4 décembre 2016, Actes 6 ou favoriser la responsabilité (suite
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4 décembre 2016, Actes 6 ou favoriser la responsabilité (suite
4 décembre 2016, Actes 6 ou favoriser la responsabilité (suite), Alain Wirth Thème : Sept définitions de la responsabilité (suite) Lectures bibliques : Exode 18.14-24; Actes 5.42 - 6.7 Nous nous plongeons à nouveau dans l’ambiance de la première église ; en visitant son histoire avec cette question : « Qu’est-ce que son développement nous dit par rapport à la question de la responsabilité ? » Il y a quinze jours, j’avais mis en avant deux premiers aspects de cette responsabilité ; être responsable, c’est 1. Gueuler 2. Manifester son intérêt pour le vécu des autres. Vous en trouverez le développement sur notre site internet, dans la rubrique réservée aux prédications. Le récit d’Actes 6 raconte comment un problème a surgi dans la communauté des premiers chrétiens : Des femmes veuves sont laissées de côté ; on ne prend pas soin d’elles, comme on prend soin des autres personnes. Une défaillance apparaît dans la redistribution des biens de première nécessité. La communion fraternelle, pourtant si chère aux premiers chrétiens, faillit. Je vous avais laissés avec cette question : « Pourquoi y a-t-il eu ce manque flagrant du prendre soin dans cette si belle communauté des Actes ? A cause du St-Esprit ? J’avais dit non. A cause des apôtres ? J’avais dit non également. La faute à qui, alors ? Voyons ce que Luc écrit juste avant l’émergence de la plainte : « A cette époque–là, comme le nombre des disciples ne cessait d’augmenter, des tensions surgirent (…) » (Actes 6.1). Vous le voyez, le coupable ? … Le nombre qui ne cesse d’augmenter. C’est lui le coupable : le nombre ! Il y a trop de conversions, trop de disciples, trop de monde, et donc trop de demandes à honorer. C’est la vie qui déborde de partout. Ça, c’est signé la vie ! Quand la vie est libre, elle déborde, elle vous déborde. Et alors, nous sommes tous amenés à nos limites, à nos limites de temps et de compétences. La coupable, dans ce manque qui vient au jour, c’est la vie. Je rappelle que ce sont les apôtres qui étaient responsables de répartir les richesses de la communauté entre tous, de façon à ce que les besoins de chacun soient couverts : « Les croyants partageaient tout ce qu’ils avaient (…) Les apôtres le répartissaient alors entre tous et chacun recevait ce dont il avait besoin » (Actes 4.32 et 35). Objectif : « Aucun d’eux n’était dans le besoin » (Actes 4.34). Mais voilà, il y a trop de monde ; les besoins se multiplient et les apôtres ne suivent plus. Ils ne parviennent plus à tout faire : prier et enseigner le Christ d’une part (office public); d’autre part assurer cette mission essentielle de l’Eglise, qui est celle d’offrir à chacun un bout de pâturage vert pour sa vie de tous les jours (office individuel). Que font les apôtres ? Ils réunissent tous les croyants ; ils les mobilisent. Ça, c’est intéressant. Il n’y a pas, en Eglise, un groupe de personnes qui est mandaté pour réfléchir pour les autres. Troisième point pour notre enseignement : être responsable, ce n’est pas penser pour les autres ; c’est amener les autres à penser. Toute la communauté est responsable. En Eglise, c’est toute la communauté qui est convoquée pour imaginer des issues : « Les Douze convoquèrent alors l’assemblée plénière des disciples » (Actes 6.2). Pour leur dire quoi : « On n’arrive plus ». On n’arrive plus à chercher les pâturages d’une part, et d’autre part à nous pencher sur la destinée de chaque brebis. On n’arrive plus à nous occuper de l’approvisionnement pour le troupeau ; et en même temps suivre chaque brebis à la trace, pour s’assurer qu’elle ne manque de rien ; comme par exemple parmi ces femmes veuves dont il est question ici. On n’arrive plus ! Les apôtres font ce même constat que Moïse, qui n’arrivait plus à conduire le peuple en répondant à ses besoins. Moïse a réorienté sa direction. C’est son beau-père, Jéthro, qui va le pousser à nommer des juges de familles, de façon à ce que ce soit eux qui s’occupent de régler les affaires personnelles et relationnelles des membres du peuple (cf. Exode 18.14ss). Quant à toi, Moïse, lui dit Jéthro, ta tâche est double : « Ton rôle consiste à représenter le peuple devant Dieu (…) ; tu dois aussi informer les gens des enseignements de Dieu » (Exode 18.19-20). 1. La prière. 2. L’enseignement. Punkt Schluss ! Si tu ne fais pas ce que je te dis, ajoute son beau-père, tu es foutu et ceux qui viennent vers toi aussi : « Vous allez tous vous épuiser complètement, toi et ceux qui viennent te consulter » (Exode 18.18). Et les apôtres, visiblement, se sont souvenus de l’intervention salutaire de Jéthro. Ils ont retenu la leçon : Ce que nous savons, ont dit les apôtres, c’est que le Seigneur nous appelle à nous occuper de l’approvisionnement (prier et enseigner le Christ) : « Il n’est pas convenable que nous délaissions la parole (…) » (Actes 6.2). Si on délaisse la Parole, pour tâcher de tout faire, c’en sera terminé de la croissance de l’Eglise. Pourquoi ? Parce que si les croyants lâchent la Parole, ce sont les croyants qui devront porter leur Eglise. Or, une Eglise qui se porte elle-même est une Eglise qui se prive de sa force et qui se fatigue. Quand des activités ne sont plus portées par la Parole, mais par les personnes qui les tiennent, l’usure est programmée. La force, c’est la Parole. L’attitude des apôtres m’amène à cette autre définition de la responsabilité : être responsable, c’est ne pas lâcher son appel, ne pas s’en distancer. Fais ce pour quoi tu es appelé(e), et ne laisse personne te disperser. Et ça, fais-le bien ! Etre responsable, c’est toujours dire un oui fort et oser un non clair. Quand on dit oui à tout, on n’est pas responsable, on est lâche ou orgueilleux. Les apôtres ont dit oui à la Parole, et non à un suivi de proximité qui les aurait perdus. Ce oui à leur vocation, cette crise relationnelle dans la communauté les amène à l’ancrer encore plus fort : « Pour nous, nous persévérerons dans la prière et dans le service de la parole » (Actes 6.4). Le verbe grec dit : Nous serons assidus. Un oui encore plus fort. Ce faisant, en résistant à la tentation de tout porter, de tout prendre sur soi, les apôtres réagissent. Ils proposent qu’on s’organise différemment. Quand vous prenez le temps de vous organiser, vous prenez les personnes en considération ; vous prenez leurs besoins au sérieux. Quand vous ne prenez pas la peine de vous organiser, vous larguez les gens ; vous les perdez, et ils finissent par se sentir méprisés (comme les femmes veuves dans notre récit). Pour reprendre les expressions du texte, vous les « négligez, délaissez ». C’est vrai pour une Eglise, c’est vrai pour ma vie personnelle. Quand je ne prends pas la peine de m’organiser, ce sont in fine les personnes de mon entourage qui finissent par trinquer. Une Eglise responsable est une Eglise qui s’organise. Pour agir, le Saint-Esprit a besoin d’une bonne organisation ; pour grandir, la Parole a besoin d’une bonne organisation. Pour être aimées, les personnes ont besoin d’une bonne organisation. L’inspiration et la créativité ne suffisent pas. Jusque-là, dans les Actes, il y avait les disciples, et les apôtres institués par le Christ. Mais cette structuration des compétences n’est plus suffisante. Dès lors les douze ont un trait de génie : ils inventent un nouveau ministère ; ils prennent la liberté d’innover. Ils proposent d’instituer une diaconie du soin, une pastorale du soin. C’est le premier ministère non-institué par le Christ. De plus, ce ministère ne sera pas vécu dans la dépendance hiérarchique de celui des apôtres ; ce service sera un ministère reconnu en égalité. C’est la raison pour laquelle les apôtres demandent que les personnes qui occuperont cette tâche aient un témoignage lumineux et soient remplis d’Esprit et de sagesse : « Choisissez parmi vous sept hommes réputés dignes de confiance, remplis du Saint–Esprit et de sagesse » (Actes 6.3). Il faut que ces personnes aient ces qualités parce qu’elles représenteront l’Eglise au même titre que les apôtres. Ces hommes seront image et témoignage de l’Eglise autant que les apôtres le sont. Et puis le chiffre 7 est intéressant. 7 pour dire que ce ministère de proximité est d’une valeur égale à celui des 12 apôtres : Deux ministères différents, mais égaux en importance ; comme 12 et 7 sont, dans la Bible, les deux chiffres de l’accomplissement et de la totalité. Pour dire les choses autrement, les apôtres vont lâcher une partie de leur pouvoir pour le confier à d’autres. Ce qu’ils feront symboliquement en leur imposant les mains : « Les frères les présentèrent aux apôtres qui prièrent pour eux et leur imposèrent les mains » (Actes 6.6). C’est une reconnaissance, une vraie délégation, une réelle plus-value. Etre responsable, c’est laisser un bout de son pouvoir, renoncer au contrôle et faire confiance. En plus de ça, les apôtres ont eu cette intelligence de ne pas s’impliquer dans le choix des personnes. C’est l’assemblée qui a choisi ces personnes, parmi celles qui la composent : « Recherchez des hommes d’entre vous (…) » (Actes 6.3). Cette confiance-là a produit son effet : « Cette proposition plut à toute l’assemblée » (Actes 6.4). Les apôtres ont ouvert un espace de liberté ; ils ont invité les personnes à être partie prenante d’une solution à trouver. Résultat : on passe de la frustration au sentiment d’exister. Les apôtres ont reconnu le problème ; ils font confiance à l’assemblée pour qu’elle choisisse elle-même comment elle prendra en charge ses besoins. Ce faisant, les apôtres favorisent la prise en responsabilité. Quel choix a opéré l’assemblée ? C’est marrant. Elle a désigné 7 personnes dont les noms sont tous grecs, dont Etienne et Philippe, qui sont les plus connus. Dit autrement, ces nouveaux responsables ont été choisis au sein de la partie lésée de la communauté. Et ça n’est pas étonnant : ce sont ceux qui gueulent qui savent le mieux ce qu’il faut faire pour eux-mêmes. Ce sont ceux qui voient un manque qui sont souvent le mieux à même de faire quelque chose pour y remédier ; parce qu’ils sont sensibles à cette cause-là. En revanche, quand on s’échine à trouver des solutions pour le bonheur des autres, ça rate souvent. Aux uns, je dis ceci : « Arrêtez de chercher des solutions pour les autres ; c’est eux qui savent. » Aux autres, je dis cela : « Arrêtez de compter sur les autres pour qu’ils trouvent des solutions pour vous ; c’est vous qui savez. » J’ai commencé par dire qu’être responsable, c’est gueuler. Je constate avec intérêt qu’à la fin de notre texte, ça ne gueule plus. Ça ne grogne plus, ça pousse. Ça pousse encore plus fort : « La Parole de Dieu se répandait toujours plus. Le nombre des disciples s’accroissait violemment à Jérusalem » (Actes 6.7). Etre responsable, c’est passer du grognement au désir de s’impliquer. Je termine par synthétiser les enjeux de la responsabilité, tels que nous le donne à voir le récit en Actes 6 : Etre responsable, c’est : 1. Oser gueuler 2. Manifester son intérêt pour le vécu des autres 3. Ne pas penser pour les autres, mais amener les autres à penser 4. Ne pas lâcher son appel ; un oui fort et un non clair 5. Prendre la peine de bien s’organiser 6. Perdre un bout de son pouvoir, renoncer au contrôle et faire confiance 7. Passer du grognement au désir de s’impliquer C’est ainsi que se termine l’enseignement de la campagne de cette année pour les groupes de maison. J’espère que vous aurez reçu des impulsions utiles pour vous permettre d’avancer vers la maturité de vos groupes. Questions pour un partage (les questions en gras sont à prioriser): - C’est toute la communauté qui est responsable de trouver des issues ; et non pas un groupe mandaté pour penser pour les autres. Cite l’une ou l’autre situation dans laquelle ta communauté a fonctionné selon cette dynamique-là. - « Quand des activités ne sont plus portées par la Parole, mais par les personnes qui les tiennent, l’usure est programmée. » Parmi tes engagements, en perçois-tu qui pèsent sur toi, parce que tu ne te sens plus porté(e) ? - « Fais ce pour quoi tu es appelé(e), et ne laisse personne te disperser. (…) Etre responsable, c’est toujours dire un oui fort et oser un non clair. » Aujourd’hui, dans ton engagement au service du Seigneur, à quoi dis-tu oui et à quoi dis-tu non ? - « Quand vous prenez le temps de vous organiser, vous prenez les personnes en compte ; vous prenez leurs besoins au sérieux ». L’organisation, c’est le bras de l’amour. Y avais-tu songé ? - « Etre responsable, c’est perdre un bout de son pouvoir, renoncer au contrôle et faire confiance. » Jusqu’à quel point, dans ton engagement pour le Christ, te sens-tu libre, reconnu(e) et envoyé(e) par les responsables de ta communauté ? - « Ce sont ceux qui gueulent qui savent le mieux ce qu’il faut faire pour eux-mêmes. (…) En revanche, quand on s’échine à trouver des solutions pour le bonheur des autres, ça rate souvent. » Dans laquelle des deux recommandations suivantes te reconnais-tu le plus ? « Arrêtez de chercher des solutions pour les autres ; c’est eux qui savent. » Ou : « Arrêtez de compter sur les autres pour qu’ils trouvent des solutions pour vous ; c’est vous qui savez. »