Participants, titres et résumés ATELIERS
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Participants, titres et résumés ATELIERS
Participants, titres et résumés ATELIERS 1-Anthropologie religieuse (resp. Zakaria RHANI, [email protected]/Khalid MOUNA, [email protected]) : Lundi 9 septembre, 14h-17h (Lieu : Dar Souiri) Note d’orientation : Durant les dernières décennies, le champ religieux au Maroc a connu de nouvelles « reconfigurations » et « réajustements » liés surtout aux changements d’ordre sociopolitique et culturel – avec notamment les réformes du champ religieux et l’arrivée de certains représentants de l’islam politique au pouvoir. Pour saisir cette dynamique politico-religieuse l’accent sera ainsi mis sur les perspectives anthropologiques qui interrogent les processus de reformulations religieuses sur le terrain et les nouvelles significations qu’elles prennent dans un monde changeant. Ce qui nous amène, d’une part, à analyser la question des ré-articulations « idéologiques » qui encadrent ces pratiques religieuses, et, d’autre part, à explorer multiples manifestations du religieux au Maroc, en Algérie et en Tunisie – dans ses différentes expressions : mystique, confrérique, rituelles, culturelle, etc. – avec d’autres pratiques et croyances, notamment thérapeutiques et festives. Les thématiques de ce panel s’articuleront ainsi autour des deux axes suivants : 1) Les processus politico-religieux au niveau local et national : islam politique, politiques islamisées, constructions religieuses de l’ordre politique, pratiques religieuses politisées. 2) Le processus rituel des pratiques religieuses: on abordera sous cette thématique différentes expressions rituelles collectives et individuelles : pèlerinage aux lieux de culte, tourisme religieux, thérapie et catharsis. Participants: 1-Ariel Planeix (Univ. Paris I, IEDES-IRD), [email protected] 2-Jamal Bammi (Rabita des Oulémas, Rabat), [email protected] 3-Abdelhakim Aboullouz (Associé CJB, Rabat et CM2S, Casablanca), [email protected] 4-Nadia Fadil (Univ. Catholique de Louvain), [email protected] 5-Katia Boissevain (AMU-CNRS-Idemec, Marseille), [email protected] 6- Mohammed Habib Samrakandi (Univ. de Toulouse) [email protected] 7-Nazarena Lanza (CJB, Rabat, et Idemec, Marseille), [email protected] 8-Abdou Seck (Univ. Gaston Berger St-Louis du Sénégal) [email protected] 9-Manoël Pénicaud (MuCEM-Idemec, Marseille), [email protected] 10-Abdelaziz Hlaoua (CJB, Rabat et Univ. Grenoble), [email protected] 11-Salima Naji (Associée CJB, Rabat), [email protected] Titres et résumés: 1) Ariel Planeix De quoi l'hétérodoxie est-elle le nom ? Réflexions sur la production des catégories de l'anthropologie religieuse au Maroc (et au Maghreb). 1 Nourrie par la confrontation avec l'histoire cultuelle d'une population berbérophone du Maroc (les Zkara) présentée comme antimusulmane – tant les pratiques rapportées semblaient éloignées de l'islam tel qu'appréhendé par les orientalistes –, cette réflexion sur les catégories les plus à même de décrire, traduire et restituer les formes et les traditions du culte chez les Zkara a conduit à questionner la structuration disciplinaire de l'anthropologie religieuse. L'anthropologie n'est pas un simple relai documentaire de l'histoire. A ce titre, les catégories historiennes des formes religieuses n'ont pas nécessairement à être adoubées par l'anthropologie. C'est justement la force de celle-ci que d'enrichir et d'actualiser la pensée des phénomènes sociaux et culturels réunis sous le vocable religion. Les noms donnés d'Ahl al kitab, de Baqia, de chamanisme islamique ou de paganisme, d'héritage de la jahiliyya, d'erreurs ou d'altérations du dogme sont encore pleinement, sinon exclusivement, tributaires d'une surdétermination du religieux par le monothéisme, lui-même pourvoyeur de catégories changeantes dans l'histoire. C'est en suivant le tracé fragile du mouvement youssefite et de ses descendances indésirées que je souhaite illustrer ce chantier de réflexions sur des pratiques, leur histoire et le nom qu’on leur a donné. 2) Jamal Bammi Rituels thérapeutiques au Maroc : contextes actuels et ancrage historique Mon intervention portera sur les dynamiques à la fois synchronique et diachronique des procédures thérapeutiques et cathartiques au Maroc. Dans cette perspective, les plantes sont présentées et représentées comme des supports ou des médiums pour des pratiques rituels, et comme étant des intermédiaires entre le monde visible et le monde invisible. Je montrerai, d’une part, que c’est à travers ces supports naturels que la société développe un discours sur la vie, la mort, l’amour, la maladie, le mal et les conflits sociaux ; et illustrerai, d’autre part, à quel point des rituels relevant des cultes de la nature et du surnaturel sont ancrés dans un discours savant, notamment dans des écrits religieux de référence. 3) Abdelhakim Aboullouz Les mutations de la religiosité traditionnelle dans les montagnes de la région de Souss (Maroc) Dans le cadre d’un travail de recherche sur la religiosité dans les zones rurales au Maroc, nous constatons, d’après les observations tirées lors du festival religieux de la tombe de Sidi Mohammed Abed EL BOUCHOUARI à Ait Baha (66 km au sud d’Agadir), que le comportement des disciples qui côtoient les tombes religieuses fait l’objet de transformations. Celles-ci se reflètent dans le fait que les principes de l’Islam classique (le Coran et la tradition prophétique) trouvent petit à petit une place chez les personnes qui rendent régulièrement visite aux tombes. Elles peuvent par ailleurs être justifiées par les différents us et coutumes ainsi que les relations sociales qui s’installent autour de ces tombes. En réalité, ces transformations ne sont pas dues à l’émergence des mouvements salafistes mais principalement à l’époque coloniale, durant laquelle un mouvement qui se basait alors sur les textes religieux – Al Haraka Nossoussia – a fermement dénoncé les traditions imputées à tort à la religion. Un nouvel acteur, qui n’est autre que le mouvement salafiste, est à l’heure actuelle venu compléter l’action de ce mouvement pionnier. C’est pourquoi ces espaces ne connaissent plus les mêmes rites qu’auparavant, d’autres causes expliquant ce phénomène, comme les initiatives de lutte contre l’analphabétisme menées par les associations de la société civile, ainsi que les difficultés naturelles liées notamment à la concentration de ces tombes dans des zones escarpées qui rendent leur visite très difficile… 4) Nadia Fadil 2 Authenticating the past, disqualifying the present. Reclaiming the "traditional" Islam of the parents Scholarship on Islam in Europe has examined how Muslim practices change as a result of their presence in Europe. Within this perspective, the idea of a generation gap has emerged as an important analytical template to assess these developments. Drawing on fieldwork with Belgian Muslims of Moroccan origin, this paper seeks to nuance this perspective by exploring accounts wherein the religious legacy of the parents is actively reclaimed. This was especially the case for liberal and secular respondents who represented their parent’s Islam as open and progressive. In exploring these narratives, I will argue that these positive reassessments of the “traditional Islam” of the parents articulate a new understanding of the relationship between past and present, which subverts a classical modernist teleological account. A perspective, in which the notion of "tradition" is not only viewed as the holder of ancient habits, but also comes to be resignified into the carrier of religious ethics and sensibilities that are associated with liberal modernity. This provides for a ground in which liberal accounts of Muslim ethics come to be inscribed in an older genealogical line, whereas non-liberal forms of religious orthodoxies come to be dismissed as idiosyncratic and inauthentic innovations. 5) Katia Boissevain Des zâwiyas en feu : traitement contrasté de deux sanctuaires saints dans une Tunisie en Révolution, Saïda Manoubiya et Sidi Bou Saïd En Tunisie, des sanctuaires saints, petites mosquées et cimetières ont connu une série de dégradations et d’incendies qui a culminé avec l’incendie du sanctuaire de Sidi Bou Saïd en novembre 2012. Dans cette intervention, en m’intéressant de plus près à deux zâwiyas importantes aux alentours de la capitale, celle de Sayyda Manoubiya et celle de Sidi Bou Saïd, je reviendrai sur les conséquences de ces violences. Une conséquence directe de ces incendies se trouve dans une forme de résistance identitaire au sein de la société civile, qui réaffirme – à l’occasion du Mouled- les spécificités d’un islam maghrébin face à un idéal wahhabite autoritaire. Cette résistance est portée par un élan spontané en même temps qu’elle prend forme grâce à un dispositif patrimonial institutionnel solide. Pour autant, les moyens institutionnels ne se déploient pas de la même manière dans l’une et l’autre zâwiyas. Je décrirai comment les énergies tournées vers Sidi Bou Saïd contribuent à restaurer la vitrine du pays et redonnent confiance aux citadins tunisois dans une période de grande incertitude. J’exposerai aussi les difficultés rencontrées par les fidèles souhaitant aider à la restauration de Sayyda Manoubiya et le désœuvrement des familles pauvres qui dépendent du rôle de redistribution que jouait préalablement ce sanctuaire. 6) Mohammed Habib Samrakandi Rituels et rite d’institution. Etude comparative de deux ordres spirituels algéro-marocains en contexte de mobilité migratoire : la ‘Alawiyya et la Tijâniyya Ma proposition de communication s’inscrit dans la perspective de l’anthropologie-historique et fonde sa comparaison sur mes observations de terrain (2005-2013). Un terrain qui fait le va et vient entre La France, l’Algérie et le Maroc. Il porte sur deux confréries qui ont historiquement pris souche sur le sol algérien comme sur le sol marocain : La confrérie Tijâniyya et la confrérie ‘Alawiyya-Qâdiriyya-Châdhiliyya. J’envisage d’examiner à l’occasion de ce Colloque d’Essaouira les transformations progressives opérées au sein des deux ordres, en prenant comme indicateuranalyseur de changements les rituels collectifs des deux confréries. 3 La confrérie ‘Alawiyya, sous la direction de son actuel Guide spirituel Cheikh Khaled Bentounès, a, depuis deux décennies, élargi son champ d’action(voir schéma ci-joint) et de recomposition de ses adeptes, conséquence de pratiques novatrices et inédites dans l’histoire du confrérisme maghrébin : Articulation entre confrérisme et scoutisme ; spiritualité et citoyenneté ; mixité durant le rituel, mode d’organisation confrérique et associative (type Loi 1901) ; double appartenance des adeptesconvertis… Pèlerinage croisé des adeptes sur la tombe du pôle de la sainteté Moulay Abdessalam Ibn Machich (Nord du Maroc) et sur la tombe d’Ahmed Alioua (m.1934) à Mostaganem; fondateur de la branche ‘Alawiyya. Du côté de la Tijâniyya, mon observation a porté sur la mobilité des branches tidjanes entre deux maisons-mères concurrentes (Fès/Maroc et ‘Aïn Mâdhî/Algérie). Le fait migratoire a favorisé le croisement des pratiques rituelles, portées par des disciples d’origines diverses : le Maroc, l’Algérie, la Mauritanie et le Sénégal. […] L’observation fine des différents rituels, source de divergences, dévoile en fait des enjeux de pouvoirs majeurs : La circulation de biens matériels et matrimoniaux et la détention exclusive de délégation de l’autorité de représenter localement le Maître vivant. La question de l’implantation progressive de l’islam confrérique prend une importance capitale dans la stratégie d’essaimage chez les Guides spirituels. Ces derniers, estiment que la présence de leur ordre en Europe est vitale. D’où l’intérêt de s’interroger sur le problème de la délégation de l’autorité. Ce que les adeptes rappellent dans le rituel même n’est que la célébration des anciens, garants de l’authenticité de ce qui est transmis jusqu’à eux. Pour le cas de la ‘Alawiyya, l’une des prières maîtresses du rituel consiste à prier pour toute la chaîne des transmetteurs de l’ordre ‘Alawi en déclinant dans une forme poétique rimée, destinée précisément à la mémorisation par les disciples des noms des Maîtres, suivis de la vertu spécifique de chacun, qui singularise son apport à l’héritage spirituel de la confrérie […] C’est à la double lumière des concepts de l’Isnâd et du rite d’institution que j’envisage d’ouvrir un nouveau chantier, de mon point de vue singulier, en analysant les mécanismes sous-jacents aux modifications des rituels chez deux confréries maghrébines prises dans des ‘’tentatives d’instrumentalisation politique’’ de la part des trois pouvoirs: algérien, marocain et français. 7) Nazarena Lanza Une zawya privée pour un cheikh moderne: échanges autour du soufisme marocco-sénégalais à Salé Avec mon intervention, je voudrais présenter une zawya « privée » de Salé, les convivialités qui animent ses soirées et certains de ses protagonistes. Il s’agit d’une zawya spéciale, car créée dans un appartement par un jeune entrepreneur marocain, cheikh de la zawya, converti à une branche sénégalaise de la tijaniyya. Le lieu remplit les fonctions classiques d’une zawya, c'est-à-dire la prière, l’accueil, l’échange, le loisir. Ce qui la distingue, c’est cet accueil spécialement adressé à des jeunes sénégalaises (parfois mauritaniennes et nigériennes) issues de familles maraboutiques de la branche niassène, ou « réformée », de la tarîqa Tijaniyya. A partir de la reconstruction de certaines conversations, je voudrais aborder plusieurs questions qui touchent la conception moderne d’un soufisme « vécu » : la mission de la zawya, le sens de la quête et la valeur du voyage, la relation à Dieu et aux rêves, le langage « informatique » pour expliquer la « voie », les défis et pratiques de jeunes marabouts sénégalais au Maroc… Tous ces éléments se dessinent sur le fond d’un soufisme transnational qui reconfigure la géographie classique, tant physique que spirituelle, du « centre » et de la périphérie de la confrérie. D’une part, Omar, le cheikh de la zawya, se rend chaque année à Kaolack, ville du Sénégal berceau 4 des niassènes. Il accueille également les niassènes sénégalais qui viennent au Maroc pour la visite au mausolée du fondateur de la « zawya mère », Cheikh Ahmed Tijani. D’autre part, cette branche de Tijaniyya constitue un courant « réformiste », aux limites de l’hérésie pour les défenseurs marocains du dogme, qui est en train, néanmoins, de faire place à un nouveau discours. 8) Abdourahmane SECK Maroc-Sénégal : figures et enjeux de la circulation des ressources symboliques et religieuses islamiques. Dans cette communication, nous mettrons en regard trois différents tableaux, après avoir préalablement opéré une brève mise en perspective historique et symbolique des relations politiques et culturelles qui lient le Maroc et le Sénégal. Le premier tableau portera sur la transformation de l’espace marocain en haut lieu de conflit symbolique par les daahiras (cercles – religieux) des migrants sénégalais, tant entre elles qu’à l’intérieur des équilibres ou clivages internes qui les traversent. Le deuxième analysera les usages marocains des dynamiques du religieux au Sénégal, à travers une série de portraits et d’itinéraires croisés sur notre terrain. Le troisième, enfin, mettra en relief les figures les termes et enjeux de l’instrumentation de la notion de « commandeur des croyants » dans le débat politique sénégalais, à l’occasion de la dernière visite du roi Mohamed VI à Dakar. L’exposé de ces trois tableaux montrera, en filigrane, l’existence d’un phénomène de circulation de ressources symboliques et religieuses entre les deux espaces respectifs du Maroc et du Sénégal, dans une logique de transformation, recomposition, réinvention constante du grand récit politique de l’unité fraternelle qui lie les deux pays. *Cette communication s’inscrit dans le sillage d’une recherche plus large, conjointement menée avec Nazarena Lanza. 9) Manoël Pénicaud Du pèlerinage des sept Regraga aux Sept Dormants (Ahl al-Kahf) au Maghreb. Retour sur un itinéraire de recherche. Entre 2002 et 2010, j’ai étudié le pèlerinage des Regraga dans le pays chiadma (région d’Essaouira) au Maroc. A chaque printemps, ces « confréries » accomplissent un daour (tour) de 39 jours lors duquel ils visitent 44 sanctuaires de leurs ancêtres, particulièrement chargés de baraka. Cette ethnographie s’est inscrite dans les pas de Georges Lapassade (D’un maraboutl’autre, 2000) et d’Abdelkader Mana (Les Regraga. La Fiancée de l’eau et les Gens de la Caverne, 1988),ce qui a apporté un autre éclairage sur ce phénomène social complexe, 20 ans après mes prédécesseurs et a donné lieu à plusieurs productions (Dans la peau d’un autre, 2007, etle documentaire Les chemins de la Baraka, 2007). L’une des hypothèses de travail était que le mythe fondateur des premiers Regraga – sept chrétiens convertis à l’islam par le prophète Mohamed – était un avatar de la légende plus répandue en Méditerranée des Sept Dormants d'Éphèse, mieux connus en islam sous le nom de Ahl al-Kahf (Gens de la Caverne). Cette corrélation avait également été énoncée par l’orientaliste Louis Massignon dans l’importante étude qu’il leur a consacrée, notamment avec le concours d’Emile Dermenghem (Revue des Études Islamiques, 1954-1963). Mais mes recherches dans les archives de Louis Massignon et sur les Sept Dormant tendent finalement à infirmer cette hypothèse. Par contre, ces mêmes recherches m’ont fait revenir au Maghreb sur les traces des Ahl al-Kahf dont le mythe est parfois (re)convoqué aujourd'hui en dehors du culte des saints. A travers cet itinéraire de recherche, cette communication propose une traversée réflexive dans le Maghreb contemporain, du maraboutisme des Regraga aux réinterprétations inattendues du mythe 5 des Sept Dormants, à l’instar de leur réveil quasi-sécularisé dans le contexte de la révolution de jasmin en Tunisie. 10) Aziz Hlaoua et Khalid Mouna Lalla Aïcha la multiple : pouvoir symbolique au féminin » En dépit du nombre très réduit des filières de l'ordre des Hmaddcha encore actives aujourd’hui au Maroc, le moussem de Sidi Ali, zâwiya-mère de Hmaddcha, continu d'attirer un nombre important de visiteurs venant de tous les coins du Maroc. Nous avons observé le moussem de pèlerinage de Sidi Ali, cette année, en 2013, et malgré la fermeture du sanctuaire du Saint Sidi Ali Ben Hamdouch pour restauration, des dizaines de milliers de visiteurs dont la majorité sont des femmes ont accompli les rituels de pèlerinage dans les trois lieux saints: Sidi Ali, la grotte Lalla Aïcha et le sanctuaire de Sidi Ahmed Dghoughi. Nous sommes plus particulièrement intéressés par les pratiques rituelles des milliers des visiteurs et pèlerins au lieu-dit de "Lalla Aicha", à quelques mètres du sanctuaire du Saint Sidi Ali. Nous souhaitons décrire et analyser le statut de la sainte et comprendre ce personnage prend de multiples statuts et fonctions. Notre intervention est le résultat d'un travail ethnographique effectué pendant le moussem de Sidi Ali ben Hamdouche en janvier 2013, elle sera accompagnée d'un court film ethnographique. 11) Salima Naji Igudars et culte des saints. Les réseaux de sacralité des sociétés rurales contemporaines du Maroc présaharien. Les terrains de recherche conduits durant plusieurs années du HAUT-ATLAS à l’ANTI-ATLAS (300 greniers actifs, moribonds ou ruinés) dans l’objectif de réactualiser les données coloniales soutiennent l’idée d’une communauté élargie, au-delà des liens du sang, dont l’institution collective de l’agadir sacré affirme l’identité. Car c’est à dates fixes chaque année, que toutes les tribus possédant un grenier actif, apportent en effet leurs dons aux grandes zawya-s méridionales placées sur les franges présahariennes et renouvellent alors leur allégeance par serment aux grands Saints régionaux (Imi n’Tatelt, Tamegrout, Tazerwalt, Timggilsht). Relation singulière qu’il convient d’appeler le système [zawya-grenier], système par lequel circule une partie des biens nourriciers produits dans ces régions, rendant indispensable la vieille institution collective d'entrepôt. Les circulations de dons apparaissent bien comme les prestations totales d’un système articulé autour de la baraka. Les règles cependant évoluent, polarisées distinctement par les deux « institutions-choses » que sont la religion, d’une part, et le patrimoine, de l’autre, selon des logiques de rupture, d’effacement des mémoires et de réécritures des pratiques individuelles et collectives. Parallèlement, les saints des zawya-s font l’objet de critiques qui les assignent à disparaître. La persistance des rituels participe à la fois de la résilience d'une religiosité qui veut se distinguer d'un Islam extérieur et modernisateur, et d'une dimension identitaire et patrimoniale. Intégrés aux grands mouvements mondiaux islamiques affirmant (ou réaffirmant) l’unicité d’une umma qui peut, désormais, grâce aux médias diffuser à grande échelle une unité de pratiques et de croyances. Ce déplacement du sacré fera l’objet de cette communication. 2-Ethnomusicologie du Maroc, Patrimoine immatériel (resp. Abdelkader MANA, [email protected];/Philippe DE LABORDE PEDELAHORE, [email protected]) : Lundi 9 septembre, 14-17h (Lieu : Musée d’Essaouira) 6 Note d’orientation : La musique populaire est très vivante au Maghreb. Si le folklore appartient au passé des sociétés postindustrielles, il reste encore une réalité vivante : chaque groupe ethnoculturel ou plus simplement groupes d’hommes rassemblés selon des affinités diverses dispose d'une culture qui lui est plus ou moins propre. Le programme de recherche dénommé « Paroles d'Essaouira », en tant que « Carrefour culturel », que Georges Lapassade avait lancé en 1980 qui visait à recueillir et à analyser, les chants des moissonneurs, des artisans, des marins, des confréries religieuses, des femmes, des comptines d'enfants, mais aussi l'accueil du rock'n roll… En effet, si les Anglo-saxons substituent au terme de « tradition orale », le vocable de « folklore » qui signifie étymologiquement « la culture populaire » et que pour Marcel Mauss, « Est populaire, tout ce qui n'est pas officiel », il y a eu passage et fixation du concept de patrimoine intangible, puis patrimoine oral de l'humanité à celui , maintenant, de « patrimoine immatériel ». Son acte de naissance est grandement redevable à la Commission nationale marocaine pour l'UNESCO qui organisa une consultation internationale sur la préservation des espaces culturels populaires, à Marrakech, du 26 au 28 juin 1997. La richesse des travaux en ethnomusicologie au Maroc et dans l'ensemble du Maghreb nous invitant donc à (re)visiter les permanences et les évolutions du patrimoine musical maghrébin, Nous proposerons aux intervenants de nous offrir des aperçus sur les modalités des expressions musicales, y compris les plus neuves, dans l'ensemble du Maghreb. Mais c’est par extension tout ce qui relève au Maghreb de cette notion de « patrimoine immatériel » dont nous traiterons dans cet atelier de recherche. Participants: 1. Abdelghani Maghnia (Univ. de Fès), [email protected] 2. Jean During (Univ. Paris-Ouest), [email protected] 3. Miriam Olsen (Univ. Paris-Ouest), [email protected] 4. Jacques Willemont (Univ. Strasbourg), [email protected] 5. Jean François Clément (ICN, Nancy), [email protected] 6. Farid El Asri (UIR, Rabat, associé CJB), [email protected] 7. Abdelkader Mana (Essaouira, Maroc), [email protected] Titres 1. Abdelghani Maghnia « La transe et la musique : dimension spirituelle et fonction intiatique ? » 2. Jean During « Dévotion, adoration, guérison : la polyvalence des pratiques cultuelles dans la sphère musulmane » 7 Si le Maroc a été un terrain privilégié pour les recherches sur la transe, et la possession, l’étude de ces phénomènes et des rituels où ils se déploient a tout intérêt à s’étendre Maghreb entier, et plus encore au Mashreq aux confins de l’Orient musulman. Une approche comparative révèle des affinités profondes qui témoignent de la circulation des pratiques et des représentations entre des cultures bien distinctes, et au-delà, de catégories anthropologiques plus générales. Au-delà des mers et des terres, les mêmes questions surgissent, telles que : - les relations entre pratiques dévotionnelles et cultuelles (soufisme, culte des saints, négociation avec les esprits), -les types d’effets recherchés (thérapeutiques ou prophylactiques, somatique ou psychosomatique), -l’aptitude à la modification des états de conscience (innéee, héréditaire, ou sociale), - les catégorisations de ces états (simulation, excitation, transe, surconscience...), - la nature des individualités ou des forces invoquées (esprit, présence, génie, succube...), - l’efficacité de la musique (rythme, devises, timbres), et bien d’autres encore. Ces thèmes seront évoqués à partir des données recueillies dans l’aire du Golfe persique où convergent les cutures arabe, africaine et iranienne. 3. Miriam Olsen Musique et agriculture: de la pratique au concept Dans ma contribution, je présenterai quelques réflexions issues de mes recherches dans l'Anti Atlas et le Haut Atlas marocain; elles porteront sur le lien entre la musique (chant, poésie, tambours, danse) et l'agriculture (orge, dattier, certains animaux). Dans un premier temps, je m'interrogerai sur ce que l'établissement d'un tel rapport permet de comprendre de la musique comme de la perception par les villageois des plantes et des animaux. Le propos s'appuiera sur trois types de répertoires villageois représentatifs de la région qui manifestent chacun un rapport différent à l'agriculture: ahwash, ladkar, chants rituels de mariage. Dans un second temps, j'aborderai certaines perspectives qui découlent de ces recherches, relatives à la comparaison des musiques rurales au Maroc et au Maghreb. 4. Jacques Willemont « La transmission participante des connaissances dans le cadre d’une recherche en ethnomusicologie » Les colloques ont pour objectif de faire connaître à la communauté scientifique du domaine qui y est abordé, l’avancée des connaissances et il serait possible de définir ce qu’est un bon colloque au nombre de participants qui repartent avec le sentiment d’être finalement plus ignorants qu’ils ne le croyaient. Remettre en question de manière permanente ses connaissances constitue la voie royale qui conduit au savoir. Il est acquis qu’aucun enseignant au monde, qu’aucun spécialiste d’aucune matière scientifique n’est en mesure de transmettre un savoir. Par contre, il est dans les obligations des hommes de sciences de transmettre leurs connaissances à ceux qui participent à des formations spécialisées et même à ceux qui souhaitent apprendre tout au long de leur vie et il est regrettable que ces mêmes personnes soient trop souvent inaptes à remettre en question les modalités de leur action pédagogique, de la transmission de ces mêmes connaissances. Le « ménage à trois » fonctionne parfaitement, de la maternelle à l’université. Dans un monde clos sont d’abord réunis le maître qui dit une certaine vérité et les émules qui la répètent. En parallèle, plus ou moins à l’extérieur, la Société (parents compris évidemment) qui va émettre des recommandations, des réprimandes et finalement faire son marché, en fonction des critères 8 « pédants » (c’est Montaigne qui qualifie) que l’école et l’université imposent et gratifient : capacité de mémoire, capacité de reproduire sans remise en cause, … Tout le monde sait cela ou le prétend. Ce type de formation, très universel semble-t-il, mais assurément judéo-islamo-chrétien, ne correspond plus (1) à l’éducation dont les sociétés actuelles ont besoin pour relever les défis qu’elles génèrent. Le libre arbitre se forge au creuset de la multiplicité des points de vue. En pédagogie, un œcuménisme laïc, interdisciplinaire et participatif est une des solutions, parmi d’autres, que l’auteur de cette thèse expérimente. Et cette démarche qui est d’autant plus essentielle dans l’enseignement à distance, s’applique aussi bien pour la connaissance des Gnawa, de leur patrimoine matériel et immatériel, que pour compréhension des forces physico-techniques, sociales, économiques qui structurent le Monde. Le programme réunit les points de vue d’une quarantaine de chercheurs et d’enseignants (anthropologues, ethnomusicologues, historiens, psychologues, ….), de praticiens gnawi (maâlem, moqaddema, …) et bénéficie du savoir-faire d‘une équipe qui « met en scène et en perspective » ces connaissances (2). Le programme en français sera mis en ligne fin 2013. La version anglaise au printemps 2014. Une version arabe a été évoquée avec l’Université de Marrakech. (1) A-t-il été adapté un jour aux sociétés prétendument ouvertes que le XVIIIème siècle européen a initialisées ? (2) Dont Isabelle Bianquis, professeur à l’université de Tours, Marianne Poumay, professeur à l’université de Liège, et la Direction des usages du numérique (DUN) de l’université de Strasbourg. 5. Jean François Clément Les formes d’organisation des orchestres dits de musique arabo-andalouse peuvent-elles être considérées comme un paradigme des modes de gestion des entreprises marocaines ? Les modes d’organisation et de gestion des orchestres de musique arabo-andalouse du Maroc diffèrent manifestement des orchestres de musique classique d’Occident, même s’il existe des points communs. Ces différences portent sur des conceptions différentes du chef (qui ne tourne pas le dos au public, dépourvu de baguette, lui-même musicien, etc.) et du mode d’organisation de l’orchestre (qui peut comprendre des personnes en cours de formation et des non professionnels et surtout où l’on tolère de multiples microvariations entre chanteurs ou musiciens, par exemple dans les diapasons et les rythmes). Ces différences dans les compétences ou les rôles du manageur permettent-elles de comprendre, à titre de paradigmes, les modes de gestion observés par l’analyse organisationnelle dans les entreprises marocaines, qu’elles soient grandes, moyennes ou petites ? Ou faut-il plutôt les corréler aux modes de fonctionnement des ateliers formant les anciennes corporations ? Et qu'en est-il des transformations en cours ? Cette comparaison transculturelle ne permet-elle pas surtout de révéler, par une narratologie métasymbolique, une relation différente aux valeurs et à leurs variations ? 6. Farid El Asri Musiques et normes religieuses : une socioanthropologie des consommations ambivalentes de la jeunesse marocaine Notre contexte culturel général est caractérisé par une saturation de l’espace sonore environnant, voire une surexposition quotidienne au musical. La jeunesse marocaine confirme cet état de fait et ce tant par la consommation et la créativité de productions musicales, que par un entretien significatif des héritages musicaux. Beaucoup s’interrogent par ailleurs sur le sens de leur choix 9 artistique ou sur la validité éthique d’un tel investissement (ou dépendance) dans le divertissement. Si évidente dans les faits, l’écoute où la pratique de musique reste un sujet de pleine polémique. Les mots tels que futilité du divertissement, responsabilité du musulman, éthique de la consommation et illicéité résonnent souvent en arrière-fond des entretiens que nous avons récoltés et des discours originaires d’un référentiel religieux. Confrontés à la question musicale par l’angle du normatif religieux, beaucoup de ces jeunes Marocains tranchent pour son caractère polémique. De jeunes Marocains appréhendent ainsi leur rapport à la musique par le paradoxe. Notre contribution ambitionne d’éclairer les tensions de cette jeunesse tiraillée entre une hyper-implication musicale et des questionnements religieux ambivalents (d’origine morales, éthiques et/ou normatifs). De ce débat découle une subjectivité du rapport au normatif religieux, contribuant à éclairer les pratiques musulmanes contemporaines au Maroc. 7. Abdelkader Mana Musicothérapie des Gnaoua : une religion des femmes En 1996, la dernière enquête que j’ai menée en compagnie de Georges Lapassade à Essaouira a porté sur les talaâ, ces voyantes médiumniques, ces prêtresses des Gnaoua qui pratiquent la divination en état de transe. Au Maghreb, la divination de prêtresses, ou voyantes médiumniques, en état de transe est une tradition qui remonte loin. La kahéna, l’antique héroïne berbère, portait en fait un nom arabe qui signifie « devineresse », manifestement en rapport avec les dons prophétiques que prêtent à la reine de l’Aurès et de l’Ifriqiya les auteurs musulmans à partir d’Ibn Abd al-Hakam (mort en 871). […] Le spectateur du rite nocturne de possession, fasciné par ce « spectacle » de transe « habitée », est avant tout sensible au jeu musical de ses animateurs. Il est tenté alors, de conclure que chez les Gnaoua, ce sont les musiciens qui sont les maîtres du jeu. En réalité nous dit Georges Lapassade, ici, comme dans tous les rites de possession, la gestion de la situation est assurée par les prêtresses du culte. Et ici comme ailleurs, les femmes, parce qu’elles sont tenues en marge de la religion des hommes, se sont donné secrètement une autre « religion » : "la religion des femmes". 3-Anthropologie juridique/des normes (resp.Yazid BENHOUNET [email protected] /Abderrahmane MOUSSAOUI [email protected]): Mardi 10 septembre, 14h-17h (Lieu : Musée) Note d’orientation Le Maghreb a constitué, et constitue encore, un laboratoire anthropologique fécond pour questionner les normes et le droit. En effet, depuis les travaux précurseurs de Hanoteau et Letourneux (1873) aux recherches plus récentes (e.g. Dupret, 2006, et les programmes ANDROMAQUE et PROMETEE du Centre Jacques Berque), en passant pas les apports de Berque (1953), Bourdieu (1972) ou Geertz (1983), force est de constater que les anthropologues ont à plusieurs reprises, dans des perspectives sans cesse renouvelées, interrogé les éléments normatifs et la pratique du droit au Maghreb, notamment le rôle de la coutume et des diverses sources légales (charia, droits locaux, qanun, etc.). Par ailleurs, si le droit de la famille et les normes de parenté ont constitué un champ important des travaux anthropologiques sur les sociétés du Maghreb, on observe néanmoins depuis plusieurs années un développement de divers objets de recherche s’inscrivant dans les questionnements sur les normes dans les sociétés du Maghreb et les renouvelant : l’incidence du droit international, le rôle des ONG, la question du genre, les nouvelles 10 pratiques liées à la propriété, les migrations, les formes de gestion de la violence, les phénomènes de réconciliation, la justice transitionnelle, etc. Cet atelier veut rendre compte de ces nouveaux développements dans le traitement et l’approche de la norme et du droit en contexte maghrébin. Si l’atelier n’est pas thématiquement orienté et ne privilégie aucun objet particulier, les responsables souhaitent néanmoins que les communications recourent à la démarche ethnographique pour questionner les normes dans les sociétés du Maghreb. Berque, Jacques, 1953, « Problèmes initiaux de la sociologie juridique en Afrique du Nord », Studia Islamica 1 : 137-162. Bourdieu, Pierre, « Le sens de l’honneur », in Esquisse d’une théorie de la pratique, précédée de trois essais d’ethnologie Kabyle, Genève, Droz, 1972 Dupret, Baudouin, 2006, Le Jugement en action. Ethnométhodologie du droit, de la moralité et de la justice, Librairie Droz, Genève. Geertz, Clifford, 1989 « Faits et droits en perspective comparée », in Savoir local, savoir global, Paris, PUF (1ère publication en anglais 1983 - Storrs Lectures for 1981 at the Yale Law School). Hanoteau A. & Letourneux A., 2003 [1873], La Kabylie et les coutumes kabyles, Editions Bouchène, Paris (1ère publication : 1873). Participants : 1. Claire-Cécile Mitatre (Univ. Montpellier et associée CJB, Rabat), [email protected] 2. Emilie Barraud (Univ. Marseille et associée CJB, Rabat), [email protected] 3. Marta Arena (EHESS, Paris/BGSMCS, Berlin), [email protected] 4. Beatrice Lecestre-Rollier (Univ. Paris-Descartes), [email protected] 5. Céline Lesourd (Univ. Aix-Marseille), [email protected] 6. Araceli Gonzalez Vasquez (Univ. Euskal Herriko/Pays-Basque) [email protected] 7. Florence Bergeaud (Univ. Libre de Bruxelles), [email protected] Titres et Résumés : 1. Claire-Cecile Mitatre Quand se marier « au plus loin » revient à se marier « au plus proche ». Une étude des relations matrimoniales décentrée de la question du « mariage arabe », chez les Tekna de l’Oued Noun. S’il est généralement admis que le mariage avec la fille de l’oncle paternel n’est pas prescriptif au Maghreb, cette union est décrite comme préférentielle dans certaines ethnographies. On ne peut pas affirmer que ce soit le cas chez les Tekna arabophones de l’Oued Noun. Dans cette région oasienne du sud-ouest marocain, des adages laissent certes entendre que la meilleure destinée pour un homme est d’épouser sa cousine parallèle patrilatérale. Néanmoins, si un homme s’apprête à s’engager dans ce type de mariage, d’autres adages pourront être tirés du corpus oral de la région afin de l’en dissuader. Loin d’être univoque, le discours émis sur le « mariage au plus proche » peut ainsi adopter des perspectives opposées en termes de jugement de valeur et ce, par les mêmes individus. Parallèlement, cette union parfois, mais pas toujours, présentée comme un devoir d’honneur incombant au cousin lorsque la fille de son oncle paternel tarde à trouver un époux, est aussi, dans certaines circonstances, conçue comme l’expression d’un droit de préemption dont dispose un homme sur sa cousine parallèle patrilatérale (haqdar, le droit du 11 dos). Mais bien davantage qu’une union contractée par droit ou par devoir, en vue d’obéir à une norme ou de se conformer à un idéal matrimonial, le mariage entre cousins patrilatéraux est présenté dans l’Oued Noun comme un mariage qu’un homme choisit de contracter par intérêt. Les proverbes et discours le décrivent avant tout comme présentant un ensemble d’avantages économiques et relationnels pour l’homme qui choisit de s’y engager. Le « mariage arabe » se voit alors comparé, voire assimilé, à un autre type d’union présentant un grand nombre d’avantages équivalents : le mariage d’un homme Tekna arabophone avec une femme d’un groupe berbérophone (chleuh), union conçue dans cette région comme exogame et hypergame. Dans un premier temps, ma communication présentera comment, dans cette région, « mariage au plus proche » (endogame et isogame) et « mariage au plus loin » (exogame et hypergame) se retrouvent de la sorte assimilés tant dans la pratique que dans les représentations, alors que tout semble les séparer du point de vue des catégories analytiques utilisées en anthropologie de la parenté. Dire que le « mariage arabe », tout comme le mariage d’un homme arabophone avec une femme berbérophone est, dans l’Oued Noun, considéré comme étant contracté par intérêt ne revient pas à se calquer sur la vision de P. Bourdieu selon qui les pratiques matrimoniales, invariablement régies par la logique de l’intérêt et du calcul, se donnent les apparences du désintéressement (1972). En effet, contrairement à ce qu’a pu relever Bourdieu en Kabylie, dans l’Oued Noun, « Mariage au plus proche » et « mariage au plus loin » sont explicitement désignés comme des mariages intéressés du point de vue de l’homme qui choisit de s’y engager. Ces unions sont en effet dites être contractés par intérêt, notamment par les acteurs qui les contractent. Ils ne tentent donc pas de faire passer leurs pratiques pour désintéressées puisque se marier avec une femme chleuh ou une cousine est, en soi, un aveu de stratégie. Cela ne revient pas non plus pour autant à dire que, dans cette région oasienne, agir par intérêt soit considéré comme particulièrement louable. Bien au contraire, mariage « au plus loin » et mariage « au plus près » sont considérés comme des unions relevant du registre de l’ordinaire, contractées par des hommes du commun prenant soin de peser le pour et le contre avant d’agir, n’ayant d’autre ambition que de préserver leur patrimoine, leur quiétude, leur rang et leur honneur sans rien avoir à remettre en jeu, sans rien risquer. Face à ces mariages ordinaires, se dresse un troisième type de mariage à la renommée bien différente : ce que nous appellerons le « grand mariage », unissant un homme et une femme Tekna de lignées distinctes, souvent rivales politiquement, n’est pas conçu comme un mariage contracté par intérêt. Selon l’exégèse locale, l’homme qui s’engage dans cette union d’exception ne tergiverse pas en calculant les intérêts qu’il pourrait y trouver : il le fait par folie amoureuse, une attitude ô combien valorisée dans la région. 2. Emilie Barraud Filiation, kafâla et successions. Dispositions conservatoires et contournements de la règle de la légitimité en matière de transmission de la propriété Le Maroc et l’Algérie prohibent la filiation adoptive. Depuis 1957, l’article 149 de la Moudawana reste inchangé : « L’adoption n’a aucune valeur juridique et n’entraîne aucun des effets de la filiation légitime ». Depuis 1984, le droit positif algérien dispose formellement que « l’adoption (Tabanni) est interdite par la chari’a et la loi » (art. 46). Par l’emploi d’un ton doublement impératif et en renvoyant à l’autorité de la loi islamique, le législateur algérien entend marquer une position officielle, empreinte de fermeté, afin que la norme ne puisse être discutée. En France, il est depuis communément admis que « l’adoption n’existe pas en Algérie et au Maroc dès lors que l’islam l’interdit ». Toutefois, l’ethnologie des parentés électives invite à nuancer cette affirmation 12 généralisée. L’adoption, telle qu’elle est définie en droit français, ne connaît pas d’équivalent en droit algérien et marocain, ce qui n’exclut pas l’existence de formes de parentés sociales institutionnalisées, comme le recueil légal kafâla, ou non, avec le phénomène prospère des adoptions illégales. Le Code de la famille interdit l’adoption, mais lui substitue depuis 1984 en Algérie et 1993 au Maroc un autre mode d’intégration familiale, le recueil légal de mineur, ou kafâla, qui est l’engagement bénévole de prendre en charge l’entretien et la protection d’un mineur mais sans que ce dernier n’accède au rang de fils légitime. Ainsi, en référence à l’autorité de l’islam, la norme serait l’absence d’adoption, et si l’on admet que la kafâla est une des formes de l’adoption, la norme serait que l’enfant « adopté » n’est concerné ni par la transmission du nom, qui est un des effets de la filiation légitime, ni par les règles relatives aux successions (édictées par le Coran et reconduites par les droits positifs) qui s’accordent avec celle de la légitimité. Cette règle de la légitimité joue à l’encontre des enfants recueillis pour faire obstacle à leurs parts dans la succession de leur père ou de leur mère d’adoption. Faut-il pour autant en déduire qu’elle joue systématiquement à chaque fois que dans la famille algérienne ou marocaine un enfant est recueilli sous kafâla ? Nous ne pouvons l’affirmer. Dans bien des cas, des dispositions « conservatoires » sont prises par les parents d’adoption sous forme de legs, de donation ou de vente pour « protéger » l’enfant recueilli. Toutes relèvent de stratégies de contournement de l’interdit islamique (interdit de l’adoption) et participent de nouvelles manières d’agir et de pratiques novatrices auxquelles nous portons ici notre attention, spécialement en milieu algérien. L’ethnographie des pratiques adoptives et des pratiques de transmission dans le cadre de la kafâla témoignent d’une réalité complexe dans laquelle interviennent d’autres référencements que celui de l’islam. La lecture des normes juridiques ne permet pas de conclure que tous les enfants recueillis en kafâla ne sont jamais les bénéficiaires d’actes de transmission de biens de propriété au sein même de leur famille d’adoption. L’approche ethnographique combinée à l’étude des cas judiciaires et des solutions jurisprudentielles font émerger d’autres concepts et normes de référence comme « l’égalité des enfants et des citoyens », « l’intérêt supérieur de l’enfant », « l’amour filial » pour appuyer ces pratiques de contournement. 3. Marta Arena “Nasab harām, laqab halāl”: perceptions de sa maternité et des origines de son enfant chez les mères célibataires en Tunisie suite à l’attribution du laqab paternel. La loi tunisienne permet aux femmes de saisir les tribunaux pour qu’un jugement modifie l’état civil de leur enfant né hors mariage, lui attribuant le nom patronymique (laqab) du père naturel. Cette loi s’appuie sur la représentation patrilinéaire agnatique du nasab, par laquelle de l’accès au nom de l’ascendant découlent le rattachement à sa généalogie ainsi que droits et devoirs envers lui. Traditionnellement, les femmes qui sont mères sans être mariées sont exposées au préjugé et sont mise en marge parce que leurs enfants n’ont pas un nasab paternel. Leur comportement est socialement sanctionné du moment qu’elles n’ont pas suivi la logique qui veut que un enfant soit appelé le fils ou la fille d’un tel seulement si celui-ci (et ses ascendants mâles) l’avait préalablement accepté à travers le mariage avec la mère de l’enfant ou par la reconnaissance de paternité (iqrār). Or, la loi 75/98 permet aux femmes de s’emparer du mécanisme d’attribution du laqab paternel et, par conséquence, de rattachement de l’enfant au nasab paternel. A partir de cette nouveauté, la communication enquête sur les conséquences de l’application de cette loi sur la perception que les mères célibataires ont d’elles-mêmes et de leur maternité. En particulier, le questionnement concerne la localisation par elles de leur maternité hors mariage entre l’espace du harām et du halāl : maternité tourmentée en raison de ses conséquences difficiles à l’égard des rapports sociaux et familiaux et de la perte du sharf, mais aussi maternité pour laquelle on réclame « son droit » vis-àvis du père de l’enfant et dans l’intérêt de l’enfant. 13 4. Béatrice Lecestre-Rollier Nouvelles pratiques liées à la propriété dans le Haut Atlas central À partir de mes travaux ethnographiques de terrain portant sur la société rurale marocaine, plus spécifiquement sur les vallées du Haut Atlas central (milieu amazighophone), je propose de réfléchir au thème des « nouvelles pratiques liées à la propriété ». Le problème de la transmission des terres se pose avec acuité dans toutes les sociétés paysannes. Dans le contexte marocain et musulman où l’égalité successorale entre frères prévaut, mais pas entre frères et sœurs, quels sont les jeux et enjeux autour de l’héritage et de la transmission du patrimoine familial ? J’insisterai sur la pluralité des configurations familiales et des stratégies individuelles qui s’expliquent par la tension entre indivision et division, solidarité et compétition entre agnats pour l’honneur de perpétuer le nom et de préserver l’intégrité du patrimoine familial. 5. Céline Lesourd Les hommes-femmes, ces courtiers de l’amour. Et si transgresser les normes de la sexualité offrait une opportunité de réussite ? Mauritanie Au cœur de l’élite politico-économique mauritanienne, un petit groupe « ehel mesrah 1 » composées de personnalités – essentiellement maures – font et défont l’opinion publique imposant un modèle de vie qui témoigne de ce qu’est la réussite. Diffusant un way of life que de nombreux Nouakchottois reprennent par mimétisme, « ehel messrah » fixent ainsi les règles d’une « culture matérielle du succès » organisée autour de défis ostentatoires (les plus belles voitures, villas, fêtes de mariage, tenue vestimentaire…) Dans le boudoir de ces élites gravite une cour variée et nous focaliserons notre attention ici sur le « phénomène » des gorjigéen. En langue wolof, « gor » signifie l'homme et « jigéen », la femme. Comme son nom l'indique alors, le gorjigéen est celui qui est un homme-femme. Un homme efféminé possiblement homosexuel. Dans la société maure, où le féminin et le masculin, participent publiquement de deux univers très distincts 2 , les gorgigéen jouissent cependant d’un statut particulier puisqu’ils jouent les entremetteurs des rendez-vous galants d’une certaine élite financière. A l’évidence, les gorjigéen, en oscillant entre les valeurs des genres perdent leur statut et cette stérilité sociale leur assure de pouvoir endosser et assumer ce rôle de « courtier de l'amour ». Méprisés – ils ne correspondent pas à l'idée collective de ce que doit être un homme –, craints – ils connaissent les secrets des uns et des autres –, indispensables – les lieux de rencontres sont rares –, gourmands, ambitieux, menteurs, faiseurs de rumeurs, impudiques, quémandeurs, les gorjigéen sont affublés de toutes les valeurs négatives propres aux forgerons et aux griots ; ils forment un groupe à part, voire même une nouvelle « caste urbaine ». Ainsi, à travers cet exemple des gorgigéen, les normes sociales de la construction des identités sexuelles et de la sexualité semblent mises à mal et ce d’autant plus que ces protagonistes sont devenus visibles, indispensables et fort sollicités dans le milieu du mesrah… 1 Le messrah, en arabe et en hassâniyya, désigne littéralement la scène, par extension le théâtre. Pour les Mauritaniens, « être sur le messrah » signifie alors « être sous les feux de la rampe », ou, en d’autres termes, appartenir à une certaine élite. 2 EN Mauritanie, l’homosexualité est passible de la peine de mort. 14 Mais il convient de souligner combien ces transgressions permettent à certains gorgigéen de faire fortune grâce aux luxueux services prodigués. Un moyen aussi, pour eux, de faire tolérer leur homosexualité. Des avantages qui ne sont pas sans soulever bon nombre de « vocations »… 6. Araceli Gonzalez Vasquez Lois, règles et norms de l’hospitalité des humains envers les non-humains : micro-scènes rituelles marocaines Quand on parle de « lois », de « régles », et de « normes » d´hospitalité au Maroc et au Maghreb, on présuppose généralement la participation d´agents humains. En fait, c´est l´hospitalité entre humains qui a fait l´objet des réflexions les plus nombreuses, souvent sur le thème de l´hospitalité « arabe », « berbère », et « marocaine » (Camps-Fabrer, 2000 ; Skounti, 2006). Mais, est-ce qu´il existe une hospitalité des humains envers les non-humains ? Est-elle structurée par les mêmes « normes » que celle qui concerne les humains ? À l´exception de quelques études récentes (Rhani, 2007, Rhani 2008, González Vázquez 2010), et de quelques notes peu nombreuses dans les travaux de, parmi d´autres, Westermarck (1926), Crapanzano (1973), et Hell (2002), la productivité symbolique des rites d´hospitalité des humains envers les jnûn demeure peu explorée. Tout en se référant à l´ambivalence de la notion d´hospitalité au latin (où hostis désigne à la foi l´hôte et l´ennemi), Zakaria Rhani (2007, 2008) constate l´existence de gestes hostiles et de gestes d´hospitalité au sein d´un même rituel, operé par une femme qui se présente comme “possédéethérapeute nourricière”. Au-delà de cette dèmarche spécifique, nous voulons consacrer notre réflexion au thème de l´hospitalité, et aux formes multiples de relation entre les humains et les jnûn chez les Jbala du nord du Maroc. Plus précisement, nous réfléchirons sur les relations de domination, de résistence, d´alliance et d´affinité, et sur l´inversion rituelle des élements normatifs des pratiques. Ainsi, nous examinerons certaines pratiques rituelles, comme la ḍiyāfa (« hospitalité »), la ṣadaqa (« don », «offrande», « aumône ») et la dbih’a (« sacrifice »), lesquelles sont étroitement liées aux logiques d´inclusion et d´exclusion des jnûn, et au brouillage des frontières ontologiques (Descola, 2005). Quand est-ce que les humains sont les hôtes des jnûn ? Et à la inverse ? Quel est le rôle du don, du sacrifice, et de la réciprocité dans les rites de l´hospitalité envers les jnûn ? En tenant en compte du caractère le plus souvent conflictuel attribué aux relations entre les humains et les jnûn, dans quelle mesure les rites d´hospitalité sont-ils des rites d´institution d´affinités et d´alliances (« affinisation d´autrui », au sens défini par Viveiros de Castro dans ses Métaphysiques cannibales) ou dans quelle mesure sont-ils des formes de gérer les conflits à l´intérieur de la personne? Étudier l´intériorisation et l´incorporation du non-humain amène à poser la question de l´adhésion aux normes : Quel est le sens des inversions rituelles présentes dans les rites d´hospitalité des humains vers les jnûn ? 7. Florence Bergeaud Halal et anthropologie des coproductions normatives 4-Anthropologie des mondes contemporains (resp. Jean-Noël FERRIE; [email protected]/Saadia RADI, [email protected] ) : Mardi 10 septembre, 14h17h (Lieu: Dar Souiri) Note d’orientation 15 Beaucoup de travaux portant sur le Maroc, probablement la plupart, traitent d’aspects de la société marocaine dont la sémantique est liée à un passé plus ou moins déterminé. Pour le dire rapidement, il s’agit d’aspects « traditionnels » parce que portant sur des pratiques dont on peut dire qu’elles existent depuis longtemps et dont certaines apparaissent immémoriales, puisqu’on ne saurait dire à quand elles remontent. Pourtant, lorsqu’Edmond Doutté observait ces pratiques, elles étaient déjà liées à une trame sociale précise, c’est-à-dire située dans le temps. Toutefois, ce n’est pas l’aspect toujours actuels des pratiques et donc l’erreur, qui consiste à les considérer en elles-mêmes lorsqu’on tient à rendre compte des conduites des gens, que l’anthropologie des mondes contemporains vise à corriger. Elle entend attirer notre attention sur toute une gamme de pratiques dont l’apparition est, à la fois, récente – ou, tout au moins, considérée comme telle par tout un chacun – et globalisée, c’est-à-dire existant notoirement dans d’autres sociétés et, en tant que telles, servant d’appui et de modèle aux pratiques locales. Ces deux caractéristiques circonscrivent un ensemble multiforme d’objets récents et répandus que l’on identifie couramment à la modernité, précisément parce qu’ils sont récents répandus. Il n’en découle pas qu’ils sont identiques d’une société à l’autre ou d’un usage à l’autre. Ils sont chaque fois localisés dans trames différentes, mais ils ne sont pas pour autant absorbés par celles-ci. Il n’y a ni acculturation ni enculturation : il y simplement la texture naturellement composite des mondes quotidiens. Ce que l’anthropologie des mondes contemporains nous dit n’est rien d’autre que cela. Comprendre une société implique donc de comprendre, non ce qu’elle aurait conservé d’un lointain et indéfinissable passé, mais les compositions auxquelles elle se livre en incorporant des pratiques récentes et globalisées. La plus large part de la société marocaine nous échappera, si nous ne tenons pas compte de ce quotidien-là dans les descriptions que nous en faisons. Aller au supermarché, regarder la télévision, aller chez le coiffeur, voir des films sur Internet, choisir son « style », adopter une morale, manger des pizzas, manifester, avoir des relations sexuelles, envoyer des SMS, devenir salafiste, prendre du kif, se voiler, prendre le train, monter dans le tramway, fêter Noël sans être chrétien, suivre un journal télévisé, conduire en ville, lire des romans, aller chez le médecin, peindre un tableau, se rendre au restaurant, tous ces aspects de la vie quotidienne, et bien d’autres, peuvent à la fois être reliés à des tendances transnationales et considérés comme faisant strictement partis de la vie des gens d’ici. Ils constituent un domaine d’observation privilégié. Ceci vaut pour les pratiques mais également pour les gens : les pratiques sont, en effet, « des pratiques par les gens ». Nous ne devons donc pas considérer que leurs motifs s’enracinent dans une identité préservée : elles s’enracinent dans la trame composite de ces pratiques elles-mêmes. Les gens sont ce qu’il leur semble possible d’être à un moment donné et dans une portion donnée du monde. Marc Augé, Pour une anthropologie des mondes contemporains, Paris, Champs-Flammarion, 2010. Meriam Cheikh, « Echanges sexuels monétarisés, femmes et féminités au Maroc : une autonomie ambivalente », Autrepart, n°49, 2009. Christian Bromberger, Passions ordinaires. Du match de football au concours de dictée, Paris, Hachette, 2002. Susan Ossman, Three faces of Beauty : Casablanca, Paris, Cairo, Duke, Duke University Press, 2002. Participants: 1. 2. 3. Paola Gandolfi (Univ. Venise et Bergame); [email protected]; Dominique Guillo (CNRS, CJB, Rabat), [email protected]; Meriem Cheikh (Univ. Libre de Bruxelles), [email protected]; 16 4. Stéphanie Pouessel (IRMC Tunis), [email protected]; 5. Mary Montgomery (Univ. Oxford, UK) [email protected]; 6. Soraya el Kahlaoui (EHESS, Paris) [email protected]; 7. Peter Limbrick (UC Santa Cruz) [email protected] 8. Mehdi Benslimane (Univ. Grenoble) [email protected]; 9. Abdelfettah Ezzine (Ecole Nationale d’Architecture, Rabat) [email protected] 10. Cédric Baylocq (Centre Jacques Berque, Rabat) [email protected]; Titres et Résumés 1. Paola Gandolfi Entre productions artistiques contemporaines, processus de changement culturel et révoltes en cours en Tunisie. Un regard anthropologique. 2. Dominique Guillo La religion, la science et la question de l’origine des espèces au Maroc Il existe dans les mondes musulmans des courants qui défendent activement le créationnisme, et tentent de le diffuser en Occident, à l'exemple du courant qui s’est développé en Turquie autour de Harun Yahya, et de son ouvrage : l’Atlas de la création. Le développement de tels mouvements pourrait inciter à conclure que la question de l’ascendance de l’homme est extrêmement sensible dans l'ensemble de l’islam et que le darwinisme a par conséquent partout une puissante force sacrilège, comme l’illustre également l'opposition qu'il suscite chez les néo-évangélistes américains. Or l’un des intérêts du terrain marocain est de montrer qu’il faut sans doute nuancer une telle hypothèse. En réalité, cette question ne paraît pas toujours perçue comme fortement centrale et sensible chez les croyants - en tout cas elle paraît beaucoup moins importante que d'autres questions. 3. Meriem Cheikh Une ethnographie des jeunes filles urbaines. De l’amusement à la prostitution : analyse des carrières du « sortir ». Si l’anthropologie du Maroc s’est peu intéressée à la question de l’adolescence [Saad : 1985 ; DavisShaeffer & Davis : 1989 ; Mellakh : 1997 ; EAMU : 1999, 2003 : Grousset : 2002 ; Chikhaoui : 2007 ; Rachik : 2007], elle a en revanche énormément produit sur les questions féminines. Toutefois, dans ce cadre, peu de place a été accordée à l’adolescence des jeunes filles en milieu populaire et urbain. Notre travail sans prétendre apporter sa pierre à un édifice en construction, souligne l’importance de s’employer à faire un point sur ce moment de la vie des jeunes filles qui inaugure une transition statutaire – souvent très longue – devant cesser avec l’entrée en mariage ou du moins avec l’acquisition d’une indépendance économique qui marque l’entrée en vie adulte. En m’intéressant au quotidien de jeunes filles qui se prostituent dans la ville de Tanger[1] (et donc en ne me focalisant pas uniquement sur leurs activités prostitutionnelles), j’en suis venue à prendre la mesure de l’importance qu’il y a à déplacer le regard et à intégrer à une problématique aussi spécifique que la prostitution une analyse empruntant aux cadres de la sociologie de la jeunesse et de l’adolescence. C’est en écoutant attentivement les discours des filles à propos de leurs adolescences et en analysant les observations menées auprès de jeunes filles âgées de 16 à 19 ans en 2008 qu’il m’a été permis de comprendre que, non seulement les conditions économiques, mais 17 aussi les modalités de socialisation à l’autre sexe à l’adolescence produisent les mécanismes du processus d’entrée dans la prostitution ou dans le « sortir » [« l-khrij »], pour parler comme les filles. Le « sortir » est une catégorie d’analyse ad-hoc que j’ai forgé à partir de la façon qu’ont les jeunes filles de parler de leurs situations et qui définit un ensemble de pratiques sexuelles transgressives qui vont de la perte de virginité à la prostitution professionnelle en passant par des relations amoureuses formant d’un bout à l’autre un continuum. Ma présentation éclairera sur la genèse des processus du « sortir » à la marocaine et développera sur les itinéraires intimes (amours adolescents et premières conjugalités indissociables des nécessités matérielles et donc de la circulation de l’argent des hommes vers les filles) et leurs issues (prostitution). En d’autres termes, il s’agira d’accorder toute son importance à cette phase de la vie qui inaugure pour certaines l’initiation et l’engagement dans des carrières prostitutionnelles dont j’aborderai les autres conditions de réalisation. Adolescence, premières conjugalités, histoires qui n’aboutissent pas au mariage mais aussi d’autres facteurs tels que les situations familiales, la difficulté ou la réticence à s’insérer dans les univers professionnels féminins (l’usine, la domesticité, les services) constituent les conditions dont font état les jeunes filles pour décrire leur situation actuelle ou passée de « prostituées », de « filles des rues ». 4. Stéphanie Pouessel Anthropologie politique du Maghreb : lui rendre sa modernité ? La communication part du paradoxe suivant : quand bien même des fondateurs de l’anthropologie moderne se sont basés sur un terrain maghrébin pour élaborer leur théorie (Geertz, Gellner), le Maghreb ne figure pas parmi les terrains phares de l’anthropologie depuis. Nous tâcherons d’en comprendre les raisons (linguistique, politique et migratoire). Trop « moderne » pour l’ethnologie et trop « traditionnel » pour la sociologie, la dimension politique de cette région a été largement laissée à la politologie. Nous exposerons l’intérêt d’une anthropologie politique aujourd’hui, à travers le cas d’étude des revendications identitaires au Maroc et en Tunisie : dans quelle mesure l’héritage de l’africaniste Georges Balandier est-il applicable au Maghreb ? 5. Mary Montgomery Les relations entre domestiques et employeuses dans le Maroc contemporain 6. Soraya el Kahlaoui L'enquête ethnographique dans un quartier d'habitations clandestines : la négociation perpétuelle du terrain 7. Peter Limbrick Cinéma marocain du court-métrage: entre anthropologie, modernité, et cinéma international. Dans cette intervention, nous proposerons un retour aux films des années soixante et soixante-dix, et à la période de la culture esthétique moderniste qui leur a donné naissance, afin de démontrer et faire découvrir l’expérience intellectuelle et l’orientation politique du Maghreb pendant les années qui ont suivi l'indépendance. À cette époque, on trouve un cinéma tout investi dans le projet de l’indépendance du Maroc, mais tout à la fois ouvert aux diverses influences internationales sur le plan formel... 8. Mehdi K. Benslimane Pour une anthropologie historique du malentendu politique. Le Journal (1997-2010) au Maroc. 18 Comment peut-on passer au niveau des rapports sociaux et politiques d’une situation dans laquelle on est plus ou moins « bien » entendu, c’est-à-dire d’une période marquée par la coopération et la cordialité, à une situation de « mal » entendu marquée elle par la mésentente et par le conflit ? En m’appuyant sur l’exemple de l’hebdomadaire Le Journal organe de presse dit indépendant fondé en 1997 par un groupe d’économistes et de financiers, à l’aube de l’alternance consensuelle au Maroc et la fin du règne d’Hassan II, et disparu en 2010 à la suite de différentes crises, je m’interroge sur les facteurs qui ont mené à une détérioration des rapports entre les fondateurs de ce support de presse et le pouvoir. C’est donc les relations qu’entretiennent journalistes et hommes politiques qui sont questionnées. Le malentendu politique renvoie ici au sens donné par chacun des partenaires tant au changement politique et à la transition démocratique qu’au rôle que la presse est censée jouer. Donner une lecture anthropologique au concept de malentendu revient à voir au-delà des logiques d’action et des intérêts rationnels des acteurs, quelque chose qui relève bien entendu de la nature de la communication qui s’établit entre individus. 9. Abdelfattah Ezzine La société marocaine "entre tradition et modernité" : De l'enculturation à la transculturation de la jeunesse ? Il est commun de considérer le Maroc comme une société "plurielle", divisé entre "tradition" et "modernité". Les structures traditionnelles de socialisation (famille, champ religieux) et institutionnelles (école) ou associatives et informelles (maison de jeunes, maison de culture, médias, groupes de pair etc.) entrent parfois en conflit, comme l’effet local de la mondialisation. La jeunesse marocaine, dans la lignée du « Printemps arabe », a pu être qualifiée de "rebelle et insoumise". Notre hypothèse est la suivante : le mal demeure-t-il dans la non-maîtrise de la transculturation excessive ou dans l'enculturation appauvrissante (termes que nous définirons)? Quels sont les handicaps de la société marocaine devant la modernité: que ce soit les éléments de modernisation politiques hérités de la colonisation ou ceux qui s’imposent avec la mondialisation ? Il s'agit, dans ce cadre, de présenter les éléments d'une recherche en cours concernant la transition politique que connaît le Maroc depuis 1996 et particulièrement le rôle de la jeunesse à travers ses manifestations socioculturelles. 10. Cédric Baylocq Peut-on ethnographier la "sécularisation" (au Maroc) ? S’il est un processus estampillé « moderne » ou « post-moderne », c’est bien celui de la sécularisation. Nombre de chercheurs répètent à l’envie qu’il est caractéristique de la « modernité occidentale », et qu’a contrario les pays à majorité musulmane sont relativement hermétiques à ce processus (Taylor, 2011 : 15). Nous voudrions ici montrer que la situation a changé depuis les soulèvements de 2011 dans les pays du Maghreb et qu’il est possible d’ « ethnographier la sécularisation » à travers les différentes formes sociales concrètes qu’elle prend dans ces pays. Nous préciserons ce que peuvent être les objets de la sécularisation dans le Maghreb post-printemps arabe. C’est le Maroc qui retiendra particulièrement notre attention. DEBAT de CLOTURE (Anthropologues, Musées, Editeurs) : « Editer et exposer l’anthropologie : gageure ou richesse ? » Animé par Philippe de Laborde Pédelahore, anthropologue, éditeur. Mardi 10 septembre (18h-20h, au Musée d’Essaouira) 19 Editeurs marocains et français Anthropologues: Zakaria Rhani, Abdelkader Mana, Baudouin Dupret, Pierre Bonte, François Ireton et Hassan Rachik. Musées: Le MUCEM, avec Denis Chevallier, conservateur en chef, directeur scientifique adjoint du Mucem et Aude Fanlo, chargée de mission recherche, ainsi que le Musée d’Essaouira. 20