Maître Karsenti : « Pérol a servi l`Ecureuil à Bercy, et la Banque

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Maître Karsenti : « Pérol a servi l`Ecureuil à Bercy, et la Banque
Maître Karsenti : « Pérol a servi l’Ecureuil à Bercy, et la Banque
Populaire chez Rothschild »
(Tout le procès Pérol ici) Pérol21. Au procès du patron des Caisses d’épargne
Banques Populaires, pour prise illégale d’intérêt, l’audience du 30 juin est
consacrée aux plaidoiries des parties civiles, en commençant par celle de Maître
Jérôme Karsenti intervenant pour les salariés représentés par le syndicat CGT.
Au cours de sa plaidoirie, Maître Karsenti, avocat des salariés représentant le syndicat
Sud BPCE, rappelle les interventions de François Pérol à toutes les étapes de sa carrière,
pour façonner le groupe Banque Populaire Caisse d’épargne dont il prend ensuite la tête.
(photo © GPouzin)
Maître Jérôme Karsenti a été le premier avocat à saisir la Justice sur ce dossier, d’abord
avec l’association de lutte contre la corruption Anticor, puis pour le compte du syndicat
CGT.
– Vous l’avez rappelé, Monsieur le président, ce procès n’est pas celui d’un système, mais
d’un seul homme, François Pérol, entame Maître Karsenti. Par nature, tout procès est dans
l’esprit du temps. Celui-ci est exemplaire et passionnant. Il nous plonge d’abord au cœur du
pouvoir. En tant que citoyen, j’ai découvert son exercice, sa complexité, ses difficultés. Ses
ambiguïtés aussi. Nous avons voyagé au cœur de l’Elysée, cette tour lumineuse aux
contours toujours obscurs, au cœur du pouvoir en ce temps de crise financière dont tous les
acteurs politiques et économiques nous disent, et on veut bien les croire, qu’elle était la plus
importante depuis 1929.
Nous nous interrogeons sur les liens entre pouvoirs politiques et économiques, leurs zones
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d’influence, leurs lobbies. On a pu voir, au cœur du pouvoir de Nicolas Sarkozy, que le
pouvoir politique avait son sens. Les années Sarkozy c’est les années des affaires, des
ambivalences, comme avec Chirac avant, où l’on constate que la République est malmenée.
La problématique du conflit d’intérêt. Si je n’ai pas d’intérêt contradictoire quand je sers
l’intérêt général, les citoyens et la démocratie, est-ce que je ne cours pas un risque
d’être écartelé quand je sers aussi des intérêts privés ? Je ne sais pas s’il fallait ou pas
que vous soyez président de BPCE. Ce que je sais, c’est que la loi a été malmenée, enfreinte,
ce qui fabrique du soupçon. Le pouvoir politique n’est plus crédité de servir l’intérêt
général, il est critiqué, pas toujours à bon escient, soupçonné de servir ses intérêts
avant ceux des autres. Ce soupçon nourrit l’abandon des urnes et la montée du populisme.
Vous, les juges, vous êtes les derniers garants de la démocratie. Vous avez une
responsabilité énorme, tout repose sur vous car le politique se laisse aller, et vous seuls
pouvez rappeler les lois et rassurer les citoyens.
Après cette introduction, il reste deux questions. La fusion a-t-elle été menée par les
pouvoirs publics, l’Elysee et François Pérol ? Et dans la foulée, le processus de sa
nomination ?
Il n’y a pas de vérité unique. Je ne pense pas que François Pérol sait, en 2007, qu’il sera
président de BPCE. Mais les choses se sont mises en place à travers deux grandes idées.
Une idée de fond politique, partagée ou non depuis l’élection de Chirac en 2002 : il faut
libéraliser l’économie. A travers cette toile de fond, le parcours de François Pérol est semé
d’ambiguïtés, dont celle de sa déontologie qui a été extrêmement malmenée pour servir une
carrière, un parcours personnel.
Dans un troisième temps, la décision se profile à partir de l’arrivée de Sarkozy en mai 2007 :
indépendamment de la grande idée politique de démutualiser les Banques populaires et
Caisses d’épargne, leur fusion est précipitée dans un contexte de crise. On nous dira
l’urgence et l’impossibilité de faire autrement.
Mais il faut reprendre l’analyse chronologique. Ce grand projet de fusion démarre en
décembre 1999 quand elles perdent leur statut public, pour s’achever en février
2009, avec la constitution d’un groupe privé. L’objectif de tout ce processus est de
démembrer le principe mutualiste et d’en faire sortir les Banques populaires et
Caisses d’épargne. Juridiquement, ce sont des structures mutualistes. Mais en réalité, tout
a changé. Vous avez entendu avec une grande humanité, Monsieur le président, des
témoignages de salariés venus raconter ce changement.
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Pour cette constitution, Francis Mer va impulser l’idée qu’Ixis sorte du giron de la CDC pour
en faire une filiale d’investissement qui pourra aller sur les marchés financiers. La
particularité déontologique de Pérol apparaît : il est directeur de cabinet adjoint au
ministère des finances, on peut penser que l’intérêt général doit primer, mais on le voit
aux côtés des Caisses d’épargne contre la CDC qui ne le voulait pas. Il va favoriser la
sortie de la CDC qui, en contrepartie, prend 35% des Caisses d’épargne. On ne peut pas
comprendre, si on n’a pas ce fil conducteur, les échanges de mails entre Mr Sureau qui
rencontre régulièrement François Pérol et rend compte à Milhaud. Le 30 novembre 2004, il
y est favorable à titre personnel et politique. Ce projet de fusion ne naît pas de rien et
de nulle part, François Pérol est là quand on a la fusion Ixis.
Pérol l’a dit, quand Sarkozy a été nommé à l’Intérieur, il a dit qu’il avait été démarché par
de nombreuses banques. Mais, en ce qui concerne la Banque Rothschild, il a dit avoir fait la
démarche pour être recruté en tant qu’associé-gérant. Il était donc dans une démarche
personnelle.
Premier souci, pourquoi Rothschild ? Vous lui avez demandé, Monsieur le président. Pérol
l’a dit, un peu gêné, parce qu’ils s’étaient rencontrés au cabinet de Francis Mer. Déjà on
voit poindre la problématique du conflit d’intérêt. Il a le pouvoir de l’Etat, a-t-il déjà dans
l’idée qu’il pourra aller vers Rothschild ? Après avoir été nommé inspecteur des finances, il
se retrouve aussitôt associé-gérant chez Rothschild, où il va jouer un rôle particulier.
Le 22 décembre 2004 la Commission de déontologie rend un avis qui vous interdisait de
traiter toute affaire dont vous auriez eu connaissance dans vos fonctions au ministère des
finances, rappelle Maître Karsenti à l’accusé. Dans une rhétorique insultante pour
l’intelligence de tous, Mr Pérol nous explique que, dans ses fonctions, il n’a jamais traité
d’affaire concernant Natixis ! Cela me choque, alors qu’il a servi les intérêts de
l’Ecureuil contre la CDC au ministère des finances, puis qu’il arrive chez Rothschild
où il sert l’intérêt des Banques populaires en faisant comme s’il ne connaissait ni
l’Ecureuil ni Charles Milhaud. La notion de porosité est flagrante. L’étanchéité
plaidée est une position intenable, qui démontre dès le départ que la déontologie et
l’éthique, ça ne l’intéresse pas. Monsieur Pérol na pas compris le sens du mot déontologie.
Troisième étape : l’aboutissement de ce processus de fusion monté par l’esprit des temps.
On le voit dans la déclaration de François Pérol quand il dit que le mutualisme n’était
pas assez solide pour résister aux forces de marché. Mais derrière ce choix politique il
y a les réseaux d’influence. Jean-Marie Messier peut faire signer un contrat aux Caisses
d’épargne avant la démission de Milhaud, prévoyant de lui verser 2 millions tout de suite.
C’est l’époque où l’avocat Jean-François Copé valide la fusion, alors qu’il était avocat des
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Caisses d’épargne. Cette époque là existe un peu toujours.
Alors quand Pérol est nommé à la tête de BPCE, je veux bien croire qu’il y avait urgence,
que l’Etat était pressé. Mais cette date du 26 février apparaît comme une vérité absolue.
Pourtant, dans une note du 12 janvier 2009, Claude Guéant dit que la fusion est envisagée
pour le mois de mai, alors qu’on connaît déjà les 750 millions de pertes des Caisses
d’épargne et les 10 milliards de pertes de Natixis. Admettons qu’on préfère le 26 février.
Mais la saisine de la Commission de déontologie pose problème. Guéant téléphone un soir à
Fouquet à son domicile. Cela veut dire que son réflexe était bon, il fallait s’assurer que cette
nomination soit compatible. Où ça ne va plus, c’est quand elle dit que ce n’est pas possible.
La Commission dit non, car ce sont ses règles de fonctionnement, et qu’elle est
indépendante du pouvoir politique. Là où ça ne va plus, c’est qu’au lieu de chercher un
compromis, on demande au président de la Commission de faire une lettre personnelle où il
pose les principes de jurisprudence de la Commission de déontologie. Tout juriste sait
qu’une position de principe n’est pas un avis favorable. Pourtant Nicolas Sarkozy
s’empresse de déclarer que la Commission a donné son feu vert. Non ce n’est pas une
erreur, c’est l’esprit de Sarkozy qui fait des coups politiques. Il a une lettre, il en fait un avis
politique. Quand Fouquet s’offusque, Guéant dit « on va corriger le tir », mais il enfonce le
clou, on poursuit ce processus de mauvaise foi, de travestissement de la réalité. On s’en
moque, on fait ce qu’on veut car on a décidé que c’était comme ça.
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