Outils de liberté En français, le mot “ écrivain ” est très

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Outils de liberté En français, le mot “ écrivain ” est très
Outils de liberté
En français, le mot “ écrivain ” est très, trop connoté : dans l’imaginaire culturel hexagonal,
un écrivain est le plus souvent un romancier publié chez un éditeur ayant pignon sur rue.
Bref, c’est ce qu’on appelle un “ auteur ” (un hauteur ?), avec tout le decorum que ça sousentend. En anglais, langue que j’affectionne énormément, le terme le plus approchant est bien
entendu author. Personnellement, je préfère celui de writer, qui ne fait que décrire l’activité.
Être un writer, c’est tout simplement être quelqu’un pour qui écrire est une activité
importante, qu’elle soit ou non professionnelle, qu’il soit ou non publié, peu importe ce qu’il
écrit : fiction, poésie, journal, autobiographie, essai, etc. Les États-Unis sont un pays
merveilleux pour les writers : on y trouve des ateliers d’écriture à foison, des congrès où
publishers (éditeurs), editors (responsables éditoriaux, rédacteurs en chef, directeurs de
collection) et writers se rencontrent de manière informelle ; des journaux dans les plus petites
villes ; des maisons d’édition dans tous les états et toutes les universités, des structures d’autoédition sur papier ou en ligne... Là-bas, l’imprimerie, la machine à écrire, l’ordinateur et
l’internet ont toujours été des outils de communication extraordinaires, qui servent
l’expression écrite, une expression qui n’appartient à personne.
En France, en revanche, l’expression écrite semble devoir être l’apanage de “ l’élite ” (vieille
antienne d’un ancien régime toujours actif car fossilisé dans les inconscients et dans les
institutions) et l’accès à l’édition reste très... réservé. Mais a-t-on toujours besoin des éditeurs
“ patentés ” ? Non, bien sûr, et je suis le premier à m’en féliciter depuis que je peux aussi faire
lire des textes à ceux qu’ils intéressent grâce à un site internet personnel1. Dans le même
esprit, le travail de précurseurs comme Jean Guenot il y a quelques années (je recommande à
tou(te)s la lecture de Ecrire, guide pratique de l’écrivain, formidable manuel auto-édité) ou
comme Lorenzo Soccavo aujourd’hui, nous le montrent. Ecrire est une chose. Publier en est
une autre. Ecrire c’est mettre en forme une expression de soi. Publier c’est aller au-devant de
ceux qui lisent. Les deux activités sont complémentaires, et peuvent parfaitement être menées
de front par la même personne. Encore faut-il savoir s’y prendre, afin de ne pas perdre son
temps et son énergie dans des démarches stériles ou des contacts infructueux.
L’une des principales vertus de l’écriture, c’est bien de partager. Quand on a soi-même
traversé la jungle, on aime montrer la voie à ceux qui veulent vivre la même aventure. C’est
ce que Lorenzo Soccavo fait dans ce livre : les outils de liberté qu’il a, tel un explorateur,
“ inventés ” - autrement dit : mis au jour - en chemin, il les partage ici avec celles et ceux qui
veulent... partager.
Beau cercle vertueux.
Martin Winckler
1
www.martinwinckler.com