Etude de Cas

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Etude de Cas
L’Art de Diriger - Dans la Tête des Grands Leaders
Lee G. Bolman, Terrence E. Deal
Extraits
Etude de cas - Le Recadrage en action
La plupart des défis de leadership peuvent être perçus de plus d’une façon, et chaque
mouvement du kaléidoscope propose une image différente du problème et de ses solutions.
Mettez-vous à la place d’Olivia Martin, en route pour son premier jour de travail à un nouveau
poste. Votre entreprise vous a muté à Atlanta pour y diriger un service client. C’est une promotion
importante, avec une substantielle augmentation de salaire et de responsabilités. Vous savez
que cela ne sera pas facile. Vous allez prendre la direction d’une équipe que l’on dit lente et qui a
mauvaise réputation en termes de service. La hiérarchie en a rendu responsable le style rigide et
bureaucratique de votre prédécesseur, Jack Davis. Davis va occuper d’autres fonctions mais on
lui a demandé de rester en place une semaine, pour vous aider à assurer la transition. L’un des
aspects délicats de la situation est que Davis a embauché lui-même la plupart des membres du
service. Nombreux sont ceux qui lui en sont redevables.
Lorsque vous arrivez, l’accueil de Rosa Garcia, la secrétaire du service, est glacial. En entrant
dans votre nouveau bureau, vous y trouvez Davis, installé dans votre fauteuil, en conversation
avec trois autres membres de l’équipe. Vous dites bonjour et Davis répond : « la secrétaire ne
vous a pas dit que nous étions en réunion ? Si vous voulez bien attendre dehors, je vous verrai
d’ici une heure. » Vous êtes sous le feu des projecteurs, et les personnes présentes dans la
pièce attendent votre réponse.
À la place d’Olivia Martin, que feriez-vous ?
Si vous vous sentez menacé ou attaqué – comme la plupart d’entre nous le penseraient – vos
sentiments vont vous pousser soit à répliquer, soit à fuir. Faire front et monter la pression est
risqué et pourrait empirer la situation. Faire marche arrière ou fuir pourrait suggérer que vous
êtes trop sensible et pas assez coriace. Cet exemple est un classique du cauchemar du leader :
une situation inattendue qui menace de vous exploser à la figure. La répartie de Davis est
incidemment destinée à vous désarçonner et à vous placer dans une situation intenable. Soit
vous acceptez d’être pris au piège, sans réaction, soit vous faites quelque chose de violent que
vous pourriez regretter. D’une façon ou d’une autre, Davis gagne et vous perdez.
Les différents cadres d’analyse de la situation peuvent proposer d’autres possibilités. Ils ont
l’avantage de vous placer selon plusieurs points de vue pour prendre la mesure de la situation.
- Que se passe-t-il, en fait ?
- Quelles sont vos options ?
- Quels scénarios la situation suggère-t-elle ?
- Comment pourriez-vous réinterpréter la scène pour imaginer le scénario le plus efficace ?
Dans les situations délicates, le recadrage est un outil puissant pour imaginer d’autres issues que
le combat ou la fuite. Dans la position d’Olivia Martin, une question vous interpelle
immédiatement : devez-vous répondre du tac au tac à la provocation de Davis ou gagner du
temps ? Si vous hésitez ou si vous sentez que vous êtes tenté de faire quelque chose que vous
pourriez regretter, prenez le temps d’aller « faire un tour sur le balcon ».
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Essayez de prendre de la hauteur assez longtemps pour analyser la situation sous plusieurs
angles et imaginer une stratégie. Le mieux étant, cependant, de trouver une réponse efficace
instantanément. Chacun des cadres d’analyse produit ses propres scénarios alternatifs. En
fonction de la façon dont vous les mettrez en œuvre, chaque cadre sera ou non efficace. Le
succès repose sur le scénario que vous allez choisir et sur votre talent, votre art, à le mettre à
exécution. Nous allons décrire plusieurs scénarios possibles pour Olivia Martin, et montrer que
chacun des quatre cadres d’analyse de la situation peut avoir des conséquences plus ou moins
efficaces.
Un scénario « structure »
Dans ce scénario, les leaders sont positionnés comme des figures d’autorité, tenus de clairement
exposer les objectifs, attentifs au lien entre la structure et son environnement et organisateurs
d’un ensemble de rôles et d’interactions cohérents avec ce qui doit être mis en œuvre. Sans
autorité ni structure opérationnelle, les gens ne savent pas exactement ce qu’ils sont supposés
faire. Il en résulte de la confusion, de la frustration et des conflits. Avec une structure adaptée,
l’organisation peut atteindre ses buts et les individus peuvent clairement identifier leur rôle dans
un schéma d’ensemble.
Les leaders structurels se concentrent sur les tâches, les faits et la logique plutôt que sur les
personnalités et les émotions. Ils voient l’origine de la plupart des problèmes dans des failles
structurelles plutôt que dans des limites ou des défaillances personnelles. Ils ne sont pas
aveuglément autoritaires et n’essaient pas de résoudre tous les problèmes en donnant des
ordres (même s’il est parfois opportun de le faire). Ils s’appuient plutôt sur l’autorité statutaire et
tentent d’élaborer et de mettre en œuvre une procédure ou une architecture adaptée aux
circonstances.
Vous pouvez vous demander ce que la structure a à voir avec un conflit personnel. Les scénarios
que déroulent les dialogues présentés ci-dessous peuvent répondre de plusieurs façons à cette
question. En voici un premier exemple.
Davis : « La secrétaire ne vous a pas dit que nous étions en réunion ? Si vous voulez bien
attendre dehors, je vous verrai d’ici une heure. »
Martin : Ma nomination au poste de manager de ce service prend effet ce matin à neuf heures.
C’est désormais mon travail et mon bureau… et vous êtes assis sur mon fauteuil. Soit vous me
laissez la place immédiatement, soit j’appelle le siège et fais un rapport d’insubordination.
Davis : On m’a demandé de rester en place une semaine de plus pour essayer de vous aider à
apprendre les ficelles. Franchement, je doute que vous soyez prête pour ce poste, mais vous ne
semblez pas vouloir y mettre du vôtre.
Martin : Je vous le répète, c’est moi la responsable. La direction vous a demandé de rester une
semaine pour m’assister. J’attends de vous que vous le fassiez. Sinon, je ferai un rapport pour
expliquer votre manque de coopération. Maintenant (fermement), je veux mon bureau.
Davis : Eh bien, nous étions en train de travailler sur un dossier important, mais comme la
princesse ici présente est plus intéressée par donner des ordres que par se mettre au travail,
nous allons déplacer la réunion dans votre bureau, Joe. Profitez bien du fauteuil !
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Dans cet échange, Olivia met fortement l’accent sur son autorité statutaire et la chaîne
hiérarchique. En mentionnant ses supérieurs et la légitimité de son autorité, elle prend les choses
en main et rabaisse Davis. Ce faisant, elle prend le risque de se mettre à dos, à long terme, ses
nouveaux collaborateurs qui ont dû se sentir dans une position inconfortable en assistant à cette
joute verbale. Ils peuvent en avoir tiré la conclusion que leur nouvelle patronne est autocratique
et dangereuse. Il y a de meilleures options.
Voici un autre exemple de la façon dont Martin pourrait exercer son autorité :
Davis : « La secrétaire ne vous a pas dit que nous étions en réunion ? Si vous voulez bien
attendre dehors, je vous verrai d’ici une heure. »
Martin : Elle ne m’a rien dit, et je ne voudrais pas interrompre une importante séance de travail.
Mais nous devons aussi fixer des priorités et établir au moins le programme de la journée. Jack,
avez-vous réfléchi à la façon dont nous allons travailler ensemble pendant cette période de
transition ?
Davis : On pourra se voir plus tard, après que j’ai réglé des affaires urgentes.
Martin : Ces affaires urgentes, ce sont justement celles dont je dois être au courant en tant que
nouvelle responsable. Vous pouvez m’en dire plus ?
Davis : C’est en particulier comment faire tourner le service quand sa nouvelle responsable n’est
pas prête à le faire.
Martin : J’ai évidemment beaucoup à apprendre, et je suis disposée à le faire. Avec votre aide, je
crois que nous pouvons assurer en douceur une transition productive. Pourquoi ne pas
poursuivre votre réunion à laquelle j’assisterai avec plaisir, comme observatrice ? Ensuite, Jack,
nous pourrons établir ensemble une feuille de route pour définir comment assurer la transition.
Après, je souhaite avoir un entretien avec chacun des managers pour obtenir un bilan individuel.
J’aimerais entendre chacun d’entre vous sur les principaux objectifs du service client et
comprendre comment vous évaluez vos performances. Maintenant, de quoi parliez-vous avant
que j’arrive ?
Cette fois, Martin reste claire et déterminée en établissant son autorité, mais elle le fait sans
paraître agressive ni autoritaire. Elle souligne l’importance qu’il y a à fixer des priorités. Elle
demande si Davis a imaginé un plan pour rendre productive cette phase de transition. Elle met
l’accent sur les objectifs communs et s’attribue un rôle temporaire d’observatrice. Elle se
concentre résolument sur la tâche à accomplir plutôt que sur les provocations de Davis. En
maintenant l’échange sur un terrain rationnel et en esquissant un plan de transition, elle évite
l’écueil de l’escalade du conflit. Elle communique également aux membres de sa nouvelle équipe
qu’elle s’est préparée, qu’elle est organisée et qu’elle sait ce qu’elle veut faire. Lorsqu’elle dit
qu’elle souhaite entendre leurs objectifs personnels et leurs progrès, elle leur fait savoir qu’ils
pourront s’exprimer mais que c’est elle qui est aux commandes.
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Un scénario « ressources humaines »
Pour les leaders « ressources humaines », les gens sont au centre de toute organisation. S’ils
sentent que l’organisation répond à leurs besoins, qu’elle soutient leurs objectifs personnels, ils
répondent avec engagement et loyauté. Les leaders autoritaires ou insensibles, qui
communiquent mal ou qui ne sont pas attentifs ne sont pas efficaces. Le leader « ressources
humaines » travaille à la fois pour l’organisation et pour les gens, cherchant à servir les intérêts
de l’une comme des autres. Le leader doit jouer un rôle de soutien et de délégation.
Le soutien peut prendre une multitude de formes : se montrer concerné, écouter les aspirations
et les buts des gens, et communiquer une chaleur personnelle et une ouverture d’esprit. Pour la
délégation, elle se fait à travers la participation et l’intégration, en s’assurant que les gens ont
l’autonomie et les encouragements dont ils ont besoin pour faire leur travail. Cette approche
privilégie l’écoute et l’empathie.
Certains, cependant, en font un peu trop dans cette voie :
Davis : « La secrétaire ne vous a pas dit que nous étions en réunion ? Si vous voulez bien
attendre dehors, je vous verrai d’ici une heure.
Martin : Oh, mon Dieu, non, elle ne m’a rien dit. Je suis navrée d’interrompre votre réunion.
J’espère que je n’ai blessé personne parce que, pour moi, il est très important d’avoir de bonnes
relations avec tout le monde dès le début. Pendant que j’attends, est-ce que je peux faire
quelque chose pour vous aider. Quelqu’un veut un café ?
Davis : Non. On vous préviendra quand on aura fini.
Martin : Oh, O.K. Alors, bonne réunion, et à tout à l’heure, dans une heure. »
Dans son effort pour être amicale et arrangeante, Martin se comporte davantage en serveuse
qu’en manager. Elle démine le conflit potentiel, mais les membres de l’équipe peuvent la
percevoir comme faible. Elle pourrait, au contraire, capitaliser sur son penchant naturellement
empathique :
Davis : « La secrétaire ne vous a pas dit que nous étions en réunion ? Si vous voulez bien
attendre dehors, je vous verrai d’ici une heure. »
Martin : Je suis désolée de vous interrompre mais j’ai hâte de commencer et je vais avoir besoin
de toute votre aide. (Elle fait le tour des gens, se présente, leur serre la main pendant que Davis
se renfrogne). Jack, pouvez-vous m’accorder quelques minutes afin que nous parlions de la
façon dont on pourrait organiser la transition, maintenant que j’ai la responsabilité du service ?
Davis : Vous ne dirigez pas encore cette équipe. On m’a demandé de rester une semaine de plus
pour vous aider à démarrer, bien que, franchement, je doute que vous soyez prête pour ce poste.
Martin : Je comprends vos doutes, Jack. Je sais à quel point vous tenez au succès de ce service.
Si j’étais à votre place, je m’inquièterais de savoir si je confie mon bébé à quelqu’un qui soit
capable de s’en occuper. Mais je ne serais pas ici si je ne me sentais pas prête. Je veux profiter
autant que possible de votre expérience. Est-ce que cette réunion est si urgente que vous ne
puissiez prendre quelques minutes pour que nous parlions de la façon dont nous allons travailler
ensemble ?
Davis : Nous devons terminer certaines choses.
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Martin : Eh bien, en tant que manager, je préfère toujours faire confiance au jugement de ceux
qui sont au plus près de l’action. Je vais m’asseoir en attendant que vous finissiez, nous
parlerons ensuite de la façon dont on pourra avancer. »
Ici, Martin n’est pas décontenancée et reste constamment chaleureuse ; elle évite l’affrontement
et admet le point de vue de Davis. Lorsqu’il lui dit qu’elle n’est pas prête pour le poste, elle résiste
à la tentation de lui répondre sèchement. Au contraire, elle prend acte de son inquiétude tout en
affirmant calmement sa confiance et sa détermination à avancer. Elle fait la démonstration d’une
importante qualité pour un leader de type ressources humaines : la capacité à associer la
défense de ses intérêts et le questionnement. Elle écoute attentivement Davis mais campe en
douceur sur ses positions. Elle lui demande son aide tout en affirmant sa conviction qu’elle est à
la hauteur de la tâche. Lorsqu’il dit qu’ils ont des choses à terminer, elle répond avec l’agilité d’un
maître en arts martiaux, en utilisant l’énergie de Davis à son avantage. Elle dévoile en partie sa
philosophie – faire confiance au jugement de son équipe – et se positionne comme observatrice,
saisissant ainsi l’opportunité de mieux connaître son équipe et les problèmes auxquelles elle est
confrontée. En recadrant la situation, elle prend un meilleur départ avec Davis et peut envoyer
aux autres le signal qu’elle entend se comporter en leader tourné vers les gens.
Un scénario « politique »
Les leaders politiques pensent qu’il est essentiel de reconnaître les différences et de faire avec
les conflits. Dans et en dehors de toute organisation, des groupes divers d’intérêts, chacun ayant
son programme, sont en compétition pour des ressources limitées. Il n’y en a jamais assez pour
donner à toutes les parties ce qu’elles veulent, donc il y a toujours des affrontements. La tâche
du leader consiste à identifier les principaux groupes de pression, à nouer des relations avec
leurs interlocuteurs et à gérer les conflits de la façon la plus productive possible. Surtout, les
leaders doivent construire une base solide de pouvoir et l’exercer avec sagesse. Ils ne peuvent
pas donner à tous les groupes tout ce qu’ils veulent, mais ils peuvent créer des espaces où ces
groupes vont pouvoir négocier leurs revendications et parvenir à un compromis acceptable.
Les leaders doivent aussi travailler à mettre en œuvre ce que tous les groupes ont en commun.
Lorsque les gens redoublent d’énergie pour entretenir leurs conflits internes ils la gaspillent alors
même que de nombreux adversaires extérieurs devraient être combattus. Un groupe qui ne
resserre pas ses rangs augmente les chances d’être battu à plate couture par ses ennemis
extérieurs. Certains leaders transforment l’approche politique en un management par
l’intimidation et la manipulation. Cela fonctionne parfois, mais les risques sont élevés.
En voici un exemple :
Davis : « La secrétaire ne vous a pas dit que nous étions en réunion ? Si vous voulez bien
attendre dehors, je vous verrai d’ici une heure. »
Martin : Dans votre prochain poste, vous pourriez peut-être mieux former votre secrétaire. Quoi
qu’il en soit, je ne peux pas perdre mon temps en restant assise à l’accueil. Tout le monde dans
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cette pièce sait pourquoi je suis ici. Vous avez le choix, Jack. Soit vous coopérez avec moi, soit
vous perdez tout ce qui vous reste de crédibilité dans cette entreprise.
Davis : Si je n’avais pas plus d’expérience que vous, je ne me risquerais pas à l’épreuve de force.
Mais si vous pensez que vous savez déjà tout, j’imagine que vous n’aurez plus besoin de mon
aide.
Martin : Ce que je sais, c’est que les résultats de ce service ont baissé depuis que vous le
dirigez, et c’est mon boulot d’y remédier. Vous pouvez rentrer chez vous dès aujourd’hui si vous
voulez – mais si vous avez un peu de jugeote, vous resterez et vous m’aiderez. Le vice-président
attend mon rapport sur cette période de transition. Mieux vaudrait pour vous que je puisse lui dire
que vous vous êtes montré coopératif. »
Les fans de cinéma adorent que les brutes reçoivent la punition qu’ils méritent. Il peut être
satisfaisant de s’offrir le luxe d’une réplique cinglante à celui qui vous attaque. Dans cet échange,
Martin fait la démonstration de sa force et qu’elle peut même être dangereuse. Mais ce genre de
tactiques peut coûter cher à long terme. Elle va probablement remporter cette manche parce
qu’elle aura frappé fort, mais au risque de perdre la partie. Elle accroît l’animosité de Davis, et
son attaque peut le blesser tout autant qu’effrayer sa nouvelle équipe. Même si les collaborateurs
du service n’apprécient pas Davis, ils peuvent percevoir Martin comme arrogante et insensible.
Elle sème les prémisses d’une contre-attaque et peut avoir causé des dommages politiques qui
seront difficiles à réparer.
Les leaders politiques sophistiqués préfèrent éviter les démonstrations brutales de pouvoir, et
cherchent plutôt à faire appel aux intérêts personnels de leurs adversaires potentiels :
Davis : « La secrétaire ne vous a pas dit que nous étions en réunion ? Si vous voulez bien
attendre dehors, je vous verrai d’ici une heure. »
Martin : (en souriant) Jack, si vous le voulez bien, je préfère éviter les enfantillages et qu’on se
mette au travail. J’attends de ce service qu’il réussisse, et j’espère que c’est également ce que
souhaite tout le monde ici. J’aimerais aussi pouvoir gérer cette période de transition au mieux
pour votre carrière, Jack, comme pour celles de tous ceux qui sont ici présents.
Davis : Si j’ai besoin de conseils pour ma carrière, je vous les demanderai.
Martin : O.K., mais le vice-président m’a demandé de lui faire savoir quelle coopération j’obtiens
ici. J’aimerais pouvoir lui dire que tout le monde y a mis du sien, pas vous ?
Davis : Je connais le vice-président depuis bien plus longtemps que vous. Je peux lui parler moimême.
Martin : Je sais, Jack, il me l’a dit. J’étais dans son bureau il y a un instant. Si vous voulez, nous
pouvons aller le voir tous les deux.
Davis : Non, pas maintenant.
Martin : Bon, alors, avançons. Vous voulez terminer ce que vous étiez en train de faire, ou est-ce
que vous voulez qu’on discute de la façon dont nous allons travailler ensemble ? »
Dans l’exemple ci-dessus, Martin est directe et diplomate. Elle utilise la dérision pour esquiver la
première attaque de Davis (« je préfère éviter les enfantillages »). Elle invoque directement
l’intérêt de Davis pour sa carrière, et ceux de ses collaborateurs pour la leur. Elle minimise
habilement sa posture d’autorité en lui demandant s’il veut l’accompagner chez le vice-président.
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À l’évidence, elle est confiante dans la force de sa position politique et sait que les éclats de voix
de Davis ne reposent pas sur grand-chose.
Vous remarquerez que dans les deux exemples de dialogue, Martin fait jouer ses ressources de
pouvoir. Dans le premier, elle les utilise pour humilier Davis, mais dans le second, son approche
est plus subtile. Elle conserve son capital politique et prend les choses en main tout en
préservant autant que possible Davis, parvenant à un résultat plus proche d’une solution
gagnant-gagnant que d’une solution gagnant-perdant.
Un scénario « symbolique »
Les leaders symboliques pensent que la partie la plus importante de leur tâche consiste à inspirer
les gens – leur donner quelque chose en quoi ils peuvent croire. L’intérêt des gens est éveillé et
ils sont prêts à s’engager pour une organisation qui a une culture spéciale, un espace dans
lequel ils sentent que leur travail fait vraiment la différence.
Les leaders symboliques les plus efficaces cherchent avec passion à singulariser leur entreprise
sur son marché et à communiquer cette passion aux autres. Ils utilisent des symboles forts pour
susciter l’attention et donner aux salariés le sens de la mission de l’entreprise. Ils sont visibles et
dynamiques. Ils inventent des slogans, racontent des histoires, organisent des rassemblements,
décernent des récompenses, apparaissent là où on les attend le moins et gèrent en étant
présents sur le terrain. Les leaders symboliques sont sensibles à l’histoire et à la culture de
l’organisation. Ils cherchent à utiliser les meilleures traditions et valeurs de l’entreprise pour en
faire la base sur laquelle construire une culture qui intègre et donne du sens. Ils mettent en forme
une vision qui fait passer les capacités et la mission uniques de l’organisation.
À première vue, la rencontre d’Olivia Martin et Jack Davis ne semblerait pas vraiment propice à
laisser s’exprimer l’approche symbolique que l’on vient de résumer. Une tentative inefficace
pourrait produire des résultats embarrassants, faisant passer l’apprentie leader symbolique pour
une écervelée :
Davis : « La secrétaire ne vous a pas dit que nous étions en réunion ? Si vous voulez bien
attendre dehors, je vous verrai d’ici une heure.
Martin : C’est super de vous voir tous au travail de si bonne heure. Cela prouve que nous
partageons le même engagement pour un service client exemplaire. En fait, j’ai déjà fait faire des
pins pour toute l’équipe. Tenez, j’en ai un pour chacun. Le slogan c’est : « le client vient toujours
en premier ». Ils sont superbes et ils traduisent l’esprit que nous voulons tous insuffler à ce
service. Poursuivez votre réunion. Je peux passer une heure à parler avec d’autres membres du
service des objectifs de ce département. (Elle quitte la pièce).
Davis : (s’adressant au reste de l’équipe) Non mais, vous y croyez ? Je vous avais dit qu’ils
avaient embauché une cheftaine scout pour me succéder. Vous ne m’avez peut-être pas cru,
mais là, vous venez de le constater de vos propres yeux. »
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L’approche symbolique de Martin part peut-être d’une bonne idée, mais les symboles ne
fonctionnent que s’ils sont adaptés au contexte et qu’ils ont du sens pour les membres d’un
groupe ou d’une organisation. En découvrant la culture de ce département, Martin doit être très
attentive à ceux auxquels elle s’adresse. Les symboles sans signification créent l’opposition, et
les événements symboliques vides de sens peuvent être contre-productifs.
À l’inverse, un leader symbolique talentueux comprend qu’une situation de mise au défi et de
stress peut être une réelle opportunité pour faire ressortir des valeurs et construire un sens de la
mission. Dans le dialogue ci-dessous, Martin atteint ces deux objectifs en articulant habilement
une approche symbolique qui s’oppose à la rudesse de Davis :
Davis : « La secrétaire ne vous a pas dit que nous étions en réunion ? Si vous voulez bien
attendre dehors, je vous verrai d’ici une heure.
Martin : (souriant) C’est peut-être juste le traditionnel rituel d’enfumage dans ce département,
Jack, mais dites-moi, si l’un de nos clients se présentait à la porte maintenant, vous lui diriez
d’attendre une heure dehors ?
Davis : S’il faisait irruption comme vous venez de le faire, bien sûr.
Martin : Est-ce que vous travaillez sur quelque chose de plus important que de répondre à nos
clients ?
Davis : Ce ne sont pas vos clients. Vous êtes là depuis cinq minutes à peine.
Martin : C’est vrai, mais je travaille dans cette entreprise depuis assez longtemps pour savoir qu’il
est important de donner la priorité aux clients.
Davis : Écoutez, vous ne savez rien du fonctionnement de ce service. Avant de partir en croisade
pour les clients, vous devriez apprendre un peu comment on fait les choses ici.
Martin : Il y a beaucoup de choses que je peux apprendre de vous tous ici, et je suis impatiente
de commencer. Par exemple, je suis très intéressée par vos idées sur ce qu’il faudrait faire pour
que les gens qui se présentent ici puissent immédiatement sentir que c’est un endroit où l’on
s’intéresse à eux, qui va leur répondre et sincèrement chercher à leur être utile. J’aimerais que
cela soit vrai pour quiconque entre dans ces bureaux – un salarié, un client ou juste quelqu’un qui
se serait trompé d’étage. Ce n’est pas vraiment le message que j’ai reçu il y a quelques minutes
mais je suis certaine que l’on peut trouver des tas de façons de modifier ça. Est-ce que cela
correspond à l’image que vous avez de ce que ce service devrait être ? »
Remarquez comment Martin recadre la conversation. Au lieu d’engager un affrontement
personnel avec Davis, elle se concentre sur les valeurs principales du service. Elle mentionne
son engagement à mettre le client au premier rang des priorités mais elle évite de faire de ce
principe un élément imposé de l’extérieur. Au lieu de cela, elle l’ancre dans une expérience que
tous les participants à la réunion viennent de faire : la façon dont elle a été accueillie à son
arrivée.
Comme de nombreux leaders symboliques qui connaissent le succès, elle est attentive aux
signaux qu’elle perçoit quant aux valeurs et à la culture du groupe. Elle exprime sa philosophie
mais elle pose aussi des questions pour intégrer Davis et les membres de sa nouvelle équipe. Si
elle peut utiliser l’histoire de l’entreprise à son avantage pour raviver l’engagement de chacun
envers le service client, elle aura pris un bon départ.
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