Mois du film documentaire, novembre 2016

Transcription

Mois du film documentaire, novembre 2016
parenthèse)
journal de la médliathèque
numéro 21 - novembre 2016
Mois du
film documentaire,
novembre 2016
Le documentaire est un genre
cinématographique à part entière.
Il est une œuvre de création.
On l’appelle aussi cinéma du réel.
Il met en place des personnes et
protagonistes non-fictifs. Les lieux
sont naturels, réels. Le documentaire
reconstitue, informe, présente,
explique, émeut, questionne.
Son sujet est une réalité passée,
présente ou future.
C’est un genre très exigeant qui
demande un travail important de
recherches, de documentation,
d’investigation sur le terrain,
d’exactitude des informations à donner,
de patience pour les films animaliers.
Il est à opposer aux reportages et
aux magazines qui ne sont que
des objets informatifs.
Il ébranle nos certitudes, transforme
et approfondit notre représentation et
connaissance du monde. Il reconstitue
la réalité sur l’écran.
De nombreux festivals lui sont
consacrés, et le mois du film
documentaire est un moment privilégié
pour sa diffusion. Il est organisé par
Images en bibliothèques, association
créée pour la valorisation et le
développement des collections de
films documentaires.
La médiathèque présente sa sélection
de films.
1
actualité
No land’s song
(Ayat Najafi)
Film sélectionné par les
bibliothécaires d’Images
en bibliothèques
En Iran, depuis la révolution de 1979,
les femmes n’ont plus le droit de
chanter seules devant les hommes.
En 2013, défiant la censure, Sara
Najafi, jeune compositrice iranienne,
tente d’organiser un concert officiel
pour des chanteuses solistes.
Cherchant des soutiens extérieurs,
Sara rencontre à Paris trois artistes,
Elise Caron, Jeanne Cherhal et Emel
Mathlouthi et leur propose de participer au projet qu’elle développe avec
ses amies Parvin Namazi et Sayeh
Sodeyfi. Mais parviendront-elles à
se retrouver à Téhéran, à chanter
ensemble, sur scène et sans entraves,
et à ouvrir une porte vers une nouvelle
liberté des femmes en Iran ?
Le frère de la jeune compositrice, Ayat
Najafi, filme sa sœur dans sa quête de
liberté pour les artistes de son pays.
Ce film, instructif et émouvant, est à
voir absolumment pour sa qualité de
réalisation, ses images d’archives
montrant la réelle régression des droits
des femmes et notamment des artistes.
2
Eau argentée
(Ossama Mohammed et Wiam Simav
Bedirxan)
Etoile de la Scam en 2015
Exilé à Paris pour son point de vue
sans concession sur le régime de
Bachar al-Assad, le réalisateur syrien
Ossama Mohammed a bouleversé
le festival de Cannes avec la
projection d’Eau argentée, en mai
2014. Cette compilation narrée de
vidéos pixellisées, prises sur le site
de vidéo Youtube, filmées avec des
téléphones portables et autres
technologies mobiles, est un
document historique, une charge
contre le régime autoritaire du dirigeant
syrien, toujours au pouvoir, malgré les
exactions commises sur son peuple,
une répression sanguinaire contre
une population civile, de femmes et
d’enfants, humiliée et outragée.
Documentaire choc, souvent
insoutenable, Eau Argentée est un
témoignage douloureux, mais
nécessaire, sur la révolution syrienne
avortée, réprimée dans une violence
autoritaire qui n’a pas de nom. Le DVD
est immanquable. Film interdit aux
moins de 16 ans
La sociologue et
l’ourson
(Etienne Chaillou et
Mathias Théry)
Film sélectionné par
Images en bibliothèques
De septembre 2012 à mai 2013, la
France s’enflamme sur le projet de loi
du Mariage pour tous.
Pendant ces neuf mois d’intenses
débats, la sociologue Irène Théry
raconte à son fils, le réalisateur,
Etienne Chaillou, les différents enjeux
du projet de loi. Un film original par sa
conception et son ton décalé. Le partipris de réaliser des passages à l’aide
de marionnettes est vraiment étonnant.
Irène Théry aborde avec beaucoup
de simplicité les concepts sociologiques de représentation de la famille,
du couple jusqu’à la conception de
l’enfant. Beaucoup de rythme, des clins
d’œil amusants mais qui n’empêchent
pas une réflexion sur le sujet. Belle
réalisation, belle écriture. Vraiment à
conseiller. A voir aussi les heures de
bonus avec des entretiens des
réalisateurs, d’Irène Théry et de
Christiane Taubira.
Citizenfour
(Laura Poitras)
Dans ce documentaire
glaçant, Laura Poitras
nous fait suivre en
direct le lancement
d’une opération
courageuse, dont les répercussions
n’ont pas encore fini de retomber :
il s’agit des révélations opérées par
Edward Snowden, grâce à l’appui
du journaliste du Guardian Glenn
Greenwald, et de la documentariste
elle-même. Ancien agent de la CIA et
consultant de la NSA, Snowden est un
jeune informaticien dont le sens civique
et l’intégrité exemplaires ont fait de lui
le plus célèbre des lanceurs d’alerte,
en publiant des centaines de milliers de
documents classés et révélant ainsi au
grand jour la surveillance globale
et généralisée orchestrée par les
services de renseignement américains
et britanniques, avec la complicité des
réseaux de télécommunications et
de fournisseurs de services tels que
Google, Microsoft, Facebook, Apple…
Citizenfour permet donc de vivre avec
Snowden le lancement de l’opération,
d’assister à son apparente paranoïa,
qui se révélera ensuite tout à fait
justifiée au vu des révélations et des
poursuites qui s’enclencheront contre
lui, transformant ainsi le documentaire
en véritable thriller d’espionnage. Ici,
la réalité dépasse la fiction, et
« ringardise toute tentative hollywoodienne d’en faire un film » (Première).
Lauréat de l’Oscar du meilleur
documentaire en 2015, Citizenfour
est à mettre absolument entre toutes
les mains.
3
Deux dvd pour changer le monde à voir
absolument
Merci patron !
(François Ruffin)
Merci patron, c’est rien moins que
l’origine du mouvement Nuit Debout,
initié par le désormais célèbre François
Ruffin, fondateur du journal indépendant Fakir. Plutôt qu’un documentaire,
il s’agit en fait d’une satire engagée
et d’un défi lancé au grand capital.
Démarrant comme un faux reportage
en questionnant ironiquement les raisons de l’impopularité du PDG Bernard
Arnault (l’une des premières fortunes
mondiales, propriétaire entre autres de
Vuitton et Dior, responsable de
nombreuses délocalisations d’usines),
il s’intéresse ensuite au sort d’un
couple de chômeurs (« les Klur »)
victimes d’une délocalisation, et
déroule sous nos yeux l’orchestration
d’une incroyable arnaque : sous la
menace de perturbations et de publications dans le journal Fakir, les Klur,
avec la complicité de Ruffin, vont
obtenir de Bernard Arnault l’annulation
de toutes leurs dettes et l’obtention
d’un nouvel emploi stable ! Salué par
la critique autant que par le public,
Merci patron ! est une véritable bouffée
d’oxygène pour toutes les victimes du
capitalisme, un appel à la révolte et à
la réactivation de la lutte des classes.
Surtout, il démontre la grande
potentialité que contient l’alliance entre
la classe intellectuelle (qui détient une
partie du pouvoir médiatique) et la
classe ouvrière.
4
En quête de sens
(Nathanaël Coste &
Marc de la Ménardière)
C’est un film qui aurait
pu passer inaperçu,
comme beaucoup de
documentaires à petits
moyens.
Pourtant En quête de sens a déjà
réussi à attirer plus de 40 000 spectateurs. Un succès inattendu pour les
deux jeunes réalisateurs : Nathanaël
Coste, caméraman et géographe de
formation, et Marc de la Ménardière,
diplômé d’une école de commerce.
La clé du succès réside peut-être dans
le concept du film : l’histoire vraie d’un
jeune homme, Marc, qui travaille
dans une firme agroalimentaire
multinationale à New-York où il essaye
de convaincre le consommateur des
atouts de l’eau en bouteille. Un jour,
son ami d’enfance Nathanaël lui rend
visite et lui laisse une série de
documentaires sur l’état de la planète.
Peu de temps après, Marc est immobilisé chez lui pendant deux mois, à
cause d’une jambe cassée : il regarde
les documentaires et le déclic se
produit. Il décide d’embarquer pour
l’Inde, rejoindre Nathanaël pour un
voyage au long cours, afin de
s’interroger sur le fonctionnement de
notre société occidentale, prisonnière
d’une logique qui crée plus de
destructions et d’injustices que de
bien-être. L’impératif de rentabilité
économique à court terme
conduisant à la catastrophe. Équipés
d’une petite caméra et d’un micro, les
deux amis cherchent à comprendre ce
qui a conduit aux crises actuelles et
d’où pourrait venir le changement.
Pour sortir de cette impasse, ce n’est
pas plus de croissance ou de technologie dont on a besoin. De l’Inde au
Guatemala en passant par l’Ardèche,
c’est toute leur vision du monde qui
change. Tissée autour de rencontres,
de questionnements, de doutes mais
aussi de joies, leur voyage est une
invitation à reconsidérer notre rapport
à la nature, au sens de la vie. C’est
parfois un peu simpliste même si la
démarche est sincère.
Pour poursuivre
cette quête nous vous
conseillons
également Demain,
le film de Cyril Dion
et Mélanie Laurent.
« Et si montrer des
solutions, raconter une histoire qui fait
du bien, était la meilleure façon de
résoudre les crises écologiques,
économiques et sociales, que
traversent nos pays ? Suite à la
publication d’une étude qui annonce
la possible disparition d’une partie
de l’humanité d’ici 2100, Cyril Dion
et Mélanie Laurent partent avec une
équipe de quatre personnes enquêter
dans dix pays pour comprendre ce qui
pourrait provoquer cette catastrophe et
surtout comment l’éviter. »
Durant leur voyage, ils rencontrent les
pionniers qui réinventent l’agriculture,
l’énergie, l’économie, la démocratie
et l’éducation. En mettant bout à bout
ces initiatives positives et concrètes
qui fonctionnent déjà, ils commencent
à voir émerger ce que pourrait être le
monde de demain…
société
Tout est permis
(Coline Serreau)
La sécurité routière est peut-être l’une
des politiques les plus mal-aimées en
France, en particulier bien sûr chez les
automobilistes. Chacun de nous
a entendu un certain nombre
d’arguments, de poncifs et de clichés
contre les mesures répressives de la
sécurité routière (les radars, les
limitations de vitesse, le permis à
points…). Coline Serreau reprend ici
tous ces arguments, énoncés dans la
bouche de récidivistes subissant des
stages pour récupérer leur permis, ou
dans celles d’associations les
défendant, puis les soumet à des
spécialistes qui les rejettent tous, un
par un, y compris les idées les plus
communément admises en société.
On y voit surgir des mentalités
individualistes, vaniteuses, agressives,
irresponsables, sexistes… mais aussi
l’influence du lobby automobile et de
l’alcool. Tout est permis est donc un
portrait à charge de ces conducteurs
à risque tout en leur laissant la parole,
en même temps qu’une formidable
œuvre de pédagogie et de soutien à la
sécurité routière.
5
La Cour de Babel
(Julie Bertuccelli)
Ils sont Anglais, Sénégalais, Brésiliens,
Marocains, Chinois. Ils ont entre 11 et
15 ans, ils viennent d’arriver en France.
Le temps d’une année, ils cohabitent
dans la classe d’accueil, implantée
au collège de la Grange-aux-Belles,
dans le 10e arrondissement de Paris.
24 élèves, 22 nationalités. C’est dans
cette classe que la cinéaste Julie
Bertuccelli et son équipe ont posé
caméra et matériel vidéo pendant
l’année scolaire 2011-2012. Ce sont
ces adolescents qui se sont exprimés
sous les regards vigilants et
bienveillants de la réalisatrice et de
l’enseignante – et ceci à raison de
deux fois par semaine pendant toute
l’année scolaire. Au fil de l’année, les
élèves s’expriment de mieux en mieux
en français, ils s’accrochent et ont une
grande envie d’apprendre et de réussir.
La Cour de Babel est un beau
documentaire, fort utile, qui met en
lumière un exceptionnel dispositif
d’accueil des élèves étrangers, et une
enseignante remarquable – qui prend
une place de plus en plus importante
au fur et à mesure où l’on avance
dans le film. Film très attachant à voir
absolument.
6
Spartacus et
Cassandra
(Ioanis Nuguet)
Pendant trois ans, le réalisateur Ioanis
Nuguet a filmé le quotidien de
Spartacus et Cassandra, frère et
sœur roms de 13 et 11 ans qui ont
connu la rue, la mendicité, les
expulsions, la violence… Ils sont
recueillis par une toute jeune
trapéziste, Camille, dans un cirque
près de Paris. Écartelés entre un havre
de paix proposé par Camille et la rue
où leurs parents vivent, ils restent
inséparables, pleins de vie, et se
débattent avec la justice française qui a
demandé à l’Aide sociale pour
l’enfance de les prendre en charge.
Sous la protection de Camille, ils
mettent leurs parents face à leurs
responsabilités...
Portrait de deux enfants roms mais
aussi en creux portrait de Camille,
jeune femme de 21 ans qui s’improvise
éducatrice parce qu’elle refuse qu’il
n’y ait pas d’avenir pour ces enfants.
Caméra à l’épaule, le réalisateur suit
Spartacus et Cassandra dans leurs
colères, leurs doutes mais il sait saisir
aussi les moments magiques, lumineux
où ils retrouvent les joies de l’enfance :
manger une glace, courir dans la
nature… « Un beau film, qui nous
entraîne au-delà du documentaire,
au-delà d’un réel sordide, au cœur de
la vie. »
société
Wolfpack
(Crystal Moselle)
Le Bois dont les
rêves sont faits
(Claire Simon)
Un lieu, un film. Après Gare du Nord où
se croisaient dans un mouvement
perpétuel amoureux travailleurs,
étudiants, immigrés, Claire Simon a
planté sa caméra au bois de Vincennes
durant quatre saisons. Le film dure
presque deux heures et demie,
on fait un pas de côté comme la
réalisatrice, et hop on quitte la ville,
c’est la campagne, la forêt, la magie
d’un matin d’été. Claire Simon filme le
bois de Vincennes comme une sorte de
paradis retrouvé, un retour à l’enfance,
on est émerveillé devant cette nature,
si proche de l’urbain. Mais, perspicace,
Claire Simon dévoile aussi les autres
faces du bois, celles que l’on découvre
en s’enfonçant dans les sentiers, elle
part à la rencontre de ses promeneurs,
habitués voire habitants du bois. Elle
donne la parole à un dompteur de
pigeons, à deux pêcheurs nocturnes,
à un gay, à une prostituée…
On découvre dans sa cabane Philippe,
installé à l’année qui se réfugie dans
le sommeil. Ils racontent un morceau
de vie, c’est souvent poignant, jamais
glauque car Claire Denis laisse la
parole venir, pose sur ses interlocuteurs un regard bienveillant.
Croisés par hasard
dans la rue, les six frères
dont Crystal Moselle
nous raconte l’histoire
dans Wolfpack est
simplement ahurissante : sous la
pression d’un père paranoïaque et
névrosé, ils sont enfermés pendant la
majeure partie de leur enfance dans
leur appartement de Manhattan, sans
autre ouverture sur l’extérieur que
le cinéma. En rejouant leurs scènes
favorites et leurs personnages préférés
de films sans cesse revisionnés, ils
se construisent un monde fantasmé
à base de costumes et de mises en
scène bricolés, qui leur sert d’évasion
et finalement les prépare tant bien que
mal à une vie sociale. Au moment où
Crystal Moselle entame le tournage
de ce documentaire, les six frères
sont en pleine révolution : parvenus à
l’adolescence, ils se détachent progressivement de l’autorité de leur père
et découvrent avec un regard neuf le
monde extérieur. S’immiscant dans
l’intimité de la famille avec la complicité
des frères et la réticence des parents,
Crystal Moselle suit ensuite leur évolution : l’intégration sociale, les premières
découvertes (la mer, la campagne…),
et finalement leur libération sans heurt.
Salué dans plusieurs festivals (Sundance, Deauville…), Wolfpack est un
documentaire fascinant et très atypique, à mi-chemin entre l’observation
et l’implication directe de son auteur
dans son propos.
7
Free to run
(Pierre Morath)
Des rues de New
York aux sentiers des Alpes suisses,
hommes et femmes, champions ou
anonymes, ils sont chaque année
des dizaines de millions à courir. Il y a
40 ans, la course à pied était encore
considérée comme un acte marginal,
une pratique quasi déviante cantonnée
aux athlètes masculins et à l’enceinte
des stades. Free to Run retrace la
fabuleuse épopée de ce sport solitaire
devenu passion universelle.
Le nouveau film de Pierre Morath,
réalisateur suisse, ancien coureur de
haut niveau et aujourd’hui coach et
consultant pour la télévision, est un
hymne à la gloire de la course libre et
de ceux qui la font exister.
Les Saisons
(Jacques Perrin et
Jacques Cluzaud)
C’est un documentaire animalier pas
tout à fait comme
les autres : au-delà
de la qualité de ses
images – des grands
tableaux pastoraux aux petits détails
de la forêt – et du confort que procure
la musique de Bruno
Coulais et les charmantes scènes de
vie, Les Saisons aborde une autre
façon de filmer la nature, ancrée dans
l’Histoire et le rapport à l’Homme.
8
On peut en effet y observer la nature
sauvage de l’Europe tempérée non pas
comme un écosystème intemporel et
vierge de toute intervention humaine,
mais comme un écosystème dont
les équilibres sont constamment en
évolution sous l’effet des changements
climatiques et sous l’influence de
l’Homme. Ainsi, ce n’est pas seulement
les animaux de la forêt que Perrin et
Cluzaud ont choisi de filmer, ce sont
aussi ceux de la campagne, et même
parfois les animaux domestiques. Nous
conseillons fortement également les
bonus contenus dans le DVD : on y
apprend beaucoup sur les méthodes
utilisées pour filmer un documentaire
animalier, et l’on pourra s’apercevoir
que ce qui est généralement présenté
comme une capture de la vie sauvage
est en réalité une mise en scène
élaborée artificiellement…
Le Bouton de nacre
(Patricio Guzmán)
Film sélectionné par
Images en bibliothèques, - Ours d’argent
- meilleur scénario, Berlinale, Berlin,
Allemagne, 2015.
Partant d’un bloc de quartz, ce
documentaire fascinant se divise
en trois parties qui entretiennent de
subtiles correspondances. Dans la
première partie, le réalisateur chilien
promène une caméra contemplative
établissant des liens entre l’eau et le
cosmos, explorant les bruits de la
nature. Une deuxième partie
émouvante évoque l’extermination
des Indiens de Patagonie. On est
bouleversé par ces images d’archives,
ces photos de peintures sur corps,
mais aussi par le rythme lent et quasi
musical de cette quête de vérité.
La troisième partie dévoile l’autre
massacre chilien, celui de la dictature
de Pinochet. Là encore des images
d’archives et des témoignages
s’entremêlent, sans que le thème
majeur, celui de l’eau, disparaisse.
Un documentaire particulièrement
beau, mais qui est aussi une réflexion
puissante sur l’homme et le cosmos.
danse, musique,
architecture, photographie
Encadrés par deux danseuses, des
adolescents amateurs vont passer
près d’une année ensemble à répéter
la pièce. La découverte de l’univers de
Pina Bausch (qu’ils ne connaissaient
pas pour la plupart) va de pair avec
une découverte d’eux-mêmes. C’est
passionnant, parfois bouleversant. Les
deux danseuses qui guident ces adolescents en devenir les accompagnent
avec exigence et bienveillance. C’est
aussi un bel hommage à Pina Bausch :
son « charisme, l’autorité, la grande
douceur qu’elle dégage donnent à ces
moments une intensité dramatique
digne d’une fiction ».
Les Rêves dansants
(Anne Linsel)
Mr Gaga – Sur les
pas d’Ohad Naharin.
(Tomer Heymann)
Lorsque Pina Bausch
crée Kontakthof à
la fin des années
soixante-dix, c’est
une chorégraphie
de presque trois heures où, dans
une salle de bal, des femmes et des
hommes s’approchent, se heurtent, se
désirent… La longueur, la répétition
créent une impression de violence.
Pina Bausch surprend et choque par
son univers singulier. En 2000, elle
remonte la pièce avec des danseurs
amateurs de plus de 65 ans : cela reste
brutal mais émouvant.
Le film Les rêves dansants retrace la
dernière reprise en 2008 (quelques
mois avant la mort de Pina Bausch).
L’histoire fascinante
d’Ohad Naharin,
célèbre chorégraphe de la Batsheva
Dance Company de Tel-Aviv, dont les
performances dégagent une puissance et une beauté inégalées. Le film
retrace l’invention d’un langage
chorégraphique unique et d’une
technique de danse hors-norme
appelée «Gaga» en parallèle avec le
processus créatif d’Ohad Naharin.
À partir d’images d’archives et de films
familiaux, d’extraits de spectacles,
d’entrevues, on suit le parcours de ce
chorégraphe hors-norme, à la forte
personnalité. Son énergie, sa vitalité
sont communicatives, on en ressort
avec une envie de danser.
9
Amy
(Asif Kapadia)
Sugar Man
(Malik Bendjelloul)
Deux portraits : l’un humaniste,
lumineux - celui de Sixto Rodriguez,
chanteur inconnu proche de Bob
Dylan, aujourd’hui une légende. L’autre
poignant, tragique - celui d’Amy
Winhouse.
Le 23 juillet 2011, à 27 ans, Amy
Winehouse disparaît, victime de ses
addictions à la drogue et l’alcool.
Originaire du nord de Londres, elle a
commencé très jeune dans un
orchestre avant de signer un
premier album intitulé « Frank ». Puis
la célébrité lui est tombée dessus, alors
qu’elle n’était pas du tout armée pour
l’affronter. Le documentariste d’origine
indienne Asif Kapadia se sert des
nombreuses images d’Amy Winhouse
(elle a été filmée tout au long de sa vie,
à peine sortie de l’enfance jusqu’à sa
mort) pour construire son film. C’est
parfois un peu déstabilisant,
dérangeant, on la suit de cuite en cuite,
de chambre d’hôtel en appartement
glauque jusqu’au centre de
désintoxication, mais on est en même
temps fasciné par sa jeune
personnalité, son talent. Alors que la
jeune chanteuse de jazz semblait
promise à une grande carrière,
on assiste à sa chute, impuissants.
10
Oscar du meilleur documentaire en 2013
A l’aube des années 1970, Sixto
Rodriguez, chanteur-guitariste
d’origine mexicaine, enregistre à
Detroit deux albums de folk-rock.
En dépit de son talent, c’est un fiasco.
Sixto Rodriguez retourne travailler à
Detroit. Tout le monde l’oublie. Sauf au
pays de l’apartheid, où le chanteur à
son insu est devenu le héros de la
jeunesse afrikaner contestataire et
où l’un de ses albums importé par
hasard est copié à tout-va (500 000
exemplaires). Des légendes naissent
autour de sa mort présumée… Deux
fans de Sugar Man décident de mener
l’enquête. Le film est construit autour
de ce suspens et on se laisse emporter
par cette belle histoire de renaissance.
Woodstock
(Michael Wadleich)
C’est un documentaire mémorable
que nous a livré Michael Wadleich
en 1994 : Woodstock, trois jours de
musique et de paix relate ce qui est
probablement le plus célèbre des
festivals musicaux, celui de Woodstock
(à 60 km de Bethel dans l’État de New
York), en 1969. Trois jours de folie
rassemblant jusqu’à un demi-million de
personnes : du jamais vu. Le film
débute avec les préparatifs du festival
en plein air, avant de nous proposer
en multi-plans les différents concerts
d’artistes plus mythiques les uns que
les autres : d’abord Richie Havens qui
interprète Freedom (tout un symbole),
puis Arlo Guthrie, Joan Baez, les Who,
Country Joe, Santana, Canned Heat,
Creedence Clearwater Revival, Janis
Joplin… Le dernier jour se termine
en apothéose avec les poids lourds :
Ten Years After avec I Going Home,
la séquence culte de Joe Coocker en
transe sur With a Little Help from my
Friends, Johnny Winter, Blood Sweat
& Tears, puis en soirée Crosby Stills &
Nash (Neil Young n’est pas encore là).
Jimmy Hendrix clôture le festival avec
l’hymne américain. Les concerts sont
entrecoupés de reportages pertinents
nous montrant la vie des festivaliers sur le camp et les réactions des
habitants du village. La prise de son
est excellente et les images superbes.
L’ambiance sur le site est fabuleuse,
aucune violence, pas de vol (même un
orage violent qui aurait pu tout gâcher
devient un moment d’anthologie avec
un concours de glissades dans la
boue), et est parfaitement retransmise
par des caméras qui sont partout, sur
scène, en coulisse et dans le public.
Bref, un document inestimable à voir et
revoir !
Architectures
(série documentaire
sur l’architecture)
(Stan Neumann et
Hervé Copans)
Une remarquable collection de films
de 26 minutes consacrée aux
réalisations les plus marquantes
de l’architecture, de ses prémices
jusqu’aux dernières créations des
grands architectes d’aujourd’hui.
Observée jusqu’en ses moindres
recoins, l’œuvre est au centre du film,
où tout est pensé pour la présenter
seule face aux spectateurs :
documentaire dépourvu de musique
d’ambiance, maquette montrée vide,
commentaires par voix-off.
Nous avons huit DVD de la collection
que nous vous conseillons vivement de
regarder.
11
Le Sel de la terre,
un voyage avec
Sebastião Salgado
(Wim Wenders et
Julian Ribeiro Salgado)
César du meilleur film documentaire
2015.
Wim Wenders, réalisateur de Paris
Texas, dédie ce film au photographe
humaniste brésilien Sebastião Salgado.
Depuis quarante ans, celui-ci, observateur de la nature humaine, parcourt
les continents et représente le monde
en noir et blanc (les conflits, la famine,
l’exode).
Un fil à la patte
Georges Feydeau
L’intrigue de cette pièce est
mince, mais les fils s’emmêlent, créant
des imbroglios et des quiproquos
absolument irrésistibles. M. de Bois
d’Enghien très amoureux de Lucette,
une jeune chanteuse de café-concert,
est forcé d’épouser pour des raisons
pécuniaires la fille d’une riche baronne. Il
doit donc se débarrasser de son « fil à la
patte ». La Comédie-Française a
créé cette pièce de Georges Feydeau
Médiathèque
Comité d’Etablissement
du Siège et des Annexes
LCL
Immeuble Garonne A
2, avenue de Paris
94800 Villejuif / 1er étage
Wenders accompagne le photographe
dans son projet « Genesis », un projet
pharaonique sous forme d’hommage
aux civilisations inconnues, dans lequel il
part à la découverte de territoires vierges
aux paysages somptueux, du désert
algérien à la péninsule du Kamchatka,
en pasant par les îles Sandwich du
Sud. Le Sel de la terre est un superbe
documentaire dans lequel le réalisateur
magnifie le travail du photographe et la
beauté de la planète.
Le coin des lecteurs
en 1961; ce fut un triomphe mémorable ;
l’interprétation de Robert Hirsch dans le
rôle de Bouzin fut mythique. 50 ans plus
tard, Jérôme Deschamps s’empare de
ces 3 actes et de cette virtuosité
caractéristique de Feydeau ; il épouse
la musique et le rythme du texte, qui
s’emballe de manière frénétique et
délirante. Tous les comédiens sont
excellents, s’amusent, et nous aussi.
Beaucoup. Le DVD enregistré en 2011
(côte 792 FEY) est à consommer sans
modération. C.H.
Horaires :
Villejuif :
lundi mardi mercredi jeudi
vendredi
12h-14h30
Clichy :
mardi 12h - 14h00
Contact :
[email protected]
http://ce-lcl.bibli.fr