André Larquié président Brigitte Marger directeur général

Transcription

André Larquié président Brigitte Marger directeur général
André Larquié
président
Brigitte Marger
directeur général
sommaire
vendredi 10 mars - 20h
concert - atelier
Wolfgang Amadeus Mozart
p. 4
samedi 11 mars - 15h
forum du musée
du clavecin au pianoforte
p. 7
samedi 11 mars - 20h
récital Mitsuko Uchida
Wolfgang Amadeus Mozart
Anton Webern
Frédéric Chopin
p. 11
dimanche 12 mars - 16h30
Sonates palatines pour piano et violon
Wolfgang Amadeus Mozart
p. 17
vendredi
10 mars - 20h
amphithéâtre du musée
visite de Mozart à Paris
concert - atelier
Wolfgang Amadeus Mozart
Sonate pour piano et violon, en mi mineur, K 304
allegro, tempo di menuetto
Sonate pour piano et violon, en sol majeur, K 301
allegro con spirito, allegro
Mark Steinberg, violon
Mitsuko Uchida, pianoforte Lengerer (1793)*, présentation
* fac-similé de Christopher Clarke (1993)
La cité de la musique remercie le Conservatoire de Paris pour le prêt
du pianoforte Christopher Clarke faisant partie de ses collections.
musiques pour piano - Mitsuko Uchida
Sebastian Lengerer
pianoforte 1793 (1993)
4 | cité de la musique
Les pianos fabriqués en Autriche vers la fin du XVIlle
siècle se basaient le plus souvent sur les modèles de
deux facteurs pionniers Johann Andreas Stein
(Augsburg) et Anton Gabriel Walter (Vienne). Le pianoforte présenté ici est la copie d'un instrument inspiré
par Stein et fabriqué en 1793 par Sebastian Lengerer,
à Kufstein dans le Tyrol. Nous ne connaissons que
peu de choses sur Lengerer; des recherches récentes
montrent qu’il a fait son apprentissage chez Stein, à
Augsbourg. Après son installation à Kufstein, Lengerer
s'établit à Vienne au début des années 1790, devient
membre de la corporation des facteurs d'orgue en
1799, et meurt dans cette ville en 1809.
Les deux seuls pianos à queue actuellement connus de
sa facture datent de l'année 1793. Celui qui m’a servi
de modèle se trouve actuellement en Angleterre dans
la collection Burnett, au musée Finchcocks à Goudhurst,
dans le Kent. Il a été découvert il y a quelques années,
à côté d’un piano Walter datant de 1798, dans un
palazzo vénitien où ils furent livrés tout neufs.
Comment comparer ces deux types de piano autrichien? Ils partagent la même étendue de cinq octaves
(fa1 - fa 5) et sont construits autour d’une charpente
solide dissimulée dans une caisse gracile. Les
modèles du type Stein ont l'éclisse courbe en forme
de « S », les Walter ont un pan coupé. Tous deux sont
dotés d’une mécanique à échappement : les petits
marteaux garnis de peau pivotent, avec des queues
qui dépassent à l’arrière, dans des fourches montées
sur les touches. Quand la touche bascule, la queue du
marteau est retenue, puis relâchée par un bâton
d'échappement en forme de crochet, permettant ainsi
de donner une chiquenaude pour balancer le marteau contre la corde. Dans les instruments Walter, les
marteaux sont ensuite happés par une barre d’attrape, permettant ainsi une frappe plus forte que celle
des modèles Stein. La conception de la table d’harmonie des Walter exploite pleinement cette capacité,
développant un son fort, rond et chaleureux et d'une
égalité surprenante sur toute l’étendue du clavier.
musiques pour piano - Mitsuko Uchida
Les instruments Stein sonnent moins fort, mais sont,
par contre, beaucoup plus volubiles et articulés, avec un
timbre qui change constamment depuis les graves jusqu'aux aigus (ce qui rappelle l’effet d’un ensemble d’instruments à vent). A ce propos, Andreas Streicher, dans
son petit livre écrit pour les acheteurs de pianos
construits par sa femme Nanette (la fille de Stein),
constate sans équivoque qu'un piano « doit ressembler par sa tonalité aux meilleurs instruments à vent ».
L’étendue de ce fac-similé est de cinq octaves avec
une mécanique allemande sans attrape-marteaux.
Les touches sont en ébène, les feintes en poirier noirci
plaqué en os et les frontons en tilleul noirci en surface, avec des cannelures verticales. Les marteaux
sont garnis en peau de daim. Il y a deux genouillères
forte et moderator (jeu céleste).
Le pianoforte est pourvu de deux cordes par note,
sauf pour les octaves aiguës qui en ont trois. Les
cordes dans l’octave grave sont en laiton rouge et laiton jaune.
La caisse est plaquée en marqueterie de cerisier, avec
des éléments en érable, érable noirci, prunier et pâtes
colorées, conformément à l’original. L’intérieur du
couvercle est recouvert de papier peint, imprimé à
partir des blocs copiés du dessin original. Les pieds
sont tournés, avec des cannelures.
Christopher Clarke
notes de programme | 5
samedi
11 mars - 15h
amphithéâtre du musée
du clavecin au pianoforte
forum du musée
Débats, documents visuels et sonores : un ensemble
d’archives sur la période transitoire entre le clavecin et
le pianoforte, de la naissance de Mozart (1756) à la
mort de Haydn (1809).
avec la participation de :
Michael Latcham, conservateur au musée
de La Haye
Christopher Clarke, facteur de pianoforte
Jean-Claude Battault, technicien de restauration
au musée de la musique
moments musicaux :
œuvres de Joseph Haydn et
Wolfgang Amadeus Mozart
Siegbert Rampe, clavecin Ruckers-Taskin (16461780)*, pianoforte Baumann (1783)**, piano Lengerer
(1793)***
* instruments appartenant aux collections du musée de la musique
** collection privée
*** fac-similé de Christopher Clarke (1993)
La cité de la musique remercie le Conservatoire de Paris pour le prêt
du pianoforte Christopher Clarke faisant partie de ses collections.
musiques pour piano - Mitsuko Uchida
Mathias Christian
Baumann
pianoforte (1783)
Le pianoforte du facteur allemand Mathias Christian
Baumann (né en 1740 à Annweiler près de
Zweibrücken) est daté de 1783, comme l’atteste son
estampille rédigée en français sur le coin arrière droit
(ce piano est le seul à en posséder une de ce genre).
Cette estampille semble indiquer que l’instrument
était destiné à l’exportation vers la France. Les autres
instruments Baumann portent une estampille allemande. Le meuble est en forme de bureau plat à
deux tiroirs latéraux, possédant un très beau plaquage de noyer en aile de papillon, avec des filets
d’amarante et de citronnier. La mécanique viennoise
est de « mécanique Prell simple ». Cet instrument a été
conservé dans un excellent état et a bénéficié d’une
restauration en 1991 par Christopher Clarke (Cluny)
pour la partie instrumentale, et par Daniel Vergnaud
(Cluny) pour le meuble. Le clavier dispose de cinq
octaves (61 notes de F à f’’’), avec des [notes] naturelles en poirier noirci et des [notes] feintes plaquées
d’os. Deux leviers à droite et à gauche du clavier servent au forte grave et au forte aigu (jeu de « cymbalum »), et une manette permet de produire un jeu de
harpe à l’intérieur. Après sa restauration, cet instrument
a été joué en première audition en concert public le 2
novembre 1991 au deuxième festival de Claviers
Anciens de Cluny par Marcia Hadjimarkos.
Il existe aujourd’hui sept autres instruments de
Baumann dans des collections publiques ou privées.
Les plus remarquables, pour leur histoire, sont : le
« piano de l’archevêque » daté de 1775 au musée
Carolino Augusteum de Salzbourg qui appartenait au
prince évêque Coloredo et sur lequel Mozart a joué ;
et le « piano Mozart » (1782, ancienne collection FialaAlgrimm) conservé au musée de Zweibrücken qui
appartint à la baronne von Waldstäten, protectrice
de Mozart.
notes de programme | 7
musiques pour piano - Mitsuko Uchida
Ruckers-Taskin
clavecin (1646/1780)
8 | cité de la musique
Le clavecin d'Andreas Ruckers qui sera joué lors de
ce concert, fut construit à Anvers en 1646. Sa table
d'harmonie est peinte dans le style habituel de ce
célèbre atelier anversois. La construction de la caisse,
ce qui reste de sa structure interne après la mise à
ravalement, le confirment. Si l'on peut affirmer qu'à
l'origine il s'agissait bien d'un instrument à deux claviers, il paraît difficile d'attribuer ce travail à Andreas ou
à son fils deuxième du nom. Du clavecin original (du
type « grand transpositeur français »), permettant une
étendue chromatique de G1-c3, à l'état actuel remontant à 1780, il convient de distinguer plusieurs étapes
dans l'élargissement de la tessiture. Vers 1720, une
modification intervient, pour installer dans la largeur de
caisse initiale (803 mm) une étendue plus grande.
Une réduction des écarts des claviers et registres fut
opérée, et, aux graves, on gagna sur la largeur des
blocs pour obtenir un instrument dont les limites
étaient dorénavant F1-c3. Par la suite en 1756, l'instrument fut à nouveau agrandi dans l'aigu, ce qui fut
assuré grâce au déplacement de la joue et au changement de sommier, au bénéfice d'une nouvelle largeur de caisse de 853 mm. Cette étape est attribuée
à J.E. Blanchet et donne une tessiture de F1-e3.
En 1780, Pascal Taskin, élève et successeur de
Blanchet, augmenta la tessiture d'une note à l'aigu
pour obtenir cinq octaves pleines F1-f3. Il ajouta un
quatrième rang de sautereaux aux trois existants, qu'il
monta en peau de buffle, en opposition aux trois
autres jeux montés de plume. Taskin installa un
ensemble de mécaniques et de genouillères, permettant de registrer en cours d'interprétation et de
créer éventuellement des effets de diminuendo ou de
crescendo. L'habileté des Ruckers, Blanchet et Taskin
sont là réunies en un même instrument, et si les qualités d'origine furent respectées, les adjonctions lui
en donnèrent de nouvelles.
Le son est à l'image du décor qui subit également
des transformations au rythme des interventions des
différents facteurs. Taskin apporta le style de son
musiques pour piano - Mitsuko Uchida
temps : piétement Louis XVI à pieds cannelés et
rudentés, guirlandes de fleurs dans la boîte des claviers. Il respecta et s'adapta au décor extérieur posé
sur fond d'or vers 1720, par un décorateur proche
de Bérain. Ce dernier représenta une somptueuse
nature morte sur le dessus du couvercle : fruits, fleurs,
cahier de musique, flûte à bec à la française évoquent
l'ouïe, l'odorat et le goût. Sur les éclisses, des couples
d'enfants musiciens, des colombes évoquent les
tendres émotions de l'amour. Des singes symbolisent la malice et la complicité de ses jeux. A l'intérieur du couvercle, lui-même élargi en 1756, fut
respecté le décor flamand original représentant les
muses sur le mont Hélicon, présidées par Apollon,
dieu de la musique et de la poésie charmant l'Olympe.
Pégase, sur l'ordre de Poséidon, d'un coup de sabot,
ramène à la raison l'Hélicon, gonflé de plaisir. A
l'écoute du concert, il risquait d'atteindre le ciel ;
apaisé, jaillit de ses flancs une source : l'Hippocrène.
La présence de Diane et de Daphné sont aussi suggérées, car toutes deux sont proches d'Apollon. L'une
est sa sœur jumelle, l'autre en fut aimée. Poursuivie,
elle implora son père qui la changea en laurier. Les
images se reflètent dans des manières opposées : à
l'intérieur du clavecin, des scènes mythologiques édifiantes et sérieuses ; à l'extérieur, d'intuitives invitations à la volupté. Tout conduit à l'allégorie des sens :
conditionner le bonheur, dans l'amour et la musique.
Michel Robin
notes de programme | 9
samedi
11 mars - 20h
salle des concerts
Wolfgang Amadeus Mozart
Sonate en la mineur, K 310
allegro maestoso, andante cantabile con espressione,
presto
durée : 20 minutes
Anton Webern
Variations, op 27
Sehr mässig, Sehr schnell, Ruhig fliessend
durée : 7 minutes
Wolfgang Amadeus Mozart
Adagio en si mineur, K 540
durée : 10 minutes
entracte
Frédéric Chopin
Prélude en ut dièse mineur, op 45
sostenuto
durée : 4 minutes
Sonate n° 3 en si mineur, op 58
allegro maestoso, scherzo, largo,
finale : presto ma non tanto
durée : 26 minutes
Mitsuko Uchida, piano
mardi
29 septembre 20h
partenaire de la
cité de la musique
salle des concerts
musiques pour piano - Mitsuko Uchida
Wolfgang Amadeus
La Sonate en la mineur K 310 (Paris, 1778) occupe
Mozart
une place particulière parmi le total de sept que Mozart
Sonate en la mineur, K 310 écrivit en 1777 et 78, au cours du voyage qui le
conduisit d’Augsbourg à Paris en passant par
Mannheim. Travaillée, développée, elle semble être
l’une des premières qui ne relève plus d’une improvisation notée après coup, comme la plupart des
sonates pour clavier composées jusque-là.
Profondément tragique, elle fait éclater le cadre de la
sonate en tant que pièce de salon, réservée « aux
amateurs » dont l’expression plaisante, est traditionnellement fondée sur de jolies mélodies, tout en réclamant un certain brio. L’allegro maestoso, cursif et
haletant, conduit le discours qui tourne sur lui-même
par ses répétitions obsessionnelles faites d’instabilité rythmique, de chromatisme, de dissonances et
dont les lignes finissent toujours par chuter. Aussi, la
faible lueur de fa majeur apportée par l’andante cantabile con espressione ne suffit-elle pas à redonner
l’espoir. Elle cite d’ailleurs un thème du compositeur
silésien Schobert, mort à Paris en 1767, dont la
musique grave et sombre avait touché Mozart dès
son premier séjour en 1764. L’implacable la mineur
revient pour finir, parvenant à détourner le rondo de sa
fonction traditionnellement souriante dans la spirale de
son tragique presto.
Anton Webern
Variations pour piano,
op 27
Composés entre octobre 1935 et septembre 1937, les
trois mouvements des Variations op. 27 constituent
l’unique œuvre pour piano seul de Webern. C’est
donc dans sa maturité que ce pionnier de l’utilisation
des timbres instrumentaux, à l’origine de la notion de
« mélodie de timbres » (Klangfarbenmelodie) aborde
le « blanc et noir » du clavier. Et c’est alors une véritable palette sonore aux multiples reflets qu’il lui confie,
aussi riche, à sa manière, que celles qu’il a pu imaginer pour le quatuor à cordes ou pour les ensembles
de différentes compositions, jouant des morphologies instrumentales hétérogènes par des alliages aux
notes de programme | 11
musiques pour piano - Mitsuko Uchida
combinaisons infinies. Avec les Variations pour piano,
tout un champ sonore se développe quasiment audelà des limites de la notation musicale traditionnelle.
La graphie de Webern a recours aux signes habituels : les liaisons, les indications d’attaque du son –
le point du jeu piqué, le trait du jeu louré, le chevron du
jeu marqué et leurs combinaisons – , les nuances du
pianissimo au molto fortissimo, les indications agogiques en allemand au-delà de la notation rythmique
elle-même, les silences – véritable expression en soi…
Cependant, le pianiste Peter Stadlen, qui créa l’œuvre
lors d’un concert du Verein für neue Musik, à Vienne,
le 26 octobre 1937, a jugé nécessaire de faire paraître
une édition proposant de nombreux ajouts notés en
vert et en rouge au-dessus de la partition d’usage.
A l’occasion de la création, il a lui-même beaucoup
travaillé avec Webern qui, reconnaissant ses qualités, en atteste dans un courrier (« il a beaucoup de
talent, je travaille déjà dur avec lui »). Peter Stadlen
s’offre donc comme un témoin posthume précisant la
pensée de l’auteur au niveau du jeu pianistique des
nuances, du phrasé, des durées…
Au-delà de l’écriture sérielle, véritablement façonnée
ici par la technique du miroir (Spiegelbild), les récurrences, le jeu des intervalles, l’écriture canonique,
l’opposition ou la fusion entre le vertical et l’horizontal, la couleur instrumentale constitue donc un paramètre fondamental de la composition. Le pointillisme
subtil de chacune des actions musicales nous fait
prendre délicatement connaissance de la série dans
le Sehr mässig (très modéré) initial, nous bouscule
violemment dans l’extrême tension du Sehr schnell
(très vite) pour nous laisser glisser dans le dépouillement du Ruhig fliessend (tranquille et coulant) final.
Wolfgang Amadeus
Unique par sa tonalité, mystérieux par sa destination,
Mozart
exceptionnel par son écriture, cet Adagio isolé est
Adagio en si mineur, K 540 l’une des dernières œuvres pour piano seul de Mozart
(Vienne, 19 mars 1788). C’est « l’un des plus parfaits,
12 | cité de la musique
musiques pour piano - Mitsuko Uchida
des plus profondément sentis, des plus désolés que
Mozart ait jamais composé » note à son sujet le musicologue Alfred Einstein. Son parcours tonal enchaînant
de sombres couleurs mineures, son chromatisme,
son instabilité rythmique, ses batteries persistantes,
ses ruptures de discours, son recours aux extrêmes
du clavier laissent place in extremis à une coda pianissimo en si majeur, trop courte pour en effacer l’infinie tristesse partagée.
Frédéric Chopin
Prélude
en ut dièse mineur,
op 45
L’art du prélude consiste justement dans le fait
d’échapper à toutes règles préétablies. Voici donc
un genre qui offre l’entière liberté aux compositeurs.
Par son agencement tonal, toutefois, le cycle des
Vingt-quatre Préludes opus 28, publié par Chopin en
1838, ne peut manquer de faire allusion à ceux des
deux volumes du Clavier bien tempéré de Bach. En
revanche, le Prélude en ut dièse mineur op. 45, composé en 1841 sur la demande de l’éditeur Schlesinger
au vu du succès des précédents, est délié de toute
référence historique et n’a valeur que pour lui-même.
Au-delà de l’introduction aux sixtes suspensives
posées sur onze des douze degrés de l’échelle chromatique, la succession des arpèges déployés du
grave à l’aigu s’installe donc comme le fil d’Ariane
étiré sur toute la longueur de la pièce. Elle ne sera
que momentanément interrompue par la cadence
libre de métrique avant les derniers instants. Combien
de fois, pourtant, entre temps, a-t-elle changé de
couleur, ondoyant des tons voisins aux tons les plus
éloignés, évitant de se fixer trop longtemps sur l’un
d’entre eux, comme elle évite de se poser sur les premiers temps des mesures pour mieux s’en libérer.
C’est bien l’esprit de l’improvisation, inhérent au prélude dès ses origines, que Chopin retrouve ici, pardelà le plaisir instrumental ludique.
notes de programme | 13
musiques pour piano - Mitsuko Uchida
Sonate n° 3 en si mineur, Les Sonates de Chopin ont pu susciter l’étonnement
op 58
voire l’incompréhension : qu’a-t-il conservé de la succession équilibrée, organisée voire dramaturgique
des mouvements, que fait-il de leur architecture
interne, de leur construction tonale, de leurs références d’écriture… ? A propos de la Sonate en si
bémol mineur, la fameuse sonate dite « funèbre »,
Schumann considérait déjà – non sans intérêt et curiosité – l’aspect hétérogène des mouvements comme
« quatre de ses enfants les plus turbulents ». Exemptes
d’héritage beethovénien, les Sonates de Chopin
déroulent simplement leur atmosphère : sombre et
grave pour l’Opus 35 de 1838, resplendissante pour
l’Opus 58 de 1844 – pour ne pas citer la première,
opus 4, œuvre de jeunesse de 1828. Ainsi, dans la
Sonate en si mineur, le premier mouvement prend
un ton épique dont l’écriture ample et pleine de vigueur
sonne de manière quasi symphonique ; le scherzo
volubile et souple se joue comme en apesanteur au
dessus du clavier ; le largo, au grand cantabile parfois
sombre, parfois extatique, renoue avec les inflexions
mélodiques du Prélude en ut dièse mineur opus 45,
tandis que le finale est un ardent rondo dont les couplets renouvellent perpétuellement l’énergie. A
quelques semaines de la rupture avec Georges Sand,
dans la souffrance physique et l’inquiétude de la maladie, Chopin n’en transmet pas moins une formidable
vitalité qui rappelle la source même du mot virtuosité : virtus, le courage.
Florence Badol-Bertrand
14 | cité de la musique
la cité de la musique
c’est aussi...
un musée de la musique
collection permanente
visites tout public avec conférencier
visites pour le public handicapé
visites pour le jeune public
exposition temporaire
mercredi 15 mars > dimanche 7 mai
sculptures sonores de Bernard Baschet
des instruments insolites inventés depuis les années 50
que le public pourra tester lui-même
accès libre
des ateliers
de pratique instrumentale
éveil au geste instrumental
découverte des timbres (pour les plus jeunes)
musiques traditionnelles
Maghreb, Proche-Orient, Afrique de l’ouest...
construction d’instruments
calebasses, castagnettes, tambours, xylophones, congas
atelier de gamelan
initiation aux percussions javanaises
des centres d’information
centre d’information
musique et danse
formation aux métiers de la musique,
cédéroms, stages de musique
médiathèque pédagogique
partitions, méthodes, ouvrages sur la pédagogie
centre de documentation du musée
dessins techniques sur les instruments,
concerts enregistrés à la cité, revues, photographies
accès libre
des publications
collection Musiques du monde
(seize titres parus)
guides (des stages, des concours,
du musicien et du danseur amateur)
collections pédagogiques
(Points de vue, 10 ans avec, Répertoires, Repères)
collection du musée
(guide du musée, catalogue des expositions)
collection Carnets de danse
re n s e i g n e m e n t s
01 44 84 44 84
la cité de la musique est fermée le lundi
dimanche
12 mars - 16h30
salle des concerts
Wolfgang Amadeus Mozart
Sonate n° 25 pour piano et violon, en sol majeur, K 301
allegro con spirito, allegro
durée : 15 minutes
Sonate n° 27 pour piano et violon, en ut majeur, K 303
adagio/molto allegro/adagio/molto allegro,
tempo di menuetto
durée : 12 minutes
Sonate n° 29 pour piano et violon, en la majeur, K 305
allegro di molto, tema (andante grazioso) con variazioni
durée : 13 minutes
entracte
Sonate n° 30 pour piano et violon, en ré majeur, K 306
allegro con spirito, andantino cantabile,
allegretto/allegro/allegretto/allegro/allegro assai/andantino/allegretto/allegro
durée : 22 minutes
Sonate n° 28 pour piano et violon, en mi mineur, K 304
allegro, tempo di menuetto
durée : 16 minutes
Mark Steinberg, violon
Mitsuko Uchida, piano
musiques pour piano - Mitsuko Uchida
Wolfgang Amadeus
Mozart
Six Sonates palatines,
K 301 à 306
C’est une véritable somme, à plus d’un titre, que
constitue le volume des Six Sonates palatines pour
clavier et violon (K 301 à 306), publié à Paris en
novembre 1778 par l’éditeur Sieber. Une somme qui,
à sa manière, nous donne le reflet des expériences
accumulées par Mozart, depuis le départ de
Salzbourg en juillet 1777, tant sur le plan humain que
musical. Il est d’ailleurs difficile de dissocier les rencontres professionnelles des amitiés nouées qui sont
souvent celles de musiciens. Deux événements se
dégagent toutefois nettement : d’une part la rencontre
avec Aloysia Weber (à Mannheim au début de l’année
1778) dont Mozart souhaita alors de tout son cœur
devenir l’époux ; d’autre part la mort de sa mère à
Paris, à la fin du mois de juin de la même année. Pour
Brigitte Massin, cela ne fait donc aucun doute : les
Sonates palatines K 301, 302, 303 et 305, composées à Mannheim en février 1778, constituent un
« chant d’amour… Le tragique est exclu, mais non
la discrétion, le respect joint à l’ardeur, l’incertitude
jointe à l’audace, sentiments que nous connaissons
bien sûr par les lettres du même mois ». Une
démarche parallèle à propos de la Sonate en mi
mineur K 304 composée à Paris en mai 1778, invite
à interpréter la profonde tristesse de l’œuvre comme
le signe de la déception et de la désillusion de Mozart,
ignoré du milieu musical français auquel il avait tant
espéré être intégré.
Sur le plan musical, les rencontres se multiplient, tout
d’abord dans cette ville de Mannheim, célèbre pour la
qualité de son orchestre – une véritable « armée de
généraux », en a dit le voyageur anglais Charles
Burney. La vie musicale y est donc extraordinairement riche, sous la tutelle du très mélomane électeur
palatin, Karl Theodor von Wittelsbach, futur roi de
Bavière, à la femme duquel Mozart dédie ses sonates
pour clavier et violon d’où leur sous-titre de Sonates
palatines. A l’affût de découvertes, il se trouve donc
dans un climat particulièrement propice et stimulant
pour composer.
notes de programme | 17
musiques pour piano - Mitsuko Uchida
C’est sous l’impulsion des Sonates de Joseph
Schuster (1748-1812), maître de chapelle de l’électeur
de Saxe (à partir de 1772), que Mozart s’attelle à
cette composition. Ces pièces, dont l’identification
n’est toujours pas sûre actuellement, l’avaient frappé
par leur emploi tout à fait neuf du violon, dont il
témoigne dans sa lettre du 6 octobre 1777 : « J’envoie
ci-joint à ma sœur six Duetti a clavicembalo e violino
de Schuster. Je les ai déjà joués souvent ici ; ils ne
sont pas mal. Si je reste ici, j’en composerai six aussi
dans ce goût car ils plaisent beaucoup. »
La tradition d’écriture de la sonate pour clavier et violon, à laquelle Mozart avait lui-même sacrifié jusque là,
consistait, en effet, à faire accompagner la partie de
clavier par le violon à l’unisson, à la tierce ou à l’octave. Ce type de pièce était, en général, publié sous
l’intitulé de « sonate pour clavier avec accompagnement de violon » quand il n’était pas ajouté à côté du
mot « violon » l’expression « ad libitum », précisant que
sa présence n’avait rien d’indispensable et que la partie de clavier pouvait se suffire à elle-même. Solliciter le
violon en tant qu’instrument concertant, le faire accompagner par le clavier, partager le discours entre les
deux protagonistes et les laisser dialoguer d’égal à
égal… sont autant de données qui constituent un équilibre musical inusité et suscitent l’enthousiasme de
Mozart. Ce n’est donc pas par hasard s’il emploie le
terme de « duetti » pour parler de cette répartition des
rôles, transformant subitement la sonate pour clavier et
violon en un véritable duo et ouvrant, de fait, tout un
champ nouveau d’inspiration. Mozart est d’ailleurs si
motivé qu’il en interrompt la lourde et lucrative commande de quatuors et de concertos pour flûte de l’amateur hollandais De Jean pour se consacrer à ces
sonates pour clavier et violon. C’est pourquoi l’autographe raturé de deux d’entre elles montre qu’il avait
préalablement envisagé de les confier à la flûte avant
d’opter pour le violon. Voilà ce qu’il explique à son père
dans sa lettre du 14 février pour justifier son manque
d’intérêt envers les pièces pour flûte : « Aussi, pour
18 | cité de la musique
musiques pour piano - Mitsuko Uchida
changer ai-je composé de temps en temps quelque
autre chose par exemple des duetti pour piano et violon et une partie de la messe. En ce moment, je me
suis attaché tout à fait sérieusement aux duetti, afin
de pouvoir les donner à graver. »
C’est donc bien le médium clavier/violon, en lui-même,
qui accapare ici toute l’attention de Mozart et dont il
exploite l’originalité sur les plans sonore, technique,
expressif et stylistique. En ce qui concerne le cadre formel, il ne renouvelle pas l’organisation traditionnelle de
la sonate pour cette formation qui se présente en
général en deux mouvements – à l’exception de la
Sonate K.306 en ré. Pour l’heure, il ne retient donc
pas la deuxième leçon donnée par Schuster dont les
sonates s’équilibrent déjà dans la succession plus
dialectique des trois mouvements. Il préfère émanciper ce couple instrumental au point de commencer à
changer le visage des destinataires de la partition –
jusque-là ceux que l’on appelait « les amateurs » : la
sonate pour piano et violon ne tardera plus à ne trouver d’interprètes que dans les plus maîtres de la technique instrumentale.
Sonate n° 25 pour piano Terminé à Mannheim au début de l’année 1778, l’alleet violon, en sol majeur,
gro con spirito est de forme sonate avec deux thèmes
K 301
contrastés. Facétieux et ludiques, violon et piano s’accompagnent tout à tour par des basses d’Alberti stables
et paisibles. L’allegro suit en forme de rondeau, à la
française dans métrique à 3/8 fluide et mélodique. Il
n’est assombri que momentanément par le couplet en
sol mineur sur le thème alors rythmé en sicilienne.
Sonate n° 27 pour piano Inaugurant cette sonate écrite au début de l’année 1778
et violon, en ut majeur,
à Mannheim, l’introduction ample et mélodique, confie
K 303
le chant tour à tour au violon et au piano, et s’ouvre sur
le molto allegro. Dans une écriture cursive et fluide, il
renouvelle les structures rythmiques et valorise le brio de
chacun des instrumentistes. Le tempo di menuetto, de
structure binaire sans trio, fait alterner le thème joyeux
d’un instrument à l’autre dans un esprit concertant.
notes de programme | 19
musiques pour piano - Mitsuko Uchida
Sonate n° 29 pour piano Ecrit à Paris durant l’été 1778, l’allegro di molto alerte,
et violon, en la majeur,
à 6/8, se déploie en grands unissons et crescendo
K 305
à la manière réputée de Mannheim. Les variations
partagent les éléments thématiques entre le violon
et le piano usant de la technique de diminutions ornementales gracieuse et chantante. Si la première variation est laissée au seul piano, les autres revêtent un
esprit plus concertant. La cinquième, en la mineur,
revêt une couleur plus sombre rapidement effacé par
l’aspect plus volubile de la sixième et dernière.
Sonate n° 30 pour piano Dernière des six Sonates palatines, cette Sonate en
et violon, en ré majeur,
ré majeur (achevée à Paris le 20 juin 1778) est la seule
K 306
qui soit constituée de trois mouvements. Elle clôt le
cycle dans l’esprit du grand style virtuose et concertant, qui n’est pas sans rappeler les finales des
concerti pour violon de l’année 1775. Dès le premier
mouvement, le discours est vigoureux, les lignes sont
amples et les instruments agiles tandis que la douce
poésie du cantabile dans lequel le violon intervient
mezza voce sur la mélodie du piano, rappelle par son
lyrisme l’atmosphère d’une aria d’opéra.
Sonate n° 28 pour piano Sommet expressif de la série des Sonates palatine,
et violon, en mi mineur,
la Sonate pour piano et violon en mi mineur (compoK 304
sée à Mannheim et Paris en 1778) précède la Sonate
pour piano en la mineur et transmet, comme elle, la tristesse et le désespoir par de longues lignes plaintives.
Ces couleurs sont d’autant plus expressives dans le
menuet que ce mouvement revêt d’habitude un caractère ludique et joyeux. Ses petits trilles à l’ancienne lui
donnent un air désuet que la lumière momentanée du
trio en mi majeur ne parviendra pas à enrayer. Cette
gravité est renforcée par l’écriture contrapuntique et
travaillée, inattendue elle aussi dans cette formation.
F. B.-B.
20 | cité de la musique
musiques pour piano - Mitsuko Uchida
biographies
Mitsuko Uchida
est aujourd’hui reconnue
pour l’intelligence et l’intuition musicale de son jeu.
Particulièrement remarquée pour ses récitals
Mozart, Beethoven,
Schumann et Schubert,
elle est également une
interprète privilégiée pour
les musiques de Berg,
Schœnberg et Messiaen.
En mai 1996, elle a joué,
en première audition aux
Etats-Unis, Antiphonies, le
concerto pour piano de
Sir Harrison Birtwistle,
accompagnée par Pierre
Boulez et l’Orchestre philharmonique de Los
Angeles. Durant la saison
1999/2000, Mitsuko
Uchida se produira à la
Philharmonie de Berlin, au
Mozarteum de Salzbourg,
à Carnegie Hall, au
Suntory Hall de Tokyo
ainsi que dans d’autres
lieux en Europe, aux
Etats-Unis et au Japon.
En octobre dernier, elle a
donné un récital pour l’ouverture des célébrations
du 150ème anniversaire de
la mort de Chopin au
Royal Festival Hall de
Londres. Elle se produira
en concerto avec la
Philharmonie de Munich,
le New York Philharmonic,
le Chicago Symphony et
le Los Angeles
Philharmonic dans un
répertoire allant de
Beethoven à Ravel et
Bartók. Sa célèbre collaboration avec Kurt
Sanderling se poursuivra
avec un nouvel enregistrement, le dernier de la série
des Concertos pour piano
de Beethoven, et par des
concerts à Londres (avec
le Philharmonia) et à Berlin
(avec la Staatskapelle).
Elle a enregistré pour
Philips l’intégrale des
Sonates et Concertos de
Mozart. Sa série d’enregistrements consacrés à
Schubert se poursuit avec
la sortie des Sonates
D 845 et D 575. Elle doit
enregistrer prochainement
le Concerto pour piano de
Schœnberg avec Pierre
Boulez et l’Orchestre de
Cleveland. Mitsuko
Uchida est co-directeur,
avec Richard Goode, du
Marlboro Music Festival.
Mark Steinberg
est diplômé de l’Indiana
University et de la Juilliard
School of Music de New
York. Il a étudié avec
Louise Behrend, Josef
Gingold et Robert Mann,
et enseigne maintenant à
notes de programme | 21
musiques pour piano - Mitsuko Uchida
la Juilliard School et à
l’Université de New York. Il
s’est produit dans des
festivals de musique de
chambre en Hollande,
Allemagne, Autriche et
France. Il est l’invité régulier du Marlboro Music
Festival. Il s’est aussi produit au El Paso Festival,
aux Bargemusic Series de
New York et avec la
Lincoln Center Chamber
Music Society. Mark
Steinberg a été soliste du
Princeton University
Orchestra, du Princeton
Composers Ensemble et
du New York String
Ensemble. Il est fondateur
et premier violon du
Brentano String Quartet
qui a remporté, en 1995,
deux importants concours
de quatuor à cordes : le
Naumberg Prize et le
Cleveland Award. Après
leur premier concert à
Londres au Wigmore Hall,
le Quatuor Brentano a
reçu, en 1997, le Royal
Philharmonic Award. Mark
Steinberg a travaillé avec
de nombreux compositeurs contemporains ainsi
qu’avec de nombreux
ensembles de musique
contemporaine : Guild of
Composers, le Da Capo
Chamber Players,
22 | cité de la musique
Speculum Musicae et
Continuum avec Mitsuko
Uchida, Esa-Pekka
Salonen et le Los Angeles
Philharmonic dans le
Concerto de chambre de
Berg. Il s’est produit avec
des ensembles d’instruments anciens comme le
Helicon Ensemble, The
Four Nations Ensemble et
le Smithsonian Institute. Il
joue sur un violon Petrus
Guarnerius
Siegbert Rampe
Né en 1964 à Pforzheim
(Allemagne). Virtuose du
clavecin, du pianoforte et
de l’orgue, chef d’orchestre, il est l’un des
musiciens les plus connus
de la jeune génération. Il a
étudié clavecin, orgue,
piano et composition à
Stuttgart, Salzbourg et
Amsterdam avec, entre
autres, Kenneth Gilbert,
Ludger Lohmann et Ton
Koopman. Siegbert
Rampe fait partie des
interprètes qui tentent
toujours de replacer exactement les pièces
musicales dans leur
contexte historique. Il a
publié de nombreux
ouvrages musicologiques,
dont l’intégrale des
œuvres de Matthias
Weckmann (Bärenreiter
1991) de Johann et
Johann Philipp Krieger
(Bärenreiter 1999). Il a
écrit aussi plusieurs livres ;
La musique pour claviers
de Mozart (Bärenreiter
1995) et Les œuvres pour
orchestre de J. S. Bach
(Bärenreiter 2000).
Siegbert Rampe a enregistré plusieurs séries
d’œuvres et de concerts
pour clavecin et pianoforte
de Mozart, et des œuvres
pour clavecin et orgue de
Froberger, J.C.F Fischer
et Weckmann. Il a dirigé
des cours de clavecin et
de pianoforte à Karlsruhe
et au Texas ; en 1997, il a
repris un cours de clavecin, de pianoforte et
d’orgue à l’Académie
supérieure de Musique
Folkwang d’Essen et
Duisburg.
technique
régie générale
Joël Simon
régie plateau
Jean-Marc Letang
Pierre Mondon
Eric Briault
régie lumières
Joël Boscher

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