Versailles-jardins-r..

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Versailles-jardins-r..
Versailles, les jardins par Alain Baraton
Site connu dès le Xe siècle, l’emplacement où se situera le domaine de Versailles est un lieu assez marécageux. Louis XIII
vient avec son père, Henri IV y chasser. Inauguré le 9 mai 1624, Versailles devient quelques années plus tard, un petit
château-pavillon de chasse (un château de carte dira plus tard Saint Simon) avec un jardin de buis doté d’escaliers
menant à un bassin. Une longue allée de charmille mène au futur bassin d’Apollon. C’est bien sous Louis XIII qu’est
créée la perspective royale. La ville n’existe pas encore. La forme sera reprise par André Le Notre, augmentée et
magnifiée pour Louis XIV.
Le premier jardin est dû à Jacques Boyceau de la Barauderie (1560-1635). C’est un inventeur et un précurseur des jardins
à la Française. Intendant des jardins du roi, il crée des parterres et broderies. Responsable des jardins de Henri IV, de la
reine Marie de Médicis, puis du roi Louis XIII, il prend la direction des jardins de Fontainebleau, des châteaux des
Tuileries, du Luxembourg, de St Germain en Laye, du Louvre… on lui doit un traité du jardinage dans lequel il
recommande l’ordre et la symétrie, la contemplation depuis un lieu plus élevé en créant des terrasses…
Dans son Traité du jardinage, selon les raisons de la nature et de l’art paru en 1638 à Paris, il met en avant le rôle de
l’apprentissage du jardinier (un des plus nobles métiers selon Voltaire). On y lit dans la partie concernant les jardiniers :
« Un bon jardinier doit être universel en son art, tant pour faire les choses de sa main, que pour les faire faire aux autres
qu'il emploiera »
Il faudra prendre un jeune garçon, de bonne nature, de bon esprit, fils d'un bon travailleur....nous lui feront apprendre à
lire et à écrire, a pourtraire et desseigner, ...il faudra monter à la géométrie, pour les plans, mesures et alignements ».Cette
éducation sera complétée par l'apprentissage de l'architecture, de l'arithmétique « afin qu'il ne se trompe ou ne se laisse
tromper quand il fera besoin d'achats... » Boyceau dessine et développe les formes géométriques jouant sur les
proportions. Statues et fontaines viennent alors peupler la nature recomposée et maîtrisée.
Claude Mollet (1564-1649), premier jardinier du roi intervient à Fontainebleau, aux Tuileries et à Saint Germain où il
dessine certains des parterres en terrasses. En 1639, il chargé par Louis XIII du remaniement des jardins de Versailles à la
suite de Boyceau. Il participe alors à la création du parc.
Louis XIV s’installe à Versailles après le désastre de Vaux-le-Vicomte en juillet 1661. Louis XIV est ébloui et agacé par le
Surintendant des finances. Ce sera alors la chute de Fouquet qui finira ses jours à Pignerolles, aidé en cela par Colbert.
Seuls le Notre et La Fontaine s’enquerront de lui. Louis XIV prend beaucoup à Fouquet. Ses œuvres d’art, ses végétaux
exotiques et merveilleux et ses trois L : l’architecte Le Vau, le peintre Le Brun, le jardinier Le Notre. Il y aussi l’autre
jardinier agronome Le Quintinie.
Le Notre met en pratique les théories de Boyceau et Le Brun installe les statues. Le parc de Versailles est encore le
premier musée au monde de la statuaire et de la fontainerie de plein air.
Jean Baptiste de la Quintinie (1626-1688) fut avocat avant de se découvrir une passion pour les jardins et la botanique.
Pour certains, c’est le plus grand jardinier du XVIIe… Observateur, il note et prend en compte les progrès observés dans
la taille des arbres fruitiers, dans l’accoutumance de certaines espèces… (Instructions pour les jardins fruitier et potagers,
édité en 1690). Créateur du potager du roi, il est nommé en 1670 « directeur des jardins fruitiers et potagers de toutes le
maisons royales », charge créée spécialement pour lui. En 1678, il entreprend la création du nouveau potager du roi,
achevé en 1683 et que l’on peut encore voir. Ses relations avec André le Notre sont souvent tendues. Solitaire, il
transmet son savoir à ses élèves.
Ainsi sur la question de l’influence de la lune sur les cultures, il observe, note, date, teste la qualité et la quantité des
récoltes et compare… pour en tirer la conclusion « la lune… le prétexte des mauvais jardiniers ».
En tant que scientifique, il préconise la taille des arbres fruitiers de façon à pouvoir avoir le fruit à portée de main et
préconise aussi cette taille pour favoriser l’ensoleillement favorisant le murissement. Il crée les primeurs, la table de
Versailles aura tout au long de l’année des asperges servies. Il met en place des cultures de fruits exotiques, notamment
celles des figues. Il plante en pleine terre les orangers à Trianon grâce à un système de serres portatives. Ceci permet au
roi de montrer ses richesses à ses invités. Un signe de puissance.
André le Notre (1613-1700) étudie durant 6 ans dans atelier de Vouet. Il rachète la charge de son père jardinier, luimême fils de jardinier. Il devient le grand jardinier du roi à 24 ans en 1637. Très talentueux, et fortuné, il acquiert en
1657 la charge de « Conseiller du roi et contrôleur général des bâtiments du roi ». Il est anobli en 1675 (le roi lui fait
composer un blason dont il se moque disant qu’il a déjà « trois limaçons couronnées d’une pomme de chou avec une
bêche et un râteau »)
Pour lui « La nature n’est pas toujours bonne à imiter, il faut que le peintre la choisisse selon les règles de son art et s’il ne
la trouve pas telle qu’il la cherche, il faut qu’il corrige celle qui lui est présente... un habile peintre ne doit pas être esclave
de la nature ».
En 1664, Colbert le charge de l’embellissement des jardins de Tuileries. Il trace alors des perspectives dont celle des
Champs Elysées qui s’apparente étrangement à celle de Versailles. Il n’hésite pas à vendre ses conseils même à ses amis.
Ses relations avec Hardouin-Mansart sont assez compliquées, mais il se considère en amitié avec le roi (qui n’assistera
pas à son enterrement à St Roch). Durant son séjour en Italie, le roi fait construire le bosquet de la colonnade, détruisant
l’œuvre du jardinier.
L’épitaphe, dont l’auteur demeure inconnu, n’est pas sans mérite, car elle constitue l’un des plus anciens hommages
rendus à l’illustre jardinier : « Ici repose le corps d’ANDRE LE NOSTRE Chevalier de l’ordre de St. Michel, Conseiller du
Roi, Contrôleur général des Bâtiments de Sa Majesté, Arts et Manufactures de France, et préposé à l’embellissement des
Jardins de Versailles et autres Maisons Royales. La force et l’étendue de son génie le rendaient si singulier dans l’art du
jardinage, qu’on peut le regarder comme en ayant inventé les beautés principales et porté toutes les autres à leur dernière
perfection. Il répondit, en quelque sorte, par l’excellence de ses ouvrages, à la grandeur et à la magnificence du
Monarque qu’il a servi et dont il a été comblé de bienfaits. La FRANCE n’a pas seule profité de son industrie, tous les
Princes de l’Europe ont voulu avoir de ses élèves et il n’a point eu de concurrent qui lui fut comparable ».En 1689, il écrit
au duc de Portland et bien que citant tous les jardins d’exception qu’il a entrepris, il ne dit mot sur Versailles.
Lors de la création du jardin, Louis XIV, grand chasseur et tenant à la forêt qui entoure le domaine, fera parvenir pour
planter le jardin les plants des hêtres, charmes, et des glands par millier des forêts de Compiègne notamment.
La première orangerie fut édifiée par Le Vau. Trop petite, Hardouin-Mansart en édifie une seconde, avec une voute de
12 m de haute et une galerie de 150m de long. A l’origine, il s’agit d’y stocker les orangers de Vaux-le-Vicomte. On y
trouvera des grenadiers, des orangers et citronniers venant de Méditerranée.
Durant la Commune, elle servira de prison aux Parisiens qui seront exécutés à Satory.
Versailles, jardin de pouvoir. Un jardin à la Française, issue de la tradition Renaissance est un jardin où la nature est
contrôlée et asservie. Le jardinier est donc un architecte, alors que dans un jardin paysager, à l’anglaise, c’est un poète.
Le grand Trianon permet d’entreposer les espèces. C’est un jardin de fleurs. C’est en 1663, que Louis XIV achète les terres
de Trianon pour agrandir le parc de chasse hérité de son père. Trianon était alors un petit hameau de quelques maisons
autour d’une église. Tout le village de Trianon (dont l’étymologie serait 3 ânons) est rasé au moment de l’acquisition à
l’exception de l’église qui est démolie en 1668. Les jardins du Trianon de porcelaine ont été construits en même temps
que les édifices. C’est Michel Le Bouteux qui a été chargé de leur conception, il dessine les plans des deux parterres et
des bassins. Et avec La Quintinie, invente une méthode ingénieuse pour planter directement en terre des orangers
protégés l’hiver par une serre amovible. Les jardins du Trianon de Porcelaine étaient entièrement consacrés aux fleurs.
Jasmins d’Espagne, tubéreuses, jacinthes, narcisses de Constantinople enrichissaient les parterres. Les plus précieuses de
ces plantes étaient conservées à l’intérieur d’un pavillon nommé Pavillon des parfums.
Quand Louis XIV meurt en 1715, il enterre avec lui le jardin à la française. Un texte du marquis de Girardin, créateur du
jardin d’Ermenonville constate la rupture avec la conception classique du jardin français de façon des plus explicites:
« Le fameux Le Nôtre, qui fleurissoit au dernier siècle, acheva de massacrer la Nature en asujettisant tout au compas de
l'Architecte; il ne fallut pas d'autre esprit que celui de tirer des lignes, & d'étendre le long d'une règle, celle des croisées
du bâtiment; aussitôt la plantation suivit le cordeau de la froide simétrie (…), les arbres furent mutilés de toute manière
(…), la vue fut emprisonnée par de tristes massifs (…), aussitôt la porte la plus voisine pour sortir de ce triste lieu, fut-elle
bientôt le chemin le plus fréquenté» (p. IX-XI).» « Si la nature mutilée et circonscrite, est triste & ennuyeuse, la nature
vague & confuse n'offre qu'un pays insipide, & la nature difforme, n'est qu'un monstre » « Ce n'est donc ni en Architecte,
ni en Jardinier, c'est en Poëte & en Peintre, qu'il faut composer les paysages, afin d'intéresser tout à la fois, l'œil &
l'esprit». L'effet pittoresque et la nature ne peuvent avoir qu'un même principe: « que tout soit ensemble, et que tout soit
bien lié »
Les temps ont changé, on ne veut plus de dictature mais vivre agréablement et joyeusement. Trianon est créé par Louis
XV. C’est un lieu d’exception pour les savants (Jussieu). Claude Richard (1705-1784) est appelé en 1750 par Louis XV
pour créer le Jardin botanique du Petit Trianon. Avec le titre de jardinier-fleuriste, il créa un premier jardin potager, puis
un fleuriste, une orangerie et plusieurs serres chaudes ou sans feu. Il y crée donc un jardin d’espèces spécifiques liées à la
connaissance et à leurs effets. Il laisse, en 1782, sa charge à son fils qui devint le jardinier de la Reine.
Antoine Richard, son fils (1735-1807), élève de Bernard de Jussieu, est nommé son adjoint en 1767. En 1774, lorsque
Marie-Antoinette transforme le jardin potager en jardin anglais, les collections seront alors transférées au Jardin du Roi de
Paris par les soins de Claude et Antoine Richard. Jardinier de la reine, il met en place crée un jardin anglo-chinois. Lors
de la Révolution de 1789, il s’opposera au projet révolutionnaire de morceler le domaine pour le revendre. Il y plante
des légumes et des arbres fruitiers et permet au peuple de disposer d’une source d’alimentation. Il sauve le domaine !!!
Le jardin à l’Anglaise commence avec les théories de JJ Rousseau (qui reposera un temps à Ermenonville). On creuse des
lacs, des rivières, des grottes, on bâtit des petites constructions en ruines ou non, des cénotaphes…
La tempête de 1999 a permis de repenser le lieu qui avait perdu son architecture et de le réhabiliter grâce aux documents
existants : les plans, les factures, les descriptions, les inventaires des arbres étranges portant graines, des poèmes
décrivant les essences plantées.
Le domaine a connu une période d’abandon mais a retrouvé maintenant sa prestance : belvédère, temple de l’amour,
Hameau de la reine, moulin habitent à nouveau le jardin anglo-chinois dessiné au XVIIIe siècle.
Petites histoires versaillaises…A Versailles, on compte en 1686 plus de 58000 personnes y vivant : les ouvriers (36000) et
les soldats chargés de la sécurité de la famille royale et du lieu (22000). C’est alors un lieu interlope qui attire les
prostituées qui travaillent dans les bois. Après l’interdiction royale, elles vont se déplacer dans les hôtels particuliers,
mais vides, construits à Versailles Ville. Pour reconnaitre ces lieux de perditions, les fenêtres seront décorées de branches
de lauriers. Louis XIV interdit ces maisons closes et la prostitution (le châtiment étant le nez et les oreilles coupés). On
enlève les lauriers… « Nous n’irons plus aux bois, les lauriers sont coupés… » n’est donc pas une comptine
spécialement conçue pour les enfants… Après que Louis XIV se soit fait opérer d’une fistule anale en 1686, il passe
quelques jours en convalescence à St Cyr. La supérieure du couvent, madame de Brinon composera un poème mis en
musique par Lully… Grand Dieu sauve le Roi… ancêtre du God save the King.

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