La trace du réel ne serait-elle pas liée à l`expression d`une

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La trace du réel ne serait-elle pas liée à l`expression d`une
KazaK – 1 – la notation du réel – http://corner.as.corner.free.fr/kazak.html
La Rufiana - gesso patiné
Medardo Rosso- 1883
La trace du réel ne serait-elle pas liée
à l’expression d’une impression ?
L’artiste manifeste la perception de son Temps dans une œuvre qui prend son sens
quand elle vient transcrire subjectivement le réel duquel elle naît. Expressif est
définit dans le Robert comme ce “qui exprime bien ce que l’on veut faire entendre”,
soulignant cette relation entre la voix, le regard et ce que l’on nomme expressif.
Or la notion de notation du réel et l’expressivité me semblent intimement liés dans
les œuvres qui convoquent sincérité, simplicité et puissance pour relater un moment
précis. Cependant elles sont atemporelles, elles résistent au passage du Temps par
leur expressivité universelle. Tel Le Bernin et l’Extase de Sainte Thérèse, 1622, corps
s’évanouissant entre vie et mort, où Eros a envahi Sainte Thérèse, incarnation
sculpturale de la béatitude, magnifique hommage au réel des amoureuses ? Hyper
réalisme du sentiment. A l’opposé la beauté des Tanagra résulte de leur petitesse et
de la justesse d’exécution des artisans qui les modelaient, mais cela sans aucun
maniérisme.
« Vieille
nourrice
tenant
un
nourrisson »,
« joueuse
d’osselets », « pleureuse », titres donnés à ces statuettes en terre cuite, témoignent
de l’Histoire d’un quotidien.
A la jonction d’un quotidien et de l’hyperréalisme du sentiment, un état
d’introspection et de conscience advient, qu’il s’agisse de peinture, de sculpture, ou
de littérature. Balzac, Faulkner, Dostoïevski et George Orwell, certes de styles
différents, se rejoignent de par la subjectivité de leur expérience personnelle qui est
le fil conducteur de leur œuvre entière. Un constat : quand la trace du réel est mêlée
à une expression sans faille, mon corps et ma pensée s’agitent, et sont pareillement
bouleversés. Lorsque cela se passe, alors l’empreinte qu’a le réel, présente et
nécessaire, est néanmoins mélangée à un imaginaire propre à l’artiste ou à
l’écrivain. Ce tout donne naissance à une poétique, dont la présence n’anéantit ni la
véracité, ni l’indispensable de cette notation.
Or, en sculpture, celui-ci me semble être le plus probant lorsque l’artiste se
questionne sur le visage. Pour Les Désolés, Jean Carriès faisait venir dans son atelier
pendant quelques jours des « miséreux » pour modeler en grès leurs visages. Au
sein de cette série l’artiste parvint à restituer une subtilité psychologique et insuffler
des apparences de vie dignes du réel. Du Bernin à Carriès (passant par Rodin),
Medardo Rosso affirme dans son manifeste La sculpture impressionniste que « ce
qui survit c’est ça qu’il faut sculpter! (…) ainsi conçu, l’art est indivisible. Il n’y a pas
d’un côté la peinture, de l’autre la sculpture. Ce qu’il faut avant tout rechercher,
c’est, par n’importe quels procédés, réaliser une œuvre qui, par la vie et l’humanité
qui s’en dégagent communique au spectateur tout ce qu’évoquerait en lui le
spectacle grandiose de la puissante et saine nature. » En écho, évoquons l’œuvre de
Thomas Schütte pour lequel la réalité contenue dans un visage ne semble pouvoir
s’épuiser. A l’intérieur là aussi de séries, où l’expressivité n’est crainte, Schütte
décline ses Heads, Masken, Köpfe, Shitheads usant d’un réalisme ou s’en détachant,
allant presque à la caricature.
On retrouve dans chacun de ces exemples d’œuvre une attitude, un geste, une
expression subjectifs et spontanés d’un sentiment réel, du réel, du quotidien.
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Sarah Tritz
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