le libre penseur - Association Suisse des Libres Penseurs

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le libre penseur - Association Suisse des Libres Penseurs
le libre penseur
Périodique romand laïc et indépendant
Editeur: Association vaudoise
de la Libre Pensée
Case postale 5264
CH-1002 Lausanne
38e année
Décembre 2012
Trimestriel
N° 155
Abonnement annuel: CH Fr. 10.–, CCP 10-7494-3
Etranger Euro 10.–
ISSN 0256-8985
Rédacteur responsable
Ivo Caprara
Tirage 1800 exemplaires
PAUL LÉAUTAUD,
MISANTHROPE PACIFISTE
Lorsque Paul Léautaud est « né » à
la popularité, il avait septante-huit
ans. Ce n'est qu'en 1950 que le
jeune journaliste Robert Mallet
demande à Léautaud de consentir
à enregistrer, pour la Radio, une
série d'entretiens. Après maintes
réticences l'ombrageux misanthrope consentira à la diffusion de ces
entretiens à la condition formelle
que la spontanéité de sa conversation soit préservée de la moindre
retouche ou censure.
LE VIF-ARGENT DU « MERCURE »
Le succès fut fulgurant et immédiat.
Comment expliquer un tel engouement
du public pour un personnage qui lui
était auparavant inconnu ? Les auditeurs,
habitués à un langage « politiquement
correct », apprêté, convenu, n'en revenaient pas d'entendre un langage nouveau et tout à fait débridé.
« Soudain voici qu'éclate un rire insolite,
sarcastique, et qu'un irrévérencieux olibrius dit, avec une verdeur inouïe, tout ce
qui lui passe par la tête, culbute les idées
consacrées, se livre à un authentique jeu
de massacre sur toutes les gloires éta-
blies ! A la leçon apprise, au mensonge et
à la flagornerie, voici qu'un original atrabilaire substitue le naturel et la vérité »
s'enthousiasme Jean Galtier-Boissière,
directeur du Crapouillot et ami du vieux
misanthrope. Au lieu des dix entretiens
prévus, on en fit quarante-trois.
Auparavant, Léautaud n'était connu et
apprécié que par un public d'élite, extrêmement restreint. Il n'avait publié que
quelques ouvrages à tirage limité tels Le
Petit Ami, Passe-temps, In memoriam2. Il
tenait, aux éditions du Mercure de
France, la critique littéraire puis la critique théâtrale sous le pseudonyme de
Maurice Boissard.
Comment ce misonéiste, presque octogénaire, qui s'éclairait à la bougie, écrivait
à la plume d'oie et n'avait ni radio ni téléphone, avait-il pu séduire tant d'auditeurs
beaucoup plus jeunes que lui ? C'est
qu'ils voyaient en lui un homme libre,
d'une farouche indépendance. Et c'est
pourquoi des personnages connus, tels
Georges Brassens, René Fallet, Louis
Nucera, Pierre Perret ne lui ménageaient
pas leur admiration.
Pour la première fois, les auditeurs
purent entendre des propos jamais
encore exprimés sur les ondes, les pensées libres d'un esprit libre.
INDIVIDUALISTE AVANT TOUT
Fermement hostile à toute mode, à tout
sentiment moutonnier, il n'avait que
mépris pour tout grégarisme. Jamais il ne
Paul Léautaud, 1872-1956
SOMMAIRE
1. Paul Léautaud, misanthrope pacifiste André Panchaud
p. 1-3
11. Nuances et faux-semblants
Pierre Lexert
2. Hommage à Georges Eperon
p. 3-4
p. 12
12. Quand l’âme sœur cache l’hameçon
Robert Lescuyer
3. Ectogenèse: gestation extracorporelle Mélanie Lafonteyn
p. 4
13. Rires et colères d’un incroyant
René Pommier
p. 15
4. Les oiseaux noirs de Calcutta
p. 5
14. Respect, qui es-tu ?
Olivier Lazo
p. 16
15. Les Brèves
Thor Danneman
p. 17
Narcisse Praz
5. Les raisons pour lesquelles j’ai entrepris «Les oiseaux noirs
de Calcutta»
Anne Lauwaert
p. 5-7
6. Jésus aux Indes?
Claude Cantini
p. 8
7. Kapitalist nix gut
André Thomann
8. Vive la Belgique athée
Narcisse Praz
9. Civilisation et religions
Edouard Kutten
10. Dis Papy…
Anne Lauwaert
p. 8-10
p. 10
p. 10
p. 10-11
p. 14-15
16. Examen des 12 preuves de l’inexistence de Dieu
de Sébastien Faure
J.L.H. Thomas
17. La fin du chemin de croix pour le prof anti-crucifix
p. 17-20
p. 20
18. Justice à la valaisanne
Narcisse Praz
19. Sacrifice humain
Louis Delorme
p. 21
20. En lisant
Claude Cantini
p. 21-23
p. 20-21
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se serait associé aux mouvements de
foule pour lesquels il n'avait qu'aversion.
De même pour les modes : « Suivre la
mode, […] n'est-ce pas, pour les hommes comme pour les femmes, témoigner
du manque le plus complet de personnalité dans le goût et même de l'absence de
tout goût, puisque c'est volontairement
ressembler à tout le monde et adopter
le goût de tout le monde ? »
Réticent à toute adhésion que ce soit,
Léautaud, quoique athée, ne fréquenta
aucune association de libres penseurs et
athées. Cependant, peut-on trouver plus
anticonformiste que lui ?
Il y a des gens qui ont besoin d'un maître et qui ont une âme de disciple, disaitil. Il n'y a de maître que pour les gens
nuls ; ils ne comptent pas et nous en
aurons toujours trop.
Parce qu'il ne voulait « ni dieu ni maître »
on serait tenté de le cataloguer comme
anarchiste. Il s'en défendait : « Pour me
qualifier, il vaut mieux employer le terme
d'individualiste plutôt que celui d'anarchiste. Je ne suis pas anarchiste mais individualiste. » Cependant il rejoint la pensée de Bakounine en déclarant : « Libre,
moi, mais libres aussi les autres. » Propos
qui nuance quelque peu la réputation
d'égoïste qu'on lui attribue.
« Tout ce qui est de l'autorité me donne
envie d'injurier » a-t-il écrit. Aussi ne s'étonnera-t-on pas pour son aversion de
tout ce qui représente le pouvoir : uniformes, galons, etc. Sur l'armée : « Il y a
encore des sots qui coupent dans les
phrases sur l'armée, le drapeau, la patrie.
Ces idées sont aussi malfaisantes que les
idées religieuses. Je ne sais pas si le
métier d'officier n'est pas encore plus
bas que celui de prêtre ou de magistrat.
Alors que tout être aspire à la liberté, se
faire volontairement esclave, machine à
obéir. Le besoin de dominer est aussi bas
que le besoin d'être dominé. »
L'uniforme, ce n'est pas seulement le soldat mais aussi le policier. Pas plus d'indulgence, chez Léautaud, pour l'un que pour
l'autre : « Je n'aime pas la police et n'en
fais pas un secret. Du plus haut de ses
fonctionnaires au plus bas, il faut une triste nature pour faire ce métier. »
L'auteur du Petit Ami disait n'avoir pas le
fétichisme de la nationalité : « Je ne regarde que ce que vaut l'homme, de quelque
pays qu'il soit. »
UN PERSONNAGE
AUX MULTIPLES FACETTES
C'est surtout contre le fait religieux que
Léautaud se déchaîne. Pour lui, tous les
mysticismes se valent et ont tous la bêti-
se à leur base. Ne croirait-on pas que la
crédulité est infuse chez l'homme ? Il faut
vraiment qu'il croie à quelque chose. Se
passer d'une idole lui est impossible.
Pour notre réfractaire, la sorte de bêtise
qui résume toutes les autres, qui
contient et englobe toutes les autres,
c'est la croyance religieuse. « Tout ce qui
est sentiment religieux, dit-il, est aliénation mentale à un degré ou à un autre. »
Le vrai fidèle, à son avis, ne réfléchit
jamais et n'examine rien, il se contente
de prier les yeux fermés autant que
l'esprit. Malheureusement, en notre
« civilisation », la bêtise et l'ignorance
sont toujours plus puissantes et envahissantes que l'esprit et le savoir. C'est ce
qui fait la force des religions.
Personnage aux multiples facettes, estimé par les uns détesté par les autres,
l'ermite de Fontenay-aux-Roses fascinait
autant qu'il déplaisait.
Qui était-il vraiment ? Un original, un
misanthrope ? Un non-conformiste, en
tout cas.
Jugé insupportable, infréquentable par
certains qu'il n'avait pas épargnés dans
ses articles, il était pour l'écrivain André
Billy, « un des écrivains les plus originaux,
les plus fins, les plus spirituels que nous
ayons ».
La critique lui fit souvent une réputation
de cynique, d'orgueilleux égocentrique,
lui reprochant son indifférence à l'égard
d'autrui. On l'accusait surtout d'égoïsme,
de pingrerie.
Egoïste, il l'était certes et ne s'en cachait
pas. Quant à sa prétendue pingrerie, on
voit mal comment il aurait pu se montrer généreux avec le maigre pécule qui
lui était octroyé au Mercure de France par
son directeur Alfred Vallette.
La vérité était qu'il ne cherchait pas à
plaire, ce qui ne plaisait pas à beaucoup
de collectionneurs de distinctions et de
compliments. Il n'écrivait jamais que ce
qu'il lui plaisait de dire, sans litote ni
euphémisme. Avec lui, le propos était
toujours direct, non apprêté. Sa causticité s'exerçait contre la foire aux vanités
des « gensdelettres ». Il disait ne pas
apprécier les écrivains sentimentaux :
« J'aime les moqueurs, les sarcastiques,
les ronchonneurs ; je mets au plus haut
point ceux qu'on appelle les écrivains
d'humeur. »
« LA BÊTISE ME REMPLIT
D’UNE HAINE SANS BORNE »
Entre autres reproches de ses adversaires, de ses ennemis même, celui de n'être pas d'un commerce facile, d'être plus
porté à dénigrer qu'à complimenter. On
stigmatisait ses attaques au vitriol, ses
jugements corrosifs, brutaux. Pas dupe, il
se dépeint lui-même « désagréable, hostile, agressif, insociable et, ce qui est
mieux, avec une sorte de jouissance ».
Sa misanthropie est attestée par cette
anecdote. Une jeune étudiante en médecine lui ayant dit, lorsqu'il sortait de l'hôpital : « Quelle tristesse de voir tous ces
gens mourir », il répliqua : « Ça nous
console de tous ceux qu'on voit vivre. »
Que l'on se garde à ce propos d'un jugement hâtif et trop sévère. Ce genre de
boutade n'était, chez Léautaud, qu'une
protection pour se défendre de toute
sensiblerie. Pour ne pas donner l'impression de trop s'apitoyer, il faisait de son
cynisme un bouclier. En fait, sa misanthropie n'était qu'apparente. Elle dénotait le plus souvent la révolte d'un esprit
épris de justice, de probité et d'harmonie. Elle marquait une résistance farouche au conformisme et à la bêtise de la
multitude : « La bêtise me remplit d'une
haine sans borne. »
Egocentrique au point de déclarer « il n'y
a que moi qui m'intéresse. Il limitait son
univers à son travail au Mercure de
France, à ses chroniques théâtrales
(signées Maurice Boissard), à ses liaisons
amoureuses et à ses bêtes. Autant manifestait-il d'insensibilité envers les
humains, autant se montrait-il sensible
aux animaux. Il recueillit chez lui, dans sa
« tanière » de Fontenay-aux-Roses, cent
cinquante chiens, trois cents chats, une
oie, une guenon, une chèvre. Pas tous
ensemble, cela va sans dire.
Quoique entouré de toute sa ménagerie,
il n'aimait rien tant que la tranquillité.
« Les gens qui ne supportent pas la solitude ni le silence m'exaspèrent. » Et,
ajoutait-il : « J'aime mieux être chez moi,
seul, que dans la société. » Il avouait
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prendre en horreur la vie et les gens, en
général, pour toute la laideur, la dureté, la
brutalité qu'on y trouve à chaque instant,
le manque de générosité et de vraie
intelligence. Quoique violent dans ses
propos, ce contempteur de l'humanité
était un authentique pacifiste.
« IL EST NOTRE DIOGÈNE »
Bougon et peu sociable, le misanthrope
du Mercure n'était pas l'ours qu'on serait
tenté d'imaginer. Rivarol disait : « On peut
être très cruel en esprit et très charitable en action. » Misanthrope, certes, mais
bon pour ceux qui souffrent. On peut
mépriser l'homme et ne pas être insensible. Tel pouvait être Léautaud.
Il était considéré par ceux qui l'ont
connu en dehors des milieux littéraires
et qui ont eu des rapports intimes avec
lui comme un homme serviable et complaisant. Pour eux, son humeur chagrine
et ses propos venimeux ne pouvaient
être qu'une posture. De nombreux
exemples le démontrent. Il n'a jamais
caché son horreur des enfants. Il ne pou-
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vait supporter leurs piailleries. Il les trouvait cruels, fourbes, menteurs, hypocrites. Mais, corrigeait-il, « il est bien certain
que je ne comprends pas qu'on maltraite
les enfants. Quand je lis dans les journaux d'aujourd'hui des traits de sauvagerie à l'égard d'un enfant, je trouve ça
immoral, immonde, immonde, immonde !
Non, je ne peux le supporter ! Pas plus
que pour les animaux. » Et il ajoute : « Il y
a deux sortes d'êtres qui ne devraient
jamais être malheureux : les enfants et les
bêtes. »
Alors... insensible, Léautaud ?
Il répond lui-même : « Je ne suis pas si sec
qu'on pourrait le croire. Une action
généreuse ? Aussitôt mes yeux se
brouillent d'émotion. »
« Il est notre Diogène » disait de lui son
ami André Rouveyre. On pourrait même
ajouter « il est notre Alceste », personnage pour lequel il avait un penchant tout
particulier. Il avouait même : « Les larmes
me viennent chaque fois que je vois
jouer Le Misanthrope. » Cet être qui se
prétendait fermé au sentiment pouvait
pleurer en récitant des poèmes de
Verlaine et Apollinaire.
Il disait n'avoir eu que des rapports agréables avec les gens de son quartier et
son entourage, sans jamais nul conflit. « Je
n'ai rencontré dans ma vie que des sympathies, je peux le dire. Je n'ai rencontré,
tout le long de ma vie, que des gens
empressés à m'être utiles. » Ce que
confirme son ami d'enfance André
Rouveyre : « Il montre à qui sait le voir un
cœur gentil comme il n'en est guère. »
Cet « ours mal léché » était né à Paris…
rue Molière ! le 18 janvier 1872. Mort le
22 février 1956.
La lanterne de ce Diogène-là continue
encore à nous éclairer sur la complexité
de la nature humaine.
ANDRÉ PANCHAUD
1
2
Mémoires d'un Parisien, Ed. Quai
Voltaire, 1994.
Œuvres, Mercure de France, 1988.
HOMMAGE à GEORGES ÉPERON
Il nous a quittés à l'âge de 90 ans, lucide,
athée, le plus vieil anar de Genève et autres lieux, combatif comme au bon vieux
temps où il manifestait contre les fascistes
de Géo Oltramare dans les années 1930.
Enfant abandonné, il fut recueilli dans un
orphelinat destructeur de sa personnalité,
puis envoyé se faire la peau dure chez des
paysans exploiteurs, violents et cupides. Un
pasteur protestant lui témoigna de la bienveillance, celle-là même dont usent les
récupérateurs d'âmes prétendument perdues dans le but d'augmenter leur cheptel
de brebis dociles toujours prêtes à bêler
leurs cantiques. Et puis, soudain, vint la
révolte. Georges Éperon prit le large. Pour
gagner sa croûte il ne trouva rien de mieux
que les chantiers où se pressaient les
ouvriers étrangers, italiens pour la plupart
et porteurs d'idées subversives anarchistes
et donc anticléricales. Et pour cause : ceuxlà savaient le poids des religions en général
et de l'Eglise catholique en particulier sur
l'esclavage social des masses travailleuses
(langage marxiste de l'époque oblige). Dès
la première paie, Georges s'offre ses premiers livres. Autant dire que Georges Éperon vient d'entrer en religion : la lecture*.
La lecture qui deviendra son anti religion:
Bakounine, Kropotkine, Sébastien Faure,
Proudhon, Zola. Plus tard, Camus le libertaire. La religion de Georges Éperon est
faite : ce ne sera pas un athéisme doctrinaire, non, mais un agnosticisme lucide bientôt illuminé de rousseauisme contemplatif
qui fera de lui l'homme libre, l'anar errant
qui travaille l'hiver en Suisse pour gagner
de quoi se payer printemps et l’été au
soleil, dans son camping-car brinquebalant :
le sud, la campagne vaudoise ou les montagnes du Valais. Sur les chantiers de l'hiver
il apporte sa bonne humeur et ses
réflexions caustiques sur le monde tel qu'il
est, tel qu'il le voit : peu engageant. Il n'est
pas le porteur d'une vérité quelconque,
puisque de vérité il n'en existe aucune
sinon la certitude de la limite de toute vie
d'homme, non, mais il agit en démolisseur
de toutes les impostures religieuses ou
politiques déguisées en autant de vérités.
Enfin, dans les limites du temps dont il
dispose… en dehors de celui qu'il consacre à la lecture. Georges Éperon, modèle de
culture ouvrière, deviendra à lui seul une
bibliothèque ambulante. La télévision s'avise un jour d'engager le peintre en bâtiment
qu'il était pour la réalisation des décors de
certaines émissions. Et c'est le coup de
foudre : la TSR découvre un homme exceptionnel. Elle lui consacre plusieurs émissions, notamment celles consacrées aux
abus commis dans les orphelinats d'une
certaine époque. C'est le monde de cette
enfance-là qui est révélé au grand public
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grâce à l'ami Georges: le monde qui lui a
volé son enfance. Avec la disparition de
Georges Éperon, Le Libre Penseur perd sûrement son plus vieil et son plus fidèle abonné. Il en est de même pour les autres journaux frères en rationalisme, La raison, La
raison militante et les Cahiers de l'Union rationaliste de France. Le long des quais du
Rhône on ne verra plus le vieillard à la blanche chevelure ondulée, contemplant la
magnificence rousseauienne des ors de
l'automne dans les arbres ou, assis sur un
banc public, lisant et relisant… Les rêveries
d'un promeneur solitaire. Salut à toi, Georges
Éperon, tu as bien mérité de la liberté de
penser et d'agir en conséquence.
NARCISSE PRAZ
* Une petite partie de sa riche bibliothèque à été offerte à l’Association vaudoise de la Libre Pensée.
L’Association suisse
de la Libre Pensée
a le pénible devoir de faire part
du décès, dans sa 91e année, de
Monsieur
Georges Éperon
(1922-2012)
Homme libre
Les obsèques civiles
ont eu lieu à Genève
le vendredi 9 novembre 2012.
ECTOGENÈSE : GESTATION
EXTRACORPORELLE
DANS CINqUANTE ANS ? OU AVANT ?
UNE MACHINE à BÉBÉS
Louer un utérus artificiel personnalisé,
une couveuse adaptée, pour mettre au
monde un enfant sans complications ni
fatigue, sans accouchement ni récupération d'un poids conforme aux normes
établies… c'est l'hypothèse futuriste que
développe le biologiste Henri Atlan
dans un ouvrage passionnant et provoquant.
Donc, dans cinquante ans ou avant les
femmes auraient le choix : elles pourraient porter leur enfant selon les
méthodes ancestrales, ou bien s'adresser
à un centre spécialisé dans l'ectogenèse,
qui se chargerait d'assurer à leur fœtus
une pré-vie confortable dans une couveuse miraculeuse. Baignant dans sa
boîte en plastique remplie d'un pseudoliquide amniotique à température étudiée, relié par le nombril à un placenta
artificiel, savamment bercé par impulsions programmées sur ordinateur, perfusé/e, sonorisé/e, le bébé, la bébé, avant
la naissance, n'aura presque plus besoin
de nous. Nous ne serons plus que producteurs d'ovocytes et de gamètes.
Effacées d'un coup les encombrantes
pathologies de la grossesse, ardemment
désirée ou carrément détestée : plus de
souffrance fœtale, plus de traumatisme à
la naissance, dépistage précoce des maladies génétiques, possibilité d'interventions chirurgicales ; et une naissance programmée à heure fixe avec coupure du
cordon hors de la boîte. Un frémissement à cette lecture ? Je pense à mon
grand-père paternel qui tempêtait aussi
lorsque nous lui affirmions avec une
affectueuse taquinerie que nous mettrions un pied sur la Lune !
Et un jour, Neil Armstrong…
Dissemblables et égaux les deux sexes ?
Oui, existe l'égalité de principe devant la
loi, mais l'égalité réelle entre masculin et
féminin n'existe toujours pas en 2012, ni
en France ni dans les autres Etats
membres de l’Union européenne.
Et n'examinons pas le reste du monde !
Les inégalités viennent du fait que les différences liées à la féminité sont considérées comme des signes d'infériorité.
ET IL N’Y A PAS DE DEUXIÈME
SEXE, LES FEMMES SE
DÉFINISSENT PAR ELLESMÊMES.
Ce qui était une fatalité est devenue un
choix : avoir ou non des enfants, c'est un
droit qu'a maintenant la femme à travers
toutes les techniques de contraception
et la légalisation de l'avortement. Si elle a
des difficultés pour être mère, elle dispose de l'insémination artificielle, de la
fécondation in vitro, et, dans certains
pays, de la mère porteuse. Pourquoi ne
disposerait-elle pas d'une solution bien
plus simple qui lui garantirait plus d'indépendance et aucune contrainte physiologique ? Et l'homme ? Pourquoi devrait-il
éternellement passer par la femme pour
avoir une descendance et en être privé si
elle n'en veut pas ? Comment ne pas
reconnaître avec honnêteté que le pouvoir de la femme à donner la vie ou refuser de la donner est exorbitant et injuste pour l'homme ! Et il faudra bien qu'un
jour on parvienne à résoudre en conscience le légitime désir d'enfants des
couples homosexuels, hommes et femmes.
L'ectogenèse, une prédiction apocalyptique, un délire de savants fous, un cauchemar à relents eugénistes ? Bien sûr
que non ! Seulement une formidable perspective offerte à l'espèce humaine, à la
résolution positive de situations aujourd'hui douloureuses, à une alliance beaucoup plus efficace et intelligente entre
féminin et masculin, à un respect parfait
de la volonté de l'Autre.
MÉLANIE LAFONTEYN
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indiquant la source, à l’exception
(rare) de ceux qui sont protégés
par le copyright ©
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VIENT DE PARAÎTRE
LES OISEAUX NOIRS DE CALCUTTA
Roman tiré d'une histoire vécue de
Anne M. G. Lauwaert.
Un séjour en Inde et dans les « slums »
de Calcutta, vus non pas comme on aime
les rêver, mais qu'on prend comme une
beigne en pleine figure dès qu'on regarde
avec les yeux en face des trous…
Alice fait un bilan de sa vie et décide de
partir en Inde. À peine arrivée à New
Delhi elle se heurte aux absurdités des
mentalités locales. Elle descend vers
Calcutta par petites étapes pour découvrir le pays. À Calcutta, elle séjourne
dans une institution pour enfants handicapés et abandonnés, rencontre Mère
Teresa. Grâce à la présence d'une jeune
bénévole allemande qui parle le bengali,
Alice découvre le dessous des cartes.
Petit à petit elle perd ses illusions. Elle
devient malade et quitte l'orphelinat.
Quand son compagnon vient la rejoindre elle comprend que leur relation est
arrivée à sa fin… Elle a donc tout raté.
Epilogue : Alice rentre en Suisse, elle doit
tout recommencer: se soigner, reprendre
sa profession et tirer le bilan de son
expérience. Au fil des années ses dernières illusions tombent, elle s'aperçoit que
même Mère Teresa n'est qu'un mythe
inventé de toutes pièces. Alice ne rejoindra la paix que quand elle aura renoncé
aux illusions et se sera consacrée au jardinage et à l'étude de la musique en
compagnie de son chien.
L'auteur : Anne M.G. Lauwaert est née en
1946 à Ninove en Flandre. Elle a passé une
partie de son enfance au Congo belge où
son père (pédagogue) avait été envoyé par
le gouvernement belge pour y créer une
école destinée à former des enseignants
autochtones, donc en contact direct avec la
réalité locale. Elle a suivi le lycée latinmathématiques à Bruxelles et obtenu le
diplôme de kinésithérapeute à Tournai. Elle a
beaucoup voyagé, notamment au Congo, au
Pakistan et en Inde
Editions Tatamis / 103, rue Albert 1er / F41000 Blois
280 pages, 16 euros (Suisse Fr. 28.–)
LES RAISONS POUR LESqUELLES
J’AI ENTREPRIS « LES OISEAUX NOIRS
DE CALCUTTA »
Il y a aussi les oiseaux de mauvais augure. L'« Oiseau noir » évoque la menace… l'ombre noire du rapace qui plane
là-haut, prêt à fondre sur sa proie. Les
rapaces… l'aigle, la buse, le faucon ont la
réputation noble, contrairement aux
vautours, charognards et autres corbeaux qui dépècent les carcasses putrides des cadavres en décomposition. Je
pense à cette photo célèbre d'un vautour qui guette un petit enfant noir qui
est en train de s'éteindre.
Il y a aussi les charognards humains qui
dépècent leurs semblables. Ceux qui
profitent de la vulnérabilité des autres
comme ces tiers-mondistes qui utilisent
la misère du tiers monde pour se valoriser ou se donner bonne conscience.
Ceux qui profitent du tiers-mondisme
pour, d'abord, en vivre eux-mêmes.
Ceux qui profitent des faibles pour les
exploiter : le travail des enfants, les abus
sexuels, les travailleurs non protégés par
des lois sociales. Ceux qui profitent des
ignorants pour les manipuler et fomenter des troubles sociaux, des violences
interreligieuses, interraciales. Les religions qui vivent sur le compte des faibles et des ignorants en les terrorisant
avec les menaces du feu éternel de la
géhenne ou de réincarnations vengeresses. Les corbeaux noirs évoquent les
toges et les soutanes.
« Calcutta »… la ville florissante sous la
colonisation britannique, capitale culturelle contrastant avec les bidonvilles,
haut lieu du tiers-mondisme avec la célèbre Mère Teresa... Tous les chemins des
angélistes qui rêvent de sainteté mènent
à Calcutta.
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Ayant vécu au Congo et adoré le
Pakistan, en tant que physiothérapeute
idéaliste et héritière d'un bigotisme
niais, il était inévitable que j'aille à
Calcutta.
L'ombre des oiseaux noirs qui planent
au-dessus du tiers monde est aussi une
menace pour l'Occident. L'Europe ne
peut pas absorber la misère du monde.
L'immigration importe ses conflits en
Europe. Ce n'est pas en déstabilisant
l'Europe que le tiers monde gagnera en
stabilité. L'Europe ne sait pas résoudre
les problèmes du tiers monde. Au lieu
de fuir leurs pays, les citoyens du tiers
monde doivent prendre leurs problèmes
à bras-le-corps et les résoudre euxmêmes, chez eux.
Il n'y a pas de mystère, s'ils veulent la
prospérité européenne ils doivent appliquer les méthodes européennes. S'ils
veulent maintenir leurs traditions, ils
resteront dans leur état traditionnel.
Choix difficile… sine qua non.
L'ombre menaçante plane aussi sur
l'Europe qui refuse de regarder la réalité en face, d'appeler un chat un chat, qui
se voile la face derrière le politiquement
correct, les illusions, les mythes... comme
Mère Teresa. Tôt ou tard les géants aux
pieds d'argile comme les pays soi-disant
émergeants imploseront puisqu'ils ne
sont pas construits sur des pyramides
sociales aux bases solides. Tôt ou tard il
va falloir regarder la réalité en face.
Ce livre raconte donc mon séjour en
Inde et est étoffé par d'autres histoires
racontées par d'autres personnes. Les
noms ont été changés car il ne s'agit pas
de « stigmatiser le pêcheur, mais de
dénoncer le péché ». Le but est aussi
d'encourager le lecteur à s'interroger
sur les problèmes du tiers monde et des
migrations avec bon sens et esprit critique car l'angélisme est aussi dangereux
que d'ignorer l'avertissement du
thermomètre.
EXTRAITS :
Dans l'orphelinat
« Le plus important, dit Alice, c'est de
vider et de nettoyer la grande terrasse.
La maison ne dispose ni de jardin, ni de
cour où les enfants peuvent sortir, prendre l'air, jouer, bénéficier du soleil. Il est
capital qu'ils puissent chaque jour aller
au soleil car c'est le soleil qui fixe le calcium dans les os... »
Visite chez Mère Teresa
Mère Teresa était assise tranquillement
sur le muret du balcon, elle souriait et
parlait avec le gros Yankee qui tira de la
poche arrière de son pantalon un très
gros portefeuille. Il l'ouvrit et en sortit
une énorme liasse de billets de 100 $. Ils
parlèrent et Mère Teresa lui donna un
chapelet et une bénédiction. Alice et
Mara se regardèrent... donc, pour les
gens qui apportaient des dollars, Mère
Teresa était présente.
C'était donc bien vrai qu'en Inde les religions ne servaient qu'à causer des violences.
Dans le bus
La fumée qui sortait des voitures était si
dense qu'Alice ne parvint plus à respirer.
« Je vais changer de place, dit-elle, près
de la fenêtre c'est insupportable... »
« L'essence coûte tellement cher, expliqua Mara, que les gens y ajoutent de
l'huile... ensuite les moteurs sont
détruits et la pollution devient de plus
en plus grave. Évidemment nous avons le
contrôle technique et des gaz d'échappement mais cela ne signifie pas que les
moteurs doivent être réglés, cela signifie
simplement qu'il faut acheter des certificats.»
La désorganisation
Cette fois Alice sombra dans la perplexité la plus totale. On se moquait
vraiment des Européens qui venaient ici
pour soigner les enfants paralysés par la
polio alors que les enfants sains n'étaient même pas vaccinés, ni même le
personnel... Il suffisait d'une contamination pour provoquer une épidémie
dévastatrice.
Alice interrompit les leçons d'anatomie
pour expliquer ce que c'était que la
polio, comment elle se transmettait,
comment elle se manifestait et quelles
en étaient les conséquences désastreuses.
– « Mais alors, demandèrent les didis,
nous aussi on pourrait l'attraper ? ».
L'ignorance était encore pire que la
polio.
Les sans-abri
Les histoires des enfants poussèrent
Hanna à contrôler leur dossier médical.
Un jour elle accourut chez Alice :
« Alice ! Oh, nein ! Regarde, lis ceci :
« adresse de la mère : station ferroviaire
de Howrah, quai numéro quatre... Mein
Gott! »
Lente prise de conscience
C'est comme cela que commença à naître sa colère contre l'Inde:
– « L'Inde a de l'argent pour construire
des bombes atomiques, mais pas pour
donner de l'eau potable à ses citoyens, ni
des écoles, ni des vaccins, quelle
merde! »
Les abandonnés
Une nuit, déjà très tard, les voisins
étaient venus frapper à la grande porte
en fer. Ce matin-là une femme était
venue et avait assis son enfant sur le
trottoir, lui avait dit de l'attendre mais
elle n'était pas revenue. Maintenant cet
enfant était assis là, dans le noir, seul,
affamé, épouvanté. C'est ainsi qu'il arriva
à Nil Bari... et puisqu'on l'avait trouvé on
l'appela « Trouvé ».
L'état des lieux
Si vous désirez que je reste, alors voici
les problèmes qu'il faut affronter : le
manque de respect envers le personnel,
le manque d'instruction des « didis », le
manque d'hygiène, le manque de sérieux
dans les vaccinations, le manque d'entretien du matériel comme les chaises roulantes, le manque de scolarisation des
enfants, les lenteurs, le je-m'en-foutisme,
l'ignorance… »
Alice continua sans euphémismes à énumérer tout ce qui clochait. Mary ouvrait
des yeux toujours plus effrayés. Jamais
elle n'avait entendu parler sur ce ton
aux papes de l'organisation... et de la
part d'une femme encore bien.
Les violences religieuses
Le mercredi il y eut couvre-feu et interdiction de sortir de la maison.
– « C'est seulement le « curfew » et
ensuite cela finit; cela arrive régulièrement. »
Le jeudi c'était encore couvre-feu et
Alice tenta de suivre le journal télévisé.
Manifestement la situation était assez
grave pour que toute l'Inde soit paralysée à cause des violences religieuses. Les
extrémistes indous avaient détruit la
mosquée que les extrémistes musulmans avaient construite sur des décombres d'un temple indou... au temps de
l'invasion musulmane. Il y avait de cela
des siècles.
Le réquisitoire
– « Mais c'est eux qui ont commencé... »
insista Mary comme pour les justifier.
– « Oui, fort bien : ils ont commencé il y
a trente ans, mais aujourd'hui ? Qu'estce que moi, je vois ? C'est un groupe de
vieillards qui ne font rien. Ils s'asseyent
derrière un bureau, sont entretenus,
prennent la place d'un jeune diplômé
capable de gérer rationnellement cette
grande institution et de planifier le futur
le libre penseur/no 155
Le colonialisme idéologique
C'est là qu'Alice se rendit compte qu'elle avait, lentement, fini par penser,
comme Debbi, que les religions étaient
la cause de bien des malheurs... et que
ne pas dénoncer les croyances et les
traditions obsolètes constituait un colonialisme idéologique invisible, sournois
et insidieux bien pire que le bon vieux
colonialisme de papa. Aussi longtemps
que le tiers-monde allait rester prisonnier de ses croyances, il n'avait aucune
chance de devenir des pays modernes
dans un monde moderne. Aussi longtemps que l'Occident réussissait à les
tenir dans leur ignorance et leurs superstitions, ils n'allaient pas devenir des
concurrents.
Le mythe s'écroule
Le temps passa. Mère Teresa mourut et
alors on commença la longue procédure pour la canoniser.
Quelque temps après, Alice lut dans la
revue Stern l'article de Walter
Wüllenwerber « Mutter Teresa wo sind
Ihre Millionen ? » Mère Teresa où sont vos
millions ?
Il avançait l'hypothèse que l'énorme
quantité d'argent récolté par Mère
Teresa avait servi à renflouer la banque
du Vatican qui avait fait faillite lors du
fameux krach du Banco Ambrosiano.
Alice découvrit aussi sur Internet que le
personnage de Mère Teresa avait été
fabriqué par le journaliste Malcolm
Muggeridge, « un conservateur fanatique, membre du Congress for Cultural
Freedom », une organisation sponsorisée par la CIA qui voulait établir en
Europe une contre-culture pro-américaine contre le communisme.
Ce Muggeridge avait-il vraiment construit sa Mère Teresa sur le modèle de
Sister Ludmilla de Paul Scott ?
Quand les scandales au sujet des abus
sexuels dans l'Eglise commencèrent à
être divulgués on découvrit que la bientôt sainte Mère Teresa avait protégé le
Père Donald Mc Guire qui avait été
condamné pour abus sexuels.
Somme toute, se dit Alice, si elle a utilisé l'image des enfants déshérités des
bidonvilles pour se faire donner de l'argent pour renflouer la banque du
Vatican, n'a-t-elle pas elle aussi abusé
des enfants, des pauvres et des bénévoles, et de tous ceux qui avaient donné de
l'argent et de tous ceux qui y avaient
cru?
Eh bien, se dit Alice en souriant car plus
rien ne l'étonnait, parmi les oiseaux
noirs de Calcutta, à côté des vautours
on peut trouver toutes sortes de charognards.
La reconstruction
Alice passa aussi par tous les stades des
clichés pseudo-philosophiques concernant « le sens de la vie » jusqu'à ce qu'elle comprenne que la vie n'a pas de sens.
Le sens implique le mouvement, or la vie
n'est pas un mouvement mais un état.
On est vivant ou on est mort et quand
on est mort tout est terminé. Mais aussi
longtemps qu'on est vivant, on est
vivant.
Le jour où elle perdit sa dernière illusion, elle se sentit infiniment triste mais
libérée, aussi libre que ces vieux chamois qui, débarrassés de la tyrannie de
leurs hormones, s'en vont, solitaires,
brouter tranquillement l'herbe fraîche,
loin des vaines agitations.
Elle ne sortit pratiquement plus de chez
elle, jouit de chaque instant possible
dans son jardin, avec son chien et commença à étudier la musique.
ANNA LAUWAERT
Sommaire
1- Le voyage
2- Nil Bari : la Maison Blanche
3- Social Worker
4- La vie quotidienne
5- Vers la fin du séjour
6- Epilogue
Pour ceux qui désirent se procurer en
Suisse le livre d’Anne Lauwaert « Les
oiseaux noirs de Calcutta » il suffit de remplir le bon de commande ci-dessous. (Les
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français « Daudin »).
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"
des enfants. Il faut éliminer ces poids
morts et engager des directeurs efficaces. Avant tout il faut scolariser les
enfants, ensuite leur donner une formation professionnelle. Il faudrait instruire
les enfants d'aujourd'hui pour que
demain ils puissent prendre la maison en
main: des administrateurs, des enseignants, du personnel soignant, des hommes et des femmes à tout faire, des cuisiniers qui connaissent les principes de
la diététique. En réalité il ne se passe
rien, vous végétez, vous n'avez aucun
projet, pas de perspective à long terme.
Vous vivez avec l'argent des bienfaiteurs
et le travail des bénévoles. Il me semble
tout à fait justifié de vous demander un
rendement et des comptes rendus de
vos activités. »
7
le libre penseur/no 155
8
JÉSUS AUX INDES ?
Entre le dogme d'un Jésus devenu
Christ (à la suite de toute une série
de prestidigitations comme la virginité d'une mère et la résurrection
d'un mort) et l'hypothèse de son
inexistence, il me semble qu'il
pourrait y avoir une place pour une
position considérant, à l'instar
d’Ernest Renan, Jésus tout simplement comme un homme ayant ses
propres idées en matière de religion.
La parution d'un roman historique
(L'eretico, Milan 2012) offre l'occasion
d'approfondir la question. En effet, son
auteur – Carlo Martigli – y parle d'un
journaliste russe aujourd'hui oublié :
Nicolaj Notovič, auteur, en 1894, de « La
vie inconnue de Jésus ». C'est lui qui, en
1887, suivant la piste de certaines
rumeurs, arrive dans la vallée du Ladakh
(Cachemire) où il parvient à obtenir de
la part de moines bouddhistes une copie,
plus ou moins conforme, d'un ancien
manuscrit. Dans ce document, il était
question d'un homme, provenant de
Palestine, qui aurait séjourné dans la vallée entre ses 15 et 30 ans et y aurait été
enseveli après être rentré dans son pays
pendant quelques années, ayant choisi d'y
retourner pour y mourir. Sa tombe se
trouverait dans la localité de Srinagar où
existe effectivement une « tombe du
Prophète ».
Cette découverte expliquerait pourquoi
les évangiles, officiels ou pas, sont muets
sur la vie de Jésus entre, justement, sa
quinzaine et sa trentaine. Il semble même
que Mgr Luigi Rotelli, nonce apostolique
à Paris, aurait offert à Notovič « une
somme importante en échange de la
non-publication du livre » (p. 469, trad.).
Pour conclure cette simple invitation à
« en savoir plus », une deuxième citation :
« Lire rend libres, et seulement en étant
libres on peut se faire des choix conscients. « Aireis » signifie justement en grec
choix, et donc être « hérétique » veut
dire tout simplement et seulement être
« celui qui choisit » : dans le monde que je
voudrais, tous devraient être hérétiques,
chacun dans sa propre diversité » (p. 493,
trad.).
Rappelons aussi qu'entre 120 et 130 de
notre ère, le philosophe Basilide fut l'auteur d'une série de commentaires des
Evangiles, considérés comme « la plus
abominable des hérésies », à savoir que la
Crucifixion était une imposture : Jésus
n'était pas mort sur la Croix car Simon
de Cyrène y avait pris sa place ; ainsi
s'exprime l'évêque Irénée de Lyon « Cinq
livres contre les Hérésies ». Le même argument est avancé, par ailleurs, dans le
Coran (VIIe siècle).
Une hypothèse (une de plus...) qui a été
confirmée après la découverte, en
décembre 1945, à Nag Hammadi (HauteEgypte) de vieux parchemins, en particulier celui comprenant un Evangile de
Thomas. A la suite d'une expertise internationale, ces documents ont été datés
« fin IVe - début Ve siècle ».
Il s'agit cependant de copies dont les originaux étaient déjà connus, avant l'année
150, par les premiers Pères de l'Eglise,
soit avant qu'ils ne soient écartés d'autorité, ayant été jugés apocryphes car
contredisant les dogmes imposés par
Rome.
CLAUDE CANTINI
KAPITALIST NIX GUT
Ce sont là trois mots que les évangélistes auraient pu mettre dans la
bouche de leur Jésus. Sauf qu'il les
aurait prononcés en araméen et
non en allemand avec l'accent bolchevique. On reste étonné de la
pauvreté du discours social dans les
textes pieux, Bible et Coran
confondus. Jésus a sur la richesse
des propos d'une naïveté consternante. « Vends tes biens et donnesen le produit aux pauvres » dit-il à
un propriétaire terrien. (Mat. 19:21)
Le type, ayant un peu plus les pieds
sur terre refuse, je crois. Car le
résultat aurait été que les pauvres
n'auraient cessé de l'être qu'un bref
instant, car vous savez ce que sont
les pauvres, vous leur donnez de
l'argent et ils vont le boire au cabaret. C'est en tout cas l'avis des
dames patronnesses. Et le riche
serait devenu pauvre et obligé de
faire la manche jusqu'à ce qu'un
autre riche distribue lui aussi ses
biens. On n'en sort pas.
JÉSUS : HOMME à FEMMES
A propos de manche, on peut tout de
même se demander de quoi vivait Jésus.
Ce sans domicile fixe, qu'on n'a jamais vu
travailler, devait tout de même se nourrir et se trouver un toit pour la nuit. En
tant que personnage divin, on peut penser que la rosée du Saint-Esprit suffisait à
satisfaire ses besoins, mais il était aussi
humain (certains malveillants prétendent
même qu'il n'était que ça) et soumis aux
mêmes contraintes physiologiques que
les foules qui l'écoutaient. La réponse
nous est donnée par un exégète iconoclaste et malicieux* qui l'a trouvée dans
Luc 8:3. Le bon docteur y crache carrément le morceau : Jeanne, femme de
Chouza, régisseur d'Hérode, Suzanne et
beaucoup d'autres et elles le servaient
de leurs biens. Il est amusant de comparer ici d'autres versions du texte.
Espagnole : y otras varias que le servian de
sus bienes. Luther (très embêté) : die Ihm
Handreichung taten von ihrer Habe.
Authorized Version: and many others
which ministered unto Him of their substance (totalement incompréhensible pour
l'Anglais lambda du XVIIe siècle). Si on
gratte un peu le bois qui recouvre la langue de ces vénérables traducteurs et
qu'on atteint le muscle, on lit ceci : Jésus
se faisait entretenir par de riches Juives
(jouant les Samaritaines ?). Même si cela
n'est pas mentionné dans les sermons
chrétiens, Jésus était un homme à femmes. Ils les aimait et elles l'aimaient.
(Jusqu’à lui offrir du parfum Chanel à la
louche). Cela le rendrait plutôt sympathique et par contre coup rend peu cré-
le libre penseur/no 155
dible le dogme qui en fait un personnage
éthéré.
ET VIVE LES PAUVRES !
Cela ne tirerait pas à conséquence, sauf
pour les tenants de la surprenante chasteté absolue du personnage. Mais cela
pose un autre problème d'éthique économico-eschatologique. Comment Jésus
pouvait-il supporter à ses côtés des
groupies (sur lesquelles il n'a évidemment jamais jeté un œil de convoitise qui
lui aurait déjà fait commettre l'adultère
dans sa tête) qui n'avaient pas vendu tous
leurs biens, ou plutôt ceux de leur maris
pour celles qui n'avaient pas la chance
d'être veuves, pour accéder, condition
sine qua non, à la vie éternelle. La doctrine est formelle : salauds de riches ! Et
vive les pauvres. Mais le discours reste
abstrait. On ne sait jamais qui est riche et
surtout qui est le bon riche. Plusieurs
paraboles mettent en scène de gros propriétaires qui sont, les uns sympas, les
autres injustes. Moi, je suis un peu
comme les disciples, des ahuris, et je ne
comprends pas toujours le sens lointain
de ces paraboles. Certaines me scandalisent carrément. Celle du fils prodigue,
par exemple. Le frère qui était resté au
domaine et avait trimé dur avait toutes
les raisons de la trouver saumâtre.
Comme la fille qui se tape le ménage
pendant que sa sœur se fait bécoter par
Jésus. Choisir la meilleure part ? Mais
c'est un discours de banquier suisse.
LE RÔLE DE L’INTENDANCE
Un autre moyen de subsistance de Jésus,
également déplaisant : il était piqueassiette. On le voit s'inviter partout,
même chez le percepteur, au grand scandale des Pharisiens. « Vous aurez bien un
morceau pour moi. » « Mais comment
donc ! » « Vous n'allez pas me laisser
manger debout ! » « Oh pardon, asseyezvous. » C'est une technique qui marche :
certains étaient flattés, d'autres ne
savaient pas dire non. Il avait alors beau
jeu de dire à ses disciples (Luc 12:22) ;
« Ne vous inquiétez pas de ce que vous
mangerez. »
Le rôle de l'intendance dans la vie de
Jésus n'est guère expliqué dans les sermons. Il paraît tout à fait normal pour un
pasteur ou un curé que Jésus réquisitionne un âne pour se déplacer. « Vous
trouverez un âne, vous le prenez et vous
direz que c'est pour moi. » En yiddish,
cela s'appelle « chutzpa », le culot monstre. Il n'en manquait pas. Les juifs, qui
sont encore aujourd'hui sceptiques
quant à l'identité messianique de Jésus,
9
appellent un type comme lui un
« schnorrer » un mendiant qui convainc
ses donateurs au bagout. Curieusement,
le mot existe dans certains dialectes alémaniques dans le sens de grande gueule
(n.d.l.r. : « schnora » en patois de Biasca).
Le « schnorrer », dans la tradition juive,
semble jouer selon Rosten (« the Joys of
Jiddish ») un rôle de catharsis, il permet
aux juifs pieux de se débarrasser sur lui
de la contrainte de l'aumône au pauvre.
Mais là n'est pas le problème. Il faut
regretter que les grands monothéismes
qui n'ont d'autre discours que celui de
l'amour du prochain et de la charité
qu'on lui doit ont été incapables de construire un système cohérent de justice
sociale.
DE L’« ALÉATOIRE CHARITÉ »
AU « SOCIALISME »
A se promener en Galilée avec un évangéliste pour guide, on a l'impression de
se trouver dans une vaste cour des miracles, un lieu d'horreur où l'on rencontre
à chaque coin de rue si on est en ville ou
à tout bout de champ à la campagne des
scrofuleux, des bancals, des lépreux, des
culs-de-jatte, des psoriasiques, des épileptiques et surtout des gens habités par
un (ou plusieurs) démons, c'est-à-dire
des malades mentaux. Certains chanceux
pouvaient croiser les pas du
Thaumaturge et être guéris par ses
soins, mais les autres ? N'y avait-il pas à
l'époque et en ce pays de Galilée des
endroits où on hébergeait et soignait ces
malheureux ? La rue et les chemins
étaient-ils leur seul refuge ? N'existait-il
pas, si rudimentaire qu'il fût, un système
de santé qui s'occupât d'eux et leur donnât un minimum de soins ? Avec des
hospices, des dispensaires, des lazarets,
des maladreries, des léproseries, des
hôtels-Jahvé ? N'y avait-il donc que l'aléatoire charité du prochain, particulièrement du prochain riche, dont on sait qu'il
a toujours un peu de peine à « les sortir » ? Et si c'était le cas, ces malheureux
mangeaient-ils à leur faim ? N'y avait-il
pas des ventres ballonnés par manque de
nourriture. Un des discours les plus
hypocrites, qui a encore cours de nos
jours chez les politiciens qui briguent
nos voix dans les pays démocratiques,
c'est celui de la famille cellule protectrice qui, si on la soutient, vaut toutes les
avancées sociales du monde. On vante le
sens qu'en ont justement les pays
d'Orient où elle devient un véritable clan
retranché qui offre la subsistance et le
réconfort à tous ses nombreux membres. Encore faut-il en avoir une. Pour tou-
tes sortes de raisons, tout le monde
n'est pas au bénéfice de cette cellule solidaire et nourricière. Dans le meilleur des
cas, un orphelin se fera recueillir par sa
parenté, mais les familles sont quelquefois égoïstes, comme l'a expliqué Gide, et
si l'orphelin est issu d'un mariage critiqué
par une famille bien-pensante, c'est tintin
pour l'hébergement ou les subsides.
Quant à la femme répudiée, elle est la
honte du clan et ne trouvera de refuge
nulle part. Il ne lui reste plus que le bordel ou la mendicité. Dans les pays qui
sont restés « du Livre », (l'un ou l'autre)
cette situation perdure. Les rares romanciers musulmans nous racontent de telles situations. Il a fallu les sans-dieu d'une
époque toute récente pour qu'on s'occupe des pauvres autrement que par la
charité et que l'aide donnée ne soit pas
subordonnée à une quelconque profession de foi. On a appelé ça le socialisme,
à ne pas confondre avec un « parti socialiste », qui est souvent toute autre chose.
UN PROGRÈS INIMAGINABLE
Si donc Jésus vitupère le riche, c'est pour
des raisons autres que sociales. Le capitaliste est un homme perdu pour le Ciel,
mais le système n'est jamais attaqué en
tant que tel. Il faut donc que je complète
mon titre : … mais Kapitalism O.K. !
Dans une parabole au demeurant discutable, Jésus dit bien qu'il faut donner son
argent à la banque pour qu'il rapporte un
intérêt. (Mat. 25:27). Par un tour de
passe-passe dont les religions sont coutumières, on a fait de Jésus le Sauveur
(avec majuscule, s'il vous plaît). En fait
Jésus n'a rien sauvé du tout. Promettre le
paradis aux pauvres est à la portée du
premier tribun venu. Mahomet, autre tricheur, a fait de même. En ajoutant même
les détails que l'on sait. Plus c'est gros…
S'il fallait choisir un sauveur parmi les
hommes de bonne volonté que la civilisation a produits, je dirais tout de go
Engels. Cet homme bon et juste, riche
lui-même, a fait, par ses écrits et par ses
actes que le pauvre, jusque-là tributaire
de la charité, chrétienne ou autre, est
devenu le prolétaire, c'est-à-dire qu'il
acquérait une identité sociale qui le révélait à lui-même. Il était dès lors prêt à se
défendre. La fatalité du pauvre destiné à
le rester et à y prendre plaisir puisqu'une fin radieuse lui était promise, c'était
terminé. Léon Blum lui permit même,
plus tard, de partir en vacances, comme
un riche. Ni Jésus, ni Mahomet n'auraient
pu imaginer une telle débauche. On parle
souvent du progrès de la science, de son
accélération vertigineuse dans les cent
le libre penseur/no 155
10
ou cent cinquante ans qui sont derrière
nous ; la justice sociale a connu la même
progression miraculeuse. Mon père, né
en 1900, n'imaginait pas pendant longtemps qu'il puisse y avoir un jour une
retraite pour les vieux. Cent et quelques
ans plus tard, c'est non seulement chose
faite, mais on s'occupe aussi des femmes
élevant seules leur enfant et dont on disait naguère avec opprobre qu'elles
avaient fauté. C'est un joyeux paradoxe :
ce sont les socialo-matérialistes qui ont
le mieux pratiqué le pardon des péchés.
L'Eglise catholique, encore aujourd'hui,
jette l'anathème sur les divorcés et les
filles-mères. Quant aux lépreux, aux
schizophrènes, ils sont pris en charge et
n'ont plus à tendre une sébile à la porte
des églises. Je ne peins pas un tableau
idyllique. Le système social que nous
connaissons est plein de trous, il va quelquefois cahin-caha, il n'a pas toujours de
solution pour les sans-abri, les chômeurs. Le paupérisme revient à grands
pas, on trouve des travailleurs qui ne
gagnent pas assez pour s'offrir un toit. Ils
sont à la rue, comme en Galilée d'alors.
Mais ce système imparfait, c'est le nôtre,
nous l'avons bâti avec nos faillibles mains
d'hommes. Sans l'aide de l'Extraterrestre
qui, s'il a existé seulement, se moquait
éperdument des pauvres et de leurs maladies.
ANDRÉ THOMANN
* Hans Conrad Zander : « Ecce Jesus », en
allemand seulement.
VIVE LA BELGIqUE ATHÉE !
Une enquête de la radio et télévision
belge RTBF révèle que les catholiques
pratiquants ne seraient plus que 3% des
citoyens et citoyennes belges (une foi !)
qui se déclarent officiellement de religion
catholique. Ils n'étaient déjà plus que 6%
en 2002.
En revanche, de 1982 à 2012 le nombre
des athées est passé de 24% à 42%. Et
70% des jeunes nés depuis 1982 déclarent
n'avoir aucun lien avec l’Eglise catholique.
Feu la très bigote et espagnole reine
Fabiola holala doit en avaler son chapelet
et son rosaire dans sa tombe. Courage
(une foi), les Belges, une foi ! Encore un
effort. A ce rythme-là, dans trente ans les
derniers survivants des humains belges
(une foi) qui croiront encore à la résurrection de leurs carcasses, à la vie éternelle et au Père Noël ne représenteront
plus que le 0,00005% de la population. Et
la statue du Mannekenpis l'insolent gamin
de la célèbre fontaine de Bruxelles pourra remplacer son jet d'urine bénite par du
vin de messe devenu superflu faute de
« Curés dans les Pouilles ». (Cherche pas :
c'est une de mes contrepèteries !).
NARCISSE PRAZ
CIVILISATION ET RELIGION
En 2000, sous pression de la communauté musulmane, Jacques Chirac ne voulait
pas courir le risque de perdre des voix et
il lança l'idée de créer au Louvre un
département réservé aux arts de l'Islam.
Il ne faut pas s'y méprendre et lors de l'inauguration en 2012 il a été clairement
défini qu'il s'agissait d'un hommage rendu
à une civilisation liée à la religion.
Voilà l'affaire !
Apparemment il ne saurait y avoir de civi-
lisation sans religion. C'est grâce à ce
théorème clérical que les Eglises s'arrogent tous les droits. Ainsi vivons-nous
dans une ère chrétienne, erronée en plus,
mais à laquelle se soumet le monde capitaliste chrétien sans rechigner.
Le Louvre n'y est pour rien, mais il a été
utilisé à des fins politiciennes et cléricales.
EDOUARD KUTTEN
DIS PAPY…
Depuis des siècles de grands
savants s'évertuent à expliquer que
les dieux n'existent pas. C'est pourtant simple, il suffit de se demander
quand, comment et pourquoi l'idée
d'êtres surnaturels est apparue
dans l'histoire de l'humanité.
Il faut ajouter que dans notre civilisation une chose existe si on peut
en prouver l'existence. Si on ne
peut pas prouver qu'elle n'existe
pas, cela ne prouve pas qu'elle existe… Exemple : ce n'est pas parce
qu'on ne peut pas prouver que le
« Babauw » (le loup-garou des
enfants tessinois) n'existe pas, qu'il
existe.
DONC, PREMIER PAS :
LA GENÈSE ?
A mon avis, la Genèse ne raconte pas
comment les choses se sont passées,
mais au contraire essaie d'expliquer ce
que les gens d'alors voyaient autour
d'eux. J'imagine ces pasteurs nomades
assis le soir autour du feu de bois et les
enfants qui posent leurs questions :
« dis Papy, c'est quoi là-haut ? »
« ça, c'est les étoiles et la lune »
« c'est qui qui les a mis là ? »
« c'est sûrement quelqu'un de très grand
et de très puissant »…
« dis Papy, c'est quoi l'orage ? »
« c'est la colère de quelqu'un de redoutable qui vit là-haut; d'ailleurs il est telle-
ment effrayant qu'on ne peut pas le
regarder en face puisque quand on le
regarde en face il nous aveugle »…
Eh bien voilà : les êtres surnaturels
étaient créés.
« dis Papy, pourquoi j'ai des bouffées de
chaleur quand je vois passer la fille du
voisin ? »…
« parce que Eve séduit Adam… »
Fort juste ! Ces bergers observaient le
comportement de leurs brebis. Les
humains sont des mammifères. Or chez
les mammifères, quand la femelle arrive à
la maturité sexuelle elle va en chaleur,
elle répand autour d'elle des parfums, les
phéromones pour signaler qu'elle est
réceptive et auxquels aucun mâle ne
le libre penseur/no 155
résiste… C'est la femelle qui choisit le
mâle qui pourra la féconder.
Mais oui, nos anciens juifs avaient parfaitement bien observé que c'est Eve qui
séduit Adam… et ils l'ont exprimé d'une
manière magnifique.
« Dis Papy, pourquoi Machin a-t-il tué son
propre frère ? »
« Caïn tue Abel parce qu'il a des déboires
et est jaloux de son frère qui a la baraka… »
« Dis Papy, pourquoi y a-t-il tant de sel
dans la mer Morte ? »
« Il y a tant de sel dans la mer Morte
parce que Yahweh (ou Yahvé du tétragramme imprononçable YHWH) s'est
fâché avec les guindailleurs de Sodome
et Gomorrhe… »
Toutes les civilisations ont pratiqué les
sacrifices humains.
Alors voici l'explication du sacrifice
d'Isaac :
« Dis Papy, pourquoi on ne fait plus de
sacrifices humains ? »
« On ne fait plus de sacrifices humains
parce qu'il est idiot de tuer les gosses
qu'on a tant de peine à faire et dont la
moitié meurt à cause de la mortalité
infantile. Alors Abraham a eu cette idée
géniale de remplacer son fils par un
mouton. Mais puisque le cerveau
d'Abraham ne pouvait pas arriver à une
idée aussi géniale, il n'y a qu'une solution:
c'est un ange qui l'a inspiré.
Maintenant que des Elohim nous ont
inspiré des lois sur la protection des
enfants et des animaux, il y a des musulmans qui sont inspirés par d'autres
anges, ou peut-être par les mêmes, et qui
prétendent que les sacrifices des animaux et les jeûnes et autres pratiques
obsolètes peuvent être remplacés par
des aumônes.
Malheureusement les Elohim n'ont pas
encore inspiré tout le monde… Ils ont
du pain sur la planche.
ET LA CIRCONCISION ?
Yahweh qui a créé l'homme s'est-il aperçu qu'il y avait un défaut de fabrication ?
Cela signifie-t-il que ce que fait Yahweh
n'est pas toujours parfait ? Cela se pourrait bien car un jour il s'est rendu compte de ce que l'homme qu'il avait créé
était méchant… Oui, oui, Yahweh a créé
l'homme méchant… et alors :
Gen. 6:6 : Yahweh se repentit d'avoir fait
l'homme sur la terre et il fut affligé dans
son cœur et il dit : «J'exterminerai de
dessus la terre l'homme que j'ai créé... »
Dommage que les Elohim qui préconisent le contrôle des naissances n'ont pas
encore été entendus par tout le monde.
11
UNE AUTRE HISTOIRE DE LA
GENÈSE NOUS INTERPELLE
Noé a un petit vignoble et apprécie le
vin, alors un soir il lève le coude un peu
trop haut et le voilà, bourré, qui ronfle,
couché par terre, tout nu. Son fils Cham
le voit et ça le fait rigoler et il le raconte
à ses frères Sem et Japhet qui, eux, sont
des puritains et cachent vite la nudité de
leur père.
Quand Noé sort de sa cuite, il maudit à
tout jamais son fils Cham et lui prédit
que lui et ses descendants seront les
esclaves de ses frères et de leurs descendants.
Détail intéressant : Sem et Japhet sont
blancs... mais Cham est un nègre (n.d.l.r. :
au diable le politiquement correct !)…
père de tous les nègres qui allaient suivre… Bon, il y a controverse Cham ou
ses fils Kouch ou Canaan* ? Mais cela ne
change rien aux conséquences.
Curieux que Noé ait eu deux fils blancs
et un noir.
Curieux que c'est justement le noir qui
est le méchant.
ALORS JE REPRENDS
MON RAISONNEMENT :
« Dis Papy pourquoi ces pauvres nègres
ont-ils tant de malheurs, et pourquoi estce qu'on achète des nègres pour en faire
nos esclaves, et pourquoi est-ce qu'on les
castre pour qu'ils ne polluent pas notre
belle race blanche ? »
« Les nègres ont un tas de malheurs
parce que leur arrière-grand-père a ri du
zizi de Noé et Noé l'a condamné lui et
tous les nègres à venir à être maltraités
par tous les blancs… pas de pitié, c'est
bien fait pour leur pomme… et… ça
nous dédouane… »
De même que nous comprenons que Le
Petit Chaperon rouge est un récit pédagogique destiné à expliquer aux enfants
que les pédophiles et les assassins ça
existe et qu'il vaut mieux ne pas se mettre en situation de devenir leur proie,
n'est-il pas temps de replacer les traditions et croyances religieuses dans leur
contexte, de les accepter comme telles
mais de vivre en hommes modernes
dans un monde moderne. Aujourd'hui
nous savons que l'orage n'est pas la colère d'un dieu farfelu qui nous envoie ses
furies au fil de ses caprices, mais la simple rencontre de nuages électriques.
Examinons les religions, recherchons
quand, pourquoi et comment l'idée de
l'existence d'êtres surnaturels est apparue dans l'histoire de l'humanité. Les traditions nées il y a des milliers d'années
dans l'Extrême et Moyen-Orient et qui,
alors, sans doute avaient leur raison d'être, sont-elles encore actuelles dans
notre civilisation ou font-elles partie des
mythologies ?
ANNE LAUWAERT
Bibliographie :
La Bible version
– Crampon
– Chouraqui
– J.-P. Lévy-Petit en bande dessinée
(extra !) version non censurée aux éditions Tatamis
* N.d.l.r. : La Malédiction de Cham se
porte, selon la légende biblique, sur son
fils Canaan qui a été maudit par son
grand-père Noé pour une faute commise
par son père Cham. Kouch, avec sa peau
noire, est là pour semer la confusion et
brouiller les pistes.
De la même racine que Kouch, on tire des
mots tels que « chaos » ou aussi « caché ».
Drôle de clarté pour une justice divine !
Association vaudoise
de la Libre Pensée
Service des obsèques civiles,
tél. 022 361 94 00
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Service gratuit pour les membres.
Pour s’exprimer lors des
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CLÔTURE DE LA RÉDACTION
1er février 2013
Les écrits anonymes ne seront pas
pris en considération.
le libre penseur/no 155
12
NUANCES ET FAUX-SEMBLANTS
Il y a des mots avec leur juste acception, mais aussi alourdis ou altérés
par les distorsions de sens dont ils
font l'objet. Ainsi en est-il de termes
tels qu'intelligence, culture, instruction
et compétence.
René Pommier, dans son stimulant
pamphlet sur la farce religieuse Rire
et colère d'un incroyant*, en arrive à
se demander si Pascal était intelligent. Au vu de ses travaux scientifiques on serait tenté de l'attester,
alors que ses Pensées – pour élégamment formulées qu'elles soient –
nous le montrent sous le jour d'un
fidèle têtu, dont les inévitables
sophismes ne résistent pas à l'examen. Même vont-ils jusqu'à décourager l'adhésion tant les perspectives
qu'ils nous ouvrent sont peu alléchantes, voire tristounettes.
Alors ? Comment concilier cette virtuosité mentale et cette crédulité de charbonnier? Comment un savant si réputé a-t-il
pu à ce point manquer de discernement ?
On en revient ici à ce qui distingue le cerveau humain d'un ordinateur.
Convenablement programmé, celui-ci
obéit à sa logique électronique en fonction des données dont on l'a nourri. Il ne
subodore pas, il n'extrapole et n'imagine
pas ; il déduit sans état d'âme, à partir de
faits certifiés et de combinaisons rationnelles, ni plus ni moins. Utile au physicien,
non au métaphysicien. Or dit-on, l'homme
est un animal métaphysique ; il pense et se
pense pensant. Non content de concevoir
l'ordinateur à la semblance de son système mental, il est à même de voir plus loin,
de supputer, d'élaborer et de se remettre
en question; à même surtout de manifester des goûts et d'éprouver des sentiments. Il ne se borne donc pas à exécuter
ou à s'exécuter ; il s'évertue à discerner, à
passer outre le savoir acquis, son entendement se doublant d'intuition. Il fait alors
preuve d'intelligence (dans le meilleur des
cas et à des degrés divers, bien sûr).
En quoi notre Pascal laisse beaucoup à
désirer. D'une part, fort des connaissances
scientifiques qui lui ont été inculquées, il
procède, en habile opérateur, à d'ingénieuses corrélations se soldant par d'intéressants résultats. Bien. Mais d'autre part,
en tant que croyant, faisant litière de
tout esprit scientifique, il prend pour
argent comptant tout un tissu d'articles
de foi, de témoignages douteux, de calembredaines composites, de «vérités » pré-
tendues révélées, pour finalement se borner à avaliser l'obscurantiste credo dominant ! Démarche de sectateur, où le simple
bon sens le cède à la superstition. Certes
Pascal est un homme instruit, savant dans
les limites de son domaine, mais dénué de
la simple intelligence qui l'aurait empêché
de gober des fariboles.
Plus futé, Descartes avait au moins préconisé de tout remettre à plat.
Mais comment y procéder ouvertement
en matière de dogme, en un siècle où la
tyrannie catholique vouait à la peine capitale le moindre contestataire ? Et n'est-il
pas significatif que nos manuels scolaires
de littérature et de philosophie s'étendent
si complaisamment sur des penseurs classiques confits en dévotion n'admettant
Voltaire que parce que son déisme le gardait de l'incroyance alors qu'ils traitent
beaucoup plus expéditivement des « libertins », pourtant autrement plus intelligents
et bien plus hardis, qui étaient en odeur
d'athéisme ou s'en réclamaient crânement ?
Le fait d'être instruit n'empêche
donc pas qu'on puisse raisonner
comme une cruche. De quoi les
milieux politiques nous fournissent d'innombrables exemples, au sein desquels, en
particulier, les énarques illustrent magistralement l'éclairant binôme : «capables de
tout et bons à rien ». Ne perdons pas de
vue, en effet, que l'immense majorité de
bévues, de fourvoiements, d'injustices,
d'incohérences, d'abominations et de
scandales dont souffrent nos sociétés sont
dus à l'action conjuguée de gens hautement instruits.
Si l'instruction ne garantit pas l'intelligence, ni, par conséquent, la compétence,
qui consiste à tirer un judicieux parti de
ce qu'on est censé savoir, elle ne saurait
non plus se confondre avec la culture, cet
« ensemble de connaissances acquises,
nous dit le Robert, qui permettent de
développer le sens critique, le goût, le
jugement». Encore faut-il au départ disposer des aptitudes voulues (ce qu'oublie le
dictionnaire). Lesquelles, distribuées assez
anarchiquement selon « le hasard et la
nécessité », ne sont pas données à tout le
monde, même si n'importe qui peut s'en
voir doté. Général ou spécifique, le champ
de la culture transcende les catégories
sociales. Un maître charpentier pourra se
révéler plus sensé et plus sensible qu'un
estimable docteur ès lettres; universitaires et diplômés en tous genres nous pro-
posent à cet égard une ample moisson de
sujets contrastés où le meilleur et le pire
se côtoient. La mémoire y masque souvent l'indigence intellectuelle ; de là ces
thèses de compilation qui font la
« somme » et la bibliographie l'emporter
sur la démonstration ou la découverte.
De là ces professeurs soporifiques et ces
conférenciers captivants. De là ces réputations surfaites et ces francs-tireurs dérangeants, dès lors mis à l'index.
Plus concrètement ? Pascal, nous l'avons
vu, était plus instruit qu'intelligent ;
Bossuet proféra éloquemment de monumentales insanités ; Maupassant ne vole
pas très haut (c'est pourquoi Flaubert
hésita longtemps avant de lui lâcher les
baskets) ; René Char a conféré au charabia
d'irréfutables lettres de noblesse** ; l'adulé Roland Barthes fut un insigne déconneur* ; la culture tant vantée de François
Mitterrand était des plus conventionnelles, que valorisa seul un entourage de cuistres ; il est de plus en plus fréquemment
admis que le fameux Ulysse de Joyce est un
assommantissime pavé ; Shakespeare,
amphigourique et emphatique, et Dante
avec son Enfer de musée Grévin et son
ennuyeux Paradis, doivent d'être encore
lus grâce à quelques bonheurs d'expression et à la réputation que leur ont forgé
d'influents masochistes ; le « nouveau
roman » a dupé quantité de lecteurs dans
le monde et déconsidéré la fiction française à l'étranger ; il ne suffit pas, pour se dire
nouvelliste, de bien rédiger des « compositions françaises » si elles sont dépourvues de ressort dramatique, etc.
On associe volontiers la figure de l'érudit,
du savant – de l'intellectuel donc – au
sérieux et à la componction, alors que la
culture et la libre pensée sont facteurs
de jubilation. A quoi s'opposent les peu
ragoûtants programmes des universités et
la sotte ségrégation opérée par elles entre
littérature noble et littérature « d'évasion ». Si un homme instruit peut n'être
pas intelligent pour autant, un homme
intelligent peut n'être pas cultivé,
faute de curiosité et/ou de sensibilité.
Quant à la compétence, elle n'est pas une
affaire d'étiquette, de certificat, mais d'efficace. Combien d'entrepreneurs autodidactes du bâtiment pourraient en remontrer au tout-venant des architectes ! Loin
d'être l'apanage des diplômés, le bon sens
et le discernement naturels pallient souvent les carences de ces derniers, empêtrés dans leur armure, imbus de théories
le libre penseur/no 155
sentencieusement fagotées, persuadés de
l'ignorance des gens de peu, comme s'il
n'était savoir que celui des traités et des
sorbonicoles, des cols blancs et des mains
maladroites. Combien de fois avons-nous
observé que le savoir-faire et les connaissances empiriques de tel paysan, de tel
artisan, et la sagesse qui en découlait, n'avaient rien à envier au livresque bagage de
nos infatués licenciés !
Il est évident qu'on a d'autant plus de
chances de pouvoir étudier à Oxford ou
Harvard, par exemple, qu'on dispose de
ressources matérielles suffisantes. Nos
démocraties bancales favorisent toujours
les nantis, même inaptes, valorisant ainsi
les critères d'appréciation arbitraires qui
déterminent l'octroi des peaux d'âne et la
part d'avantages y afférente. Le plus dommageable étant que l'humanisme d'une
fois est désormais battu en brèche par
une technocratie envahissante, qui passe à
la trappe des vertus cardinales – l'éthique,
l'intégrité, la culture générale, entre autres – pour donner libre cours au cloisonnement disciplinaire et au despotisme du
profit.
La mémoire passive, la compilation et la
paraphrase sont préférées à l'exercice de
l'intelligence, du sens critique, de l'imagination, dans le même temps que tout un
appareil de censures entrave la pertinence
du jugement et la liberté d'expression. Il
en résulte que notre intelligentsia se
robotise, se rend de plus en plus tributaire des prothèses électroniques et tend à
inféoder l'esprit à la logique mécaniste et
stéréotypée de l'ordinateur au détriment
de notre créativité, de notre libre arbitre
et de notre vocation ontologique.
De très nombreux ouvrages, parus chez
des éditeurs de premier plan, dus à des
auteurs on ne peut mieux instruits et bien
informés s'appuyant sur des documents
d'Etat et des « fuites » concertées par de
hauts responsables rechignant à s'afficher
distribués dans toutes les librairies de
France, souvent relayés par la critique, ont
dénoncé véhémentement, justifications à
l'appui, d'incroyables manquements et d'inadmissibles négligences. Manquements et
négligences imputables à leurs homologues tout aussi instruits et diplômés. Or
qu'en est-il résulté? Rien qu'une fuite en
avant des coupables ; et des pleutres qui
n'osent pas les épingler et tenter de
redresser la barre.
Notamment, l'infiltration musulmane, le
prosélytisme et les menées à fin terroriste de ses agents dormants dont le fanatisme ne se manifeste pas moins de diverses
façons ses prolongements criminels
(délinquance, pressions et agressions),
13
continuent à phagocyter de plus belle
notre nation, à déséquilibrer notre démographie originelle, à étendre les ravages de
la crédulité la plus primaire et la plus
obtuse, sans qu'aucune mesure soit prise
par ces potiches avides d'avantages et de
privilèges qui sont supposés nous gouverner «intelligemment ». L'on voit donc bien
à quoi servent nos « élites »:
– quelques-unes, s'échinent à prêcher
dans le désert ;
– la plupart s'ingénient à se boucher les
yeux et les oreilles ;
toutes se résignant à cet état de choses,
fruit difforme et vénéneux de la bêtise
congénitale exaltée par l'instruction,
de la corruption, de la veulerie et de l'arrivisme à courte vue.
Au demeurant, les Français mâles ne lisent
pratiquement plus (car est-ce lire que se
borner à feuilleter des bandes dessinées,
des albums d'images et se farcir quelques
«polars »?) ; le mammifère chez eux prend
le pas sur l'hominidé, ou l'homme-idée,
comme il vous plaira. Les philippiques les
plus éclairantes ne touchent donc que
quelques rares esprits libres, et réceptifs,
dont elles confortent l'opinion plus qu'elles ne la refondent. D'autre part, les
responsables mis en cause qui feront tout,
et pour cause, pour étouffer la vérité en
noyant le brûlot, qui fait alors long feu.
Dans le même temps, le gros du public se
gave de chansons ineptes, de tapages à
prétentions musicales, des exploits de
sportifs mercenaires et faisandés, de
congés payés standardisés, de connections
« internetisées » et d'élections truquées
qu'une presse partiale contribue à gauchir.
L’écœurement du corps électoral est
d'ailleurs tel que plus de 40% de ses effectifs s'abstiennent de voter plutôt que de
devoir choisir entre la peste et le choléra.
Aussi est-il piquant de voir parlementaires
et journalistes à leur solde feindre de croire que la majorité des Français s'est prononcée pour un parti, alors que c'est la
proportion d'abstentionnistes qui est prépondérante, cependant que certaines
catégories d'électeurs de droite sont arbitrairement sous-représentées! De quoi
nos députés n'ont cure, dont les poches,
et celles de leurs proches, continuent à
s'emplir... N’est-ce pas là l'Essence, Ciel?
Puisque le ciel y va de sa bénédiction, au
nom de leurs pairs, du fisc et du SaintProfit!
PIERRE LEXERT
* Chez l'auteur ou Editions Kimé, 2 impasse des Peintres, F-75002 Paris. (Livre
disponible à la rédaction du Libre
Penseur, Fr.18.– + port.)
Du même auteur : Roland Barthes, ras le
bol (Eurédit 2005) et Le « Sur Racine » de
Roland Barthes (Eurédit 2008)
**François Crouzet : Contre René Char (Les
belles lettres 1992).
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le libre penseur/no 155
14
qUAND L’ÂME SŒUR CACHE L’HAMEÇON
Quinze août, cœur de l'été, des
vacances, du repos; cette date a été
choisie par un certain Pie XII, pape
de son métier et grand rassembleur de chapeaux pointus lorsqu'il
s'agit de prendre une position toujours dogmatique, c'est-à-dire
ferme et définitive sur une question brûlante d'actualité, à savoir :
Marie, soi-disant vierge et soi-disant mère de l'improbable Jésus, fils
du non moins improbable « Dieu »,
a-t-elle été enterrée comme le vulgaire dans une fosse que l'on n'ose
qualifier de commune ou dans un
simple trou, dans cette bonne terre
qui nourrit son homme.
L’ASSOMPTION
Réponse de cette noble assemblée qui
transpire d'inspiration transcendante :
une telle perspective est impossible à
envisager : la mère de Dieu qui fut
conçue sans péché (c'est-à-dire sans
plaisir) ne saurait être abandonnée à un
sol si funeste. Ainsi, comme on n'a pas
des anges pour rien, autant en mobiliser
quelques-uns pour élever dans les airs,
pardon, dans les cieux, cette femme
exemplaire. Et ce fut le dogme de l'assomption. Cette mongolfiade sacrée
n'a pas fini de nous occuper: le 15 août
est une journée réservée à cette merveilleuse disparition qui nous vaut tout
de même une journée de congé pour les
catholiques. Merci mon dieu !
Ne vous inquiétez pourtant pas : Marie
la vierge (dont la sainteté est une évidence) reviendra ici et là faire la causette, de préférence à des jeunes filles ne
demandant qu'à croire ce qu'on leur dit
et ainsi, en récompense, seront détentrices de secrets datés et qui ne seront
révélés qu'après échéance, c'est plus
sûr !
Pour en arriver à cette conclusion, que
de débats, d'interrogations fumeuses !
Auparavant, il y eut des essais d'explications, voire même des descriptions, des
tableaux de cet événement, très en
avance sur Cap Canaveral et Baïkonour.
L’OBSCURITÉ DU PASSÉ
Bref, les foules assoiffées de miracles
exerçaient une pression constante sur
les têtes mitrées et couronnées en charge de dire le vrai par inspirationstranspirations devant aboutir à la défini-
tive révélation divine : il y eut entre autres Grégoire le Grand au VIIe siècle,
Grégoire de Tours puis les théologiens
de la Réforme au XVIe siècle, saint
François de Sale etc. Ils furent nombreux
ceux qui tâtonnaient dans l'obscurité du
passé pour trouver la bonne formule,
celle qui serait bien dans la tradition du
délire de l'extatique religieux. Mais
attention, il ne s'agit pas de nous sortir
une explication bas de gamme genre :
Marie a été inhumée dans un cercueil en
bois de cèdre, avec linceul, bleu évidemment. Dans cette hypothèse, on peut
vous rassembler quelques milliers de
fidèles qui en possèdent un morceau !
Dommage, il y avait là un filon de
reliques que nous aurions pu voir
« enchâssées » et portées par des adeptes à la foi souvent cagoulée genre Ku
Klux Klan et se frayant un passage dans
une foule sous l'emprise d'une surchauffe d'exaltation. Donc il n'était pas question de dire quoi que ce soit sur un sujet
aussi délicat sous peine d'être qualifié de
« diabolique » du grec διαβολος, (diabolos) qui signifie « calomniateur » ; ainsi
grâce à ce qualificatif exterminateur,
tout ce qui peut contredire les affirmations des appareils religieux sera susceptible d'un châtiment ubuesque (à la trappe, à la trappe !). Observons que toutes
les « niches cléricales » sont bien gardées par des anges pas du tout angéliques.
DÉESSE DE LA FÉMINITÉ
Enfin, tous ces « chapeaux pointus » ont
beau se réunir en assemblées carnavalesques et en des lieux « ad majorem dei
gloriam » dont nous pouvons encore
admirer de beaux restes (œuvres
d'hommes de talent et de courage) ils
passent généralement très à l'écart des
bons choix. Ainsi, cette célèbrissime
« Sainte Vierge Marie » superstar, nous
est toujours représentée sous une
forme d'éteignoir à chandelles, apparence un peu lourde, façon « Massabielle »
de chez Soubirous.
Et pourtant, dans les rangs de ces
incroyables fous volants, certains ont
situé le lieu de naissance de Marie en
Ionie, à Éphèse, lieu privilégié où l'on
voisinait avec le temple d'Artémis, l'un
des plus beaux du monde, une des sept
merveilles où l'on pouvait imaginer, circulant avec grâce Artémis, fille de Zeus,
sœur jumelle d'Apollon et, excusez du
peu, déesse de la féminité. Bref, une
apparition à couper le souffle aux moins
connaisseurs. Eh bien, ces messieurs ont
beau vouloir faire nombre, ils ont bel et
bien raté la marche nous permettant
d'accéder à un modèle à vous donner la
foi… en la féminité.
A force de vouloir donner un sens à la
vie, ils finissent par ignorer les cinq sens
qui sont ce qu'il peut y avoir de merveilleux dans notre ouverture au
monde. Si miracle il y a, il est là. Mais « ils
ont des yeux et il ne voient pas » leur dit
pourtant leur Bible.
Il faudrait ici placer ce dessin de Cabu
où l'on voit, au sommet d'une colline, un
groupe de pèlerins avec, au premier
rang, un mitré, crosse bravement saisie
et qui fixe le soleil. La bouche ouverte, il
doit dire quelque chose comme
« Alleluia, gloria et caetera ». commentaire
de Cabu : « Miracle ! des voyants sont
devenus non voyants ». C'est brûlant de
vérité!
L’EMBALLEMENT DU « PEUPLE
DE DIEU »
Chaque fois que le cours de l'hostie est
en baisse… de fréquentation, le clergé
part à la chasse aux « Επιφανεια »
(Epiphania), souvent grâce aux enfants
dont le regard est parfois d'une innocence irrésistible aux manipulateurs de
l'imaginaire. Ainsi se fabrique l'apparition
miraculeuse. Et cela relance la grande
fable biblique, grosse de toutes ces fantasmagories et propre, en rallumant la
foi, à étouffer un peu plus l'esprit critique. Les astrophysiciens connaissent et
utilisent cette manœuvre en orientant
leur vaisseau vers une planète dont la
force gravitationnelle accélère la vitesse
de l'engin. Et c'est l'emballement du
« peuple de Dieu » qui défile, se prosterne, avance parfois sur les genoux, se flagelle, brandit étendards, bannières et
croix en chantant des inepties qu'ils
appellent « cantiques » ; tout ceci n'étant
que l'expression consternante de la
régression de la pensée humaine et
comme ces pasteurs-gardiens de troupeaux n'en sont pas à un paradoxe près,
ils placent ces expressions sous le signe
de la spiritualité.
Une mode lancée par Jean Paul d'eux, le
« santo subito » par la grâce d'une subito
miraculée du système nerveux, a été
le libre penseur/no 155
15
reprise par notre Benoît en mal de masses populaires. Il s'agit bien sûr des célébrées JMJ, que nous traduisons entre
nous par « journées mondiales de la
jobardise » et qui ont connu un certain
succès avec le concours des économies
du vulgum pecus. Notre Benoît seizième,
pour mobiliser son troupeau, a lancé un
appel : Hilf mir ! Hilf mir ! puis, se ressaisissant, il a voulu faire comme son polyglotte prédécesseur « au secours ! au
secours ! » Mais le français ne lui étant
pas familier, il a lancé « au scout ! au
scout ! » Et ce fut le miracle des regroupements d'une jeunesse à la discipline
œcuménique cadencée. Quel bonheur !
UNE AURA SUPPLÉMENTAIRE
Mais revenons-en à Marie, la bénie entre
toutes les femmes, celle dont « le fruit
de ses entrailles est bénit », admirons en
passant la délicatesse de l'expression,
c'est dans le même esprit que le crucifié
pur-sang. Pour placer sa progéniture
sous les meilleurs auspices on ne se
contente pas d'un seul prénom : Paule,
Thérèse, Claire, Julie, Chantal, etc. Avec
Marie vous pouvez bénéficier d'une aura
supplémentaire, on est sous le charme
et la superprotection du religieux. Ainsi,
Marie-Jeanne (attention c'est MarieJeanne qui a donné Marijuana, Marihuana
c'est le paradis artificiel face au paradis
du ciel, il y a concurrence !). Ce prénom
étant très invasif, il est également attribué aux hommes (Jean-Marie, c'est bien
connu !). Plus souvent il termine l'énoncé des parrains-marraines. Ainsi, Paul
sera suivi de Maurice Elizabeth Marie, on
n'en fait jamais trop, « ad majorem Maria
gloriam » !
Marie a aussi donné lieu à quelques évolutions du langage. Ainsi, Marielle, Marial.
Le dictionnaire historique de la langue
française nous précise que ce prénom
semble avaoir été emprunté à l'italien
Mariolo, Marialo. Celui-ci, employé pour
qualifier quelqu'un qui vit d'escroqueries
(début du XV1e) et, au figuré, une personne pleine de malice, rusée (1556) est
probablement dérivé de Maria, Marie
dans l'expression « far le Marie, faire les
Marie » c'est-à-dire l'innocente, la sainte
nitouche.
LES FAUSSES APPARENCES
L'Assomption n'est bien entendu qu'une
des nombreuses manipulations-déformations de l'esprit humain. Même le mot
esprit est déformé et spiritualisé.
Comment qualifier ces manœuvres de
pécheur à la ligne. Encore notre bon dictionnaire :
Imposture : Action de tromper par des
discours, mensonges, fausses apparences, allégations mensongères.
Imposteur : Personne qui abuse de la
confiance, de la crédulité d'autrui qui
cherche à en imposer par de fausses
apparences, des dehors de vertu.
Voici quelques expressions d'auteurs qui
ont leur place ici:
Camus : Les mythes n'ont pas de vie par
eux-mêmes, ils attendent que nous les
incarnions.
Lucrèce (99-55): Connaître la raison des
choses.
Pétrone (dans Satiricon) : Votre pays est
si rempli de divinités secourables qu'il est
plus facile d'y rencontrer un dieu qu’un être
humain.
Renan : Il n'est rien que l'on puisse plus
exploiter que la crédulité des hommes.
Bossuet : Lorsque nous parlons des
esprits nous n'entendons pas trop ce que
nous disons.
Einstein : Il est plus facile de désintégrer
un atome que de briser un préjugé.
Si les gens ne sont bons que par peur
d'un châtiment et dans l'espoir d'une
récompense, alors nous sommes effectivement une triste engeance.
Pour terminer, ayons une affectueuse et
fraternelle pensée pour toutes les Marie
qui se déplacent avec courage et constance pour voir et apporter leurs soins
maternels à leur enfant… qui se prend
pour dieu… en hôpital psychiatrique!
ROBERT LESCUYER
RIRES ET COLÈRES
D’UN INCROYANT
Tous les musulmans qui s'indignent et qui
crient au sacrilège quand on caricature
Mahomet, sont évidemment persuadés
(le Coran le dit quasiment à toutes les
pages) que les incroyants sont inexorablement destinés après leur mort à brûler éternellement dans le feu ardent de la
géhenne. On peut donc s'étonner qu'ils
supportent si mal leurs sarcasmes fugaces et leurs blasphèmes éphémères.
Puisqu'ils sont sûrs d'avoir raison à la fin,
puisqu'ils ont l'éternité pour eux, puisqu'ils ont Dieu pour eux, que ne se montrent-ils un peu patients ? Les chrétiens
eux ne pensent plus guère que les
incroyants iront en enfer et pourtant ils
supportent plus facilement que les
musulmans les critiques et les moque-
ries, bien qu'ils aient encore pas mal de
progrès à faire. L'explication de cet apparent paradoxe est certainement à chercher dans le fait que les chrétiens d'aujourd'hui ne sont plus très sûrs que les
incroyants n'ont pas raison. Les religions
sont naturelle¬ment intolérantes : elles
ne s'adoucissent, elles ne s'amadouent
qu'à partir du moment où elles commencent à douter d'elles-mêmes.
Souhaitons donc que l'islam suive la
même évolution. Mais je crains que ce ne
soit pas pour demain.
RENÉ POMMIER
DIEU
Comme le prétend le nouvel évêque de
Lausanne, Genève et Fribourg :
JÉSUS est DIEU fait HOMME
Il semble oublier le corollaire :
Le SAINT-PÈRE est l’HOMME fait DIEU.
(André GRAU)
le libre penseur/no 155
16
RESPECT qUI ES-TU ?
Un joli mot ?
Une grande idée ?
Un sentiment naturel que m'inspire
autrui ?
Le dictionnaire Larousse nous dit : « sentiment qui porte à traiter (quelqu'un, quelque
chose) avec de grands égards, à ne pas porter atteinte à (quelque chose). Sauf votre
respect : que cela ne vous offense pas. Pluriel
littéraire : civilités, hommages, présenter ses
respects. »
Mais visiblement pas facile à mettre en
œuvre, car partout et tous les jours, on
invoque le respect, ou plutôt le manque
de respect.
Respect envers les autres, envers soimême ?
Qu'est-ce que respecter autrui ?
Pourquoi, faut-il respecter quelqu'un ou
quelque chose ? Au nom de qui ? Au nom
de quoi? Jusqu'où ? Par intérêt? Par crainte ?
Ou est-ce que je me situe par rapport au
respect d'autrui ? Parce qu'il m'est supérieur ou pour construire une relation d'égalité ?
« Il est plus désirable de cultiver le respect du
bien que le respect de la loi. » Henri David
Thoreau (1817-1862).
« C'est à celui qui domine sur les esprits par
la force de la vérité, non à ceux qui font les
esclaves par la violence, que nous devons nos
respects. » Voltaire (1694-1778).
« Si vous voulez être respecté, commencez
par être respectable et, en outre, assez
costauds pour imposer le respect. »
Somerset Maugham (1874-1965).
On dit qu'il se mérite, se gagne; c'est
pourquoi, pour se sentir respectable, il
faut respecter les autres.
Cette notion de respect est subjective,
comme tout aspect des relations intra et
inter humaines et ne peut donc être traitée de façon scientifique et donc, stricte,
mais par contre l'être de façon humaine
par la généralité.
Sa valeur peut se définir comme une
forme de politesse.
Chez Kant, le respect ne relève pas du
sentiment et de la sensibilité, mais de la loi
morale érigée par la raison pratique. Il
devient alors une obligation morale. Il le
définit comme le sentiment par lequel
nous prenons conscience de la loi morale
en nous.
Respect : latin respectus, regard en arrière,
de respectare, littéralement regarder à
deux fois. Attitude d'acceptation, de
consentement et de considération, envers
une personne, une chose ou une idée.
Il peut simplement être une marque de
politesse, une formule convenue, une
reconnaissance que l'on a de sa valeur en
tant que personne.
Les croyants pour préserver leur vie spirituelle nous disent que respecter les
autres c'est être bienveillant avec eux, les
aimer comme des frères : « Aime ton
prochain comme toi-même ».
Aimer l'autre, c'est aimer la création de
Dieu, donc respecter l'autre revient tout
simplement à aimer Dieu.
Ce qui n'empêche malheureusement pas
que quasiment toutes les guerres sont
des guerres de religion et que beaucoup
de violences atroces sur notre planète
sont faites au nom de Dieu.
« Respecter dans chaque homme, l'homme,
sinon celui qu'il est, au moins celui qu'il pourrait être, qu'il devrait être. » Henri-Frédéric
Amiel (1821-1881).
Dans les écrits pré-critiques de Kant
(1724-1804), le respect est synonyme de
l'estime que l'homme vertueux a pour
lui-même, donc de la générosité au sens
de Descartes (1596-1650).
Kant définit le respect comme le sentiment par lequel nous prenons conscience de la loi morale en nous.
Comme le sentiment du sublime, à la formation duquel il contribue, le respect
exprime la destination suprasensible de
l'homme en manifestant de la raison sur
la sensibilité. Reconnaissance faite d'admiration et de réserve d'une valeur plus
haute que soi incarnée dans un être ou
matérialisée dans une chose.
« Toute possession dépossède : on perd le
respect. » Jean Rostand (1894-1977).
Le respect étant un substantif masculin, il
provient du latin respectus (égard considération) dérivé de respicerer (regarder
en arrière, derrière soi). Il évoque l'aptitude à considérer ce qui a été énoncé et
admis dans le passé et d'en tirer les
conséquences dans le présent. A se
remémorer le moment où l'on s'est
engagé respectivement à tenir sa promesse, à satisfaire aux conditions d'un
contrat, au respect d'une promesse, à se
conformer aux règles du jeu.
Il y a aussi le respect envers la famille, les
parents et les enfants en particulier, les
amis, les ancêtres, les morts, les supérieurs, les règles, les lois, les régimes politiques démocratiques, la nation, les religions, les non-croyants, la nature, la
pelouse, l'environnement, le matériel,
etc. Elle ou il m'a manqué de respect,
autant d'expressions où apparaît la
notion de respect. En outre, il me suffirait de me faire craindre pour ne plus
avoir à respecter qui ou quoi que ce soit.
De même, en calculant mieux les conséquences de mes actes, pourrais-je me
passer de tout respect.
Si le respect s'identifie à l'intérêt bien
compris, il ne serait qu'une forme de
ruse.
N'est-il pas alors nécessaire de distinguer une action intéressée où le mobile
est la crainte du respect ? Le respect
n'exige-t-il pas, au contraire, l'absence de
crainte de ce que l'on respecte, ni son
usage purement utilitaire ?
Ne pas reconnaître la différence en l'autre c'est faire preuve d'irrespect contrairement à reconnaître l'autre comme
autre, dans son altérité.
Le respect est nécessaire à toute organisation sociale, mais il peut être le signe
de soumission, de l'acceptation, d'égal à
égal, de supérieur à esclave, de maître à
citoyen, de patron à employé, de dominant à dominé, etc.
La reconnaissance, le respect de la dignité d'autrui en tant que telle équivaut à la
sienne propre.
Le respect peut être de la déférence
désignant une forme de considération et
de condescendance mêlée d'égards que
l'on témoigne envers quelqu'un.
« Toutes les opinions sont respectables. Bon.
C'est vous qui le dites. Moi, je dis le contraire. C'est mon opinion, respectez-la donc. »
Jacques Prévert (1900-1977).
Le respect appliqué à une personne
prend un sens plus proche de l'estime, c'est pourquoi il doit être la
source et la fin commune de l'éthique et de l'esthétique...
OLIVIER LAZO
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le libre penseur/no 155
17
LES BRÈVES DE THOR DANNEMAN
Les trois grandes étapes de l'humanité :
Le feu, qui permit de faire des soupes.
Dégât collatéral, le barbecue sur le balcon qui empeste et enfume les voisins.
L'imprimerie, qui met les bandes dessinées à la portée de tous. Dégât collatéral, la possibilité de lire des livres
pervers, la Bible, le Coran et le Guiness
Book of Records. La poêle « Tefal » qui
permet de cuire avec moins de gras;
bon pour la santé. Pas de dégât collatéral.
Cela exige une longue préparation, des
années à ce qu'on dit. Un temps qui
pourrait être utile pour lire d'autres
livres, mais à quoi bon, puisque le
Coran les contient tous ? Comme dit
mon ami Tim (eo hominem unius
libri)…
***
Le gouvernement suédois envisage de
contraindre les hommes à faire pipi
assis. En d'autres termes. Stockholm
veut nous imposer la position du « mictionnaire ».
***
Si je dis qu'en aucun cas je ne saurais
être enterré à côté d'un juif (ou d'un
musulman), vous êtes d'accord qu'il s'agit là d'une déclaration antisémite (ou
anti-islamique). Si en revanche un juif
mort se refuse à voisiner avec la répugnante carcasse (mais c'est pour plus
tard) de Thor Danneman, il s'agit d'une
prescription religieuse à laquelle on
doit se plier. Pour moi, il y a une erreur.
***
Un grand concours de récitation par
cœur du Coran est ouvert. Récitation
en arabe bien sûr, même si vous êtes
malien, turc, indonésien ou carougeois.
***
Un des passages les plus scandaleux de
ce que les musulmans s'amusent à
appeler le noble Coran est bien sûr
celui où on ordonne de couper la main
des voleurs. J'appelle les Croyants (les
Croyantes peuvent écouter aussi) à
réfléchir à ceci : si vous coupez la main
d'un voleur, vous lui interdisez tout travail, vous en faites un chômeur, un
mendiant ou un assisté. A moins que
de sa main encore valide, il continue à
piquer le portefeuille des touristes.
Non, si vous voulez éviter toute récidive, je ne vois que la peine de mort
pour cette vermine. Allez donc au
bout de votre besogne !
***
Le seul argument qu'on ait jamais
opposé à ces mouquères qui se prétendent obligées de se cacher le visage
sous un voile prétendument religieux
est celui-ci : Mais alors, vous ne pouvez
pas sourire ! A entendre le ton agressif
avec lequel elles défendent leurs
convictions, on se dit que sourire est la
dernière chose qu'elles aient envie de
faire. Pauvres gosses.
EXAMEN DES 12 PREUVES
DE L'INEXISTENCE DE DIEU
DE SÉBASTIEN FAURE
Sébastien Faure, « Les 12 preuves de l’inexistence de Dieu », 2004, 96 pages, 10
euros, Les Editions Libertaires.
Les Éditions Libertaires ont rendu
service à tout champion de la raison dans le domaine de la religion
en rééditant Les 12 preuves de l'inexistence de Dieu de Sébastien
Faure, publiées pour la première
fois en 1914 ; on regrettera seulement que les éditeurs aient trouvé
bon de souiller leur nouvelle édition avec des dessins et des slogans
anti religieux indignes d'un tel livre
sérieux.
Les temps où les prêtres et les pasteurs partageaient la tribune avec
un libre penseur comme Faure
pour agiter les grandes questions
de l'existence et de la nature de
Dieu devant un auditoire passionné
de telles controverses sont, hélas,
depuis longtemps révolues : il est
donc à craindre que ce petit livre
ne passe inaperçu de ceux mêmes à
qui il est surtout destiné, et par
conséquent que l'on ne tienne le
débat pour gagné par défaut. Qu'il
soit alors permis à un simple philosophe d'offrir quelques brèves
réflexions sur les arguments de
Faure d'un point de vue strictement rationnel.
Les titres donnés par Faure à chacune de ses douze preuves sont
reproduits ci-dessous en caractères
gras ; la numération continue des
preuves est un ajout. Après le titre
se trouve un précis en italique de
l'argument de Faure par le présent
auteur: le raisonnement faurien est
presque toujours clair et simple, si
assez répétitif et déclamatoire, et
le libre penseur/no 155
18
1. LE GESTE CRÉATEUR
EST INADMISSIBLE.
Créer est une expression mystique vide de
sens, car il est censé signifier faire quelque
chose avec rien du tout: mais évidemment,
ex nihilo nihil, avec rien on ne peut rien
faire: donc l'hypothèse d'un être créateur est
contraire à la raison.
Faire suppose bien sûr une matière donnée, mais créer, c'est précisément autre
chose que faire: l'expression « faire avec
rien » est donc trompeuse. Le principe
de ex nihilo nihil n'est qu'un postulat a
priori, qui de plus implique l'éternité de
l'univers, ce que la cosmologie actuelle
n'admet pas.
L'idée de création est certes mystérieuse, mais on en trouve peut-être un analogue dans la pensée, où les idées semblent venir de nulle part. Peut-être aussi
faudrait-il comprendre la création divine
moins comme un acte dirigé vers l'extérieur que comme une opération de Dieu
sur soi-même, une limitation de son propre être pour faire place à un univers.
3. LE PARFAIT NE PEUT
PRODUIRE L’IMPARFAIT.
Entre l'œuvre et l'ouvrier il existe toujours un
rapport rigoureux et direct, l'univers est une
oeuvre imparfaite, entre le parfait et l'imparfait il y a une différence et une opposition absolues et irréductibles, donc, l'auteur
de cette oeuvre ne peut qu'être imparfait
lui-même, et Dieu, tel qu'il est conçu par les
croyants, n'aurait pu créer l'univers.
La majeure est fausse : tout ouvrier,
même le meilleur, peut produire une
œuvre inférieure, les exemples en sont
légion. S'il est libre, Dieu peut lui aussi
créer un univers imparfait ; il semble
même que Dieu produirait un monde
imparfait par choix, car autrement le
monde serait un second Dieu. Peut-être
aussi qu'un univers matériel par sa nature même serait nécessairement imparfait.
Une fois de plus, distinction n'entraîne
pas opposition ou incompatibilité. Le
principe que le parfait exclut l'imparfait
n'a pas été établi : on peut admirer une
œuvre imparfaite tout en lui préférant
une œuvre parfaite. Le principe inverse
que l'imparfait ne peut produire le parfait
paraît plus raisonnable, et impliquerait
plutôt un créateur, dès que l'existence de
l'idée d'un être parfait soit admise.
2. LE « PUR ESPRIT » NE PEUT
AVOIR DÉTERMINÉ L’UNIVERS.
Le dieu des croyants est un soi-disant pur
esprit sans qualités matérielles; entre un tel
esprit et l'univers matériel il y a pourtant
une différence, voire opposition, de nature
absolue et infranchissable: il est donc impossible qu'un univers essentiellement matériel
ait été déterminé par un esprit essentiellement immatériel.
Il ne faut pas confondre distinction et
opposition: l'une est une relation logique,
l'autre un rapport réel. Ce qui est différent peut être en même temps apparenté: ainsi un violon produit un son, bien
que les deux soient à peine du même
ordre. Faure présuppose aussi sans justification que l'univers soit purement
matériel.
Il reste que matière et esprit, tel qu'ils
sont traditionnellement représentés, sont
bien différents, et que la production de
l'une par l'autre est difficilement concevable : mais ne pourrait-on dans l'hypothèse
de la création envisager la matière
comme une sorte d'esprit déchu plutôt
que quelque chose totalement autre ?
C'est une idée qui trouverait peut-être
un appui dans la conception que se fait la
physique actuelle de la matière, qui
devient de plus en plus insaisissable.
4. L’ÊTRE ÉTERNEL, ACTIF,
NÉCESSAIRE, NE PEUT, à
AUCUN MOMENT, AVOIR ÉTÉ
INACTIF OU INUTILE.
Si Dieu existe, il existe de tout temps, et son
activité est nécessaire à l'existence du
monde: donc, il est éternellement et nécessairement actif. Alors, ou bien Dieu a été
oisif et superflu avant la création du monde,
ou bien il crée éternellement, et étant également éternel le monde se confondrait avec
Dieu.
La première partie de l'argument
contient un sophisme dû à l'ambiguïté du
mot « nécessaire » : de ce que Dieu est
nécessaire à l'existence du monde, il ne
s'ensuit pas que lui-même soit nécessité
de faire quoi que ce soit.
Quant au dilemme de la seconde partie,
si l'éternité de Dieu est conçue comme
intemporalité ou absence de temps, le
problème disparaît, car il n'y aurait pas
eu de moments pour être inactif : après
tout, c'est Dieu qui crée le temps aussi.
Si, par contre, son éternité est conçue
comme une existence pendant un temps
infini, on pourrait supposer qu'avant la
création du monde Dieu s'occupait ou
de la connaissance de soi-même, comme
chez Aristote, ou, comme dans la théologie chrétienne, de l'amour réciproque
le lecteur pourra au besoin aisément contrôler le précis sur l'original. L'examen critique de l'argument suit en caractères romains
usuels.
des trois personnes de la Trinité. Et
même si l'univers était éternel, il ne
serait pas l'égal de Dieu, car il lui manquerait toujours certaines perfections.
5. L’ÊTRE IMMUABLE NE PEUT
AVOIR CRÉÉ.
En créant, Dieu aurait changé deux fois, d’abord en formant le dessein de créer, puis
dans l'acte de création lui-même, et il ne
serait donc pas immuable. En se déterminant à vouloir ou à agir on se modifie, puisqu'il y a une différence aussi bien entre celui
qui ne veut pas et celui qui veut qu'entre
celui qui n'agit pas et celui qui agit.
D'abord, Dieu aurait pu prendre la décision de créer le monde de toute éternité, et n'eût donc pas changé d'avis; de
même, l'acte de création pourrait avoir
lieu hors du temps dans l'optique divine.
Mais même s'il n'en est pas ainsi, vouloir
et agir n'implique pas forcément un
changement dans la nature de celui qui
veut ou qui agit, mais seulement dans le
rapport de ce dernier avec le monde.
L'immutabilité de Dieu regarde son être,
qui est censé rester toujours le même, et
non son état : il n'est pas imaginé comme
figé dans un instantané.
6. DIEU NE PEUT AVOIR CRÉÉ
SANS MOTIF ; OR, IL EST IMPOSSIBLE D’EN DISCERNER UN
SEUL.
Si Dieu a créé le monde, il y a été déterminé par une raison : pourtant, la théologie
chrétienne ne peut donner aucune raison
raisonnable et sérieuse pour la création.
Dieu se suffit à lui-même : étant parfaitement sage et parfaitement heureux, rien ne
peut augmenter ni sa sagesse ni sa félicité:
il n'aurait donc pu former aucun dessein ni
poursuivre aucun but.
Les raisons pour la création ne sont nullement évidentes, mais on peut néanmoins en suggérer quelques-unes.
Premièrement, Dieu se serait peut-être
proposé une nouvelle tâche pour exercer ses pouvoirs. Deuxièmement, il
aurait par curiosité voulu observer l'évolution d'un univers en partie aléatoire,
et ainsi imprévisible même par une intelli-gence infinie. Troisièmement, il aurait
par altruisme voulu créer des êtres
rationnels capables de bonheur pour
augmenter la félicité de l'univers et se
donner des objets supplémentaires d'amour.
Quant à la seconde partie de l'argument,
la perfection n'exclut ni la variété ni la
nouveauté : Dieu aurait donc pu manifester sa perfection de différentes façons,
voire d'une infinité de façons, en se pro-
le libre penseur/no 155
posant des desseins et poursuivant des
buts toujours nouveaux.
Il n'est pas vrai d'ailleurs que la théologie
chrétienne ne donne pas de raisons pour
la création : les dogmatiques et catéchismes traditionnels en proposent
quelques-unes, au moins pour la création
de l'homme.
7. LE GOUVERNEUR NIE LE
CRÉATEUR.
Un créateur parfait et un gouverneur parfait
et nécessaire s'excluent l'un l'autre. Si l'univers créé par Dieu eût été une œuvre parfaite, un gouverneur n'aurait pas été nécessaire.
Cet argument présuppose la troisième
thèse ci-dessus, qui n'a pas été établie :
malgré la perfection de Dieu, l'univers
peut être imparfait. De plus, l'univers
n'est pas une machine fonctionnant selon
des lois irrésistibles, mais un système en
partie soumis au hasard et à la libre activité de l'homme : les interventions de
Dieu dans le monde, si elles ont lieu,
pourraient servir simplement à éviter les
pires conséquences du hasard et de la
faiblesse humaine.
8. LA MULTIPLICITÉ DES DIEUX
ATTESTE qU’IL N’EN EXISTE
AUCUN.
Chaque religion proclame qu'elle seule est
en possession du Dieu vrai. Mais, s'il était
tout-puissant, Dieu aurait pu se révéler à
tous également; s'il était parfaitement juste,
il l'aurait fait aussi, et il n'y aurait alors qu'une seule religion. Donc, l'existence de plus
d'une religion prouve que Dieu manque ou
de puissance ou de justice, et n'est donc pas
le Dieu des croyants.
Toute communication suppose et celui
qui parle et celui qui entend : une révélation doit donc s'accommoder aux capacités des différents auditeurs. Il serait
donc raisonnable que Dieu se soit révélé d'abord aux plus avertis pour les éduquer à une révélation complète, lesquels
à leur tour auraient la tâche d'instruire
les autres. Si d'ailleurs la révélation s'effectue en partie sous forme d'un seul
individu, celui-ci doit nécessairement s'adresser en premier lieu à un nombre
restreint d'auditeurs.
La multiplicité des religions enfin n'exclut
pas la possibilité qu'un élément de vérité
s'est révélé en chacune, et que, malgré
leur diversité, elles adorent le même
Dieu de différentes manières.
9. DIEU N’EST PAS INFINIMENT
BON : L’ENFER L’ATTESTE.
Dieu aurait pu nous créer tous bons et nous
19
admettre tous dans son paradis, ou du
moins anéantir les méchants après la mort.
Les tourments des damnés n'étant profitables ni aux élus ni aux damnés eux-mêmes,
vu que leur supplice est sans fin, c'est Dieu
qui s'en repaît sadiquement, qui n'est donc
pas infiniment bon.
Être à la fois libre et nécessairement bon
paraît contradictoire; du reste, quelle valeur
morale aurait une vertu nécessitée ? Dieu
pouvait créer l'homme capable de bonté,
mais non pas tel qu'il serait toujours effectivement bon.
Les peines physiques de l'enfer ont probablement toujours été comprises par
l'opinion éclairée plutôt comme des images d'un état spirituel que comme des
réalités, et elles ne figurent plus guère
dans la croyance populaire non plus, en
partie sans doute en conséquence de la
critique rationaliste. Conçue comme l'état post mortem de ceux qui, à un
moment donné, choisissent librement de
se séparer de Dieu de façon permanente – soit en niant son existence, soit en
contestant son autorité – et ainsi de se
priver des bienfaits célestes, l'idée d'un
enfer ne semble rien posséder d'injuste,
surtout si ses habitants ne sont pas conscients de leur perte. Au contraire, un
enfer pourrait être même requis par la
morale pour sauvegarder la liberté de
choix de l'homme face à la toute-puissance divine ; et loin de se repaître du
sort des damnés, Dieu pourrait s'en
attrister ou simplement les oublier.
10. LE PROBLÈME DU MAL.
Le mal existe, car tous les êtres sensibles
connaissent la douleur : Dieu, qui sait tout, ne
peut l'ignorer. Donc, ou bien Dieu voudrait
supprimer le mal, mais ne le peut pas, et il
n'est pas tout-puissant ; ou bien Dieu pourrait supprimer le mal, mais ne le veut pas, et
il n'est pas infiniment bon. Ayant présidé à
l'organisation du monde, Dieu est responsable du mal physique et moral, et l'homme
n'est responsable ni de l'un ni de l’autre.
À cette objection classique, la réponse
classique, que Dieu permet le mal à
cause du plus grand bien qui en découle,
paraît assez bien ; mais reprenons l'argument.
Il est vrai que tous souffrent, mais cela
est-il forcément un mal ? La douleur physique joue un rôle essentiel dans la survie et ainsi dans l'évolution des organismes ; il semble que le mal moral joue un
rôle analogue dans la prospérité et le
développement spirituels de l'homme.
Un monde sans aucune occasion de
souffrance – accident, erreur, maladie,
déception, même bévue et bêtise – serait
un monde sans intérêt ni sens : après
tout, rien n'est pire que l'ennui.
On peut certes imaginer un monde avec
moins de douleur ou avec une autre distribution de la même quantité de douleur : mais il n'est pas démontré que la
quantité et la distribution actuelles ne
soient pas optimales pour donner à la vie
le maximum d'intérêt. Dans un monde
en partie aléatoire il n'est qu'à attendre
que la souffrance ne soit pas également
distribuée, et cela fait même partie de
son intérêt. Un paradis offrirait la possibilité d'une compensation céleste pour
ceux qui ont souffert injustement ici-bas,
et ainsi l'hypothèse d'un Dieu paraîtrait
plutôt comme une réponse au problème
du mal que sa source ; il se peut même
que Dieu permette le mal pour éveiller
chez l'homme une aspiration vers le ciel.
Et enfin, la vie est-elle somme toute si
mauvaise ?
11. IRRESPONSABLE, L’HOMME
NE PEUT ÊTRE PUNI NI
RÉCOMPENSÉ.
Nous sommes tels que Dieu a voulu nous
créer. Dépendant ainsi totalement de Dieu,
l'homme n'a aucune responsabilité ; n'étant
pas responsable, ses actes ne peuvent pas
être moralement jugés : donc Dieu, en punissant ou récompensant l'homme, est un justicier indigne.
Encore une fois, Faure présuppose que
l'homme ne soit pas libre. La liberté ne
se laisse certes pas expliquer – en donner la cause serait évidemment contradictoire – mais son impossibilité n'a pas
pour autant été démontrée. En plus,
Faure confond ici origine et dépendance :
comme le montre l'exemple de parents
et enfants, on peut devoir son origine à
quelqu'un sans dépendre de lui pour toutes choses.
12. DIEU VIOLE LES RÈGLES
FONDAMENTALES DE L’ÉqUITÉ.
Le magistrat idéal fixera un rapport rigoureux entre l'acte et la sanction : pourtant
Dieu, par le ciel et par l'enfer, viole cette
règle. Car le mérite et la culpabilité de
l'homme sont toujours limités, tandis que le
ciel et l'enfer sont sans limites, ne serait-ce
que par leur perpétuité.
L'intégrale sur un temps infini d'une
fonction d'intensité de joie ou de douleur décroissant asymptotiquement à
zéro peut tout de même être finie ; si
cela est exclu, il ne reste dans l'hypothèse de l'immortalité d'autre moyen de
proportionner la sanction aux mérites
que par l'intensité de celle-là à un instant
donné. Or, il n'est pas du tout sûr que les
le libre penseur/no 155
20
joies célestes et les peines infernales
seraient les mêmes pour tous ou sans
commune mesure avec celles d'ici-bas :
et si c'est le cas, la justice est sauvée.
Finalement, selon certaines conceptions
théologiques, Dieu est plus qu'un magistrat : il est souvent censé s'occuper de sa
création comme un père qui se montre
généreux – et même les magistrats
humains sont parfois loués pour leur
générosité.
CONCLUSION
En somme, les preuves de Faure ne sont
pas d'égale valeur : des douze les plus
fortes sont probablement les numéros 2,
5, 6, 10, et 12, mais aucune n'est décisive.
Faure lui-même n'est certes pas sans
prévention – il ne faut pas confondre
manque de foi et manque de préjugé –
et quelques-unes de ses critiques s'appuient sur une conception périmée de
l'univers physique comme un système
totalement déterministe qui exclut la
liberté de l'homme, ainsi que sur une
conception de Dieu qui n'est pas celle
de la théologie chrétienne. Sa logique
aussi laisse parfois quelque chose à désirer. Surtout, si Dieu est un être essentiellement supérieur à l’homme – et
autrement il serait à peine un dieu – eston en droit d'exiger, comme le fait évidemment Sébastien Faure, que toutes
ses pensées nous soient connues ? Là où,
malgré tous efforts, la raison divine nous
dépasse, il suffirait pour un croyant de
démontrer qu'elle n'est pas contraire à
la nôtre. Faure a une conception un peu
simpliste de la métaphysique, je trouve. Il
tend à penser en blanc et noir, tout
comme la figure si piquante de la nonne
anarchiste-athée qui orne la nouvelle
couverture de son livre.
Il va finalement sans dire qu'en démontrant l'insuffisance de certaines preuves
de l'inexistence de Dieu, on n'a pas
démontré son existence, sauf peut-être
dans la mesure que le besoin de douze
preuves de son inexistence semble indiquer que les quelques arguments
contraires sont assez forts.
J. L. H. THOMAS
Philosophe indépendant
(N.d.l.r. : Prouver l’inexistence de quelque
chose est pratiquement une mission impossible, mieux vaut exiger la preuve de son
existence. Concernant Dieu on l’attend
depuis belle lurette.)
ÉCHO DE LA PRESSE
LA FIN DU CHEMIN
DE CROIX POUR LE PROF
ANTI-CRUCIFIX
VALAIS. Valentin Abgottspon viré
en 2010 pour avoir refusé que sa
classe soit ornée d'une croix, a
obtenu gain de cause devant la
justice cantonale.
« Je suis très content ! » Le soulagement
pouvait s'entendre dans la voix de l'enseignant. En 2010, Valentin Abgottspon a
été licencié sans préavis par l'école de
Stalden. Le libre penseur avait refusé de
remettre au mur le crucifix qu'il avait
décroché de sa salle de classe. En août
2011, le Conseil d'Etat avait confirmé la
décision de l'établissement haut-valaisan.
Le prof avait alors déposé un recours de
droit administratif devant le Tribunal cantonal. Qui lui a donné raison, a-t-il communiqué le 15 novembre.
A l'origine, l'école régionale de Stalden
avait motivé sa décision de renvoi immédiat par le manque de respect de l'enseignant envers ses supérieurs. Le tribunal,
lui, a rappelé qu'un licenciement immédiat était soumis à des conditions strictes
et que le comportement reproché au
recourant ne pouvait pas être qualifié de
particulièrement grave. Les autorités de
Stalden vont examiner le jugement, a
confirmé le président de la localité, Egon
Furrer. « Mais je ne pense pas que nous
allons recourir », a-t-il néanmoins ajouté.
« Le caractère abusif de mon licencie-
Valentin Abgottspon
ment a enfin été reconnu », s'est réjoui
Valentin Abgottspon. Le Valaisan a l'intention d'exiger des compensations financières. « Même si j'ai retrouvé un poste dans
une école de Mörel (VS), j'ai été quelque
temps au chômage et j'ai dû assumer des
frais liés à mon déménagement et aux
déplacements », a-t-il expliqué. Et d'ajouter : « Je veux faire comprendre aux
conservateurs et aux autorités que nous
vivons au XXIe siècle, même en Valais ! »
ATS/Olivia Fucus
20 Minutes (16.11.2012)
JUSTICE…
A LA VALAISANNE !
Avec une magistrale faute d’orthographe
dans son titre sur quatre colonnes, LE
quotidien du Valais, dans toute son excellence, annonce que l'enseignant hautvalaisan Valentin Abgottspon, licencié
pour avoir refusé de raccrocher aux
parois de sa salle de classe le crucifix
qu'il en avait ôté, a été absouT de son
crime par le Tribunal cantonal du Valais.
Notre ami haut-valaisan et néanmoins
cofondateur des Walliser Freidenker,
pourra ainsi faire valoir ses droits à une
équitable indemnisation pour s'être
retrouvé d'abord au chômage puis dans
la nécessité de se chercher un nouveau
poste d'enseignant… malgré la sulfureuse réputation que lui aura valu dans son
canton avant-gardiste son courage et sa
détermination.
Or, ledit Tribunal cantonal du Valais s'est
bien gardé de prononcer un jugement
sur le fond de l'affaire, à savoir la légitimité légalement reconnue par un jugement du Tribunal fédéral de l'action de
le libre penseur/no 155
21
Valentin Abgottspon décrochant le crucifix de sa salle de classe dans la commune
de Stalden et refusant de l'y remettre sur
injonction de la bigote Direction. Car le
fait est acquis : l'instituteur tessinois
Guido Bernasconi qui avait eu le même
sain mais malsaint réflexe dans les années
1990, après moult mésaventures judiciaires avait recouru jusqu'au Tribunal fédéral et obtenu gain de cause. Non seulement, aurait dû préciser aujourd'hui LE
quotidien valaisan, il avait été absouT,
mais il avait jeté un sacré caillou dans les
jardins de l'évêché de Sion en lui signifiant que désormais tous les crucifix
imposés dans les écoles valaisannes
devenaient ipso facto illégaux. Mais,
c'est un fait bien connu, l'évêché de Sion
qui régit, par PDC et PCS interposés,
politique cantonale, justice cantonale,
instruction publique et pubique cantona-
le et mœurs administratives, plane loin
au-dessus des lois profanes. Seule compte la loi divine ou prétendue telle.
Le Tribunal cantonal du Valais a donc
absouT, écrit LE quotidien, l'enseignant
libre penseur haut-valaisan non point en
s'appuyant sur ce pourtant célèbre jugement du Tribunal fédéral, mais sur des
lacunes administratives mineures : il n'a
pas été consulté avant la décision de
licenciement, ce qui constitue une violation de son droit d'être entendu. Plus
hypocrite, tu meurs ! Cela les aurait donc
à ce point écorchés vifs, les dignes juges
valaisans, de baser leur sentence sur
l'illégalité flagrante de la présence dudit
crucifix dans cette salle de classe ? C'en
est à croire que la menace de quelques
coups de crosse épiscopale sur leur tête
leur a fait perdre la notion même du
droit le plus élémentaire. Quant au
conseiller d'Etat en charge du
Département de l'instruction publique,
comme dans l'affaire de Patrick Bussard
émérite tronçonneur de croix sur les
cimes helvétiques, il se retranche courageusement derrière sa position déjà formulée par lettre au soussigné lors de cet
évènement : « La paix religieuse règne dans
le canton du Valais. Je ne vois pas de raisons
de la troubler. » En toute bonne conscience d’élu du parti radical qui fut bâti sur
l'anticléricalisme et la liberté de pensée
et d'opinion ? Peut-être. Mais au mépris
de l'avis de droit de la plus haute autorité du pays en la matière. Qu'il ne se
considère pas comme absouS pour
autant.
NARCISSE PRAZ
SACRIFICE HUMAIN
La bête ne mérite pas qu'on la désigne à notre place.
Quelle abomination que mutiler ces femmes,
Les priver d'un des plus beaux plaisirs d'exister !
Au nom de quelle loi tuer la liberté
D'exprimer par le corps ce que l'amour proclame ?
Car le corps est aussi le traducteur de l'âme
Et tous les deux ne cessent de se concerter ;
Honte à tous les auteurs de ces brutalités
Qui prédisent l'enfer et méritent ses flammes.
Que ressent la fillette amenée par la ruse
Au bourreau qui lui fait ce qu'aucun dieu n'excuse
Si ce n'est la Bêtise et l'Appropriation ?
Qu'on ne me parle pas de coutume ancestrale
Mais de furie, de crime et de profanation
Qu'on ne peut même pas qualifier de bestiale.
LOUIS DELORME
extrait de « Fleurs de printemps », à paraître.
EN LISANT
« Alors que le principal propriétaire foncier du pays (la Grèce), l'Eglise orthodoxe,
est exemptée d'impôts, ce sont les retraites de plus de 1200 euros qui sont amputés
de
20%
(Paolo
(Gilardi,
« L'anticapitaliste », Lausanne, 6 octobre
2011).
***
Sur l'échec plus ou moins partiel et surtout prévisible des espoirs légitimes nés
avec les « printemps arabes », deux intéressantes mises au point: « La richissime
théocratie conservatrice de l'Arabie wah-
habite est la racine du problème islamiste.
C'est elle qui alimente la violence en finançant les salafistes. Et, tant que nous ne voulons pas le voir et le régler, il sera vain de
parler de printemps arabe et de la fin du
terrorisme islamiste » (Alain Chouet,
« L'Hebdo », 27 octobre 2011) et, de
Jacques Pilet dans le même périodique :
« Non seulement dans le Maghreb mais
dans tout le Moyen-Orient, les lignes de
partage, les sources de conflits sont d'abord de nature religieuse. Entre musulmans et laïques ou chrétiens. Entre sunnites et chiites. Israël ne fait pas exception
en se proclamant « État juif » et en justifiant la colonisation de la Cisjordanie avec
des arguments bibliques. »
***
« Il devient de plus en plus difficile de se
faire avorter en Italie. Désormais, 70%
[des obstétriciens italiens] refusent de
pratiquer des IVG et il est déjà pratiquement impossible de se faire avorter dans
certains hôpitaux publics du sud de la
Péninsule. C'est le résultat des campagnes
moralisatrices menées par l'Eglise catholique avec le soutien des partis gouverne-
le libre penseur/no 155
22
mentaux… autour des « valeurs chrétiennes » (Pierre Franti, « L' anticapitaliste », 3
novembre 2011).
***
En octobre 2011, lors des élections législatives en Pologne, le parti anticlérical
« Palikot » est devenu la troisième force
politique du pays, avec plus de 10% des
voix. Ce parti réclame, dans un pays à 98%
catholique, « l'avortement et les mariages
homosexuels et (surtout) l'abandon du
financement de l'Eglise par l'Etat et la suppression des cours de catéchisme dans les
écoles publiques » (« 24 eures », 9 octobre
et 9 novembre 2011).
***
« Pour moi, la notion d'homme et celle de
responsabilité se combinent. C'est pourquoi la religion m'a paru une façon de
renoncer à cette responsabilité. Si Dieu
fait tout, il n'y a plus qu'à croire. Or, l'homme est celui qui peut délier les cordons du
devenir » (Stéphane Hessel, auteur de
« Indignez-vous ! », « L'Hebdo », 1er décembre
2011).
***
« Le premier des cinq piliers de l'islam est
la « Shahâda », soit la profession de foi
comme quoi il n'y a qu'un dieu, Allah, et
que Mahomet est son envoyé sur terre.
Cette profession de foi engage à vie le
musulman, soit de naissance soit par
conversion, l'apostat encourant, tout
comme le blasphémateur, la peine de
mort » (source égarée).
***
Le journaliste Patrick Chuard s'est entretenu avec le pédagogue et écrivain fribourgeois Michel Bavaud, auteur de « Dieu,
ce beau mirage » (2011, 216 pages, Fr. 30.–,
Editions de l’Aire, C.P. 57, 1800 Vevey /
www.editions-aire.ch). Voici quelques passages de cet entretien : « Je rejette le
Vatican… l'infaillibilité papale, l'obéissance
aveugle à une Eglise qui condamne, qui
excommunie… Le Concile Vatican II avait
été un grand espoir, le début d'un dégel
fantastique, et puis l’Eglise est revenue en
arrière sur tout. Benoît XVI serait parfait
en gardien de musée… Nous devrions
reconnaître que la Bible, comme le Coran
d'ailleurs, ce n'est pas la parole de Dieu,
mais celle des hommes… Bien sûr qu'il y
a de jolies histoires là-dedans, comme
Jonas et sa baleine. Cela vaut « Ali-Baba et
les quarante voleurs », mais ni plus ni
moins. La Bible ne tient pas debout. I1 est
temps d'enlever sa majuscule au mot
Ecriture. Et je ne conçois pas la théologie
comme autre chose que la libération des
injustices, comme un engagement social.
La prière est inutile pour améliorer le
monde, pour vêtir les pauvres ou pour
guérir les malades. Je rejette l'existence du
Dieu de la Bible, sinon ce serait un Dieu
abominable. Il aurait commis le pire génocide de l'histoire en faisant le déluge »
(« 24 heures », 13 décembre 2011). Pour
quelqu'un qui va encore à la messe, par
habitude, et conserve encore des crucifix
chez lui, ce n'est pas si mal.
***
Le Premier ministre italien, Mario Monti,
successeur, en novembre 2011, de
Berlusconi, « a décidé aussi de ne pas toucher aux innombrables privilèges dont
jouit l'Église catholique, notamment
l'exemption des taxes sur les hôtels et les
maisons dont elle est propriétaire. Cela
n'est pas illogique si l'on pense que la plupart des ministres sont très religieux et
que l'Église ne veut pas céder un seul centime de ses importantes entrées »
(Antonio Moscato, « L'Anticapitaliste », l6
décembre 2011). Une décision de compromis devrait intervenir en 2013 : l’Union
européenne ayant jugé les exonérations
illégitimes.
***
Charles Morerod, nouvel évêque de
Fribourg et Cie, a accordé un entretien à
«Migros Magazine» (9 janvier 2012). Dans
ses réponses, il ne s'agissait pas de trouver
des positions progressistes (après tout
notre monseigneur est un Fribourgeois et
un dominicain), donc pas de déception. Où
cependant l'on est en droit de réagir, c'est
quand – sur une question concernant le
célibat des prêtres – il évite de s'engager,
en utilisant une lamentable pirouette: «La
question a été posée depuis des siècles,
elle n'est pas nouvelle. Le célibat est un
don; Evidemment c'est difficile.» Car, en
admettant que le don dont parle le monseigneur est ce qu’«on appelle Dons du
Ciel, Dons de la nature, Dons de la Grâce,
Dons de Dieu, Dons du Saint-Esprit»
(«Dictionnaire de l'Académie françoise», Paris
1814, cinquième édition, tome premier, p.
440), une toute simple question s'impose:
pourquoi le Dieu de Mgr Morerod manifeste-t-il des préférences de traitement
justement dans la distribution de ses dons.
En constatant cette différence, les hautes
autorités ecclésiastiques devraient, en
toute logique, adopter pour le moins la
règle du célibat volontaire; un célibat limité donc à ceux, chanceux, qui ont reçu le
Don. Mais la logique peut-elle faire bon
ménage avec la théologie vaticane?
***
En se basant sur l'arrêt du Tribunal fédéral
du 26 septembre 1990 stipulant que «les
symboles religieux dans les classes sont
une atteinte à la liberté de croyance » (« Le
Matin », Lausanne, 1er mars 2012), un instituteur de Stalden (Valais) a enlevé, en
2010, le crucifix de sa classe et il a perdu
son poste. Etant donné que la Cour européenne des droits de l'homme « a estimé
(depuis), dans une affaire italienne, que le
crucifix et la liberté de croyance n'étaient
pas incompatibles » (idem), rien de surprenant que la conseillère nationale démocrate-chrétienne lucernoise Ida GlanzmannHunkeler ait relancé le débat en
proposant d'ancrer dans la Constitution
« l'autorisation des symboles de
l'Occident chrétien dans l'espace public »
(idem). Affaire à suivre. (N.d.l.r. : L’arrêt du
Tribunal fédéral reste toujours en
vigueur).
***
« Les Etats-Unis ont ajouté « pour la première fois » le Vatican à une liste d'Etats
susceptibles d'être touchés par le blanchiment d'argent. L'Etat de la Cité du Vatican
rejoint ainsi une liste de 68 pays classés
dans la catégorie « situation préoccupante »… Le Vatican est potentiellement vulnérable au recyclage d'argent sale en raison des fonds importants qui circulent
entre le Saint-Siège et le reste du monde »
(Bernard Bridel, « 24 heures », 9 mars
2012).
***
La récente affaire Merck-Serono et l'existence de journalistes sérieux ont permis
de soulever le voile sur les origines de
cette firme. Fondée à Rome en 1897,
comme « Istituto Farmacologico », par
Cesare Serono et d'emblée propriété de
l'Eglise catholique, elle voit, vers 1957, l'entrée des Bertarelli dans l'affaire. En 1965,
Fabio (père d'Ernesto) en reprend la
direction et acquiert, en 1974, la majorité
du capital détenu jusqu'alors par le
Vatican ; trois ans plus tard, il déplace la
société de Rome à Genève. Comme l'écrit
F.V. ( « 24 heures », 25 avril 2012), « Le SaintSiège a joué un rôle primordial dans le
développement de Serono. Le début de la
croissance de l'entreprise repose sur un
traitement contre l'infertilité produit à
partir d’urine de femmes ménopausées
(n.d.l.r. : voir aussi l’article de Narcisse
Praz « Sœur pipi » paru dans le Libre
Penseur N° 152, de juin 2012). Or la
banque de l'Etat papal a pu gratuitement
fournir de la matière première qu'elle
récupérait dans les couvents de nonnes ».
le libre penseur/no 155
C’est ainsi que des millions de litres d'urine ont transité à travers l'Europe vers
Genève. Pour le dire en latin : « moneta non
olet » (en langue vulgaire : « l'argent n'a pas
d'odeur ») et nous retrouvons l'empereur
Vespasien et ses pissoirs publics romains
dont le liquide servait au tannage des
peaux.
***
Dans un entretien avec l'historien JeanMarc Tétaz (traducteur, depuis l'allemand)
de l'ouvrage « Mahomet, histoire d'un Arabe,
invention d’un prophète » de Tilman Nagel),
Bernard Bridel (« 24 heures », 15 mai 2012)
a posé cette question : « Que risque-t-on à
contester la figure du Prophète ? ».
Réponse : « La mort ! Car ce qui caractérise la dogmatisation de la figure du
Prophète, c'est que toute mise en doute
ou contestation des traits essentiels de
cette figure, qui sont en bonne partie
légendaires, attire la peine capitale. »
***
Encore à propos de la Grèce : « Le nationalisme prend des formes odieuses…
Pendant ce temps, les popes promènent
sans souci leurs soutanes noires. L'Eglise
orthodoxe, propriétaire d'un parc immobilier tentaculaire, n'est toujours pas soumise aux impôts qui accablent les particuliers. Bizarrement les indignés ne s'en
prennent pas à elle parce que le nationalisme sous-tend leur colère. C'est l'appartenance à l'orthodoxie – mentionnée sur
les passeports ! – qui distingue les « vrais »
Grecs des autres, des usurpateurs de tout
poil » (Jacques Pilet, « L'Hebdo », 10 mai
2012) .
***
En janvier 2012, Alexander Aan, fonctionnaire indonésien, poste sur Facebook que
« Dieu n'existe pas », une phrase qui dans
le plus grand pays musulman du monde, ne
passe pas. En effet, « dès le lendemain, alors
qu'il se rend à son travail, il est agressé par
une dizaine de personnes qui le passent à
tabac en le traitant de déviant.
Parallèlement, une réclamation est déposée devant le Conseil des oulémas
d'Indonésie, principal organe religieux du
pays, qui porte plainte contre lui pour
« insulte contre la religion et blasphème ».
Arrêté par la police, mis en détention et
inculpé, il risque pour ces deux infractions
un total de onze années de prison, [car] la
loi fondamentale du pays implique la foi en
un Dieu unique » (Vincent Souriau, « 24
heures », 21 mai 2012).
***
23
Dans
une
récente
chronique
(« L'Hebdo »,28 juin 20l2), l’auteur – après
avoir souligné la dangereuse progression
de l'intégrisme musulman, de l'intégrisme
juif et de « l'excitation des mouvances
évangéliques nord-américaines » – lance
ce rappel on ne peut plus clair : « Le pouvoir politique des imams, des rabbins et
des prêtres restreint toujours la liberté. »
***
Le 31 juillet dernier, a eu lieu à Fiesch, village valaisan au pied du glacier d'Aletsch,
une procession. « Les fidèles y prieront
pour contrer le réchauffement planétaire,
responsable de la fonte du glacier… pour
que la langue de glace reprenne de la
vigueur et croisse » (« 20 Minutes »,
Lausanne, 30 juillet 2012). Le comble de
cette superstition (confirmée en 2010 par
le pape Benoît XVI) c’est que, « depuis
1678, à la Saint-Ignace, les habitants invoquaient l'aide divine en espérant que le
glacier cesse de s'étendre et de menacer
le village en contrebas ! »
***
« Interviewé en prison, l'ancien dictateur
argentin Jorge Videla, condamné pour crimes contre l'humanité, fait état du soutien
actif dont sa junte bénéficiait de la part des
plus hautes sphères de l'Eglise catholique.
Il raconte comment le nonce apostolique – l'ambassadeur du Vatican – Pio
Laghi et le président de la conférence
épiscopale argentine Raùl Primatesta ont
conseillé la dictature dans la gestion de la
question des « desparecidos ». L’Eglise avait
même offert ses bons offices pour informer les familles des « disparus » de la mort
de leurs enfants en échange de leur engagement à ne pas en rechercher la sépulture.
Après le silence de Pie XII à propos des
camps d'extermination, le soutien actif de
la hiérarchie catholique à Franco et la
bénédiction des canons de Pinochet, sabre
et goupillon font décidément toujours bon
« ménage... » (« L’anticapitaliste » Lausanne,
23 août 2012 ).
***
« Le Vatican n'est pas que la maison de
Dieu. Le côté obscur de la force est un
empire financier, une sorte de gros « hedge
fund », un « fonds vautour » mal, voire frauduleusement, géré… Dans ce théâtre
d'ombres, d'immenses intérêts sont en
jeu. A la mi-mars, c'est la banque JP
Morgan qui sonnait le tocsin en fermant le
compte de l'IOR, cet institut pour les
œuvres de religion, fondé en 1942 par Pie
XII et qui est la banque de la papauté. En
dix-huit mois, 1,5 milliard d'euros avaient
transité par ce compte. Manque de
transparence, soupçon de blanchiment
d'argent, voire de détournements…
L'affaire prendra-t-elle une dimension
comparable au scandale de la banque
Ambrosiano, il y a trente ans ? A l' époque,
l’IOR était le principal actionnaire de cette
banque liée à la loge maçonnique, recyclant l'argent de la mafia sicilienne. Sa
spectaculaire faillite qui se conclut alors
par « l'assassinat » de Roberto Calvi, son
ex-président, fut l'un des plus grands scandales italiens de l'après-guerre » (François
Bonnet, « Vatican. Le paradis de l'argent
sale » dans « Marianne », Paris, 2 juin 2012).
CLAUDE CANTINI
Le comité de rédaction, respectueux
d’une totale liberté d’expression,
précise que les articles signés sont
sous la responsabilité de leurs
auteurs et ne peuvent engager
l’Association vaudoise de la Libre
Pensée dans son ensemble.
Association vaudoise
de la Libre Pensée
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Libre Pensée de Genève
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Liberi Pensatori (ASLP)
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Case postale
CH-3001 Bern
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International Humanist
and Ethical Union
Internet: www.iheu.org
le libre penseur/no 155
24
BON DE COMMANDE (marquer d’une croix)
Claude Frochaux – L’Homme achevé
320 pages, Fr. 35.– + port
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Ville:
A retourner à: AVLP, Case postale 5264, CH-1002 Lausanne
JAB 1530 PAyERNE
SOUSCRIPTION
DE SOLIDARITÉ
juillet 2012
B.M.C.
L.P.B.
M.O.Ch.-B.
M.J.-P.C.
R.D.N.
C.M.G.
N.A.L.
M.Y.N.
B.-J.E.G.-L.
M.C.S.
E.C.B. (Souv.)
P.J.-P.S.
P.P.S.
D.R.Y.-les-B..
M.L.G.
B.D.R.
T.R.R.
L.-B.G.G.
B.F.R.
Anonyme
F.-G.A.N.
F.A.G.
T.F.F.
B.E.N.
B.J.-D.Y.-les-B.
C.F.V.
T.L.C.
N.M.A.
T.G.P.
H.C.G.
Th.A.G.
P.N.A.
G.P.C.
B.J.-P.F.
Di P.M.-Cl.N.
A.P.+M.J. (F)
C.J.V.
L.A.B.
S.M.L.
J.R.La T.-de-P.
S.K.L.
B.E.V.
Z.M.G.
R.M.G.
M.G.E.
D.-R.R.F.
A.D.U.
S.R.B.
B.L.V.
M.W.L.
H.-Z.L.C.
F.Cl.L.
C.J.-M.V.
De C.B.C.
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30.–
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août 2012
H.J.P.
W.E.P.
R.V.M.
B.J.Cl.Th.
C.G.V.
B.A.St.-P.
F.-P.G.R.
N.W.C.
M.J.L.Th.
F.R.G.
Th.J.L.
G.M.N.
G.F.N.
J.P.-A.Th.
M.R.C.
B.J.T.
W.G.Le M.
B.M.Y.
G.J.-Cl.N.
Fr. 10.–
Fr. 20.–
Fr. 10.–
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Fr. 20.–
Fr. 10.–
Fr. 10.–
Fr. 100.–
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Fr. 10.–
Fr. 20.–
Fr. 20.–
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Fr. 20.–
Fr. 10.–
Fr. 20.–
Fr. 30.–
Fr. 40.–
septembre 2012
Fr. 20.–
V.R.M.
Th.F.M.
Fr. 100.–
D.-B.P.P.
Fr. 30.–
Fr. 20.–
J.J.-P.N.
Fr. 21.–
Th.A.G.
U.A.Y.-les-B.
Fr. 30.–
octobre 2012
B.-D.R.S.
F.G.Z.
G.M.M.-C.
T.-y-T.A.L.
H.B.N.
J.G.A.
Y.A.T.
H.J.P.
A.P.+M.J. (F)
M.D.G.
Fr. 50.–
Fr. 10.–
Fr. 10.–
Fr. 70.–
Fr. 100.–
Fr. 20.–
Fr. 14.–
Fr. 25.–
Fr. 24.–
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novembre 2012
D.R.P.
Dell’A.M.A.
B.D.D.
J.M.V.
A.A.L.
N.D.La Ch.-de-F.
D.Y.La C.-sur-L.
S.K.L.
A.-L.J.-J.L.
M.M.F/N.
Fr. 10.–
Fr. 40.–
Fr. 50.–
Fr. 25.–
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