p21-22 Expo
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dossier Le processus de désignation du lauréat au Bie Par Jean-Pierre Lafon Ambassadeur de France Président d’honneur du BIE Depuis la première exposition universelle à Londres en 1851, les États ont attendu près de quatrevingts ans pour adopter une réglementation relative aux expositions universelles et internationales et pour créer une organisation reconnue par tous afin de veiller à son application, le Bureau international des expositions, dont le siège a été fixé à Paris en raison de l’héritage historique des expositions universelles dans la capitale. Tout État candidat à une telle manifestation doit donc prendre contact avec le Bie, plus précisément avec son secrétaire général, en vue d’un enregistrement de la candidature. Fonctionnement et composition du BIE Le Bureau international des expositions (Bie) est composé à cette date de 168 États. Certains grands États n’en font pas partie, tels les États-Unis, qui s’en sont retirés sous la présidence de Ronald Reagan, ou le Canada qui s’en est retiré voici un an. L’Inde, à ce jour, n’a jamais aspiré à y entrer. Cela n’empêche pas ces États de participer aux expositions – tel fut le cas des États-Unis et de l’Inde lors de l’exposition de Shanghai – mais a toutes chances d’être un obstacle pour devenir candidat à une exposition universelle. En revanche, on peut noter la présence d’une multitude de micro-États des Caraïbes, du Pacifique, d’Afrique ou d’Amérique centrale. L’assemblée générale, qui se tient deux fois par an, est l’organe souverain de l’organisation. Elle élit le président, dont le mandat est limité dans la durée, et le secrétaire général, actuellement espagnol, qui est élu pour une durée illimitée et est donc de fait la véritable tête de l’organisation. Elle vote chaque année le budget de l’Organisation, qui tire ses ressources des cotisations des États, mais surtout des recettes des expositions, puisque 2% des recettes sont versées au Bie. C’est dire qu’avec le succès de la dernière exposition universelle à Shanghai et ses 73 millions de visiteurs, le Bie n’a pas eu de difficulté à équilibrer son budget. L’AG est aidée dans cette tâche par la commission des finances, l’une des quatre commissions, qui assistent l’assemblée, et sans doute la plus importante avec la commission exécutive à côté des commissions du règlement et de la communication. Mais bien évidemment c’est le choix des villes hôtes des expositions, soit internationales, soit universelles, qui constitue la tâche majeure de l’Assemblée. Le vote est secret et chaque pays dispose d’une voix. L’entrée de très nombreux pays depuis quarante ans, notamment de nombreux petits pays, a influencé le choix de la sélection et incité les pays candidats à privilégier des thèmes qui concernent l’ensemble de la planète, mais également à mettre au point des facilités de participation vis-à-vis des pays les moins riches, voire des programmes de coopération en liaison avec le thème de l’exposition pour les inciter à voter en leur faveur. Les votes se déroulent par élimination successive des candidats qui ont le moins de votes, sauf si un candidat recueille la majorité des deux tiers des votants. Il est, dans ce cas, déclaré élu. Une procédure de notification d’enregistrement et de contrôle des candidatures et des projets strictement encadrée Avant de parvenir au vote, le Bie veille à la procédure de sélection et d’enregistrement des candidatures. Tout gouvernement candidat doit notifier sa candidature au Bie. Cette démarche doit s’accompagner du thème de l’exposition, de la date proposée, de la durée, qui ne peut être supérieure à six mois, du statut juridique des organisateurs, de la personne morale organisatrice au cas où ce n’est pas le gouvernement et dans ce cas de la garantie d’exécution des autorités de l’État. Dès lors, un délai de six mois est ouvert aux autres États pour présenter une candidature concurrente. Cette demande est présentée entre 9 et 6 ans avant la date choisie pour l’ouverture. Une fois la demande reçue, le président de / mai 2015 / n°451 21 dossier Les expositions universelles la commission exécutive, sur proposition du secrétaire général, qui l’assiste, lance une mission d’enquête sur la viabilité du projet portant notamment sur le thème, son contenu, la date, la durée, l’emplacement, la superficie, le nombre de visiteurs envisagés, les modalités de financement, les garanties relevant de l’article 10 de la Convention, les éléments ayant servi au calcul du coût de participation enfin avec l’entrée de nombreux petits États du tiersmonde, un facteur, qui joue un rôle de plus en plus important au moment du vote, les programmes d’aide pour la participation des États les moins favorisés. La commission exécutive donne le résultat de l’enquête et rend un avis devant l’AG qui se prononce sur la viabilité du projet par bulletin secret. Parallèlement une série de règlements – règlement général et règlements spéciaux – fixent les diverses modalités et règles des expos, notamment les conditions de participation des États, le régime des entrées, la sécurité, les télécoms, etc. Accueillir une grande exposition universelle demeure toujours un pari L’Histoire a retenu les grands succès des expositions universelles ou internationales depuis celle de 1851 avec le Crystall Palace, qui devait malheureusement brûler 70 ans plus tard, celle de 1889 avec la Tour Eiffel ou 1900 avec le Grand et le Petit Palais. Plus récemment Bruxelles, Séville, Osaka ou Shanghai ont bénéficié d’une grande publicité. Une exposition universelle ou internationale demeure cependant toujours un pari, et même parfois un pari risqué. D’abord parce 22 / mai 2015 / n°451 C’est pourquoi très souvent les expositions qu’il est difficile de prévoir la conjoncture universelles accompagnent la réaffirmation du moment de l’expo six ou sept ans à ou le renouveau d’une nation sur la scène l’avance. internationale et sa traduction à la face Nul n’avait prévu dans la prospérité et du monde par le truchement de cette l’euphorie spéculative qui l’avait précédée, célébration. Tel est le cas de l’exposition que l’exposition universelle de Vienne de Séville, qui, prenant appui sur le en 1873 allait coïncider avec un krach cinquième centenaire de la découverte de de la Bourse et la faillite du plus grand l’Amérique, entend marquer le renouveau établissement financier autrichien. En de l’Espagne démocratique après quarante préconisant une exposition universelle à ans de guerre civile et de régime franquiste, Rome en 1942, le gouvernement italien de l’exposition d’Osaka en 1964, avec la de l’époque n’avait anticipé ni l’éclatement prodigieuse croissance du Japon de l’aprèsde la Seconde Guerre mondiale en août guerre et, bien sûr, de celle de Shanghai 1939, ni sa durée, et les bâtiments déjà avec la montée en puissance de la Chine. construits illustrent ce projet avorté et C’est aussi dans cet esprit ont contribué à former que s’inscrit l’exposition un nouveau quartier de Très souvent de Dubaï en 2020, avec Rome. les expositions le surgissement des Au surplus, la réaction universelles villes et la richesse des du public est parfois accompagnent monarchies du Golfe déroutante. Les dans un monde arabe projections faites sur la réaffirmation ou soumis à de multiples l’exposition universelle de le renouveau d’une tensions. Celle de Milan Hanovre en 1983 se sont nation sur la scène qui s’ouvre cette année, révélées d’emblée trop du monde en revanche s’est heurtée optimistes et les médias, à la conjoncture difficile en soulignant dès le début qui a frappé la péninsule depuis cinq ans. une fréquentation inférieure aux prévisions, C’est, bien sûr, dans cet esprit de pari sur ont fait passer dans l’opinion internationale l’avenir et de confiance du pays en luiune exposition de qualité pour un échec, ce même face aux chocs et aux défis de la qu’elle n’a été en fait que par rapport à des mondialisation, que les promoteurs d’Expo espoirs excessifs sur le nombre de visiteurs. France 2025 poussent la candidature du En 1994, le nouveau gouvernement Grand Paris pour prendre la suite de Dubaï français, soucieux d’économies dans un et renouer avec la tradition des grandes climat de morosité conjoncturelle annule expositions qui, pendant 150 ans, ont l’exposition internationale de Paris, que laissé leur empreinte sur l’image de notre l’AG avait votée, et se voit contraint de capitale. verser des indemnités de compensation ■ au Bie et aux États qui avaient déjà fait des investissements en vue de leur participation.