui. Mais il existe d'autres
explications probables à ce succès.
La dystopie permet en effet à la fois de combiner plusieurs ingrédients : la révolte contre l'injustice de l'ordre établi,
l'action, souvent spectaculaire, et l'amour naissant, qui est à la fois source de refus (car il est souvent encadré et
contrarié par les règles sociales) et de force (les amoureux s'unissent). Il faut en outre reconnaître à la quasi-totalité
des auteurs une véritable efficacité dans l'écriture, réussissant la gageure d'être à la fois suffisamment accessible
pour faire comprendre une société imaginaire de manière discontinue (il y a rarement un texte explicatif en début
de roman) et assez rythmée pour tenir le lecteur en haleine, en dépit d'un schéma narratif prévisible. Se dresser
contre une dictature avec un arc et la possibilité de tuer dans un contexte de jeux du cirque renouvelés offrent plus
de libertés à l'auteur et sans doute davantage de frissons au lecteur qu'une révolte d'un lycéen ordinaire dans la
France actuelle.
A la différence de 1984, ces dystopies sont des romans positifs : si les héros se révoltent, c'est certes par instinct
personnel au début, mais leur prise de conscience et leurs actions vont bénéficier à tous et mettre durablement en
échec la tyrannie qu'ils subissent. Cette révolte s'effectue au nom de valeurs fortes : l'amour, la liberté, la justice,
l'amitié, la dignité et la solidarité. En cela, il serait intéressant d'étudier plus avant le parallèle avec la Résistance
historique qui offre de nombreuses similitudes (jeunesse révoltée contre l'oppression au nom d'idéaux intemporels).
L'intérêt de la dystopie est aussi d'offrir une espèce de miroir grossissant aux menaces diffuses de la société actuelle.
En sélectionnant l'une d'entre elles, l'auteur fait presque une œuvre de pédagogue : il expose ses conséquences
concrètes sur la vie quotidienne d'une communauté, que ce soit une dictature écologique, une société de classes
étanches, un diktat de la perfection physique, le principe de précaution étendu aux sentiments, la télé-réalité
généralisée... Ainsi, pour mieux prendre conscience d'une dérive actuelle, le pari est de l'amplifier au maximum dans
un futur proche. Les plus pessimistes pourront y voir aussi le refus d'une société qui choisit pour vous votre place
d'adulte, reproche souvent adressé aux systèmes éducatifs qui trient les élèves pour leur orientation professionnelle.
La dystopie constitue presque paradoxalement une forme rassurante de la vision de l'avenir, avec une fin le plus
souvent heureuse, permise par une mobilisation généreuse et solidaire. Chacun a la capacité de prendre en main
son destin, même contre l'ordre établi qui finit par vaciller.
Témoignages
Une expérience d’utilisation d’une dystopie jeunesse en lettres :
Nadia Miliani (enseignante de lettres, académie de Caen)
J’ai conçu une séquence intitulée « Lire la ville » pour une
classe de troisième. Je m'étais greffée sur le travail que le
collègue d'arts plastiques menait cette année-là sur ce
thème.
Les objectifs étaient de découvrir des descriptions de villes
réelles ou imaginaires, de maîtriser le vocabulaire de
description de la ville et de réfléchir à la manière dont une
organisation sociale se traduit dans les choix d’urbanisme.
Le recueil de textes sur lequel les élèves travaillaient
comportait à la fois des extraits littéraires de villes réelles
(Lacarrière, Céline) mais aussi des descriptions romancées
de villes imaginaires, dont celle de L’Utopie de Thomas
More ou Minas Tirith de Tolkien. Dans cet ensemble,
j’avais proposé un extrait d’une dystopie (Uglies de Scott
Westerfeld) sur « New Pretty Town », la ville des plus de seize ans quand ils ont subi l’opération de chirurgie
esthétique obligatoire. L’extrait s’accompagnait, comme pour les autres textes, d’un questionnaire portant surtout
sur le sens du texte.
Je crois me souvenir que j'avais été un peu déçue par leur réaction à la lecture de l’extrait d’Uglies, même s'ils
s'étaient montrés un peu plus intéressés que par les autres textes. Par ailleurs, cela avait été intéressant de voir avec
eux qu'à une première lecture, ils pouvaient se montrer presque séduits par la société telle qu'elle apparaît dans
cette première description : les éléments inquiétants ne sont, à ce stade, que suggérés.
Ils devaient en tâche finale rédiger une description de ville utopique ou dystopique, au choix : ils ont majoritairement
choisi la première solution. Leurs productions étaient assez peu originales. Avec plus de temps pour retravailler leurs
textes, il aurait été possible d’obtenir des résultats plus aboutis.
L’ensemble s’inscrivait dans un projet plus large incluant les arts plastiques puisque les élèves devaient aussi
construire une maquette de ville imaginaire, dont certaines ont été assez réussies. La classe était aussi allée visiter
Le Havre, et avait travaillé sur l'œuvre de certains architectes pour nourrir leur imagination et leur réflexion.
Je reprendrai peut-être un jour ce thème, mais j'y consacrerai une vraie séquence, plus longue, en laissant plus de
temps au travail d'écriture.
Ce travail montre que les romans dystopiques peuvent avantageusement nourrir un travail associant
l’environnement contemporain de l’élève, l’héritage culturel et le futur, combinant à la fois le réel et l’imaginaire, la
description neutre, le point de vue subjectif et la réflexion politique et sociale. L’insertion d’un extrait d’une dystopie
pour les jeunes dans un groupement de textes est d’ailleurs beaucoup plus facile à mener que l’étude intégrale d’un
roman de littérature jeunesse sur ce thème.
Cette combinaison se retrouve dans le dossier proposé par le site Weblettres : le groupement de textes destiné à
des lycéens compose avec l’Antiquité, les utopies de More, Mercier ou Bergerac, des extraits de dystopies telles que
1984 et un beau sujet de dissertation : l’utopie est-elle une mystification ? Si vous voulez connaître la réponse, la
réponse se trouve ici.
Les enseignants intéressés trouveront quelques ressources supplémentaires pour exploiter ces romans :
- Le Passeur de Lois Lowry dans la Nouvelle revue pédagogique collège 2004/05-09 (05/2005), p. 32-40.
- une étude parallèle de 1984 et du film Brazil dans la Nouvelle revue
pédagogique lycée 021 (09/2006), p.36-48 (« Visions de l'Homme et du
Monde : utopie et contre-utopie »).
- l'étude d'une œuvre intégrale : La Journée d'un journaliste américain en
2889 (nouvelle de Jules Verne) dans la Nouvelle revue pédagogique 005
(01/2000), p. 21- 26, à compléter par la description d’un projet concret (Projet
Cities Walking).
- un article Théâtre et utopie au XVIIIe siècle : La Colonie de Marivaux, dans la
Nouvelle revue pédagogique lycée 032 (11/2008), p.29-40 au sein du dossier
Étonnantes utopies, p.15-51.
- des pistes pédagogiques dans le TDC 855 sur L'utopie (01/05/2003), p. 6-52
ou celui sur Les villes imaginaires dans le TDC 1019 (01/09/2011), p. 31-32 et
par L'imaginaire de l'île dans le TDC 983 (01/11/2009), p.5-50.
- pour faire un lien avec l’histoire des arts, la revue Dada 067 (09/2000) porte
sur La Cité idéale.
- la revue Sciences humaines propose un article Voyage en des lieux qui n'existent
pas dans le n°174 (08/2006), p. 52-55.
- en histoire, on pourra tirer profit de La Documentation photographique 8016 Socialisme et utopies : de Babeuf à
Jaurès (08/2000), ainsi que de L'utopie du phalanstère dans Alternatives économiques 189 (02/2001), p. 64-67.
- Spirale 027 (10/2000) propose un article Différences, harmonie et exclusions : la solution des utopies, p. 13-24
Entretien avec Denis GUIOT, directeur des collections « Soon »,
« Mini-Soon » et « Mini-Soon + » chez Syros, promoteur de la
science-fiction pour les jeunes lecteurs.
Comment expliquez-vous cette vogue de la dystopie dans la littréature jeunesse ?
Nous n’avons pas affaire à une vogue de la dystopie, mais à une vogue d’une situation où un adolescent est confronté
à des situations extrêmes et où il ne peut compter que sur lui-même. Ces situations extrêmes peuvent être très
variées (systèmes totalitaires, univers post-apocalyptiques, futurs où tous les adultes ont
disparu, etc.).
Ce type de situation est toujours captivant pour un adolescent car dans la vie de tous les
jours, il est soumis à tout un ensemble de contraintes (familiales et sociétales) et il lui
tarde d’être maître de ses actes et de montrer ce qu’il est capable de faire sans avoir un
adulte (parent, professeur) constamment « sur le dos ».
En fait, la dystopie n’est souvent là qu’en tant que décor, comme contexte, et l’analyse en
est souvent très sommaire car ce n’est pas le but visé.
Cette vogue est-elle si récente que cela ?
Absolument pas ! La dystopie est née avec la science-fiction. Elle n’est d’ailleurs pas un
genre littéraire, mais un thème, au même titre que les voyages dans le temps, les
histoires de robots...
Le rôle de la science-fiction est de se poser la question « Que se passerait-il SI… ? », c’est-à-dire de penser le futur,
d’imaginer quelles conséquences sur l’avenir auront nos actions d’aujourd’hui, de déplacer un paramètre le plus loin
possible (« aux limites » comme disent les mathématiciens) et d’étudier ce que cela donne (la science-fiction est en
cela proche des sciences expérimentales). Et le résultat, en général, n’a rien à voir avec ces univers radieux que nous
annoncent scientifiques et politiciens. L’enfer est pavé de bonnes intentions et on débouche sur des futurs
dystopiques. Que l’on se souvienne de ces grands classiques de la SF que sont Nous autres de Zamiatine (1920), Le
meilleur des mondes d’Aldous Huxley (1932), 1984 de George Orwell (1948), Fahrenheit 451 de Ray Bradbury (1953).
Cette vogue n’est pas récente non plus dans la science-fiction
Jeunesse, puisqu’une collection comme «Travelling sur le
futur » (éditions Duculot) à la fin des années 1970 publiait
beaucoup de dystopies. C’est souvent le meilleur moyen pour
tirer la sonnette d’alarme. Tel était le but revendiqué de cette
collection : « faire prendre conscience aux jeunes lecteurs des
implications décisives de nos attitudes et de nos choix présents
et les encourager à se sentir vraiment responsables de l’avenir
du monde et de l’homme ». Soit dit en passant, nous en
sommes loin avec les Hunger Games et autres ouvrages
ressemblants qui ne sont que des romans de divertissement.
Ce qui est récent, par contre, c’est cet engouement de la
science-fiction jeunesse pour des futurs plus pessimistes les
uns que les autres. Pendant longtemps, quand je faisais des
conférences sur la science-fiction, bon nombre d’auditeurs lui
reprochaient d’être pessimiste, de jouer les Cassandre. Je leur répondais, en citant Ray Bradbury que « La
science-fiction cherche à prévoir l ‘avenir, non pour le connaître, mais pour l’empêcher ».
Et surtout la science-fiction cherche à appliquer cette réflexion à des héros jeunes : Les Fragmentés de Neal
Shusterman (2008) où les jeunes de 13 à 18 ans sont considérés comme des réservoirs d’organes que leurs parents
peuvent vendre à la société, ou Hunger Games de Suzanne Collins (2008) où des jeunes sont obligés de se combattre
à mort sous les yeux des caméras (on pense d’ailleurs au roman japonais Battle Royale de Koshun Takami en 1999,
adapté au cinéma l’année suivante et par la suite en manga, au Le dos au mur (2008) de Christophe Lambert).
Autre variante : les adultes ont disparu et les adolescents sont livrés à eux-mêmes. On retrouve là la thématique de
Sa Majesté des mouches de William Golding paru en 1963 : Sa Majesté des Clones de Jean-Pierre Hubert (2002), la
série Gone de Michael Grant (2009), la série Autre Monde de Maxime Chattam (2008), Pixel Noir de Jeanne-A Debats
(2014).
Les auteurs que vous connaissez affichent-ils l'intention d'écrire de la dystopie ? (le cadre général s'imposant en
premier, la trame du récit venant ensuite)
Les auteurs que je publie ne se préoccupent pas de s’inscrire dans un thème qui
marche. Ils écrivent un roman de science-fiction, et très souvent la dystopie coule
naturellement de leur plume car les lendemains qui déchantent sont plus nombreux
que les lendemains qui chantent. Écrire des
dystopies, c’est aussi souvent crier son amour pour
la Liberté et prôner le droit à la différence et la
nécessité de la rébellion. C’est le message des
titres suivants de la collection « Autres Mondes »
que j’ai créée en 2000 chez Mango et dirigée
jusqu’en 2007 : Les Sonneurs noirs de Jean-Pierre
Hubert (2004), Dans les larmes de Gaïa (2003) et
Automates (2005) de Nathalie Le Gendre, Aussi
libres qu’un rêve de Manon Fargetton (2006), ou
bien ceux de la collection « Soon » chez Syros que
j’ai créée en 2008 comme La Ballade de Trash de
Jeanne- A Debats (2010) ou Le Mensonge dans les
veines de Michael Espinosa (2010).
Est-ce un phénomène analogue à celui de l'engouement (passager) pour les jeunes sorciers en tous genres ?
Voit-on déjà des signes d'essoufflement éditorial sur ce thème des dystopies ?
Si la dystopie n’est là que comme cadre pour donner naissance à des récits où l’adolescent est seul contre tous et est
mise en avant commercialement par l’éditeur comme telle, nul doute que l’« étiquette » va s’essouffler comme la
vogue des jeunes sorciers. Les Anglo-saxons sont passés maîtres dans l’art de décliner un thème qui marche. La
production française, dans l’ensemble, essaye de faire preuve de plus d’originalité.
Mais il ne faut pas oublier que la dystopie n’est que la conséquence du fonctionnement littéraire de la science-fiction,
basé sur le spéculatif « Et si ? ». Elle utilise ce qui flotte dans l’air du temps pour projeter dans le futur ces cauchemars
réels que personne ne veut voir actuellement.
Et donc, en tant que telle, elle ne disparaîtra jamais, mais elle ne sera plus affublée d’une étiquette qui la rabaisse à
une simple vogue commerciale.
Découvrez la collection Soon chez Syros
Les billets de Denis Guiot sur l'importance et la valeur de la science-fiction pour les jeunes lecteurs.
Un entretien plus ancien sur le site du Cafard Cosmique
Entretien avec Louise, une lectrice amatrice de dystopies
Je m’appelle Louise, j’ai 15 ans, je suis lycéenne (en seconde). Je me définis plutôt
comme une grosse lectrice, j’ai toujours un livre ans mon sac ou sur ma table de
nuit.
J’aime beaucoup les romans ados, de tout genre. J’ai adoré la série des Cherub,
pour l’action et l’aventure. En ce moment, je lis d’une traite les 7 volumes d’Harry
Potter. Mais j’apprécie aussi les romans « de filles » (Georgia Nicolson, Quatre filles
et un jean, Guillaume Musso…) et fantastiques (Twilight). Je ne suis pas
spécialement amatrice de science-fiction.
Le premier roman sur les dystopies que j’ai découvert est Hunger Games : j’ai vu le
film, j’ai entendu mes amies parler du livre, ce qui m’a donné envie de le lire.
Depuis, je suis fan : j’ai lu les trois volumes, j’ai vu les deux films (j’attends avec
impatience le 3e !) et j’ai même les guides officiels sur les films ! J’ai découvert aussi
Divergente, dont j’attends la sortie de l’adaptation au printemps prochain.
L’originalité des romans m’a plu : je n’avais jamais lu ça avant. J’aime aussi dans
Fahrenheit 451 en classe : ça me semble davantage
éloigné de ce que j’aime, même si je vois bien que c’est le même thème.
Divergente reprend
déjà pas mal d’idées d’Hunger Games…).
Entretien avec Yves Grevet, enseignant et auteur de romans
dystopiques pour la jeunesse (la trilogie Méto et Nox, L’école est
finie, tous chez Syros)
En tant qu'auteur, est-ce que le cadre dystopique s'impose en premier dans votre projet d'écriture ? Ou bien
est-ce le récit et les personnages ?
Chaque livre a son histoire.
Pour Méto, j'ai d'abord eu l'idée de la première
scène, celle de l'enfant trop grand qui doit
disparaître. La dystopie était le seul contexte qui
Mais ma première idée c'était de l'inscrire dans un
contexte historique.
Pour Nox
personnages dans le noir et c'est ce qui
m'intéressait du point de vue de l'écriture.
Comment expliquez-vous ce succès auprès des
adolescents, voire des "jeunes adultes" ?
Est-ce que le cadre dystopique offre davantage d'opportunités pour développer une histoire ?
des détails qui parfois parasitent ou surchargent le texte au détriment de l'intrigue.
Le site personnel d’Yves Grevet.
Une rencontre entre Yves
Grevet et de jeunes lecteurs
collégiens, au Salon du Livre.
Entretien avec Sophie Winter, enseignante-documentaliste au lycée
des métiers de l'énergie, des structures métalliques et du tertiaire
Jean Lurçat à Fleury-les-Aubrais (Loiret).
Quel est votre regard sur cette vogue du roman dystopique dans la littérature jeunesse ?
À mon avis, la dystopie est beaucoup plus qu'un feu de paille éditorial : ce
genre devrait durer. Un peu comme le jean qui, bien qu'ancien, reste à la mode
en s'adaptant, la dystopie est souple. Elle a adopté récemment des éléments
de merveilleux ou de fantastique par exemple, comme dans les romans de
Marissa Meyer Cinder et Scarlett qui se réfèrent aux contes de fées, ou encore
Mystic City de Theo Lawrence.
En revanche, c'est clairement un genre pour les grands adolescents et jeunes
adultes, entre 15 et 25 ans : il manque des titres équivalents pour les lecteurs
plus jeunes, comme les collégiens.
Il n'est pas non plus exclu qu'un certain nombre d'auteurs « sentent » le succès
de ce thème et se mettent à en rédiger pour bénéficier de l'engouement.
Cela dit, mes élèves ne connaissent pas cette étiquette de « dystopie » et n'ont
pas forcément conscience de lire de la science-fiction... Quand ils m'en
réclament un, c'est parce qu'ils veulent « la suite »... ça tombe bien, compte
tenu de la production actuelle qui se présente souvent sous la forme de
trilogies !
Comment expliquez-vous son succès auprès des jeunes ?
D'abord, il est facile au lecteur de s'identifier au héros, qui a en général le même âge et qui porte les mêmes
préoccupations qu'eux. Ensuite, la dystopie permet d'évoquer les dérives de notre société, de les grossir et d'en
explorer toutes les conséquences. C'est une forme de mariage réussi entre la forme romanesque et la philosophie.
L'impact du cinéma est également loin d'être négligeable : les élèves viennent me demander Hunger Games car ils
l'ont vu, je pourrais sans problème l'acheter en plusieurs exemplaires dans mon CDI !
Le succès de ce genre est d'autant plus important qu'on sait que les 15-25 ans ne sont pas de gros lecteurs : la
dystopie permet de tenter de les réconcilier avec la lecture, de sortir de l'habitude désormais bien ancrée de la
lecture des mangas, ou des récits de vie assez sombres (que réclament les filles), ou des histoires de vampires,
toujours en vogue. Après tout, la dystopie permet de réhabiliter la science-fiction, dont je suis amatrice, et de
montrer toute la richesse de ce genre, notamment auprès des jeunes filles qui se dirigent moins spontanément vers
ce genre.
Comment faites-vous la promotion des dystopies dans votre lycée ?
Au CDI, ces romans ne sont pas classés à part : ils sont mélangés avec les autres fictions, mais bénéficient d'un
pictogramme « SF » pour les identifier dans les rayonnages.
Mais le principal moyen de faire connaître ces romans sont les projets pédagogiques de lecture, menés avec d'autres
enseignants ou des partenaires extérieurs. Ainsi en seconde, le programme propose un axe sur les héros
romanesques : j'en profite pour glisser dans la liste des livres à lire Le Destin de Linus Hoppe, La Brigade de l'Oeil ou
Le Passeur, qui constituent quasiment des classiques du genre. Le programme de la classe de première est encore
plus explicite puisqu'un de ses thèmes s'intitule « L'homme face aux avancées scientifiques et techniques :
enthousiasmes et interrogations ». Les dystopies permettent de s'interroger sur le sens d' « avancée », qui ne veut
pas dire « progrès »...
Nous nous inscrivons également dans un festival local annuel (Cheminance), porté par la mairie en collaboration
avec la bibliothèque municipale. Or, en 2014, le sujet est « les mondes de demain ». Le festival nous permettra par
exemple de rencontrer Guillaume Guéraud, l'auteur de La Brigade de l'Oeil. Le fait qu'il soit édité à la fois en jeunesse
(au Rouergue) et en poche adulte (chez Gallimard, dans la célèbre collection de
référence Folio SF) contribue à rendre crédible sa valeur aux yeux de certains élèves
qui pourraient rejeter la littérature jeunesse, trop assimilée aux jeunes enfants.
Mieux : dans une sélection de 27 livres, les élèves de première électrotechnique
devront en lire un avec la consigne « devenez critique littéraire ». Ils devront faire
le « pitch » du livre de leur choix et donner leur avis. Le recueil de leurs productions
sera consigné dans une brochure largement diffusée, pour faire connaître les
dystopies à un plus large public... dont les élèves des années suivantes.
La dystopie : un genre idéal ?
Non, bien sûr, mais cette gamme de romans me permet de défendre une idée qui
m'est chère : le goût de la lecture provient d'une rencontre avec un livre qui
passionne. Je ne veux pas entendre les élèves affirmer qu'ils n'aiment pas lire :
qu'ils n'apprécient pas tel livre, soit. Mais s'ils n'aiment pas lire, c'est qu'ils n'ont
pas encore découvert le livre qui leur fera aimer la lecture. Or, les dystopies me
semblent faciliter cette rencontre, pouvant leur faire changer de point de vue, leur
donner envie de partir à la découverte d'autres romans... pas forcément de la
science-fiction d'ailleurs. Je crains que les grands classiques, tels qu'ils sont étudiés au lycée notamment, ne
remplissent pas complètement ce rôle, du moins pas pour tous les élèves. Combien d'entre eux dévorent de
volumineuses dystopies et ne ressentent rien au contact des chefs d’œuvre de la littérature ? Si la littérature de
jeunesse a un intérêt, même pour les plus âgés de nos élèves, c'est bien celui d'entrer dans la lecture par le plaisir...
ce qui n'exclut pas la réflexion.
Auriez-vous des conseils de lecture pour faire partager votre enthousiasme ?
Le Destin de Linus Hoppe d'Anne-Laure Bondoux pour les collégiens, La Brigade de l'Oeil de Guillaume Guéraud pour
les lycéens... et les grands classiques indémodables de la dystopie pour les adultes, comme 1984 de Georges Orwell.
Mon dernier coup de cœur est Pure, de Julianna Baggott, qui mêle dystopie, dans une ambiance post-apocalyptique
noire et dure : le genre réussit toujours à me surprendre !
Sophie Winter a écrit dans la revue InterCDI n°247 de janvier-février 2014 un article de présentation « La dystopie »
(p.12-15). En plus de la réflexion sur ce thème littéraire, elle détaille le sujet de certains titres.
Le festival Cheminance à Fleury-les-Aubrais.
Bibliographie sélective
Cette sélection de romans dystopiques vise une découverte du genre, en donnant la priorité à la littérature
jeunesse ; dans cette liste toutefois, certains titres visent plutôt les adultes… de manière partielle car recenser les
dystopies de la science-fiction classique est une tâche insurmontable.
La liste ne prétend pas à l’exhaustivité. Elle exclut certains thèmes proches (comme le post-apocalyptique) mais les
frontières sont parfois tenues… La dernière catégorie (« à la limite du genre ») propose quelques titres de romans à
cheval sur d'autres thèmes (comme la conquête spatiale) et de bandes dessinées.
À titre purement subjectif, nous avons mis en gras nos lectures préférées... mais nous
n'avons pas tout lu !
Retrouvez les images de couverture de cette sélection sur Pinterest !
Les grands classiques
ATWOOD, Margaret, La servante écarlate, Robert Laffont, 2005.
BARJAVEL, René, Ravage, Gallimard, 1972.
BOULLE, Pierre, Les Jeux de L’esprit, J’ai Lu, 1971
BRADBURY, Ray, Fahrenheit 451, Gallimard, 2012.
HUXLEY, Aldous, Le meilleur des mondes, Plon, 2013.
KING, Stephen, Running man, Livre de Poche, 2005.
LEVIN, Ira, Un bonheur insoutenable, J’ai lu, 2003.
ORWELL, George, 1984, Gallimard, 2009.
NOLAN, William Francis, L’âge de cristal, J’ai lu, 1991.
SHECKLEY, Robert, Le prix du danger et autres nouvelles, J’ai lu, 1999.
TEVIS, Walter S., L’oiseau d'Amérique, Gallimard, 2005.
Les valeurs sûres des CDI
BONDOUX, Anne-Laure, Le Destin de Linus Hoppe, Bayard jeunesse, 2013.
BONDOUX, Anne-Laure, La seconde vie de Linus Hoppe, Bayard jeunesse, 2001.
BORDAGE, Pierre, Nouvelle vie TM et autres récits, Flammarion, 2013.
COLLINS, Suzanne, Hunger games. 1, Pocket jeunesse, 2009.
COLLINS, Suzanne, Hunger games. 2, Pocket jeunesse, 2010.
COLLINS, Suzanne, Hunger games. 3, Pocket jeunesse, 2011.
GREVET, Yves, Méto 1 : La maison, Syros, 2008.
GREVET, Yves, Méto 2 : l’île, Syros, 2008.
GREVET, Yves, Méto 3 : le monde, Syros, 2008.
GUERAUD, Guillaume, La brigade de l’œil, Gallimard, 2009.
HASSAN, Yaël, La bonne couleur, Casterman, 2008.
LOWRY, Lois, Le passeur, L’Ecole des loisirs, 2012.
LOWRY, Lois, L’élue, Gallimard jeunesse, 2002.
MOURLEVAT, Jean-Claude, Le combat d’hiver, Gallimard Jeunesse, 2010.
WESTERFELD, Scott, Uglies, Pocket jeunesse, 2011.
WESTERFELD, Scott, Uglies 2 : Pretties, Pocket jeunesse, 2011.
WESTERFELD, Scott, Uglies 3 : Specials, Pocket jeunesse, 2012.
WESTERFELD, Scott, Uglies 4 : Extras, Pocket jeunesse, 2012.
Les romans français et francophones
ANGE, L’œil des dieux, Mango Jeunesse, 2000.
ARCAN, Nelly, Paradis, clef en main, Coups de tête, 2009.
CAUWELAERT, Didier van, Thomas Drimm, Albin Michel jeunesse, 2009.
CAZENAVE, Guillaume, Dogs, Terria Films, 2014.
COLIN, Fabrice, Memory Park, Mango-jeunesse, 2009.
DEBATS, Jeanne-A, La ballade de Trash, Syros, 2010.
DU FAŸ, Sabine, Schram et Harrison, 1 : Le défi, Éd. du Jasmin, 2010.
DUPRAU, Jeanne, L’oracle de Yonwood, Gallimard jeunesse, 2009.
DUPRAU, Jeanne, La cité de l’ombre, Gallimard jeunesse, 2004.
ESPINOSA, Michael, Le mensonge dans les veines, Syros Soon, 2010.
FARGETTON, Manon, Aussi libres qu'un rêve, Mango jeunesse, 2006.
GRENIER, Christian, Virus l.i.v. 3: ou la mort des livres, Hachette Livre, 2007.
GREVET, Yves, L’école est finie, Syros, 2012.
GREVET, Yves, Nox 1 : Ici-bas, Syros, 2012.
GREVET, Yves, Nox 2 : Ailleurs, Syros, 2013.
GUITTEAUD, Corinne, WENTA, Isabelle, Gems 1 : Paradis Perdu, L’Atalante, 2014.
HELIOT, Johan, Les Substituts Tome 1, Seuil, 2014.
HERVIER, Grégoire, Zen City, Pocket, 2013.
HUBERT, Jean-Pierre, Les Sonneurs noirs, Mango jeunesse, 2004.
LAMARQUE, Ludovic, PORTRAIT, Pierre, Ad noctum: les chroniques de Genikor, Denoël, 2012.
LAMBERT, Christophe, Le dos au mur, Pocket, 2013.
LE CALLET, Blandine, La ballade de Lila K., Stock, 2010.
LE GENDRE, Nathalie, Mosa Wosa, Mango-Jeunesse, 2004.
MARCASTEL, Jean-Luc, Le dernier hiver, Hachette, 2011.
MARCASTEL, Jean-Luc, Un Monde Pour Clara, Hachette, 2014.
MOLLA, Jean, Felicidad, Gallimard jeunesse, 2010.
MOUCHE, Philippe, La place aux autres, Gaïa, 2011.
NOTHOMB, Amélie, Acide sulfurique, Albin Michel, 2005.
PILLE, Lolita, Crépuscule ville, Grasset, 2008.
ROZENFELD, Carina, La Symphonie Des Abysses 1 : La Partition d’Abrielle, R. Laffont, 2014.
RUFIN, Jean-Christophe, Globalia, Gallimard, 2005.
SELS, Véronique, Bienvenue en Norlande, Genèse, 2012.
VIGNAL, Hélène, La fille sur la rive, Le Rouergue, 2011.
La vague anglo-saxonne (et d'ailleurs) récente
AGUIRRE, Ann, Enclave 1, Hachette, 2013.
AGUIRRE, Ann, Enclave 2 : Salvation, Hachette, 2013.
AGUIRRE, Ann, Enclave 3 : La Horde, Hachette, 2014
ALBREH, Bertie, Phamilia, Nielsen, 2014.
ANDERSON, M. T., Interface, Gallimard, 2004.
BAGGOTT, Julianna, Pure, J’ai lu, 2012.
CASS, Kiera, La sélection, R. Laffont, 2012.
CASS, Kiera, La sélection 2 : L’élite, R. Laffont, 2013.
COHN, Rachel, Version Beta. 1, R. Laffont, 2012.
CONDIE, Ally, Promise, Gallimard jeunesse, 2011.
CONDIE, Ally, Promise 2 : Insoumise, Gallimard jeunesse, 2012.
CONDIE, Ally, Promise 3 : Conquise, Gallimard jeunesse, 2013.
DESTEFANO, Lauren, Le Dernier Jardin 1 : Éphémère, Castelmore, 2014.
DESTEFANO, Lauren, Le dernier jardin 2 : fugitive, Castelmore, 2012.
DOCTOROW, Cory, Little brother, Pocket jeunesse, 2011.
FISCHER, Catherine, Incarceron, Pocket Jeunesse, 2010.
FFORDE, Jasper, La tyrannie de l’arc en ciel : La route de Haut-Safran, Fleuve noir, 2011.
GARDNER, Sally, Une planète dans la tête, Gallimard jeunesse, 2013.
GOODMAN, Allegra, De l’autre côté de l'île, Thierry Magnier, 2013.
HOLMQVIST, Ninni, L’unité, Librairie générale française, 2013.
HOWEY, Hugh, Silo, Actes Sud, 2013.
JOHNSON, Alaya Dawn, Le prince d’été, R-jeunes adultes, 2013.
JOHNSON, Elana, Possession, M. Lafon, 2011.
JORDAN, Hillary, Écarlate, Belfond, 2012.
KACVINSKY, Katie, La révolte de Maddie Freeman, Pocket jeunesse, 2013.
KOSTICK, Conor, Epic, Bayard jeunesse, 2011.
LAD, Karen, LEE, Evie, C.O.V.E. Abel, Éd. du Chat lune, 2013.
LLOYD, Saci, Carbon diaries 2015, Pocket jeunesse, 2012.
LORD, Sullivan, Utopia, SLEN, 2011.
LU, Marie, Legend 1, Castelmore, 2012.
LU, Marie, Legend 2 : Prodigy, Castelmore, 2013.
MAFI, Tahereh, Insaisissables 1 : ne me touche pas, Lafon, 2012.
MAFI, Tahereh, Insaisissables 2 : ne m’échappe pas, Lafon, 2013.
MAFI, Tahereh, Insaisissables 3 : ne m’abandonne pas, Lafon, 2014.
MALLEY, Gemma, La déclaration : l’histoire d'Anna, Naïve, 2007.
MALLEY, Gemma, La résistance: l’histoire de Peter, Naïve, 2008.
MALLEY, Gemma, Sentiment 26, Lafon, 2012.
MILLS, Sam, Black-out, Naïve, 2010.
MORGAN, Nicola, Un monde sans rêves, A. Michel, 2008.
MORROW, James, Cité de vérité, Gallimard, 1998.
O’BRIEN, Caragh, Birth marked : bannie, Mango-Jeunesse, 2013.
O’BRIEN, Caragh, Birth marked : captive, Mango-Jeunesse, 2013.
O’BRIEN, Caragh, Birth Marked : rebelle, Mango-Jeunesse, 2013.
OLIVER, Lauren, Delirium. 1, Hachette, 2012.
OLIVER, Lauren, Delirium. 2, Hachette, 2012.
OLIVER, Lauren, Delirium. 3, Hachette, 2013.
PATNEAUDE, David, Epitaph road, City, 2012.
PRICE, Lissa, Starters, R. Laffont, 2012.
PRICE, Lissa, Starters 2 : enders, R. Laffont, 2013.
ROSSI, Veronica, Never sky, Nathan, 2012.
ROSSI, Veronica, Never sky 2 : Ever dark, Nathan, 2013.
ROTH, Veronica, Divergente. 1, Nathan Jeunesse, 2012.
ROTH, Veronica, Divergente. 2, Nathan Jeunesse, 2012.
SHA, Emma, La traversée d’Alzar, Scrineo jeunesse, 2013.
SHANE, Trevor, Enfants de la paranoïa, Lafon, 2012.
SHUSTERMAN, Neal, Les fragmentés, Éd. du Masque, 2013.
SNYDER, Maria V, Inside out : enfermée, Harlequin, 2011.
TAKAMI, Kōshun, TAGUCHI, Masayuki, Battle royale, Soleil, 2003.
TERRY, Teri, Effacée, La Martinière Jeunesse, 2013.
TOWFIK, Ahmed Khaled, Utopia, Ombres noires, 2013.
ZEH, Juli, Corpus delicti : un procès, Actes Sud, 2010.
Aux limites du genre
HAMME, Jean van, GRIFFO, S.O.S. bonheur, Dupuis, 1988.
LAWRENCE, Theo, Mystic City, Pocket Jeunesse, 2014.
LOB, Jacques, ROCHETTE, Jean-Marc, LEGRAND Benjamin, Transperceneige : intégrale, Casterman, 2013.
MEYER, Marissa, Cinder, Pocket Jeunesse, 2013.
MEYER, Marissa, Scarlet, Pocket Jeunesse, 2013.
MOORE, Alan, V pour vendetta, Delcourt, 1999.
NESS, Patrick, Le chaos en marche 1 : la voix du couteau, Gallimard Jeunesse, 2010.
NESS, Patrick, Le chaos en marche 2 : le cercle et la flèche, Gallimard jeunesse, 2011.
TADANO, Nobuaki, Ethnicity 01, Bamboo, 2012.
WILSON, MF, FOX, Nathan, Fluorescent black, Milady, 2011.
ZEVIN, Gabrielle, La Mafia Du Chocolat, Albin Michel, 2012.
ZEVIN, Gabrielle, La mafia du chocolat 2 : La fille du parrain, Albin Michel, 2013.
Université de Poitiers,
Service Commun de la Documentation
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