André Larquié président Brigitte Marger directeur général
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André Larquié président Brigitte Marger directeur général
André Larquié président Brigitte Marger directeur général sommaire vendredi 10 mars - 20h concert - atelier Wolfgang Amadeus Mozart p. 4 samedi 11 mars - 15h forum du musée du clavecin au pianoforte p. 7 samedi 11 mars - 20h récital Mitsuko Uchida Wolfgang Amadeus Mozart Anton Webern Frédéric Chopin p. 11 dimanche 12 mars - 16h30 Sonates palatines pour piano et violon Wolfgang Amadeus Mozart p. 17 vendredi 10 mars - 20h amphithéâtre du musée visite de Mozart à Paris concert - atelier Wolfgang Amadeus Mozart Sonate pour piano et violon, en mi mineur, K 304 allegro, tempo di menuetto Sonate pour piano et violon, en sol majeur, K 301 allegro con spirito, allegro Mark Steinberg, violon Mitsuko Uchida, pianoforte Lengerer (1793)*, présentation * fac-similé de Christopher Clarke (1993) La cité de la musique remercie le Conservatoire de Paris pour le prêt du pianoforte Christopher Clarke faisant partie de ses collections. musiques pour piano - Mitsuko Uchida Sebastian Lengerer pianoforte 1793 (1993) 4 | cité de la musique Les pianos fabriqués en Autriche vers la fin du XVIlle siècle se basaient le plus souvent sur les modèles de deux facteurs pionniers Johann Andreas Stein (Augsburg) et Anton Gabriel Walter (Vienne). Le pianoforte présenté ici est la copie d'un instrument inspiré par Stein et fabriqué en 1793 par Sebastian Lengerer, à Kufstein dans le Tyrol. Nous ne connaissons que peu de choses sur Lengerer; des recherches récentes montrent qu’il a fait son apprentissage chez Stein, à Augsbourg. Après son installation à Kufstein, Lengerer s'établit à Vienne au début des années 1790, devient membre de la corporation des facteurs d'orgue en 1799, et meurt dans cette ville en 1809. Les deux seuls pianos à queue actuellement connus de sa facture datent de l'année 1793. Celui qui m’a servi de modèle se trouve actuellement en Angleterre dans la collection Burnett, au musée Finchcocks à Goudhurst, dans le Kent. Il a été découvert il y a quelques années, à côté d’un piano Walter datant de 1798, dans un palazzo vénitien où ils furent livrés tout neufs. Comment comparer ces deux types de piano autrichien? Ils partagent la même étendue de cinq octaves (fa1 - fa 5) et sont construits autour d’une charpente solide dissimulée dans une caisse gracile. Les modèles du type Stein ont l'éclisse courbe en forme de « S », les Walter ont un pan coupé. Tous deux sont dotés d’une mécanique à échappement : les petits marteaux garnis de peau pivotent, avec des queues qui dépassent à l’arrière, dans des fourches montées sur les touches. Quand la touche bascule, la queue du marteau est retenue, puis relâchée par un bâton d'échappement en forme de crochet, permettant ainsi de donner une chiquenaude pour balancer le marteau contre la corde. Dans les instruments Walter, les marteaux sont ensuite happés par une barre d’attrape, permettant ainsi une frappe plus forte que celle des modèles Stein. La conception de la table d’harmonie des Walter exploite pleinement cette capacité, développant un son fort, rond et chaleureux et d'une égalité surprenante sur toute l’étendue du clavier. musiques pour piano - Mitsuko Uchida Les instruments Stein sonnent moins fort, mais sont, par contre, beaucoup plus volubiles et articulés, avec un timbre qui change constamment depuis les graves jusqu'aux aigus (ce qui rappelle l’effet d’un ensemble d’instruments à vent). A ce propos, Andreas Streicher, dans son petit livre écrit pour les acheteurs de pianos construits par sa femme Nanette (la fille de Stein), constate sans équivoque qu'un piano « doit ressembler par sa tonalité aux meilleurs instruments à vent ». L’étendue de ce fac-similé est de cinq octaves avec une mécanique allemande sans attrape-marteaux. Les touches sont en ébène, les feintes en poirier noirci plaqué en os et les frontons en tilleul noirci en surface, avec des cannelures verticales. Les marteaux sont garnis en peau de daim. Il y a deux genouillères forte et moderator (jeu céleste). Le pianoforte est pourvu de deux cordes par note, sauf pour les octaves aiguës qui en ont trois. Les cordes dans l’octave grave sont en laiton rouge et laiton jaune. La caisse est plaquée en marqueterie de cerisier, avec des éléments en érable, érable noirci, prunier et pâtes colorées, conformément à l’original. L’intérieur du couvercle est recouvert de papier peint, imprimé à partir des blocs copiés du dessin original. Les pieds sont tournés, avec des cannelures. Christopher Clarke notes de programme | 5 samedi 11 mars - 15h amphithéâtre du musée du clavecin au pianoforte forum du musée Débats, documents visuels et sonores : un ensemble d’archives sur la période transitoire entre le clavecin et le pianoforte, de la naissance de Mozart (1756) à la mort de Haydn (1809). avec la participation de : Michael Latcham, conservateur au musée de La Haye Christopher Clarke, facteur de pianoforte Jean-Claude Battault, technicien de restauration au musée de la musique moments musicaux : œuvres de Joseph Haydn et Wolfgang Amadeus Mozart Siegbert Rampe, clavecin Ruckers-Taskin (16461780)*, pianoforte Baumann (1783)**, piano Lengerer (1793)*** * instruments appartenant aux collections du musée de la musique ** collection privée *** fac-similé de Christopher Clarke (1993) La cité de la musique remercie le Conservatoire de Paris pour le prêt du pianoforte Christopher Clarke faisant partie de ses collections. musiques pour piano - Mitsuko Uchida Mathias Christian Baumann pianoforte (1783) Le pianoforte du facteur allemand Mathias Christian Baumann (né en 1740 à Annweiler près de Zweibrücken) est daté de 1783, comme l’atteste son estampille rédigée en français sur le coin arrière droit (ce piano est le seul à en posséder une de ce genre). Cette estampille semble indiquer que l’instrument était destiné à l’exportation vers la France. Les autres instruments Baumann portent une estampille allemande. Le meuble est en forme de bureau plat à deux tiroirs latéraux, possédant un très beau plaquage de noyer en aile de papillon, avec des filets d’amarante et de citronnier. La mécanique viennoise est de « mécanique Prell simple ». Cet instrument a été conservé dans un excellent état et a bénéficié d’une restauration en 1991 par Christopher Clarke (Cluny) pour la partie instrumentale, et par Daniel Vergnaud (Cluny) pour le meuble. Le clavier dispose de cinq octaves (61 notes de F à f’’’), avec des [notes] naturelles en poirier noirci et des [notes] feintes plaquées d’os. Deux leviers à droite et à gauche du clavier servent au forte grave et au forte aigu (jeu de « cymbalum »), et une manette permet de produire un jeu de harpe à l’intérieur. Après sa restauration, cet instrument a été joué en première audition en concert public le 2 novembre 1991 au deuxième festival de Claviers Anciens de Cluny par Marcia Hadjimarkos. Il existe aujourd’hui sept autres instruments de Baumann dans des collections publiques ou privées. Les plus remarquables, pour leur histoire, sont : le « piano de l’archevêque » daté de 1775 au musée Carolino Augusteum de Salzbourg qui appartenait au prince évêque Coloredo et sur lequel Mozart a joué ; et le « piano Mozart » (1782, ancienne collection FialaAlgrimm) conservé au musée de Zweibrücken qui appartint à la baronne von Waldstäten, protectrice de Mozart. notes de programme | 7 musiques pour piano - Mitsuko Uchida Ruckers-Taskin clavecin (1646/1780) 8 | cité de la musique Le clavecin d'Andreas Ruckers qui sera joué lors de ce concert, fut construit à Anvers en 1646. Sa table d'harmonie est peinte dans le style habituel de ce célèbre atelier anversois. La construction de la caisse, ce qui reste de sa structure interne après la mise à ravalement, le confirment. Si l'on peut affirmer qu'à l'origine il s'agissait bien d'un instrument à deux claviers, il paraît difficile d'attribuer ce travail à Andreas ou à son fils deuxième du nom. Du clavecin original (du type « grand transpositeur français »), permettant une étendue chromatique de G1-c3, à l'état actuel remontant à 1780, il convient de distinguer plusieurs étapes dans l'élargissement de la tessiture. Vers 1720, une modification intervient, pour installer dans la largeur de caisse initiale (803 mm) une étendue plus grande. Une réduction des écarts des claviers et registres fut opérée, et, aux graves, on gagna sur la largeur des blocs pour obtenir un instrument dont les limites étaient dorénavant F1-c3. Par la suite en 1756, l'instrument fut à nouveau agrandi dans l'aigu, ce qui fut assuré grâce au déplacement de la joue et au changement de sommier, au bénéfice d'une nouvelle largeur de caisse de 853 mm. Cette étape est attribuée à J.E. Blanchet et donne une tessiture de F1-e3. En 1780, Pascal Taskin, élève et successeur de Blanchet, augmenta la tessiture d'une note à l'aigu pour obtenir cinq octaves pleines F1-f3. Il ajouta un quatrième rang de sautereaux aux trois existants, qu'il monta en peau de buffle, en opposition aux trois autres jeux montés de plume. Taskin installa un ensemble de mécaniques et de genouillères, permettant de registrer en cours d'interprétation et de créer éventuellement des effets de diminuendo ou de crescendo. L'habileté des Ruckers, Blanchet et Taskin sont là réunies en un même instrument, et si les qualités d'origine furent respectées, les adjonctions lui en donnèrent de nouvelles. Le son est à l'image du décor qui subit également des transformations au rythme des interventions des différents facteurs. Taskin apporta le style de son musiques pour piano - Mitsuko Uchida temps : piétement Louis XVI à pieds cannelés et rudentés, guirlandes de fleurs dans la boîte des claviers. Il respecta et s'adapta au décor extérieur posé sur fond d'or vers 1720, par un décorateur proche de Bérain. Ce dernier représenta une somptueuse nature morte sur le dessus du couvercle : fruits, fleurs, cahier de musique, flûte à bec à la française évoquent l'ouïe, l'odorat et le goût. Sur les éclisses, des couples d'enfants musiciens, des colombes évoquent les tendres émotions de l'amour. Des singes symbolisent la malice et la complicité de ses jeux. A l'intérieur du couvercle, lui-même élargi en 1756, fut respecté le décor flamand original représentant les muses sur le mont Hélicon, présidées par Apollon, dieu de la musique et de la poésie charmant l'Olympe. Pégase, sur l'ordre de Poséidon, d'un coup de sabot, ramène à la raison l'Hélicon, gonflé de plaisir. A l'écoute du concert, il risquait d'atteindre le ciel ; apaisé, jaillit de ses flancs une source : l'Hippocrène. La présence de Diane et de Daphné sont aussi suggérées, car toutes deux sont proches d'Apollon. L'une est sa sœur jumelle, l'autre en fut aimée. Poursuivie, elle implora son père qui la changea en laurier. Les images se reflètent dans des manières opposées : à l'intérieur du clavecin, des scènes mythologiques édifiantes et sérieuses ; à l'extérieur, d'intuitives invitations à la volupté. Tout conduit à l'allégorie des sens : conditionner le bonheur, dans l'amour et la musique. Michel Robin notes de programme | 9 samedi 11 mars - 20h salle des concerts Wolfgang Amadeus Mozart Sonate en la mineur, K 310 allegro maestoso, andante cantabile con espressione, presto durée : 20 minutes Anton Webern Variations, op 27 Sehr mässig, Sehr schnell, Ruhig fliessend durée : 7 minutes Wolfgang Amadeus Mozart Adagio en si mineur, K 540 durée : 10 minutes entracte Frédéric Chopin Prélude en ut dièse mineur, op 45 sostenuto durée : 4 minutes Sonate n° 3 en si mineur, op 58 allegro maestoso, scherzo, largo, finale : presto ma non tanto durée : 26 minutes Mitsuko Uchida, piano mardi 29 septembre 20h partenaire de la cité de la musique salle des concerts musiques pour piano - Mitsuko Uchida Wolfgang Amadeus La Sonate en la mineur K 310 (Paris, 1778) occupe Mozart une place particulière parmi le total de sept que Mozart Sonate en la mineur, K 310 écrivit en 1777 et 78, au cours du voyage qui le conduisit d’Augsbourg à Paris en passant par Mannheim. Travaillée, développée, elle semble être l’une des premières qui ne relève plus d’une improvisation notée après coup, comme la plupart des sonates pour clavier composées jusque-là. Profondément tragique, elle fait éclater le cadre de la sonate en tant que pièce de salon, réservée « aux amateurs » dont l’expression plaisante, est traditionnellement fondée sur de jolies mélodies, tout en réclamant un certain brio. L’allegro maestoso, cursif et haletant, conduit le discours qui tourne sur lui-même par ses répétitions obsessionnelles faites d’instabilité rythmique, de chromatisme, de dissonances et dont les lignes finissent toujours par chuter. Aussi, la faible lueur de fa majeur apportée par l’andante cantabile con espressione ne suffit-elle pas à redonner l’espoir. Elle cite d’ailleurs un thème du compositeur silésien Schobert, mort à Paris en 1767, dont la musique grave et sombre avait touché Mozart dès son premier séjour en 1764. L’implacable la mineur revient pour finir, parvenant à détourner le rondo de sa fonction traditionnellement souriante dans la spirale de son tragique presto. Anton Webern Variations pour piano, op 27 Composés entre octobre 1935 et septembre 1937, les trois mouvements des Variations op. 27 constituent l’unique œuvre pour piano seul de Webern. C’est donc dans sa maturité que ce pionnier de l’utilisation des timbres instrumentaux, à l’origine de la notion de « mélodie de timbres » (Klangfarbenmelodie) aborde le « blanc et noir » du clavier. Et c’est alors une véritable palette sonore aux multiples reflets qu’il lui confie, aussi riche, à sa manière, que celles qu’il a pu imaginer pour le quatuor à cordes ou pour les ensembles de différentes compositions, jouant des morphologies instrumentales hétérogènes par des alliages aux notes de programme | 11 musiques pour piano - Mitsuko Uchida combinaisons infinies. Avec les Variations pour piano, tout un champ sonore se développe quasiment audelà des limites de la notation musicale traditionnelle. La graphie de Webern a recours aux signes habituels : les liaisons, les indications d’attaque du son – le point du jeu piqué, le trait du jeu louré, le chevron du jeu marqué et leurs combinaisons – , les nuances du pianissimo au molto fortissimo, les indications agogiques en allemand au-delà de la notation rythmique elle-même, les silences – véritable expression en soi… Cependant, le pianiste Peter Stadlen, qui créa l’œuvre lors d’un concert du Verein für neue Musik, à Vienne, le 26 octobre 1937, a jugé nécessaire de faire paraître une édition proposant de nombreux ajouts notés en vert et en rouge au-dessus de la partition d’usage. A l’occasion de la création, il a lui-même beaucoup travaillé avec Webern qui, reconnaissant ses qualités, en atteste dans un courrier (« il a beaucoup de talent, je travaille déjà dur avec lui »). Peter Stadlen s’offre donc comme un témoin posthume précisant la pensée de l’auteur au niveau du jeu pianistique des nuances, du phrasé, des durées… Au-delà de l’écriture sérielle, véritablement façonnée ici par la technique du miroir (Spiegelbild), les récurrences, le jeu des intervalles, l’écriture canonique, l’opposition ou la fusion entre le vertical et l’horizontal, la couleur instrumentale constitue donc un paramètre fondamental de la composition. Le pointillisme subtil de chacune des actions musicales nous fait prendre délicatement connaissance de la série dans le Sehr mässig (très modéré) initial, nous bouscule violemment dans l’extrême tension du Sehr schnell (très vite) pour nous laisser glisser dans le dépouillement du Ruhig fliessend (tranquille et coulant) final. Wolfgang Amadeus Unique par sa tonalité, mystérieux par sa destination, Mozart exceptionnel par son écriture, cet Adagio isolé est Adagio en si mineur, K 540 l’une des dernières œuvres pour piano seul de Mozart (Vienne, 19 mars 1788). C’est « l’un des plus parfaits, 12 | cité de la musique musiques pour piano - Mitsuko Uchida des plus profondément sentis, des plus désolés que Mozart ait jamais composé » note à son sujet le musicologue Alfred Einstein. Son parcours tonal enchaînant de sombres couleurs mineures, son chromatisme, son instabilité rythmique, ses batteries persistantes, ses ruptures de discours, son recours aux extrêmes du clavier laissent place in extremis à une coda pianissimo en si majeur, trop courte pour en effacer l’infinie tristesse partagée. Frédéric Chopin Prélude en ut dièse mineur, op 45 L’art du prélude consiste justement dans le fait d’échapper à toutes règles préétablies. Voici donc un genre qui offre l’entière liberté aux compositeurs. Par son agencement tonal, toutefois, le cycle des Vingt-quatre Préludes opus 28, publié par Chopin en 1838, ne peut manquer de faire allusion à ceux des deux volumes du Clavier bien tempéré de Bach. En revanche, le Prélude en ut dièse mineur op. 45, composé en 1841 sur la demande de l’éditeur Schlesinger au vu du succès des précédents, est délié de toute référence historique et n’a valeur que pour lui-même. Au-delà de l’introduction aux sixtes suspensives posées sur onze des douze degrés de l’échelle chromatique, la succession des arpèges déployés du grave à l’aigu s’installe donc comme le fil d’Ariane étiré sur toute la longueur de la pièce. Elle ne sera que momentanément interrompue par la cadence libre de métrique avant les derniers instants. Combien de fois, pourtant, entre temps, a-t-elle changé de couleur, ondoyant des tons voisins aux tons les plus éloignés, évitant de se fixer trop longtemps sur l’un d’entre eux, comme elle évite de se poser sur les premiers temps des mesures pour mieux s’en libérer. C’est bien l’esprit de l’improvisation, inhérent au prélude dès ses origines, que Chopin retrouve ici, pardelà le plaisir instrumental ludique. notes de programme | 13 musiques pour piano - Mitsuko Uchida Sonate n° 3 en si mineur, Les Sonates de Chopin ont pu susciter l’étonnement op 58 voire l’incompréhension : qu’a-t-il conservé de la succession équilibrée, organisée voire dramaturgique des mouvements, que fait-il de leur architecture interne, de leur construction tonale, de leurs références d’écriture… ? A propos de la Sonate en si bémol mineur, la fameuse sonate dite « funèbre », Schumann considérait déjà – non sans intérêt et curiosité – l’aspect hétérogène des mouvements comme « quatre de ses enfants les plus turbulents ». Exemptes d’héritage beethovénien, les Sonates de Chopin déroulent simplement leur atmosphère : sombre et grave pour l’Opus 35 de 1838, resplendissante pour l’Opus 58 de 1844 – pour ne pas citer la première, opus 4, œuvre de jeunesse de 1828. Ainsi, dans la Sonate en si mineur, le premier mouvement prend un ton épique dont l’écriture ample et pleine de vigueur sonne de manière quasi symphonique ; le scherzo volubile et souple se joue comme en apesanteur au dessus du clavier ; le largo, au grand cantabile parfois sombre, parfois extatique, renoue avec les inflexions mélodiques du Prélude en ut dièse mineur opus 45, tandis que le finale est un ardent rondo dont les couplets renouvellent perpétuellement l’énergie. A quelques semaines de la rupture avec Georges Sand, dans la souffrance physique et l’inquiétude de la maladie, Chopin n’en transmet pas moins une formidable vitalité qui rappelle la source même du mot virtuosité : virtus, le courage. Florence Badol-Bertrand 14 | cité de la musique la cité de la musique c’est aussi... un musée de la musique collection permanente visites tout public avec conférencier visites pour le public handicapé visites pour le jeune public exposition temporaire mercredi 15 mars > dimanche 7 mai sculptures sonores de Bernard Baschet des instruments insolites inventés depuis les années 50 que le public pourra tester lui-même accès libre des ateliers de pratique instrumentale éveil au geste instrumental découverte des timbres (pour les plus jeunes) musiques traditionnelles Maghreb, Proche-Orient, Afrique de l’ouest... construction d’instruments calebasses, castagnettes, tambours, xylophones, congas atelier de gamelan initiation aux percussions javanaises des centres d’information centre d’information musique et danse formation aux métiers de la musique, cédéroms, stages de musique médiathèque pédagogique partitions, méthodes, ouvrages sur la pédagogie centre de documentation du musée dessins techniques sur les instruments, concerts enregistrés à la cité, revues, photographies accès libre des publications collection Musiques du monde (seize titres parus) guides (des stages, des concours, du musicien et du danseur amateur) collections pédagogiques (Points de vue, 10 ans avec, Répertoires, Repères) collection du musée (guide du musée, catalogue des expositions) collection Carnets de danse re n s e i g n e m e n t s 01 44 84 44 84 la cité de la musique est fermée le lundi dimanche 12 mars - 16h30 salle des concerts Wolfgang Amadeus Mozart Sonate n° 25 pour piano et violon, en sol majeur, K 301 allegro con spirito, allegro durée : 15 minutes Sonate n° 27 pour piano et violon, en ut majeur, K 303 adagio/molto allegro/adagio/molto allegro, tempo di menuetto durée : 12 minutes Sonate n° 29 pour piano et violon, en la majeur, K 305 allegro di molto, tema (andante grazioso) con variazioni durée : 13 minutes entracte Sonate n° 30 pour piano et violon, en ré majeur, K 306 allegro con spirito, andantino cantabile, allegretto/allegro/allegretto/allegro/allegro assai/andantino/allegretto/allegro durée : 22 minutes Sonate n° 28 pour piano et violon, en mi mineur, K 304 allegro, tempo di menuetto durée : 16 minutes Mark Steinberg, violon Mitsuko Uchida, piano musiques pour piano - Mitsuko Uchida Wolfgang Amadeus Mozart Six Sonates palatines, K 301 à 306 C’est une véritable somme, à plus d’un titre, que constitue le volume des Six Sonates palatines pour clavier et violon (K 301 à 306), publié à Paris en novembre 1778 par l’éditeur Sieber. Une somme qui, à sa manière, nous donne le reflet des expériences accumulées par Mozart, depuis le départ de Salzbourg en juillet 1777, tant sur le plan humain que musical. Il est d’ailleurs difficile de dissocier les rencontres professionnelles des amitiés nouées qui sont souvent celles de musiciens. Deux événements se dégagent toutefois nettement : d’une part la rencontre avec Aloysia Weber (à Mannheim au début de l’année 1778) dont Mozart souhaita alors de tout son cœur devenir l’époux ; d’autre part la mort de sa mère à Paris, à la fin du mois de juin de la même année. Pour Brigitte Massin, cela ne fait donc aucun doute : les Sonates palatines K 301, 302, 303 et 305, composées à Mannheim en février 1778, constituent un « chant d’amour… Le tragique est exclu, mais non la discrétion, le respect joint à l’ardeur, l’incertitude jointe à l’audace, sentiments que nous connaissons bien sûr par les lettres du même mois ». Une démarche parallèle à propos de la Sonate en mi mineur K 304 composée à Paris en mai 1778, invite à interpréter la profonde tristesse de l’œuvre comme le signe de la déception et de la désillusion de Mozart, ignoré du milieu musical français auquel il avait tant espéré être intégré. Sur le plan musical, les rencontres se multiplient, tout d’abord dans cette ville de Mannheim, célèbre pour la qualité de son orchestre – une véritable « armée de généraux », en a dit le voyageur anglais Charles Burney. La vie musicale y est donc extraordinairement riche, sous la tutelle du très mélomane électeur palatin, Karl Theodor von Wittelsbach, futur roi de Bavière, à la femme duquel Mozart dédie ses sonates pour clavier et violon d’où leur sous-titre de Sonates palatines. A l’affût de découvertes, il se trouve donc dans un climat particulièrement propice et stimulant pour composer. notes de programme | 17 musiques pour piano - Mitsuko Uchida C’est sous l’impulsion des Sonates de Joseph Schuster (1748-1812), maître de chapelle de l’électeur de Saxe (à partir de 1772), que Mozart s’attelle à cette composition. Ces pièces, dont l’identification n’est toujours pas sûre actuellement, l’avaient frappé par leur emploi tout à fait neuf du violon, dont il témoigne dans sa lettre du 6 octobre 1777 : « J’envoie ci-joint à ma sœur six Duetti a clavicembalo e violino de Schuster. Je les ai déjà joués souvent ici ; ils ne sont pas mal. Si je reste ici, j’en composerai six aussi dans ce goût car ils plaisent beaucoup. » La tradition d’écriture de la sonate pour clavier et violon, à laquelle Mozart avait lui-même sacrifié jusque là, consistait, en effet, à faire accompagner la partie de clavier par le violon à l’unisson, à la tierce ou à l’octave. Ce type de pièce était, en général, publié sous l’intitulé de « sonate pour clavier avec accompagnement de violon » quand il n’était pas ajouté à côté du mot « violon » l’expression « ad libitum », précisant que sa présence n’avait rien d’indispensable et que la partie de clavier pouvait se suffire à elle-même. Solliciter le violon en tant qu’instrument concertant, le faire accompagner par le clavier, partager le discours entre les deux protagonistes et les laisser dialoguer d’égal à égal… sont autant de données qui constituent un équilibre musical inusité et suscitent l’enthousiasme de Mozart. Ce n’est donc pas par hasard s’il emploie le terme de « duetti » pour parler de cette répartition des rôles, transformant subitement la sonate pour clavier et violon en un véritable duo et ouvrant, de fait, tout un champ nouveau d’inspiration. Mozart est d’ailleurs si motivé qu’il en interrompt la lourde et lucrative commande de quatuors et de concertos pour flûte de l’amateur hollandais De Jean pour se consacrer à ces sonates pour clavier et violon. C’est pourquoi l’autographe raturé de deux d’entre elles montre qu’il avait préalablement envisagé de les confier à la flûte avant d’opter pour le violon. Voilà ce qu’il explique à son père dans sa lettre du 14 février pour justifier son manque d’intérêt envers les pièces pour flûte : « Aussi, pour 18 | cité de la musique musiques pour piano - Mitsuko Uchida changer ai-je composé de temps en temps quelque autre chose par exemple des duetti pour piano et violon et une partie de la messe. En ce moment, je me suis attaché tout à fait sérieusement aux duetti, afin de pouvoir les donner à graver. » C’est donc bien le médium clavier/violon, en lui-même, qui accapare ici toute l’attention de Mozart et dont il exploite l’originalité sur les plans sonore, technique, expressif et stylistique. En ce qui concerne le cadre formel, il ne renouvelle pas l’organisation traditionnelle de la sonate pour cette formation qui se présente en général en deux mouvements – à l’exception de la Sonate K.306 en ré. Pour l’heure, il ne retient donc pas la deuxième leçon donnée par Schuster dont les sonates s’équilibrent déjà dans la succession plus dialectique des trois mouvements. Il préfère émanciper ce couple instrumental au point de commencer à changer le visage des destinataires de la partition – jusque-là ceux que l’on appelait « les amateurs » : la sonate pour piano et violon ne tardera plus à ne trouver d’interprètes que dans les plus maîtres de la technique instrumentale. Sonate n° 25 pour piano Terminé à Mannheim au début de l’année 1778, l’alleet violon, en sol majeur, gro con spirito est de forme sonate avec deux thèmes K 301 contrastés. Facétieux et ludiques, violon et piano s’accompagnent tout à tour par des basses d’Alberti stables et paisibles. L’allegro suit en forme de rondeau, à la française dans métrique à 3/8 fluide et mélodique. Il n’est assombri que momentanément par le couplet en sol mineur sur le thème alors rythmé en sicilienne. Sonate n° 27 pour piano Inaugurant cette sonate écrite au début de l’année 1778 et violon, en ut majeur, à Mannheim, l’introduction ample et mélodique, confie K 303 le chant tour à tour au violon et au piano, et s’ouvre sur le molto allegro. Dans une écriture cursive et fluide, il renouvelle les structures rythmiques et valorise le brio de chacun des instrumentistes. Le tempo di menuetto, de structure binaire sans trio, fait alterner le thème joyeux d’un instrument à l’autre dans un esprit concertant. notes de programme | 19 musiques pour piano - Mitsuko Uchida Sonate n° 29 pour piano Ecrit à Paris durant l’été 1778, l’allegro di molto alerte, et violon, en la majeur, à 6/8, se déploie en grands unissons et crescendo K 305 à la manière réputée de Mannheim. Les variations partagent les éléments thématiques entre le violon et le piano usant de la technique de diminutions ornementales gracieuse et chantante. Si la première variation est laissée au seul piano, les autres revêtent un esprit plus concertant. La cinquième, en la mineur, revêt une couleur plus sombre rapidement effacé par l’aspect plus volubile de la sixième et dernière. Sonate n° 30 pour piano Dernière des six Sonates palatines, cette Sonate en et violon, en ré majeur, ré majeur (achevée à Paris le 20 juin 1778) est la seule K 306 qui soit constituée de trois mouvements. Elle clôt le cycle dans l’esprit du grand style virtuose et concertant, qui n’est pas sans rappeler les finales des concerti pour violon de l’année 1775. Dès le premier mouvement, le discours est vigoureux, les lignes sont amples et les instruments agiles tandis que la douce poésie du cantabile dans lequel le violon intervient mezza voce sur la mélodie du piano, rappelle par son lyrisme l’atmosphère d’une aria d’opéra. Sonate n° 28 pour piano Sommet expressif de la série des Sonates palatine, et violon, en mi mineur, la Sonate pour piano et violon en mi mineur (compoK 304 sée à Mannheim et Paris en 1778) précède la Sonate pour piano en la mineur et transmet, comme elle, la tristesse et le désespoir par de longues lignes plaintives. Ces couleurs sont d’autant plus expressives dans le menuet que ce mouvement revêt d’habitude un caractère ludique et joyeux. Ses petits trilles à l’ancienne lui donnent un air désuet que la lumière momentanée du trio en mi majeur ne parviendra pas à enrayer. Cette gravité est renforcée par l’écriture contrapuntique et travaillée, inattendue elle aussi dans cette formation. F. B.-B. 20 | cité de la musique musiques pour piano - Mitsuko Uchida biographies Mitsuko Uchida est aujourd’hui reconnue pour l’intelligence et l’intuition musicale de son jeu. Particulièrement remarquée pour ses récitals Mozart, Beethoven, Schumann et Schubert, elle est également une interprète privilégiée pour les musiques de Berg, Schœnberg et Messiaen. En mai 1996, elle a joué, en première audition aux Etats-Unis, Antiphonies, le concerto pour piano de Sir Harrison Birtwistle, accompagnée par Pierre Boulez et l’Orchestre philharmonique de Los Angeles. Durant la saison 1999/2000, Mitsuko Uchida se produira à la Philharmonie de Berlin, au Mozarteum de Salzbourg, à Carnegie Hall, au Suntory Hall de Tokyo ainsi que dans d’autres lieux en Europe, aux Etats-Unis et au Japon. En octobre dernier, elle a donné un récital pour l’ouverture des célébrations du 150ème anniversaire de la mort de Chopin au Royal Festival Hall de Londres. Elle se produira en concerto avec la Philharmonie de Munich, le New York Philharmonic, le Chicago Symphony et le Los Angeles Philharmonic dans un répertoire allant de Beethoven à Ravel et Bartók. Sa célèbre collaboration avec Kurt Sanderling se poursuivra avec un nouvel enregistrement, le dernier de la série des Concertos pour piano de Beethoven, et par des concerts à Londres (avec le Philharmonia) et à Berlin (avec la Staatskapelle). Elle a enregistré pour Philips l’intégrale des Sonates et Concertos de Mozart. Sa série d’enregistrements consacrés à Schubert se poursuit avec la sortie des Sonates D 845 et D 575. Elle doit enregistrer prochainement le Concerto pour piano de Schœnberg avec Pierre Boulez et l’Orchestre de Cleveland. Mitsuko Uchida est co-directeur, avec Richard Goode, du Marlboro Music Festival. Mark Steinberg est diplômé de l’Indiana University et de la Juilliard School of Music de New York. Il a étudié avec Louise Behrend, Josef Gingold et Robert Mann, et enseigne maintenant à notes de programme | 21 musiques pour piano - Mitsuko Uchida la Juilliard School et à l’Université de New York. Il s’est produit dans des festivals de musique de chambre en Hollande, Allemagne, Autriche et France. Il est l’invité régulier du Marlboro Music Festival. Il s’est aussi produit au El Paso Festival, aux Bargemusic Series de New York et avec la Lincoln Center Chamber Music Society. Mark Steinberg a été soliste du Princeton University Orchestra, du Princeton Composers Ensemble et du New York String Ensemble. Il est fondateur et premier violon du Brentano String Quartet qui a remporté, en 1995, deux importants concours de quatuor à cordes : le Naumberg Prize et le Cleveland Award. Après leur premier concert à Londres au Wigmore Hall, le Quatuor Brentano a reçu, en 1997, le Royal Philharmonic Award. Mark Steinberg a travaillé avec de nombreux compositeurs contemporains ainsi qu’avec de nombreux ensembles de musique contemporaine : Guild of Composers, le Da Capo Chamber Players, 22 | cité de la musique Speculum Musicae et Continuum avec Mitsuko Uchida, Esa-Pekka Salonen et le Los Angeles Philharmonic dans le Concerto de chambre de Berg. Il s’est produit avec des ensembles d’instruments anciens comme le Helicon Ensemble, The Four Nations Ensemble et le Smithsonian Institute. Il joue sur un violon Petrus Guarnerius Siegbert Rampe Né en 1964 à Pforzheim (Allemagne). Virtuose du clavecin, du pianoforte et de l’orgue, chef d’orchestre, il est l’un des musiciens les plus connus de la jeune génération. Il a étudié clavecin, orgue, piano et composition à Stuttgart, Salzbourg et Amsterdam avec, entre autres, Kenneth Gilbert, Ludger Lohmann et Ton Koopman. Siegbert Rampe fait partie des interprètes qui tentent toujours de replacer exactement les pièces musicales dans leur contexte historique. Il a publié de nombreux ouvrages musicologiques, dont l’intégrale des œuvres de Matthias Weckmann (Bärenreiter 1991) de Johann et Johann Philipp Krieger (Bärenreiter 1999). Il a écrit aussi plusieurs livres ; La musique pour claviers de Mozart (Bärenreiter 1995) et Les œuvres pour orchestre de J. S. Bach (Bärenreiter 2000). Siegbert Rampe a enregistré plusieurs séries d’œuvres et de concerts pour clavecin et pianoforte de Mozart, et des œuvres pour clavecin et orgue de Froberger, J.C.F Fischer et Weckmann. Il a dirigé des cours de clavecin et de pianoforte à Karlsruhe et au Texas ; en 1997, il a repris un cours de clavecin, de pianoforte et d’orgue à l’Académie supérieure de Musique Folkwang d’Essen et Duisburg. technique régie générale Joël Simon régie plateau Jean-Marc Letang Pierre Mondon Eric Briault régie lumières Joël Boscher