La Vieillesse - Gymnase Auguste Piccard
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La Vieillesse - Gymnase Auguste Piccard
La Vieillesse Vieillir : deuils et acceptations Travail de maturité 2009-2010 Gymnase Auguste Piccard Béatrice Bucher-Mayor Valentine Gygax, 3MS1 Vieillir : deuils et acceptations Fiche résumé Qui sont ces gens que nous catégorisons aujourd’hui comme « vieux », et comment vivent-ils cet état ? Dans quelle mesure les conceptions que nous avons de la vieillesse dépendent-elles de la société dans laquelle elles s’inscrivent? Ce travail tente de répondre à ces questions, et de nous aider à comprendre ce qu’est la vieillesse. Dans un premier temps, il semble nécessaire de définir la vieillesse et d’identifier les différents aspects qu’une définition implique. Ainsi, les aspects démographique, historique, social, psychologique et historique seront mobilisés, ce qui mettra en lumière certains concepts comme « l’âgisme », le regard envers la vieillesse ou le rôle de la société. La vieillesse est aussi le lieu de remises en question, de modifications, d’évolutions et de changements, à plusieurs niveaux. Cette nouvelle dynamique dans la vie d’un individu lui demande de faire certains deuils. Ces deuils, et les réactions que les individus peuvent avoir face à la vieillesse, seront l’objet de la deuxième partie du travail. Les deuils sont un résultat du processus de vieillissement, mais il en sont aussi une étape, car ils engendrent eux aussi des réactions, d’incapacité, de résignation ou d’acceptation. Il s’agira dans la troisième partie du travail de comprendre le sens que les individus donnent à leur expérience de la vieillesse, et de voir en quoi cela engendre certaines réactions plutôt que d’autres. Finalement nous serons amenés à conclure le travail et à donner une nouvelle définition de la vieillesse qui mettrait au premier plan l’image que l’on a de la vieillesse, plutôt que ses aspects purement fonctionnels. 2 Vieillir : deuils et acceptations Table des matières Introduction……………….……………………………………………….......…………...…. p. 5 1. Vieillir : Angles différents 1.1. Démographique et historique …..…........................................…....................….... p.6 1.2. Social :Quand et comment est-on perçu en tant que « vieux « ? Images de la vieillesse…....…............................…..……….……….. p. 7 L'âgisme……………….…………………...…………..….………… p. 9 Quelle valeur a la personne âgée pour la société ?…….……………. p. 9 1.3 Psychologique : Quand et comment se sent-on vieux ?...…….....…..…….……. p. 10 Pris de conscience de l’inéluctabilité de la mort……....................… p. 11 1.4. Biologique :Quand est-on vieux ? …………….........……………..……...…..... p.12 1.5. Quelle différence il y a-t-il entre la vieillesse des autres et sa propre vieillesse ?. ..….... p. 13 2. Les deuils 2.1. Rapport entre le sens littéral et le sens figuré du mot deuil…………..……...…. p. 14 2.2. Les différents deuils 2.2.1 Deuil du rôle familial…………….……………………………….….. p. 14 L’émancipation des enfants………………………..……….….…... p. 14 Le veuvage…………………….………..…………………….….… p. 15 2.2.2. Deuil du rôle professionnel…………….…………..……………...…. p. 15 2.2.3. Deuil de l’idéal de santé et de l’image corporelle………......…..….... p. 15 2.2.4. Deuil des illusions d’immortalité……………....……………..…...…. p. 16 2.2.5. Perte du domicile familial…………………………………..……...… p. 16 3 Vieillir : deuils et acceptations 2.3. Réactions face à ces deuils ………………………………....……..….…....….. p. 17 3. Accepter 3.1. Accepter ou se résigner ?……..........……………………..…................….....…. p. 18 3.2. Et si l’on accepte pas ?…………… …………………….....................…...…… p. 21 3.3. Les autres aussi doivent accepter………………......………..….……...……….. p. 22 Conclusion………………………………………………………………………..……….…. p. 23 Bibliographie………….…..………………………………………………..……………..…. p. 25 4 Vieillir : deuils et acceptations Introduction Ce travail sur la vieillesse sera centré sur l’expérience même du vieillissement, allant du fait de vieillir jusqu’à l’acceptation de ce fait, en passant par les deuils qui surviennent tout au long du processus du vieillissement. Le travail est divisé en quatre parties : La première a pour but de définir la vieillesse, mais cette période de vie étant l’aboutissement d’une évolution progressive et surtout personnelle à chacun, donner une définition claire qui puisse englober les nombreux aspects de la question est difficilement envisageable. C’est pourquoi nous l’étudierons sous différents aspects : démographique et historique d’abord, puis social (influence de la société, regard des autres), psychologique (se sentir vieillir, l’approche de la mort), et enfin biologique. Cette première approche a pour but de se familiariser avec cette notion de vieillesse. Nous verrons également à quel point les avis peuvent diverger en ce qui concerne la vieillesse en général ou sa propre vieillesse. Beaucoup de choses acquises pendant la vie disparaissent ou changent avec la vieillesse; le travail professionnel, la vie familiale, la morphologie, ou encore le statut dans la société. On peut parler de changements, mais aussi de pertes, de renoncements ou de deuils. Dans la seconde partie de ce travail, nous verrons chacun de ces deuils ainsi que les réactions des individus qui sont confrontés aux changements engendrés par la vieillesse. La troisième partie du travail aura pour objet le deuil et l’acceptation, avec des questions sur le sens de la vieillesse, sur l’incapacité de certaines personnes à faire ces deuils ou sur la différence entre la résignation et l’acceptation. Le travail s’achèvera ensuite avec une dernière partie conclusive, qui tentera de répondre à la question suivante : « Dans quelle mesure les conceptions que nous avons de la 5 Vieillir : deuils et acceptations vieillesse dépendent-elles de la société dans laquelle elles s’inscrivent ? » Nous évoquerons finalement le parallèle entre vieillesse et jeunesse. 1.Vieillir: Angles différents 1. 1. Démographique et historique La dimension démographique de la vieillesse a beaucoup évolué au cours du temps et les spécialistes anticipent des changements tout aussi importants pour les années à venir. Nous allons ici présenter plusieurs chiffres afin d'illustrer la problématique démographique qu'engendre la vieillesse. Il y avait trois cent cinquante millions d’habitants sur terre de plus de 60 ans en 1975, cinq cent quatre-vingt-dix millions en 2000 et il y en aura un milliard en 2010. 1 Dans les sociétés occidentales actuelles, c’est le nombre de gens de plus de 60 qui augmente, alors que le nombre d’individus de moins de 60 ans diminue. C’est dû au fait que l’espérance de vie est plus longue (elle croît de 3 mois par an), et que le taux de natalité diminue. L'espérance de vie à partir de 60 ans est de 73 ans pour un homme et de 81 ans pour une femme. La femme devient effectivement plus vieille que l’homme, et ce autant dans les pays pauvres que dans les pays riches. Le problème du surpeuplement de la planète (on prévoit dix milliards d’êtres humains en 2040) est beaucoup dû au fait que l’on vit de plus en plus vieux. Il y a donc de plus en plus de personnes âgées, et c’est une question qui concerne beaucoup de domaines. Sur le plan économique (augmentation du nombre de retraités), social (devoir des citoyens de participer toujours plus à l’entretien des personnes âgées), culturel (de profondes modifications apparaissent et apparaîtront à cause de l’augmentation du temps des loisirs), médical, biologique et psychologique. Historiquement, on parle pour la vieillesse du « temps du pessimisme » (XVIe et XVIIe siècles), puis du « temps de l’optimisme », au cours du XVIIIe siècle, où la vision de la 1 FONTAINE Roger, Psychologie du vieillissement Paris : Dunod, 2007 p. 13 6 Vieillir : deuils et acceptations vieillesse est devenue plus positive2 grâce à « l’évolution des mentalités » du siècle des lumières. La vieillesse ne commence à être considérée comme un problème qu’au cours du XIXe siècle, alors que la médecine commence à s’y intéresser: les maladies et les dégradations observées contribuent à associer vieillesse et maladie. A la fin du XIXe siècle, en constatant la relation entre l'augmentation du nombre de personnes dites « vieilles » et la baisse de la natalité, on commencera à considérer la vieillesse comme un affaiblissement économique et social de la nation3. Aujourd’hui, l’image que l’on a de la vieillesse n’est pas beaucoup plus optimiste mais elle a cependant évolué. La vieillesse est donc un concept qui se modifie avec le temps et qui se définit différemment selon les moeurs de la société dans laquelle il s'inscrit. 1.2. Social : Quand et comment est-on perçu en tant que « vieux »? Images de la vieillesse La vieillesse a comme particularité de concerner tous les individus dans une société (ce qui n’est pas le cas de la folie ou d’un handicap). Cependant, elle n’est pas toujours considérée de la même manière suivant les époques. Elle évolue, comme le reste des phénomènes dans le monde. On peut effectivement remarquer une différence entre les personnes nées avant 1940, âgées dans les années 2000, et celles nées après la Seconde Guerre mondiale. Les premières accordent plus d’importance aux croyances religieuses, ont un sentiment de fierté nationale plus affirmé et des jugements moraux plus rigoristes tandis que les autres expriment un moindre attachement à la liberté d'expression et à la participation politique active des citoyens4. Nous pouvons alors dresser l’hypothèse d’une différence entre la période d’avant-guerre et celle d’après guerre dans l’évolution de l’éducation et des mentalités d’une période à l’autre. 2 CARADEC Vincent, Sociologie de la vieillesse et du vieillissement, Paris: A. Colin, 2004.. P.28 Ibid. p.28 4 Ibid. p.50 3 7 Vieillir : deuils et acceptations Actuellement, comme les décrit Vincent Caradec dans son ouvrage de sociologie5, les personnes âgées sont considérées comme moins actives, moins tournées vers les technologies nouvelles (un dixième des personnes de 60 ans et plus sait se servir d'un ordinateur), moins sociables (elles ont moins d'interlocuteurs) que les jeunes. Elles sont plus casanières, leur préférence pour les loisirs pratiqués à la maison est plus affirmée et leurs dépenses sont davantage orientées vers le domicile; elles sortent moins le soir, partent moins en vacances et sont davantage consommatrices de télévision. Elles sont moins "actives " tant pour les activités culturelles et sportives que sur le plan sexuel. Ces considérations ne sont cependant pas toujours vraies, nous parlons ici de la représentation sociale de la vieillesse, et elle ne renvoie pas forcément à la réalité. Le concept des "vieux" faisant référence à une catégorie sociale passablement large et indéfinie, il est souvent la proie de stéréotypes. Le même auteur explique qu’il existe deux images de ce temps de vie ; la première est profondément pessimiste et considère les retraités comme des victimes de la société qui les exclut et les met en dépendance, alors que la deuxième est plus optimiste ; le vieillissement ne serait pas mal vécu et les retraités seraient actifs et dynamiques. Il en va de même pour la retraite, elle apparaît tantôt comme une perte, tantôt comme une liberté nouvelle ; de même le départ en maison de retraite apparaît comme un déracinement, ou comme un soulagement pour la personne dépendante. Le fait que les individus aient des opinions si divergentes à ces propos peut dépendre justement de l’époque, du vécu, ou même de l’âge de la personne. Un jeune ne concevra pas le problème de la même manière qu’une personne âgée. On ne considère par contre jamais le travailleur comme une personne âgée. L’entrée dans la vieillesse débute souvent avec le départ en retraite, mais pas avant. Ce genre d’idées reçues et de généralités n’est parfois qu’un faux jugement ; cela peut atteindre psychologiquement la personne âgée et conduire à l’âgisme. 5 Ibid. p.50 8 Vieillir : deuils et acceptations L'âgisme L'âgisme est le nom donné à la discrimination dont sont victimes les personnes âgées. Il se manifeste lors de propos ou de remarques peu amènes à leur attention, par exemple en critiquant leur manière de conduire jugée trop lente, en formulant des interrogations dubitatives sur leur aptitude à réaliser une action (Est-ce que tu vas y arriver à ton âge?), ou en manquant de patience ou d'attention.6 L’âgisme a des conséquences indirectes car il conduit les personnes qui y sont confrontées à adopter certaines stratégies comportementales: elles font en sorte d'éviter de nouvelles interactions désagréables et réduisent leurs contacts sociaux ou tentent au contraire de négocier une nouvelle image d'elles-mêmes en s'efforçant de se conformer au modèle de la personne "active". Ce phénomène met en lumière les pressions sociales auxquelles sont soumises les personnes âgées, et leurs différentes manière de réagir face à ces pressions. Ainsi, nous sommes à nouveau confrontés à la nécessité de comprendre la vieillesse non pas comme un état mais comme une conception englobante, faisant appel à de multiples facteurs internes et externes, parfois indépendants de la volonté de la personne Quelle valeur a la personne âgée pour la société ? Les valeurs mises en avant dans notre société actuelle sont des valeurs matérielles, en rapport avec l'argent, le travail, ou la situation sociale. Les valeurs personnelles que l’on acquiert avec l’âge, par contre, comme la vertu d’indulgence, la sagesse, la stabilité, la gratuité ou la mémoire ne sont plus considérées comme des qualités essentielles pour la société. Or la société met en avant des qualités que la personne vieillissante perd petit à petit tout au long de son vieillissement ; elle doit faire le deuil de la jeunesse, de la beauté, du pouvoir, du succès ou encore de la santé. 6 Ibid. p. 104 9 Vieillir : deuils et acceptations 10 On a tendance à exclure les personnes âgées du monde. Dans la fabrication de nouvelles technologies, par exemple7. Les personnes âgées ne sont pas prises en compte parce qu’elles seront bientôt remplacées par des personnes plus habituées aux dispositifs mis en place et elles ne sont pas de bons investissements. A cause de leur mobilité réduite ou de leurs difficultés à s’adapter, elles sont considérées comme des personnes fragiles. Des mesures sont cependant prises pour que les aînés jouissent d'une bonne qualité de vie8. Il existe des institutions, (comme "Pro Senectute" en Suisse) qui offrent un service de conseils, de soutien, de cours, de prévention ou éditant des revues spécialement prévues pour eux et ayant pour but de « favoriser les relations entre les générations ». 1.3. Psychologique: Quand et comment se sent-on vieux ? Il n’y a évidemment pas de moment précis où l’on se sent vieux, c’est un sentiment subjectif propre à chacun. Le regard des autres, l’âgisme, les changements dans l’insertion sociale (départ des enfants, décès du conjoint, retraite) ou des manifestations corporelles (maladie, changements d’apparence)9, sont autant de signes qui amènent une personne à « se sentir vieille ». Et dans le cas où certains changements ne sont pas remarqués ou ignorés par la personne vieillissante, l’entourage ne manque pas de le lui signaler. La retraite, puisqu’elle met fin à la vie active et a tendance à marquer l’entrée dans le vieillissement, est aussi un événement important. Il faut ensuite savoir réorganiser sa vie. Le sentiment du devenir vieux lié aux changements corporels est évidemment lié à l’image de la perfection physique forcément jeune que l’on reçoit de la société. Si certaines femmes pensent être entrées dans la phase du « devenir vieille », c’est parce que la beauté de leurs corps n’est plus la beauté de la jeunesse que l’on associe à la 7 Ibid. p. 36 ZIEGLER Albert, Vivre après 60 ans : défi social, responsabilité personnelle, 2000. p. 17 9 CARADEC Vincent, op.cit. p.100 8 Berne : Foi & Economie, Vieillir : deuils et acceptations sexualité. Les regards changent sur leurs corps. Avec la ménopause, par exemple, la femme n’est plus potentiellement reproductrice, et dans certains cas, cela suffit pour faire chambre à part avec le conjoint. Cela semblerait être dû au préjugé que l’on a selon lequel la sexualité est forcément liée à la reproduction or ce n’est pas le cas, la femme a un rôle de reproductrice qui est un rôle social, mais qui n’a rien à voir avec la sexualité. Les autres influencent aussi beaucoup le sentiment de devenir vieux. Le vieillissement entraîne un affaiblissement du corps et un sentiment de fatigue, et le fait de côtoyer des jeunes gens plein d’énergie peut donner une impression d’infériorité. Cela dépend aussi beaucoup de la personnalité de l’individu. Prise de conscience de l’inéluctabilité de la mort Plus on vieillit, plus on a tendance à se préoccuper de la mort, mais la prise de conscience « nouvelle et impérieuse de l’inévitabilité de la mort 10» advient à un certain moment de l’âge mûr, par exemple lorsque l’individu voit mourir ses parents ou ses proches. C’est le probable déclencheur de son retrait par rapport à la société. Victor Marshall résume cette « prise de conscience de la finitude » en trois étapes : - Tout d’abord le vieillard cherche à donner une signification à sa vie en rassemblant les éléments dans un tout cohérent ; en essayant de trouver une certaine logique à la situation - Ensuite l’individu s’efforce de donner un sens à sa mort, en estimant par exemple que la vie n’a pas vraiment d’utilité, qu’il n’y plus rien à en attendre ou encore que mieux vaut ne pas survivre que de déchoir physiquement - Enfin, l’individu tente de garder une certaine maîtrise sur sa propre mort, en planifiant son enterrement ou en écrivant un testament. David Unruh a aussi observé auprès des mourants une envie de transmettre (lettres, autobiographies, confessions) et de redistribuer des objets rappelant des souvenirs. 10 Ibid. p. 119 11 Vieillir : deuils et acceptations 1.4. Biologique: Quand est-on vieux ? Ce qui caractérise la vieillesse est tout de même un déclin du corps, une usure des organes qui est dû tout simplement au temps qui passe. C’est une phase du développement physique conforme à la nature de l’homme11. Biologiquement parlant, cela se manifeste à partir de 65 ans environ sous forme de problèmes cardiaques et respiratoires, de pertes de mémoire, de diminution de la flexibilité mentale. La tension artérielle augmente, la quantité de sang diminue, l’élasticité des poumons diminue, ce qui entrave la respiration. Le thorax perd de sa mobilité; la respiration se fait essentiellement par le diaphragme. Le foie se rétrécit, les os se décalcifient, la vessie se distend. La peau change, les cheveux changent de couleur puis tombent, chez l’homme comme chez la femme. L'homme qui vieillit est en général moins adroit, il est donc plus exposé aux accidents et laisse plus facilement tomber les objets. Son ouïe s’affaiblit et sa vue baisse. 12 Une étude:13 a tenté de répondre à la question suivante : « Quels sont les facteurs qui nous donnent pour la première fois l'impression de vieillir? » Et les résultats en ce qui concerne le déclin des organes sont les suivants : 11 - 1. Les appareils moteurs, muscles, dos, dents, os, extrémités - 2. Nerfs (y compris la mémoire et l'insomnie) - 3. Organes de sens (oeil, oreille) - 4. Peau (cheveux, rides, etc) STERN Erich, Vieillir : psychologie du vieillissement et de la vieillesse, Neuchâtel : A la Baconnière, 1956. p.35 12 STERN Erich, op. cit. p. 36 13 Ibid. p. 56 12 Vieillir : deuils et acceptations 13 1.5. Quelle différence il y a-t-il entre la vieillesse des autres et sa propre vieillesse ? Il y a un dernier point sur lequel il est intéressant de s’arrêter quant à la complexité de définir la vieillesse : on ne définit pas la vieillesse de la même manière si on la considère comme une généralité ou comme un vécu quotidien. Tout d’abord, comme le remarque Cornelia Hummel14, les représentations négatives de la vieillesse sont partagées tant par les jeunes que par les personnes vieillissantes. Cependant, on a pu constater lors d’un sondage que les répondants jeunes (20-24 ans) donnent une description plus positive de la population âgée que les répondants âgés (6574 ans). Peut-être les jeunes ne se rendent-ils pas compte de certaines difficultés liées à la vieillesse, et les personnes âgées de certains de ses avantages. La maladie et la sagesse sont deux stéréotypes de la vieillesse. Le premier est partagé par les deux catégories de personnes interrogées et le deuxième ne semble appartenir qu’aux plus jeunes. Mais l’image négative que les vieilles personnes ont sur leur propre étape de vie est certainement due au fait qu’elles ne parlent pas d’elles-mêmes, mais plutôt d’un ami ou d’un proche dont la santé décline. Il semblerait que plus on vieillit, plus on repousse l’âge de la vieillesse. Cornelia Hummel explique, à travers les résultats d’une enquête européenne de 2006, que les 15-19 ans situent la vieillesse à 60 ans, alors qu’elle se fixe à 69 ans pour les 40-49 ans et à 72 ans pour les 60-69 ans, et à 73 ans pour les personnes âgées de plus de 80 ans. Il semblerait effectivement que les personnes âgées ont tendance à repousser ce statut (en refusant l’appellation de « vieux », ou en refusant de se considérer comme vieux tant que la manifestation ostensible de signes de sénescence ou de pathologies liées à l’âge n’est pas trop visible, ou encore en repoussant les indicateurs extérieurs de la vieillesse « l’âge, c’est dans la tête» ) par peur de perdre leur autonomie, leur liberté, leur 14 HUMMEL Cornelia, catalogue de l’exposition au fil du temps editions, 2008 , Le vieux est un autre. Gollion :Infolio Vieillir : deuils et acceptations indépendance, leurs capacités et leur intégrité physique, psychique et morale15. C’est pourquoi un retraité, bien que retraité, ne se considère pas comme vieux car il est encore autonome. Nous voyons donc, à travers ces réflexions, qu’il est impossible que l’on puisse approcher la vieillesse de la même manière jeune adulte ou après avoir vécu une longue vie. Car le sentiment de l’individualité, le sentiment de sa trajectoire, le sentiment de temps passé et à venir ne peuvent être les mêmes16. 2. Les deuils 2.1. Rapport entre le sens littéral et le sens figuré du mot deuil Il existe des deuils à tout âge de la vie. A l’adolescence, notamment, alors que l’adolescent doit tourner la page de son enfance. Mais ceux auxquels nous nous intéresserons ici sont les deuils de la personne âgée, du « début » de sa vieillesse jusqu’à la fin de sa vie. Le but de ce chapitre n’est pas de montrer le mauvais côté de la vieillesse mais d’essayer de se rendre compte des difficultés auxquelles sont confrontées les personnes vieillissantes. 2.2. Les différents deuils 2.2.1 Deuil du rôle familial L’émancipation des enfants Le départ du dernier enfant est un événement important pour les parents, ainsi que le mariage d’un des enfants. C’est d’ailleurs considéré comme « la fin de leur rôle éducatif 17». Ces événements, tout comme la naissance du premier petit enfant, et avec cela l’arrivée de la troisième génération, participent petit à petit au vieillissement du couple. 15 Ibid. p. 124 CLEMENT S., « Les temps du mourir : changements et permanence », Cahiers Internationaux de Sociologie, vol. XCVII, p. 367 17 REBOUL Hélène, Vieillir, projet de vie, Paris : Editions du Chalet, 1992. p. 28 16 14 Vieillir : deuils et acceptations 15 Le veuvage La perte du conjoint est un grand chagrin pour la personne âgée ; elle marque la fin de la vie à deux, de la relation affective, et parfois l’abandon de certains loisirs que les deux époux pratiquaient ensemble ou de certains contacts sociaux communs. L’organisation du quotidien se trouve perturbée, et celui qui reste est exposé à une certaine vulnérabilité. Cela marque aussi pour bon nombre de personnes au soir de leur vie l’entrée dans le monde de la solitude. 2.2.2. Deuil du rôle professionnel La retraite, qu’elle soit décidée et vécue comme une chance, une possibilité de repos et de liberté, ou qu’elle soit subitement imposée, signifie une chose : la perte d’un statut, celui de travailleur, qui situait le retraité dans la société. Il quitte la « vie active». Certaines personnes peuvent mal vivre leur retraite lorsque toute leur vie était centrée sur leur activité professionnelle. Le réseau social a tendance à se restreindre, avec la perte de certaines personnes que le travailleur côtoyait dans son métier, durant ses trajets ou pendant les repas. L’espace géographique se réduit également, car les déplacements deviennent moins fréquents. La retraite implique aussi une nouvelle gestion du temps ; tout n’est plus calculé, le temps du retraité est géré comme il l’entend. Hélène Reboul18 écrit à ce propos : la retraite est le passage d’une vie très remplie à une vie qu’il faut remplir. 2.2.3. Deuil de l’idéal de santé et de l’image corporelle L’état de santé se dégrade avec la vieillesse, et ces déclins altèrent le quotidien et entraînent une fragilité des relations amicales. Et cela pour plusieurs raisons : tout 18 Ibid. p. 111 Vieillir : deuils et acceptations d’abord, les problèmes de santé qui compromettent la perception (problèmes auditifs, visuels, tactiles ou olfactifs) posent des problèmes pour la communication. Des problèmes de mobilité, ensuite, ôtent au vieillard une liberté totale dans ses déplacements. De plus, les amis de ces personnes, qui sont dans la même tranche d’âge, partagent ces problèmes. Les modifications corporelles peuvent aussi entraîner la fin de la vie sexuelle dans la mesure où l’investissement corporel est très important. Les modifications physiologiques n’ont pas d’effets directs sur la vie sexuelle, mais ils provoquent une remise en cause sur le plan psychologique19. Les personnes vieillissantes ont aussi parfois le souci de l’apparence esthétique. Certaines se cachent car l’image qu’elles avaient d’elles-mêmes et qui les définissait se transforme, et elles perdent une partie de leur identité. 2.2.4. Deuil des illusions d’immortalité La vieillesse se trouvant dans la phase finale de la vie, c’est pendant cette période-là que l’homme doit renoncer à ce désir qu’il a depuis toujours, celui de perpétuer son nom, d’atteindre une sorte d’immortalité, de se singulariser, ou de survivre de quelque manière dans la mémoire des hommes.. 2.2.5. Perte du domicile familial Le départ en maison de retraite fait peur à un bon nombre de personnes âgées, et cela pour plusieurs raisons : Tout d’abord, le logement est un repère, un témoin du passé, c’est l’endroit où la personne âgée a vécu et où, nous pouvons l’imaginer, elle souhaiterait mourir. 19 Ibid, p. 49 à 57 16 Vieillir : deuils et acceptations La maison, ensuite, est souvent une gardienne du souvenir, où la plupart des objets rappellent une époque, un vécu affectif. Elle est aussi un « nid », une protection contre le monde extérieur, et surtout avoir son « chez soi » signifie être indépendant. Le domicile est également le « siège social » du retraité, il situe le retraité dans la commune, le fait appartenir à tel(le) ville ou village, son existence est reconnue dans sa ville. L’abandon du domicile est un déracinement, une perte de repères, un changement d’habitudes, et aussi une perte de sa place dans la société. 2.3. Réactions face à ces deuils La réaction dépendra beaucoup de l’expérience de vie et de la personnalité du sujet, ainsi que des mécanismes de défense20 qui ont été mis en place par la personne pour maintenir son équilibre psychologique, car les pertes et les changements physiques de la vieillesse affectent ces mécanismes de défense. Une personne, par exemple, qui réagit en étant très active et qui a un fort besoin de valorisation souffrira du déclin de son énergie physique, tandis qu’une personne qui a beaucoup besoin de recevoir des autres, et qui contrôle son anxiété en rationalisant plutôt qu’en passant à l’action21 a plus de chances de réussir à accepter ce qu’il lui arrive, car elle se laissera aller plus facilement, et rationalisera le phénomène. On peut souvent observer deux attitudes opposées : Vouloir rester actif pour maintenir la forme ou prendre du recul par rapport aux activités et aux contacts sociaux. Considérer que le vieillissement est dans l’ordre des choses, que les modifications physiologiques sont une conséquence du capital génétique ou ne pas se rendre responsable, mettre la faute sur des éléments extérieurs (le temps qui passe, la maladie, etc).22 20 HETU Jean-Luc, psychologie du vieillissement, Montréal : Editions du Méridien, 1988 p. 83 Ibid. p. 83 22 REBOUL Hélène, op.cit. p. 18 21 17 Vieillir : deuils et acceptations Il y a en fait deux possibilités : lutter contre le vieillissement et tout faire pour le repousser, ou accepter. 3. Accepter Il y a dans certains ouvrages toutes sortes de conseils pour repousser ou essayer d’éviter la vieillesse ; avoir des loisirs, par exemple, ou faire de l’exercice physique, avoir une bonne alimentation, ou encore soigner et observer son corps pour s’habituer au vieillissement. Peut-être qu’en appliquant ces conseils à la lettre, on pourrait lutter contre le vieillissement, mais il existe d’autres manières pour accepter. En observant la vieillesse différemment, par exemple, comme le fait le Dr. Paul Tournier dans son ouvrage23. Il propose un angle différent ; il refuse justement cette lutte contre le temps et propose plutôt d’essayer de comprendre cette période de vie. Ce qui suit sera basé sur ses propos. 3.1. Accepter ou se résigner ? Tout d’abord, la mort est une propriété du vivant. La vieillesse est inscrite dans le processus vital, et l’usure des organes est un rapprochement vers la mort. Comme le dit René Schaerer, vivre, c’est évoluer vers la mort24. C’est pourquoi la vieillesse fait partie de la vie. Ceux qui refuseraient de vieillir refuseraient une étape de la vie. D’ailleurs, comme l’a écrit Jung, ne pouvoir vieillir est aussi stupide que de ne pas pouvoir sortir de l’enfance.25 On a tendance à croire que la vieillesse est une régression à cause des changements considérés comme des pertes qui surviennent pendant le vieillissement. Mais c’est une promotion, tout comme l’est le passage de l’adolescence à l’âge adulte. 23 TOURNIER Paul Dr., Apprendre à vieillir, Neuchâtel : Delachaux et Niestlé, 1971 SCHAERER René, La philosophie moderne en face de la mort, l’homme face à la mort, Neuchâtel et Paris : Delachaux et Niestlé, 1952 cité par Tournier Paul, op. cit. 25 JUNG Carl Gustav Dr, Problèmes de l’âme moderne, Paris, Buchet-Chastel, 1961. cité par Tournier Paul, op. cit. 24 18 Vieillir : deuils et acceptations Vieillir n’est pas non plus renoncer à toute ambition. C’est uniquement un déplacement de l’ambition. Pendant la vie dite « active », c’était une ambition de pouvoir, de commandement ou de jugement, ces notions tellement importantes dans notre société, mais par la suite, cela peut devenir une ambition d’être puissant par soi-même. Avec la vie professionnelle, on vit dans un milieu de hiérarchie, on doit obéir ou donner des ordres. Accepter la retraite, c’est accepter d’être hors-jeu de cette société hiérarchique, c’est ne plus être obligé de se plier à un certain conformisme, c’est commencer une carrière moins chargée de responsabilités et plus riche de fantaisie. Il n’y a plus d’autorité hiérarchique avec la vieillesse, mais une autorité personnelle, non contraignante, mais libérale. C’est d’ailleurs le même genre d’autorité que la mère doit abandonner à la fin de son rôle éducatif. Elle protégeait ses enfants, prenait des décisions, puis elle doit accepter que cela ne dépende plus d’elle. Il en va de même pour la perte de l’indépendance. Dans un monde individualiste où l’on valorise la maîtrise de soi et le contrôle, on ne peut pas accepter une perte du contrôle de soi26. On ne veut pas dépendre des autres, ne plus maîtriser la situation et pourtant, chacun devrait savoir se laisser aller. On ne devrait d’ailleurs pas parler « d’accepter de vieillir », mais « d’accepter l’inachevé ». Ce qui caractérise la vieillesse et qui fait peur, ce sont les pertes qu’elle entraîne. Et avec chaque perte, il y a une sensation d’inachevé. Le travailleur aura toujours quelque chose à rajouter ou à corriger à sa carrière, au même titre que le décès d’un proche met fin à une relation amoureuse ou amicale qui aurait encore pu évoluer et faire évoluer. 26 ASSOUN Paul-Laurent, Comment accepter de vieillir ?, Paris : Les Ed. de l'Atelier / Les Ed. Ouvrières, 2003 p. 33 19 Vieillir : deuils et acceptations En imaginant que la vie est une tâche à accomplir, la tâche d’un homme serait son épanouissement, son bonheur. Or le bonheur n’est jamais acquis, même au seuil de la mort. Il y aura toujours des erreurs que l’on croyait pouvoir rattraper. Il faudrait parler d’accepter l’inachevé, donc. Se rendre compte de sa finitude, et faire le deuil de ce qui ne sera certainement jamais achevé. Le « complexe d’infériorité » a été inventé par Adler27. Il pensait que la volonté de puissance qui pousse l’homme à s’affirmer à lui-même, à entrer en compétition ou à lutter contre les obstacles est comme un instinct pour l’homme. S’il se sent inférieur dans un domaine, il peut soit réagir par l’exaltation despotique de son instinct de puissance, soit par le refoulement de son instinct dans l’inconscient. Le complexe d’infériorité est ce refoulement. Ainsi, celui qui refuse de prendre sa retraite et qui veut être obéi, respecté notamment par les plus jeunes, doit accepter consciemment son infériorité dans certains domaines comme celui du commandement ou de l’autorité. Il aura sinon tendance à compenser par une vanité déplaisante. Il faudrait qu’il sublime son instinct de puissance en prenant conscience de ses qualités réelles et il pourra alors diriger son instinct de puissance sur d’autres objectifs où ces qualités le serviront et lui apporteront d’autres succès28. Celui qui se replie dans l’apathie et l’indifférence a refoulé son instinct de puissance. Faute de pouvoir l’appliquer comme il le faisait dans sa vie active, il ne s’intéresse plus à rien. Il ne lui reste que le regret et l’amertume. Pour arriver à sublimer son instinct de puissance, il faut réussir ce déplacement de la pulsion instinctive d’un objet sur un autre objet. Le monde est pourtant passionnant, même lorsque l’on n’y joue pas un rôle dominant. Il faudrait réussir à ne pas rester fixé sur son passé, parce que cela prive d’un renouvellement, d’un nouveau départ. 27 28 ADLER Alfred, 1870-1937 TOURNIER Paul. Op. cit. p. 237 20 Vieillir : deuils et acceptations 3.2. Et si on n’accepte pas ? Refuser de vieillir serait fuir la réalité. Et quand on ne choisit pas la vérité, on est en désaccord avec soi-même. Lorsqu’il y a discordance entre ce que l’individu affecte d’être et ce qu’il est, cela provoque un malaise. Il y a souvent deux mouvements : une révolte contre ce qui affecte la personne, d’abord, qui est naturelle, spontanée et même nécessaire. Puis parfois dans un deuxième temps un mouvement d’acceptation, une sorte de réconciliation avec soi-même29. Tournier le sait, et il le dit : la vieillesse est dure, Il faut accepter ce pourrissement du dialogue qui se rétrécit à des phrases banales, optimistes, insignifiantes30. Mais justement, il faut le dire et le savoir, parce que c’est justement une de ces réalités qu’il faut regarder en face. Accepter ne veut pas non plus dire cesser de lutter. Mais l’éventuel combat que l’on pourrait mener contre le déclin, la mort ou le temps serait un combat contre les « lois de la Nature » et n’apporterait que des souffrances supplémentaires. C’est pourtant ce que certaines personnes essayent de faire ; elles essaient de tromper le temps et la mort en se cachant derrière un visage lifté. Le temps n’est pas une réalité quantifiable, parler du temps qui passe plutôt que de l’homme qui passe, c’est renvoyer la finitude hors de soimême31. C’est nier le vieillissement. 29 Ibid. p. 219 Ibid. 219 31 REBOUL Héléne, op. cit. p. 18 30 21 Vieillir : deuils et acceptations 22 3.3. Les autres aussi doivent accepter Il n’y a pas que sa propre vieillesse à accepter, il y a celle des autres. Catherine Vincent32 le dit de manière très sensée : Accepter qu’un être humain ne se réduise pas à une unique « raison », et moins chercher parfois à le stimuler et à le « rééduquer » qu’à l’accompagner en écoutant ses désirs –y compris lorsqu’on ne les comprend pas […]. Admettre qu’une personne atteinte de maladie Alzheimer est expressive et vivante à sa manière, c’est aussi parvenir, même lorsque la parole n’est plus, à l’aimer autrement. 32 VINCENT Catherine, Le Monde , Aujourd’hui Psychologie, Maladie d’Alzheimer : comment en parler, 22 Septembre 2004, p.26, citée par PINOCHE-LEGOUY Anne, Le souci de la dignité. L’appel silencieux des aînés dépendants, Paris : L’Harmattan, 2007. p. 94 Vieillir : deuils et acceptations Conclusion Dans la première partie de ce travail, nous avons vu que définir la vieillesse est un travail complexe car cela concerne beaucoup de domaines et cette expérience de vie est personnelle à chacun. On devrait considérer le vieillissement social et psychique autant que le vieillissement biologique, sans forcément parler d’âge ou d’apparence. Cependant, étant donné que les organes s’usent avec le temps, le vieillissement est inévitable, et même normal. C’est inscrit dans le processus vital. Les changements qui surviennent tout au long du vieillissement et qui d’ailleurs définissent la personne âgée comme telle ont été présentés dans la deuxième partie sous forme de deuils et de pertes. Tous ces deuils mènent à une modification, voire à une restriction des liens sociaux. En effet, la perte d’un proche ou le départ en retraite fragilisent le cercle amical tout comme l’éloignement des enfants, et les souffrances physiques réduisent la mobilité et l’envie de rencontrer des gens. Or c’est justement cette restriction qui peut entraîner isolement et solitude. De plus, lorsque surviennent ces deuils, contrairement à l’adolescent qui lui aussi doit surmonter certains pertes alors qu’il quitte l’enfance, la personne âgée est fragile et souvent seule. La manière dont elle réagira dépend de sa personnalité, de sa manière d’être, et de son mode de vie. Nous avons aussi vu que la société et les images de la perfection qu’elle véhicule jouent un rôle très important dans le fait et la peur de devenir vieux. Notre perfection à nous rime avec jeunesse, richesse, pouvoir, autonomie et beauté, et se retrouver exclu de cette perfection entraîne un éloignement avec le monde extérieur. Si c’est l’appellation de « deuil » que j’ai choisie, c’est parce que c’est un travail de deuil qui permet l’acceptation. Pour la personne vieillissante comme pour l’adolescent, le corps se modifie et la perception de soi en est troublée. Tout le travail pour se retrouver une identité, une place, c’est un travail de deuil. 23 Vieillir : deuils et acceptations Lors du choix de mon sujet, je ne pensais pas que tous ces deuils avaient un tel impact sur le vieillissement. C’est effectivement la perte de rôles qui indique que le sujet vieillit et qui, indirectement, entraîne isolement et parfois solitude. Les personnes vieillissantes voient disparaître tout ce qui faisait leur vie, qui créait leur identité. Ce sujet est passionnant car la vieillesse correspond à la fin de la vie, à une sorte de conclusion de l’existence, et ce que l’on voit de la vieillesse autour de nous, ou ce que l’on croit en voir n’est que déclin et attente de la mort. Mais en l’étudiant et en se familiarisant avec la vieillesse, on se rend compte qu’elle pourrait être différente, qu’elle dépend de beaucoup de choses, et notamment de l’image que l’on a d’elle. Cette vision d’une vieillesse triste et seule pourrait être différente. L’usure du corps et les souffrances corporelles ne sont certainement pas évitables, mais le gouffre entre le vieillard et le reste du monde pourrait ne pas exister. Cette solitude qui frappe certains personnes âgées était d’ailleurs peut-être déjà présente dans leurs vies actives mais cachée sous une vie sociale et professionnelle bien remplie qui leur faisait illusion. Pour terminer ce travail, j’aimerais clarifier le parallèle souvent insinué entre jeunesse et vieillesse. Un jeune et un vieux sont effectivement dans le même genre d’idées car ils subissent une redéfinition de leur identité due aux changements qui les affectent et aux questions qu’ils se posent. Les questions sans réponses qu’un jeune se pose sur le sens des choses et de la vie réapparaît chez le vieillard après une période d’activité où il a été pris dans l’engrenage de la vie professionnelle, de la famille, de ses succès et de ses échecs. Le jeune n’aime pas que l’on lui fasse la morale car en tant que nouvelle génération, son rôle est de créer de nouvelles idées, pas de les copier. Mais une mise en commun de leurs questions et de leurs éventuelles réponses pourrait être profitable pour chacune des parties. 24 Vieillir : deuils et acceptations Bibliographie ASSOUN Paul-Laurent. Comment accepter de vieillir ?, Paris : Les Ed. de l'Atelier / Les Ed. 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