La protection d`assurance de l`avocat en entreprise
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La protection d`assurance de l`avocat en entreprise
La protection d’assurance de l’avocat en entreprise Louis Baribeau, avocat L’avocat en entreprise est appelé à poser tous les jours des gestes professionnels pouvant engager sa responsabilité. Doit-il s’assurer ? Quelle protection le Fonds d’assurance responsabilité professionnelle du Barreau du Québec lui procure-t-il réellement ? L’avocat gestionnaire devrait-il, dans ce contexte, souscrire au Fonds ? Dans son rôle de gestionnaire, il est difficile pour l’avocat d’exclure totalement de ses tâches tout acte exclusif à la profession et de faire abstraction de ses connaissances juridiques. Me Langlois rappelle que « même au conseil d’administration, nos collègues administrateurs parfois se tournent vers nous et nous demandent : « On a reçu des opinions de conseillers externes, qu’est-ce que vous dites de cette situation ?” ». Ce genre de situation peut engager notre responsabilité professionnelle. Le Règlement sur la souscription obligatoire au Fonds d’assurance responsabilité professionnelle du Barreau du Québec 1 prévoit que tout membre inscrit au Tableau de l’Ordre doit souscrire au Fonds, sauf exemption accordée sur demande à ceux qui sont dans une dizaine de classes d’exceptions, faisait remarquer M e René Langlois, directeur général du Fonds d’assurance responsabilité professionnelle du Barreau du Québec, lors d’une formation sur la protection de l’avocat en entreprise organisée à Québec par le Comité des avocats et avocates en entreprise du Barreau de Québec, le 18 février dernier. La principale exemption qui peut intéresser les juristes en entreprise est celle de l’avocat qui ne pose aucun des actes exclusifs à la profession2. Ces actes exclusifs sont principalement de donner des consultations ou avis juridiques, de préparer des documents de Cour ou certains documents corporatifs et de plaider devant les tribunaux. Réclamations de tiers Le risque pour les avocats en entreprise ne se limite pas aux erreurs qui leur sont reprochées par leur employeur. De 1988 à 2009, plus de 30 % des réclamations contre des avocats en entreprise ont allégué l’atteinte à la réputation ou l’abus de procédure. Le risque peut aussi découler des avis pro bono à des tiers. « La gratuité du service que vous pouvez rendre à votre beau-frère aujourd’hui ne réduit pas le risque d’être poursuivi demain lorsqu’il devient votre ex-beau-frère », dit Me Langlois. L’avocat gestionnaire Attention ! Certaines situations ne sont pas couvertes par le contrat d’assurance, entre autres, les erreurs professionnelles commises dans un poste de gestion, comme dans la fonction de dirigeant ou d’administrateur. « Par exemple, si vous êtes poursuivi pour avoir signé un affidavit circonstancié dans le cadre d’une action en paiement de services contre l’entreprise pour laquelle vous travaillez, cet affidavit est un acte de gestion », indique M e Langlois. Il est important de vérifier si les erreurs de gestion sont couvertes par la police d’assurance responsabilité de l’entreprise. Les réclamations soumises par une entreprise appartenant à l’avocat ou les entreprises gérées par lui sont aussi exclues du contrat d’assurance. Photo : Yan Doublet // SUITE PAGE 37 M e René Langlois, directeur général du Fonds d’assurance responsabilité professionnelle du Barreau du Québec Le Journal Barreau du Québec 35 Avril 2010 La protection d’assurance de l’avocat en entreprise SUITE DE LA PAGE 35 La protection du Fonds La plupart des avocats en entreprise souscrivent au Fonds, et un sondage de 2006 montre que 85 % d’entre eux se font rembourser leur prime par l’employeur. Il est à noter que cette prime procure à l’avocat un crédit d’impôt. Pour une prime annuelle de 600 $ jusqu’en 2012, de loin la moins élevée parmi tous les barreaux canadiens, souligne Me Langlois, l’avocat obtient une protection de 10 millions $ par sinistre, sans aucune franchise à débourser. « Si vous êtes poursuivi pour 10 millions $, vous êtes protégé pour 10 millions $, et on ajoute à la protection les intérêts et les frais », précise Me Langlois. On ne trouve pas cela ailleurs au Canada et aux États-Unis. » La garantie du Fonds n’entre en jeu que pour les réclamations de dommages compensatoires, ce qui exclut les poursuites en injonction, les requêtes en désaveu, les demandes de rendre des sommes détenues et les dommages exemplaires. Elle ne couvre pas les actes frauduleux, malhonnêtes, criminels ou les fautes intentionnelles, le paiement d’amendes ou de pénalités. Les opérations de change sont également exclues de même que les actes posés à titre de membre d’un comité de retraite, les services et conseils en matière de placement ou d’investissement, par exemple, des services de promoteurs en matière de valeurs mobilières. Le Fonds d’assurance responsabilité professionnelle du Barreau du Québec est un modèle pour les ordres professionnels, non seulement au Québec, mais au Canada, en Europe et en Asie. « Ce niveau de protection et de primes et la solidité financière de l’institution ne se retrouvent nulle part ailleurs », dit Me René Langlois. 1 2 C. B-1, r. 12.01. Les actes exclusifs sont énumérés à l’article 128 de la Loi sur le Barreau. Le Journal Barreau du Québec 4 précautions pour limiter les risques de poursuites M e Guylaine LeBrun, coordonnatrice aux activités de prévention au Fonds d’assurance responsabilité professionnelle du Barreau du Québec, a donné aux participants à cette formation quelques conseils afin de réduire les risques de réclamation. 1. Méfiez-vous des clients fantômes Ils se déguisent en amis durant un 5 à 7 ou bien c’est quelqu’un de votre parenté ou encore un employé de l’entreprise qui fait appel à votre expertise de manière informelle. « Vous commentez la situation brièvement, proposez à votre interlocuteur de vérifier ses documents et il donne suite à cette offre… au lendemain de l’expiration du délai pour agir », note Me LeBrun. Évitez de vous prononcer sur leurs droits. 2. Ne prenez pas de dossier en dehors de votre champ de compétence « Le Code de déontologie des avocats prévoit que le client a droit aux services d’un avocat compétent », rappelle M e Guylaine LeBrun. Trop souvent, les délais de prescription sont ratés ou de mauvaises opinions sont données parce que l’avocat a agi dans un domaine qu’il ne connaissait pas. 3. Documentez vos communications avec votre client-employeur Par exemple, confirmez par écrit votre mandat, l’absence de mandat, les instructions reçues, les conseils donnés, les avertissements quant aux délais de prescription, les décisions ayant un impact sur les attentes du client, les décisions stratégiques prises au dossier, par exemple, la décision du client de refuser une offre de règlement. 4. Utilisez une liste de vérification Rédigez un plan de travail exhaustif pour vous assurer de ne rien oublier afin de protéger les droits de l’entreprise. 37 Avril 2010