Immigration : Frontex, symbole de «l`Europe

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Immigration : Frontex, symbole de «l`Europe
Immigration : Frontex, symbole de «l'Europe-impuissance»
Alliance Centriste
Immigration : Frontex, symbole de «l'Europe-impuissance»
"La plupart des pays de l'Union européenne ont signé les accords de Schengen. Ces derniers impliquent la libre
circulation des personnes, des biens et des services à l'intérieur de leur espace commun.
Corrélativement, ils engagent aussi, on l'oublie trop souvent, le partage progressif de la gestion des frontières
extérieures. C'est ainsi qu'est née l'agence européenne Frontex, destinée à piloter cette gestion commune, pour
devenir, à terme, un ministère européen des frontières, des douanes et de l'immigration.
Voilà pour l'ambition. La réalité, elle, est bien plus chiche. Le budget de l'agence Frontex est ridicule -la moitié
de celui de la Fédération française de football, soit moins de 1% du budget européen. Les États membres
refusent le partage du fardeau, laissant aux grecs, aux espagnols, aux roumains, aux bulgares et aux italiens la
gestion de notre frontière commune d'immigration et aux plus généreux comme l'Allemagne et la Suède
l'accueil des réfugiés. Pourtant le défi est collectif.
Nous aboutissons ainsi à une double absurdité. Première absurdité: à l'instar de la zone euro, qui faute de
gouvernement économique fédéral est un marteau sans tête, l'espace Schengen créé des frontières
européennes communes sans toutefois les gérer en commun.
Seconde absurdité ou plutôt hypocrisie: d'un côté l'ancien Premier ministre polonais et actuel président du
Conseil européen, Donald Tusk, convoque un sommet sur l'immigration, présentera une belle déclaration
paraphée par tous les chefs d'États et de gouvernements; mais de l'autre, en dix ans d'existence, la Pologne n'a
toujours pas donné au siège de Frontex, installé à Varsovie, les moyens matériels d'exister. En matière
d'Europe, les États semblent vouloir la fin, sans vouloir y mettre les moyens. On touche ici à la parfaite
quintessence de ce que j'appellerais «l'Europe-impuissance», et non pas, hélas, «l'Europe puissance», de
l'Europe des «minutes de silences», et non pas de l'action.
L'Europe bruxelloise n'est pas non plus exempte de critiques. En l'absence de moyens, les institutions se
perdent en communications -le Parlement européen, que je découvre, parlemente plus qu'il ne légifère ou qu'il
ne contrôle un exécutif introuvable- sur la question du siège de Frontex, je me suis vu adresser une fin de nonrecevoir par Mr Tusk.
L'Europe actuelle frustre. Elle fait des mécontents chez les nationalistes, puisque son essence est fédéraliste, et
chez les néo-marxistes, puisque sa ligne politique est sociale-libérale. Elle déçoit les fédéralistes et les citoyens
car les résultats ne sont pas au rendez-vous.
Parce que les gouvernants des États-nations s'arc-boutent sur la défense de leurs pré-carrés, ils s'ingénient à
saboter l'émergence d'un authentique pouvoir politique fédéral. Nous avons donc tous les inconvénients d'une
superstructure européenne, foncièrement administrative, sans avoir aucun de ses avantages, foncièrement
politiques. L'Europe de Bruxelles est ainsi, sur l'immigration comme sur le reste, une «Europe-impuissance» qui
fait enrager à la fois europhiles et europhobes et dont l'absence de résultats profitant donne des arguments
formidables aux seconds.
Il est donc grand temps de trancher le nœud gordien. De deux choses l'une. Soit nous assumons de renoncer au
projet d'Europe politique et nous nous retranchons derrière nos frontières nationales, nous remplaçons l'objectif
des traités d' ‘Union sans cesse plus étroite entre les peuples' par ‘chacun pour soi et sauve qui peut', en
prenant le risque que les autres pays-continents nous mettent sur la touche; après tout l'impuissance et
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l'isolement sont des choix, des choix frileux, résignés et dangereux mais des choix souverains.
Soit nous décidons clairement de passer à une véritable Europe puissante: dans ce cas la cohérence nous
commande d'adopter, sur la base d'un noyau dur dont l'euro serait le ciment et la zone euro l'embryon, la
Constitution des États-Unis d'Europe.
Mais nous ne pouvons plus demeurer dans un entre-deux qui ne fait que des mécontents. Ouvrons les traités
européens en convention publique. Transférons à l'Europe, pour les mutualiser, les prérogatives de
souveraineté devenues illusoires dans les mains des gouvernements nationaux."
Jean Arthuis
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