Rayonnement ultraviolet : effets biologiques

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Rayonnement ultraviolet : effets biologiques
Le soleil et la peau de l’enfant
Rayonnement ultraviolet
Ann Dermatol Venereol
2007;134:4S9-4S11
Rayonnement ultraviolet : effets biologiques
C. BÉDANE (1), R. ROELANDTS (2)
Qu’est-ce que le rayonnement ultraviolet ?
Tout le monde est exposé au rayonnement ultraviolet (UV)
solaire et un nombre croissant de gens sont exposés à des
sources artificielles de rayonnement utilisées dans l’industrie, le commerce et les loisirs. Le soleil émet de la lumière
visible, de la chaleur et des rayons UV. La région du spectre
couverte par le rayonnement UV correspond aux longueurs
d’onde comprises entre 100 et 400 nm et est divisée en trois
bandes :
– les UVA (315-400 nm) ;
– les UVB (280-315 nm) ;
– les UVC (100-280 nm).
Lorsqu’ils traversent l’atmosphère, l’ensemble des UVC et
près de 90 % des UVB sont absorbés par l’ozone, la
vapeur d’eau, l’oxygène et le dioxyde de carbone. Les
UVA sont moins absorbés par l’atmosphère. Par conséquent, le rayonnement UV atteignant la surface de la
Terre est en grande partie composé d’UVA, auxquels
s’ajoutent une petite fraction d’UVB. La plus grande partie du rayonnement solaire atteint la surface de la Terre
après qu’environ un tiers ait été absorbé ou réfléchi par
l’atmosphère. Cinq pour cent de ce rayonnement résiduel
est composé d’ultraviolets qui sont responsables de plus
de 95 % des effets biologiques. Le spectre UV s’étend
entre des longueurs d’onde de 200 à 400 nm (fig. 1 et 2).
La couche d’ozone de l’atmosphère qui est située à une
altitude variant entre 10 et 50 kilomètres arrête les longueurs d’onde les plus courtes jusqu’à 290 nm qui correspond au rayonnement le plus toxique et en particulier
à l’UVC (200-280 nm).
Le rayonnement UV dépend de plusieurs facteurs
environnementaux [1]
Hauteur du soleil – plus le soleil est haut dans le ciel plus le
rayonnement UV est important. Ainsi, ce dernier montre
des variations au cours de la journée et au cours de l’année,
son niveau maximal étant atteint lorsque le soleil est à son
zénith, soit au milieu de la journée (midi solaire) pendant
les mois d’été.
Latitude – plus on se rapproche de l’équateur, plus le
rayonnement UV est intense.
(1) Dermatologie, Hopital Dupuytren, 2, Av Martin Luther King, 87042 Limoges
(2) Service de Photodermatologie, CHU St Raphaël, Kapucijnenvoer 33 B-3000
Leuven, Belgique.
Correspondance : [email protected]
Fig. 1. Spectre solaire.
Spectre Naturel
290 nm
UVC
Ozone
320 nm
UVB
400 nm
UVA
Verre de vitre
1000 nm
Visible
Œil
Infra rouge
Œil
Fig. 2. Spectre naturel.
Nébulosité – le rayonnement UV atteint son intensité
maximale lorsque le ciel est limpide, mais même avec une
couverture nuageuse, son intensité peut être élevée du fait
de sa dispersion par les molécules d’eau en fines particules
en suspension dans l’atmosphère.
Altitude – À haute altitude la couche d’atmosphère, plus
fine, filtre moins les UV. L’intensité de ces derniers augmente de 10 à 12 % tous les 1 000 mètres d'altitude.
Ozone – l’ozone absorbe une partie du rayonnement UV,
qui autrement atteindrait la surface de la Terre. La concentration de l’ozone varie au cours de l’année et même au
cours de la journée.
Réverbération au sol – le rayonnement UV est plus ou
moins réfléchi ou dispersé en fonction de la surface sur
laquelle il arrive ; par exemple, la neige peut réfléchir jusqu’à
80 % du rayonnement UV, une plage de sable sec environ
15 % et l’écume des vagues environ 25 % (fig. 3).
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C. BÉDANE, ET AL.
Quels sont les effets biologiques du rayonnement
UV ?
Les effets biologiques du soleil sont pour une part bénéfiques et associent la synthèse de vitamine D, des effets antiinfectieux vis-à-vis de germes pathogènes, et des effets thérapeutiques dans certaines maladies comme le psoriasis (fig. 4).
IL EXISTE DES MÉCANISMES DE DÉFENSE VIS-À-VIS DES EFFETS
NÉFASTES DU SOLEIL [2] :
L’érythème solaire est en grande partie induit par les UVB il
apparaît après 16 heures pour être maximal après 24 heures.
Le type de peau influence l’érythème solaire et la dose érythémale minimale (DEM) augmente d’un phototype I à IV.
Il existe également une capacité progressive d’adaptation de
la peau qui explique que la sensibilité solaire est plus grande au
printemps qu’à l’automne.
Le bronzage est induit majoritairement par les UVA. Il
existe une pigmentation immédiate qui apparaît dans les
minutes suivant l’irradiation UV liée à un phénomène d’oxydation des mélanines. La pigmentation prolongée apparaît
maximale vers le dixième jour.
L’augmentation d’épaisseur de la peau avec la répétition
des expositions solaires est également un mécanisme de
défense.
Anti infecti eux
Vit amine D
Thérape utique
PhotoVieillissement
Eryt hème
Bronzage
hyperp lasie
Fig. 3. Facteurs environnementaux.
Immunosuppression
Dommages ADN
Destruction progressive de la couche d’ozone et
effets des UV sur la santé
Proliferation cellulaire
La destruction progressive de la couche d’ozone va probablement aggraver les effets de l’exposition aux UV sur
la santé. Au fur et à mesure que cette couche d’ozone
s’amincit, le filtre protecteur que constitue l’atmosphère
perd progressivement de son efficacité. En conséquence,
l’homme et l’environnement sont exposés à une plus
forte intensité de rayonnement UV, et surtout d'UVB qui
ont les répercussions les plus importantes sur la santé de
l’homme, sur les animaux, les organismes marins et les
végétaux.
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Mutations génétiques
Carcinogénèse
Fig. 4. Effets biologiques du soleil.
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AUTRES EFFETS DÉLÉTÈRES DU RAYONNEMENT SOLAIRE (FIG. 5)
Les effets biologiques du rayonnement solaire au niveau de
la peau sont donc liés aux plus grandes longueurs d’onde
UVB (290-320 nm) et UVA (320-400 nm). La profondeur de
pénétration dans la peau est proportionnelle à la longueur
d’onde ce qui explique que 85 % de l’UVB est arrêté par l’épiderme alors que 50 % de l’UVA atteint le derme [3].
Le photovieillissement
Il est directement corrélé à la quantité d’UV reçue au cours
de la vie. Le soleil est responsable de plus de 80 % des altérations cutanées dermo-épidermiques visibles cliniquement
et histologiquement et qui réalisent le photovieillissement.
Les dommages photo-induits réalisent des rides profondes
associées à des hyper- et hypopigmentations irrégulières
correspondant à la peau rhomboidale. Le rôle des UV dans
le vieillissement est désormais bien établi. Les UVB arrêtés
majoritairement dans l’épiderme sont responsables de l’apparition de dimères de cyclopyrimidine et de thymine ainsi
que de photoproduits et sont directement inducteurs de
tumeurs par le biais de mutations de gènes. Les UVA qui
pénètrent profondément dans le derme provoquent également l’apparition de dimères de thymine et surtout induisent la production d’espèces réactives de l’oxygène particulièrement délétères pour les tissus. Les nombreux
mécanismes de réparation qui existent sont progressivement débordés car les doses subérythémales d’UVA induisent un stress oxydatif et des dommages chroniques de
l’ADN nucléaire et mitochondrial accélérant ainsi le processus physiologique de sénescence cellulaire et la survenue de
mutations génératrices de cancers par le biais d’inhibition
des mécanismes de phosphorylation oxydatifs qui autoentretiennent le stress oxydatif. L’exposition répétée à de
faibles doses d’UVA longs (340-400 nm) induit la synthèse
de métalloproteinases mmP-1,2,3 et 9 qui ont la capacité de
dégrader le collagène dermique. Le stress oxydatif induit
également la synthèse d’ARN messager codant pour l’élastine dans les fibroblastes dermiques. La peroxydation lipidique induite par les UVA est responsable d’altérations des
membranes cellulaires. La mélanogénèse responsable de
l’hyperpigmentation est stimulée par les altérations de
l’ADN, et il a été montré récemment une augmentation de
l’endothéline et de ses récepteurs dans des lentigos solaires.
Cancérogénèse cutanée
Il est maintenant établi que les cancers cutanés non mélaniques sont associés au rayonnement UV. Les effets aigus de
l’exposition UV sont des dommages de l’ADN et une peroxydation lipidique. Les UVB vont former des dimères de
pyrimidine et des 6-4 photoproduits alors que les UVA vont
Fig. 5. Effets biologiques des UV au niveau de la peau.
également agir sur l’ADN par les biais de la production d’espèces réactives de l’oxygène, anion superoxyde, oxygène singulet et peroxydes qui sont des molécules très agressives
pour les bases puriques qui constituent l’ADN. La protéine
p53 régule et normalise le cycle cellulaire en induisant
l’apoptose des cellules qui présentent des lésions sévères de
leur ADN. Ces cellules sont remplacées par des cellules
hyperprolifératives d’où la survenue d’une hyperplasie épidermique. Des clones tumoraux peuvent ainsi apparaître. Si
la majorité des mutations p53 sont induites par les UVB, un
travail expérimental récent suggère que les UVA pourraient
également être responsables de mutations. Tout ceci confirme que les UVB ne sont pas seuls responsables de la photocarcinogénèse. On voit donc qu’une prévention efficace des
effets des UV sur la carcinogénèse mais aussi sur le vieillissement cutané passe par une photoprotection efficace. Au
delà de la protection vestimentaire qui reste irremplaçable,
l’utilisation de filtres et écrans à spectre étendu dans l’UVA
peut limiter la photocarcinogénèse à la condition de les utiliser très précisément en terme de temps d’application, de
fréquence de renouvellement et de quantité appliquée [4].
Références
1. Effets du rayonnement UV sur la santé. OMS, 2006.
2. Roelandts R. Biological effects of UV radiations. Retinoids today and
tomorrow 1992;28:31-33.
3. Diffey BL. Human exposure to UV radiation . In : Photodermatology JM
Hawk Ed. London Arnold, 1999.
4. Bédane C. Erythème UV induit. In : Rayonnement UV et peau. F Aubin
Ed. Paris John Libbey, 2001.
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