la tumultueuse vie d`un déflaté

Transcription

la tumultueuse vie d`un déflaté
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LA TUMULTUEUSE VIE D’UN DÉFLATÉ
UN PROJET DE FILM DOCUMENTAIRE DE CAMILLE PLAGNET
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Résumé :
Ce film est le portrait tumultueux du « Grand Z », conducteur de la locomotive Abidjan –
Ouagadougou pendant 20 ans, licencié en 1995 par la Société des chemins de Fer du
Burkina Faso, à la suite de la privatisation imposée par la Banque Mondiale. Grand
jouisseur impénitent, il fut alors terrassé en pleine allégresse, perdit tout, et coule depuis
des jours bien sombres en attendant sa pension de retraite.
Ce film est une tragi-comédie d’Afrique. Où l’on verra errer dans les rues poussiéreuses
de Ouagadougou et les maquis huileux de Bobo-Dioulasso, la grande silhouette fragile
d’un clown blanc noir, mélancolique et espiègle. Où l’on entendra sa langue si
particulière, ses mots brutaux et tourmentés raconter ses déboires passés et présents,
ses haines et ses espoirs. Où l’on observera les grimaces émouvantes de cet homme de
54 ans précocement vieilli d’avoir trop bu et trop pleuré, mais qui résiste en riant au fil du
temps.
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Origine :
J’ai rencontré Saïdou Zembendé Ouedraogo, dit « Z », un matin du mois de janvier 2007.
Je travaillais alors au CCF de Ouagadougou. Il est entré dans mon bureau comme une
furie, grande figure dégingandée et voûtée, vociférant des mots incompréhensibles, ses
yeux baissés croisant parfois l’espace d’un instant les miens, amadouant ou menaçant
selon. Avant même que je puisse comprendre ce qui m’arrivait, en deux temps trois
mouvements, il m’avait déjà fait imprimer des exemplaires de divers documents qu’il
avait amenés sur une vieille disquette : une pétition contre la banque mondiale et les
conséquences en Afrique de ses Plans d’Ajustement Structurels (PAS), une plainte contre
un certain Boureima Ouedraogo l’ayant délesté d’une grosse somme d’argent, le mode
d’emploi d’une poudre permettant de soigner les rages de dents… et au milieu de tout
ça, une pièce de théâtre, intitulée Palébédébé Laï Laï ou que deviennent les déflatés. Je
gardais tout ça sur mon ordinateur.
Le soir même, au calme, j’ai lu par curiosité les divers documents. Cet homme n’était pas
si fou qu’il avait bien voulu le montrer, ou alors d’une folie « temporaire » comme il le dit
dans un de ses textes ; il écrivait surtout des choses étonnantes dans une langue
étonnante que j’aimai immédiatement. En lisant sa pièce, naturellement à voix haute, je
me dis : c’est le Beckett africain, mais qui aurait lu Brecht (je saurai plus tard qu’il n’a lu
ni l’un ni l’autre). Palebédébé Laï Laï est un quasi-monologue autobiographique mettant
en scène un homme attendant un bus qui ne viendra jamais. Pendant ce temps, il raconte
son histoire, tragique : celle d’un conducteur de locomotive licencié au moment des
privatisations imposées par la banque mondiale au milieu des années 90, et à qui tous les
malheurs sont arrivés par la suite. Au fur et à mesure de la pièce, la folie le gagne : il
éructe et insulte tous ceux, individus et institutions, dont il s’estime la victime.
Et puis, je découvrais le mot « déflaté », si terrifiant et poétique dans la langue française,
mais qui est en fait une francisation ouest africaine du mot anglais (langue de la banque
mondiale oblige) « to deflate », qui signifie « dégraisser », et qui s’applique à tous les
travailleurs des entreprises publiques licenciés lors des privatisations du milieu des
années 90.
Quelques jours plus tard, il revint à mon bureau pour tenter de me faire encore imprimer
des choses, et je lui dis mon admiration. Il eut l’air touché, un bref merci, entendu, et il
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me pressa d’imprimer. Sautant sur l’occasion, il me demanda quelques piécettes en
m’expliquant que tout déflaté était également par nécessité un « kôkô », c’est-à-dire un
mendiant professionnel, et qu’il fallait bien qu’il puisse payer son taxi. Certes. Je
découvrais alors le deuxième terme de la définition de cet homme : un kôkô. Et comme il
l’écrit : « si tu as le nombre de déflatés, tu as le nombre de kôkôs »*.
Au fil des jours et des rencontres, mon désir se renforça de faire un film à partir de cette
pièce et de cet homme.
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Intentions :
Une tragédie d’Afrique
La tumultueuse vie d’un déflaté est une tragédie d’Afrique. Le récit de la chute d’un
déflaté de la société des chemins de fer burkinabés, ancien conducteur de locomotive,
ayant fait mille fois le trajet magnifique Abidjan – Ouagadougou, fonctionnaire au salaire
enviable qui se retrouva du jour au lendemain sur la paille. Ou plutôt millionnaire, mais 3
millions de Francs CFA (ses indemnités de licenciement), pour 15 ans (le temps qui lui
reste avant de toucher sa retraite), il a fait les comptes : ça fait 700 francs par jour : une
misère. À moins d’être moine, comme il dit. L’argent dépensé, la femme décampa avec
l’enfant, les amis s’éloignèrent, l’huissier fit son travail et le malheureux se retrouva à 45
ans à retourner vivre chez sa mère et à faire le kôkô.
À travers son histoire, se devine, invisible, celle de tous ceux que la banque mondiale a
congédiés pour la soi-disant compétitivité des pays d’Afrique. Le grand Z sera leur porteparole, un symbole. Et le film, un hommage, tant à lui, le kôkô, qui demande sans cesse,
certes, mais a beaucoup donné, qu’à tous les déflatés, des chemins de fer et d’ailleurs, du
Burkina Faso et d’ailleurs, qui ont subi sans possibilité aucune de s’exprimer les
conséquences de décisions prises à Washington et remises en cause aujourd’hui par
ceux-là mêmes qui les ont imposées.
Évidemment son histoire est unique et ne saurait être un manifeste objectif des ravages
de la Banque Mondiale en Afrique. Il a été trop généreux avec ses indemnités de
licenciement, il s’est fait rouler dans sa tentative de reconversion, il n’a pas pu ou su
retrouver du travail. D’autres, dans la même situation que lui, s’en sont peut-être mieux
tirés. Mais c’est dans les cas extrêmes que se lisent parfois le mieux les événements. Le
récit exemplaire de la chute de cet homme voudrait être un conte à raconter dans les
veillées, qui résumerait à lui seul le cas des milliers d’autres déflatés, une sorte de
légende. La résistance de ce même homme, la manière acharnée qu’il a de transformer
son histoire avec des mots pour l’éloigner de lui, la mettre à distance, en rire, et ainsi
mieux la combattre et mieux dépasser son apparente fatalité, sa classe particulière, son
intelligence, son humour enfin, fourniront au conte sa morale et au film sa poésie.
Le portrait d’un écrivain
Ce film est aussi le portrait d’un écrivain, un hommage rendu à la « littérature brute », à
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cette langue si particulière et si belle, comme auto construite, spontanée, sans références
savantes, fruit avant tout de l’expérience personnelle quotidienne et d’une généalogie
littéraire hasardeuse. Une langue qui serait aussi comme le reflet magnifié de la langue
commune, l’écho des rues de Ouagadougou rendu étrange par la grâce du style. Comme
le dit souvent Z à ses interlocuteurs pour signifier qu’ils se comprennent bien : « Eh mon
gars, on a lu dans les mêmes livres ! ». Z est un autodidacte complet, un obsessionnel de
l’écriture, écrivant de manière compulsive et euphorique, pour gagner tous les jours son
combat contre l’adversité. Il a arrêté l’école tôt, mais a toujours lu, au hasard de ce qui lui
tombait sous la main : San Antonio, Maupassant, la Bible. Et surtout toujours écrit : des
poèmes, de courts récits, des contes, des maximes. C’est depuis toujours une manière
pour lui de se distinguer, et d’interpréter sa réalité pour mieux la supporter. C’est
pourquoi, si je veux évidemment raconter son histoire, je veux aussi dans un même geste
donner à entendre sa langue et son style si singuliers.
Le film se construira donc naturellement autour d’extraits de ses textes, principalement
tirés de sa pièce de théâtre, mais également de récits autobiographiques plus romancés,
dans lesquels il conte d’une autre manière ses déboires passés, les étapes principales de
sa vie depuis le jour de son licenciement jusqu’à aujourd’hui. Parfois, il les dira ou les lira
face à la caméra, parfois nous les entendrons en off. Par ces lectures, il nous fournira au
fur et à mesure du film des éléments nécessaires à sa compréhension, et sera alors luimême notre guide au travers de sa propre histoire. Ce dispositif, et les événements qui en
surgiront (rires, blagues, commentaires, grimaces, silences), mettront en lumière la
distance qu’il a vis-à-vis de lui même, distance qui lui permet de survivre, et qui
permettra au spectateur de mieux réfléchir les situations.
Un clown blanc noir
Les textes ne seront évidemment pas présents tout le long du film. Des silences seront
nécessaires pour laisser au spectateur l’espace et le temps d’écouter ces mots denses et
forts. Surtout, l’irruption de nombreux moments de « cinéma du réel » viendront
s’immiscer dans le cours littéraire du film, afin de donner un contrepoint à la gravité des
histoires racontées ainsi qu’à la rage des cris scandés. En effet, Z est avant tout un
personnage poétique, haute et frêle silhouette mélancolique, qui manie la langue et les
codes de la société avec un humour dévastateur. Grand provocateur, il sait comme
personne créer autour de lui des situations loufoques et souvent hilarantes. Ces
moments-là auront une place centrale dans le film, à l’intérieur desquels notre relation
particulière sera perçue. Il me parlera face caméra, complice ou cherchant noise selon,
commentera des situations observées ou me livrera ses pensées du moment.
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Nous filmerons sa vie présente, en 2008, célibataire, sans un sou, vie de kôkô, de
mendiant, vivant chez sa mère à 54 ans, méprisé par toute la cour.
Il passe ses journées à lire dans son lit qui prend tout l’espace de sa chambre. Parfois il
traverse le salon et rentre dans son autre tanière : la salle de travail. Un large bureau
rempli de papiers, de livres, de poussière, d’objets divers, au milieu desquels trônent un
ordinateur et une imprimante, ses trésors de guerre : c’est là qu’il écrit. Des pièces de
théâtre, des scénarios, des contes, un roman, des nouvelles : il ressasse beaucoup sa
situation de roi déchu, mais invente aussi d’autres récits. Il cherche surtout à gagner trois
francs six sous avec cet outil depuis qu’il a gagné un concours d’informatique : il fabrique
des cartes de visite, des menus pour les maquis (le nom local pour « bar »), des logos,
des calendriers… Son entreprise, encore virtuelle, s’appelle TTIC, pour Tous Travaux
Informels Confondus. Il espère à terme créer un « Centre de Formation aux Métiers de
l’Informel » à destination des déflatés de tous bords.
Quand il n’est pas chez lui, c’est qu’il se ballade un cartable sous le bras (« la tenue du
chômeur » dit-il, en opposition à son ancienne tenue d’ouvrier), arpentant les rues,
différentes chaque jour, où il sait que vivent des amis charitables et compréhensifs qui
savent ce que c’est que d’avancer dans la vie les poches vides, et les lui remplissent par
conséquent un peu. C’est la tournée du kôkô : « une mendicité galante auprès des
connaissances ». Quand il a pu récupérer quelques sous, il les dépense aussi sec, de
manière compulsive et désordonnée, achetant tout et n’importe quoi : un sécateur, un
parapluie, un livre de cuisine française. La journée et les sous se finissent souvent au
maquis ou au cabaret (le lieu où l’on boit le dolo, la boisson locale fabriquée
artisanalement à base de mil). Là, l’alcool aidant, les langues se délient plus vite, et les
souvenirs rejaillissent souvent de l’ancienne joie au travail, compétence et camaraderie, et
de l’injustice de sa situation présente.
Telle est, résumée, la vie quotidienne d’un déflaté, faite de mélancolie et d’errance, et tel
sera le corps documentaire du film.
Le chemin de fer
Mais nous travaillerons aussi le motif du chemin de fer. Nous irons avec lui sur les lieux
du crime, les lieux abandonnés de son ancienne gloire, nous verrons « le délabrement
fantomatique des bruyants dépôts et ateliers, les gares brûlées, les rails où l’on pourrait
tenir une conférence », bref, la vie presque disparue de l’industrie du rail. Parfois Z sera
dans le champ, marchant simplement, son grand corps voûté, ou montrant des choses,
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des endroits importants, commentant. Parfois, il ne sera pas dans le champ, et la beauté
tragique des lieux presque abandonnés, le peu d’agitation dérisoire, confrontés à son
récit, suffiront à exprimer ses sentiments.
Enfin, au cours du film, par trois fois, viendront s’intercaler, comme un dernier hommage
et un dernier cri, des images du voyage en train que nous referons avec Z, lui qui ne l’a
plus fait depuis vingt ans. Du Point Kilométrique (PK) 1044 (qui se trouve, à
Ouagadougou, ironie du sort, juste devant les locaux de l’ANPE où Z perdra beaucoup de
temps) au PK 0 : Abidjan Vridi. Nous montrerons Z, ses réactions face aux paysages, aux
gens, voyageurs ou personnel du train qu’il reconnaîtra peut-être. Il nous dira sans doute
ce qui a changé, nous verrons ses étonnements, sa joie de revoir ça, et sa tristesse
mêlées. Tandis qu’en off ou en in, par intermittence, des extraits de son monologue
pamphlétaire, Palébédébé Laï Laï, résonneront. Par ce geste, nous rendrons le train à Z,
lui à qui on l’a injustement volé. Le film se terminera à Abidjan, face à la mer.
« L’étendue de la mer, cette masse à l’affût qui renferme toutes les susceptibilités.
L’Atlantique : gros plan, en face. Le firmament indéfinissable ».
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Fragments de scènes tumultueuses :
Ceci n’est pas un scénario. Certaines de ces scènes ont été vécues, ou presque, d’autres
s’inspirent des récits de Z, d’autres encore ont été imaginées. Il s’agira de leur (re)donner
vie, et d’en accueillir d’autres au tournage. Leur chronologie est indicative.
Un écrivain
Le matin, vers 7 heures. La lumière, dehors, est encore douce. Z est dans son bureau,
minuscule réduit à peine éclairé par une petite ouverture dans le mur, capharnaüm de
livres, de boîtes en carton posées sur des étagères tordues, de feuilles éparses. Sur le
rebord de la fenêtre, une bouteille presque vide à l’intérieur de laquelle subsiste un fond
d’eau trouble : dessus, on peut lire, écrit à la main : « 1ère eau de l’an 2000 ». L’ensemble
donne l’impression de tenir dans un équilibre précaire. Z est assis devant une table sur
laquelle trône un écran d’ordinateur préhistorique. Il est en caleçon, sa casquette de
conducteur de train toute déchirée sur la tête. On devine dans l’obscurité son grand corps
maigre aux os saillants et aux nerfs tendus. Il tape un texte sur le clavier de son
ordinateur. Parfois, il interrompt son travail, regarde en l’air, ou bien se lève, cherchant
au plafond ou ailleurs l’inspiration. Au bout d’un certain temps, il lit tout haut :
« Ils ont osé me faire ça, à moi, Z ? Un grand Mec comme moi. Efficace dans le genre,
devenu clochard ? Un spécialiste incontestable de la mécanique, qui devient un
clochard. Comme ça ? Un rien.
Moi qui me croyais intouchable
AH ! Oui ! C’est possible ? Vraiment !?
Ce sont des foutaises ça. Foutre le cul de l’homme dehors.
Test ? ! Quel test ? Non! Non! Quelle évaluation ? Qui est incompétent?
Nul n ‘est indispensable certes. Mais moi, qu’est-ce que je ne connais pas de cette
régie? Quoi ? Je connais tout et même trop. Y’a quoi même ?
Le chemin de fer de A à Z. Moi, Z, qu’est-ce que je ne connais pas de ce chemin de
fer ?
De la fumée jusqu’au ballast (de haut et en bas.)
Du fanal aux chasses - bœufs. (de gauche à droite)
De la locomotive au collecteur.
Des boggies aux sièges en passant par les traverses danseuses
Et la cheville ouvrière alors ?
Le chemin de fer Abidjan - Niger.
Niger… Niger… Quel Niger ? À ce pas, aucun train ne dépassera le Sanmatenga, et le
Haoussa peut se tenir tranquille. On l’a flatté et moi, déflaté.
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Moi, je connais la ligne de chemin de fer depuis Vridi. Je dis bien depuis le PK zéro.
Treichville, Agboville Dimbokro, Bouaké, Tafiré, Ferké, Naniéfongo, Ouangolo, Banfora,
Darsalamy. Bobo-Dioulasso, Siby, Koudougou, Bingo, et, Pankoun, Pankoun ! Pan pan
kouou Pankou ! Ouagadougou. PK 1144 et mougoumougou. Place Naba Kom.
Avec ça, déflaté.
Et voilà. C’est le grand Z, ici présent, en son état de déflaté. Grand mécanicien, grand
chômeur. Démuni.
On me pilote sur la mort. Ah ! Ah ! Mais c’est mal connaître Jo.
Regardez ! Regardez encore : 17/20 de capacité professionnelle.
Alors qu’est-ce qu’il faut de plus ? Lécher les culs ? Là encore c’est mal me connaître.
Je suis là pour travailler un point c’est tout. Je crois que c’est ça, le contrat. Et ça suffit
non ?
S’il fallait aussi faire le mouchard ou le lèche, je ne sais pas quoi, on pourra toujours
me déflater.
On a coupé l’herbe sous mes pieds… Comme disait ce salaud de Ful.
Mes diplômes, je les mange alors ? Tout ça pour rien. En fumée.
Tas d’imbéciles ouais! Tous de minables égoïstes. Pourquoi même ?
Dans la constitution d’une société, il doit être prévu une loi contre l’égoïsme, avec une
sanction exemplaire et sévère pour ses adeptes. Pourtant pas !
L’indifférence alors l’emporte : deux corps de même nature se repoussent. Chacun sur
soi, et on attend. Partout démocratie, démocratie…Vous nous emmerdez OUAIS ! Les
ancêtres, eux, étaient dans la démocratie. La vraie. »
Pendant sa lecture, Z se tourne plusieurs fois vers moi pour vérifier que j’écoute bien et
chercher dans mon regard quelque approbation. À la fin, il me regarde en éructant, fier
de lui et de son maniement des mots. Il rit en se frappant les cuisses, et en marmonnant
quelques mots peu compréhensibles qui complètent son récit. Il se lève et sort de la
salle.
La gare de Bobo-Dioulasso
Z marche dans les rues de Bobo-Dioulasso. Il est tôt, les gens partent au travail, mais le
trafic des vélos et motos est encore calme. Au bout d’un temps, il arrive sur la grande
place de la gare de Bobo. Sa silhouette est perdue face au gigantesque édifice colonial. Il
s’approche de l’entrée, hésitant, puis passe la porte, et avance à pas feutrés dans le hall
où quelques quidams tuent le temps en jouant aux dames. Des voyageurs achètent leurs
billets au guichet. Quelques employés des chemins de fer passent doucement sans avoir
l’air de savoir où aller. Z les observe, fragile. Personne ne semble le remarquer. Il
s’enfonce alors dans les coulisses de la gare : il marche sur les rails, longe de vieilles
locomotives rouillées, monte à l’intérieur pour inspecter. Il arrive ensuite au dépôt de
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marchandises qui marche au ralenti. Des caisses et des cartons sont entassés par
centaines et seules deux personnes semblent travailler à les envoyer quelque part.
L’immense entrepôt résonne des pas de Z. Dehors, trois gars chargent des nattes dans
un wagon, Z les regarde en se marrant. Il me dit que ce wagon-là avec son gros point
rouge collé dessus doit aller en réparation. Sous une tôle, des employés du rail
somnolent. Il me les montre, dépité. Il me raconte alors dans le détail les jours qui ont
suivi son licenciement, celui où il a vidé son casier sous escorte policière, celui où il a
signé les papiers et où on lui a remis ses indemnités, l’ambiance étrange qui régnait alors
entre les déflatés et ceux qui avaient été gardés.
Le train
Le train file à vive allure à travers la brousse. Z regarde à travers la fenêtre. Le paysage
défile sous nos yeux : Le grand Néré de Niakado avec son immense ombrage. Le
Mouhoun qui coule paisiblement sous un pont plutôt inquiétant, avec ses bordures de
palétuviers bourgeonnants. La grande courbe de Béréba qui décrit un rayon de 1000
mètres, et qui remet le train dans l’axe Ouaga – Abidjan, dénudant la savane et sa
population. Z, debout à l’extrémité du wagon, lit des extraits de son texte. Derrière lui le
paysage défile.
La chambre
Z est sur son lit, dans la cour familiale, à Ouagadougou. Il est couché sur le dos, torse nu.
Il lit François Pinault, comment devenir milliardaire. Il interrompt sa lecture, s’assoit sur
son lit. Il reste un moment immobile, plongé dans ses pensées. Son regard se pose sur un
petit poste de radio qu’il saisit et allume. Il écoute quelques secondes la voix du
journaliste qui présente les informations, puis éteint le poste. Il soulève la moustiquaire
qui pend sur le lit à la recherche de quelque chose qu’il finit par trouver : un paquet de
cigarettes. Il se recouche et allume une clope.
Pendant ce temps, il ne cesse de me parler, et me raconte par fragments son retour à
Ouagadougou après son licenciement, comment il a dilapidé son indemnité en prêts et
achats hasardeux, comment les amis ont soudain afflué, avant de disparaître.
Le cabaret
Z est assis sur un banc au cabaret à dolo, complètement ivre. Il est midi, le soleil tape très
fort dehors, mais là, sous le toit de paille du cabaret, on est protégé. Le cabaret est plein
d’hommes et de femmes éméchés, tenant la calebasse de dolo à la main. Ils sont serrés
les uns contre les autres dans cet espace exigu, transpirants. Tout le monde parle et
rigole, Z aussi. Principalement avec un vieux à ses côtés à qui il tape sans cesse sur
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l’épaule en se marrant. Le vieux se marre aussi. En face, un homme commence à caresser
l’épaule de la jeune dolotière qui le tape en retour d’un coup de calebasse. Il recule. Z rit
de plus belle, en se courbant comme à son habitude, regardant sur les côtés, moqueur.
Sur le chemin du retour, Z marche avec difficulté. Dans la poussière rouge d’un « 6
mètres », il me raconte comment le manque d’argent et ses saoûleries au maquis ont usé
sa femme, qui n’a pas tardé à déserter le domicile, emportant son fils qu’il n’a pas revu
depuis.
« J’ai vendu ma bécane pour divorcer. Ha ! N’en parlons plus. Il le fallait. Je ne regrette
rien »
Ouaga 2000
Z roule en mobylette à Ouaga 2000. C’est le futur quartier central de Ouagadougou
aujourd’hui complètement en chantier. Là se construisent de somptueuses villas dignes
des mille et une nuits, habitées par des ministres, des députés, des membres de la
grande bourgeoisie burkinabé, ainsi que quelques Libanais ou expatriés des ONG. Toutes
les ambassades et administrations y ont acheté un terrain et viendront s’y installer dans
les années à venir. Il y a aussi le plus grand hôtel de Ouagadougou, l’hôtel Lybia, et la
grande salle de conférences où se tiennent les centaines de symposiums organisés
chaque année au pays des hommes intègres. Les avenues gigantesques sont goudronnées
et éclairées, notamment celle qui mène d’une réplique en béton de la tour Eiffel (qui
jouxte un surréaliste échangeur autoroutier en construction) au somptueux palais
présidentiel construit à la limite de la ville, en lisière de brousse, et qui fait étrangement
songer au château de Versailles. Nous montrerons ce quartier incroyable, décor de
science fiction, où la plus grande richesse côtoie à quelques mètres la plus grande
misère.
Au pied de la tour Eiffel en béton, debout, Z lit sa pétition contre la Banque Mondiale (lire
dans « documents »).
La tournée du Kôkô
Z est dans sa chambre, debout, en caleçon. La radio émet. Il attrape sur un portemanteau
un pantalon beige et une belle chemise à motifs bleus, qu’il enfile, ainsi qu’une veste.
Puis prend son cartable, et sort. Il s’est fait beau aujourd’hui pour aller faire cette
fameuse « mendicité galante auprès des connaissances ». Après une assez longue marche
pour rejoindre le centre ville, on le voit parlementer avec un vigile qui finit par le laisser
entrer dans les locaux de la caisse d’assurance maladie. Il monte des escaliers, tape à une
porte, et rentre sans attendre la réponse. Là, derrière un bureau imposant, un homme
d’une cinquantaine d’années en costume imposant, fait semblant de travailler. Il sourit à
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la vue de Z. Ce dernier part alors dans une logorrhée délirante qu’écoute imperturbable et
parfois rigolard l’homme imposant. À la fin, il fouille dans ses poches et glisse un billet
de 5000 Francs CFA dans la main de Z qui se contorsionne en remerciements faussement
obséquieux, puis s’en va.
La même scène, ou presque, se reproduira plus tard dans le cabinet d’un expertcomptable.
« Un kôkô ne peut pas avoir le même itinéraire tous les jours, c’est le métier qui demande
ça ».
La cueillette des plantes
Z est assis derrière un ami sur une mobylette. Il fait le pitre. Nous sortons de
Ouagadougou par la route de Ouahigouya. Après quelques kilomètres au milieu de la
steppe arborée du plateau Mossi, Z fait signe à son conducteur de tourner sur une piste.
Quelques instants et mètres plus tard, ils s’arrêtent. Le soleil tape fort. Z se met à couper
certaines plantes avec un sécateur, puis il les enfourne dans un grand sac. Il raconte
qu’elles sont idéales pour soigner les rages de dents, et qu’une fois séchées, il les vend
au porte-à-porte dans son quartier. Il sort alors de sa veste un sachet blanc sur lequel
sont écrites des informations qu’il nous lit, goguenard :
« CARI Diol en Poudre : gargarisme anti-carie, soulage et détruit rages et maux de dents.
Ce produit est extrait d’une plante de la savane. Ses fruits sont comestibles, appréciés
partout dans le sub-Sahel. Ce remède a été prescrit lors d’une partie de chasse par un
autochtone de la forêt sicilienne et s’est révélé très efficace. Employé en plusieurs autres
circonstances, le résultat restait le même : soulagement immédiat, les maux buccodentaires étaient vaincus.
Mes remerciements à cet autochtone pour cet apport providentiel.
Pour celui qui l’ignore, le mal de dents se manifeste la nuit, met mal à l’aise et rend
insomniaque. Pernicieux, très gênant, dérangeant soi et l’alentour.
Ouf ! Sacrée rage, mauvaise caries ! Enfin je vous tiens !
Éviter d’avaler.
Produit TTIC (Tous Travaux Informels Confondus). »
Il se marre, et se remet au boulot.
Les amis au maquis
Z marche dans les rues de Ouidi, le quartier de Ouagadougou où il est né et où il vit
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toujours. Le soleil se couche. Il rejoint trois gars attablés dehors, dans un maquis. Le
coupé décalé s’écoute fort. Deux enfants dansent sur « Seka Seka ». Z commande une
Tuborg, « la bière des lords ». La discussion est animée. Ils parlent de politique,
d’histoires de voisinage, des problèmes d’argent, ils regardent les filles passer.
Un peu plus tard, la nuit est tombée et le nombre des bouteilles a triplé sur la table, les
quatre compères parlent de plus en plus fort. Z est ivre mort, il hurle, vitupère, grimace,
insulte, et soudain éclate de rire. Les autres l’accompagnent dans un rire collectif
tonitruant. La serveuse recule, apeurée. Z la rassure et tente un numéro de charme
ridicule auquel personne ne croit, lui le premier. Tous rient de plus belle en commandant
la tournée suivante.
Le Cumulo
Z fait la tournée des PMU en tentant de refourguer son « Cumulo », une feuille de choux
qu’il a créé à partir d’un bouquin d’astrologie trouvé dans la rue, pour aider les parieurs
dans leurs pronostics. Dessus, prudent, il indique : « L’astrologie ne favorise pas les
chevaux, mais permet d’utiliser aux mieux les chiffres favorables aux joueurs selon des
dates situées par les astrologues. Si on est bien fixé sur la valeur d’un cheval ne pas
chercher de combinaisons astrologiques ». Il n’en fait pas pour autant moins son numéro
de bonimenteur, s’étouffant d’arguments d’arracheur de dents faisant s’esclaffer les
parieurs, qui finissent tout de même par acheter la feuille.
Le Bozambo
Z danse sur la piste illuminée du Bozambo, un maquis du quartier de la Patte d’Oie. Il y a
peu de monde sur la piste, et il peut à loisir faire montre de ses talents de danseur de
salsa. Son grand corps désarticulé mais précis attire les regards, sa casquette à carreaux
aussi. Il est ivre mais concentré, et une jeune fille se laisse tenter à la fin par quelques pas
avec lui.
Treichville
Le train roule dans une obscurité totale et prolongée, les sons des roues sur les rails sont
stridents. En fait, nous sommes sous le pont Charles De Gaulle d’Abidjan qui débouche
enfin au terminus : Treichville. Long plan large de l’Océan.
Z, debout, sur le quai du dépôt de Treichville, lit ce texte face caméra, les feuilles à la
main. Le voyage est terminé, le film aussi.
« Moi je vis dans un des innombrables PPTE-PTR (Pays Pauvres Totalement Endettés
& Partiellement Très Riches).
Là-bas, dans les PPTE-PTR, métronomes de la BANQUE MONDIALE, sans travail, on y
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vit, sans argent, on y vit, sans femme, on y vit, sans famille, on y vit aussi, sans
soutien, on y vit. Après le PAS, même après la mort, on y vit. Tout ça pour satisfaire
des cupides, ceux qui mangent, pour les autres.
Vous qui avez créé la Banque Mondiale, cette institution sans constitution, où ce sont
les crédits qui ont fait le dépôt, vous enfreignez tous aux dix commandements. Tu
connais ces dix commandement au moins ?
Ce n’est pas moi qui ai pris vos crédits. Vos crédits ne m’ont jamais servi. Pourquoi,
alors je l’ai payé? Je ne suis ni signataire, ni émissaire, pas partenaire. Alors ? Fouillez
dans les banques, à côté de vous là-bas. Au Nord, votre argent y est. Votre argent
n’est jamais arrivé ici. Vous le savez. Ce n’est pas son chemin. Vos crédits boomerang
ou ping - pong. Je ne sais pas trop…Vous êtes des complices. Des donateurs
complices. Vous proposez des crédits longs, courts termes. Si ça vous prend, vous
prenez les ouvriers en otages. Qu’ils meurent par le chômage et/ou le chagrin, cela
vous est égal.
Resterez-vous immunisés ? Vous répondrez à ce chef. Complices et complices. Vous.
Vos condottieres : complices. Vos partenaires nationaux : complices. Tous complices
égoïstes.
Vous abrégez la carrière d’ouvriers innocents. Vous trouvez volupté en regardant nos
larmes. Vous lésez le peuple. Tout est conscience.
Que chacun de nous montre ses mains ! Montre tes mains ! A yan flê dê! ! ! Je te
demande ce que deviennent les déflatés ?
Ils sont valides et pourtant affectés au chômage.
Ça seulement, ce n’est pas le destin.
Si on vous frotte la tête de beurre, le soleil vous le révèlera.
Chez les autres, les riches, on lutte contre le chômage. Chez les pauvres, on fabrique
le chômage. Je chôme. Il chôme. Nous sommes déflatés ! Alors là, il y a ingérence. Ce
n’est pas le destin !
Pour le développement, il faut la main d’œuvre. Quand on déflate, c’est pour le
développement. OUI ou NON ? Le développement, c’est quoi ? Les privatisations, c ‘est
quoi ? Pas pareils en tout cas.
Le P.A.S., tu y aurais regardé longtemps, de près et bien, tu te serais rendu compte
que : c’est un crime.
PALEBEDEBE LAÏ LAÏ LAÏ
Voilà ce que c’est que le P.A.S.
Une bêtise.
Walaï.
Palébédébé laï laï.
Lay Lay Lay.”
15
Documents :
- Correspondance
- Pétition contre la Banque Mondiale
- Lettre au ministre de la culture
16
Correspondance :
De : Saïdou OUEDRAOGO <[email protected]>
Envoyé : jeudi 19 juillet 2007 12:34:16
À : [email protected]
Objet : Ouaga vers panam Ouaga vers panam
Ça fait plaisir tout de même rien que de te lire.
Allez : Souviens- toi de moi. Je ne suis pas fauché.
Grouille. je grouille.
J'ai terminé Mongo Béti, je rapetisse Amadou Bâ
N’oublie pas cela également;
mes machines sont moches , idem
Je suis content ... je te ferai lire demain un poème pour toi.
Bonjour à jeanne et à ceux qui sont là, UN express à Jean Marie Barbe
Je crois que tu dois me ranimer heb dom...
Z, J'insiste pour que tu insistes.
Je fais 1 copie de ton mail que j'amènerai aux enfants, "Abdou & cie"
Barbe restera le sup., ne le dis pas, il le sait... Merci.
Ma mère ne croit pas que...
Occupe toi de toi, tu es la cheville ouvrière et pour le reste...
Le grand Z.
(Une clé USb, nous manque)
De : Saïdou OUEDRAOGO <[email protected]>
Envoyé : jeudi 26 juillet 2007 13:58:25
À : Camille Plagnet <[email protected]>, [email protected]
Objet : bonjour
Je suis impatient de vous lire ça au moins.
Z ! Tu parles d'ordi. ... Fais le maximum de ce côté. Tu sais que j'ai acheté
Epson. Vas-y, n'est pas honte pour un deflayed.
Tes égards sont salutaires.
Bonjour à tous n'oublie rien et transmet moi toute évolution
grand émissaire
Ma vieille mère te salue
Toi & ta Jeanne.
Z.
Je suis content de ta loyauté
De : Saïdou OUEDRAOGO <[email protected]>
Envoyé : lundi 13 août 2007 17:32:03
À : Camille Plagnet <[email protected]>
Objet : about Le Z
L'ordi ne marche pas
j'ai fait les logos mais rien pour le moment
si tu peux qque chose, n'hésite pas merci
écris - moi souvent
Je me démerde moins bien depuis,
Salut. à bientôt
La vieille mère te salue
De : Saïdou OUEDRAOGO <[email protected]>
Envoyé : dimanche 2 septembre 2007 12:54:32
À : camille plagnet <[email protected]>
Objet : RE : RE: salut du Burkina
Ecoute je ne sais pas où tu étais depuis que je suis mais, il aurait fallu que
je te rencontre plus tôt.
Merci pour tout ce que tu fais: je n'en dis pas plus.
Adama est cool, il m'a appelé et remis 3 livres et ma part (20 000) remplaçant
un million
17
Que le Seigneur te donnes la force de répéter souvent ce beau geste .
Pour le projet indéniablement ça ira. Le Seigneur a sa main dessus.
Good luck.
En te lisant je te vois tout près, alors reste près de moi.
A Bientôt
Zed, je suis satisfait.
De : Saïdou OUEDRAOGO <[email protected]>
Envoyé : mardi 11 septembre 2007 08:25:41
À : camille plagnet <[email protected]>
Objet : RE : RE: salut du Burkina
Z je ne sais pas si tu as reçu mon salut
Je viens de vivre un malheur, une partie de bicoque s'est écroulée
je suis dans l'embarras et l'autre moitié est dans la prière
dans cette semaine les pluies exagèrent quand bien même on en réclamait
Pour le logo pas de nouvelle, j'ai participé...
Au revoir grouille pour le film
à bientôt
Merci z
Salut de ouaga boueux: merdeux
De : Saïdou OUEDRAOGO <[email protected]>
Envoyé : jeudi 20 septembre 2007 16:48:44
À : [email protected]
Objet : salut de ouaga
Zed bonjour je te dépanique j'ai tout relevé par le système grand Z
je parle de ma bicoque
bref. porte toi bien
je suis bien. Z
De : Saïdou OUEDRAOGO <[email protected]>
Envoyé : vendredi 21 septembre 2007 14:19:35
À : camille plagnet <[email protected]>
Objet : RE : RE: salut de ouaga
T'occupes pas de moi il y a mieux
Bonjour à Jeanne, qu'elle ne m'oublie pas
Toi, fais et fais bien et vite
Fais toi lire surtout ; la pluie a replié mais je n'en fais conf..
Dans le lot il faut une photo copieuse
Il y a un hic mais Z s'en sortira t'en fais p
J'ai eu une inspiration je t'en parlerai sinon que c'est un film animé
c'est très récent (hier) mais c'est plein
Z, à plus, grouilles...
De : Saïdou OUEDRAOGO <[email protected]>
Envoyé : samedi 22 septembre 2007 19:43:27
À : camille plagnet <[email protected]>
Objet : djiby
Camille, Jeanne,
Je suis très content de savoir que je ne vous ai pas abandonné
C'est ça le système grand Zed
Là, je suis sur des ragots par les insectes : djiby "La fourmi téméraire". Elle
ne pardonne pas les menteurs ni les commèr... C'est une inspiration un peu lâche
dans les dires car j'agresse.Je serai plus long en étalage bientôt.
Ne vous inquiétez pas, je viens de déménager dans la maison en face - marre de
rester avec la vieille- j'ai été bien reçu.
J'insiste car je veux vivre seul là-bas et désormais.
J'ai tout fait. Je n'ai pas le courant encore, l'imprimante ne marche plus,
mais... Je vous attends
Le grand Ze'd
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PETITION
Ouagadougou, le 21 janvier 2007
Ouédraogo Saïdou
Ajusteur Réparateur évincé
des chemins de fer du Burkina (SFCB)
Tel. 70 42 08 82
01 BP 192 Ouagadougou 01
BUKINA FASO
S/c CGTB
Au
Bureau international du travail.
Au Mouvement des droits de l’homme.
Au Ministère de l’Action sociale,
bureau de lutte contre la pauvreté.
Objet : - Pétition contre la Banque mondiale, le FMI, Les Etats BURKINABE et IVOIRIEN , tout
MEMBRE ayant agit pour la Liquidation du CHEMIN DE FER et autres ESPRITS assimilés,
favorables au bradage du PATRIMOINE et HERITAGE.
Je vis dans une honte et un désespoir quant au sort à nous réservé depuis la concession de la société
du chemin de fer, une des chevilles ouvrières de la nation, y compris outre mers. Je ne suis
certainement pas seul dans cette situation.
L’osmose de la privatisation. Sursum corda.
Le pays a des dettes et est insolvable. Dettes acceptées par des signataires dirigeants du pays,
susceptibles d’avoir une technologie accrue pour la gestion d’un état, conscients ou sensés l’être, en
tout cas, considérés tels. Les institutions monétaires ne sont pas des enfants de cœur, ni dupes, et de
surcroît, elles sont puissantes. Avec elles, la figure mince n’est pas validée.
Proposition et imposition : privatisez.
D’emblée, je mets en face les séquelles d’un geste cupide, débonnaire et anti social.
Une commission nous fera croire que le chemin de fer fonctionne mal. Des administrateurs injectés
dans sa gestion n’y ont pu rien faire. Alors en conclusion une privatisation s’impose. Sans autre
forme de procès. Pour le bien être de la nation, certaines sociétés sont désignées et privilégiées pour
être privatisées : en l’occurrence le chemin de fer ( après le fer, rien ne résistera au syndrome).
Cupidité.
Bons patriotes que beaucoup d’entre nous étions, aucune résistance ne s’opposa.
La privatisation n’aura pas lieu. Mon œil ! La privatisation a eu lieu.
La nation a-t-elle jouit de la privatisation ? non.
Qui en a profité ? Deux questions tournées et retournées, qui me font faire ce coup de gueule.
Pourquoi la privatisation ? consensus cupide et impérial.
Que le chemin de fer puisse avoir besoin de bonne gestion ou de conseil, cela s’entend, mais pas
d’ingérence mutine, auxiliaire, barbare, à l’apparat de vengeance.
Qu’est ce qu’un déflaté ? (Définition)
C’est un dormeur flottant dans un rêve doucereux dans lequel il était lui-même, et qui est réveillé en
plein milieu. Je puis l’affirmer. Le rêve est fini. Et la réaction anéantie par une indemnité. Désormais
il n’y aura plus de sommeil. Donc, point de rêve.
Le global de la fameuse indemnité doit être entretenu par l’heureux bénéficiaire pour atteindre, sain
et sauf, 15 années à venir, la pension de vieillesse. Donc : la pension est inutile pour le titulaire, ou
alors à titre posthume (pour l’ayant droit, fidèle ou pas). Car, à quarante ans, l’espoir d’une
prolongation de carrière s’avère être gros lot dans cette marmaille para publique ou para étatique
éminemment menacée de privatisation. Les jeunes diplômés restant toutefois prioritaires. Que
chacun tende sa gamelle.
19
Conclusion et Objet
« Tout homme, qui est né dans un monde déjà occupé, s’il ne lui est pas possible d’obtenir de ses
parents les subsistances qu’il peut justement leur demander, et si la société n’a nullement besoin de
sont travail, il n’a aucun droit de réclamer la moindre part de nourriture. Et, en réalité, il est de
trop. Au grand banquet de la nature, il n’y a point de couvert mis pour lui ».
Telle est la devise prochaine du déflaté.
Le droit de l’homme ne se limite pas à une indemnité de droits payée par tranches, précédée
d’égosillements frisant la honte. Le déshonneur civique est la position avancée du déshonneur
social, conjugal, familial, parental, promotionnel…à la carte.
Et le plus embêtant finit par arriver : la clochardise.
On en rencontre depuis un peu après l’avènement (du P.A.S), partout dans les rues, des mendiants
entêtés: des déflatés. Refusant de croire à la réalité, considérant tous les individus coupables et
devant payer pour eux : une autre forme de folie, la folie légale du dupé.
Je n’en suis pas à ce stade, disons qu’il faut savoir se ressaisir, comme jusque-là encore, je le fais.
Ma folie, si elle est réelle, est très ponctuelle. Donc avant qu’elle ne soit permanente, j’aimerais me
voir rétabli dans mes droits, pour ma cause et pour celle des droits de l’homme, dont je crois être.
Les droits, dans un groupe déjà en besoin, n’ont pas excédé le biennal. Trois millions se gérant par
un traumatisé épié par tous les envieux. Epié, sinon pillé.
Je ne suis pas si sûr que ça de tenir jusqu’à 55 ans (la pension), seul dû officiel à l’horizon, quand
bien même, devenu expert dans l’ermitage.
Cette lettre se veut être une pétition. Car j’entends ne pas dans ce cas être le seul, et attends que
quelqu’un de semblable en cet état de bannissement qui ne dit pas son nom, fasse grossir l’écho.
Paix, aux âmes reposant.
La nation devra rendre compte ou se plaindre pour usurpation de titre.
Les rogatoires ne devraient pas avoir réception.
Les hostilités de l’autre côté n’ont aucune incidence valable.
En définitive je réclame :
1.
2.
3.
4.
Réparation pour le temps de chômage.
Explication quant au bien prévu fait à la nation.
Le projet du devenir.
Une mise à la retraite immédiate des déflatés burkinabés, comme ailleurs.
OUEDRAOGO Zembén’dé Saïdou
Ampliation
- Sociétés menacées
- Presses
- Unesco
MERCI
La souffrance tue. Les mots ne tuent pas.
Rien ne se fait en un jour
20
OUEDRAOGO Zembén’dé Saïdou
Artiste Peintre Expressionniste
Ex agent SFCB
Infographiste
Initiateur-Fondateur-Responsable
du groupe TTIC
(Tous travaux Informels Confondus)
Monsieur le Ministre de la Culture, des Arts et du Tourisme
Ouagadougou, le 30 août 2005
À
s/c du ministère de l’Action
Sociale et de la Solidarité
Nationale
s/c voie hiérarchique
Objet : Notification
Monsieur le Ministre,
Vu la précarité de toutes mes entreprises et l’avancée imperturbable de l’âge, je f ais recours à une
des fondamentales potentialités humaines : le théâtre.
Toutefois, sans être très onéreuse, cette initiative nécessite tout de même, et, du reste, présente
l’avantage d’être salutaire.
J’espère, avec tous les honneurs que je vous dois, d’abord comme citoyen, et ensuite comme artiste,
voir advenir votre humble participation quant à la réalisation de mon projet.
Le thème est relatif : je l’ai vécu. Son agressivité interpelle la compassion.
De son succès et de sa création dépend le but visé : la création d’un centre de formation aux
différents métiers de l’informel.
Si le déflaté devient une charge, c’est parce qu’il n’a pas de charge.
Et s’il veut se charger, pourquoi ne pas vous en charger ?
Sur ce, en rappelant votre expérience dans le monde de l’art, je vous prie, Monsieur le Ministre, de
trouver par la présente, un appel à votre perche pour le parrainage de cette œuvre.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre de la Culture, des Arts et du Tourisme, mes sentiments les plus
sincères.
Saïdou Z. Ouédraogo
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