«Nous avons déjà envisagé de mourir ensemble avec ma femme»
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«Nous avons déjà envisagé de mourir ensemble avec ma femme»
6 MAI 2012 INTERVIEW 21 I LeMatinDimanche Jérôme Sobel veut que le libre arbitre soit au cœur du suicide assisté «Nous avons déjà envisagé de mourir ensemble avec ma femme» Le peuple vaudois votera le 17 juin prochain sur l’initiative du Dr Jérôme Sobel en faveur du suicide assisté et sur le contre-projet du gouvernement. EN DATES 1952 c Naissance Jérôme Sobel est né le 19 août à Bienne (BE), il est originaire de La Chauxde-Fonds (NE). Stéphane Berney [email protected] 1978 Etre associé à la mort par tout le monde, ça ne vous dérange pas? c Diplôme Il obtient son diplôme de médecin à l’Université de Lausanne. La même année il se marie avec Denise. De leur union naissent une fille en 1980 et un garçon en 1983. Non, je l’assume totalement, c’est mon choix. Cette part de mon activité fait partie de ma personne. En revanche, pour mon épouse, la situation est différente. Pourquoi? Nous avons perdu quelques relations. Nous étions vus par des gens superstitieux comme des oiseaux de mauvais augure. Mais ça nous a finalement permis de filtrer mieux nos amitiés. Nous avons gardé comme amis des personnes possédant une certaine profondeur d’esprit et nous nous sommes éloignés de gens superficiels. 1986 Quelles sont les remarques qu’on vous fait dans la rue? 2000 c Spécialisation Diplôme de spécialiste FMH en ORL et chirurgie cervicofaciale. La même année, il rentre à l’Association pour le droit de mourir dans la dignité Exit Suisse romande. c Présidence d’Exit Au mois de mars, il accède à la présidence d’Exit. Au départ, j’ai été perçu par certains confrères comme la honte de la médecine et comme un extraterrestre. Mais dans la rue je n’ai jamais eu de remarques désagréables. Au contraire, on m’arrête souvent pour me serrer la main et me remercier de l’action utile que je mène. Mais il est vrai que certains de mes patients ne sont plus venus me consulter. D’autres les ont cependant avantageusement remplacés. Le Dr Jérôme Sobel estime que la force de son initiative réside dans le fait qu’elle laisse le libre arbitre aux malades qui souhaitent choisir le suicide assisté. Et votre famille, vos enfants, que disent-ils? On en a toujours parlé ouvertement. Et ce d’autant plus que j’ai reçu à de nombreuses reprises des téléphones à domicile pour répondre à des situations difficiles concernant la fin de vie. Par exemple, mon père est décédé à l’hôpital et nous étions tous autour de son lit de mort, à lui tenir la main. Il était membre d’Exit, comme ma mère. Mes parents n’ont pas eu recours à la potion mortelle mais ils ont chacun demandé un arrêt des traitements médicaux. Je le précise, c’est important. Puisque, là aussi, certains opposants au suicide assisté auraient pu m’accuser de vouloir la mort de mes parents. Vous n’êtes jamais tranquille, alors? Et votre épouse, vos enfants? Mon épouse est aussi membre d’Exit. Nous avons discuté de notre mort pour le cas où nous vivrions très longtemps et très vieux. Avec ma femme, si nous développons des polypathologies invalidantes tous les deux, nous avons déjà envisagé de mourir ensemble. On voit de plus en plus souvent dans des annonces mortuaires des allusions au suicide assisté. Prenez-vous ça comme une forme de reconnaissance? Je l’ai également remarqué. Je dirais Attention, ces 900 francs sont uniquement facturés par Exit Suisse allemande. En Suisse romande, nous n’avons pas cette pratique. Notre but est avant tout de venir en aide aux gens. Alors pour des demandes de dernière minute, à partir du moment où les conditions sont scrupuleusement remplies, le suicide assisté ne coûte que le prix de la cotisation annuelle. Je vous signale que la potion mortelle nous coûte 50 francs, donc plus que la cotisation annuelle. MGR CHARLES MOREROD E. WIDMER-SCHLUMPF PIERRE-YVES MAILLARD Evêque de Lausanne, Genève et Fribourg Conseillère fédérale (PBD) Président du Conseil d’Etat vaudois (PS) Jean-Paul Guinnard Et vous, choisiriez-vous de mourir avec Exit? Contrôle qualité Vous faites la promotion d’Exit en expliquant que la cotisation annuelle ne coûte que 40 francs et le suicide assisté est gratuit. Pourtant des suicides assistés de dernière minute peuvent avoir lieu, mais il faut débourser 900 francs. Ne trouvez-vous pas que c’est inégal et que ça favorise les gens aisés? CEQU’IL PENSEDE... Disons plutôt qu’il faut toujours garder à l’esprit que chacune de nos actions peut être utilisée contre nous par nos détracteurs. Oui, dans le sens où j’accorde une très grande importance à la préparation de ma mort. Si les circonstances me sont favorables et que je ne décède pas lors d’un accident, mais à la suite d’une maladie, je pourrai alors boire la potion mortelle entouré par ceux que j’aime. plutôt que c’est un témoignage de remerciement et que ça signifie que l’autodélivrance n’est plus un acte honteux. C’est un acte responsable, de maturité, d’autodétermination. Ce n’est plus un tabou et c’est une nouveauté réjouissante. «Je l’estime et je le respecte même si je n’ai pas la même conception religieuse du monde. Pour moi, l’assistance au suicide, c’est aussi faire le bien.» «Elle a fait preuve de clairvoyance en ne s’attaquant pas à l’article 115 du Code pénal qui garantit le cadre de l’assistance au suicide.» Patrick Martin De quelle manière? Laurent Crottet Florian Cella Ma fille a 31 ans et elle vit aux EtatsUnis, elle est donc loin de tout ça. Mon fils a 29 ans et il travaille en bio-informatique. Mes enfants ont toujours été à l’aise lorsque nous parlions de mort car nous avons brisé le tabou du suicide assisté en famille. «Je le respecte. A mon avis, il a estimé devoir réaliser un contre-projet pour avoir de la tranquillité avec les personnes liées aux soins palliatifs.» Vous ciblez votre initiative sur le droit au suicide assisté dans les EMS. L’association vaudoise des EMS (AVDEMS) vient justement de donner ses consignes de vote: elle appelle à rejeter votre initiative et à accepter le contre-projet. C’est donc perdu pour vous? Non et cette position n’est pas une surprise. La vraie surprise, c’est qu’il y a une ouverture de l’AVDEMS en faveur du contre-projet. C’est donc la preuve que notre initiative les a obligés à réfléchir. Tout comme les Eglises vaudoises, qui ont donné des pistes de réflexion à leurs membres. Dès que les gens se mettent à réfléchir, le pronostic est ouvert, car chacun souhaite rester maître de son choix et non pas le déléguer au médecin et au personnel de l’EMS. Chaque être libre souhaite s’affranchir d’un paternalisme médical et institutionnel. Est-ce que cette votation est symbolique pour vous: Exit entrerait dans la loi? Ce qui est central pour moi, c’est surtout que notre initiative permette à la personne de prendre elle-même sa décision. Dans le contre-projet, c’est l’institution, le médecin et le personnel infirmier qui décideraient en dernier ressort. Et même contre la demande du résident. Alors je préférerais un double non plutôt qu’un non à l’initiative et un oui au contre-projet. Car ce dernier est un labyrinthe administratif qui risque de conduire les demandes d’assistance au suicide aux oubliettes. Mais j’espère bien sûr qu’on va gagner. Justement, on n’a pas vraiment l’impression que votre campagne a déjà commencé… Manquez-vous d’argent? Pas du tout, je peux vous dire que nous disposons de fonds suffisants qui nous permettront de faire une bonne campagne. La preuve, des affiches seront placardées trois semaines avant les votations, des envois de lettres seront effectués auprès de tous les médecins et pharmaciens du canton de Vaud. Et des débats sont aussi prévus dans différents milieux associatifs pour faire valoir nos thèses. A combien se monte votre fonds? Je ne veux pas entrer dans un débat de chiffres qui pourrait être instrumentalisé contre nous par nos adversaires. Alors qui le finance? Il est financé par nos membres. Vous avez fait du suicide assisté le combat de votre vie depuis que vous avez vu votre grand-mère mourir en souffrant sans pouvoir l’aider alors que vous étiez étudiant en médecine. Si vous perdez le 17 juin, comment allez-vous continuer ce combat pour la promotion du suicide assisté? Si nous perdons, le combat continuera, mais nos membres rencontreront davantage de difficultés dans le cadre des EMS. Si nous gagnons, l’ensemble de la population aura remporté une liberté de choix qu’elle n’a pas actuellement. Par ailleurs, mon but, c’est qu’Exit continue à lutter pour faire valoir le droit et le choix de ses membres. Notre liberté de choix n’est pas négociable. C’est ce qui nous fait penser qu’une belle fin est le couronnement d’une belle vie. x