Enseigner la sociologie auprès des étudiant(e)s en soins infirmiers

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Enseigner la sociologie auprès des étudiant(e)s en soins infirmiers
Enseigner la sociologie auprès des étudiant(e)s en soins infirmiers
Aude GIRIER1
La formation des infirmières est en pleine restructuration. Les études jusqu’ici effectuées au
sein d’instituts en soins infirmiers (IFSI) se voient aujourd’hui progressivement délocalisées vers des
centres universitaires (UFR de Médecine). Les futurs infirmiers diplômés d’Etat (IDE) vont donc avoir
à faire à de nouveaux intervenants et modes pédagogiques. Le contenu même du programme s’est vu
modifié, ouvrant à une démarche singulière tant pour les étudiants que pour leurs formateurs.
Enseignante en socio-anthropologie, depuis une dizaine d’année, je suis à la croisée de deux types
d’enseignement puisque j’interviens en université et au sein d’instituts de formation en soins
infirmiers.
La genèse de la formation d’infirmière indique un mouvement de professionnalisation tout au
long du 20° siècle. La formation en soins infirmiers se construit alors comme un domaine autonome
où l'intervenante en sciences sociales apporte de façon plus ou moins sporadique son éclairage. Depuis
1992, l'approche psycho, socio et anthropologique constituait 160 heures de cours réparties sur trois
années (soit 3,5% du programme) et la psychologie l'emportait grandement sur les sciences sociales.
Enseigner les sciences humaines auprès de futur(e)s infirmièr(e)s consistait alors à faire preuve d’un
grand pragmatisme tout en tentant d’inscrire ces réflexions dans un cadre plus théorique. Dés lors que
l’on s’éloignait un peu trop de l’objet concret, le risque de réduire le discours à d’ineptes logorrhées
était fort. Même si la mise à distance de la relation soignante était in fine l’un des objectifs
fondamental de la formation, le moyen d‘y parvenir ne consistait pas d‘un point de vue pédagogique à
s‘éloigner de la mise en situation. Science transversale, la sociologie attirait ainsi les étudiants pour
son caractère moins formel, plus réflexif mais nombreux était encore ceux qui restaient dubitatifs.
Le nouveau programme ne peut pas encore faire l’objet d’un bilan, pour ce faire, le recul en terme de
temps manque. Cependant, une analyse de la place donnée aux sciences humaines et aux sciences
sociales en particulier indique déjà des intentions paradoxales. En effet, le nouveau programme pose
les sciences humaines comme des savoirs « initiaux » qui apparaissent dés le premier semestre et sont
pré-requis pour deux autres compétences et quatre autres unités d‘enseignement. La sociologie et
l’anthropologie apparaissent en particulier dés le second semestre avec 25 heures de cours magistraux,
10 heures de travaux dirigés et 15 heures de travaux pratiques. Cette forte réduction du taux horaire
s’accompagne pourtant d’une opération d’envergure puisqu’il s’agit de doter les étudiants de savoirs
transférables à leur future pratique professionnelle. Se pose alors la question de l'enseignement des
méthodes, question qui reste dans bien des cas en suspens. Parallèlement, on voit s'appliquer
l'exigence de l’autonomie professionnelle sur le nouveau programme de formation. Cela se traduit par
une approche conceptuelle qui organise le déroulement de la formation. Les étudiants en soins
infirmiers doivent alors se saisir des savoirs et savoir-faire afin de s’inscrire dans une pratique
professionnelle. La sociologie occupe dés lors la place d’une science contributive à l‘ensemble des
savoirs nécessaires pour un tel objectif ambitieux.
C’est donc ici l’occasion de réfléchir aux implications des transformations du programme. Le
but de notre communication est donc d’analyser les nouvelles pistes que suppose l'universitarisation de
la formation en soins infirmiers. L’intérêt d’une telle problématique n’est pas seulement pédagogique,
elle permet aussi de réfléchir aux fondements même des sciences sociales appliquées au domaine
paramédical. En effet, à travers la question du comment enseigner la sociologie à de futurs infirmiers
nous nous attarderons aussi sur la question du pourquoi.
1
Docteur en sociologie, Chargée de cours, Université Pierre et Marie Curie, Paris.