Participants, titres et résumés ATELIERS

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Participants, titres et résumés ATELIERS
Participants, titres et résumés
ATELIERS
1-Anthropologie religieuse (resp. Zakaria RHANI, [email protected]/Khalid MOUNA,
[email protected]) : Lundi 9 septembre, 14h-17h (Lieu : Dar Souiri)
Note d’orientation :
Durant les dernières décennies, le champ religieux au Maroc a connu de nouvelles
« reconfigurations » et « réajustements » liés surtout aux changements d’ordre sociopolitique et
culturel – avec notamment les réformes du champ religieux et l’arrivée de certains représentants de
l’islam politique au pouvoir. Pour saisir cette dynamique politico-religieuse l’accent sera ainsi mis
sur les perspectives anthropologiques qui interrogent les processus de reformulations religieuses
sur le terrain et les nouvelles significations qu’elles prennent dans un monde changeant.
Ce qui nous amène, d’une part, à analyser la question des ré-articulations « idéologiques » qui
encadrent ces pratiques religieuses, et, d’autre part, à explorer multiples manifestations du religieux
au Maroc, en Algérie et en Tunisie – dans ses différentes expressions : mystique, confrérique,
rituelles, culturelle, etc. – avec d’autres pratiques et croyances, notamment thérapeutiques et
festives. Les thématiques de ce panel s’articuleront ainsi autour des deux axes suivants :
1) Les processus politico-religieux au niveau local et national : islam politique, politiques
islamisées, constructions religieuses de l’ordre politique, pratiques religieuses politisées.
2) Le processus rituel des pratiques religieuses: on abordera sous cette thématique différentes
expressions rituelles collectives et individuelles : pèlerinage aux lieux de culte, tourisme
religieux, thérapie et catharsis.
Participants:
1-Ariel Planeix (Univ. Paris I, IEDES-IRD), [email protected]
2-Jamal Bammi (Rabita des Oulémas, Rabat), [email protected]
3-Abdelhakim Aboullouz (Associé CJB, Rabat et CM2S, Casablanca), [email protected]
4-Nadia Fadil (Univ. Catholique de Louvain), [email protected]
5-Katia Boissevain (AMU-CNRS-Idemec, Marseille), [email protected]
6- Mohammed Habib Samrakandi (Univ. de Toulouse) [email protected]
7-Nazarena Lanza (CJB, Rabat, et Idemec, Marseille), [email protected]
8-Abdou Seck (Univ. Gaston Berger St-Louis du Sénégal) [email protected]
9-Manoël Pénicaud (MuCEM-Idemec, Marseille), [email protected]
10-Abdelaziz Hlaoua (CJB, Rabat et Univ. Grenoble), [email protected]
11-Salima Naji (Associée CJB, Rabat), [email protected]
Titres et résumés:
1) Ariel Planeix
De quoi l'hétérodoxie est-elle le nom ? Réflexions sur la production des catégories de
l'anthropologie religieuse au Maroc (et au Maghreb).
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Nourrie par la confrontation avec l'histoire cultuelle d'une population berbérophone du Maroc (les
Zkara) présentée comme antimusulmane – tant les pratiques rapportées semblaient éloignées de
l'islam tel qu'appréhendé par les orientalistes –, cette réflexion sur les catégories les plus à même de
décrire, traduire et restituer les formes et les traditions du culte chez les Zkara a conduit à
questionner la structuration disciplinaire de l'anthropologie religieuse.
L'anthropologie n'est pas un simple relai documentaire de l'histoire. A ce titre, les catégories
historiennes des formes religieuses n'ont pas nécessairement à être adoubées par l'anthropologie.
C'est justement la force de celle-ci que d'enrichir et d'actualiser la pensée des phénomènes sociaux
et culturels réunis sous le vocable religion. Les noms donnés d'Ahl al kitab, de Baqia, de chamanisme
islamique ou de paganisme, d'héritage de la jahiliyya, d'erreurs ou d'altérations du dogme sont
encore pleinement, sinon exclusivement, tributaires d'une surdétermination du religieux par le
monothéisme, lui-même pourvoyeur de catégories changeantes dans l'histoire.
C'est en suivant le tracé fragile du mouvement youssefite et de ses descendances indésirées que je
souhaite illustrer ce chantier de réflexions sur des pratiques, leur histoire et le nom qu’on leur a
donné.
2) Jamal Bammi
Rituels thérapeutiques au Maroc : contextes actuels et ancrage historique
Mon intervention portera sur les dynamiques à la fois synchronique et diachronique des
procédures thérapeutiques et cathartiques au Maroc. Dans cette perspective, les plantes sont
présentées et représentées comme des supports ou des médiums pour des pratiques rituels, et
comme étant des intermédiaires entre le monde visible et le monde invisible.
Je montrerai, d’une part, que c’est à travers ces supports naturels que la société développe un
discours sur la vie, la mort, l’amour, la maladie, le mal et les conflits sociaux ; et illustrerai, d’autre
part, à quel point des rituels relevant des cultes de la nature et du surnaturel sont ancrés dans un
discours savant, notamment dans des écrits religieux de référence.
3) Abdelhakim Aboullouz
Les mutations de la religiosité traditionnelle dans les montagnes de la région de Souss (Maroc)
Dans le cadre d’un travail de recherche sur la religiosité dans les zones rurales au Maroc, nous
constatons, d’après les observations tirées lors du festival religieux de la tombe de Sidi Mohammed
Abed EL BOUCHOUARI à Ait Baha (66 km au sud d’Agadir), que le comportement des disciples qui
côtoient les tombes religieuses fait l’objet de transformations. Celles-ci se reflètent dans le fait que
les principes de l’Islam classique (le Coran et la tradition prophétique) trouvent petit à petit une
place chez les personnes qui rendent régulièrement visite aux tombes. Elles peuvent par ailleurs
être justifiées par les différents us et coutumes ainsi que les relations sociales qui s’installent autour
de ces tombes. En réalité, ces transformations ne sont pas dues à l’émergence des mouvements
salafistes mais principalement à l’époque coloniale, durant laquelle un mouvement qui se basait
alors sur les textes religieux – Al Haraka Nossoussia – a fermement dénoncé les traditions imputées
à tort à la religion. Un nouvel acteur, qui n’est autre que le mouvement salafiste, est à l’heure
actuelle venu compléter l’action de ce mouvement pionnier. C’est pourquoi ces espaces ne
connaissent plus les mêmes rites qu’auparavant, d’autres causes expliquant ce phénomène, comme
les initiatives de lutte contre l’analphabétisme menées par les associations de la société civile, ainsi
que les difficultés naturelles liées notamment à la concentration de ces tombes dans des zones
escarpées qui rendent leur visite très difficile…
4) Nadia Fadil
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Authenticating the past, disqualifying the present. Reclaiming the "traditional" Islam of the
parents
Scholarship on Islam in Europe has examined how Muslim practices change as a result of their
presence in Europe. Within this perspective, the idea of a generation gap has emerged as an
important analytical template to assess these developments. Drawing on fieldwork with Belgian
Muslims of Moroccan origin, this paper seeks to nuance this perspective by exploring accounts
wherein the religious legacy of the parents is actively reclaimed. This was especially the case for
liberal and secular respondents who represented their parent’s Islam as open and progressive. In
exploring these narratives, I will argue that these positive reassessments of the “traditional Islam” of
the parents articulate a new understanding of the relationship between past and present, which
subverts a classical modernist teleological account. A perspective, in which the notion of "tradition"
is not only viewed as the holder of ancient habits, but also comes to be resignified into the carrier of
religious ethics and sensibilities that are associated with liberal modernity. This provides for a
ground in which liberal accounts of Muslim ethics come to be inscribed in an older genealogical line,
whereas non-liberal forms of religious orthodoxies come to be dismissed as idiosyncratic and
inauthentic innovations.
5) Katia Boissevain
Des zâwiyas en feu : traitement contrasté de deux sanctuaires saints dans une Tunisie en
Révolution, Saïda Manoubiya et Sidi Bou Saïd
En Tunisie, des sanctuaires saints, petites mosquées et cimetières ont connu une série de
dégradations et d’incendies qui a culminé avec l’incendie du sanctuaire de Sidi Bou Saïd en
novembre 2012. Dans cette intervention, en m’intéressant de plus près à deux zâwiyas importantes
aux alentours de la capitale, celle de Sayyda Manoubiya et celle de Sidi Bou Saïd, je reviendrai sur les
conséquences de ces violences. Une conséquence directe de ces incendies se trouve dans une forme
de résistance identitaire au sein de la société civile, qui réaffirme – à l’occasion du Mouled- les
spécificités d’un islam maghrébin face à un idéal wahhabite autoritaire. Cette résistance est portée
par un élan spontané en même temps qu’elle prend forme grâce à un dispositif patrimonial
institutionnel solide. Pour autant, les moyens institutionnels ne se déploient pas de la même
manière dans l’une et l’autre zâwiyas. Je décrirai comment les énergies tournées vers Sidi Bou Saïd
contribuent à restaurer la vitrine du pays et redonnent confiance aux citadins tunisois dans une
période de grande incertitude. J’exposerai aussi les difficultés rencontrées par les fidèles souhaitant
aider à la restauration de Sayyda Manoubiya et le désœuvrement des familles pauvres qui
dépendent du rôle de redistribution que jouait préalablement ce sanctuaire.
6) Mohammed Habib Samrakandi
Rituels et rite d’institution. Etude comparative de deux ordres spirituels algéro-marocains en
contexte de mobilité migratoire : la ‘Alawiyya et la Tijâniyya
Ma proposition de communication s’inscrit dans la perspective de l’anthropologie-historique et
fonde sa comparaison sur mes observations de terrain (2005-2013). Un terrain qui fait le va et vient
entre La France, l’Algérie et le Maroc. Il porte sur deux confréries qui ont historiquement pris
souche sur le sol algérien comme sur le sol marocain : La confrérie Tijâniyya et la confrérie
‘Alawiyya-Qâdiriyya-Châdhiliyya. J’envisage d’examiner à l’occasion de ce Colloque d’Essaouira les
transformations progressives opérées au sein des deux ordres, en prenant comme indicateuranalyseur de changements les rituels collectifs des deux confréries.
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La confrérie ‘Alawiyya, sous la direction de son actuel Guide spirituel Cheikh Khaled Bentounès, a,
depuis deux décennies, élargi son champ d’action(voir schéma ci-joint) et de recomposition de ses
adeptes, conséquence de pratiques novatrices et inédites dans l’histoire du confrérisme maghrébin :
Articulation entre confrérisme et scoutisme ; spiritualité et citoyenneté ; mixité durant le rituel,
mode d’organisation confrérique et associative (type Loi 1901) ; double appartenance des adeptesconvertis… Pèlerinage croisé des adeptes sur la tombe du pôle de la sainteté Moulay Abdessalam
Ibn Machich (Nord du Maroc) et sur la tombe d’Ahmed Alioua (m.1934) à Mostaganem; fondateur
de la branche ‘Alawiyya.
Du côté de la Tijâniyya, mon observation a porté sur la mobilité des branches tidjanes entre deux
maisons-mères concurrentes (Fès/Maroc et ‘Aïn Mâdhî/Algérie). Le fait migratoire a favorisé le
croisement des pratiques rituelles, portées par des disciples d’origines diverses : le Maroc, l’Algérie,
la Mauritanie et le Sénégal. […]
L’observation fine des différents rituels, source de divergences, dévoile en fait des enjeux de
pouvoirs majeurs : La circulation de biens matériels et matrimoniaux et la détention exclusive de
délégation de l’autorité de représenter localement le Maître vivant. La question de l’implantation
progressive de l’islam confrérique prend une importance capitale dans la stratégie d’essaimage chez
les Guides spirituels. Ces derniers, estiment que la présence de leur ordre en Europe est vitale. D’où
l’intérêt de s’interroger sur le problème de la délégation de l’autorité.
Ce que les adeptes rappellent dans le rituel même n’est que la célébration des anciens, garants de
l’authenticité de ce qui est transmis jusqu’à eux. Pour le cas de la ‘Alawiyya, l’une des prières
maîtresses du rituel consiste à prier pour toute la chaîne des transmetteurs de l’ordre ‘Alawi en
déclinant dans une forme poétique rimée, destinée précisément à la mémorisation par les disciples
des noms des Maîtres, suivis de la vertu spécifique de chacun, qui singularise son apport à l’héritage
spirituel de la confrérie […] C’est à la double lumière des concepts de l’Isnâd et du rite d’institution
que j’envisage d’ouvrir un nouveau chantier, de mon point de vue singulier, en analysant les
mécanismes sous-jacents aux modifications des rituels chez deux confréries maghrébines prises
dans des ‘’tentatives d’instrumentalisation politique’’ de la part des trois pouvoirs: algérien, marocain
et français.
7) Nazarena Lanza
Une zawya privée pour un cheikh moderne: échanges autour du soufisme marocco-sénégalais à
Salé
Avec mon intervention, je voudrais présenter une zawya « privée » de Salé, les convivialités qui
animent ses soirées et certains de ses protagonistes. Il s’agit d’une zawya spéciale, car créée dans un
appartement par un jeune entrepreneur marocain, cheikh de la zawya, converti à une branche
sénégalaise de la tijaniyya. Le lieu remplit les fonctions classiques d’une zawya, c'est-à-dire la prière,
l’accueil, l’échange, le loisir. Ce qui la distingue, c’est cet accueil spécialement adressé à des jeunes
sénégalaises (parfois mauritaniennes et nigériennes) issues de familles maraboutiques de la
branche niassène, ou « réformée », de la tarîqa Tijaniyya. A partir de la reconstruction de certaines
conversations, je voudrais aborder plusieurs questions qui touchent la conception moderne d’un
soufisme « vécu » : la mission de la zawya, le sens de la quête et la valeur du voyage, la relation à
Dieu et aux rêves, le langage « informatique » pour expliquer la « voie », les défis et pratiques de
jeunes marabouts sénégalais au Maroc…
Tous ces éléments se dessinent sur le fond d’un soufisme transnational qui reconfigure la
géographie classique, tant physique que spirituelle, du « centre » et de la périphérie de la confrérie.
D’une part, Omar, le cheikh de la zawya, se rend chaque année à Kaolack, ville du Sénégal berceau
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des niassènes. Il accueille également les niassènes sénégalais qui viennent au Maroc pour la visite au
mausolée du fondateur de la « zawya mère », Cheikh Ahmed Tijani. D’autre part, cette branche de
Tijaniyya constitue un courant « réformiste », aux limites de l’hérésie pour les défenseurs marocains
du dogme, qui est en train, néanmoins, de faire place à un nouveau discours.
8) Abdourahmane SECK
Maroc-Sénégal : figures et enjeux de la circulation des ressources symboliques et religieuses
islamiques.
Dans cette communication, nous mettrons en regard trois différents tableaux, après avoir
préalablement opéré une brève mise en perspective historique et symbolique des relations
politiques et culturelles qui lient le Maroc et le Sénégal. Le premier tableau portera sur la
transformation de l’espace marocain en haut lieu de conflit symbolique par les daahiras (cercles –
religieux) des migrants sénégalais, tant entre elles qu’à l’intérieur des équilibres ou clivages
internes qui les traversent. Le deuxième analysera les usages marocains des dynamiques du
religieux au Sénégal, à travers une série de portraits et d’itinéraires croisés sur notre terrain. Le
troisième, enfin, mettra en relief les figures les termes et enjeux de l’instrumentation de la notion de
« commandeur des croyants » dans le débat politique sénégalais, à l’occasion de la dernière visite du
roi Mohamed VI à Dakar.
L’exposé de ces trois tableaux montrera, en filigrane, l’existence d’un phénomène de circulation de
ressources symboliques et religieuses entre les deux espaces respectifs du Maroc et du Sénégal,
dans une logique de transformation, recomposition, réinvention constante du grand récit politique
de l’unité fraternelle qui lie les deux pays.
*Cette communication s’inscrit dans le sillage d’une recherche plus large, conjointement menée avec
Nazarena Lanza.
9) Manoël Pénicaud
Du pèlerinage des sept Regraga aux Sept Dormants (Ahl al-Kahf) au Maghreb. Retour sur un
itinéraire de recherche.
Entre 2002 et 2010, j’ai étudié le pèlerinage des Regraga dans le pays chiadma (région d’Essaouira)
au Maroc. A chaque printemps, ces « confréries » accomplissent un daour (tour) de 39 jours lors
duquel ils visitent 44 sanctuaires de leurs ancêtres, particulièrement chargés de baraka. Cette
ethnographie s’est inscrite dans les pas de Georges Lapassade (D’un maraboutl’autre, 2000) et
d’Abdelkader Mana (Les Regraga. La Fiancée de l’eau et les Gens de la Caverne, 1988),ce qui a apporté
un autre éclairage sur ce phénomène social complexe, 20 ans après mes prédécesseurs et a donné
lieu à plusieurs productions (Dans la peau d’un autre, 2007, etle documentaire Les chemins de la
Baraka, 2007). L’une des hypothèses de travail était que le mythe fondateur des premiers Regraga –
sept chrétiens convertis à l’islam par le prophète Mohamed – était un avatar de la légende plus
répandue en Méditerranée des Sept Dormants d'Éphèse, mieux connus en islam sous le nom de Ahl
al-Kahf (Gens de la Caverne). Cette corrélation avait également été énoncée par l’orientaliste Louis
Massignon dans l’importante étude qu’il leur a consacrée, notamment avec le concours d’Emile
Dermenghem (Revue des Études Islamiques, 1954-1963). Mais mes recherches dans les archives de
Louis Massignon et sur les Sept Dormant tendent finalement à infirmer cette hypothèse. Par contre,
ces mêmes recherches m’ont fait revenir au Maghreb sur les traces des Ahl al-Kahf dont le mythe est
parfois (re)convoqué aujourd'hui en dehors du culte des saints.
A travers cet itinéraire de recherche, cette communication propose une traversée réflexive dans le
Maghreb contemporain, du maraboutisme des Regraga aux réinterprétations inattendues du mythe
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des Sept Dormants, à l’instar de leur réveil quasi-sécularisé dans le contexte de la révolution de
jasmin en Tunisie.
10) Aziz Hlaoua et Khalid Mouna
Lalla Aïcha la multiple : pouvoir symbolique au féminin »
En dépit du nombre très réduit des filières de l'ordre des Hmaddcha encore actives aujourd’hui au
Maroc, le moussem de Sidi Ali, zâwiya-mère de Hmaddcha, continu d'attirer un nombre important
de visiteurs venant de tous les coins du Maroc.
Nous avons observé le moussem de pèlerinage de Sidi Ali, cette année, en 2013, et malgré la
fermeture du sanctuaire du Saint Sidi Ali Ben Hamdouch pour restauration, des dizaines de milliers
de visiteurs dont la majorité sont des femmes ont accompli les rituels de pèlerinage dans les trois
lieux saints: Sidi Ali, la grotte Lalla Aïcha et le sanctuaire de Sidi Ahmed Dghoughi. Nous sommes
plus particulièrement intéressés par les pratiques rituelles des milliers des visiteurs et pèlerins au
lieu-dit de "Lalla Aicha", à quelques mètres du sanctuaire du Saint Sidi Ali. Nous souhaitons décrire
et analyser le statut de la sainte et comprendre ce personnage prend de multiples statuts et
fonctions. Notre intervention est le résultat d'un travail ethnographique effectué pendant le
moussem de Sidi Ali ben Hamdouche en janvier 2013, elle sera accompagnée d'un court film
ethnographique.
11) Salima Naji
Igudars et culte des saints. Les réseaux de sacralité des sociétés rurales contemporaines du
Maroc présaharien.
Les terrains de recherche conduits durant plusieurs années du HAUT-ATLAS à l’ANTI-ATLAS (300
greniers actifs, moribonds ou ruinés) dans l’objectif de réactualiser les données coloniales
soutiennent l’idée d’une communauté élargie, au-delà des liens du sang, dont l’institution collective de
l’agadir sacré affirme l’identité. Car c’est à dates fixes chaque année, que toutes les tribus possédant
un grenier actif, apportent en effet leurs dons aux grandes zawya-s méridionales placées sur les
franges présahariennes et renouvellent alors leur allégeance par serment aux grands Saints
régionaux (Imi n’Tatelt, Tamegrout, Tazerwalt, Timggilsht). Relation singulière qu’il convient
d’appeler le système [zawya-grenier], système par lequel circule une partie des biens nourriciers
produits dans ces régions, rendant indispensable la vieille institution collective d'entrepôt. Les
circulations de dons apparaissent bien comme les prestations totales d’un système articulé autour de
la baraka. Les règles cependant évoluent, polarisées distinctement par les deux « institutions-choses »
que sont la religion, d’une part, et le patrimoine, de l’autre, selon des logiques de rupture, d’effacement
des mémoires et de réécritures des pratiques individuelles et collectives. Parallèlement, les saints des
zawya-s font l’objet de critiques qui les assignent à disparaître. La persistance des rituels participe à
la fois de la résilience d'une religiosité qui veut se distinguer d'un Islam extérieur et modernisateur,
et d'une dimension identitaire et patrimoniale. Intégrés aux grands mouvements mondiaux
islamiques affirmant (ou réaffirmant) l’unicité d’une umma qui peut, désormais, grâce aux médias
diffuser à grande échelle une unité de pratiques et de croyances. Ce déplacement du sacré fera
l’objet de cette communication.
2-Ethnomusicologie du Maroc, Patrimoine immatériel (resp. Abdelkader MANA,
[email protected];/Philippe DE LABORDE PEDELAHORE,
[email protected]) : Lundi 9 septembre, 14-17h (Lieu : Musée
d’Essaouira)
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Note d’orientation :
La musique populaire est très vivante au Maghreb. Si le folklore appartient au passé des
sociétés postindustrielles, il reste encore une réalité vivante : chaque groupe ethnoculturel ou plus
simplement groupes d’hommes rassemblés selon des affinités diverses dispose d'une culture qui lui
est plus ou moins propre. Le programme de recherche dénommé « Paroles d'Essaouira », en tant
que « Carrefour culturel », que Georges Lapassade avait lancé en 1980 qui visait à recueillir et à
analyser, les chants des moissonneurs, des artisans, des marins, des confréries religieuses, des
femmes, des comptines d'enfants, mais aussi l'accueil du rock'n roll…
En effet, si les Anglo-saxons substituent au terme de « tradition orale », le vocable de « folklore » qui
signifie étymologiquement « la culture populaire » et que pour Marcel Mauss, « Est populaire, tout
ce qui n'est pas officiel », il y a eu passage et fixation du concept de patrimoine intangible, puis
patrimoine oral de l'humanité à celui , maintenant, de « patrimoine immatériel ». Son acte de
naissance est grandement redevable à la Commission nationale marocaine pour l'UNESCO qui
organisa une consultation internationale sur la préservation des espaces culturels populaires, à
Marrakech, du 26 au 28 juin 1997.
La richesse des travaux en ethnomusicologie au Maroc et dans l'ensemble du Maghreb nous invitant
donc à (re)visiter les permanences et les évolutions du patrimoine musical maghrébin, Nous
proposerons aux intervenants de nous offrir des aperçus sur les modalités des expressions
musicales, y compris les plus neuves, dans l'ensemble du Maghreb. Mais c’est par extension tout ce
qui relève au Maghreb de cette notion de « patrimoine immatériel » dont nous traiterons dans cet
atelier de recherche.
Participants:
1. Abdelghani Maghnia (Univ. de Fès), [email protected]
2. Jean During (Univ. Paris-Ouest), [email protected]
3. Miriam Olsen (Univ. Paris-Ouest), [email protected]
4. Jacques Willemont (Univ. Strasbourg), [email protected]
5. Jean François Clément (ICN, Nancy), [email protected]
6. Farid El Asri (UIR, Rabat, associé CJB), [email protected]
7. Abdelkader Mana (Essaouira, Maroc), [email protected]
Titres
1. Abdelghani Maghnia
« La transe et la musique : dimension spirituelle et fonction intiatique ? »
2. Jean During
« Dévotion, adoration, guérison : la polyvalence des pratiques cultuelles dans la sphère
musulmane »
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Si le Maroc a été un terrain privilégié pour les recherches sur la transe, et la possession, l’étude de
ces phénomènes et des rituels où ils se déploient a tout intérêt à s’étendre Maghreb entier, et plus
encore au Mashreq aux confins de l’Orient musulman. Une approche comparative révèle des
affinités profondes qui témoignent de la circulation des pratiques et des représentations entre des
cultures bien distinctes, et au-delà, de catégories anthropologiques plus générales.
Au-delà des mers et des terres, les mêmes questions surgissent, telles que :
- les relations entre pratiques dévotionnelles et cultuelles (soufisme, culte des saints, négociation
avec les esprits), -les types d’effets recherchés (thérapeutiques ou prophylactiques, somatique ou
psychosomatique), -l’aptitude à la modification des états de conscience (innéee, héréditaire, ou
sociale), - les catégorisations de ces états (simulation, excitation, transe, surconscience...), - la nature
des individualités ou des forces invoquées (esprit, présence, génie, succube...), - l’efficacité de la
musique (rythme, devises, timbres), et bien d’autres encore. Ces thèmes seront évoqués à partir des
données recueillies dans l’aire du Golfe persique où convergent les cutures arabe, africaine et
iranienne.
3. Miriam Olsen
Musique et agriculture: de la pratique au concept
Dans ma contribution, je présenterai quelques réflexions issues de mes recherches dans l'Anti Atlas
et le Haut Atlas marocain; elles porteront sur le lien entre la musique (chant, poésie, tambours,
danse) et l'agriculture (orge, dattier, certains animaux). Dans un premier temps, je m'interrogerai
sur ce que l'établissement d'un tel rapport permet de comprendre de la musique comme de la
perception par les villageois des plantes et des animaux. Le propos s'appuiera sur trois types de
répertoires villageois représentatifs de la région qui manifestent chacun un rapport différent à
l'agriculture: ahwash, ladkar, chants rituels de mariage. Dans un second temps, j'aborderai certaines
perspectives qui découlent de ces recherches, relatives à la comparaison des musiques rurales au
Maroc et au Maghreb.
4. Jacques Willemont
« La transmission participante des connaissances dans le cadre d’une recherche en
ethnomusicologie »
Les colloques ont pour objectif de faire connaître à la communauté scientifique du domaine qui y est
abordé, l’avancée des connaissances et il serait possible de définir ce qu’est un bon colloque au
nombre de participants qui repartent avec le sentiment d’être finalement plus ignorants qu’ils ne le
croyaient. Remettre en question de manière permanente ses connaissances constitue la voie royale
qui conduit au savoir. Il est acquis qu’aucun enseignant au monde, qu’aucun spécialiste d’aucune
matière scientifique n’est en mesure de transmettre un savoir. Par contre, il est dans les obligations
des hommes de sciences de transmettre leurs connaissances à ceux qui participent à des formations
spécialisées et même à ceux qui souhaitent apprendre tout au long de leur vie et il est regrettable
que ces mêmes personnes soient trop souvent inaptes à remettre en question les modalités de leur
action pédagogique, de la transmission de ces mêmes connaissances.
Le « ménage à trois » fonctionne parfaitement, de la maternelle à l’université. Dans un monde clos
sont d’abord réunis le maître qui dit une certaine vérité et les émules qui la répètent. En parallèle,
plus ou moins à l’extérieur, la Société (parents compris évidemment) qui va émettre des
recommandations, des réprimandes et finalement faire son marché, en fonction des critères
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« pédants » (c’est Montaigne qui qualifie) que l’école et l’université imposent et gratifient : capacité
de mémoire, capacité de reproduire sans remise en cause, … Tout le monde sait cela ou le prétend.
Ce type de formation, très universel semble-t-il, mais assurément judéo-islamo-chrétien, ne
correspond plus (1) à l’éducation dont les sociétés actuelles ont besoin pour relever les défis
qu’elles génèrent. Le libre arbitre se forge au creuset de la multiplicité des points de vue. En
pédagogie, un œcuménisme laïc, interdisciplinaire et participatif est une des solutions, parmi
d’autres, que l’auteur de cette thèse expérimente.
Et cette démarche qui est d’autant plus essentielle dans l’enseignement à distance, s’applique aussi
bien pour la connaissance des Gnawa, de leur patrimoine matériel et immatériel, que pour
compréhension des forces physico-techniques, sociales, économiques qui structurent le Monde.
Le programme réunit les points de vue d’une quarantaine de chercheurs et d’enseignants
(anthropologues, ethnomusicologues, historiens, psychologues, ….), de praticiens gnawi (maâlem,
moqaddema, …) et bénéficie du savoir-faire d‘une équipe qui « met en scène et en perspective » ces
connaissances (2). Le programme en français sera mis en ligne fin 2013. La version anglaise au
printemps 2014. Une version arabe a été évoquée avec l’Université de Marrakech.
(1) A-t-il été adapté un jour aux sociétés prétendument ouvertes que le XVIIIème siècle européen a
initialisées ?
(2) Dont Isabelle Bianquis, professeur à l’université de Tours, Marianne Poumay, professeur à
l’université de Liège, et la Direction des usages du numérique (DUN) de l’université de Strasbourg.
5. Jean François Clément
Les formes d’organisation des orchestres dits de musique arabo-andalouse peuvent-elles être
considérées comme un paradigme des modes de gestion des entreprises marocaines ?
Les modes d’organisation et de gestion des orchestres de musique arabo-andalouse du Maroc
diffèrent manifestement des orchestres de musique classique d’Occident, même s’il existe des points
communs. Ces différences portent sur des conceptions différentes du chef (qui ne tourne pas le dos
au public, dépourvu de baguette, lui-même musicien, etc.) et du mode d’organisation de l’orchestre
(qui peut comprendre des personnes en cours de formation et des non professionnels et surtout où
l’on tolère de multiples microvariations entre chanteurs ou musiciens, par exemple dans les
diapasons et les rythmes).
Ces différences dans les compétences ou les rôles du manageur permettent-elles de comprendre, à
titre de paradigmes, les modes de gestion observés par l’analyse organisationnelle dans les
entreprises marocaines, qu’elles soient grandes, moyennes ou petites ? Ou faut-il plutôt les corréler
aux modes de fonctionnement des ateliers formant les anciennes corporations ? Et qu'en est-il des
transformations en cours ? Cette comparaison transculturelle ne permet-elle pas surtout de révéler,
par une narratologie métasymbolique, une relation différente aux valeurs et à leurs variations ?
6. Farid El Asri
Musiques et normes religieuses : une socioanthropologie des consommations ambivalentes de
la jeunesse marocaine
Notre contexte culturel général est caractérisé par une saturation de l’espace sonore environnant,
voire une surexposition quotidienne au musical. La jeunesse marocaine confirme cet état de fait et
ce tant par la consommation et la créativité de productions musicales, que par un entretien
significatif des héritages musicaux. Beaucoup s’interrogent par ailleurs sur le sens de leur choix
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artistique ou sur la validité éthique d’un tel investissement (ou dépendance) dans le divertissement.
Si évidente dans les faits, l’écoute où la pratique de musique reste un sujet de pleine polémique. Les
mots tels que futilité du divertissement, responsabilité du musulman, éthique de la consommation
et illicéité résonnent souvent en arrière-fond des entretiens que nous avons récoltés et des discours
originaires d’un référentiel religieux. Confrontés à la question musicale par l’angle du normatif
religieux, beaucoup de ces jeunes Marocains tranchent pour son caractère polémique. De jeunes
Marocains appréhendent ainsi leur rapport à la musique par le paradoxe. Notre contribution
ambitionne d’éclairer les tensions de cette jeunesse tiraillée entre une hyper-implication musicale et
des questionnements religieux ambivalents (d’origine morales, éthiques et/ou normatifs). De ce
débat découle une subjectivité du rapport au normatif religieux, contribuant à éclairer les pratiques
musulmanes contemporaines au Maroc.
7. Abdelkader Mana
Musicothérapie des Gnaoua : une religion des femmes
En 1996, la dernière enquête que j’ai menée en compagnie de Georges Lapassade à Essaouira a
porté sur les talaâ, ces voyantes médiumniques, ces prêtresses des Gnaoua qui pratiquent la
divination en état de transe. Au Maghreb, la divination de prêtresses, ou voyantes médiumniques,
en état de transe est une tradition qui remonte loin. La kahéna, l’antique héroïne berbère, portait
en fait un nom arabe qui signifie « devineresse », manifestement en rapport avec les dons
prophétiques que prêtent à la reine de l’Aurès et de l’Ifriqiya les auteurs musulmans à partir d’Ibn
Abd al-Hakam (mort en 871). […] Le spectateur du rite nocturne de possession, fasciné par ce
« spectacle » de transe « habitée », est avant tout sensible au jeu musical de ses animateurs. Il est
tenté alors, de conclure que chez les Gnaoua, ce sont les musiciens qui sont les maîtres du jeu. En
réalité nous dit Georges Lapassade, ici, comme dans tous les rites de possession, la gestion de la
situation est assurée par les prêtresses du culte. Et ici comme ailleurs, les femmes, parce qu’elles
sont tenues en marge de la religion des hommes, se sont donné secrètement une autre « religion » :
"la religion des femmes".
3-Anthropologie juridique/des normes (resp.Yazid BENHOUNET
[email protected] /Abderrahmane MOUSSAOUI [email protected]):
Mardi 10 septembre, 14h-17h (Lieu : Musée)
Note d’orientation
Le Maghreb a constitué, et constitue encore, un laboratoire anthropologique fécond pour
questionner les normes et le droit. En effet, depuis les travaux précurseurs de Hanoteau et
Letourneux (1873) aux recherches plus récentes (e.g. Dupret, 2006, et les programmes
ANDROMAQUE et PROMETEE du Centre Jacques Berque), en passant pas les apports de Berque
(1953), Bourdieu (1972) ou Geertz (1983), force est de constater que les anthropologues ont à
plusieurs reprises, dans des perspectives sans cesse renouvelées, interrogé les éléments normatifs
et la pratique du droit au Maghreb, notamment le rôle de la coutume et des diverses sources légales
(charia, droits locaux, qanun, etc.). Par ailleurs, si le droit de la famille et les normes de parenté ont
constitué un champ important des travaux anthropologiques sur les sociétés du Maghreb, on
observe néanmoins depuis plusieurs années un développement de divers objets de recherche
s’inscrivant dans les questionnements sur les normes dans les sociétés du Maghreb et les
renouvelant : l’incidence du droit international, le rôle des ONG, la question du genre, les nouvelles
10
pratiques liées à la propriété, les migrations, les formes de gestion de la violence, les phénomènes de
réconciliation, la justice transitionnelle, etc.
Cet atelier veut rendre compte de ces nouveaux développements dans le traitement et l’approche de
la norme et du droit en contexte maghrébin. Si l’atelier n’est pas thématiquement orienté et ne
privilégie aucun objet particulier, les responsables souhaitent néanmoins que les communications
recourent à la démarche ethnographique pour questionner les normes dans les sociétés du
Maghreb.
Berque, Jacques, 1953, « Problèmes initiaux de la sociologie juridique en Afrique du Nord », Studia
Islamica 1 : 137-162.
Bourdieu, Pierre, « Le sens de l’honneur », in Esquisse d’une théorie de la pratique, précédée de trois
essais d’ethnologie Kabyle, Genève, Droz, 1972
Dupret, Baudouin, 2006, Le Jugement en action. Ethnométhodologie du droit, de la moralité et de la
justice, Librairie Droz, Genève.
Geertz, Clifford, 1989 « Faits et droits en perspective comparée », in Savoir local, savoir global, Paris,
PUF (1ère publication en anglais 1983 - Storrs Lectures for 1981 at the Yale Law School).
Hanoteau A. & Letourneux A., 2003 [1873], La Kabylie et les coutumes kabyles, Editions Bouchène,
Paris (1ère publication : 1873).
Participants :
1. Claire-Cécile Mitatre (Univ. Montpellier et associée CJB, Rabat), [email protected]
2. Emilie Barraud (Univ. Marseille et associée CJB, Rabat), [email protected]
3. Marta Arena (EHESS, Paris/BGSMCS, Berlin), [email protected]
4. Beatrice Lecestre-Rollier (Univ. Paris-Descartes), [email protected]
5. Céline Lesourd (Univ. Aix-Marseille), [email protected]
6. Araceli Gonzalez Vasquez (Univ. Euskal Herriko/Pays-Basque) [email protected]
7. Florence Bergeaud (Univ. Libre de Bruxelles), [email protected]
Titres et Résumés :
1. Claire-Cecile Mitatre
Quand se marier « au plus loin » revient à se marier « au plus proche ». Une étude des
relations matrimoniales décentrée de la question du « mariage arabe », chez les Tekna de
l’Oued Noun.
S’il est généralement admis que le mariage avec la fille de l’oncle paternel n’est pas prescriptif au
Maghreb, cette union est décrite comme préférentielle dans certaines ethnographies. On ne peut
pas affirmer que ce soit le cas chez les Tekna arabophones de l’Oued Noun. Dans cette région
oasienne du sud-ouest marocain, des adages laissent certes entendre que la meilleure destinée
pour un homme est d’épouser sa cousine parallèle patrilatérale. Néanmoins, si un homme
s’apprête à s’engager dans ce type de mariage, d’autres adages pourront être tirés du corpus oral
de la région afin de l’en dissuader. Loin d’être univoque, le discours émis sur le « mariage au plus
proche » peut ainsi adopter des perspectives opposées en termes de jugement de valeur et ce,
par les mêmes individus. Parallèlement, cette union parfois, mais pas toujours, présentée comme
un devoir d’honneur incombant au cousin lorsque la fille de son oncle paternel tarde à trouver un
époux, est aussi, dans certaines circonstances, conçue comme l’expression d’un droit de
préemption dont dispose un homme sur sa cousine parallèle patrilatérale (haqdar, le droit du
11
dos).
Mais bien davantage qu’une union contractée par droit ou par devoir, en vue d’obéir à une norme
ou de se conformer à un idéal matrimonial, le mariage entre cousins patrilatéraux est présenté
dans l’Oued Noun comme un mariage qu’un homme choisit de contracter par intérêt. Les
proverbes et discours le décrivent avant tout comme présentant un ensemble d’avantages
économiques et relationnels pour l’homme qui choisit de s’y engager. Le « mariage arabe » se voit
alors comparé, voire assimilé, à un autre type d’union présentant un grand nombre d’avantages
équivalents : le mariage d’un homme Tekna arabophone avec une femme d’un groupe
berbérophone (chleuh), union conçue dans cette région comme exogame et hypergame. Dans un
premier temps, ma communication présentera comment, dans cette région, « mariage au plus
proche » (endogame et isogame) et « mariage au plus loin » (exogame et hypergame) se
retrouvent de la sorte assimilés tant dans la pratique que dans les représentations, alors que tout
semble les séparer du point de vue des catégories analytiques utilisées en anthropologie de la
parenté.
Dire que le « mariage arabe », tout comme le mariage d’un homme arabophone avec une femme
berbérophone est, dans l’Oued Noun, considéré comme étant contracté par intérêt ne revient pas
à se calquer sur la vision de P. Bourdieu selon qui les pratiques matrimoniales, invariablement
régies par la logique de l’intérêt et du calcul, se donnent les apparences du désintéressement
(1972). En effet, contrairement à ce qu’a pu relever Bourdieu en Kabylie, dans l’Oued Noun,
« Mariage au plus proche » et « mariage au plus loin » sont explicitement désignés comme des
mariages intéressés du point de vue de l’homme qui choisit de s’y engager. Ces unions sont en
effet dites être contractés par intérêt, notamment par les acteurs qui les contractent. Ils ne
tentent donc pas de faire passer leurs pratiques pour désintéressées puisque se marier avec une
femme chleuh ou une cousine est, en soi, un aveu de stratégie.
Cela ne revient pas non plus pour autant à dire que, dans cette région oasienne, agir par intérêt
soit considéré comme particulièrement louable. Bien au contraire, mariage « au plus loin » et
mariage « au plus près » sont considérés comme des unions relevant du registre de l’ordinaire,
contractées par des hommes du commun prenant soin de peser le pour et le contre avant d’agir,
n’ayant d’autre ambition que de préserver leur patrimoine, leur quiétude, leur rang et leur
honneur sans rien avoir à remettre en jeu, sans rien risquer. Face à ces mariages ordinaires, se
dresse un troisième type de mariage à la renommée bien différente : ce que nous appellerons le
« grand mariage », unissant un homme et une femme Tekna de lignées distinctes, souvent rivales
politiquement, n’est pas conçu comme un mariage contracté par intérêt. Selon l’exégèse locale,
l’homme qui s’engage dans cette union d’exception ne tergiverse pas en calculant les intérêts
qu’il pourrait y trouver : il le fait par folie amoureuse, une attitude ô combien valorisée dans la
région.
2. Emilie Barraud
Filiation, kafâla et successions. Dispositions conservatoires et contournements de la règle de la
légitimité en matière de transmission de la propriété
Le Maroc et l’Algérie prohibent la filiation adoptive. Depuis 1957, l’article 149 de la Moudawana
reste inchangé : « L’adoption n’a aucune valeur juridique et n’entraîne aucun des effets de la filiation
légitime ». Depuis 1984, le droit positif algérien dispose formellement que « l’adoption (Tabanni) est
interdite par la chari’a et la loi » (art. 46). Par l’emploi d’un ton doublement impératif et en
renvoyant à l’autorité de la loi islamique, le législateur algérien entend marquer une position
officielle, empreinte de fermeté, afin que la norme ne puisse être discutée. En France, il est depuis
communément admis que « l’adoption n’existe pas en Algérie et au Maroc dès lors que l’islam
l’interdit ». Toutefois, l’ethnologie des parentés électives invite à nuancer cette affirmation
12
généralisée. L’adoption, telle qu’elle est définie en droit français, ne connaît pas d’équivalent en
droit algérien et marocain, ce qui n’exclut pas l’existence de formes de parentés sociales
institutionnalisées, comme le recueil légal kafâla, ou non, avec le phénomène prospère des
adoptions illégales. Le Code de la famille interdit l’adoption, mais lui substitue depuis 1984 en
Algérie et 1993 au Maroc un autre mode d’intégration familiale, le recueil légal de mineur, ou kafâla,
qui est l’engagement bénévole de prendre en charge l’entretien et la protection d’un mineur mais
sans que ce dernier n’accède au rang de fils légitime. Ainsi, en référence à l’autorité de l’islam, la
norme serait l’absence d’adoption, et si l’on admet que la kafâla est une des formes de l’adoption, la
norme serait que l’enfant « adopté » n’est concerné ni par la transmission du nom, qui est un des
effets de la filiation légitime, ni par les règles relatives aux successions (édictées par le Coran et
reconduites par les droits positifs) qui s’accordent avec celle de la légitimité. Cette règle de la
légitimité joue à l’encontre des enfants recueillis pour faire obstacle à leurs parts dans la succession
de leur père ou de leur mère d’adoption. Faut-il pour autant en déduire qu’elle joue
systématiquement à chaque fois que dans la famille algérienne ou marocaine un enfant est recueilli
sous kafâla ? Nous ne pouvons l’affirmer. Dans bien des cas, des dispositions « conservatoires » sont
prises par les parents d’adoption sous forme de legs, de donation ou de vente pour « protéger »
l’enfant recueilli. Toutes relèvent de stratégies de contournement de l’interdit islamique (interdit de
l’adoption) et participent de nouvelles manières d’agir et de pratiques novatrices auxquelles nous
portons ici notre attention, spécialement en milieu algérien. L’ethnographie des pratiques adoptives
et des pratiques de transmission dans le cadre de la kafâla témoignent d’une réalité complexe dans
laquelle interviennent d’autres référencements que celui de l’islam. La lecture des normes
juridiques ne permet pas de conclure que tous les enfants recueillis en kafâla ne sont jamais les
bénéficiaires d’actes de transmission de biens de propriété au sein même de leur famille d’adoption.
L’approche ethnographique combinée à l’étude des cas judiciaires et des solutions jurisprudentielles
font émerger d’autres concepts et normes de référence comme « l’égalité des enfants et des
citoyens », « l’intérêt supérieur de l’enfant », « l’amour filial » pour appuyer ces pratiques de
contournement.
3. Marta Arena
“Nasab harām, laqab halāl”: perceptions de sa maternité et des origines de son enfant chez les
mères célibataires en Tunisie suite à l’attribution du laqab paternel.
La loi tunisienne permet aux femmes de saisir les tribunaux pour qu’un jugement modifie l’état civil
de leur enfant né hors mariage, lui attribuant le nom patronymique (laqab) du père naturel. Cette loi
s’appuie sur la représentation patrilinéaire agnatique du nasab, par laquelle de l’accès au nom de
l’ascendant découlent le rattachement à sa généalogie ainsi que droits et devoirs envers lui.
Traditionnellement, les femmes qui sont mères sans être mariées sont exposées au préjugé et sont
mise en marge parce que leurs enfants n’ont pas un nasab paternel. Leur comportement est
socialement sanctionné du moment qu’elles n’ont pas suivi la logique qui veut que un enfant soit
appelé le fils ou la fille d’un tel seulement si celui-ci (et ses ascendants mâles) l’avait préalablement
accepté à travers le mariage avec la mère de l’enfant ou par la reconnaissance de paternité (iqrār).
Or, la loi 75/98 permet aux femmes de s’emparer du mécanisme d’attribution du laqab paternel et,
par conséquence, de rattachement de l’enfant au nasab paternel. A partir de cette nouveauté, la
communication enquête sur les conséquences de l’application de cette loi sur la perception que les
mères célibataires ont d’elles-mêmes et de leur maternité. En particulier, le questionnement
concerne la localisation par elles de leur maternité hors mariage entre l’espace du harām et du
halāl : maternité tourmentée en raison de ses conséquences difficiles à l’égard des rapports sociaux
et familiaux et de la perte du sharf, mais aussi maternité pour laquelle on réclame « son droit » vis-àvis du père de l’enfant et dans l’intérêt de l’enfant.
13
4. Béatrice Lecestre-Rollier
Nouvelles pratiques liées à la propriété dans le Haut Atlas central
À partir de mes travaux ethnographiques de terrain portant sur la société rurale marocaine, plus
spécifiquement sur les vallées du Haut Atlas central (milieu amazighophone), je propose de réfléchir
au thème des « nouvelles pratiques liées à la propriété ».
Le problème de la transmission des terres se pose avec acuité dans toutes les sociétés paysannes.
Dans le contexte marocain et musulman où l’égalité successorale entre frères prévaut, mais pas
entre frères et sœurs, quels sont les jeux et enjeux autour de l’héritage et de la transmission du
patrimoine familial ?
J’insisterai sur la pluralité des configurations familiales et des stratégies individuelles qui
s’expliquent par la tension entre indivision et division, solidarité et compétition entre agnats pour
l’honneur de perpétuer le nom et de préserver l’intégrité du patrimoine familial.
5. Céline Lesourd
Les hommes-femmes, ces courtiers de l’amour. Et si transgresser les normes de la sexualité
offrait une opportunité de réussite ? Mauritanie
Au cœur de l’élite politico-économique mauritanienne, un petit groupe « ehel mesrah 1 » composées
de personnalités – essentiellement maures – font et défont l’opinion publique imposant un modèle
de vie qui témoigne de ce qu’est la réussite. Diffusant un way of life que de nombreux Nouakchottois
reprennent par mimétisme, « ehel messrah » fixent ainsi les règles d’une « culture matérielle du
succès » organisée autour de défis ostentatoires (les plus belles voitures, villas, fêtes de mariage,
tenue vestimentaire…)
Dans le boudoir de ces élites gravite une cour variée et nous focaliserons notre attention ici sur le
« phénomène » des gorjigéen. En langue wolof, « gor » signifie l'homme et « jigéen », la femme.
Comme son nom l'indique alors, le gorjigéen est celui qui est un homme-femme. Un homme efféminé
possiblement homosexuel.
Dans la société maure, où le féminin et le masculin, participent publiquement de deux univers très
distincts 2 , les gorgigéen jouissent cependant d’un statut particulier puisqu’ils jouent les
entremetteurs des rendez-vous galants d’une certaine élite financière. A l’évidence, les gorjigéen, en
oscillant entre les valeurs des genres perdent leur statut et cette stérilité sociale leur assure de
pouvoir endosser et assumer ce rôle de « courtier de l'amour ». Méprisés – ils ne correspondent pas
à l'idée collective de ce que doit être un homme –, craints – ils connaissent les secrets des uns et des
autres –, indispensables – les lieux de rencontres sont rares –, gourmands, ambitieux, menteurs,
faiseurs de rumeurs, impudiques, quémandeurs, les gorjigéen sont affublés de toutes les valeurs
négatives propres aux forgerons et aux griots ; ils forment un groupe à part, voire même une
nouvelle « caste urbaine ».
Ainsi, à travers cet exemple des gorgigéen, les normes sociales de la construction des identités
sexuelles et de la sexualité semblent mises à mal et ce d’autant plus que ces protagonistes sont
devenus visibles, indispensables et fort sollicités dans le milieu du mesrah…
1
Le messrah, en arabe et en hassâniyya, désigne littéralement la scène, par extension le théâtre. Pour les
Mauritaniens, « être sur le messrah » signifie alors « être sous les feux de la rampe », ou, en d’autres termes,
appartenir à une certaine élite.
2
EN Mauritanie, l’homosexualité est passible de la peine de mort.
14
Mais il convient de souligner combien ces transgressions permettent à certains gorgigéen de faire
fortune grâce aux luxueux services prodigués. Un moyen aussi, pour eux, de faire tolérer leur
homosexualité. Des avantages qui ne sont pas sans soulever bon nombre de « vocations »…
6. Araceli Gonzalez Vasquez
Lois, règles et norms de l’hospitalité des humains envers les non-humains : micro-scènes
rituelles marocaines
Quand on parle de « lois », de « régles », et de « normes » d´hospitalité au Maroc et au Maghreb, on
présuppose généralement la participation d´agents humains. En fait, c´est l´hospitalité entre
humains qui a fait l´objet des réflexions les plus nombreuses, souvent sur le thème de l´hospitalité
« arabe », « berbère », et « marocaine » (Camps-Fabrer, 2000 ; Skounti, 2006). Mais, est-ce qu´il
existe une hospitalité des humains envers les non-humains ? Est-elle structurée par les mêmes
« normes » que celle qui concerne les humains ? À l´exception de quelques études récentes (Rhani,
2007, Rhani 2008, González Vázquez 2010), et de quelques notes peu nombreuses dans les travaux
de, parmi d´autres, Westermarck (1926), Crapanzano (1973), et Hell (2002), la productivité
symbolique des rites d´hospitalité des humains envers les jnûn demeure peu explorée. Tout en se
référant à l´ambivalence de la notion d´hospitalité au latin (où hostis désigne à la foi l´hôte et
l´ennemi), Zakaria Rhani (2007, 2008) constate l´existence de gestes hostiles et de gestes
d´hospitalité au sein d´un même rituel, operé par une femme qui se présente comme “possédéethérapeute nourricière”. Au-delà de cette dèmarche spécifique, nous voulons consacrer notre
réflexion au thème de l´hospitalité, et aux formes multiples de relation entre les humains et les jnûn
chez les Jbala du nord du Maroc. Plus précisement, nous réfléchirons sur les relations de
domination, de résistence, d´alliance et d´affinité, et sur l´inversion rituelle des élements normatifs
des pratiques. Ainsi, nous examinerons certaines pratiques rituelles, comme la ḍiyāfa
(« hospitalité »), la ṣadaqa (« don », «offrande», « aumône ») et la dbih’a (« sacrifice »), lesquelles
sont étroitement liées aux logiques d´inclusion et d´exclusion des jnûn, et au brouillage des
frontières ontologiques (Descola, 2005).
Quand est-ce que les humains sont les hôtes des jnûn ? Et à la inverse ? Quel est le rôle du don, du
sacrifice, et de la réciprocité dans les rites de l´hospitalité envers les jnûn ? En tenant en compte du
caractère le plus souvent conflictuel attribué aux relations entre les humains et les jnûn, dans quelle
mesure les rites d´hospitalité sont-ils des rites d´institution d´affinités et d´alliances (« affinisation
d´autrui », au sens défini par Viveiros de Castro dans ses Métaphysiques cannibales) ou dans quelle
mesure sont-ils des formes de gérer les conflits à l´intérieur de la personne? Étudier l´intériorisation
et l´incorporation du non-humain amène à poser la question de l´adhésion aux normes : Quel est le
sens des inversions rituelles présentes dans les rites d´hospitalité des humains vers les jnûn ?
7. Florence Bergeaud
Halal et anthropologie des coproductions normatives
4-Anthropologie des mondes contemporains (resp. Jean-Noël FERRIE;
[email protected]/Saadia RADI, [email protected] ) : Mardi 10 septembre, 14h17h (Lieu: Dar Souiri)
Note d’orientation
15
Beaucoup de travaux portant sur le Maroc, probablement la plupart, traitent d’aspects de la société
marocaine dont la sémantique est liée à un passé plus ou moins déterminé. Pour le dire rapidement,
il s’agit d’aspects « traditionnels » parce que portant sur des pratiques dont on peut dire qu’elles
existent depuis longtemps et dont certaines apparaissent immémoriales, puisqu’on ne saurait dire à
quand elles remontent. Pourtant, lorsqu’Edmond Doutté observait ces pratiques, elles étaient déjà
liées à une trame sociale précise, c’est-à-dire située dans le temps. Toutefois, ce n’est pas l’aspect
toujours actuels des pratiques et donc l’erreur, qui consiste à les considérer en elles-mêmes
lorsqu’on tient à rendre compte des conduites des gens, que l’anthropologie des mondes
contemporains vise à corriger. Elle entend attirer notre attention sur toute une gamme de pratiques
dont l’apparition est, à la fois, récente – ou, tout au moins, considérée comme telle par tout un
chacun – et globalisée, c’est-à-dire existant notoirement dans d’autres sociétés et, en tant que telles,
servant d’appui et de modèle aux pratiques locales. Ces deux caractéristiques circonscrivent un
ensemble multiforme d’objets récents et répandus que l’on identifie couramment à la modernité,
précisément parce qu’ils sont récents répandus. Il n’en découle pas qu’ils sont identiques d’une
société à l’autre ou d’un usage à l’autre. Ils sont chaque fois localisés dans trames différentes, mais
ils ne sont pas pour autant absorbés par celles-ci. Il n’y a ni acculturation ni enculturation : il y
simplement la texture naturellement composite des mondes quotidiens. Ce que l’anthropologie des
mondes contemporains nous dit n’est rien d’autre que cela. Comprendre une société implique donc
de comprendre, non ce qu’elle aurait conservé d’un lointain et indéfinissable passé, mais les
compositions auxquelles elle se livre en incorporant des pratiques récentes et globalisées.
La plus large part de la société marocaine nous échappera, si nous ne tenons pas compte de ce
quotidien-là dans les descriptions que nous en faisons. Aller au supermarché, regarder la télévision,
aller chez le coiffeur, voir des films sur Internet, choisir son « style », adopter une morale, manger
des pizzas, manifester, avoir des relations sexuelles, envoyer des SMS, devenir salafiste, prendre du
kif, se voiler, prendre le train, monter dans le tramway, fêter Noël sans être chrétien, suivre un
journal télévisé, conduire en ville, lire des romans, aller chez le médecin, peindre un tableau, se
rendre au restaurant, tous ces aspects de la vie quotidienne, et bien d’autres, peuvent à la fois être
reliés à des tendances transnationales et considérés comme faisant strictement partis de la vie des
gens d’ici. Ils constituent un domaine d’observation privilégié. Ceci vaut pour les pratiques mais
également pour les gens : les pratiques sont, en effet, « des pratiques par les gens ». Nous ne devons
donc pas considérer que leurs motifs s’enracinent dans une identité préservée : elles s’enracinent
dans la trame composite de ces pratiques elles-mêmes. Les gens sont ce qu’il leur semble possible
d’être à un moment donné et dans une portion donnée du monde.
Marc Augé, Pour une anthropologie des mondes contemporains, Paris, Champs-Flammarion, 2010.
Meriam Cheikh, « Echanges sexuels monétarisés, femmes et féminités au Maroc : une autonomie
ambivalente », Autrepart, n°49, 2009.
Christian Bromberger, Passions ordinaires. Du match de football au concours de dictée, Paris,
Hachette, 2002.
Susan Ossman, Three faces of Beauty : Casablanca, Paris, Cairo, Duke, Duke University Press, 2002.
Participants:
1.
2.
3.
Paola Gandolfi (Univ. Venise et Bergame); [email protected];
Dominique Guillo (CNRS, CJB, Rabat), [email protected];
Meriem Cheikh (Univ. Libre de Bruxelles), [email protected];
16
4. Stéphanie Pouessel (IRMC Tunis), [email protected];
5. Mary Montgomery (Univ. Oxford, UK) [email protected];
6. Soraya el Kahlaoui (EHESS, Paris) [email protected];
7. Peter Limbrick (UC Santa Cruz) [email protected]
8. Mehdi Benslimane (Univ. Grenoble) [email protected];
9. Abdelfettah Ezzine (Ecole Nationale d’Architecture, Rabat) [email protected]
10. Cédric Baylocq (Centre Jacques Berque, Rabat) [email protected];
Titres et Résumés
1. Paola Gandolfi
Entre productions artistiques contemporaines, processus de changement culturel et révoltes en
cours en Tunisie. Un regard anthropologique.
2. Dominique Guillo
La religion, la science et la question de l’origine des espèces au Maroc
Il existe dans les mondes musulmans des courants qui défendent activement le créationnisme, et
tentent de le diffuser en Occident, à l'exemple du courant qui s’est développé en Turquie autour de
Harun Yahya, et de son ouvrage : l’Atlas de la création. Le développement de tels mouvements
pourrait inciter à conclure que la question de l’ascendance de l’homme est extrêmement sensible
dans l'ensemble de l’islam et que le darwinisme a par conséquent partout une puissante force
sacrilège, comme l’illustre également l'opposition qu'il suscite chez les néo-évangélistes américains.
Or l’un des intérêts du terrain marocain est de montrer qu’il faut sans doute nuancer une telle
hypothèse. En réalité, cette question ne paraît pas toujours perçue comme fortement centrale et
sensible chez les croyants - en tout cas elle paraît beaucoup moins importante que d'autres
questions.
3. Meriem Cheikh
Une ethnographie des jeunes filles urbaines. De l’amusement à la prostitution : analyse des
carrières du « sortir ».
Si l’anthropologie du Maroc s’est peu intéressée à la question de l’adolescence [Saad : 1985 ; DavisShaeffer & Davis : 1989 ; Mellakh : 1997 ; EAMU : 1999, 2003 : Grousset : 2002 ; Chikhaoui : 2007 ;
Rachik : 2007], elle a en revanche énormément produit sur les questions féminines. Toutefois, dans
ce cadre, peu de place a été accordée à l’adolescence des jeunes filles en milieu populaire et urbain.
Notre travail sans prétendre apporter sa pierre à un édifice en construction, souligne l’importance
de s’employer à faire un point sur ce moment de la vie des jeunes filles qui inaugure une transition
statutaire – souvent très longue – devant cesser avec l’entrée en mariage ou du moins avec
l’acquisition d’une indépendance économique qui marque l’entrée en vie adulte.
En m’intéressant au quotidien de jeunes filles qui se prostituent dans la ville de Tanger[1] (et donc
en ne me focalisant pas uniquement sur leurs activités prostitutionnelles), j’en suis venue à prendre
la mesure de l’importance qu’il y a à déplacer le regard et à intégrer à une problématique aussi
spécifique que la prostitution une analyse empruntant aux cadres de la sociologie de la jeunesse et
de l’adolescence. C’est en écoutant attentivement les discours des filles à propos de leurs
adolescences et en analysant les observations menées auprès de jeunes filles âgées de 16 à 19 ans
en 2008 qu’il m’a été permis de comprendre que, non seulement les conditions économiques, mais
17
aussi les modalités de socialisation à l’autre sexe à l’adolescence produisent les mécanismes du
processus d’entrée dans la prostitution ou dans le « sortir » [« l-khrij »], pour parler comme les filles.
Le « sortir » est une catégorie d’analyse ad-hoc que j’ai forgé à partir de la façon qu’ont les jeunes
filles de parler de leurs situations et qui définit un ensemble de pratiques sexuelles transgressives
qui vont de la perte de virginité à la prostitution professionnelle en passant par des relations
amoureuses formant d’un bout à l’autre un continuum. Ma présentation éclairera sur la genèse des
processus du « sortir » à la marocaine et développera sur les itinéraires intimes (amours
adolescents et premières conjugalités indissociables des nécessités matérielles et donc de la
circulation de l’argent des hommes vers les filles) et leurs issues (prostitution). En d’autres termes,
il s’agira d’accorder toute son importance à cette phase de la vie qui inaugure pour certaines
l’initiation et l’engagement dans des carrières prostitutionnelles dont j’aborderai les autres
conditions de réalisation. Adolescence, premières conjugalités, histoires qui n’aboutissent pas au
mariage mais aussi d’autres facteurs tels que les situations familiales, la difficulté ou la réticence à
s’insérer dans les univers professionnels féminins (l’usine, la domesticité, les services) constituent
les conditions dont font état les jeunes filles pour décrire leur situation actuelle ou passée de
« prostituées », de « filles des rues ».
4. Stéphanie Pouessel
Anthropologie politique du Maghreb : lui rendre sa modernité ?
La communication part du paradoxe suivant : quand bien même des fondateurs de l’anthropologie
moderne se sont basés sur un terrain maghrébin pour élaborer leur théorie (Geertz, Gellner), le
Maghreb ne figure pas parmi les terrains phares de l’anthropologie depuis. Nous tâcherons d’en
comprendre les raisons (linguistique, politique et migratoire). Trop « moderne » pour l’ethnologie
et trop « traditionnel » pour la sociologie, la dimension politique de cette région a été largement
laissée à la politologie. Nous exposerons l’intérêt d’une anthropologie politique aujourd’hui, à
travers le cas d’étude des revendications identitaires au Maroc et en Tunisie : dans quelle mesure
l’héritage de l’africaniste Georges Balandier est-il applicable au Maghreb ?
5. Mary Montgomery
Les relations entre domestiques et employeuses dans le Maroc contemporain
6. Soraya el Kahlaoui
L'enquête ethnographique dans un quartier d'habitations clandestines : la négociation
perpétuelle du terrain
7. Peter Limbrick
Cinéma marocain du court-métrage: entre anthropologie, modernité, et cinéma international.
Dans cette intervention, nous proposerons un retour aux films des années soixante et soixante-dix,
et à la période de la culture esthétique moderniste qui leur a donné naissance, afin de démontrer et
faire découvrir l’expérience intellectuelle et l’orientation politique du Maghreb pendant les années
qui ont suivi l'indépendance. À cette époque, on trouve un cinéma tout investi dans le projet de
l’indépendance du Maroc, mais tout à la fois ouvert aux diverses influences internationales sur le
plan formel...
8. Mehdi K. Benslimane
Pour une anthropologie historique du malentendu politique. Le Journal (1997-2010) au Maroc.
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Comment peut-on passer au niveau des rapports sociaux et politiques d’une situation dans laquelle
on est plus ou moins « bien » entendu, c’est-à-dire d’une période marquée par la coopération et la
cordialité, à une situation de « mal » entendu marquée elle par la mésentente et par le conflit ? En
m’appuyant sur l’exemple de l’hebdomadaire Le Journal organe de presse dit indépendant fondé en
1997 par un groupe d’économistes et de financiers, à l’aube de l’alternance consensuelle au Maroc et
la fin du règne d’Hassan II, et disparu en 2010 à la suite de différentes crises, je m’interroge sur les
facteurs qui ont mené à une détérioration des rapports entre les fondateurs de ce support de presse
et le pouvoir. C’est donc les relations qu’entretiennent journalistes et hommes politiques qui sont
questionnées. Le malentendu politique renvoie ici au sens donné par chacun des partenaires tant au
changement politique et à la transition démocratique qu’au rôle que la presse est censée jouer.
Donner une lecture anthropologique au concept de malentendu revient à voir au-delà des logiques
d’action et des intérêts rationnels des acteurs, quelque chose qui relève bien entendu de la nature de
la communication qui s’établit entre individus.
9. Abdelfattah Ezzine
La société marocaine "entre tradition et modernité" : De l'enculturation à la transculturation
de la jeunesse ?
Il est commun de considérer le Maroc comme une société "plurielle", divisé entre "tradition"
et "modernité". Les structures traditionnelles de socialisation (famille, champ religieux) et
institutionnelles (école) ou associatives et informelles (maison de jeunes, maison de culture, médias,
groupes de pair etc.) entrent parfois en conflit, comme l’effet local de la mondialisation. La jeunesse
marocaine, dans la lignée du « Printemps arabe », a pu être qualifiée de "rebelle et insoumise".
Notre hypothèse est la suivante : le mal demeure-t-il dans la non-maîtrise de la
transculturation excessive ou dans l'enculturation appauvrissante (termes que nous définirons)?
Quels sont les handicaps de la société marocaine devant la modernité: que ce soit les éléments de
modernisation politiques hérités de la colonisation ou ceux qui s’imposent avec la mondialisation ?
Il s'agit, dans ce cadre, de présenter les éléments d'une recherche en cours concernant la
transition politique que connaît le Maroc depuis 1996 et particulièrement le rôle de la jeunesse à
travers ses manifestations socioculturelles.
10. Cédric Baylocq
Peut-on ethnographier la "sécularisation" (au Maroc) ?
S’il est un processus estampillé « moderne » ou « post-moderne », c’est bien celui de la
sécularisation. Nombre de chercheurs répètent à l’envie qu’il est caractéristique de la « modernité
occidentale », et qu’a contrario les pays à majorité musulmane sont relativement hermétiques à ce
processus (Taylor, 2011 : 15). Nous voudrions ici montrer que la situation a changé depuis les
soulèvements de 2011 dans les pays du Maghreb et qu’il est possible d’ « ethnographier la
sécularisation » à travers les différentes formes sociales concrètes qu’elle prend dans ces pays. Nous
préciserons ce que peuvent être les objets de la sécularisation dans le Maghreb post-printemps
arabe. C’est le Maroc qui retiendra particulièrement notre attention.
DEBAT de CLOTURE (Anthropologues, Musées, Editeurs) :
« Editer et exposer l’anthropologie : gageure ou richesse ? »
Animé par Philippe de Laborde Pédelahore, anthropologue, éditeur.
Mardi 10 septembre (18h-20h, au Musée d’Essaouira)
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Editeurs marocains et français
Anthropologues: Zakaria Rhani, Abdelkader Mana, Baudouin Dupret, Pierre Bonte, François Ireton
et Hassan Rachik.
Musées: Le MUCEM, avec Denis Chevallier, conservateur en chef, directeur scientifique adjoint du
Mucem et Aude Fanlo, chargée de mission recherche, ainsi que le Musée d’Essaouira.
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