IRPI - La propriété intellectuelle en Chine
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IRPI - La propriété intellectuelle en Chine
INSTITUT DE RECHERCHE EN PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE HENRI-DESBOIS LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE EN CHINE : LES CONSÉQUENCES DE L’ENTRÉE DANS L’OMC Catherine Druez-Marie 1 Dans le contexte de la mondialisation, la Chine s'est engagée dans un processus de réformes et d'ouverture. Ainsi, elle a récemment modifié sa législation en matière de propriété intellectuelle, afin d'être en conformité avec les accords Adpic (Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce) 2 auxquels elle a souscrit dès son entrée à l’OMC (Organisation mondiale du commerce), le 11 décembre 2001. Le traitement national notamment, principe essentiel des accords Adpic 3 , a été intégré par la Chine dans ses lois de propriété intellectuelle. En tout état de cause, avant même son adhésion à l'OMC, la Chine disposait déjà en matière de propriété intellectuelle d'un arsenal juridique très complet. Confrontée à une contrefaçon endémique touchant tous les secteurs de l'économie, elle s'était en effet efforcée, au fil des années, d’améliorer la situation des droits de propriété intellectuelle 4 et elle avait adhéré successivement à un certain nombre de grands traités, conventions et accords internationaux5 . Mais les démarches effectuées en vue de son accession à l'OMC, qui englobent tous les domaines de la propriété intellectuelle, traduisent bien la volonté des instances dirigeantes de renforcer encore leur système légal, tant au niveau de la protection des droits (I) qu’à celui de leur défense (II). L'enjeu reste de mettre la pratique en adéquation avec les textes... 1 Chargée d'Études et de Recherche à l'Institut de Recherche en propriété intellectuelle Henri-Desbois (Chambre de commerce et d'industrie de Paris). 2 Accord de Marrakech du 15 avril 1994 instituant l’Organisation mondiale du commerce (v. S. Calmont, L’OMC, les pays en développement et les droits de propriété intellectuelle : Accomex sept.-oct. 2002, n° 47, p. 48-54). Les accords Adpic, en plus d’énumérer les droits de propriété intellectuelle couverts, définissent des standards et une dynamique d’harmonisation internationale des législations et instruments de protection des droits de propriété intellectuelle pour l’ensemble des États membres ou souhaitant le devenir. Par ailleurs, ils prévoient la possibilité de sanctions commerciales multilatérales envers les États ne respectant pas ces engagements. 3 « Chaque Membre accordera aux ressortissants des autres Membres un traitement non moins favorable que celui qu’il accorde à ses propres ressortissants en ce qui concerne la protection de la propriété intellectuelle » (accords sur les Adpic, art. 3.1). 4 Sur l’évolution et les spécificités de la loi chinoise en matière de propriété intellectuelle, v. H. Perrin, La protection des droits de propriété intellectuelle en Chine : Accomex nov.-déc. 1997, n° 18, p. 63-67. 5 La Chine a notamment adhéré à la Convention de Paris (le 19 mars 1985), la Convention de Berne (le 15 octobre 1992), la Convention de Genève (le 30 avril 1993), l’Arrangement et le Protocole de Madrid (respectivement le 4 octobre 1989 et le 1er décembre 1995), le Traité de coopération en matière de brevets (le 1er janvier 1994). 1 I – LA PROTECTION DES DROITS DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE Qu’il s’agisse de brevets d'invention (1), de marques (2) ou de droits d’auteur (3), le dispositif juridique chinois est globalement conforme aux standards internationaux, comme en témoignent ces exemples non exhaustifs. 1 – LES BREVETS La loi chinoise sur les brevets6 a été modifiée le 25 août 2000. - Le champ d’application de la loi est large La nouvelle loi, entrée en vigueur le 1er juillet 2001, a vocation à protéger les brevets d’invention (à quelques exceptions près 7 , toutes les inventions techniques nouvelles relatives à un produit, à un procédé ou à leur amélioration, y compris dans le domaine des biotechnologies), les modèles d’utilité (solutions techniques nouvelles relatives à la forme, à la structure d’un produit ou à la combinaison de ces deux éléments) et les dessins et modèles (disposition ou combinaison de la forme, du motif, des couleurs d’un produit aboutissant à un résultat esthétique et qui est susceptible d’application industrielle)8 . - La révision judiciaire des décisions administratives est introduite Le dépôt de brevet s’effectue auprès de l’Office national de la propriété intellectuelle. Après un examen formel, la demande est publiée. Par ailleurs, un examen sur le fond peut être demandé par le déposant. Jusque-là, seuls les déposants de demandes de brevets d'invention ou les titulaires d'un brevet pouvaient intenter une action judiciaire s'ils n'étaient pas satisfaits d'une décision de l'Office. La récente loi chinoise autorise désormais un recours devant les tribunaux contre toutes les décisions de l’Office, également relatives aux modèles d'utilité. - Les droits du titulaire du brevet sont affermis D’une part, les actes qui ne peuvent être accomplis sans le consentement du titulaire du brevet sont plus nombreux puisque, depuis le 1er juillet 2001, la notion d’offre à la vente a été ajoutée à la liste des actes soumis à une autorisation préalable du breveté, qui prévoyait jusqu’alors seulement la fabrication, l’utilisation ou la mise en vente. D’autre part, en cas de contrefaçon de brevet, la loi recèle une nouveauté importante : toute personne utilisant ou vendant un produit breveté est coupable de contrefaçon, même si elle ne savait pas que ce produit avait été fabriqué et vendu sans l’autorisation du breveté 9 . 6 La loi chinoise sur les brevets du 12 mars 1984 avait déjà été révisée en septembre 1992. Aucun droit de brevet n’est accordé pour les découvertes scientifiques, les principes et méthodes dans l’exercice d’activités intellectuelles, les méthodes de diagnostic ou de traitement des maladies, les variétés végétales et les races animales, les substances obtenues par transformation nucléaire. En outre, sont exclues de la protection par brevet les inventions-créations (il s’agit des inventions, des modèles d’utilité et des dessins ou modèles) contraires aux lois de l’État ou à la morale sociale ou qui portent préjudice à l’intérêt public. 8 La Chine n’a pas ratifié l’Arrangement de La Haye concernant le dépôt international des dessins ou modèles industriels. 9 Toutefois, la personne n’est pas considérée comme responsable si elle prouve qu’elle a obtenu le produit par le biais de circuits de distribution autorisés. 7 2 - Le statut de l’inventeur salarié est amélioré La loi sur les brevets révisée prévoit, en matière d’inventions de salariés, un intéressement de l’inventeur aux bénéfices réalisés par la société du fait de l’exploitation de l’invention. - La procédure d’enregistrement est allégée Enfin, le 15 juin 2001, un règlement d’exécution de la loi sur les brevets a simplifié la procédure d’examen – celle-ci pouvait durer trois ans… 2 – LES MARQUES La loi chinoise sur les marques10 a été modifiée le 27 octobre 2001. - La liste des personnes habilitées à déposer une marque est élargie Toute personne physique ou morale, chinoise ou étrangère, peut déposer une demande d’enregistrement de marque. Auparavant, la loi ne permettait pas aux personnes physiques de le faire, à l’exception des « producteurs ou commerçants individuels ». - Le champ de la protection des marques est étendu Il est possible désormais de déposer en Chine non seulement une marque individuelle pour un produit ou service, mais également une marque collective ou une marque de certification. Pour la première fois, la marque est définie légalement comme tout signe visuel permettant de distinguer les produits ou services d’une personne physique ou morale d’une autre personne. Il peut s’agir de caractères, de mots en différentes langues, de lettres, d’emblèmes, de chiffres, de dessins, d’assemblages de couleurs, ou de combinaisons de tous ces éléments. Les nouveautés concernent tout particulièrement la protection des marques composées de combinaisons de couleurs et des marques tridimensionnelles 11 , les indications géographiques (lorsqu’elles constituent un élément d’une marque collective ou d’une marque de certification) 12 et les marques notoirement connues 13 . Sont naturellement exclus de la protection à titre de marque : les noms d’États, les drapeaux, les signes déceptifs et les noms génériques. 10 La loi chinoise sur les marques, promulguée en août 1982 et entrée en vigueur le 1er mars 1983, avait déjà été révisée en 1993 et 1995. 11 La marque tridimensionnelle est susceptible de protection par le droit des marques, sauf si la forme est imposée par la nature du produit lui-même, ou bien si elle est nécessaire à l’obtention d’un résultat technique, ou enfin si elle confère une valeur substantielle au produit. 12 De telles marques sont par ailleurs protégées par la loi contre la concurrence déloyale. En revanche, une marque contenant une indication géographique se heurte à un refus d’enregistrement et à une interdiction d’utilisation, si les produits qu’elle désigne ne sont pas originaires de la région indiquée, entraînant par là une confusion pour le public. 13 La loi vise désormais les marques notoires étrangères non enregistrées, protégées contre tout risque de confusion, et les marques notoires enregistrées dont la protection doit s’étendre au-delà du champ de leur enregistrement. Ainsi, la Chine a accordé un niveau de protection très élevé à des marques telles que IBM, Adidas et Nike. 3 - La loi institue le droit de priorité Les demandes écrites accompagnées de documents certifiés peuvent en effet bénéficier du droit de priorité prévu par le Convention d’Union de Paris 14 . Un tel droit de priorité, d’une durée de six mois, est également applicable pour les expositions internationales au cours desquelles la marque a été présentée pour la première fois sur le territoire chinois. - La révision judiciaire des décisions administratives est introduite Le dépôt de la marque s’effectue auprès de l’Office des marques, placé sous l’autorité de l’Administration d’État de l’industrie et du commerce. Un examen préliminaire permet de vérifier la disponibilité de la marque et de s’assurer que le déposant ne commet pas un acte déloyal, en cherchant à enregistrer la marque utilisée par un tiers, qui bénéficierait d’une certaine réputation. Puis, la marque est publiée afin de permettre aux titulaires de marques antérieures d’exercer, pendant un délai de trois mois, leur droit d’opposition à la demande d’enregistrement. La loi chinoise amendée autorise un recours devant les tribunaux contre toutes les décisions de l’Office des marques, qu’il s’agisse du refus d’enregistrement d’une marque ou de la reconnaissance ou non du bien-fondé d’une opposition. - Quelques allègements sont prévus au niveau des formalités Le problème lié au fait que « les entreprises étrangères ne peuvent utiliser les services que de certains agents de marques » n’existe plus. Désormais en effet, tous les mandataires en marques agréés sont habilités à prendre en charge les dossiers des entreprises étrangères. Par ailleurs, lorsque la marque est enregistrée et acquiert ainsi une protection pour dix années renouvelables, l’utilisation du symbole de l’enregistrement est devenue facultative. - Les droits du titulaire de la marque sont renforcés D’une part, la bonne foi du vendeur de contrefaçons est dorénavant inopérante, d’autre part, l’altération d’une marque et la mise sur la marché de produits revêtus de cette marque altérée constituent un cas de contrefaçon expressément prévu par la loi. 3 – LES DROITS D’AUTEUR La protection par droit d’auteur, qui relève de l’Administration nationale du droit d’auteur, a été renforcée par une révision de la loi sur les droits d’auteur 15 , en date du 27 octobre 2001. 14 Cette convention permet en effet à tout ressortissant de l’un de ses pays membres, qui a effectué un dépôt de marque dans l’un d’entre eux, de bénéficier d’un délai de six mois pour opérer le dépôt de la même marque dans un autre pays membre de cette convention. Ceci constitue pour les déposants un avantage certain, puisqu’ils sont ainsi protégés contre les dépôts effectués par des tiers pendant la période de six mois. 15 La Chine a promulgué, le 7 septembre 1990, une loi sur le droit d'auteur, qui est entrée en vigueur le 1er juin 1991. 4 - Le champ de la protection est étendu à de nouvelles créations La loi chinoise sur le droit d’auteur protège les œuvres littéraires, artistiques et scientifiques. Elle en donne une liste non limitative. Or, depuis 2001, la protection est également reconnue aux œuvres architecturales ou aux diffusions radiotélévisées. Mais ce sont les dispositions sur la protection des droits d'auteur en matière d'Internet qui constituent l'apport majeur de la réforme. - Les prérogatives de l’auteur sont amplifiées La liste des droits d’auteur dont la mise en œuvre est soumise à une autorisation préalable de leur titulaire, en contrepartie d’une rémunération en sa faveur, a été considérablement enrichie, avec notamment : - le droit de location, qui consiste essentiellement dans le droit de permettre à un tiers d’utiliser temporairement une œuvre cinématographique, - le droit de représentation, mis en cause lorsqu’un artiste-interprète souhaite utiliser, au cours d’une représentation, l’œuvre d’un tiers, - le droit d’enregistrement audio et vidéo, lorsqu’un producteur souhaite utiliser l’œuvre d’un tiers, dans le cadre d’une production audio ou vidéo. Désormais, les représentations et enregistrements produits ou diffusés par les étrangers sont protégés, de même que les programmes de radio et de télévision émis par des stations de radio et de télévision étrangères, - le droit de communication au public, dans l’hypothèse de transmissions au public d’œuvres qui incluent une reproduction, une diffusion, une représentation, une projection, une émission ou une compilation protégée. - La protection des logiciels est consolidée On rappellera pour mémoire que, depuis un règlement du 4 juin 1991, les logiciels sont protégés par le droit d’auteur. Or un amendement important du 20 décembre 2001 est entré en vigueur le 1er janvier 2002. Une protection y est prévue contre les actes de contournement de toute mesure technique utilisée par le titulaire du droit, afin d’empêcher ou limiter les utilisations qu’il n’a pas autorisées. En outre, est dorénavant expressément interdite, sans autorisation préalable du titulaire du droit d’auteur, la diffusion en ligne d’un logiciel. Un certain nombre d’exceptions au droit d’auteur sont toutefois prévues en cas d’utilisation légitime, tel que le droit de réaliser, dans un but d’archivage, une copie d’un logiciel donné en licence. Ou encore, le tiers qui est en possession d’un logiciel contrefaisant ne sera pas condamné au versement de dommages-intérêts, s’il ne savait pas que le logiciel était contrefaisant ou s’il avait des motifs raisonnables de penser qu’il s’agissait d’un logiciel licite. 5 II – LA DÉFENSE DES DROITS DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE Toutes les nouvelles réglementations qui viennent d’être évoquées, en se rapprochant des normes européennes, ont renforcé la répression de la contrefaçon, quelle que soit la voie de recours utilisée par les victimes de la contrefaçon : action administrative (1), action judiciaire civile (2) ou action judiciaire pénale (3). 1 – L’ACTION ADMINISTRATIVE La victime d’une contrefaçon peut demander aux services de l’Administration de régler le litige par la médiation. L’action administrative s’effectue auprès de l’Administration locale de l’industrie et du commerce, laquelle est dotée de pouvoirs d’investigation (enquêtes, interrogatoires des parties…). Lorsque la contrefaçon porte atteinte à l’intérêt public, l’Administration peut ordonner la cessation immédiate de l’infraction, ainsi que la saisie des recettes illicites ou la destruction des produits contrefaisants. Enfin, dans des circonstances graves, elle a le pouvoir de saisir le matériel ou les équipements ayant servi à la fabrication des produits contrefaisants. Les autorités administratives peuvent également accorder une réparation financière au demandeur, évaluée en prenant en compte soit les bénéfices réalisés par le contrefacteur, soit le préjudice subi. L’Administration peut enfin condamner les contrefacteurs au versement d’amendes, dont le montant peut atteindre trois fois le gain illégal du contrefacteur. En cas de difficulté d’évaluation de ce gain, l’amende peut être d’un montant maximal de 100 000 RMB16 (environ 11 000 €) en matière de marques et de droits d'auteur ou de 50 000 RMB (un peu plus de 5 000 €) pour des brevets. En fait, les autorités de l’Administration déterminent le montant de l’amende compte tenu des circonstances de l’infraction, telle que la faute du contrevenant. Qu’il s’agisse de la reproduction, de la diffusion, de la location ou de la transmission via Internet d’un logiciel ou d’une partie d’un logiciel, sans autorisation, une amende maximale de 100 RMB (environ 11 €) pour chaque article contrefaisant – ou sinon égale à cinq fois la valeur des produits – peut être prononcée. Par ailleurs, lorsque les produits contrefaisants mettent en danger la sécurité des consommateurs, l’Administration générale pour le contrôle de la qualité, l'inspection et le contrôle sanitaire peut intervenir sur le fondement de la qualité des produits. Le cas échéant, le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle peut, en vertu du règlement sur la protection des droits de propriété intellectuelle par l’Administration des douanes, demander aux autorités douanières d’empêcher l’importation ou l’exportation de contrefaçons. En tout état de cause, si les autorités administratives se sont vues expressément confier davantage de pouvoirs pour lutter contre la contrefaçon, il semblerait que leurs pouvoirs effectifs restent encore limités. 16 Yuan Renmimbi chinois. 6 2 – L’ACTION JUDICIAIRE CIVILE La victime d’une contrefaçon peut engager une action devant un tribunal populaire local pour obtenir du contrefacteur la cessation des activités frauduleuses et l’élimination de leurs effets, la présentation d’excuses et la réparation du dommage causé. Qu’il soit question de marques, de brevets ou de droits d’auteur, le tribunal peut, dans un but préventif, prononcer des mesures conservatoires, afin d’éviter la destruction des preuves ou la survenance d’un dommage irréparable pour la victime. En ce qui concerne plus précisément la réparation du préjudice, le contrefacteur peut être condamné au paiement de dommages-intérêts, calculés soit sur la base du préjudice effectivement subi par la victime de la contrefaçon, soit sur celle des recettes illicites réalisées par le contrefacteur 17 . Si les pertes de la victime ou les bénéfices du contrefacteur, du fait de la contrefaçon, ne peuvent être déterminés, les magistrats fixent des dommages-intérêts jusqu’à un plafond de 500 000 RMB (environ 53 000 €). L’autorité judiciaire reçoit en appel les décisions administratives. 3 – L’ACTION JUDICIAIRE PÉNALE Lorsque l’atteinte à un droit de propriété intellectuelle constitue un délit, au sens des articles 217 ou 218 du Code pénal chinois, le contrevenant est poursuivi en responsabilité pénale, soit dans le cadre de poursuites privées, soit dans le cadre de poursuites publiques menées par le Procureur. En fait, une action pénale est envisageable dans les seuls cas où la contrefaçon est particulièrement grave : il faut généralement prouver un chiffre d’affaires illicite d’au moins 50 000 RMB (un peu plus de 5 000 €), ce qui est d’autant plus difficile que les documents comptables du contrefacteur sont en pratique inexistants ou truqués. En ce qui concerne les sanctions pénales en matière de contrefaçon, le Code pénal chinois ne contient pas de dispositions générales. Mais, depuis sa modification en 1997, il définit sept catégories de délits pénaux en matière de propriété intellectuelle : délit de contrefaçon de marque enregistrée ; délit de vente de produits portant une marque enregistrée contrefaite ; délit de fabrication et vente de représentation d’une marque enregistrée, sans l’autorisation de son propriétaire ; délit de contrefaçon de brevet ; délit d’atteinte au droit d’auteur ; délit de vente de reproduction contrefaisante ; délit de violatio n des secrets commerciaux. Les sanctions pénales sont en Chine particulièrement sévères : pour toute atteinte concernant des marques, des droits d’auteur ou des brevets, le contrefacteur encourt une peine d’emprisonnement d’une durée n’excédant pas trois ans et/ou une amende. Si le délit a des conséquences particulièrement graves, son auteur peut même être condamné à une peine d’emprisonnement d’une durée comprise entre trois et sept ans, ainsi qu’à une amende. 17 À cela s’ajoute un « montant » raisonnable correspondant aux frais engagés par le titulaire des droits pour mettre fin à la contrefaçon. 7 ♦♦♦ ♦♦ ♦ En dépit d’un dispositif législatif et réglementaire performant, les entreprises étrangères connaissent, en pratique, de grandes difficultés pour faire respecter leurs droits de propriété intellectuelle 18 . Or une protection efficace des droits de propriété intellectuelle contribue pour beaucoup à l’afflux de l’investissement étranger. Toutefois, entre 1990 et 2000, les tribunaux de première instance, aux divers échelons du pays, ont eu à connaître 36 088 affaires concernant la propriété intellectuelle, dont 3 027 intéressaient les marques, 9 318 les brevets et 4 486 le droit d’auteur 19 . Et surtout, différentes affaires récentes tendent à prouver que la Chine essaie de combler son retard quant à la protection de la propriété intellectuelle : - la société danoise Lego, par exemple, a obtenu la condamnation, devant la Haute Cour populaire de Pékin, de la société chinoise Coko Toy Company, qu’elle poursuivait depuis 1999 pour contrefaçon de ses modèles. La Cour a ordonné la cessation de la production des produits contrefaisants, la destruction sous contrôle des produits en stock, ainsi qu’une indemnisation du préjudice subi par Lego. Elle semble fonder sa décision à la fois sur la protection par le droit d’auteur et sur le droit des dessins et modèles 20 ; - en droit des marques, l’Américain Nike a gagné un procès devant un tribunal chinois. S’appuyant sur le droit des marques chinois – lequel couvre non seulement le produit fini mais également sa fabrication – le tribunal a en effet refusé à la société espagnole Cidesport, qui avait obtenu une autorisation d’utiliser la marque sur son territoire, de fabriquer des vêtements de la marque Nike en Chine et de les exporter 21 ; ou encore, dans l’affaire Ikea Systems BV, la Cour suprême, le 17 juillet 2001, a reconnu et étendu la protection des marques notoires, puisqu’elle a admis que, dans les litiges relatifs aux noms de domaine, il y avait lieu de retenir, à titre d’antériorités, tant les marques notoires que les marques enregistrées ; - et c’est en décembre 2000 que la justice chinoise a fait un premier geste pour défendre la propriété intellectuelle sur Internet, afin de combler le vide juridique concernant le Web, qui était à l’origine de nombreux litiges. La Cour suprême a en effet décidé que les sites ne pourraient plus diffuser de contenu protégé, sans avoir au préalable obtenu l’autorisation de leur auteur et lui avoir versé une contrepartie financière22 . En dépit des avancées du droit en Chine, le récent rapport annuel «Spécial 301» présenté par Robert Zoellick, le représentant américain du commerce (United States Trade Representative, ou USTR) sur le propriété intellectuelle 23 , dénonce, concernant ce pays, le manque de transparence et de coordination des administrations, la difficulté des poursuites criminelles et l'insuffisance des peines. La Chine doit donc encore faire ses preuves… 18 Les sociétés étrangères présentes sur le marché chinois estiment que 15 à 20 % des produits commercialisés sous leur marque sont des faux : Report on Conterfeiting in the People’s Republic of China, Chinese AntiCounterfeiting Coalition, 7 déc. 1999. 19 Source : China Internet Information Center (www.china.org.cn). 20 www.legalnews.fr et Communiqué de presse de Lego, 20 janv. 2003. 21 www.legalnews.fr 22 www.canoe.com 23 Washington vient de publier les conclusions du rapport : Le MOCI 5 juin 2003, n° 1601, p. 41. 8