Mois du film documentaire, novembre 2016
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Mois du film documentaire, novembre 2016
parenthèse) journal de la médliathèque numéro 21 - novembre 2016 Mois du film documentaire, novembre 2016 Le documentaire est un genre cinématographique à part entière. Il est une œuvre de création. On l’appelle aussi cinéma du réel. Il met en place des personnes et protagonistes non-fictifs. Les lieux sont naturels, réels. Le documentaire reconstitue, informe, présente, explique, émeut, questionne. Son sujet est une réalité passée, présente ou future. C’est un genre très exigeant qui demande un travail important de recherches, de documentation, d’investigation sur le terrain, d’exactitude des informations à donner, de patience pour les films animaliers. Il est à opposer aux reportages et aux magazines qui ne sont que des objets informatifs. Il ébranle nos certitudes, transforme et approfondit notre représentation et connaissance du monde. Il reconstitue la réalité sur l’écran. De nombreux festivals lui sont consacrés, et le mois du film documentaire est un moment privilégié pour sa diffusion. Il est organisé par Images en bibliothèques, association créée pour la valorisation et le développement des collections de films documentaires. La médiathèque présente sa sélection de films. 1 actualité No land’s song (Ayat Najafi) Film sélectionné par les bibliothécaires d’Images en bibliothèques En Iran, depuis la révolution de 1979, les femmes n’ont plus le droit de chanter seules devant les hommes. En 2013, défiant la censure, Sara Najafi, jeune compositrice iranienne, tente d’organiser un concert officiel pour des chanteuses solistes. Cherchant des soutiens extérieurs, Sara rencontre à Paris trois artistes, Elise Caron, Jeanne Cherhal et Emel Mathlouthi et leur propose de participer au projet qu’elle développe avec ses amies Parvin Namazi et Sayeh Sodeyfi. Mais parviendront-elles à se retrouver à Téhéran, à chanter ensemble, sur scène et sans entraves, et à ouvrir une porte vers une nouvelle liberté des femmes en Iran ? Le frère de la jeune compositrice, Ayat Najafi, filme sa sœur dans sa quête de liberté pour les artistes de son pays. Ce film, instructif et émouvant, est à voir absolumment pour sa qualité de réalisation, ses images d’archives montrant la réelle régression des droits des femmes et notamment des artistes. 2 Eau argentée (Ossama Mohammed et Wiam Simav Bedirxan) Etoile de la Scam en 2015 Exilé à Paris pour son point de vue sans concession sur le régime de Bachar al-Assad, le réalisateur syrien Ossama Mohammed a bouleversé le festival de Cannes avec la projection d’Eau argentée, en mai 2014. Cette compilation narrée de vidéos pixellisées, prises sur le site de vidéo Youtube, filmées avec des téléphones portables et autres technologies mobiles, est un document historique, une charge contre le régime autoritaire du dirigeant syrien, toujours au pouvoir, malgré les exactions commises sur son peuple, une répression sanguinaire contre une population civile, de femmes et d’enfants, humiliée et outragée. Documentaire choc, souvent insoutenable, Eau Argentée est un témoignage douloureux, mais nécessaire, sur la révolution syrienne avortée, réprimée dans une violence autoritaire qui n’a pas de nom. Le DVD est immanquable. Film interdit aux moins de 16 ans La sociologue et l’ourson (Etienne Chaillou et Mathias Théry) Film sélectionné par Images en bibliothèques De septembre 2012 à mai 2013, la France s’enflamme sur le projet de loi du Mariage pour tous. Pendant ces neuf mois d’intenses débats, la sociologue Irène Théry raconte à son fils, le réalisateur, Etienne Chaillou, les différents enjeux du projet de loi. Un film original par sa conception et son ton décalé. Le partipris de réaliser des passages à l’aide de marionnettes est vraiment étonnant. Irène Théry aborde avec beaucoup de simplicité les concepts sociologiques de représentation de la famille, du couple jusqu’à la conception de l’enfant. Beaucoup de rythme, des clins d’œil amusants mais qui n’empêchent pas une réflexion sur le sujet. Belle réalisation, belle écriture. Vraiment à conseiller. A voir aussi les heures de bonus avec des entretiens des réalisateurs, d’Irène Théry et de Christiane Taubira. Citizenfour (Laura Poitras) Dans ce documentaire glaçant, Laura Poitras nous fait suivre en direct le lancement d’une opération courageuse, dont les répercussions n’ont pas encore fini de retomber : il s’agit des révélations opérées par Edward Snowden, grâce à l’appui du journaliste du Guardian Glenn Greenwald, et de la documentariste elle-même. Ancien agent de la CIA et consultant de la NSA, Snowden est un jeune informaticien dont le sens civique et l’intégrité exemplaires ont fait de lui le plus célèbre des lanceurs d’alerte, en publiant des centaines de milliers de documents classés et révélant ainsi au grand jour la surveillance globale et généralisée orchestrée par les services de renseignement américains et britanniques, avec la complicité des réseaux de télécommunications et de fournisseurs de services tels que Google, Microsoft, Facebook, Apple… Citizenfour permet donc de vivre avec Snowden le lancement de l’opération, d’assister à son apparente paranoïa, qui se révélera ensuite tout à fait justifiée au vu des révélations et des poursuites qui s’enclencheront contre lui, transformant ainsi le documentaire en véritable thriller d’espionnage. Ici, la réalité dépasse la fiction, et « ringardise toute tentative hollywoodienne d’en faire un film » (Première). Lauréat de l’Oscar du meilleur documentaire en 2015, Citizenfour est à mettre absolument entre toutes les mains. 3 Deux dvd pour changer le monde à voir absolument Merci patron ! (François Ruffin) Merci patron, c’est rien moins que l’origine du mouvement Nuit Debout, initié par le désormais célèbre François Ruffin, fondateur du journal indépendant Fakir. Plutôt qu’un documentaire, il s’agit en fait d’une satire engagée et d’un défi lancé au grand capital. Démarrant comme un faux reportage en questionnant ironiquement les raisons de l’impopularité du PDG Bernard Arnault (l’une des premières fortunes mondiales, propriétaire entre autres de Vuitton et Dior, responsable de nombreuses délocalisations d’usines), il s’intéresse ensuite au sort d’un couple de chômeurs (« les Klur ») victimes d’une délocalisation, et déroule sous nos yeux l’orchestration d’une incroyable arnaque : sous la menace de perturbations et de publications dans le journal Fakir, les Klur, avec la complicité de Ruffin, vont obtenir de Bernard Arnault l’annulation de toutes leurs dettes et l’obtention d’un nouvel emploi stable ! Salué par la critique autant que par le public, Merci patron ! est une véritable bouffée d’oxygène pour toutes les victimes du capitalisme, un appel à la révolte et à la réactivation de la lutte des classes. Surtout, il démontre la grande potentialité que contient l’alliance entre la classe intellectuelle (qui détient une partie du pouvoir médiatique) et la classe ouvrière. 4 En quête de sens (Nathanaël Coste & Marc de la Ménardière) C’est un film qui aurait pu passer inaperçu, comme beaucoup de documentaires à petits moyens. Pourtant En quête de sens a déjà réussi à attirer plus de 40 000 spectateurs. Un succès inattendu pour les deux jeunes réalisateurs : Nathanaël Coste, caméraman et géographe de formation, et Marc de la Ménardière, diplômé d’une école de commerce. La clé du succès réside peut-être dans le concept du film : l’histoire vraie d’un jeune homme, Marc, qui travaille dans une firme agroalimentaire multinationale à New-York où il essaye de convaincre le consommateur des atouts de l’eau en bouteille. Un jour, son ami d’enfance Nathanaël lui rend visite et lui laisse une série de documentaires sur l’état de la planète. Peu de temps après, Marc est immobilisé chez lui pendant deux mois, à cause d’une jambe cassée : il regarde les documentaires et le déclic se produit. Il décide d’embarquer pour l’Inde, rejoindre Nathanaël pour un voyage au long cours, afin de s’interroger sur le fonctionnement de notre société occidentale, prisonnière d’une logique qui crée plus de destructions et d’injustices que de bien-être. L’impératif de rentabilité économique à court terme conduisant à la catastrophe. Équipés d’une petite caméra et d’un micro, les deux amis cherchent à comprendre ce qui a conduit aux crises actuelles et d’où pourrait venir le changement. Pour sortir de cette impasse, ce n’est pas plus de croissance ou de technologie dont on a besoin. De l’Inde au Guatemala en passant par l’Ardèche, c’est toute leur vision du monde qui change. Tissée autour de rencontres, de questionnements, de doutes mais aussi de joies, leur voyage est une invitation à reconsidérer notre rapport à la nature, au sens de la vie. C’est parfois un peu simpliste même si la démarche est sincère. Pour poursuivre cette quête nous vous conseillons également Demain, le film de Cyril Dion et Mélanie Laurent. « Et si montrer des solutions, raconter une histoire qui fait du bien, était la meilleure façon de résoudre les crises écologiques, économiques et sociales, que traversent nos pays ? Suite à la publication d’une étude qui annonce la possible disparition d’une partie de l’humanité d’ici 2100, Cyril Dion et Mélanie Laurent partent avec une équipe de quatre personnes enquêter dans dix pays pour comprendre ce qui pourrait provoquer cette catastrophe et surtout comment l’éviter. » Durant leur voyage, ils rencontrent les pionniers qui réinventent l’agriculture, l’énergie, l’économie, la démocratie et l’éducation. En mettant bout à bout ces initiatives positives et concrètes qui fonctionnent déjà, ils commencent à voir émerger ce que pourrait être le monde de demain… société Tout est permis (Coline Serreau) La sécurité routière est peut-être l’une des politiques les plus mal-aimées en France, en particulier bien sûr chez les automobilistes. Chacun de nous a entendu un certain nombre d’arguments, de poncifs et de clichés contre les mesures répressives de la sécurité routière (les radars, les limitations de vitesse, le permis à points…). Coline Serreau reprend ici tous ces arguments, énoncés dans la bouche de récidivistes subissant des stages pour récupérer leur permis, ou dans celles d’associations les défendant, puis les soumet à des spécialistes qui les rejettent tous, un par un, y compris les idées les plus communément admises en société. On y voit surgir des mentalités individualistes, vaniteuses, agressives, irresponsables, sexistes… mais aussi l’influence du lobby automobile et de l’alcool. Tout est permis est donc un portrait à charge de ces conducteurs à risque tout en leur laissant la parole, en même temps qu’une formidable œuvre de pédagogie et de soutien à la sécurité routière. 5 La Cour de Babel (Julie Bertuccelli) Ils sont Anglais, Sénégalais, Brésiliens, Marocains, Chinois. Ils ont entre 11 et 15 ans, ils viennent d’arriver en France. Le temps d’une année, ils cohabitent dans la classe d’accueil, implantée au collège de la Grange-aux-Belles, dans le 10e arrondissement de Paris. 24 élèves, 22 nationalités. C’est dans cette classe que la cinéaste Julie Bertuccelli et son équipe ont posé caméra et matériel vidéo pendant l’année scolaire 2011-2012. Ce sont ces adolescents qui se sont exprimés sous les regards vigilants et bienveillants de la réalisatrice et de l’enseignante – et ceci à raison de deux fois par semaine pendant toute l’année scolaire. Au fil de l’année, les élèves s’expriment de mieux en mieux en français, ils s’accrochent et ont une grande envie d’apprendre et de réussir. La Cour de Babel est un beau documentaire, fort utile, qui met en lumière un exceptionnel dispositif d’accueil des élèves étrangers, et une enseignante remarquable – qui prend une place de plus en plus importante au fur et à mesure où l’on avance dans le film. Film très attachant à voir absolument. 6 Spartacus et Cassandra (Ioanis Nuguet) Pendant trois ans, le réalisateur Ioanis Nuguet a filmé le quotidien de Spartacus et Cassandra, frère et sœur roms de 13 et 11 ans qui ont connu la rue, la mendicité, les expulsions, la violence… Ils sont recueillis par une toute jeune trapéziste, Camille, dans un cirque près de Paris. Écartelés entre un havre de paix proposé par Camille et la rue où leurs parents vivent, ils restent inséparables, pleins de vie, et se débattent avec la justice française qui a demandé à l’Aide sociale pour l’enfance de les prendre en charge. Sous la protection de Camille, ils mettent leurs parents face à leurs responsabilités... Portrait de deux enfants roms mais aussi en creux portrait de Camille, jeune femme de 21 ans qui s’improvise éducatrice parce qu’elle refuse qu’il n’y ait pas d’avenir pour ces enfants. Caméra à l’épaule, le réalisateur suit Spartacus et Cassandra dans leurs colères, leurs doutes mais il sait saisir aussi les moments magiques, lumineux où ils retrouvent les joies de l’enfance : manger une glace, courir dans la nature… « Un beau film, qui nous entraîne au-delà du documentaire, au-delà d’un réel sordide, au cœur de la vie. » société Wolfpack (Crystal Moselle) Le Bois dont les rêves sont faits (Claire Simon) Un lieu, un film. Après Gare du Nord où se croisaient dans un mouvement perpétuel amoureux travailleurs, étudiants, immigrés, Claire Simon a planté sa caméra au bois de Vincennes durant quatre saisons. Le film dure presque deux heures et demie, on fait un pas de côté comme la réalisatrice, et hop on quitte la ville, c’est la campagne, la forêt, la magie d’un matin d’été. Claire Simon filme le bois de Vincennes comme une sorte de paradis retrouvé, un retour à l’enfance, on est émerveillé devant cette nature, si proche de l’urbain. Mais, perspicace, Claire Simon dévoile aussi les autres faces du bois, celles que l’on découvre en s’enfonçant dans les sentiers, elle part à la rencontre de ses promeneurs, habitués voire habitants du bois. Elle donne la parole à un dompteur de pigeons, à deux pêcheurs nocturnes, à un gay, à une prostituée… On découvre dans sa cabane Philippe, installé à l’année qui se réfugie dans le sommeil. Ils racontent un morceau de vie, c’est souvent poignant, jamais glauque car Claire Denis laisse la parole venir, pose sur ses interlocuteurs un regard bienveillant. Croisés par hasard dans la rue, les six frères dont Crystal Moselle nous raconte l’histoire dans Wolfpack est simplement ahurissante : sous la pression d’un père paranoïaque et névrosé, ils sont enfermés pendant la majeure partie de leur enfance dans leur appartement de Manhattan, sans autre ouverture sur l’extérieur que le cinéma. En rejouant leurs scènes favorites et leurs personnages préférés de films sans cesse revisionnés, ils se construisent un monde fantasmé à base de costumes et de mises en scène bricolés, qui leur sert d’évasion et finalement les prépare tant bien que mal à une vie sociale. Au moment où Crystal Moselle entame le tournage de ce documentaire, les six frères sont en pleine révolution : parvenus à l’adolescence, ils se détachent progressivement de l’autorité de leur père et découvrent avec un regard neuf le monde extérieur. S’immiscant dans l’intimité de la famille avec la complicité des frères et la réticence des parents, Crystal Moselle suit ensuite leur évolution : l’intégration sociale, les premières découvertes (la mer, la campagne…), et finalement leur libération sans heurt. Salué dans plusieurs festivals (Sundance, Deauville…), Wolfpack est un documentaire fascinant et très atypique, à mi-chemin entre l’observation et l’implication directe de son auteur dans son propos. 7 Free to run (Pierre Morath) Des rues de New York aux sentiers des Alpes suisses, hommes et femmes, champions ou anonymes, ils sont chaque année des dizaines de millions à courir. Il y a 40 ans, la course à pied était encore considérée comme un acte marginal, une pratique quasi déviante cantonnée aux athlètes masculins et à l’enceinte des stades. Free to Run retrace la fabuleuse épopée de ce sport solitaire devenu passion universelle. Le nouveau film de Pierre Morath, réalisateur suisse, ancien coureur de haut niveau et aujourd’hui coach et consultant pour la télévision, est un hymne à la gloire de la course libre et de ceux qui la font exister. Les Saisons (Jacques Perrin et Jacques Cluzaud) C’est un documentaire animalier pas tout à fait comme les autres : au-delà de la qualité de ses images – des grands tableaux pastoraux aux petits détails de la forêt – et du confort que procure la musique de Bruno Coulais et les charmantes scènes de vie, Les Saisons aborde une autre façon de filmer la nature, ancrée dans l’Histoire et le rapport à l’Homme. 8 On peut en effet y observer la nature sauvage de l’Europe tempérée non pas comme un écosystème intemporel et vierge de toute intervention humaine, mais comme un écosystème dont les équilibres sont constamment en évolution sous l’effet des changements climatiques et sous l’influence de l’Homme. Ainsi, ce n’est pas seulement les animaux de la forêt que Perrin et Cluzaud ont choisi de filmer, ce sont aussi ceux de la campagne, et même parfois les animaux domestiques. Nous conseillons fortement également les bonus contenus dans le DVD : on y apprend beaucoup sur les méthodes utilisées pour filmer un documentaire animalier, et l’on pourra s’apercevoir que ce qui est généralement présenté comme une capture de la vie sauvage est en réalité une mise en scène élaborée artificiellement… Le Bouton de nacre (Patricio Guzmán) Film sélectionné par Images en bibliothèques, - Ours d’argent - meilleur scénario, Berlinale, Berlin, Allemagne, 2015. Partant d’un bloc de quartz, ce documentaire fascinant se divise en trois parties qui entretiennent de subtiles correspondances. Dans la première partie, le réalisateur chilien promène une caméra contemplative établissant des liens entre l’eau et le cosmos, explorant les bruits de la nature. Une deuxième partie émouvante évoque l’extermination des Indiens de Patagonie. On est bouleversé par ces images d’archives, ces photos de peintures sur corps, mais aussi par le rythme lent et quasi musical de cette quête de vérité. La troisième partie dévoile l’autre massacre chilien, celui de la dictature de Pinochet. Là encore des images d’archives et des témoignages s’entremêlent, sans que le thème majeur, celui de l’eau, disparaisse. Un documentaire particulièrement beau, mais qui est aussi une réflexion puissante sur l’homme et le cosmos. danse, musique, architecture, photographie Encadrés par deux danseuses, des adolescents amateurs vont passer près d’une année ensemble à répéter la pièce. La découverte de l’univers de Pina Bausch (qu’ils ne connaissaient pas pour la plupart) va de pair avec une découverte d’eux-mêmes. C’est passionnant, parfois bouleversant. Les deux danseuses qui guident ces adolescents en devenir les accompagnent avec exigence et bienveillance. C’est aussi un bel hommage à Pina Bausch : son « charisme, l’autorité, la grande douceur qu’elle dégage donnent à ces moments une intensité dramatique digne d’une fiction ». Les Rêves dansants (Anne Linsel) Mr Gaga – Sur les pas d’Ohad Naharin. (Tomer Heymann) Lorsque Pina Bausch crée Kontakthof à la fin des années soixante-dix, c’est une chorégraphie de presque trois heures où, dans une salle de bal, des femmes et des hommes s’approchent, se heurtent, se désirent… La longueur, la répétition créent une impression de violence. Pina Bausch surprend et choque par son univers singulier. En 2000, elle remonte la pièce avec des danseurs amateurs de plus de 65 ans : cela reste brutal mais émouvant. Le film Les rêves dansants retrace la dernière reprise en 2008 (quelques mois avant la mort de Pina Bausch). L’histoire fascinante d’Ohad Naharin, célèbre chorégraphe de la Batsheva Dance Company de Tel-Aviv, dont les performances dégagent une puissance et une beauté inégalées. Le film retrace l’invention d’un langage chorégraphique unique et d’une technique de danse hors-norme appelée «Gaga» en parallèle avec le processus créatif d’Ohad Naharin. À partir d’images d’archives et de films familiaux, d’extraits de spectacles, d’entrevues, on suit le parcours de ce chorégraphe hors-norme, à la forte personnalité. Son énergie, sa vitalité sont communicatives, on en ressort avec une envie de danser. 9 Amy (Asif Kapadia) Sugar Man (Malik Bendjelloul) Deux portraits : l’un humaniste, lumineux - celui de Sixto Rodriguez, chanteur inconnu proche de Bob Dylan, aujourd’hui une légende. L’autre poignant, tragique - celui d’Amy Winhouse. Le 23 juillet 2011, à 27 ans, Amy Winehouse disparaît, victime de ses addictions à la drogue et l’alcool. Originaire du nord de Londres, elle a commencé très jeune dans un orchestre avant de signer un premier album intitulé « Frank ». Puis la célébrité lui est tombée dessus, alors qu’elle n’était pas du tout armée pour l’affronter. Le documentariste d’origine indienne Asif Kapadia se sert des nombreuses images d’Amy Winhouse (elle a été filmée tout au long de sa vie, à peine sortie de l’enfance jusqu’à sa mort) pour construire son film. C’est parfois un peu déstabilisant, dérangeant, on la suit de cuite en cuite, de chambre d’hôtel en appartement glauque jusqu’au centre de désintoxication, mais on est en même temps fasciné par sa jeune personnalité, son talent. Alors que la jeune chanteuse de jazz semblait promise à une grande carrière, on assiste à sa chute, impuissants. 10 Oscar du meilleur documentaire en 2013 A l’aube des années 1970, Sixto Rodriguez, chanteur-guitariste d’origine mexicaine, enregistre à Detroit deux albums de folk-rock. En dépit de son talent, c’est un fiasco. Sixto Rodriguez retourne travailler à Detroit. Tout le monde l’oublie. Sauf au pays de l’apartheid, où le chanteur à son insu est devenu le héros de la jeunesse afrikaner contestataire et où l’un de ses albums importé par hasard est copié à tout-va (500 000 exemplaires). Des légendes naissent autour de sa mort présumée… Deux fans de Sugar Man décident de mener l’enquête. Le film est construit autour de ce suspens et on se laisse emporter par cette belle histoire de renaissance. Woodstock (Michael Wadleich) C’est un documentaire mémorable que nous a livré Michael Wadleich en 1994 : Woodstock, trois jours de musique et de paix relate ce qui est probablement le plus célèbre des festivals musicaux, celui de Woodstock (à 60 km de Bethel dans l’État de New York), en 1969. Trois jours de folie rassemblant jusqu’à un demi-million de personnes : du jamais vu. Le film débute avec les préparatifs du festival en plein air, avant de nous proposer en multi-plans les différents concerts d’artistes plus mythiques les uns que les autres : d’abord Richie Havens qui interprète Freedom (tout un symbole), puis Arlo Guthrie, Joan Baez, les Who, Country Joe, Santana, Canned Heat, Creedence Clearwater Revival, Janis Joplin… Le dernier jour se termine en apothéose avec les poids lourds : Ten Years After avec I Going Home, la séquence culte de Joe Coocker en transe sur With a Little Help from my Friends, Johnny Winter, Blood Sweat & Tears, puis en soirée Crosby Stills & Nash (Neil Young n’est pas encore là). Jimmy Hendrix clôture le festival avec l’hymne américain. Les concerts sont entrecoupés de reportages pertinents nous montrant la vie des festivaliers sur le camp et les réactions des habitants du village. La prise de son est excellente et les images superbes. L’ambiance sur le site est fabuleuse, aucune violence, pas de vol (même un orage violent qui aurait pu tout gâcher devient un moment d’anthologie avec un concours de glissades dans la boue), et est parfaitement retransmise par des caméras qui sont partout, sur scène, en coulisse et dans le public. Bref, un document inestimable à voir et revoir ! Architectures (série documentaire sur l’architecture) (Stan Neumann et Hervé Copans) Une remarquable collection de films de 26 minutes consacrée aux réalisations les plus marquantes de l’architecture, de ses prémices jusqu’aux dernières créations des grands architectes d’aujourd’hui. Observée jusqu’en ses moindres recoins, l’œuvre est au centre du film, où tout est pensé pour la présenter seule face aux spectateurs : documentaire dépourvu de musique d’ambiance, maquette montrée vide, commentaires par voix-off. Nous avons huit DVD de la collection que nous vous conseillons vivement de regarder. 11 Le Sel de la terre, un voyage avec Sebastião Salgado (Wim Wenders et Julian Ribeiro Salgado) César du meilleur film documentaire 2015. Wim Wenders, réalisateur de Paris Texas, dédie ce film au photographe humaniste brésilien Sebastião Salgado. Depuis quarante ans, celui-ci, observateur de la nature humaine, parcourt les continents et représente le monde en noir et blanc (les conflits, la famine, l’exode). Un fil à la patte Georges Feydeau L’intrigue de cette pièce est mince, mais les fils s’emmêlent, créant des imbroglios et des quiproquos absolument irrésistibles. M. de Bois d’Enghien très amoureux de Lucette, une jeune chanteuse de café-concert, est forcé d’épouser pour des raisons pécuniaires la fille d’une riche baronne. Il doit donc se débarrasser de son « fil à la patte ». La Comédie-Française a créé cette pièce de Georges Feydeau Médiathèque Comité d’Etablissement du Siège et des Annexes LCL Immeuble Garonne A 2, avenue de Paris 94800 Villejuif / 1er étage Wenders accompagne le photographe dans son projet « Genesis », un projet pharaonique sous forme d’hommage aux civilisations inconnues, dans lequel il part à la découverte de territoires vierges aux paysages somptueux, du désert algérien à la péninsule du Kamchatka, en pasant par les îles Sandwich du Sud. Le Sel de la terre est un superbe documentaire dans lequel le réalisateur magnifie le travail du photographe et la beauté de la planète. Le coin des lecteurs en 1961; ce fut un triomphe mémorable ; l’interprétation de Robert Hirsch dans le rôle de Bouzin fut mythique. 50 ans plus tard, Jérôme Deschamps s’empare de ces 3 actes et de cette virtuosité caractéristique de Feydeau ; il épouse la musique et le rythme du texte, qui s’emballe de manière frénétique et délirante. Tous les comédiens sont excellents, s’amusent, et nous aussi. Beaucoup. Le DVD enregistré en 2011 (côte 792 FEY) est à consommer sans modération. C.H. Horaires : Villejuif : lundi mardi mercredi jeudi vendredi 12h-14h30 Clichy : mardi 12h - 14h00 Contact : [email protected] http://ce-lcl.bibli.fr