Architecture contre durabilité ? Contre… tout contre

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Architecture contre durabilité ? Contre… tout contre
Les Cahiers de l’Urbanisme N° 66
Décembre 2007
Bernard Deprez
ISACF La Cambre
Chargé de cours
bernard.deprez
@lacambre-archi.be
56
56-59
Architecture contre durabilité ?
Contre… tout contre !
Pas d’architecture au rabais pour
un monde durable – pas de planète
au rabais pour une architecture
de qualité.
01
Voir les sites www.ibgebim.
be et http://energie.
wallonie.be.
De nombreuses pistes s’ouvrent aujourd’hui au
projet pour une architecture et un urbanisme
plus durables : les bâtiments passifs (avec une
consommation de chauffage réduite de 90% par
rapport à la moyenne belge) se multiplient, qu’il
s’agisse de logements (immeuble lauréat pour la
rue de la Brasserie à Ixelles), d’écoles (livraison
à Beernem, chantier à Nivelles, projet à LouvainLa-Neuve), ou de bureaux (Havenbedrijf à Gand,
CIT Blaton à Bruxelles, etc.). Un projet de logements sociaux «neutres en carbone» est à l’étude
à Bruxelles pour le Foyer jettois. En rénovation
aussi, des projets innovants émergent : après
l’éco-rénovation du Kegeljan à Namur, on a pu
visiter les logements en rehausse d’immeuble rue
de Londres à Ixelles, utilisant une technologie
géothermique pour le chauffage et des matériaux
sains ; 27 logements rénové basse énergie seront
livrés en 2008 au Béguinage à Bruxelles, etc. Des
éco-quartiers sont en chantier à Mouscron ou à
l’étude à Mons (l’Île aux Oiseaux : 210 logements
basse énergie et 29 maisons passives) et à
Bruxelles (logements pour le CPAS à Neder Over
Hembeek, rénovation du Terdelt à Schaerbeek,
projet de la Huilerie à Forest, etc.). À Namur
comme à Bruxelles, des réflexions sont en cours
pour appliquer cette éco-approche à l’échelle
du territoire : rénovation des quartiers denses
existants en quartiers «pilotes», valorisation de
leur patrimoine naturel (rivière, etc.), reperméabilisation des sols (pour réduire les risques d’inondations et enrichir la diversité des territoires
urbains), combat pour libérer la ville de la pression
automobile et rendre l’espace public plus sûr, plus
sain et plus accessible, etc. ; tout cela concourt à
l’amélioration de la qualité de vie urbaine.
L’intérêt du public et des professionnels est
énorme (témoin, le dernier Salon de la Maison
Passive) ; le récent appel à «projets exemplaires»
lancé à Bruxelles par la Ministre Huytebroeck a
rencontré un succès extraordinaire, avec plus de
250 000 m2 de projets déposés. Les pouvoirs publics ont également mis en place divers dispositifs
encourageant la réalisation de constructions plus
respectueuses de l’environnement : nombreuses
primes 01, services de «facilitation», guidances,
etc. qui se concentrent davantage sur la conception du projet (le bâtiment, son enveloppe) plutôt
que sur les systèmes d’appoint (ECS, PV). Bientôt
disponibles à Bruxelles : un service de facilitateur
en éco-construction et une guidance pour les
éco-quartiers. Des projets de «centre de référence» sont à l’étude pour aider les (petites) entreprises à mieux connaître les produits innovants
afin d’être formées pour répondre efficacement à
cette demande nouvelle.
57
Que le projet d’architecture finisse
par toucher la réalité du monde, parce
qu’il est aussi construit, habité, etc.,
est une remarque triviale, qui ne
signifie pas pour autant que la logique
architecturale se superpose à celle
du monde. Il faut au contraire redire
avec force que l’architecture n’a rien à
voir avec l’énergie, la santé, l’équité, la
durabilité, etc.
Pourtant, derrière cette hyperactivité rassurante,
il faut reconnaître qu’on est encore loin du compte : la centaine de projets passifs en cours ne fait
guère le poids face aux dizaines de milliers de
pavillons construits chaque année en Belgique ;
nos objectifs de réduction des émissions de
CO2 fixés par le Protocole de Kyoto ne seront à
nouveau pas atteints cette année : des millions
d’euros seront perdus dans l’achat de droits
d’émission à l’étranger, plutôt qu’investis à rénover
nos installations et à transformer nos modes de
vie… L’intérêt du grand public, une large médiatisation, les convictions de nombreux politiques,
le rapport de Nicholas Stern, les mises en garde
du GIEC, etc., tout cela ne semble pas encore
former une masse suffisamment critique pour
produire des résultats visibles. Les architectes
aussi restent distants et perçoivent mal ce que
leur engagement pourrait apporter de bénéfique
aux problèmes sociétaux contemporains. Enfin, le
pays paraît comme englué dans sa dépendance à
de vieux outils industriels (automobile, nucléaire,
transport aérien, etc.) et au modèle de l’habitat
pavillonnaire suburbain, dont on imagine mal la
contribution positive à un monde sans CO2.
Répondre au défi climatique sera un travail
à plein-temps. Selon George Monbiot 02, une
réduction de 90% de nos émissions de CO2
est indispensable d’ici 2050, et pour être efficace, cette réduction ne peut être repoussée
au 31 décembre 2049 : elle doit commencer
aujourd’hui ! Rencontrer cet objectif implique
donc un bouleversement radical dans nos modes
de construire et d’urbaniser, mais aussi dans nos
02
modes de déplacement, l’activité de nos entrepriG. MOMBIOT, Heat : How we
can stop the planet burning, ses, la forme même des échanges mondiaux, etc.
Penguin Books, 2007 ; voir
Même si de nombreuses technologies existent
également son site www.
monbiot.com.
aujourd’hui pour nous aider sur cette voie, il faut
constater qu’il ne suffit pas de les faire connaître
03
Voir notamment : B. DEPREZ, pour «passer à l’acte». Cette résistance doit inApproches collaboratives,
terroger car elle n’est pas sans raison. Or ce n’est
dans Éco-logiques : les
pas le manque d’information qui pose problème :
bénéfices de l’approche
environnementale, Les
l’implication de chacun nécessite une réflexion
Cahiers de La Cambre
Architecture, 4, éd. La Lettre plus approfondie sur la durabilité, ses enjeux, sa
Volée, 2005.
pertinence historique, sa logique propre.
On reproche souvent un certain flou artistique
au concept de durabilité : ça touche à tout ! Je
dirais plutôt que ce concept floute ou estompe
des lignes de démarcation chèrement acquises
dans nos pratiques professionnelles. Il établit de
nouvelles connexions entre le projet, sa réalisation, son occupation, ses impacts, etc. et brouille
donc le champ des responsabilités entre usagers,
concepteurs, constructeurs, riverains, etc. 03 Si
le concept dérange, c’est qu’il est envahissant et
finit par interroger des pratiques où le cloisonnement est devenu le gage apparent d’un certain
professionnalisme. Son potentiel de subversion
est bien là : dans sa capacité à établir des courtscircuits (dérangeants) entre les conditions d’une
pratique cloisonnée (architecturale, politique,
financière…) et la consistance du réel (le CO2, les
ressources, la santé…).
Le discours des architectes, émergents ou
confirmés, vise souvent à établir l’architecture
comme discipline autonome, réglée par l’intérieur, déterminée par de purs enjeux architecturaux, et il a raison. Que le projet d’architecture
finisse par toucher la réalité du monde, parce
qu’il est aussi construit, habité, etc., est une
remarque triviale, qui ne signifie pas pour autant
que la logique architecturale se superpose à
celle du monde. Il faut au contraire redire avec
force que l’architecture n’a rien à voir avec l’énergie, la santé, l’équité, la durabilité, etc. Le propos
de l’architecture est de questionner la spatialité du monde. Le propos de la durabilité est de
questionner l’habitabilité de la planète. Ces deux
propos sont comme perpendiculaires. Cela signifie notamment qu’une architecture durable peut
être une très mauvaise architecture ou qu’une
très bonne architecture peut être insoutenable.
L’idée que toute bonne architecture est foncièrement durable par nature est un leurre : elle
postule une sorte de consensus originaire, qu’il
suffirait de mettre à jour «parce qu’au fond, on
veut tous la même chose», etc. Ce postulat est
inacceptable car un tel «éco-déterminisme» nie
les divergences, les conflits, la variété des situations qui nous constituent en sujets humains.
58
04
E. MORIN, Les sept savoirs
nécessaires à l’éducation du
futur, UNESCO, 1999.
05
Se produire comme sujet
humain est aussi une
activité «non naturelle» !
06
F. GUATTARI, Les trois
écologies, Galilée, 1989.
07
L. KROLL, Bio Psycho
Socio / Éco 1 : Écologies
urbaines, éd. L’Harmattan,
1996 ; le Tome 2 renvoie à la
«schizophrénie urbaine».
La pratique du projet fait évoluer l’architecte (ou
l’occupant) entre deux cohérences : une consistance interne, autoréférentielle et proprement
architecturale, qui a trait aux enjeux d’une «grammaticalité» spatiale (intérieur/extérieur, plein/
creux, opaque/transparent, logique du plan, logique constructive, dimension, modulation, etc.) et
qui nécessite un travail d’abstraction, de distanciation par rapport au réel (l’énergie, la matière…
jusqu’à nos habitudes, qui naturalisent notre
rapport au monde) ; et une pertinence externe car
le projet est destiné à s’actualiser en situation
concrète, dans un champ historique particulier
aux enjeux étrangers à ceux de l’architecture.
Par conséquent, s’il est vrai qu’a priori l’architecture n’a rien à voir avec la durabilité, pourtant, tout
projet est appelé quand même à se confronter aux
enjeux des situations contemporaines. Le «bénéfice architectural» de l’opération consiste donc à
élaborer une pensée spatiale prenant ses distances par rapport au réel, mais qui met celui-ci en
perspective, et ses enjeux en lumière. S’il est une
utilité sociale de l’architecture, elle est bien dans
cet échange : comment les architectes contemporains permettent-ils de mieux penser l’enjeu de la
durabilité, par la distance qu’y introduit l’architecture, et inversement, comment la durabilité
permet-elle de mieux penser l’architecture, par le
réel qu’elle y convoque ? Et s’il est une «architecture durable», elle ne sera donc jamais «naturelle»
comme peut l’être la coquille qui pousse au dos
de l’escargot : la seule glande qui peut venir au
secours de l’architecte ou de l’occupant, c’est son
cerveau, qui rend compossibles dans le projet la
matière de l’architecture et celle de la planète.
Le chemin proposé par la durabilité est clairement :
établir de nouvelles connexions, penser globalement. Plus précisément, une certaine tradition
propose qu’un bénéfice architectural soit toujours
le moteur d’un bénéfice environnemental (moins de
CO2, par ex.) et d’un bénéfice social (une meilleure
appropriation spatiale, par ex.). Je fais référence ici
à la représentation bien connue des «trois piliers» :
économique, social et environnemental.
Il serait erroné de penser que le pilier économique
ne représente qu’une affaire d’argent ou d’entreprises : cette interprétation abusive qui réserve
l’économie à une forme techno-juridique occidentale n’a aucun sens pour 80% de l’humanité ! Il
s’agit ici de quelque chose de plus fondamental :
l’oikos, l’activité comme médiation indispensable
à la survie de l’anthropos (le social) dans le monde
naturel (l’écologique). Aucune société ne vit que
d’amour ou d’eau fra îche, toutes travaillent et ces
activités sont multiformes : production, transformation, services, etc. L’architecte, l’ingénieur,
l’administratif, etc. sont tous visés par ce concept
au titre de leur activité, qui contribue à l’oikos.
Or, le propre de l’activité anthropique est qu’elle
dégage un surplus, un excès, une prospérité, un
bénéfice, qui ont donné des pages passionnantes
chez Mauss ou Bataille. C’est pourquoi les «trois
piliers» sont aussi traduits par le schéma PPP :
Planet People Prosperity.
Ce qui est important, ce n’est donc pas seulement de reconnaître la place charnière de l’oikos,
entre conditions de culture et conditions de
nature, comme forme multiple d’activités, mais
que celles-ci produisent de multiples formes de
prospérités : financière, architecturale, éducative,
administrative, etc. Comme les autres, l’architecte
répond donc à une attente sociale de plus-value,
ici architecturale. Ce schéma pose la non-durabilité comme le retrait de chaque sphère en
elle-même, le repli sur une cohérence purement
interne, qui serait : l’écologie pour l’écologie, l’art
pour l’art, business is business, etc., autant de
formulations tautologiques témoignant du cloisonnement dénoncé plus haut. Il pose au contraire la durabilité comme la coproduction d’une
prospérité par contamination positive : à la fois
sociale, écologique et, en ce qui nous concerne,
aussi architecturale.
Poursuivons la réflexion en jouant sur la représentation : c’est par l’intermédiaire de l’activité
que chacun a «prise» sur la planète et le social.
Ces trois termes ne sont donc pas équivalents,
mais articulés l’un à l’autre. L’image du compas
pourrait mieux exprimer cette prise à travers le
projet, l’activité de l’architecte ou du concepteur :
il est planté dans la matière (planet) pour tracer
du sens (people) grâce au «bénéfice architectural»
(prosperity) du projet, «tenu» par les conditions
de production de l’architecture. L’enjeu contemporain de la durabilité devient le suivant : l’architecte
est appelé à ce que l’«excès d’architecture» qu’il
produit soit également l’occasion d’une plus-value
en termes des ressources du projet (matériaux,
espaces, énergie, eau, etc.) et de ses impacts
(usage, santé, écosystèmes, etc.), et non l’inverse.
Poursuivons sur ces représentations de la durabilité car elles évoquent aussi d’autres approches
plus liées au monde de la socio-anthropologie.
Edgar Morin 04 avait identifié par un schéma analogue un des défis du 21e siècle : l’individu ne peut
se produire (prosperity) comme sujet humain 05
que pour autant qu’il concilie sa dimension biologique d’homo sapiens inscrit dans un éco-système (planet) et sa dimension d’être social inscrit
dans l’échange (people). Cette approche est aussi
liée à celle de «l’écologie de la pensée» de Félix
Guattari 06, qui examine les relations d’interdépendance entre la production de soi (psycho), la
relation au monde (bio) et aux autres (socio), et
a été popularisée par Lucien Kroll 07. Bien sûr le
terme est équivoque et le risque de naturalisation
d’une démarche éminemment symbolique (de la
production de soi à la production du projet) n’est
pas absent. Pourtant, ni la nature, ni les occupants ne dessinent de plans et il n’y a donc pas
d’inter-traductibilité naturelle entre les questions
d’architecture et celles de la durabilité. La place
manque pour expliquer comment Alberti avait
peut-être déjà exprimé ceci en 1485 en proposant que le bénéfice architectural (venustas)
soit pensé comme le juste rapport (cohérence
interne) des parties entre elles et celui (cohérence
externe) entre le projet et les conditions de nature
(necessitas) et d’usage (commoditas).
Ne tombons pas dans l’erreur qui consisterait
à voir dans ces représentations l’image d’un
monde naturel, réconcilié, où tout serait «relié»
et «à sa place» : au contraire, tout indique que
rien n’est à sa place, que les logiques sont auto-
59
Légende ?
??
Conditions
d’activité
Prosperity
économie
Prosperity
Individu
Psycho
éco
envoronnement
social
Planet
People
Espèce
Planet
Conditions
de nature
nomes et le conflit omniprésent : le projet doit
tracer son chemin dans ce maquis et la durabilité relève alors de la négociation. Ce qui peut
nous intéresser, c’est justement le potentiel de
contradiction mutuelle de l’architecture, de l’écologie et du social :c’est à partir des résistances
opposées les unes aux autres par la cohérence
architecturale, l’usage ou les représentations
impertinentes des occupants et l’indifférence
stupide de la matière, qu’il est possible de faire
du projet… et du sujet !
Le succès rencontré par le concept de durabilité tient à ce qu’il offre une prise nouvelle à la
réinterprétation de structures anthropologiques.
Bien sûr, beaucoup invoquent le «développement durable» sans en tirer les conséquences.
Ce n’est pourtant pas parce que tout le monde
en parle aujourd’hui à tort et à travers qu’il faut
conclure que le concept est vide… ou alors il ne
faudrait plus parler d’architecture après le Prince
Charles ! C’est parce que tout le monde en abuse
qu’il convient de s’intéresser aux mots : leur succès et leur récupération sont l’indice d’une efficacité. Ces mots parlent aux gens ; ils font résonner quelque chose de profond, d’intime, de juste.
Les gens comprennent la définition du développement durable donnée par Mme Brundtland,
qui les renvoie à leur dimension anthropologique
d’êtres vivants, attachés à la passation d’un
monde construit de génération en génération
08
. Ce monde, ces mondes sont bien de ceux que
peuvent co-produire des êtres humains : mondes
de signes et de sens, c’est-à-dire de prises liant
de manière résistante et contingente le matériel
à l’immatériel, le symbolique à l’écologique… Des
mondes qu’il est possible d’habiter.
Il faut la discipline d’un vrai professionnel pour
prendre ses distances d’avec ce monde. Mais
cette distance indispensable n’est pas une absence et reste donc une question de mesure ! En
retournant le bon mot de Guitry : l’architecture
contre le monde, mais aussi tout contre lui !
Il n’est pas innocent que cette résurgence de
la pensée anthropique, à travers le dévelop-
Société
Bio
Socio
People
Conditions
de nature
pement durable, se soit faite en contrefeu de
l’avènement d’un autre monde : globalisé, livré
aux acteurs d’un espace dérégulé par le retrait
apparent du politique ; créatures industrielles
et autres appareils technico-juridiques, donc
sans dimension biologique et non-mortels, sans
l’horizon de la transmission, etc. Bref : monde
livré sans limite à l’intransigeance des règles
internes au marché. Le premier monde et le
second sont en fait orthogonaux : celui des humains, «engendrés non pas créés», vivant de relations multiples avec leurs semblables comme
avec les choses et dont toute activité tend vers
l’habiter ; celui des appareils, «créés non pas
engendrés» pour être d’autant plus efficaces
(rentables) qu’ils s’affranchissent (se «désencastrent») des régulations sociales, spatiales et
temporelles : ils n’habitent pas la planète, car ils
n’ont ni à la recevoir, ni à la transmettre, mais ils
l’exploitent à toute force. Inexorablement, ces
infrastructures catastrophiques 09 contribuent à
sa dégradation, impliquant les sociétés développées dans la double contrainte de «continuer
à produire plus pour financer toujours plus de
mesures de réparation sociale et environnementale face aux dégâts et aux risques nouveaux
résultant de leurs activités 10».
C’est d’autant plus important de le rappeler ici
que le premier monde est aujourd’hui sommé
de se justifier avec les outils et les concepts du
second : rentabilité, visibilité, proactivité… Face
au terme (ab)usé de «développement», je préfère
imaginer, en suivant Morin, ce que pourrait être
un «épanouissement durable», terme qui, se
référant à l’empan : extension maximale de la
main, intègre la notion de sa propre limite. Voilà
pourquoi le premier monde vient, timidement,
rappeler au second que si développement il y a,
celui-ci doit être viable, humain, soutenable, durable ; que si architecture il y a, elle devrait aussi
contribuer à des plus-values environnementales
et sociales et, corollairement, que si le projet
doit être à la hauteur des enjeux contemporains
de la durabilité, ce ne peut être au prix d’une
architecture au rabais.
08
B. DEPREZ, Durabilité : Lost
in Translation, dans Les
Nouvelles du Patrimoine,
juin-juillet-août 2006.
09
U. BECK, La société du
risque, Flammarion, 1986.
10
J. SALAVADOR, L’historicité
du développement durable,
dans COLLECTIF, Le
développement durable :
une perspective pour
le XXIe siècle, Presses
Universitaires de Rennes,
2005, p. 69.

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