Dimanche des Rameaux C Frère Pierre Cette liturgie des Rameaux

Transcription

Dimanche des Rameaux C Frère Pierre Cette liturgie des Rameaux
Dimanche des Rameaux C
Frère Pierre
Isaïe 50,4-7 ; Psaume 21 ; Philippiens 2,6-11 , Luc 22,14-23,56
Dimanche 1er avril 2007
Magdala
Cette liturgie des Rameaux est déconcertante. Elle nous semble faite à l’envers ; nous
aimerions terminer la Passion en faisant une vraie procession, jubilante avec un Gloire à Dieu
qu’il nous faut maintenant «rentrer» jusqu’à la Vigile pascale.
En fait, la liturgie ne fait que rendre présent les événements historiques, tels qu’il se sont
déroulés, et nous mettons nos pas à la suite des disciples et de la foule. Il pourrait bien se faire
que les mêmes personnes, cette foule et nous-mêmes y soient mêlés, chantant et acclamant
dans un premier temps, puis, non pas vociférant et blasphémant, mais peut-être hésitants ou se
dérobant ! Quels sont ceux qui, en vérité, auront eu le courage d’aller jusqu’au bout ?
Versatilité, inconstance. N’est-ce pas ce que nous sommes ? Jésus, lui est toujours le-même,
le Tout-Amour. Amour donné, quand bien même trahi, toujours redonné.
Amour donné : Telle est la constance et la fermeté de l’amour «entêté» qui est le sien. Il ira
jusqu’au bout de l’amour. Le récit de la passion s’ouvre par ces paroles qui le révèlent : J’ai
ardemment désiré manger cette Pâque avant de souffrir. Ardent désir. Aussitôt, voici le don
du corps, c’est-à- dire de toute sa vie offerte en sacrifice : ce corps est «donné» et déjà «livré»
pour nous. Au terme, il sera exprimé dans le silence, sur la croix. Ce grand désir a été la trame
de toute sa vie. C’est aussi l’amour passionné du Père pour le monde, dès le commencement...
Il faut qu’il l’aime ce monde Comme il l’aime, ce monde, au point de donner son propre Fils,
son Unique, pour le sauver.
Mais l’Amour n’est pas aimé. Tout au long de la Passion, il sera même ignoré, bafoué, trahi,
travesti, blasphémé. Trahi par Judas, renié par Pierre, travesti, moqué par la soldatesque,
injurié par la foule, blasphémé jusque sur la croix par le malfaiteur. L’amour est cloué sur le
bois. Jean ajoutera qu’il est transpercé.
Cependant, même au cœur de ces défigurations, L’Amour est sans cesse redonné. Il ne
désespère jamais ; de même qu’il n’a jamais démissionné dans toute l’histoire d’Israël, quand
l’amour fidèle du Dieu-Époux était prostitué par son épouse infidèle, Israël. Dans la passion
de Jésus, les refus ne font pas échec à son amour à chaque fois renouvelé : à la double
annonce des trahisons de Judas et de Pierre, une bouée de sauvetage est jetée: Moi, j’ai prié
pour toi, dit-il à Pierre, afin que ta foi ne sombre pas. Toi donc, quand tu seras revenu,
affermis tes frères ; au sommeil coupable des apôtres au jardin des oliviers, Jésus persiste
dans la prière et par trois fois revient vers eux : Priez pour ne pas entrer en tentation. L’Ange
qui vient l’assister est promesse du Père de ne jamais l’abandonner, quand viendra l’Heure
cruciale. Aux questions d’Hérode, Jésus n’entre pas dans la polémique, il oppose son silence.
Il sera livré à leur bon plaisir, comme un jeu, une dérision ; «livré » : tout l’amour tient dans
ce mot, un amour incapable de se reprendre.
À chaque rencontre, Jésus opère des retournements qui sont des sollicitations pressantes à se
ressaisir, disons se convertir : il tourne son regard vers Pierre et Pierre en est retourné ; il se
retourne vers les saintes femmes qui se frappent la poitrine : Ne pleurez pas sur moi ! pleurez
sur vous-mêmes. Mais le retournement radical est dans la transformation qui s’opère déjà,
invisible, au fond des cœurs, et pour l’humanité tout entière : tandis qu’innocent il souffre
pour les coupables, que, sans commettre le mal, il se laisse juger comme un criminel, déjà,
dans sa mort même le péché est détruit et des fruits tangibles sont visibles à travers la passion
elle-même : le regard posé par Jésus sur Pierre dans la cour du Grand-Prêtre, lui arrache des
larmes ; le bon larron confesse sa faute et prie humblement Jésus de se souvenir de lui : il est
à l’instant même exaucé : Aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis ; le centurion païen
accède à la foi et rend gloire à Dieu : Sûrement, cet homme était un juste.
Des sept paroles prononcées par Jésus, la première et la dernière sont rapportées par Luc :
Pardon total, immense, pour les bourreaux, mais aussi pour tous les humains, de tous les
temps, pour nous-mêmes, pour moi, aujourd’hui : Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce
qu’ils font. La dernière parole, la septième, est un abandon total à la volonté du Père : Père,
entre tes mains, je remets mon esprit. Cette parole, nous dit Luc, est poussée dans un grand
cri, un cri de naissance, de notre propre naissance à la vie.
Au moment de l’ensevelissement, l’évangéliste note que c’était le vendredi et déjà brillaient
les lumières du sabbat. La nuit du monde n’est pas opacité décrétée, même si l’obscurité se
fait en plein midi. Le soleil s’est caché, il est vrai, mais les lueurs d’aurore percent les
ténèbres. La résurrection s’annonce. En mourant, il détruit notre péché, en ressuscitant, il nous
fait vivre et nous sanctifie. Gloire à toi, ô Dieu ! Amen.
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