Super Nanny - Doutez de tout

Transcription

Super Nanny - Doutez de tout
Les sociaux‐démocrates sous la coupe de Super Nanny en Allemagne Jusqu'ici, elle était surtout connue pour prodiguer des conseils aux parents en détresse, dans une émission de télé‐réalité. Cet été, Katharina Saalfrank vient à la rescousse d'un SPD en souffrance, en pleine campagne pour les législatives. Un casting qui laisse la presse dubitative. 16.07.2009 | Marie Béloeil | Le Courrier International Katharina Saalfrank "Depuis Kurt Beck [l'ancien président du SPD, débarqué en septembre 2008], personne en Allemagne n'avait été aussi cruellement raillé en aussi peu de temps", constate Robin Alexander dans Die Welt. Le 6 juillet, en pleine campagne électorale pour les législatives du 27 septembre, le Parti social‐démocrate allemand (SPD) a annoncé qu'il enrôlait une consultante de marque sur les questions d'éducation. Katharina Saalfrank, une musicothérapeuthe de 37 ans, diplômée en pédagogie, a été chargée d'animer une série de débats sur le thème : "Education et famille : de quoi ont besoin nos enfants ?" C'est une personnalité bien connue des téléspectateurs outre‐Rhin. Depuis cinq ans, cette mère de famille de quatre enfants est la Super Nanny de la chaîne de télévision privée RTL. Dans cette émission de télé‐
réalité (dont l'équivalent français est visible sur M6), elle vient prodiguer conseils et astuces aux parents dépassés par leur progéniture. "Le lendemain de l'annonce du SPD, la moitié du pays se gaussait, avançant que le parti était décidément devenu un vrai sauvageon", poursuit Robin Alexander. La Süddeutsche Zeitung a été parmi les premières à ouvrir le feu des critiques. Dès le 8 juillet, le quotidien munichois écrivait avec ironie que Super Nanny se trouvait marcher dans les pas de Günter Grass. Dans les années 1970, avec la même opiniâtreté que son héros du Tambour, l'écrivain allemand avait en effet battu la campagne pour le compte du SPD de son ami Willy Brandt. "Le SPD est, pour ainsi dire, passé de la grande littérature à la grande télédiffusion de RTL. Vraisemblablement, le SPD veut accorder sa politique familiale avec la réalité. Mais si les sociaux‐démocrates ont maintenant besoin de la télé pour comprendre quelle est la réalité sociale, c'est qu'ils sont décidément tombés bien bas." Alors qu'approchent les législatives du 27 septembre, le SPD, emmené par le ministre des Affaires étrangères Wolfgang Steinmeier, reste à la traîne dans les sondages. Les dernières estimations lui accordent 21 % d'intentions de vote, contre 37 % à la CDU, le parti de la chancelière sortante, Angela Merkel. Katharina Saalfrank, encartée depuis douze ans au SPD, l'aidera‐t‐elle à gagner des voix ? Pour Markus Ehrenberg, de Die Zeit, le calcul du SPD est clair. En propulsant sous les feux de la rampe une "dominatrix de l'éducation", le parti entend occuper un terrain jusque‐là monopolisé par les chrétiens‐démocrates et la très médiatique Ursula von der Leyen, ministre de la Famille. Elle‐même mère de sept enfants, elle a dépoussiéré l'image traditionnelle de la femme et de son rôle dans l'éducation des enfants que se faisaient les conservateurs. C'est "Super Nanny contre Super Mutti", acquiesce Roger Boyes, correspondant à Berlin du quotidien britannique The Times et collaborateur régulier de Die Tageszeitung. "Le problème d'une telle stratégie électorale, c'est qu'elle ne connaît plus aucune limite naturelle", écrit‐il dans le quotidien berlinois. Quelle sera la prochaine étape ? "Günther Jauch [présentateur de la version allemande de Qui veut gagner des millions ?] au ministère de l'Education et des Sports ? Dieter Bohlen [du groupe Modern Talking] à la chancellerie ? Michael Schumacher aux Transports et le commissaire Rex [un berger allemand, héros de la série éponyme] à l'Intérieur (un aboiement : des tests d'intégration plus difficiles ; deux aboiements : accélération des procédures d'expulsion) ?" Qu'importe si Katharina Saalfrank se défend de briguer un portefeuille ministériel dans le prochain gouvernement. Pour le journaliste britannique, les stratégies électoralistes comme celles du SPD font perdre à la politique toute sa crédibilité. 

Documents pareils