Pendant zazen concentrez-vous à ne pas bouger. Revenez à

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Pendant zazen concentrez-vous à ne pas bouger. Revenez à
Claude é mon Cannizzo
Dojo de Mulhouse mercredi 7 novembre 2007
Pendant zazen concentrez-vous à ne pas bouger. Revenez à chaque fois aux aspects fondamentaux
de la posture, de la pratique de zazen : observez la posture, observez la respiration et observez le
laisser-passer les pensées. C'est la chose la plus importante dans la pratique de zazen. Obervez à
partir d'où se produisent les mouvements, à partir de quel moment vous perdez le contact avec votre
respiration, à partir de quel moment vous êtes déjà dans l'entretien de vos pensées et observez
l'interaction de tous ces phénomènes : la pensée engendre le mouvement, le mouvement influence la
respiration. Alors, revenez automatiquement à la concentration, à l'attention sur ces trois points. De
cette manière-là vous affinez l'observation, la concentration et vous serez de moins en moins soumis
à jouer le jeu de l'inattention. Ces trois points ne sont pas seulement valables en eux-mêmes : ils
sont fondamentaux pour élargir la conscience. Élargir sa conscience n'a rien à voir avec une idée
ordinaire de la religion. C'est d'ailleurs pour cela qu'on ne peut pas enfermer le zen dans une
religion, quelle qu'elle soit (dans l'absolu même pas dans le bouddhisme). Dans le Chant des
patriarches, d'ailleurs, il y a un certain nombre de bouddhas avant Shakyamuni Bouddha, qui est à
l'origine du bouddhisme : on comprendra bien qu'être bouddha est au-delà du bouddhisme. Et
pratiquer zazen, c'est favoriser en nous la possibilité de devenir bouddha, de réaliser bouddha - et
cela au-dessus, au-delà de toute croyance religieuse. Parfois les gens qui sont, ou qui viennent, dans
le zen ont peur comme si on voulait les convaincre de ne plus croire en leur croyance. C'est
dommage : le zen n'est rien d'autre que se trouver soi-même. Se trouver soi-même n'est rien d'autre
que devenir un avec dieu, quel qu'il soit. D'ailleurs maître Deshimaru intervenait souvent dans les
monastères, les abbayes pour faire des conférences sur le zen. Ceux d'entre vous qui vont à
Maredsous savent que le père Jean-Samuel vient pratiquer zazen régulièrement le soir : ça ne
l'empêche en rien d'avoir la foi en Dieu et en ses convictions religieuses. Il est important de ne pas
créer d'opposition partant de la pratique du zen : le zen ne s'oppose à rien. Dans le zen, on
n'apprend pas aux gens ce qu'ils doivent penser mais comment penser, comment avoir la pensée
juste, comment trouver cette pensée juste. Et comme le dit Kôdô Sawaki : « Pratiquer zazen c'est
devenir entièrement ce que nous sommes. » C'est pas plus compliqué que cela. Car si nous devenons
exactement ce que nous sommes, naturellement notre nature de bouddha se manifeste. Et
comprenez bien : si nous devenons ce que nous sommes. Ne pas confondre avec devenir ou être ce
que nous croyons être - et c'est en cela qu'il faut bien comprendre notre esprit à travers
l'observation, la pratique de zazen. Alors, lorsque votre démarche est de venir au dojo, ou à une
sesshin, donnez-vous ce cadeau d'aller à votre rencontre. Embrassez complètement la voie du zen,
sans y greffer vos illusions, sans choisir ce qui vous convient et rejeter ce qui ne vous convient pas.
Ce serait profondément dommage car là encore l'ego ordinaire aurait gagné. L'ego dont nous
parlons, c'est cette partie ignorée de nous-mêmes. Trouver cette partie ignorée, c'est ne pas suivre ce
qu'elle a fabriqué en nous. C'est en cela que le zen c'est véritablement la voie du milieu, celle qui ne
rejette rien mais qui comprend les deux visions - et de fait, ramène à une seule : celle du milieu,
embrassant tous les contraires.
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Claude é mon Cannizzo
Dojo de Mulhouse mercredi 14 novembre 2007
Pendant zazen ne vous enfermez pas dans vos ruminations. Revenez sans relâche à la posture et à
la respiration. Pratiquer zazen, c'est apprendre à dépasser le regard ordinaire que nous avons sur la
vie, ce regard teinté d'ignorance qui est celui de l'être ordinaire. L'ignorance est comme un voile
devant les yeux, un brouillard épais, un ciel encombré de nuages. Sortir de cette ignorance, c'est
déchirer le voile; c'est trouver le véritable regard, ce regard qui voit même les choses inconcevables
que le regard ordinaire ne peut pas comprendre. Développer les 5 pouvoirs dont parle Bouddha : la
foi, l'énergie, la persevérance, la concentration et la sagesse. La foi, c'est accepter complètement le
dharma, accepter complètement l'enseignement, faire complètement confiance à l'homme qui est
devenu bouddha, qui donc a connu l'état d'homme. Son enseignement a été donné pour que l'homme
puisse comprendre, faire la même expérience que lui. L'énergie, c'est utiliser complètement cette
force universelle qui nous permet de réaliser cette foi. La persévérance, ça va de soi : ce n'est pas en
bricolant de temps en temps que l'on va pouvoir réaliser l'expérience de Bouddha. La concentration,
c'est être complètement là, présent à la pratique mais également avoir la même concentration dans
notre vie quotidienne, pour les choses ordinaires. Bien comprendre qu'il n'y a pas de séparation
entre la vie d'un être ordinaire et d'un éveillé. Et enfin la sagesse. La sagesse c'est l'expression,
dans la vie quotidienne, de l'enseignement du bouddha, la manifestation dans l'action - ou la nonaction. Il me semble très important de dire de ne pas se tromper sur l'engagement dans la pratique
de zazen. Je ne parle pas là de quantité, de nombre de sesshin mais d'être vigilant à ce que chaque
zazen soit complètement l'expression de zazen, ne pas se tromper sur sa propre détermination vis-àvis de la pratique de zazen.
Tous les jours il m'arrive de me dire "je ne suis pas un bon moine" car tous les jours des erreurs sont
commises. On se rend compte, on se dit qu'on ne le fera plus - et on le refait : c'est complètement
stupide. Roland l'a bien expliqué à la dernière sesshin, à Maredsous, par rapport à une question sur
le karma : le karma ne se fabrique pas au travers des comportements inconscients, des
comportements d'ignorants. Mais dès lors que l'on connaît et agit malgré la connaissance, alors le
karma est enclenché. Bien sûr ne pas voir ça comme étant une punition céleste mais véritablement
quelque chose qui émane de notre propre responsabilité ; alors être un bon moine ou un mauvais
moine n'a aucun sens, il faut simplement agir, avec le dharma comme référence. C'est pas le kesa
qui nous empêchera de faire des erreurs. Bouddha l'a exprimé en disant : « Même si vous revêtez la
robe de moine, vous n'êtes pas exempts de faire des erreurs .» Donc véritablement déchirez ce voile
de l'ignorance en se concentrant avec foi, énergie, persévérance et trouvez ainsi la sagesse. Cela est
très important.
Et pour comprendre et réaliser cela, il faut asseoir le corps et l'esprit.
Claude é mon Cannizzo
Dojo de Mulhouse samedi 17 novembre 2007
Dans la posture de zazen, restez détendus s'il vous plaît. C'est-à-dire ne vous figez pas dans la
posture : lâcher des épaules, bascule du bassin... tout en étirant la nuque, détendez-là... la posture
bouge naturellement et c'est très bien comme ça, n'essayez pas de la figer comme si vous vouliez
ressembler à la statue sur l'autel.
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Pendant zazen, évitez d'attendre quoi que ce soit. N'observez pas votre posture pleins de projections
d'un devenir. Un être humain observe toujours les choses à travers ses émotions, ses sentiments ; il
observe la lune, la trouve belle, pas belle : essayez d'observer la lune comme si c'était la lune qui
vous observait ; elle ne s'occupe pas de savoir si vous êtes bien, pas bien, beau, pas beau, juste, pas
juste, il n'y a que l'être humain qui se crée ses propres souffrances en observant de cette manière.
Tous les conflits sur cette terre naissent de cette façon d'être. N'attendez rien : pas d'attente, pas de
désir, pas de souffrance. Observer cela, c'est commencer à travailler sur le chemin de la nonsouffrance. C'est comme la parole, comme disait ce maître soufi: « Si ce que tu as à dire n'est pas
plus important que le silence, tais-toi. »
Claude é mon Cannizzo
Dojo de Mulhouse mercredi 21 novembre 2007
A Kyoto, dans un vieux temple zen, il y a une peinture qui représente une chaîne formée par des
singes dont le premier est accroché à la branche et le dernier cherche à attraper le reflet de la lune
dans l'eau. Bien souvent dans notre vie, c'est pareil. Nous cherchons à attraper des choses qui ne
sont que des leurres, qui ne sont que l'imagerie de nos illusions. Nous projettons des choses en
fonction de nos désirs et parfois ou même souvent, comme vous en avez déjà tous fait l'expérience,
ça n'aboutit pas. C'est ce qu'on appelle alors une désillusion : on se rend compte que c'était notre
propre fabrication mentale qui avait projeté quelque chose d'irréalisable, d'inexistant. Lorsqu'on
pratique la voie du zen, cela ne nous empêche pas forcément d'avoir des illusions. La différence
réside peut-être en cela que, si ça ne se réalise pas, nous ne sommes pas dans la désillusion et la
souffrance. Souvent dans notre vie on s'appuie : on s'appuie sur quelqu'un, sur l'argent, sur le
pouvoir et on n'arrive plus de fait à vivre sans appui. Pratiquer zazen c'est apprendre à vivre sans
appui. Ne pas attendre quoi que ce soit de qui que ce soit. Bien sûr, ne pas vivre dans une
indépendance égoïste mais être totalement responsables de ce que nous sommes : ce que je fais, ce
que je dis, ce que je pense - complètement responsable. Être responsable sans se bercer d'illusions,
telle est la voie du zen, tel est l'enseignement du bouddha. Ça veut dire regarder dans la bonne
direction. Pour revenir sur cette histoire lune : il est plus imporant de regarder la lune directement
et se rendre compte qu'on ne peut pas la saisir, qu'elle n'est pas à saisir. Et pour revenir sur la
responsabilité individuelle, sur l'unicité de chaque être : dans un couple, même si les deux
personnes sont très intimes, elles ne font pas les mêmes rêves. Il n'y a que notre mental qui
s'accroche à des phénomènes et ce faisant croit être à travers ces phénomènes, par ces phénomènes ce qu'on appelle basiquement l'ego. Mais dans l'absolu, tout est illusion. La vie, complètement, est
illusion. Nous ne maîtrisons rien. Et si là encore l'illusion vous berce, alors décidez maintenant dès
à présent de ne jamais mourir... si vous le pouvez, alors je me suis trompé.
Si nous arrivons à être complètement dans cet état de mushotoku, c'est-à-dire à isoler l'action d'un
devenir, à ce moment-là la réalité du présent, au-delà de l'illusion, se manifeste et la véritable vie
est. Elle n'existe qu'à ce moment-là, c'est-à-dire celui-ci maintenant qui vient d'ailleurs déjà de
passer. Se libérer complètement d'un devenir, ou d'un avoir-été, c'est vivre complètement l'instant
présent, sans essayer d'attraper ni le reflet de la lune, ni votre image dans le miroir, ni vous
appuyer sur qui que ce soit Appuyez-vous sur vos propres genoux pour étirer la colonne vertébrale
et pousser le ciel avec le sommet de la tête - c'est tout. Respirez profondément.
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Claude é mon Cannizzo
Dojo de Mulhouse samedi 24 novembre 2007
Pratiquer zazen, c'est apprendre à développer une plus grande conscience de soi. c'est-à-dire ne pas
limiter l'être à être ce qu'il croit être. Pratiquer zazen n'a rien à voir avec une croyance, pratiquer
zazen, c'est l'expérience. Comprendre par soi-même. C'est en cela qu'il est important de ne pas
stagner pendant zazen avec l'esprit ordinaire, cet esprit qui justement s'assoit sur un acquis, qu'il
soit d'origine culturelle, religieuse ou sociale. Trouver en soi sa véritable nature, celle qui est en
dehors de la croyance. Il ne s'agit bien sûr pas de partir en guerre contre, mais d"apprendre à
composer avec : ne pas être dans ce conflit duel entre le "je veux" ou le "je veux pas". Et dans
l'absolu, pour voir les opposés, il faut trouver le centre. Se poser dans le centre, dans son propre
centre. Pratiquer à partir de son centre, c'est la chose la plus importante que nous ayons à faire ;
c'est-à-dire s'asseoir, laisser le flot du quotidien se poser comme le trouble de l'eau boueuse, lorsque
le verre est posé, se dépose sur le fond et rend l'eau transparente ; pratiquer zazen c'est pratiquer
cela : déposer tout le brouillard dans lequel nous errons, ce brouillard de croyances, ce brouillard
d'ego qui nous fait aller dans toutes ses directions troubles, et retrouver la vision claire qui est celle
de l'être posé. Même si ce qui en ressort n'est pas forcément exprimable, pour éviter justement de
lui redonner une teinte de l'ego, il est important d'en faire l'expérience. À ce moment-là, le silence
devient plus important que la parole. Le seul outil que nous ayons, c'est notre corps. Même s'il est
dit dans le zen : shin jin datsu raku, c'est-à-dire rejeter corps et esprit, c'est quand même avec le
corps que l'on pratique. Simplement rejeter corps-esprit, ça veut dire ne pas s'attacher ni à l'un, ni à
l'autre. Mais pour pratiquer zazen, il faut un corps. Il est donc important de prendre conscience de
ce corps, comment l'esprit habite dans ce corps, comme ce corps influence l'esprit et comment
l'esprit influence le corps ; c'est pourquoi il est important de pratiquer zazen juste. Expérimentez ce
centre à partir duquel tout mouvement se manifeste, le centre est inerte mais pourtant déclenche
tout ce qui est mouvement, tout ce qui est pensée. Le cheminement de notre respiration, par le biais
d'une posture droite verticale, libère le centre dans ces différents points, du haut vers le bas : le
centre de l'émotion dans le haut du corps, le centre de la dispersion, dans le milieu du corps et le
centre de la stabilité, dans le bas du corps. Par la respiration, l'immobilité, ces centres sont stimulés
et révèle notre réalité, la conscience de nous-mêmes à travers tous les centres. Bien que ces
explications n'ont pas forcément d'intérêt pour le cheminement spirituel, il est important de
comprendre la relation entre le corps et l'esprit, entre l'esprit, le corps et l'absolu. Ce centre nous
l'avons dès la naissance, il n'est donc pas besoin de chercher quelque chose d'autre : juste revenir à
la conscience de ce centre, revenir à l'origine de notre être ; il n'y a là rien de particulier. Retrouver
sa condition normale en utilisant ce que la nature nous a donné pour le réaliser : il n'y a rien à
rajouter, ni à soustraire - juste être.
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