dans les Balkans

Transcription

dans les Balkans
À L’ÉTRANGER
Derrière la bête noire
Chasse extrême
dans les Balkans
En haut : des engins
démilitarisés au service
des chasseurs, seule façon
d’accéder aux postes
en montagne.
À droite : ses 200 kg sont
tombés à moins
de 5 mètres du tireur
A
près un peu moins de
trois heures de vol, notre
avion se pose à Sofia.
Nous sommes début janvier,
une bise glaciale nous souhaite
la bienvenue et nous avançons
nos montres d’une heure. Les
formalités de déclaration des
armes portent bien leur nom
et quelques minutes suffisent
pour passer la douane. Il est
vrai que sous certains aspects,
l’Union européenne peut avoir
du bon… Une jeune femme
longiligne s’approche de nous
et son sourire ne fait aucun
doute, c’est Milena notre
Un territoire
de 29 000 hectares
Chasser des grands sangliers en battue, dans la neige,
au beau milieu d’une nature vierge ? Un rêve
qu’il est possible de vivre dans les Balkans bulgares…
À droite : à peine la balle
est-elle chambrée qu’une
forme noire se présente au
fond du vallon à 180 mètres.
Ci-contre : un rapide coup
d’œil dans la lunette permet
de constater que le système
d’allumage automatique de
la lunette Magnus de Leica
fonctionne à merveille
interprète. Après une
dizaine d’années au service d’une grande agence
de voyages de chasse pour
laquelle Milena gérait tous
les territoires en
Europe de l’Est, cette
grande brune au français presque parfait a décidé de revenir
au pays pour y organiser des
chasses. Armes et bagages
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PLAISIRS DE LA CHASSE - HORS-SÉRIE - 06/2012
sont chargés à bord de la
voiture, et c’est parti pour
une chevauchée sauvage
de quelque 240 kilomètres, plein est, en direction du
cœur de la Vieille Montagne
ou “Stara Planina”. C’est ainsi
que les Bulgares nomment le
massif des Balkans qui s’étire
d’est en ouest, telle une épine
dorsale qui sépare le nord et
À L’ÉTRANGER
Réservé pendant très longtemps à l’élite du régime en
place, le territoire de Bukovetz est désormais accessible
à tout un chacun qui désire arpenter les collines
forestières du flanc nord des Balkans. Propriété privée
du principal producteur de fruits et légumes biologiques
du pays, Bukovetz couvre quelque 29 000 hectares
composés essentiellement de forêts de chênes (d’où son
nom), de hêtres, de pins, le tout étant entrecoupé de
vastes clairières entretenues par l’homme et de torrents
fougueux qui regorgent de truites. L’altitude varie entre
200 et 1 200 mètres, avec une moyenne de 800 mètres,
ce qui garantit une certaine fraîcheur en été et un
beau manteau blanc en hiver. Les grands ongulés
présents sont le cerf qui se chasse du 01/09 au 31/01,
le chevreuil qui se chasse du 01/05 au 30/10, le daim
qui se chasse du 01/09 au 31/01, le sanglier qui se
chasse à l’affût toute l’année et en battue du 01/10 au
28/02, le mouflon qui se chasse toute l’année à l’affût
et à l’approche. Les amateurs de séjours rustiques
peuvent être hébergés dans des chalets en pleine
nature, mais le lodge principal offre un standard quatre
étoiles, tant au niveau du confort des chambres, que
de la qualité des repas ou encore des services annexes
(piscine, SPA, massages, etc.).
Contact : Joël Dietenbeck. Tél. : 06 29 57 41 44.
Courriel : [email protected] - www.bukovetz.com
Les chasses de plaine
sont moins éprouvantes…
Thomas, le directeur marketing de Leica, nous présente
brièvement l’objet de notre
présence. Il s’agit de tester les
produits optiques de la marque en condition réelle. Nous
ne serons pas déçus…
Les grands sangliers
bulgares
Milena et ses collègues guides
de chasse nous attendent et
c’est à bord d’une camionnette
que nous commençons la
journée. Le ciel est sombre,
le fond de l’air frais, et déjà
les premiers flocons viennent
épaissir les quelque 30 cm
Un lodge très confortable
le sud du pays. Finalement,
c’est en fin d’après-midi que
nous arrivons à destination.
Après avoir passé un superbe
mur d’enceinte en pierres de
taille, nous sommes accueillis
par un plateau sur lequel sont
disposés un pain rond et des
verres de vodka. La tradition
exige de rompre le pain avec
les nouveaux arrivants, chacun étant invité à tremper
son bout de pain dans le miel
d’acacia puis de le manger
et de l’arroser avec l’alcool.
Le lendemain matin, Cyril
Derrière la bête noire
BUKOVETZ, LA FORÊT DE CHÊNES
Quatre grands sangliers
au même poste, dont
l’un porte des défenses
de 24 cm
Le sanglier était bel et bien
mort, avec une balle
parfaitement coffrée
de neige au sol. Le paysage
se compose de petites montagnes arrondies, recouvertes de forêts et de quelques
hameaux disséminés de-ci,
de-là. « C’est ici que vivent les
grands sangliers bulgares ! »
nous lance Milena. Après une
heure de piste, c’est en pleine
montagne que nous rejoignons
une trentaine de traqueurs et
autant de chiens. Sans perdre de temps, nous montons
à bord d’engins militaires
équipés de chenilles qui nous
dissémineront dans les bois
au gré des postes de chacun.
Sécurité absolue, nous sommes environ à 400 mètres les
uns des autres, chaque chasseur ayant ainsi la possibilité
de tirer selon des angles qui
lui sont rappelés par le chef
des traqueurs, mais en règle
générale à 360°. Notre premier poste est situé à flanc de
montagne, mais l’enceinte fait
plusieurs centaines d’hectares
et nous pouvons tirer sur le
flanc en face de nous, c’est-
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À L’ÉTRANGER
Derrière la bête noire
L’EXPERTISE FRANÇAISE
Nikola Chakarov, gestionnaire de Bukovetz, a récemment
fait appel à une société française spécialisée en
aménagement des territoires de chasse pour apporter une
vision nouvelle à la gestion de la propriété. C’est ainsi que
l’Alsacien Joël Dietenbeck, gérant de la société Espace
Chasse, a été prié de mettre en place divers aménagements
dont il maîtrise parfaitement l’élaboration et le suivi. Postes
d’affût en bois imputrescible, agrainoirs fixes et autoportés,
produits attractifs, réalisation de souilles, les grands
sangliers bulgares de Bukovetz auront désormais droit au
même traitement que leurs homologues de l’Ouest.
à-dire à plus de 300 mètres !
La neige tombe à gros flocons
et la nature se fige dans un
silence ouaté. Après quelques minutes seulement,
nous sommes comme le sol,
tout blancs. Un rapide coup
d’œil dans la lunette permet
de constater que le système
d’allumage automatique de la
lunette Magnus fonctionne à
merveille, le traitement externe
des lentilles également puisque la neige n’y reste pas collée. Les crans proéminents de
la bague de réglage du grossissement sont très appréciables,
car nous pouvons la manipuler
sans ôter nos gants.
Il tombe à 3 mètres
Une demi-heure plus tard, tout
se précipite quand nous entendons des chiens sur le versant
d’en face et leurs aboiements
ne sont pas vains puisqu’une
énorme masse sombre les
précède. Un coup de jumelles
nous confirme qu’il s’agit bien
d’un grand mâle et le télémètre
intégré nous annonce la distance : 370 mètres. L’animal
fend le manteau neigeux tel
un brise-glace, Cyril se jette
dans la neige et se prépare
à tirer. Le keiler arrive sur un
chemin forestier et s’immobilise pour écouter ses poursuivants. Le coup de feu claque,
mais aucune réaction du sanglier si ce n’est qu’il poursuit
sa fuite vers le fond du vallon
en disparaissant sous la végétation. Une deuxième balle
est chambrée et le réticule
suit la bête dont le haut du
corps émerge par instants des
fourrés traversés. Il va passer
sur un deuxième chemin et ce
sera la dernière chance. Mais
l’animal, rusé, s’arrête au dernier moment, puis redémarre
en trombe avant de sauter le
chemin. Impossible de tirer
dans ces conditions à cette
distance. Après le déjeuner, nous sommes placés en
surplomb d’un vallon où les
distances de tir seront potentiellement comprises entre
200 mètres et… 3 mètres,
comme nous allons le constater. À peine la balle est-elle
chambrée qu’une forme noire
se présente au fond du vallon
à 180 mètres. Un grand sanglier tente de quitter l’enceinte,
Un trophée impressionnant
mais une balle le touche et il
fait demi-tour avant de disparaître. Quelques minutes plus
tard, un chien donne de la voix
à proximité et semble être au
ferme sur l’animal. Nous
apprendrons que le sanglier
était bel et bien mort, avec
une balle parfaitement coffrée.
En haut et ci-contre :
une première bête rousse
au saut de la ligne…
puis une deuxième…
et il y en aura encore
deux autres
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Tandis que les aboiements du
chien résonnent dans la montagne, un deuxième sanglier
arrive au même endroit que
le premier. Une fois encore, le
réticule se pose sur lui et le
grossissement 10 ne lui laisse
aucune chance. L’occasion
d’apprécier le vaste champ de
vision de la lunette Magnus
qui permet de suivre le gibier
avant et après le coup de feu
pour s’assurer de sa réaction.
L’adrénaline coule à flots, et
ce n’est qu’un début ! Une
vingtaine de minutes a passé,
les chutes de neige se sont
atténuées, quand un craquement attire notre attention sur
la droite. Un gigantesque sanglier se dirige droit sur nous
et les pointes de ses défenses dépassent largement ses
lèvres. Le grossissement de la
lunette passe sur 2.5 et déjà le
réticule lumineux se pose sur
son front. Dans une telle situation, l’allumage automatique du
réticule est une vraie bénédiction, car nous n’aurions pas eu
le temps de l’allumer manuellement. La première balle l’arrête
sur place, mais deux autres
balles assurent le coup car il
est tombé à 5 pas de nous et
doit bien peser 200 kilos. Très
vite, le magasin est rempli pour
faire face à d’autres surprises
du même genre et la prochaine
ne tarde pas…
Quatre bêtes rousses
Cette fois-ci, c’est à gauche
qu’un superbe animal se présente. Il arrive paisiblement à
travers les troncs mais la ligne
de tir est trop encombrée et
il finit par nous apercevoir.
À ce moment, il accélère et
remonte la pente. La première
balle semble l’avoir manqué,
mais la deuxième frappe la
colonne et le tue. En fait,
la première était placée au
défaut de l’épaule, mais le 7 x
64 est un peu léger pour ces
monstres bulgares. Résultat
de cette traque : quatre grands
sangliers au même poste, dont
l’un porte des défenses de
24 cm. Pour le deuxième et
CHASSE EN MONTAGNE
Après son DVD sur la sécurité en battue, Blaser nous gratifie
d’une nouvelle production tout aussi intéressante et
consacrée au tir en montagne. Véritable bouffée d’oxygène
pour les neurones, ce film répond de façon concrète à des
questions techniques comme la
nécessité de correction de visée,
selon la position de tir ascendant
ou descendant, mais aussi l’effet
de l’altitude sur les projectiles,
etc., le tout dans des paysages à
couper le souffle. Un DVD à voir
avant vos prochaines sorties de
chasse en montagne, pour vous
assurer une précision absolue
en toutes situations.
29 € en armurerie.
À L’ÉTRANGER
sanglier à 25 mètres avant de
tirer. Au coup de feu, les trois
autres s’éparpillent et déjà le
deuxième arrive à 3 mètres
de nous pour sauter la ligne.
Mauvaise tactique pour lui.
Le troisième tente une fuite à
50 mètres sur le chemin où
il terminera sa course, tandis
que le quatrième tente de nous
Tableau du séjour :
19 grands sangliers,
autant de bêtes rousses
et de compagnie,
et un mouflon
contourner par l’arrière, un
choix qu’il n’aura pas le temps
de regretter… Quadruplé
de bêtes rousses ! Dans
l’après-midi, nous restons
en forêt car le vent glacial
qui balaie les sommets
est insupportable. Devant
nous un entrelacs de troncs
supprime toute possibilité
de tir, il reste à espérer que
les animaux sautent la ligne
et passent sur l’ancien chemin de débardage où nous
nous trouvons. Pas de chance
cette fois-ci, car trois grands
mâles se présentent au bout
de trente minutes de traque,
mais le risque de blesser est
trop important en l’absence
de fenêtre de tir assez large.
Notre décision profitera à
Jérôme, posté quelques centaines de mètres plus loin et
qui aura la chance de prélever ainsi son septième grand
sanglier du séjour. Comme le
jour précédent, en fin d’aprèsmidi, les honneurs sont rendus au gibier. Pas moins de
19 grands sangliers dont les
défenses sont comprises entre
18 et 24 cm ont été prélevés
en deux jours de chasse par
le groupe de six chasseurs,
autant de bêtes rousses et
de compagnie, ainsi qu’un
joli mouflon. Les loups, bien
qu’étant présents sur le
territoire en bonne densité,
auront échappé à la dextérité des chasseurs. Un vrai
regret pour les responsables
du territoire, car en quittant
la montagne, nous découvrons la dépouille d’un grand
daguet dévoré pendant la journée, au bord de la piste par
laquelle nous sommes arrivés
au petit matin… Une motivation suffisante, si besoin était,
pour nous amener à revenir
sur le somptueux territoire de
Bukovetz.
Derrière la bête noire
Et un 7e grand sanglier
pour Jérôme !
dernier jour de chasse, le soleil
est de retour mais les températures sont glaciales. Nous
sommes postés sur un chemin
en fond de vallée. Les rayons
du soleil nous réchauffent le
dos et des paquets de neige
tombent des cimes dans un
bruissement métallique. Le
mercure affiche – 15 °C.
Subitement, une ombre traverse le sous-bois et se dirige
vers nous. Une bête de compagnie. L’animal s’arrête à
environ 50 mètres pour s’assurer que la voie est libre. Plus
un mouvement pendant quelques secondes et il poursuit
son chemin, mais déjà trois
autres animaux du même
gabarit se profilent au loin. La
tension est à son comble. Cyril
laisse s’approcher le premier
Stefan -Josef
DAR JE WSKI
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