FORMATION, DOCUMENTATION ET RECHERCHE EN DROIT
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FORMATION, DOCUMENTATION ET RECHERCHE EN DROIT
COLLOQUE SUR LE BILAN DES VINGT ANS DE L’OHADA FORMATION, DOCUMENTATION ET RECHERCHE EN DROIT OHADA Roger Masamba Professeur à l’Université de Kinshasa Président de la Commission Nationale OHADA-RDC Ouagadougou, 11 octobre 2013 2 SOMMAIRE Introduction I. La formation, la documentation et la recherche dans les systèmes nationaux A. La formation, la documentation et la recherche par le système éducatif classique 1. La formation dans les cycles d’enseignement a) La formation au cycle secondaire b) La formation au cycle supérieur et universitaire c) La formation professionnelle 2. La documentation et la recherche dans les cycles d’enseignement B. La formation, la documentation et la recherche par l’éducation informelle 1. L’action des organismes professionnels 2. L’action des Commissions Nationales OHADA a) Missions générales b) Missions spéciales II. La formation, la documentation et la recherche dans le système communautaire A. L’organisation de la formation par l’ERSUMA 1. Missions de l’Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature (ERSUMA) 2. Types de formation dispensés par l’ERSUMA B. L’organisation de la documentation et de la recherche par le CREDERSUMA 3 Introduction Les fondateurs de l’OHADA se sont préoccupés de la formation des magistrats et des gens de justice. Avec raison, car la réussite d’une réforme est tributaire de la maîtrise de son contenu et de ses objectifs par ceux qui sont appelés à l’appliquer. La recherche de la sécurité juridique et judiciaire exige, en effet, une formation appropriée susceptible de mettre ceux qui disent le droit à même de comprendre le droit uniforme et d’en garantir le respect. Il ne faut pas perdre de vue le fait que, au premier et au second degrés, l’interprétation et l’application du droit OHADA relèvent de la compétence des juridictions nationales. La formation doit nécessairement s’accompagner d’un effort d’amélioration des capacités et requiert, au-delà de la simple circulation des connaissances, une documentation appropriée et l’appui à la recherche. C’est dans cet esprit que le Traité de l’OHADA a institué l’Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature (ERSUMA) et que, pour en soutenir la mission, un centre de recherche et de documentation à la pointe du progrès technologique a vu le jour ces dernières années. Certes, les Etats forment leurs juges à partir des universités et des écoles professionnelles dans le cadre des systèmes éducatifs nationaux. C’est la formation initiale, celle qui est loin du ressort de l’ERSUMA. Force est cependant de relever qu’à certains égards, le droit interne auquel les juges sont initialement formés se distingue du droit uniforme. Par ailleurs, la quête de l’excellence oblige à s’assurer de la mise à niveau des magistrats et d’un standard de formation acceptable. Enfin, la formation des juges ne peut à elle seule suffire, à moins de minimiser le rôle des autres utilisateurs des normes de l’OHADA. Il est donc intéressant de constater que, au fil du temps, la dénomination « ERSUMA » a été dépassée par la réalité du terrain qui a vu s’élargir sensiblement la fréquentation de cet établissement. C’est donc à juste titre que le changement de son appellation est présentement à l’ordre du jour pour cristalliser l’image d’académie panafricaine du droit des affaires que l’ERSUMA a su imposer en forgeant durant vingt ans. Il s’agit en effet de se rendre à l’évidence et de rattraper la réalité, voire de la dépasser dans les années qui pointent à l’horizon. La formation, la recherche et la documentation vont donc bien au-delà du seul cercle des magistrats, des greffiers et des huissiers de justice. Elles visent aussi les experts comptables, les avocats, le monde académique, les milieux d’affaires, les juristes d’entreprise et même les cadres de l’administration publique. Le contenu de la formation, le type de documentation et l’idée même de recherche varient selon le profil des catégories concernées. Mais un standard minimum s’impose pour assurer la réception et l’assimilation du droit uniforme : « harmoniser les cursus et les pratiques » professionnelles dans les Etats parties1. Quel en est l’état des lieux au 1 Selon la formule du Directeur Général de l’ERSUMA à l’ouverture d’un séminaire de formation de formateurs, Porto-Novo, 16-20 juillet 2012. 4 niveau national des Etats parties (I) et au niveau communautaire (II) ? Quels défis relever pour renforcer les capacités des utilisateurs des normes de l’OHADA ? Telles sont les questions qui se posent au moment où, à la faveur de la célébration des vingt ans d’existence de l’OHADA, le regard doit se tourner vers l’avenir et, tout en préservant les acquis positifs du passé, contribuer à tracer et à consolider les pistes de l’excellence. I. La formation, la documentation et la recherche dans les systèmes nationaux Au plan national, à travers le système éducatif classique, la formation, la recherche et la documentation s’insèrent dans les circuits traditionnels de l’enseignement général et professionnel, dans les cycles secondaire et universitaire (A). Il serait hasardeux, sinon impossible, d’en dresser un bilan ici. Le contexte ne s’y prête guère, et les limites du thème général du Colloque l’interdisent. Il reste cependant que, à travers le globe terrestre, chaque pays déplore la dégradation de son système éducatif. Ce constat n’est pas sans impact à l’égard de la formation en droit des affaires harmonisé. Comme dans toute discipline, l’efficacité de la formation dépend des prérequis inhérents à la formation de base. En tout état de cause, s’agissant spécifiquement du droit OHADA, un mécanisme supplémentaire s’intègre dans ce processus sous l’impulsion des Commissions Nationales OHADA ainsi que des ordres professionnels qui veillent à la mise à niveau des juristes ou comptables en cultivant l’excellence dans leurs rangs. L’éducation informelle renforce le système éducatif classique à cet égard (B). A. La formation, la documentation et la recherche par le système éducatif classique Il peut paraître prétentieux et illusoire de parler de recherche au niveau secondaire, encore que les superviseurs de ce cycle initient souvent des recherches dignes de ce nom. Mais pas en droit des affaires, matière qui nous occupe ici. Seule la formation est donc envisagée quant un élève n’a pas encore franchi les portes de l’université, et même alors, il en demeurera ainsi jusqu’à un niveau avancé des études universitaires pour s’engager dans la recherche. 1. La formation dans les cycles d’enseignement Le droit des affaires fait partie des matières enseignées dans la phase supérieure de l’enseignement secondaire, mais force est de relativiser les choses, car il ne s’agit là que d’une introduction à la synthèse du droit des affaires, à ne pas comparer avec l’étude autrement plus approfondie qu’offrent les facultés de droit et, dans une moindre mesure, les facultés d’économie. 5 a) La formation au cycle secondaire Au niveau de l’école secondaire, les élèves reçoivent une initiation au droit en général et même, toutes proportions bien gardées, au droit des affaires. C’est à cette étape que l’apprenant rencontre pour la première fois le droit uniforme. Pour qu’il en soit réellement ainsi, il faut naturellement que les programmes d’enseignement substituent le nouveau droit à l’ancien, ce qui est le cas dans seize Etats et en cours dans le dix-septième, en vertu de la primauté du droit uniforme sur le droit national (l’article 10 du Traité de l’OHADA comporte un effet abrogatoire à l’égard de toute disposition nationale contraire ou identique aux normes uniformes). Cette mise en conformité des programmes implique beaucoup d’exercices d’harmonisation et d’assimilation de la matière. D’une part, il importe de former les inspecteurs d’enseignement et les professeurs de l’école secondaire pour les amener à comprendre la partie du droit uniforme qui intéresse le cycle secondaire Ainsi que la synthèse globale des institutions et des différentes normes de l’OHADA (en un mot la « synthèse de l’OHADA »). D’autre part, il sied de les inciter à un effort de comparaison entre le droit national et le droit uniforme ainsi qu’à un réflexe d’harmonisation que facilitera le processus de mise en conformité auquel se livrent les Commissions Nationales OHADA. Ainsi en sera-t-il particulièrement des matières du droit commercial général, du droit des sociétés et du GIE, du droit comptable ainsi que des dispositions Traité relatives au cadre institutionnel de l’OHADA. Il ne paraît pas simple de songer à placer au même niveau les classes des écoles secondaires de l’espace OHADA. Tout dépend des politiques nationales en matière d’éducation, singulièrement de la mise en œuvre des programmes et du mode de contrôle des connaissances. Il importe surtout de préparer les élèves à découvrir les méandres du droit uniforme lorsqu’ils arriveront à l’université ou dans les instituts supérieurs. b) La formation au cycle supérieur et universitaire Sorti d’une école secondaire d’un Etat partie donné, un élève doit pouvoir se retrouver s’il entreprend des études supérieures de droit ou de comptabilité dans un autre pays de l’espace OHADA, ou même s’il s’inscrit dans une faculté dispensant les matières du droit uniforme des affaires. Les programmes de l’enseignement supérieur et universitaire répartissent les matières constitutives du droit uniforme des affaires entre les différents cycles du système « LMD ». D’un pays à l’autre, d’un établissement à un autre dans un même Etat partie, l’organisation des enseignements peut cependant différer. Ce 6 qui importe, c’est la possibilité offerte aux étudiants de s’imprégner du contenu des normes de l’OHADA et d’assimiler une méthodologie adéquate pour se performer. Le contenu des matières est en tout état de cause identique, ce qui renforce l’esprit communautaire. Mais le programme est une chose, la dispense des enseignements en est une autre. Un même programme et un même contenu des enseignements peuvent aboutir à des résultats différents. Tout dépend des capacités des enseignants, en d’autres termes de leurs propres connaissances et méthodologies. Il sera difficile de tout unifier ou harmoniser au sein de l’espace OHADA, mais il est possible de miser sur l’émulation qui demeure un moyen de valorisation de l’université. Un standard minimum doit pouvoir s’imposer à coup de recommandations et de monitoring dans l’intérêt des Etats parties et de la Communauté. L’ERSUMA pourrait y jouer un rôle déterminant en menant des analyses comparatives sur la qualité de nos programmes consacrés au droit uniforme et sur l’efficacité de l’enseignement au sein de l’espace OHADA. Certes, les différences sont multiples, par exemple quant au mode de recrutement et aux grades des professeurs (le CAMES est incontournable dans anciennes colonies françaises, mais reste inconnu dans les autres Etats parties). c) La formation professionnelle Plusieurs mécanismes de formation professionnelle visent à assurer la formation continue et des recyclages professionnels. Ainsi en est-il des multiples programmes concernant notamment les magistrats, les greffiers et les huissiers de justice ainsi que ceux visant les avocats, les juristes d’entreprise et les experts comptables. Au-delà des innombrables séminaires, des établissements spéciaux foisonnent à cet effet : écoles de formation des magistrats, centre de formation des avocats, instituts de formation des comptables. 2. La documentation et la recherche dans les cycles d’enseignement L’efficacité de l’enseignement dépend aussi de la disponibilité des outils adéquats pour la documentation et la recherche. Dans le système classique, le livre se trouve au cœur de la documentation indispensable à l’élève, à l’étudiant, au professeur. Pouvoir s’en procurer relève parfois du parcours du combattant ! Le recours aux bibliothèques facilitent la tâche, mais encore faut-il en trouver et s’assurer de la richesse de leurs rayons ! Le budget de l’éducation et celui de la recherche constituent le thermomètre de la conviction qu’ont les dirigeants des Etats du fait que la ressource humaine est la principale clé du développement. De toute évidence, au sein de l’espace OHADA, voire au niveau continental, le temps d’envisager des critères de convergence éducationnelle arrivera plus vite qu’on ne se l’imagine. Aussi convient-il d’anticiper les choses, stimuler les esprits et accélérer cette perspective pour 7 relever le défi culturel, singulièrement celui de la documentation et de la recherche, qui aura l’avantage de « booster » l’enseignement du droit uniforme des affaires. Il faut aussi mobiliser les moyens financiers et matériels nécessaires si l’on veut former les utilisateurs des normes de l’OHADA et satisfaire ainsi l’un des maillons de la chaîne de l’amélioration du climat des affaires, à savoir la qualification et la compétitivité des acteurs du droit uniforme des affaires. Aujourd’hui, le recours aux supports électroniques simplifie la mise à disposition de la documentation et la promotion de la recherche. Chacun a désormais une bibliothèque de grande richesse entre ses mains, presque à tout moment. L’africain et l’américain semblent ainsi logé à la même enseigne. La réalité est néanmoins différente de l’apparence : pour « surfer », il faut de l’électricité ; pour avoir accès à Internet, il faut souvent pouvoir payer ; pour progresser et avoir la chance d’exceller, il faut disposer d’un ordinateur performant et pouvoir recourir à un réseau à la pointe du progrès. Cela revient parfois à rechercher la quadrature du cercle ! C’est pourtant, aujourd’hui et demain, le passage obligé de la promotion des sources documentaires et de la recherche. Pour briser la distance entre deux mondes extrêmes, celui du numérique puissant et de la vitesse face à celui où la bougie et le groupe électrogène nourrissent la précarité et bloquent le temps, il faut encourager les innovations qui cassent les coûts et renforcent l’accessibilité du plus grand nombre à la technologie de pointe. En effet, le progrès technologique peut aider à « booster » sensiblement la formation, la documentation et la recherche. Au-delà des quelques timides progrès d’hier, c’est bien de tout cela que demain doit être fait. B. La formation, la documentation et la recherche par l’éducation informelle L’éducation informelle concourt à la formation et à la documentation, en appui au système éducatif formel. Elle passe par les écrits et programmes des médias ainsi que les conférences, ateliers et séminaires organisés à l’intention desdits professionnels et contribue à renforcer leurs capacités. 1. L’action des organismes professionnels Les organismes professionnels cultivent l’excellence dans leurs rangs et, à cet effet, prônent des formations continues. Certains - quoique rares en Afrique - les rendent obligatoires à hauteur d’un volume horaire annuel précis. Ainsi sont constamment organisés, des séminaires, des conférences et des séances de vulgarisation pour mettre les professionnels au courant des réformes et des perspectives qui se dessinent dans leurs pays ou dans le monde. Des formations sont aussi organisées pour renforcer leurs capacités. 8 Les organismes professionnels rivalisent d’initiatives à cet égard. Les ordres professionnels des avocats ou des experts comptables consacrent une large part de leur mission à la formation. De même en est-il des centres de formation des avocats et des écoles de formation des magistrats. Le droit uniforme est prisé par ces corporations, particulièrement au fur et à mesure de l’adoption ou révision des Actes uniformes. L’enseignement donné à ces praticiens s’adaptent à leurs profils et diffèrent nécessairement de l’enseignement classique. Il s’agit en effet d’apporter aux professionnels une formation souvent « non diplômante », prenant comme prérequis la formation initiale et, pour les plus anciens, l’expérience déjà acquise. Ce mécanisme favorise la mise à niveau des praticiens provenant de milieux éducatifs et professionnels divers. Il doit être soutenu lorsqu’il met en exergue le droit OHADA, en gardant bien à l’esprit l’objectif de sécurité juridique et judiciaire qui a motivé l’émergence de l’OHADA. C’est dans cette perspective que les Commissions Nationales OHADA et certains partenaires au développement apportent diverses contributions techniques, matérielles et financières à ces organismes (par exemple, l’annonce de la création de bibliothèques numériques au niveau de chaque barreau ainsi que l’organisation des formations aux barreaux et dans les milieux des magistrats et des experts comptables en RDC). 2. L’action des Commissions Nationales OHADA La contribution des Commissions Nationales OHADA, ainsi que les relais qui pourraient s’y ajouter systématiquement par le biais des clubs OHADA, à la diffusion des connaissances et à la promotion de la recherche en droit des affaires, s’inscrit dans le contexte d’une éducation informelle qui renforce les résultats de l’éducation formelle. Lesdites commissions accomplissent deux séries d’attributions, les unes sont générales, les autres, spéciales (concernant les relations fonctionnelles de l’Etat avec la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage). a) Missions générales - traitement, mise en œuvre et suivi des actes et décisions relatifs à l’harmonisation du droit des affaires ; - étude des avant-projets d’Actes uniformes ou de règlements et formulation d’observations pour le compte du gouvernement ; - promotion de la formation sur le droit des affaires harmonisé ; - collecte, centralisation, diffusion de l’information juridique et vulgarisation de la documentation relative au droit des affaires harmonisé ; 9 - organisation et suivi de la mise en conformité du droit national par rapport au droit des affaires harmonisé ; - formulation d’observations sur les difficultés constatées dans l’application du Traité, des actes uniformes et des règlements de l’OHADA pour le compte du gouvernement. b) Missions spéciales - centralisation et transmission à la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage des demandes d’avis consultatifs émanant du gouvernement ou des juridictions nationales, en application de l’article 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ; - centralisation et transmission aux juridictions nationales des avis consultatifs émanant de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage et qui sont relatifs aux demandes susvisées ; - formulation d’opinions, à la demande du ministre chargé de la justice, sur l’opportunité de saisir la Cour pour avis consultatif ; - études des dossiers communiqués au gouvernement par la Cour, en application des articles 55 et 57 de son Règlement de Procédure et formulation des observations y relatives. En rapport avec leurs attributions générales, les Commissions Nationales OHADA peuvent donc jouer un rôle d’impulsion et de stimulation en faveur de la formation, de la documentation et de la recherche en droit harmonisé. Elles devraient pouvoir mobiliser les moyens nécessaires, déployer la logistique requise et diffuser le droit uniforme par divers supports (en particulier les médias et les ouvrages). Ces commissions sont les mieux placées pour organiser ou soutenir les conférences et ateliers dans les milieux d’affaires, dans le monde judiciaire et au niveau des universités. Le rôle des Commissions Nationales est d’autant plus important que, en liaison avec l’ERSUMA et les autres organes de l’OHADA, leur action se focalise strictement sur le droit OHADA et les autres droits uniformes. Leur participation à la consolidation et à la transformation des règles uniformes ainsi que l’opportunité qui leur est offerte de participer régulièrement aux échanges d’expérience sur la mise en œuvre du système communautaire dans tous les Etats parties en font des privilégiés de l’information juridique et constituent un précieux atout. Malgré la reconnaissance de leur position stratégique par tous, ces « générations spontanées » que sont les Commissions Nationales n’ont pas véritablement de statut juridique au sein de l’OHADA, ce qui les a empêché de tourner à plein rendement. 10 Ces structures se sont pourtant avérées incontournables à la marche de l’OHADA à telle enseigne qu’une opinion unanime s’exprime constamment pour préconiser leur institutionnalisation afin de consacrer leur rôle de courroie de transmission entre l’OHADA et les Etats parties. Cette option permettra assurément d’améliorer, voire de standardiser progressivement, la formation, la documentation et la recherche en droit OHADA. II. La formation, la documentation et la recherche dans le système communautaire Conformément aux objectifs de l’OHADA, la formation des magistrats apparaît comme une priorité pour la solidité et la performance de l’édifice communautaire. C’est précisément le rôle confié à l’Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature (ERSUMA) (A). Au-delà des magistrats, tous les acteurs du droit uniforme ont finalement et pertinemment élargi le cercle des destinataires des formations en droit OHADA2. A côté des résultats remarquables en matière de formation, les avancées de l’ERSUMA dans la recherche trace la voie à de nouvelles perspectives pour les années à venir (B). A cet effet, la création du Centre de recherche et de Documentation de l’ERSUMA est un signe de la détermination à renforcer les capacités de cet établissement dont les sources documentaires, y compris numériques, constituent des atouts permettant certainement, si l’exploitation de la ressource humaine est optimale, de gager sur l’avenir et la performance de l’OHADA. A. L’organisation de la formation par l’ERSUMA Organe de l’OHADA chargé de la formation des utilisateurs du droit uniforme, l’ERSUMA est particulièrement active dans l’espace OHADA. A travers, des formations sur place ou délocalisées, la diffusion de documents et matériels didactiques, l’accomplissement de plusieurs études et la promotion de la recherche par divers procédés, son bilan est largement positif. Peut-être importerait-il d’en renforcer davantage les contours et d’y consacrer beaucoup plus de moyens humains, techniques, matériels et financiers. 1. Missions de l’Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature (ERSUMA) Les missions suivantes ont été attribuées à l’ERSUMA3 : 2 Assurer la formation et le perfectionnement des magistrats, des auxiliaires et fonctionnaires de justice, au droit harmonisé ; Joseph Issa Sayegh et Paul Gérard Pougoué ont souligné la nécessité de cette extension ratione personae, mais aussi rationae materiae (ciblant le droit OHADA des affaires et les autres droits harmonisés): L’OHADA : défis, problèmes et tentatives de solutions, Actes du Colloque sur « L’harmonisation du droit OHADA des contrats », Ouagadougou, 15-17 novembre 2007, Revue de droit uniforme, 2008, pp 460-462. 3 http://www.ohada.org/mission-et-attributions-ersuma.html 11 Initier, développer et promouvoir la recherche en droit africain ; Œuvrer, en liaison avec la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage et les Hautes Juridictions des Etats membres, à une harmonisation de la jurisprudence et du droit, principalement dans toutes matières relevant du Traité ; Accomplir toute mission conforme au présent statut qui pourrait lui être assignée par le Conseil des Ministres de l’OHADA ou par le Conseil d’Administration ». Les activités de formation de l’ERSUMA se déroulent généralement à son siège, avec l’avantage de l’utilisation de sa bibliothèque bien connue pour la richesse de ses rayons. Elles peuvent aussi, et autant que possible au niveau des Etats parties, être délocalisées (conformément l’option prise par Conseil des Ministres en juillet 2012 à Cotonou). Dans ce dernier cas, l’ERSUMA sélectionne des formateurs et organise la formation dans un Etat partie. Cette formation peut aussi se réaliser par visioconférence avec comme cibles des personnes situées dans plusieurs Etats. A cet effet, l’ERSUMA s’est dotée du matériel adéquat et a mis au point un système de relais pédagogiques pour les formations à distance. L’accomplissement de ces missions a généré des formations de juristes et experts comptables des différents Etats parties, notamment des apprenants devenus enseignants vacataires à partir d’une sélection réalisées par appel à candidatures et s’adressant aux professionnels ayant satisfait aux « formations des formateurs ». Ces derniers élargissent à un rythme exponentiel les possibilités de vulgarisation et de formation dans l’espace OHADA. L’action de l’ERSUMA favorise ainsi, directement ou indirectement, la circulation à grande échelle de l’information sur le droit OHADA. Cette action bénéficie des appuis de divers ordres, notamment grâce aux multiples échanges avec les centres de formation judiciaire nationaux et la coopération avec des entités dédiées à la formation et à la recherche ainsi que des partenaires au développement. Véritable drapeau de l’édifice communautaire, qui mise sur la ressource humaine, l’ERSUMA fait face à de multiples défis inhérents à l’immensité de sa tâche et à l’étendue de l’espace OHADA. Elle est en effet tenue d’assurer le recyclage et la formation continue des professionnels dans dix-sept pays, dont l’un est presque aussi vaste que l’Europe occidentale ! C’est la technologie moderne qui permettra à l’ERSUMA de relever ces défis. Elle l’a déjà compris en expérimentant progressivement les secrets de la visioconférence. 12 2. Types de formation dispensée par l’ERSUMA Les formations assurées par l’ERSUMA portent essentiellement sur les normes de l’OHADA et visent à en donner la maîtrise aux professionnels de l’espace OHADA. Elles pourraient cependant aller plus loin, car l’ERSUMA envisage la création d’un Master professionnel de niveau 2 ainsi que la sanction de certaines formations destinées aux professions judiciaires par la délivrance de certificats d’aptitude (« afin d’harmoniser les cursus et les pratiques de ces professions dans les Etats parties », soulignait le Directeur Général de l’ERSUMA le 16 juillet 2012 à l’ouverture d’un séminaire de formation de formateurs). Des formations à charge de l’OHADA sont organisées à l’intention des ressortissants des Etats membres. Les portes de l’ERSUMA sont aussi ouvertes aux ressortissants des autres pays africains, sous réserve de l’approbation de son Conseil d’administration. Concrètement, conformément à la procédure conçue en 1998 et 2004 sur recommandation des Colloques des directeurs des Centres de formation, l’ERSUMA s’adresse à ses partenaires que sont les Ministères de la justice, les Ministères des finances, les écoles nationales de formation judiciaire et les ordres professionnels des Etats membres. Ces partenaires proposent des listes de personnes ayant le profil requis pour participer à une formation selon le thème retenu, les critères de recrutement devant être axés sur la formation universitaire et l’expérience professionnelle, en tenant également compte de la connaissance de la langue du séminaire. Les activités de l’ERSUMA qui se tiennent en français vont devoir prendre en compte – notamment grâce à un laboratoire de langue récemment installé – les autres langues de travail de l’OHADA, à savoir l’anglais, l’espagnol et le portugais. L’ERSUMA dresse la liste finale des stagiaires, en vérifiant leurs profils et en se conformant au quota égal pour chaque Etat partie. Les formations sont payantes pour les membres des professions libérales : avocats, notaires, experts comptables, experts judiciaires et huissiers de justice. Encore faut-il que cette énumération vise bien les personnes relevant de cette catégorie dans tous les Etats membres, ce qui, en RDC, par exemple, n’est pas encore le cas des notaires et des huissiers, car ces derniers demeurent des fonctionnaires, plus pour longtemps il est vrai. D’une manière générale, tout intéressée peut se porter candidat à un séminaire de recyclage ou de perfectionnement et y être admis moyennant paiement, si toutefois, au vu de son curriculum vitae, l’ERSUMA juge son profil compatible avec la formation visée. Lorsqu’elle est payante, la formation se tient avec les candidats retenus, sans que l’ERSUMA soit astreinte de s’en tenir à un quelconque quota. 13 B. L’organisation de la documentation et de la recherche par le CREDERSUMA Lors d’un séminaire de formation de formateurs à Porto-Novo4, le Directeur Général de l’ERSUMA a proclamé que « le renforcement de la recherche est en marche » visant notamment la Revue de l’ERSUMA, diverses publications, les bourses d’études et de recherche, le prix de la meilleure thèse en droit des affaires ainsi que la restructuration de son établissement5. Résultat de cette dynamique, et opérationnel depuis 2010, le Centre de Recherche et de Documentation de l’Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature (CREDERSUMA)6 a pour missions : D’entreprendre toute recherche sur le droit harmonisé et le droit africain des affaires ; D’améliorer la connaissance du droit OHADA, du droit communautaire et du droit des affaires, par une large diffusion vers divers publics ; De rendre accessible en ligne une bibliothèque de référence sur le droit OHADA et les autres droits communautaires ; De constituer un centre virtuel d’information. Ce centre apporte naturellement un important soutien aux formations organisées par l’ERSUMA et contribuera assurément au succès de diverses autres initiatives pédagogiques ou scientifiques consacrées aux droits uniformes. Institué sur financement de l’Union Européenne, le Centre contribue à renforcer les capacités de l’ERSUMA par la documentation, la recherche et la publication7. Il apparaît comme un précieux atout pour les formations sur place ou in situ, ou encore à distance, sur le droit OHADA et les autres droits communautaires. Les jalons que pose l’ERSUMA, en créant le centre de recherche, dépassent le niveau de simples intentions. En effet, des chantiers relativement impressionnants sont déjà en exploitation8. Il en est ainsi de la recherche en cours sur les « difficultés de recouvrement des créances des entreprises dans l’espace UEMOA : cas du Bénin, du Burkina-Faso, du Mali et du Sénégal » avec l’appui financier de Trustafrica (Dakar). De même en est-il du projet de recherche sur « la sécurité judiciaire dans les Etats de l’OHADA dans une perspective de gouvernance » (avec l’appui des Réseaux de Recherche Comparative du Codesria). …/… 4 16-20 juillet 2012 Voir aussi Rapport d’activité de l’ERSUMA, Premier semestre 2013, paragraphe III, 3. 6 http://www.ohada.org/centre-de-recherche-et-documentation-credersuma.html 7 Concernant la recherche, la documentation et les publications sur l’OHADA ainsi que les rapports d’activités qui en font allusion, voir aussi les sites www.ohada.com, www.ohada.org, www.ersuma.org et http://www.institut-idef.org 8 Rapport d’activité de l’ERSUMA, Premier semestre 2013, paragraphe III, 1. 5 14 Conclusion Le tournant qu’emprunte l’OHADA au moment où l’on célèbre ses vingt ans d’existence prend l’allure d’une interpellation collective sur les voies et moyens de l’amélioration institutionnelle et de l’efficacité du droit uniforme. A cet égard, la promotion de la formation, de la recherche et de la documentation constitue assurément la clé du progrès. Certes, force est de reconnaître que beaucoup a été fait en vingt ans. Dès l’origine, les pères fondateurs de l’OHADA ont opportunément misé sur le rôle de l’Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature (ERSUMA). Pari gagné, puisque, à l’évidence, cette institution inédite dans la région, a vite atteint sa vitesse de croisière et entend amplifier son action au point de rechercher une dénomination plus conforme à la réalité. Mais si le succès de la formation est manifeste, tout indique que la documentation et la recherche appellent la mobilisation d’importantes ressources humaines, techniques, matérielles et financières pour progresser. De même, la formation initiale au niveau des Etats membres n’affiche pas encore suffisamment un profil de réservoir des prérequis dont la qualité influerait sur le niveau des utilisateurs du droit OHADA. Qu’elle soit générale ou professionnelle, formelle ou informelle, l’éducation ne donne pas encore satisfaction au niveau des Etats, alors que la formation initiale demeure un préalable à la formation continue. Pour relever ce défi, il importe d’investir l’ERSUMA d’une mission de monitoring qui lui permettrait d’évaluer la formation des juristes dans l’espace OHADA et de préconiser des critères de convergence. Dans le même élan, la mission et les moyens de l’ERSUMA doivent être sensiblement renforcés, notamment pour instituer ou intensifier les mécanismes de décentralisation de l’ERSUMA et de formations délocalisées de même que le recours à la visioconférence. La recherche doit aussi être soutenue et affinée, en privilégiant certaines thématiques, comme, par exemple, les études d’impact économiques, l’analyse économique du droit ainsi que les recherches sur l’effectivité et efficacité des normes uniformes et sur l’accomplissement de sa mission par la CCJA.