Handicap Electropolis, un musée vraiment accessible à tous

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Handicap Electropolis, un musée vraiment accessible à tous
Notre agglo dossier
Handicap Electropolis, un musée D’abord, former les personnels
vraiment accessible à tous
SAMEDI 15 FÉVRIER 2014 23
Catherine Fuchs, conservatrice au musée Electropolis, à l’accueil
avec le système audio-T qui permet aux visiteurs malentendants de
mieux communiquer.
Photo Dom Poirier
Il ne manque à Electropolis que le label Tourisme et handicap visuel,
ce qui ne l’empêche pas de mener des visites adaptées, comme ici en
2008, déjà.
Archives Jean-Paul Domb
Comme tous les
établissements publics,
les musées devront être
accessibles aux
personnes handicapées
au 1er janvier 2015.
Dans ce domaine,
Electropolis, à
Mulhouse, fait figure
d’éclaireur…
public handicapé que nous voyons le
plus, avec des groupes régulièrement », précise la conservatrice.
L’important est déjà de connaître
« le handicap mental qui est quelque chose de très vaste… Souvent, il
s’agit d’un public non-lecteur, alors
on se base sur ce qu’on fait avec les
enfants de maternelle mais en
n’oubliant pas qu’il s’agit d’adultes.
Nous utilisons des dispositifs tactiles,
visuels, essayons d’être le plus interactif possible. » Les visites sont
aussi plus courtes. « En adaptant
notre médiation, on arrive à transmettre des notions. »
Pour les personnes déficientes
auditives, la prise en compte
commence dès l’accueil avec un
système au comptoir qui permet
de dialoguer avec la caissière sans
être perturbé par les bruits périphériques. Une version sous-titrée du film sur la grande
machine est disponible sur demande. « Nous avons aussi proposé
des visites guidées en langue des signes, mais nous avons peu de demandes car seulement 10 % des
« Dans mon esprit, il fallait faire
quelque chose pour les personnes
handicapées au même titre que
pour le public scolaire, par exemple. » Catherine Fuchs, conservatrice au musée EDF-Electropolis
depuis 2002, également en charge des publics, n’a pas attendu la
loi handicap de 2005 pour se pencher sur la question.
« Je ne savais pas trop comment m’y
prendre, raconte-t-elle, et puis j’ai
eu un coup de fil d’un membre de
l’association des aphasiques de Mulhouse… » De fil en aiguille, elle est
entrée en contact avec la commis-
Le chiffre
952
En 2013, le musée EDF-Electropolis a accueilli 952 visiteurs handicapés. Un chiffre
en hausse très nette par
rapport à 2012. Ces visiteurs
bénéficient d’un tarif réduit :
4 € au lieu de 8 € et la gratuité pour les accompagnateurs.
En France, on considère que
24 millions de personnes sont
en situation de handicap ou
de gêne (y compris les personnes âgées).
sion extra-municipale, qui se réunit tous les trimestres à la Ville de
Mulhouse avec des membres de
différentes associations.
Electropolis a commencé à travailler avec les aphasiques, l’Association des sourds du Haut-Rhin,
puis les Papillons blancs… « La
première étape a été la sensibilisation du personnel. Des membres des
associations sont venus expliquer,
faire tomber des barrières, c’est un
préalable indispensable… » Après,
« tout est dans l’humain. Savoir accueillir, ne pas être surpris quand les
gens ont du mal à s’exprimer… »
Tout est dans l’humain
Dès 2003, le musée a obtenu le
label Tourisme et handicap pour
l’accueil des personnes à mobilité
réduite et celui des personnes
souffrant d’un handicap mental
ou psychique. En 2007, s’y est
ajouté le label pour les personnes
déficientes auditives. « Il nous
manque juste le label handicap visuel à cause de notre scénographie,
mais cela n’empêche pas de proposer
des visites spécifiques », précise Catherine Fuchs.
Très concrètement, s’adapter aux
publics en situation de handicap,
ça consiste en quoi ?
Le handicap moteur, d’abord. À
Electropolis, ce n’est pas le plus
compliqué. « Le parcours est carrossable, large, nous avons deux ascenseurs. A priori, on est dans les
clous mais des choses peuvent encore
être améliorées, notre comptoir d’accueil, par exemple, n’est pas surbaissé. »
Pour les personnes avec un handicap mental ou psychique, tout
passe par la médiation. « C’est le
sourds la parlent », précise Catherine Fuchs. Pour les autres, il
importe de leur parler en les regardant bien en face, « beaucoup
lisent sur les lèvres ».
Ce qu’on améliore, c’est
pour tout le monde
Enfin, les personnes aveugles ou
malvoyantes ne sont pas
oubliées, avec des visites guidées
« sensorielles », où seule la vue
n’est pas utilisée. « On sort des
objets des réserves pour permettre
aux gens de les toucher. » Les personnes « bien voyantes » peuvent
aussi participer en se bandant les
yeux. « Cela permet de découvrir le
musée autrement… »
« Mon objectif, conclut Catherine
Fuchs, c’est de ne pas mettre le
public handicapé à part. Ce qu’on
améliore pour lui, on l’améliore
pour tout le monde. Et avec le
vieillissement de la population, nous
sommes tous des handicapés potentiels ! »
Hélène Poizat
FDes rencontres annuelles
Le Musée EDF-Electropolis organise depuis 2010 des rencontres
annuelles sur le thème «Handicap et patrimoine naturel et
culturel». Des responsables d’associations et d’institutions
pour personnes handicapées et des professionnels du
patrimoine s’y retrouvent pour débattre et partager leurs
expériences. On y aborde les questions d’accessibilité sans
oublier les problèmes annexes, comme les transports. Travaux
pratiques à la clé. « Par exemple, lors de nos dernières
rencontres, nous avons fait en tram le trajet d’Electropolis
jusqu’au Musée historique, en mettant les gens en situation de
handicap, dans un fauteuil, les yeux bandés ou des bouchons
dans les oreilles », raconte Catherine Fuchs, conservatrice au
musée EDF-Electropolis. Prochaine édition de ces rencontres : le
26 septembre.
Adjoint de direction à l’association Musées Mulhouse Sud Alsace (MMSA, qui rassemble
l’ensemble des musées de l’agglomération mulhousienne
plus le Parc de Wesserling-Écomusée textile), Nicolas Ziegler
est plus spécifiquement chargé
du service des publics. À ce
titre, il suit de près la question
de l’accessibilité.
Où en sont les musées de
l’agglomération en terme
d’accessibilité ?
Nous n’avons pas fait de diagnostic précis car il appartient
à chaque musée de le faire,
mais on connaît la situation.
Electropolis est le plus avancé
et donne une vraie dynamique à l’ensemble du pôle, notamment en organisant les
journées Handicap et patrimoine. C’est de là d’ailleurs
qu’est partie l’idée de formation pour les personnels des
musées.
Je sais aussi que des actions
sont menées dans certains
musées, par exemple en direction des autistes aux Cités de
l’auto et du train. En terme de
handicap moteur, tous les musées sont accessibles, sauf les
jardins de Wesserling et, en
partie, le Musée historique et
le Musée du papier peint. Ces
deux derniers ont des contraintes en terme de bâtiment
mais ils peuvent aussi proposer des solutions alternatives… Par exemple, au HautKoenigsbourg, des étages
sont inaccessibles aux personnes en fauteuil et le bâtiment
ne peut pas être modifié mais
des visites virtuelles sont proposées. L’accessibilité au handicap moteur, c’est la base…
Les autres formes de handicaps se sont greffées par la
suite.
Vous organisez des formations sur l’accueil des publics en situation de
handicap. À qui s’adressentelles et en quoi consistentelles ?
Ces formations s’adressent à
l’ensemble des personnels des
musées du pôle, mais en priorité à ceux qui s’occupent de
l’accueil et de la médiation.
Quatre-vingts personnes ont
participé aux deux premières
demi-journées, les 13 et
14 janvier, d’une formation
commune à l’ensemble des
musées avec une présentation
des différents types de handicaps et un rappel de la loi. La
formation est assurée par Céline Savaux, de l’association In-
Nicolas Ziegler, chargé du
service des publics à
l’association Musées
Mulhouse Sud Alsace.
H.P.
terface handicap, qui parcourt
la France.
Une deuxième session de formation doit se dérouler dans
chaque musée, avec une mise
en situation et le concours
d’associations locales de personnes handicapées. J’aimerais que ça se passe dans le
premier semestre, mais on est
encore en attente de subventions.
Et après, que devront proposer les musées ?
La suite, c’est de monter différents projets, adaptés aux différents handicaps, sur la
médiation. Le maître mot,
c’est l’accessibilité universelle. Des ateliers pour les enfants peuvent être adaptés
pour un public de personnes
déficientes mentales par
exemple.
Les musées du pôle sont prêts
à faire des choses, on est sur
une bonne dynamique, mais il
est vrai qu’ils sont plutôt en
retard… Au 1er janvier 2015,
tous ne pourront pas proposer
des actions pour tout le monde.
MMSA organise la Nuit des
mystères, la grande chasse
aux trésors dans les musées
de l’agglo. Très populaire,
cette Nuit est-elle accessible
à tous ?
Nous y travaillons… On va faire en sorte que les objets recherchés soient dans des
endroits accessibles et revoir
le parcours famille pour
l’adapter aux personnes atteintes d’un handicap mental.
Et puis, il y a aussi le problème
des transports entre les musées. Certains arrêts de bus ne
sont pas accessibles, mais ça,
ça dépend de la voirie.
La Cité de l’auto roule avec Le Musée historique cumule les familles d’enfants autistes les handicaps…
À la Cité de l’auto de Mulhouse, les familles d’enfants
autistes sont choyées grâce
au programme « Patrimoines
en famille ».
Avec le soutien de la fondation
Orange, la fondation Culturespaces vient de mettre en place le
projet « Patrimoines en famille »,
une initiative nationale en faveur
de l’accessibilité à la culture et au
patrimoine pour les enfants
autistes. Ce programme a débuté
à la Cité de l’automobile en octobre 2013.
« Patrimoines en famille » a pour
objectif de favoriser la venue de
familles et de fratries d’enfants
autistes grâce à l’accès gratuit à la
Cité de l’auto pour toute la famille, la mise à disposition d’un
guide visiteur (à rendre après la
visite) et un livret-jeux que l’enfant autiste va conserver. Le personnel du musée a également été
formé à l’autisme et à l’accueil des
familles.
« Ce programme est une réussite,
explique Martin Biju-Duval, le di-
Grâce à un guide spécifique, les enfants autistes découvrent l’espace
des petites voitures autrement.
Photo Dom Poirier
recteur de la Cité de l’auto. On
reçoit en moyenne entre cinq et dix
familles d’enfants autistes par mois
depuis le lancement du programme.
Et les retours sont excellents de la
part des familles. » Cette opération
sera étendue dans les prochaines
semaines à la Cité du train.
À signaler également la possibilité, à la Cité de l’auto, d’emprunter
des fauteuils roulants pour les
personnes à mobilité réduite.
L.G.
FSE RENSEIGNER Sur le site
www.fondation-culturespaces.com
Réparti dans quatre bâtiments, dont l’un classé, doté
d’une scénographie ancienne,
le Musée historique est en
grande partie inaccessible aux
personnes à mobilité réduite.
La solution sera sans doute
dans les mesures compensatoires.
« Au Musée des beaux-arts, nous
avons une rampe douce qui fait le
tour du jardin et tous les étages sont
accessibles par ascenseur », note
Joël Delaine. Le conservateur des
musées municipaux de Mulhouse a en revanche beaucoup plus
de soucis avec le Musée historique. « Le bâtiment est classé, certes,
mais ce n’est pas tout, il y a en plus
des contraintes de bâtiment… »
Des bâtiments doit-on plutôt écrire. Car le Musée historique se
répartit en réalité dans quatre
constructions, toutes reliées les
unes aux autres intérieurement,
sauf les troisièmes étages. Un
seul des bâtiments est d’ailleurs
classé, celui de l’hôtel de ville,
mais aucun n’est au même niveau que les autres. D’où des volées de marches un peu partout
Au Musée historique, des
marches partout…
Photo H.P.
dans le parcours du musée…
Un ascenseur dessert bien le premier étage, mais pas les deux
suivants. Étroitesse des couloirs,
coins et recoins… Le musée est
« un vrai labyrinthe. Même accueillir des groupes, c’est compliqué.
On va dire que c’est le charme de
l’ancien, mais disons que la muséographie est un peu obsolète », sourit
Joël Delaine. Seul l’aménagement, plus récent, de la salle d’archéologie, a été pensé autrement.
« Plus épuré, aéré… » Et des textes
écrits plus gros pour les personnes déficientes visuelles.
Mais cette pièce est inaccessible,
comme d’autres salles, aux personnes à mobilité réduite…
« L’idée d’un ascenseur extérieur a
bien été évoquée mais il ne résolvait
pas tout. Mettre aux normes, ce
serait des investissements énormes… » Du coup, Joël Delaine envisage une autre solution. « En
cas d’impossibilité avérée, la loi prévoit des dérogations mais il faut
proposer des mesures compensatoires. C’est dans cette voie qu’il faut
travailler… » La salle de la Décapole (au rez-de-chaussée de l’hôtel de ville, là où se trouvait l’office
de tourisme) ayant été libérée, le
conservateur envisage de l’aménager en un espace destiné aux
visiteurs handicapés, où seraient
présentées des visites virtuelles,
des vidéos… Mais pour l’instant,
rien n’est décidé. « La loi a eu le
mérite de faire changer les mentalités, souligne Joël Delaine. Mais
clairement, maintenant, il faut des
budgets… »