But! lyon 233 - 04-05 ACTU - E

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But! lyon 233 - 04-05 ACTU - E
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LES FÉMININES
PIÉMONTAISE
“Lyon n’est pas trop fort,
c’est le championnat de
France qui est faible”
Acteur majeur du football féminin à Lyon
depuis la fin des années 80, Paul Piémontaise est bien placé pour commenter l’évolution de ce sport. Pour “But!
Lyon”, le président de la section féminines de l’OL dévoile sa vision des
choses et ses attentes. Entretien.
ut! Lyon : Paul, comment
êtes-vous venu au football féminin ?
Paul PIEMONTAISE :
Après 22 ans à parcourir
le monde pour Bernier, Renault
VI puis Renault Trucks, je suis
revenu à Lyon, où j’avais la direction régionale en Rhône-AlpesAuvergne, dont le siège était dans
l’Est de la ville. Je ne le savais pas
mais trois de mes employées pratiquaient le football sans le dire
de peur des railleries. Une fois,
lles m’ont demandé un jour de
congés pour disputer un tournoi
en salle. Elles se sont presque
excusées de faire du football féminin ! Je leur ai donné leurs congés
mais en plus, j’ai voulu m’investir davantage.
Comment cela s’est-il traduit ?
Je suis arrivé au FC Lyon en 198889 avec pour objectif de remporter le titre de champion dans
les deux ans. Et en 1991, nous
l’étions ! Le deuxième est arrivé
en 1993, le troisième en 1995 et
enfin le quatrième en 1998. Cette saison-là, on a même fini invaincus avec une équipe strictement
lyonnaise et amatrice. Je connais
B
bien Louis Nicollin, qui est un
client. Il est venu au conseil pour
son équipe féminine. Avec les
moyens qu’il avait, il a pu aller
plus vite que nous, dans un premier temps.
Est-ce pour cela que vous êtes
rentré à l’OL ?
En 1998, une deuxième période
a commencé et nous a amenés
en 2004 à l’OL. Nous n’avons
jamais fait moins bien que 3es et
ce sans aucune internationale.
Nous n’avions pas les moyens de
retenir nos joueuses. On les formait puis elles partaient. Le FC
Lyon était la première équipe à
se doter d’une section sportétudes en partenariat avec un collège de la ville. Pour aller plus
loin, il fallait qu’on se dote d’une
structure qui nous permette
d’avancer et de garder nos filles.
On avait le savoir-faire et la
rigueur. Il nous manquait les
moyens. Avec notre carte de visite, il y avait la possibilité d’intégrer le grand club lyonnais.
Comment cela s’est fait ?
On ne vient pas frapper à la porte en disant : “C’est moi le plus
beau” et en forçant l’entrée. Ça
a mis presque trois ans. En 2004,
nous sommes rentrés et les
moyens sont arrivés. La stabilisation des joueuses nous a donné
les deux doublés. En plus, le virus
du football féminin a atteint JeanMichel Aulas. Désormais, nous
sommes au moins deux fous. Une
transmission de la passion s’est
faite. Cela n’aurait servi à rien si
le club professionnel s’en était
lassé au bout de trois semaines !
Comment expliquez-vous cet
intérêt du président de l’OL ?
En toute objectivité, cette équipe de Lyon produit un football
esthétique avec des joueuses qui
savent rester féminines. Pour
nous, c’est très important. Nous
n’avons pas souhaité faire de
fausses footballeuses apparentées
à une puissance masculine. Il fallait que dans l’extrême limite de
leurs possibilités de femme, elles
aient la résistance, l’esthétique et
la qualité de jeu. Ce que nous
sommes en train d’obtenir. Plus
généralement, il y a de plus en
plus de monde aux matches. Si
les gens sont là, c’est que ça intéresse. On ne va pas les chercher
en bus que je sache !
Quelle a été l’évolution du budget entre le FC Lyon et l’OL ?
C’est de l’ordre de un à cinq mais
on reste un club amateur ! Chaque joueuse a sa tenue qu’elle
lave. Celle-ci tient toute l’année.
On regarde le meilleur train pour
un déplacement. Nous sommes
dans une gestion absolue de la
misère. On passe des accords
avec les plus petits hôtels car le
gros du budget est absorbé par
les déplacements, les équipements et les locations. L’intérêt
de gérer l’OL féminin comme une
entreprise, c’est que les filles peuvent avoir des métiers annexes
au niveau du club qui leur permettent de gagner leur vie. La
vraie solution sera le statut fédéral, qui va arriver en juillet. Cela
permettra d’arrêter de se cacher
derrière les branches et que
l’indemnité devienne officielle.
Les étrangères auront l’autorisation d’une pérennité dans leur
carte de séjour. Elles ne gagneront pas des mille et des cents
mais ce sera suffisant pour bien
vivre.
Comment va se passer la jonction entre les contrats de travail
et les contrats fédéraux ?
Peut-être que les joueuses cumuleront les deux si elles ont des
talents pour être responsables des
ventes à la boutique ou à l’OLTV.
Pourquoi ne pas garder cela si ça
“Cette équipe de Lyon produit un football
esthétique avec des joueuses qui savent rester
féminines. Nous n’avons pas souhaité faire de
fausses footballeuses apparentées à une
puissance masculine.”
permet un débouché après la carrière ? Le contrat fédéral ne sera
pas un prêt requis. Il faut que les
filles gardent une ambition et que
ce soit une récompense pour les
joueuses qui arrivent au terme de
leur formation. En même temps,
cela évite de les perdre ou de les
voir se sauver sans qu’on ait le
retour sur investissement. Il y aura
entre quinze et vingt contrats en
fin de saison. Les Etats-Unis
devront alors faire face à une
négociation plus importante. Je
ne dis pas que personne ne partira mais cela nous permettra de
mettre un terme à la frustration
économique. Il ne restera plus
que la frustration affective de
perdre une fille.
Ingvild Stensland arrive en fin
de contrat en juin. Allez-vous
la garder ?
Oui. On discute avec elle. Elle fait
partie de ces grandes joueuses
qui ont besoin de six mois pour
intégrer le championnat. C’est
pareil pour Lotta (Shelin), même
si elle a émerveillé tout le monde. Je pense qu’elle n’est qu’à
80% de ses possibilités. Ingvild
est une fille structurée, qui a été
éduquée pour être obéissante aux
consignes. On en est contents.
Qui s’occupe du recrutement ?
C’est un ensemble : il y a Farid
Benstiti, qui est toujours derrière dans un souci de ne pas faire
n’importe quoi, mais aussi un
petit comité qui s’occupe de
savoir où sont les trous. Nous
nous appuyons également sur les
conseils des gens de l’Olympique
Lyonnais, comme Marino Faccioli
ou l’encadrement technique pro-