Monologue d`un homme parfait
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Monologue d`un homme parfait
Semaine 112 Monologue d’un homme parfait Un homme parfait entre. Salut, moi c’est Joseph. Mi-homme, mi-démon. Mi-femme, mi-saumon, mie de pain, pis demain quoi alors ? Cela fait beaucoup de mi, peu de sol pourtant je suis seul. Je joue avec les mots, avec les maux parce que c’est facile, des fois ça se prononce pareil et je me complais dans les quiproquos que le langage procure. Alors il faut bien rire, jouer de calembours et de contrepèteries en contrepartie. Utiliser des mots savants parce que ça fait cool de nos jours, on gagne en autorité, on écrit du théâtre pour impressionner les minettes, pas les chiennes. Je ne veux pas d’une chienne, c’est sale, ça pue et il faut les promener. Non, une minette ça se lave, c’est indépendant et on a pas trop besoin de s’en occuper, à part quelques caresses de temps en temps parce que ça fait du bien quand même. Moi je suis un homme parfait, je veux dire, parfaitement imparfait c’est ce qui me rend si beau. Je t’écoute, je m’écoute, j’écoute mon passé qui s’égoutte, chaque goutte, une à une, je les écoute toutes. Do mi sol, je suis seul sur le sol, agonisant de bonheur futile et inutile, pourtant si fragile comme l’argile des colosses, l’asile des bolosses comme ils disent dans leurs ghettos, dans les clips de rap à fromage de chèvre, les chèvres du ghetto qui hennissent comme des taureaux. Pas tous hein, il y a des cons partout, même Mozart peut être. Car comme le dit l’adage populaire, si Mozart n’est pas mort, Mozart est là, et c’est tant mieux pour le business des pizzaiolos du coin. Mais je ne suis pas venu pour parler de ça, je suis venu pour parler de moi, tel que vous me voyez devant vous. Parce que je ne suis pas Joseph en fait, je suis juste le comédien qui joue Joseph, et celui qui crie, nie et même prie pour vous tous qui venez au théâtre pour m’entendre murmurer à voix haute, pour m’entendre gueuler ! Vous venez ici pour vous contempler dans un miroir qui vous répugne. Vous ne valez pas mieux que moi. Je ne suis qu’un personnage pourtant je suis plus vrai que la plupart d’entre vous. Jouons la comédie mes amis, la comédie comme Eddy dans « Ed Edd + Eddy » (désolé, si vous ne saisissez pas la référence, c’est que vous n’aviez pas 10 ans au début des années 2000). Alors maintenant écoutez-moi crier, ça va vous faire du bien, c’est la Catharsis ou Katharsis parce qu’on peut l’écrire avec « C » ou « K » ça n’a pas d’importance. (Il s’allume une cigarette.) Je voudrais me casser de cette scène de théâtre de merde, mais je ne peux pas, j’y suis enfermé, je suis un personnage. Mais pour vous il est encore temps, tirez-vous, je ne rigole pas. Sortez ! Vous écoutez le monologue d’un homme parfait, parfaitement imparfait c’est ce qui le rend si beau. Je l’ai déjà dit je sais. Et puis de toute façon je m’en fiche, je sors de ce rôle qui commence à me brûler la peau, je suis encore libre de le faire, seul Joseph est condamné à errer entre ces 4 murs invisibles, moi je me casse, j’en ai assez d’entendre vos plaintes et vos velléités toutes pourries d’hommes révoltés, vraiment, je me casse. Il faut bien vivre, c’est trop dur de porter l’humanité en soi, c’est dur d’être l’animal devant tant de gens civilisés et bien fournis. N’enviez pas Joseph, il n’est pas drôle, et même s’il l’était ça ne serait qu’un personnage, une figure factice. Il semble bien réel pourtant, plus réel que vos petites vies, vos petits problèmes insipides que vous venez oublier ici, à 40 francs la place, parce qu’on peut se le permettre quand on a joui de la vie et qu’on a fait carrière. Soyez satisfaits, ne vous faites pas de mouron, personne ne vous en veut, vous êtes des hommes parfaits, des femmes parfaites, parfaitement imparfaits, c’est ce qui vous rend si beaux. Restez si vous voulez, je voulais juste que vous sachiez que vous avez le choix. Personne ne vous retient. Surtout pas moi ! Il sort. Michaël Gay des Combes