Pourquoi sont-ils contre le désarmement ? », 1989
Transcription
Pourquoi sont-ils contre le désarmement ? », 1989
● 1) 2) 3) 4) Explication d'un document d'histoire : « Pourquoi sont-ils contre le désarmement ? », 1989 (Source : <http://www.internationalposter.com> RUL05319) Quel est le contexte du document ? Quels aspects de la puissance américaine sont ici mis en évidence ? Quels symboles sont choisis et pourquoi ? Exposez « l'impérialisme américain » vu du point de vue soviétique et critiquez cette vision. ● Correction : « Pourquoi sont-ils contre le désarmement ? » (1989) [CA v1.1] Note : cette correction va bien au-delà de ce qui était attendu d'un élève. 1) [~ 4 points] Cette affiche de propagande officielle soviétique, malgré sa date tardive (année de la fin du retrait de l'armée soviétique d'Afghanistan - 15 février 1989 – et de la chute du mur de Berlin - 9 novembre 1989), est représentative de la « Seconde guerre froide » (après la fin de la « Détente » en 1979) entre l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS) et les États-Unis. A la conception reaganienne sans nuance de l'URSS comme « l'empire du mal » (Evil Empire, 1983), répond ici la traditionnelle dénonciation soviétique de « l'impérialisme américain » dans ses aspects guerriers et économiques. L'impérialisme se définit, classiquement, comme le rapport de domination établi par une nation sur un ou plusieurs autres pays. Mais, ainsi que le montre son utilisation par Andreï Jdanov dans sa doctrine de 1947, l'impérialisme est, pour les Soviétiques, une forme extrême du capitalisme (Lénine, L'Impérialisme, stade suprême du capitalisme, rédigé en 1916 et publié en 1917). Cette vision est alors en décalage évident avec le nouveau cours de la politique étrangère menée par le secrétaire général du parti communiste d'Union soviétique Gorbatchev. En novembre 1989, le secrétaire à la Défense des Etats-Unis, déclare publiquement : « la probabilité d'un conflit total entre les États-Unis et l'Union soviétique - entre l'OTAN et le pacte de Varsovie - est probablement la plus basse depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale ». Cela démontre le caractère routinier et conformiste de la propagande soviétique, à l'image d'un système totalitaire bureaucratique paresseux et peu innovant ; mais aussi, la résistance idéologique des conservateurs de l'appareil du parti communiste à la « Reconstruction » (Perestroïka) et la « Transparence » (Glasnost) impulsées par Gorbatchev. Le texte du document fait référence au prétendu refus des États-Unis de désarmer. Les États-Unis ont, en effet, décidé le 28 novembre 1986 de ne pas ratifier le traité SALT II (limitant la croissance quantitative et qualitative des armes nucléaires stratégiques américaines et soviétiques) conclu à Vienne le 18 juin 1979. Le propagandiste fait, cependant, preuve d'une très sélective mémoire puisque le 8 décembre 1987 a été signé un « Traité [de désarmement] sur les Forces nucléaires intermédiaires » (TFNI) entre l'URSS et les États-Unis, ratifié respectivement les 27 et 28 mai 1988 et entré en vigueur en juin de la même année... Mais, il est vrai que l'URSS, épuisée par la « course aux armements » de haute-technologie imposée par le président des Etats-Unis Ronald Reagan, a absolument besoin de nouveaux accords de désarmement. 2) [~ 5 pts] Deux aspects objectifs sont mis en évidence dans ce photomontage : – la superpuissance militaire des États-Unis (il s'agit après tout d'une affiche de propagande sur le thème du désarmement). Ils sont une puissance nucléaire – (bombe A à fission en juillet 1945, bombe H à fusion en 1952), pourvue de milliers de missiles (2 120 ogives portées par des missiles balistiques intercontinentaux au milieu des années 1980) et de vecteurs diversifiés (sousmarins à propulsion nucléaire, bombardiers B52 et B1...) afin d'assurer « l'équilibre de la terreur », fondement de la dissuasion atomique ; mais également, de proportionner leur réplique, selon la doctrine de la « riposte graduée » (1962). Le Pentagone dispose aussi de puissantes forces conventionnelles représentées ici par un commando armé d'une mitrailleuse M60 (son recul rend d'ailleurs impossible, dans la réalité, son utilisation par un seul homme et sans appui !). Ces armées ont été renforcées sous les présidences de Ronald Reagan dans le cadre de la « course aux armements » avec l'URSS. Les États-Unis sont, enfin, à la tête d'un puissant réseau d'alliances militaires, notamment l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN), fondée en avril 1949 par le Traité de Washington et opposée au Pacte de Varsovie (14 mai 1955), groupant les « démocraties populaires » d'Europe orientale, ces régimes totalitaires communistes sous contrôle soviétique. les États-Unis première puissance économique mondiale. Ils produisent, à cette époque, à peu près le quart de la richesse mondiale. Leur devise, le dollar, est la monnaie de référence mondiale depuis les accords de Bretton-Woods en 1944 (il constitue plus de 60 % des réserves des banques centrales), dans laquelle est libellée la majeure partie des échanges mondiaux (y compris du pétrole... soviétique !). 3) (~ 5 pts) Les symboles retenus par le propagandiste soviétique sont le fruit d'un choix raisonné : • L'image centrale est celle d'un héros de cinéma américain (interprété par l'acteur Sylvester Stallone). Le film américain Rambo III est de 1988 et met en scène, de façon spectaculaire et manichéenne, la lutte contre l'occupation soviétique en Afghanistan. Il est caractéristique du renouveau de la menace soviétique dans les livres, films et séries américaines à succès du temps (Le Jour d'après en 1983 ; L'Aube rouge en 1984 ; Rambo II et Rocky IV en 1985 ; la mini-série Amerika en 1987...). Après avoir vu Rambo II, Reagan, lui même ancien acteur, aurait déclaré, en sortant de la salle de cinéma : « Si jamais l'Amérique a un problème, on saura qui appeler » ! Ayant circulé immédiatement en copies pirates doublées en russe, Rambo III est bien connu des élites soviétiques à cette date. • Les billets de $1 avec le portrait de George Washington, premier président des États-Unis (1789-1797), et l'image de la Bank of America (une des plus importantes banque privée de la planète 1), avec un policier en faction, symbolisent un capitalisme financier américain, dépeint par les communistes, pour des raisons idéologiques, comme spéculatif et policier. Le dollar est d'ailleurs bien connu des Soviétiques, qui, à cette date, en garnissent de plus en plus, illégalement, leurs portefeuilles, le rouble étant rongé par l'inflation... • Enfin, les trois missiles Pershing II, armes nucléaires tactiques de portée 1 A ne pas confondre avec la banque centrale : la Réserve Fédérale (FED). intermédiaire (1 800 km), sont un thème récurrent de la propagande de l'URSS apparu lors de la bataille des « Euromissiles » dans la première moitié des années 1980 (les Soviétiques essayant sans succès d'empêcher une riposte américaine à leurs SS-20). Il est d'ailleurs à noter, attestant de ce caractère routinier de la propagande soviétique déjà attesté, que suite au TFNI les Pershing II sont retirés du service en 1989 (le dernier en juillet)... 4) [~ 6 pts] L'idéologie marxiste-léniniste théorise un lien direct entre impérialisme et capitalisme. Du point de vue communiste, le pays de la libreentreprise est donc aussi une menace pour les autres (notamment l'URSS « encerclée » par les Occidentaux). Le (prétendu) asservissement aux États-Unis se fait par la force (militaire) mais aussi par la pression financière (le capital). L'affiche s'adressant aux Soviétiques a pour but de renforcer leur antiaméricanisme, leur anti-capitalisme (donc leur communisme) et leur nationalisme. Cette vision est critiquable : l'URSS consacre une proportion bien supérieure de ses ressources (15-20 % du revenu national contre ~ 5 % pour les Etats-Unis) à ses forces armées et mène une guerre, depuis 1979, en Afghanistan. La domination américaine sur l'Europe de l'Ouest est, par ailleurs, moins forte et plus bénéfique (par exemple, le plan Marshall d'aide économique de 1947) que celle de l'URSS sur les démocraties populaires d'Europe orientale. Surtout, inspirée par une idéologie marxiste matérialiste, cette vision ignore, par contre, l'influence culturelle américaine. Certains la considérent, pourtant, comme fondamentale pour la puissance des États-Unis (notion de Soft power). Après tout, le propagandiste soviétique, certainement membre du parti communiste, en est victime lui-même avec son utilisation d'un héros hollywoodien...