FORMATION, DOCUMENTATION ET RECHERCHE EN DROIT

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FORMATION, DOCUMENTATION ET RECHERCHE EN DROIT
COLLOQUE SUR LE BILAN DES VINGT ANS DE L’OHADA
FORMATION, DOCUMENTATION ET RECHERCHE EN DROIT OHADA
Roger Masamba
Professeur à l’Université de Kinshasa
Président de la Commission Nationale OHADA-RDC
Ouagadougou, 11 octobre 2013
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SOMMAIRE
Introduction
I. La formation, la documentation et la recherche dans les systèmes
nationaux
A. La formation, la documentation et la recherche par le système éducatif
classique
1. La formation dans les cycles d’enseignement
a) La formation au cycle secondaire
b) La formation au cycle supérieur et universitaire
c) La formation professionnelle
2. La documentation et la recherche dans les cycles d’enseignement
B. La formation, la documentation et la recherche par l’éducation
informelle
1. L’action des organismes professionnels
2. L’action des Commissions Nationales OHADA
a) Missions générales
b) Missions spéciales
II. La formation, la documentation et la recherche dans le système
communautaire
A. L’organisation de la formation par l’ERSUMA
1. Missions de l’Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature (ERSUMA)
2. Types de formation dispensés par l’ERSUMA
B. L’organisation de la documentation et de la recherche par le
CREDERSUMA
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Introduction
Les fondateurs de l’OHADA se sont préoccupés de la formation des magistrats et des
gens de justice. Avec raison, car la réussite d’une réforme est tributaire de la maîtrise
de son contenu et de ses objectifs par ceux qui sont appelés à l’appliquer. La
recherche de la sécurité juridique et judiciaire exige, en effet, une formation
appropriée susceptible de mettre ceux qui disent le droit à même de comprendre le
droit uniforme et d’en garantir le respect. Il ne faut pas perdre de vue le fait que, au
premier et au second degrés, l’interprétation et l’application du droit OHADA
relèvent de la compétence des juridictions nationales.
La formation doit nécessairement s’accompagner d’un effort d’amélioration des
capacités et requiert, au-delà de la simple circulation des connaissances, une
documentation appropriée et l’appui à la recherche.
C’est dans cet esprit que le Traité de l’OHADA a institué l’Ecole Régionale Supérieure
de la Magistrature (ERSUMA) et que, pour en soutenir la mission, un centre de
recherche et de documentation à la pointe du progrès technologique a vu le jour ces
dernières années.
Certes, les Etats forment leurs juges à partir des universités et des écoles
professionnelles dans le cadre des systèmes éducatifs nationaux. C’est la formation
initiale, celle qui est loin du ressort de l’ERSUMA. Force est cependant de relever qu’à
certains égards, le droit interne auquel les juges sont initialement formés se
distingue du droit uniforme. Par ailleurs, la quête de l’excellence oblige à s’assurer de
la mise à niveau des magistrats et d’un standard de formation acceptable.
Enfin, la formation des juges ne peut à elle seule suffire, à moins de minimiser le rôle
des autres utilisateurs des normes de l’OHADA. Il est donc intéressant de constater
que, au fil du temps, la dénomination « ERSUMA » a été dépassée par la réalité du
terrain qui a vu s’élargir sensiblement la fréquentation de cet établissement. C’est
donc à juste titre que le changement de son appellation est présentement à l’ordre du
jour pour cristalliser l’image d’académie panafricaine du droit des affaires que
l’ERSUMA a su imposer en forgeant durant vingt ans. Il s’agit en effet de se rendre à
l’évidence et de rattraper la réalité, voire de la dépasser dans les années qui pointent
à l’horizon.
La formation, la recherche et la documentation vont donc bien au-delà du seul cercle
des magistrats, des greffiers et des huissiers de justice. Elles visent aussi les experts
comptables, les avocats, le monde académique, les milieux d’affaires, les juristes
d’entreprise et même les cadres de l’administration publique. Le contenu de la
formation, le type de documentation et l’idée même de recherche varient selon le
profil des catégories concernées. Mais un standard minimum s’impose pour assurer
la réception et l’assimilation du droit uniforme : « harmoniser les cursus et les
pratiques » professionnelles dans les Etats parties1. Quel en est l’état des lieux au
1
Selon la formule du Directeur Général de l’ERSUMA à l’ouverture d’un séminaire de formation de formateurs,
Porto-Novo, 16-20 juillet 2012.
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niveau national des Etats parties (I) et au niveau communautaire (II) ? Quels défis
relever pour renforcer les capacités des utilisateurs des normes de l’OHADA ? Telles
sont les questions qui se posent au moment où, à la faveur de la célébration des vingt
ans d’existence de l’OHADA, le regard doit se tourner vers l’avenir et, tout en
préservant les acquis positifs du passé, contribuer à tracer et à consolider les pistes
de l’excellence.
I.
La formation, la documentation et la recherche dans les systèmes
nationaux
Au plan national, à travers le système éducatif classique, la formation, la
recherche et la documentation s’insèrent dans les circuits traditionnels de
l’enseignement général et professionnel, dans les cycles secondaire et
universitaire (A).
Il serait hasardeux, sinon impossible, d’en dresser un bilan ici. Le contexte ne s’y
prête guère, et les limites du thème général du Colloque l’interdisent. Il reste
cependant que, à travers le globe terrestre, chaque pays déplore la dégradation
de son système éducatif. Ce constat n’est pas sans impact à l’égard de la formation
en droit des affaires harmonisé. Comme dans toute discipline, l’efficacité de la
formation dépend des prérequis inhérents à la formation de base.
En tout état de cause, s’agissant spécifiquement du droit OHADA, un mécanisme
supplémentaire s’intègre dans ce processus sous l’impulsion des Commissions
Nationales OHADA ainsi que des ordres professionnels qui veillent à la mise à
niveau des juristes ou comptables en cultivant l’excellence dans leurs rangs.
L’éducation informelle renforce le système éducatif classique à cet égard (B).
A. La formation, la documentation et la recherche par le système éducatif
classique
Il peut paraître prétentieux et illusoire de parler de recherche au niveau
secondaire, encore que les superviseurs de ce cycle initient souvent des
recherches dignes de ce nom. Mais pas en droit des affaires, matière qui nous
occupe ici.
Seule la formation est donc envisagée quant un élève n’a pas encore franchi les
portes de l’université, et même alors, il en demeurera ainsi jusqu’à un niveau
avancé des études universitaires pour s’engager dans la recherche.
1. La formation dans les cycles d’enseignement
Le droit des affaires fait partie des matières enseignées dans la phase supérieure
de l’enseignement secondaire, mais force est de relativiser les choses, car il ne
s’agit là que d’une introduction à la synthèse du droit des affaires, à ne pas
comparer avec l’étude autrement plus approfondie qu’offrent les facultés de droit
et, dans une moindre mesure, les facultés d’économie.
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a) La formation au cycle secondaire
Au niveau de l’école secondaire, les élèves reçoivent une initiation au droit en
général et même, toutes proportions bien gardées, au droit des affaires. C’est à
cette étape que l’apprenant rencontre pour la première fois le droit uniforme.
Pour qu’il en soit réellement ainsi, il faut naturellement que les programmes
d’enseignement substituent le nouveau droit à l’ancien, ce qui est le cas dans
seize Etats et en cours dans le dix-septième, en vertu de la primauté du droit
uniforme sur le droit national (l’article 10 du Traité de l’OHADA comporte un
effet abrogatoire à l’égard de toute disposition nationale contraire ou identique
aux normes uniformes).
Cette mise en conformité des programmes implique beaucoup d’exercices
d’harmonisation et d’assimilation de la matière.
D’une part, il importe de former les inspecteurs d’enseignement et les
professeurs de l’école secondaire pour les amener à comprendre la partie du
droit uniforme qui intéresse le cycle secondaire Ainsi que la synthèse globale des
institutions et des différentes normes de l’OHADA (en un mot la « synthèse de
l’OHADA »).
D’autre part, il sied de les inciter à un effort de comparaison entre le droit
national et le droit uniforme ainsi qu’à un réflexe d’harmonisation que facilitera
le processus de mise en conformité auquel se livrent les Commissions Nationales
OHADA. Ainsi en sera-t-il particulièrement des matières du droit commercial
général, du droit des sociétés et du GIE, du droit comptable ainsi que des
dispositions Traité relatives au cadre institutionnel de l’OHADA.
Il ne paraît pas simple de songer à placer au même niveau les classes des écoles
secondaires de l’espace OHADA. Tout dépend des politiques nationales en
matière d’éducation, singulièrement de la mise en œuvre des programmes et du
mode de contrôle des connaissances. Il importe surtout de préparer les élèves à
découvrir les méandres du droit uniforme lorsqu’ils arriveront à l’université ou
dans les instituts supérieurs.
b) La formation au cycle supérieur et universitaire
Sorti d’une école secondaire d’un Etat partie donné, un élève doit pouvoir se
retrouver s’il entreprend des études supérieures de droit ou de comptabilité dans
un autre pays de l’espace OHADA, ou même s’il s’inscrit dans une faculté
dispensant les matières du droit uniforme des affaires.
Les programmes de l’enseignement supérieur et universitaire répartissent les
matières constitutives du droit uniforme des affaires entre les différents cycles
du système « LMD ». D’un pays à l’autre, d’un établissement à un autre dans un
même Etat partie, l’organisation des enseignements peut cependant différer. Ce
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qui importe, c’est la possibilité offerte aux étudiants de s’imprégner du contenu
des normes de l’OHADA et d’assimiler une méthodologie adéquate pour se
performer.
Le contenu des matières est en tout état de cause identique, ce qui renforce
l’esprit communautaire. Mais le programme est une chose, la dispense des
enseignements en est une autre. Un même programme et un même contenu des
enseignements peuvent aboutir à des résultats différents. Tout dépend des
capacités des enseignants, en d’autres termes de leurs propres connaissances et
méthodologies.
Il sera difficile de tout unifier ou harmoniser au sein de l’espace OHADA, mais il
est possible de miser sur l’émulation qui demeure un moyen de valorisation de
l’université. Un standard minimum doit pouvoir s’imposer à coup de
recommandations et de monitoring dans l’intérêt des Etats parties et de la
Communauté. L’ERSUMA pourrait y jouer un rôle déterminant en menant des
analyses comparatives sur la qualité de nos programmes consacrés au droit
uniforme et sur l’efficacité de l’enseignement au sein de l’espace OHADA. Certes,
les différences sont multiples, par exemple quant au mode de recrutement et aux
grades des professeurs (le CAMES est incontournable dans anciennes colonies
françaises, mais reste inconnu dans les autres Etats parties).
c) La formation professionnelle
Plusieurs mécanismes de formation professionnelle visent à assurer la formation
continue et des recyclages professionnels. Ainsi en est-il des multiples
programmes concernant notamment les magistrats, les greffiers et les huissiers
de justice ainsi que ceux visant les avocats, les juristes d’entreprise et les experts
comptables.
Au-delà des innombrables séminaires, des établissements spéciaux foisonnent à
cet effet : écoles de formation des magistrats, centre de formation des avocats,
instituts de formation des comptables.
2. La documentation et la recherche dans les cycles d’enseignement
L’efficacité de l’enseignement dépend aussi de la disponibilité des outils adéquats
pour la documentation et la recherche. Dans le système classique, le livre se
trouve au cœur de la documentation indispensable à l’élève, à l’étudiant, au
professeur. Pouvoir s’en procurer relève parfois du parcours du combattant ! Le
recours aux bibliothèques facilitent la tâche, mais encore faut-il en trouver et
s’assurer de la richesse de leurs rayons !
Le budget de l’éducation et celui de la recherche constituent le thermomètre de la
conviction qu’ont les dirigeants des Etats du fait que la ressource humaine est la
principale clé du développement. De toute évidence, au sein de l’espace OHADA,
voire au niveau continental, le temps d’envisager des critères de convergence
éducationnelle arrivera plus vite qu’on ne se l’imagine. Aussi convient-il
d’anticiper les choses, stimuler les esprits et accélérer cette perspective pour
7
relever le défi culturel, singulièrement celui de la documentation et de la
recherche, qui aura l’avantage de « booster » l’enseignement du droit uniforme
des affaires. Il faut aussi mobiliser les moyens financiers et matériels nécessaires
si l’on veut former les utilisateurs des normes de l’OHADA et satisfaire ainsi l’un
des maillons de la chaîne de l’amélioration du climat des affaires, à savoir la
qualification et la compétitivité des acteurs du droit uniforme des affaires.
Aujourd’hui, le recours aux supports électroniques simplifie la mise à disposition
de la documentation et la promotion de la recherche. Chacun a désormais une
bibliothèque de grande richesse entre ses mains, presque à tout moment.
L’africain et l’américain semblent ainsi logé à la même enseigne. La réalité est
néanmoins différente de l’apparence : pour « surfer », il faut de l’électricité ; pour
avoir accès à Internet, il faut souvent pouvoir payer ; pour progresser et avoir la
chance d’exceller, il faut disposer d’un ordinateur performant et pouvoir recourir
à un réseau à la pointe du progrès. Cela revient parfois à rechercher la
quadrature du cercle ! C’est pourtant, aujourd’hui et demain, le passage obligé de
la promotion des sources documentaires et de la recherche.
Pour briser la distance entre deux mondes extrêmes, celui du numérique puissant
et de la vitesse face à celui où la bougie et le groupe électrogène nourrissent la
précarité et bloquent le temps, il faut encourager les innovations qui cassent les
coûts et renforcent l’accessibilité du plus grand nombre à la technologie de
pointe. En effet, le progrès technologique peut aider à « booster » sensiblement la
formation, la documentation et la recherche.
Au-delà des quelques timides progrès d’hier, c’est bien de tout cela que demain
doit être fait.
B. La formation, la documentation et la recherche par l’éducation
informelle
L’éducation informelle concourt à la formation et à la documentation, en appui au
système éducatif formel. Elle passe par les écrits et programmes des médias ainsi
que les conférences, ateliers et séminaires organisés à l’intention desdits
professionnels et contribue à renforcer leurs capacités.
1. L’action des organismes professionnels
Les organismes professionnels cultivent l’excellence dans leurs rangs et, à cet
effet, prônent des formations continues. Certains - quoique rares en Afrique - les
rendent obligatoires à hauteur d’un volume horaire annuel précis.
Ainsi sont constamment organisés, des séminaires, des conférences et des
séances de vulgarisation pour mettre les professionnels au courant des réformes
et des perspectives qui se dessinent dans leurs pays ou dans le monde. Des
formations sont aussi organisées pour renforcer leurs capacités.
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Les organismes professionnels rivalisent d’initiatives à cet égard. Les ordres
professionnels des avocats ou des experts comptables consacrent une large part
de leur mission à la formation. De même en est-il des centres de formation des
avocats et des écoles de formation des magistrats.
Le droit uniforme est prisé par ces corporations, particulièrement au fur et à
mesure de l’adoption ou révision des Actes uniformes. L’enseignement donné à
ces praticiens s’adaptent à leurs profils et diffèrent nécessairement de
l’enseignement classique. Il s’agit en effet d’apporter aux professionnels une
formation souvent « non diplômante », prenant comme prérequis la formation
initiale et, pour les plus anciens, l’expérience déjà acquise.
Ce mécanisme favorise la mise à niveau des praticiens provenant de milieux
éducatifs et professionnels divers. Il doit être soutenu lorsqu’il met en exergue le
droit OHADA, en gardant bien à l’esprit l’objectif de sécurité juridique et
judiciaire qui a motivé l’émergence de l’OHADA. C’est dans cette perspective que
les Commissions Nationales OHADA et certains partenaires au développement
apportent diverses contributions techniques, matérielles et financières à ces
organismes (par exemple, l’annonce de la création de bibliothèques numériques
au niveau de chaque barreau ainsi que l’organisation des formations aux
barreaux et dans les milieux des magistrats et des experts comptables en RDC).
2. L’action des Commissions Nationales OHADA
La contribution des Commissions Nationales OHADA, ainsi que les relais qui
pourraient s’y ajouter systématiquement par le biais des clubs OHADA, à la
diffusion des connaissances et à la promotion de la recherche en droit des
affaires, s’inscrit dans le contexte d’une éducation informelle qui renforce les
résultats de l’éducation formelle.
Lesdites commissions accomplissent deux séries d’attributions, les unes sont
générales, les autres, spéciales (concernant les relations fonctionnelles de l’Etat
avec la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage).
a) Missions générales
-
traitement, mise en œuvre et suivi des actes et décisions relatifs à
l’harmonisation du droit des affaires ;
-
étude des avant-projets d’Actes uniformes ou de règlements et
formulation d’observations pour le compte du gouvernement ;
-
promotion de la formation sur le droit des affaires harmonisé ;
-
collecte, centralisation, diffusion de l’information juridique et
vulgarisation de la documentation relative au droit des affaires
harmonisé ;
9
-
organisation et suivi de la mise en conformité du droit national par
rapport au droit des affaires harmonisé ;
-
formulation d’observations sur les difficultés constatées dans l’application
du Traité, des actes uniformes et des règlements de l’OHADA pour le
compte du gouvernement.
b) Missions spéciales
-
centralisation et transmission à la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage
des demandes d’avis consultatifs émanant du gouvernement ou des
juridictions nationales, en application de l’article 14 du Traité relatif à
l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
-
centralisation et transmission aux juridictions nationales des avis
consultatifs émanant de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage et qui
sont relatifs aux demandes susvisées ;
-
formulation d’opinions, à la demande du ministre chargé de la justice, sur
l’opportunité de saisir la Cour pour avis consultatif ;
-
études des dossiers communiqués au gouvernement par la Cour, en
application des articles 55 et 57 de son Règlement de Procédure et
formulation des observations y relatives.
En rapport avec leurs attributions générales, les Commissions Nationales OHADA
peuvent donc jouer un rôle d’impulsion et de stimulation en faveur de la
formation, de la documentation et de la recherche en droit harmonisé. Elles
devraient pouvoir mobiliser les moyens nécessaires, déployer la logistique
requise et diffuser le droit uniforme par divers supports (en particulier les
médias et les ouvrages).
Ces commissions sont les mieux placées pour organiser ou soutenir les
conférences et ateliers dans les milieux d’affaires, dans le monde judiciaire et au
niveau des universités. Le rôle des Commissions Nationales est d’autant plus
important que, en liaison avec l’ERSUMA et les autres organes de l’OHADA, leur
action se focalise strictement sur le droit OHADA et les autres droits uniformes.
Leur participation à la consolidation et à la transformation des règles uniformes
ainsi que l’opportunité qui leur est offerte de participer régulièrement aux
échanges d’expérience sur la mise en œuvre du système communautaire dans
tous les Etats parties en font des privilégiés de l’information juridique et
constituent un précieux atout.
Malgré la reconnaissance de leur position stratégique par tous, ces « générations
spontanées » que sont les Commissions Nationales n’ont pas véritablement de
statut juridique au sein de l’OHADA, ce qui les a empêché de tourner à plein
rendement.
10
Ces structures se sont pourtant avérées incontournables à la marche de l’OHADA
à telle enseigne qu’une opinion unanime s’exprime constamment pour préconiser
leur institutionnalisation afin de consacrer leur rôle de courroie de transmission
entre l’OHADA et les Etats parties. Cette option permettra assurément
d’améliorer, voire de standardiser progressivement, la formation, la
documentation et la recherche en droit OHADA.
II.
La formation, la documentation et la recherche dans le système
communautaire
Conformément aux objectifs de l’OHADA, la formation des magistrats apparaît
comme une priorité pour la solidité et la performance de l’édifice
communautaire. C’est précisément le rôle confié à l’Ecole Régionale Supérieure
de la Magistrature (ERSUMA) (A). Au-delà des magistrats, tous les acteurs du
droit uniforme ont finalement et pertinemment élargi le cercle des destinataires
des formations en droit OHADA2.
A côté des résultats remarquables en matière de formation, les avancées de
l’ERSUMA dans la recherche trace la voie à de nouvelles perspectives pour les
années à venir (B). A cet effet, la création du Centre de recherche et de
Documentation de l’ERSUMA est un signe de la détermination à renforcer les
capacités de cet établissement dont les sources documentaires, y compris
numériques, constituent des atouts permettant certainement, si l’exploitation de
la ressource humaine est optimale, de gager sur l’avenir et la performance de
l’OHADA.
A. L’organisation de la formation par l’ERSUMA
Organe de l’OHADA chargé de la formation des utilisateurs du droit uniforme,
l’ERSUMA est particulièrement active dans l’espace OHADA. A travers, des
formations sur place ou délocalisées, la diffusion de documents et matériels
didactiques, l’accomplissement de plusieurs études et la promotion de la
recherche par divers procédés, son bilan est largement positif. Peut-être
importerait-il d’en renforcer davantage les contours et d’y consacrer beaucoup
plus de moyens humains, techniques, matériels et financiers.
1. Missions de l’Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature (ERSUMA)
Les missions suivantes ont été attribuées à l’ERSUMA3 :

2
Assurer la formation et le perfectionnement des magistrats, des auxiliaires
et fonctionnaires de justice, au droit harmonisé ;
Joseph Issa Sayegh et Paul Gérard Pougoué ont souligné la nécessité de cette extension ratione personae, mais
aussi rationae materiae (ciblant le droit OHADA des affaires et les autres droits harmonisés): L’OHADA : défis,
problèmes et tentatives de solutions, Actes du Colloque sur « L’harmonisation du droit OHADA des contrats »,
Ouagadougou, 15-17 novembre 2007, Revue de droit uniforme, 2008, pp 460-462.
3
http://www.ohada.org/mission-et-attributions-ersuma.html
11

Initier, développer et promouvoir la recherche en droit africain ;

Œuvrer, en liaison avec la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage et les
Hautes Juridictions des Etats membres, à une harmonisation de la
jurisprudence et du droit, principalement dans toutes matières relevant
du Traité ;

Accomplir toute mission conforme au présent statut qui pourrait lui être
assignée par le Conseil des Ministres de l’OHADA ou par le Conseil
d’Administration ».
Les activités de formation de l’ERSUMA se déroulent généralement à son siège,
avec l’avantage de l’utilisation de sa bibliothèque bien connue pour la richesse de
ses rayons.
Elles peuvent aussi, et autant que possible au niveau des Etats parties, être
délocalisées (conformément l’option prise par Conseil des Ministres en juillet
2012 à Cotonou). Dans ce dernier cas, l’ERSUMA sélectionne des formateurs et
organise la formation dans un Etat partie. Cette formation peut aussi se réaliser
par visioconférence avec comme cibles des personnes situées dans plusieurs
Etats. A cet effet, l’ERSUMA s’est dotée du matériel adéquat et a mis au point un
système de relais pédagogiques pour les formations à distance.
L’accomplissement de ces missions a généré des formations de juristes et experts
comptables des différents Etats parties, notamment des apprenants devenus
enseignants vacataires à partir d’une sélection réalisées par appel à candidatures
et s’adressant aux professionnels ayant satisfait aux « formations des
formateurs ». Ces derniers élargissent à un rythme exponentiel les possibilités de
vulgarisation et de formation dans l’espace OHADA.
L’action de l’ERSUMA favorise ainsi, directement ou indirectement, la circulation
à grande échelle de l’information sur le droit OHADA. Cette action bénéficie des
appuis de divers ordres, notamment grâce aux multiples échanges avec les
centres de formation judiciaire nationaux et la coopération avec des entités
dédiées à la formation et à la recherche ainsi que des partenaires au
développement.
Véritable drapeau de l’édifice communautaire, qui mise sur la ressource humaine,
l’ERSUMA fait face à de multiples défis inhérents à l’immensité de sa tâche et à
l’étendue de l’espace OHADA. Elle est en effet tenue d’assurer le recyclage et la
formation continue des professionnels dans dix-sept pays, dont l’un est presque
aussi vaste que l’Europe occidentale !
C’est la technologie moderne qui permettra à l’ERSUMA de relever ces défis. Elle
l’a déjà compris en expérimentant progressivement les secrets de la
visioconférence.
12
2. Types de formation dispensée par l’ERSUMA
Les formations assurées par l’ERSUMA portent essentiellement sur les normes de
l’OHADA et visent à en donner la maîtrise aux professionnels de l’espace OHADA.
Elles pourraient cependant aller plus loin, car l’ERSUMA envisage la création d’un
Master professionnel de niveau 2 ainsi que la sanction de certaines formations
destinées aux professions judiciaires par la délivrance de certificats d’aptitude
(« afin d’harmoniser les cursus et les pratiques de ces professions dans les Etats
parties », soulignait le Directeur Général de l’ERSUMA le 16 juillet 2012 à
l’ouverture d’un séminaire de formation de formateurs).
Des formations à charge de l’OHADA sont organisées à l’intention des
ressortissants des Etats membres. Les portes de l’ERSUMA sont aussi ouvertes
aux ressortissants des autres pays africains, sous réserve de l’approbation de son
Conseil d’administration.
Concrètement, conformément à la procédure conçue en 1998 et 2004 sur
recommandation des Colloques des directeurs des Centres de formation,
l’ERSUMA s’adresse à ses partenaires que sont les Ministères de la justice, les
Ministères des finances, les écoles nationales de formation judiciaire et les ordres
professionnels des Etats membres.
Ces partenaires proposent des listes de personnes ayant le profil requis pour
participer à une formation selon le thème retenu, les critères de recrutement
devant être axés sur la formation universitaire et l’expérience professionnelle, en
tenant également compte de la connaissance de la langue du séminaire. Les
activités de l’ERSUMA qui se tiennent en français vont devoir prendre en compte
– notamment grâce à un laboratoire de langue récemment installé – les autres
langues de travail de l’OHADA, à savoir l’anglais, l’espagnol et le portugais.
L’ERSUMA dresse la liste finale des stagiaires, en vérifiant leurs profils et en se
conformant au quota égal pour chaque Etat partie.
Les formations sont payantes pour les membres des professions libérales :
avocats, notaires, experts comptables, experts judiciaires et huissiers de justice.
Encore faut-il que cette énumération vise bien les personnes relevant de cette
catégorie dans tous les Etats membres, ce qui, en RDC, par exemple, n’est pas
encore le cas des notaires et des huissiers, car ces derniers demeurent des
fonctionnaires, plus pour longtemps il est vrai.
D’une manière générale, tout intéressée peut se porter candidat à un séminaire
de recyclage ou de perfectionnement et y être admis moyennant paiement, si
toutefois, au vu de son curriculum vitae, l’ERSUMA juge son profil compatible
avec la formation visée.
Lorsqu’elle est payante, la formation se tient avec les candidats retenus, sans que
l’ERSUMA soit astreinte de s’en tenir à un quelconque quota.
13
B. L’organisation de la documentation et de la recherche par le
CREDERSUMA
Lors d’un séminaire de formation de formateurs à Porto-Novo4, le Directeur
Général de l’ERSUMA a proclamé que « le renforcement de la recherche est en
marche » visant notamment la Revue de l’ERSUMA, diverses publications, les
bourses d’études et de recherche, le prix de la meilleure thèse en droit des
affaires ainsi que la restructuration de son établissement5.
Résultat de cette dynamique, et opérationnel depuis 2010, le Centre de
Recherche et de Documentation de l’Ecole Régionale Supérieure de la
Magistrature (CREDERSUMA)6 a pour missions :




D’entreprendre toute recherche sur le droit harmonisé et le droit africain
des affaires ;
D’améliorer la connaissance du droit OHADA, du droit communautaire et
du droit des affaires, par une large diffusion vers divers publics ;
De rendre accessible en ligne une bibliothèque de référence sur le droit
OHADA et les autres droits communautaires ;
De constituer un centre virtuel d’information.
Ce centre apporte naturellement un important soutien aux formations organisées
par l’ERSUMA et contribuera assurément au succès de diverses autres initiatives
pédagogiques ou scientifiques consacrées aux droits uniformes.
Institué sur financement de l’Union Européenne, le Centre contribue à renforcer
les capacités de l’ERSUMA par la documentation, la recherche et la publication7. Il
apparaît comme un précieux atout pour les formations sur place ou in situ, ou
encore à distance, sur le droit OHADA et les autres droits communautaires.
Les jalons que pose l’ERSUMA, en créant le centre de recherche, dépassent le
niveau de simples intentions. En effet, des chantiers relativement
impressionnants sont déjà en exploitation8. Il en est ainsi de la recherche en cours
sur les « difficultés de recouvrement des créances des entreprises dans l’espace
UEMOA : cas du Bénin, du Burkina-Faso, du Mali et du Sénégal » avec l’appui
financier de Trustafrica (Dakar). De même en est-il du projet de recherche sur « la
sécurité judiciaire dans les Etats de l’OHADA dans une perspective de
gouvernance » (avec l’appui des Réseaux de Recherche Comparative du
Codesria).
…/…
4
16-20 juillet 2012
Voir aussi Rapport d’activité de l’ERSUMA, Premier semestre 2013, paragraphe III, 3.
6
http://www.ohada.org/centre-de-recherche-et-documentation-credersuma.html
7
Concernant la recherche, la documentation et les publications sur l’OHADA ainsi que les rapports d’activités
qui en font allusion, voir aussi les sites www.ohada.com, www.ohada.org, www.ersuma.org et
http://www.institut-idef.org
8
Rapport d’activité de l’ERSUMA, Premier semestre 2013, paragraphe III, 1.
5
14
Conclusion
Le tournant qu’emprunte l’OHADA au moment où l’on célèbre ses vingt ans
d’existence prend l’allure d’une interpellation collective sur les voies et moyens
de l’amélioration institutionnelle et de l’efficacité du droit uniforme. A cet égard,
la promotion de la formation, de la recherche et de la documentation constitue
assurément la clé du progrès.
Certes, force est de reconnaître que beaucoup a été fait en vingt ans. Dès l’origine,
les pères fondateurs de l’OHADA ont opportunément misé sur le rôle de l’Ecole
Régionale Supérieure de la Magistrature (ERSUMA). Pari gagné, puisque, à
l’évidence, cette institution inédite dans la région, a vite atteint sa vitesse de
croisière et entend amplifier son action au point de rechercher une dénomination
plus conforme à la réalité.
Mais si le succès de la formation est manifeste, tout indique que la documentation
et la recherche appellent la mobilisation d’importantes ressources humaines,
techniques, matérielles et financières pour progresser. De même, la formation
initiale au niveau des Etats membres n’affiche pas encore suffisamment un profil
de réservoir des prérequis dont la qualité influerait sur le niveau des utilisateurs
du droit OHADA. Qu’elle soit générale ou professionnelle, formelle ou informelle,
l’éducation ne donne pas encore satisfaction au niveau des Etats, alors que la
formation initiale demeure un préalable à la formation continue. Pour relever ce
défi, il importe d’investir l’ERSUMA d’une mission de monitoring qui lui
permettrait d’évaluer la formation des juristes dans l’espace OHADA et de
préconiser des critères de convergence.
Dans le même élan, la mission et les moyens de l’ERSUMA doivent être
sensiblement renforcés, notamment pour instituer ou intensifier les mécanismes
de décentralisation de l’ERSUMA et de formations délocalisées de même que le
recours à la visioconférence. La recherche doit aussi être soutenue et affinée, en
privilégiant certaines thématiques, comme, par exemple, les études d’impact
économiques, l’analyse économique du droit ainsi que les recherches sur
l’effectivité et efficacité des normes uniformes et sur l’accomplissement de sa
mission par la CCJA.

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