Discours et représentations de la ménopause, influence sur la
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Discours et représentations de la ménopause, influence sur la
Discours et représentations de la ménopause, influence sur la sexualité à cette nouvelle temporalité. En 2006. Madeleine Gueydan Psychanalyste Docteur en psychopathologie Responsable du département de psychologie CUFR de Nîmes- Gard- France De quoi sont faits nos discours ? de représentations conscientes et inconscientes. Et De quoi sont faites nos représentations conscientes? Là il y a de multiples paramètres , des paramètres historiques : l’époque et aussi le pays dans lesquels nous sommes , des paramètres personnels : l’âge, le sexe, l’éducation, le métier, la qualité de vie, et surtout l’intime. C’est par rapport à cet intime que les représentations inconscientes vont jouer. Dans l’essence de l’intime se repèrent l’histoire insolite de chacun et surtout l’ expression et l’ essor de sa sexualité. De la capacité à clarifier, c’est à dire à nommer, nos représentations conscientes et inconscientes, va dépendre notre adaptation aux êtres, aux choses, aux événements, à nous même. Meilleures seront nos représentations, c’est à dire plus « vraies » au sens où elles ne seront pas seulement savantes mais aussi humaines (donc sujettes à doute, à crainte, à erreur) meilleures seront les chances de s’adapter à ces êtres, choses, événements etc...fussent ils angoissants ou même traumatisants, ceci nous oblige à participer à la création de ces représentations donc à y mettre une part de nous-même, ce ne sont pas des « représentations toutes faites » comme on dit communément. Pour clarifier nos représentations il est évident qu’il faut pouvoir les exprimer dans le langage et même dans la parole. La parole ne surgissant que par rapport à une oreille attentive, qui par cette écoute ouvre un champ à la différence donc à une évolution possible dans l’humanité, à n’importe quel âge de la vie. Parler c’est faire exister ce dont on parle c’est donc aussi pouvoir l’affronter et trouver des solutions lorsqu’il y a problème, c’est l’inverse du Tabou qui ne doit jamais être nommé, ni représenté. La ménopause a longtemps fait parti des Tabou ( le premier congrès mondial de médecine sur la ménopause n’a eu lieu qu’en 1976 à La Grande Motte et les psy ont longtemps boudé ce sujet, une étude conjointe sur un an, entre gynécologues et psychanalystes a donné lieu, en janvier 2002 à Paris, à un colloque entièrement consacré à la question)[1] . Les temps ne sont pas loin où on la nommait « âge critique » et où les femmes se sentaient dévalorisées par cette temporalité nouvelle, puisqu’elle était synonyme de vieillesse et non de vieillissement et où par conséquence une femme ne se sentait plus « sexuée » c’est à dire plus féminine. Mais nous allons voir que de nouvelles représentations sont nés qui la situe plus près de « change of life » que de « l’ âge critique ».Et je crois même qu’il n’est pas illusoire de penser qu’elle pourra bientôt être perçue comme un tremplin pour la continuité d’un épanouissement de la féminité et de la sexualité entendue au sens large de la libido freudienne. Nous ferons donc une comparaison entre les anciennes et les nouvelles représentations de la ménopause et nous en dégagerons d’une part ce qui peut continuer à faire obstacle à cet épanouissement, d’autre part quels en sont les effets libérateurs en particulier sur la jouissance féminine et la problématique masculine qu’elle induit. Cela nous obligera bien sûr à faire un détour par la notion de sexualité et de jouissance féminines. La ménopause est certes un événement physiologique, c’est le verdict de l’impossibilité d’enfanter charnellement à tout jamais (nous exclurons les tentatives inconséquentes de forçage de ce verdict grâce aux prouesses techniques de la médecine de pointe qui permettent d’avoir un bébé à 60 ans) mais, comme beaucoup de faits physiologiques, cette horloge interne dépend aussi d’une autre horloge symbolique donc externe au corps. L’interaction des deux est toujours surprenante mais n’est plus guère contestée dans le déroulement par exemple du cycle ovarien. Pour imager les choses disons que le climatère peut se doubler d’une ménopause psychique et c’est cette ménopause que nous allons essayer d’analyser à travers le discours ambiant et singulier! Commençons par visualiser les anciennes représentations de la ménopause , mais le terme d’ ancienne reste relatif puisque cette étape n’est prise en considération que depuis peu Le premier livre consacré entièrement au sujet date de 1816 Gardanne y propose ce terme de ménopause pour nommer la cessation des menstrues. N’oublions pas que d’une part la vie était beaucoup plus courte qu’aujourd’hui, la moyenne de vie était de 30 ans au moyen âge et de 50 ans au début du XXeme siècle, de 83 ans actuellement et que d’autre part cela relevait du domaine de l’intime et que cela concernait peu la médecine puisqu’il n’y avait rien à faire au niveau du corps. Donc peu de discours sur la ménopause à tous les niveaux, et lorsqu’on en trouve ils associent la disparition des règles à la perte de la féminité, à la vieillesse et à l’arrêt de l’activité sexuelle. Relatons d’abord quelques propos trouvés dans des traités de médecine à l’usage des couples mariés, ces ouvrages datant du début du XXeme siècle « fonctionnent comme des manuels de gestion spermatique. A chaque page se [2]retrouve le fantasme de la déperdition ». En résumé la copulation avec l’épouse stérile et avec la femme ménopausée sont deux figures ravageuses aux amours inutiles, tumultueuses, excessives, dont aucune crainte ne vient endiguer les débordements, c’est une menace pour la morale, ces Messalines conjugales aiment à « se livrer à des coïts effrénés, qui épuisent leur partenaire » dit Bergeret. Il va donc conseiller à l’époux, de ces dames ménopausées, qui frisent la cinquantaine un orgasme toutes les trois semaines seulement et au delà de 55ans l’interdit s’impose. Après la première puis la deuxième guerre mondiale les choses commencent à bouger (l’horreur de la guerre stimule les pulsions sexuelles, car la fragilité de la vie est très présente) mais c’est surtout depuis 1992 que l’on constate une évolution. Une étude très intéressante sur les comportements sexuels et les transformations sociales a été publiée en 1997 par deux chercheuses à l’Institut National d’Etudes Démographiques (INED)Christiane Delbès et Joëlle Gaymu. Elles comparent deux enquêtes sur la sexualité des Français, l’enquête Simon réalisée en 1970 et l’enquête ACSF en 1992,elles enregistrent les modifications des comportements sexuels des personnes de plus de 50 ans dans ces deux enquêtes. A partir de cette étude on peut penser que le fait qu’en 1992 80% des femmes de plus de 50 ans vivant en couple gardent une activité sexuelle, contre 50% en 1972.[3] signe un changement de représentation de la ménopause. Freud qui n’a jamais directement écrit sur la ménopause, reconnaissait déjà un accroissement de la libido lors de cette période. Il souligne dans son étude de la neurasthénie ou de la névrose d’angoisse, l’angoisse du « climatère lors du dernier grand accroissement de l’état de besoin sexuel »[4] De même dans son article « Des types d’entrée dans la maladie névrotique » il souligne qu’à la ménopause l’accroissement de libido « devient pathogène par suite du « refusement »[5] relatif de la part du monde extérieur, lequel aurait encore continué à accorder satisfaction à une revendication libidinale moindre. La libido insatisfaite et stasée peut rouvrir les voies de la régression. » donc induire une névrose. Il y a eu à la suite de Freud, quelques textes précurseurs écrits par des femmes psychanalystes qui refusaient avec audace, mais encore avec ambivalence, que ce climatère soit l’équivalent de la disparition du désir et de la jouissance féminine. Citons Hélène Deutsch [6] qui remarque une flambée de l’excitation sexuelle durant cette période mais la réprouve plus ou moins puisqu’elle conseille la résignation et se montre assez dure avec les femmes qui essaient de se farder pour plaire encore aux hommes Mais elle est elle même dans cette période de la vie et a renoncé, sous la pression plus ou moins manifeste de son analyste Abraham (conseillé par Freud), à se séparer de son mari avec qui elle a des difficultés conjugales alors qu’elle garde la nostalgie de son amant. Elle en conclura que la ménopause est un « âge dangereux » car « toutes ces femmes qui ne sont plus capables de maîtriser leurs besoins libidinaux accrus et qui sont poussés à mettre en actions leurs fantasmes répètent leur puberté psychologique »et elles se sentent alors « prête à vivre n’importe quelle passion »[7] Elle analyse donc cette intensification sexuelle comme une réaction au processus de déclin, comme une surcompensation, un chant du cygne. Benedek T. souligne que les représentations culturelles de la ménopause vont influencer les femmes mais aussi les scientifiques dans leurs conceptions du climatère, mais elle désavoue l’idée de Freud d’une libido accrue : « Ce qui la motive[ l’angoisse], c’est un sentiment de frustration interne causé par la perception de l’incapacité à se sentir gratifiée »[8] Si cette gratification existe qu’elle soit sur le plan amoureux ou social ou artistique, cette auto-estime fera du « climatère une phase de développement »et elle définira la ménopause comme une « adaptation psychologique progressive à un processus biologique régressif » En mars 1954 dans la revue Psyché paraît un article : « L’Âge critique est-il un âge critique ? »de S.Lazarsfeld et A.Kadis traduit par Madeleine Dreyfus. Le thème de l’auto-estimation est repris pour constater que lorsque c’est la puissance d’attraction sur l’autre sexe qui domine, l’estime narcissique s’écroule à la ménopause et peut mener de la dépression au suicide. Est souligné le fait que les désordres physiques et psychiques qui apparaissent à cette période « sont toujours en rapport avec l’état d’équilibre mental de l’individu avant l’âge critique » Cette phase n’est donc qu’une des multiples phases critiques de la vie féminine et est très variable d’une femme à l’autre. Une remarque clinique importante : chez les femmes souffrant de maladies organiques graves , les troubles de la ménopause sont quasiment inexistants, il n’y a pas de plaintes à ce sujet. Une enquête ‘(sûrement la première) est menée sur les associations faites par les femmes a l’audition du terme de ménopause cela va majoritairement du blocage ( caractéristique du refoulement) à une profonde. tristesse ou dévalorisation : « c’est la fin de la vie…il est trop tard,…comment s’en remettre…je ne devrais pas l’avouer mais je ne peux penser qu’aux hommes…ni dieu ni mal, je dit mal et pas mâle….on en parle beaucoup trop, il faut taire ces choses là… » et sur une journaliste qui avait fait des articles à ce sujet devenant elle même ménopausée une certaine ironie« elle est la seule femme qui ait jamais été payée pour avoir sa ménopause » certaines disent toutefois leur soulagement de ne :plus avoir de règles ou plus de rapports sexuels. Dernier point de cet enquête : « quel est la part de l’homme dans la formation de cet épouvantail qui se dresse ainsi devant la femme ? » on demande donc leurs associations aux hommes, au sujet de la ménopause : « Je ne veux même pas y penser… quelle désillusion pour un mari…je n’aurai plus de désir…tant mieux je n’aurai plus à prendre de précautions » et les auteurs de remarquer que les hommes envisageaient ce que cela voulait dire pour eux, aucun ne pensait à ce que cela pouvait représenter pour la femme. D’où leur jeu de mots : pour la femme c’est « change of life » pour l’homme « change of wife » Pour parfaire ces représentations « anciennes »au niveau médical et psychanalytique, on pourrait ajouter celles de quelques femmes célèbres : Ninon de Lenclos au XVIIe siècle qui attiraient tous les hommes par sa beauté exceptionnelle et son esprit, alors qu’elle avait 70 ans on lui demanda à quel âge les femmes cessaient de prendre plaisir aux jeux de l’amour « Je n’en sais rien, il faut demander cela à une femme plus âgée » A travers Colette, l’écrivain, on a une représentation plus complexe, dans « Chéri », « La fin de Chéri » et « La naissance du jour » Colette décrit la perte de l’image corporelle pour une femme de la cinquantaine et la modification de la relation amoureuse que cela entraîne au niveau du couple, toutes ses héroïnes renoncent, abdiquent vers la cinquantaine. Etonnant chez une auteure qui elle n’a jamais abdiqué et qui est restée très coquette et très active sexuellement et intellectuellement jusqu’à la fin de ses jours et qui elle, a vécu une passion avec son beau fils à 49 ans, ce qui donnera le roman autobiographique qui a défrayé la chronique« Le blé en herbe » Après cela il lui était peut-être impossible de continuer à aller contre les préjugés de son temps dans d’autres écrits. Simone de Beauvoir en 1963 (elle a 55ans) « Dans la force des choses » va nous parler et de sa détresse face à la ménopause et de son abandon par son dernier amant (Lanzmann), elle semble associer les deux choses, mais mettra sa quasi dépression sur le dos de la vieillesse[9]. Pourtant en 1972 dans « Tout compte fait »elle dit : « Là où je me suis trompée, c’est en esquissant le tableau de mon avenir : il a été beaucoup moins sombre que je ne le prévoyais…une grande chance m’a de nouveau été donnée. » Tous ces exemples nous montent qu’il était fréquent d’associer la ménopause à la vieillesse et à la disparition de la féminité (puisque le symbole du être femme étaient les règles) ce qui rendait l’hétérosexualité presque déplacée, voire obscène puisqu’on avait à faire à une femme-homme, une femme à cœur d’homme disent les africains[10]. Dans le meilleur des cas se mettait en place un renoncement parfois serein, parfois dramatique, renoncement à la séduction, au désir sexuel, à l’épanouissement personnel au niveau de la libido en général seules quelques productions sublimées comme l’écriture ou l’entée au couvent avaient bonne presse[11]. Heureusement le fait de pouvoir dissocier ces trois concepts, fécondité, sexualité, féminité, va considérablement changer les représentations de cette tranche de vie. D’autres facteurs, comme la professionnalisation, l’indépendance des femmes, l’augmentation de la durée de vie, vont aussi modifier les vieilles représentations de la ménopause. Grâce à cela la recherche médicale conduira à la production d’abord de contraceptifs médicamenteux, ensuite à des traitements palliant les effets de la ménopause. La prescription de ces traitements pourra alors fonctionner, dans un premier temps tout au moins, comme une autorisation à mieux vivre, le plus longtemps possible la féminité, donc à entretenir la pulsion de vie et à éviter le mortifère de la ménopause. Elle permet aussi de développer les consultations chez le gynécologue et de parler avec lui de l’intime de la sexualité, d’améliorer les connaissances à ce sujet, de modifier encore les représentations psychiques de la ménopause. Le gynécologue sera le véritable passeur de cette nouvelle temporalité qu’on ne nommera plus vieillesse mais « crise du milieu de la vie », la féminisation de cette spécialité ayant accru indubitablement la libération de la parole des patientes « des femmes parlent aux femmes » pourrait-on dire. Les médecins femmes seront des passeurs bien avant les « psy » qui ne s’intéresseront que très tard aux répercutions de ce phénomène sur le psychisme[12]. L’habitude de la contraception efficace qui a séparé sexualité et maternité, pour les générations qui arrivent maintenant à l’âge de la ménopause, a permis de préparer psychiquement les femmes ménopausées à s’accepter comme femme sans pour cela être mère et a dégagé le discours ambiant sur la mise en valeur de la sexualité et sa contribution à l’épanouissement de l’individu quel que soit son âge (on ne s’indigne de moins en moins des histoires d’amour, donc sexuelles, en maison de retraite) « La croissance, depuis 20 ans, de la proportion des aînés ayant une vie sexuelle prouve que la réprobation sociale et par voie de conséquence une autocensure étaient alors, et peutêtre encore, partiellement à l’origine de l’arrêt de la vie sexuelle active »[13] Leurs statistiques indiquent que en 1970 , les femmes entre 50 et 69 ans après un rapport sexuel étaient 40% à connaître un bien être alors qu’elles étaient 77% en 1992.Elles soulignent aussi que l’avancée en âge permet une meilleure connaissance des désirs, plaisirs et besoins de l’autre et de soi, que cette sexualité plus centrée sur le plaisir favorise l’intimité des couples. et que « Les femmes au soir de leur sexualité détiennent alors le record de la satisfaction ». On voit que les représentations se sont complètement inversées. Cependant chez certaines ce passage ne sera pas aussi positif et donnera lieu à des addictions, des dépressions, des somatisations ou la course à un « jeunisme » effréné. Chez la majorité il y aura un temps de « mélancolie » un passage à vide au sens propre du terme. Peut-être le temps de pouvoir construire dans ce vide d’autres représentations qui intègreront le phénomène de la perte de la fécondité et la perspective du vieillissement inéluctable. Car à chaque étape de la féminité il faut compter avec les résistances du Moi au changement .et à l’intégration aussi bien des déplaisirs que des nouveaux plaisirs et avantages offerts par la nouvelle étape, particulièrement quand la jouissance est en jeu. Il s’est passé beaucoup d’années depuis 1948 ou T.Benedek affirmait intuitivement : « le climatère est une étape de la féminité » et on ne peut même pas dire que cela soit actuellement un concept accepté par tous. Ce sera pourtant mon hypothèse la ménopause est une autre étape de la féminité, comme la puberté, la première relation sexuelle, la grossesse, l’accouchement , étape qui parfait la façon d’être au féminin, car elle peut permettre (hélas ce n’est pas systématique !) dans la distance qu’elle oblige à prendre avec la maternité, un épanouissement dans l’érotisme et dans l’affirmation d’un désir envers l’homme, différent du temps de l’énamoration narcissique. Ce temps où une femme voulait que l’autre corresponde à l’image dont elle rêvait, c’est à dire une image chargée des anciens idéaux parentaux, et où elle acceptait bien imparfaitement ce qu’il était lui même (où elle essayait de le changer plus ou moins donc pour qu’il corresponde à son rêve) Il s’agit là bien sûr d’un paradoxe que d’affirmer qu’il y a une évolution psychique dans ce temps d’involution biologique, car objectivement la séduction de la femme décline au niveau de la beauté du corps, c’est le temps de l’involution qui s’accentue dans tous les domaines et le narcissisme s’en trouve forcément blessé. Mais c’est le temps où une femme n’a jamais eu autant de possibilités de se réaliser. Les enfants sont en général élevés et souvent partis de la maison et là aussi c’est une épreuve pour une femme de voir la maison se vider, c’est le syndrome du nid-vide qui peut entraîner une dépression momentanée ou qui se transforme en mélancolie si le deuil ne peut se faire. Les parents âgés ne pèsent plus autant que par le passé et même s’il est devenu nécessaire de s’occuper d’eux matériellement et moralement, il y a beaucoup plus d’aides qu’avant, et on a pu enfin se dégager de leur emprise psychique. . Une femme se retrouve alors face à face avec son partenaire et il n’y a plus le filtre des enfants et des parents, mais seulement un couple qui doit en somme réapprendre à vivre à deux. Souvent cette période correspond aussi à la baisse d’activité professionnelle de la femme et du partenaire quand ce n’est pas à sa retraite, le couple a donc beaucoup plus de temps à passer ensemble qu’il n’en a jamais eu et cela change les rapports entre eux. Donc une femme n’a jamais eu autant de temps pour s’occuper d’elle et réaliser ses propres désirs qu’elle avait souvent traditionnellement mis en veilleuse pour réaliser ceux des enfants ou du partenaire. Elle a le temps de considérer son partenaire différemment, il n’est plus essentiellement le père des enfants mais l’homme avec qui elle vit. On voit tout de suite que cela peut être considéré comme un bénéfice ou au contraire comme une gêne, en tout cas qu’il s’impose de se resituer par rapport au désir d’être ensemble et en particulier sexuellement. C’est ainsi que beaucoup plus de couples qu’avant se brisent à ce moment là. Et là il nous faut analyser certaines réactions masculines face à la ménopause de leurs compagnes. Ce qu’on a appelé « le démon de midi » ne semble être qu’une réaction de panique de l’homme face au vieillissement que lui renvoie une femme ménopausée, au moment même où chez lui aussi s’opère un ralentissement de la libido sexuelle. Se tourner vers une femme plus jeune peut donner l’illusion de l’éternité car s’il ne devient pas un jeune père, il peut devenir le père d’un jeune enfant, ce qui lui permet d’éviter le remaniement psychique nécessaire à cette étape de la vie. Mais il y a aussi le fait qu’au moment où une femme connaît un fort accroissement de sa libido sexuelle et accepte une approche plus libre de la sexualité ( deuil de la mère interne) l’ homme qui sent sa puissance sexuelle diminuer peut manifester du rejet, par angoisse (il est plus facile parfois d’avoir à faire à des « renonçantes » qu’à des « jouissantes ») Cette étape de la féminité n’existe que parce que d’autres étapes ont eu lieu et c’est la façon dont on aura traversé les étapes précédentes, en particulier par rapport à la perte ( complexe de castration, résolution de l’oedipe), qui va déterminer la façon dont on traversera cette étape de la ménopause, mais il peut y avoir aussi l’occasion d’un changement lors de ce dernier remaniement. Une dernière fois, comme à chaque étape de bouleversement, s’offre la possibilité de résoudre ce qui ne l’a pas été auparavant et mon hypothèse est que le complexe d’oedipe pour une femme ne se résout vraiment qu’à cette étape. En effet la féminité est toujours en train de s’accomplir, elle n’est jamais définitivement acquise, et ici ce qui va se relancer c’est le problème de la filiation en amont et en aval, l’attachement à la mère et de la mère, on va donc pouvoir, enfin, remanier cette étape du pré-oedipe dont Freud a souligné qu’elle était capitale pour la féminité[14]. Lorsque ce travail psychique peut s’effectuer, le deuil du phallique maternel permet une libération dans la rencontre avec le masculin, la femme peut se laisse aller à se faire objet de l’autre sans masochisme excessif, osons dire joyeusement, et sans mettre son Moi en danger, la fierté qu’on nomme aussi parfois pudeur du « roc du féminin » dont se plaignent Freud et Lacan semble disparaître.[15] .Ce qui permet à certaines femmes de dépasser leur frigidité seulement à la ménopause, elle permet l’acceptation de l’amant qui sépare alors de la mère internalisée et du même coup rend l’accès à la jouissance possible.[16] On voit donc qu’à la ménopause se repose pour une femme et pour la énième fois les questions de : qu’est-ce qu’être femme (puisqu’il n’y a plus de règles et que c’est la menstruation qui dans toutes les mythologies et les cultures différencie un homme d’une femme) ?[17] Comment devient-on une femme, comment le reste-t-on ? Qu’en est-il de la libido phallique (désir de création) lorsque la femme ne peut plus être mère, autrement dit peut-on passer de la procréation à la création et comment ? Cela modifie-t-il la relation au masculin, le désir envers l’homme, la jouissance féminine ? En résumé quelles sont donc les issues pour une femme à la ménopause ?[18] La récurrence de toutes ces questions dans une vie de femme et particulièrement à la ménopause, peut faire penser que les femmes sont très compliquées, narcissiques, hystériques et que sais-je encore, mais cela à un avantage certain, cela permet à la plupart d’entre elles de continuer à cogiter, à s’adapter, à être plus souples psychiquement et donc peut-être à mieux vieillir tout compte fait que les hommes pour qui l’andropause, si elle existe, vient plus tard, peut-être trop tard pour permettre une adaptation psychique efficace. Mais rassurons nous, il n’y a pas de généralités dans ce domaine intime et singulier pour chaque couple. Ce qu’il y a de sûr c’est que des représentations de la ménopause qui témoignent que la féminité persiste malgré la disparition de la fécondité et que la sexualité féminine peut s’en trouver intensifiée, oblige soit à une accentuation de son refoulement soit à une libération accrue. Une fois de plus cela oriente soit vers les pulsions de vie soit vers les pulsions mortifères comme chaque fois que le bios nous rappelle que nous sommes des êtres de finitude. [1] Belot-Fourcade et Winever D.,2OO4 [2] Corbin A., « La petite bible des époux » dans L’amour et la sexualité, Paris, Les collections de l’histoire, n°5, 1999 [3] Delbès C , Gaymu J.,“ L’automne de l’amour : la vie sexuelle après 50 ans » in Population, n°6, nov- déc. 1997, Paris, édition de l’INED, p. 1439-1484. [4] Freud S., 1895, Du bien fondé à séparer de la neurasthénie un complexe de symptômes déterminés, en tant que névrose d’angoisse, O.C., Vol III, Paris PUF, 1989 [5] Nouvelle traduction [6] Deutsch H., 1944, La psychologie des femmes, Paris, PUF, 1967, Vol.II, P.391-418. [7] Deutsch H., op.cit.,p.398. [8] Benedek T., 1948, « Climatérium :A Developemtal Phase » in Psychoanalytic Investigations, New- York, Quadrangel, 1973, p.322-345. [9] Mais déjà dès 1949 dans son chapitre sur « De la maturité à la vieillesse » dans le Deuxième sexe , elle parlait du drame moral autour de la ménopause qu’elle situait entre 40 et 50 ans. [10] Laznik M.C., L’impensable désir, Paris, Denoël, 2003.p.153 [11] Geoges SAND, la Comtesse de Ségur, la Camille Maupin de Balzac entre autres ,furent de celles là. [12] Gueydan M., Femmes en ménopause, Toulouse, Erés, 1992 -Résumé d’une thèse de paychopathologie Université de Montpellier III. [13] Delbès C., Gaymu J.,“ L’automne de l’amour : la vie sexuelle après 50 ans » in Population n°6, 1997Paris, edit.l’INED P.1464. [14] On peut en trouver une preuve dans le fait que pour certaines femmes qui ne désiraient plus d’enfant, à l’approche de la ménopause, avant que les portes ne se referment dirait Balzac, surgit tout à coup un désir de maternité, la grossesse qui était crainte devient un rempart contre le remaniement obligé par rapport à la mère. [15] Schaeffer J., Le refus du féminin, Paris, PUF, 1997. [16] Héléne Deutsch remarquait déjà : « Beaucoup de femmes qui furent frigides durant la période de reproduction deviennent maintenant sexuellement sensibles… les fantasmes sexuels importuns sont liés à de violents orgasmes vaginaux réactionnels, même chez des femmes qui n’étaient pas excitables vaginalement auparavant. » [17] Les saignements de privation dus à un traitement hormonal peuvent servir à dénier chez certaine femmes l’état de ménopausée et être mentionnés comme des règles [18] De nombreux ouvrages ont parus ces dernières années autour de ces thèmes citons en particulier : Laznik M.C., L’impensable désir, Paris, Denoël, 2003. Bélot-Fourcade P.et Winaver D., La mènopause regards croisés entre gynécologues et psychanalystes, Paris, éres, 2004.