Document - Tobacco Control Laws

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Document - Tobacco Control Laws
Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 13 février 2007
Cassation
N° de pourvoi : 04-87155
Inédit
Président : M. COTTE
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue
au Palais de Justice à PARIS, le treize février deux mille sept, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GUIHAL, les observations de la société
civile professionnelle MASSE-DESSEN et THOUVENIN, de la société civile professionnelle
BACHELLIER et POTIER de la VARDE, avocats en la Cour, et les conclusions de M.
l’avocat général BOCCON-GIBOD ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- LE C... Henrik,
- LA SOCIETE JAPAN TOBACCO INTERNATIONAL
X..., civilement responsable,
contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, 13e chambre, en date du 26 novembre 2004, qui,
pour infractions à la législation sur le tabac, a condamné le premier à 10 000 euros d’amende,
et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que Hans Y..., Povl Van Z...
A... et Wilfried B..., dirigeants de la société Reynolds Tobacco, ont été poursuivis par le
Comité national contre le tabagisme (CNCT) du chef de publicité en faveur du tabac ainsi que
pour avoir, sur les paquets de cigarettes de marque Camel, fait précéder l’avertissement
sanitaire de la mention “selon la loi n° 91-32” ; que la société Reynolds Tobacco a été citée en
qualité de civilement responsable ; que la partie poursuivante s’est désistée de son action à
l’encontre des seules personnes physiques et qu’elle a fait citer pour les mêmes infractions
Henrik Le C..., nouveau dirigeant de la société Japan Tobacco international (JTI), ainsi que
cette dernière en tant que civilement responsable ; que le tribunal correctionnel a condamné
Henrik Le C... pour l’inobservation des dispositions relatives au message sanitaire mais l’a
relaxé du chef de publicité en faveur du tabac ; que, sur l’appel des parties à l’exception du
ministère public, la cour d’appel a constaté l’extinction de l’action publique par l’amnistie à
l’égard du premier délit, condamné le prévenu à 10 000 euros d’amende du second chef de
poursuites, et alloué des dommages-intérêts à la partie civile ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 3, 4, 5, 425, 426 et 593
du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré recevable la constitution de partie civile du CNCT à
l’encontre du prévenu (Henrik Le C..., demandeur) et de son civilement responsable (la
société JTI, également demanderesse) ;
”aux motifs que le CNCT ne s’était désisté de son action directe, le 16 septembre 2001, que
parce qu’elle était dirigée contre les anciens responsables sociaux de la société JTI X... GmbH
;
qu’il avait donc fait citer, pour les mêmes motifs, Henrik Le C..., le nouveau dirigeant, en tant
que prévenu, et la société JTI X... en tant que civilement res-ponsable, le 3 avril 2002, en sorte
que le poursuivant n’avait pas renoncé à exercer son action contre les agissements des
responsables de la société JTI et que son action fondée sur une citation parfaitement régulière
en la forme était recevable ;
”alors que la juridiction de jugement étant saisie in rem des faits à elle dénoncés, le
désistement de la partie civile à l’encontre des personnes physiques qu’elle a citées emporte
abandon définitif de la voie pénale et lui permet seulement de saisir éventuellement la
juridiction civile en vue de la réparation de son préjudice” ;
Attendu que, pour écarter l’exception d’irrecevabilité de la constitution de partie civile, l’arrêt
retient que le CNCT ne s’est désisté de son action que parce qu’elle était dirigée contre les
anciens responsables de la société JTI, qu’il avait donc fait citer à nouveau, pour les mêmes
motifs, le nouveau dirigeant en tant que prévenu et la société JTI X... en qualité de civilement
responsable, de sorte qu’il apparaissait n’avoir pas renoncé à exercer son action contre les
agissements des responsables de la société JTI ;
Attendu qu’en l’état de ces énonciations, la cour d’appel a justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen ne peut qu’être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 3, 4, 5 et 593 du code
de procédure pénale, défaut de réponse, défaut de motifs et manque de base légale ;
”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré recevable la seconde constitution de partie civile introduite
par le CNCT à l’encontre du prévenu (Henrik Le C..., demandeur) et du civilement
responsable (la société JTI X..., également demanderesse) ;
”alors que, dans leur mémoire régulièrement déposé, les demandeurs faisaient valoir que, par
un courrier recommandé avec accusé de réception du 1er décembre 2000, le CNCT avait pris
l’engagement de n’exercer aucune action en réparation à leur encontre si, dans un délai d’un
mois, il était mis fin aux infractions qui leur étaient reprochées, qu’ils s’étaient bien
conformés à cette mise en demeure en sorte que son auteur devait être déclaré irrecevable en
son action à laquelle il avait renoncé ; que la cour d’appel ne pouvait délaisser des écritures
aussi déterminantes” ;
Attendu que la cour d’appel, à qui il incombait d’apprécier souverainement la portée d’un
courrier par lequel le CNCT invitait la société RJ Reynolds à se conformer aux exigences
légales relatives à l’avertissement sanitaire, a pu estimer qu’il n’en résultait pas de
renonciation à agir de ce chef ;
D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 3511-6 et L. 3512-2 du
code de la santé publique, de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme,
des articles 2, 3, 4, 5 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base
légale ;
”en ce que, après avoir constaté l’extinction de l’action publique en application de la loi
d’amnistie du 6 août 2002, s’agissant du délit de conditionnement de tabac ou des produits du
tabac sans les mentions obligatoires conformes, l’arrêt infirmatif attaqué, accueillant la
constitution de partie civile du CNCT, a condamné le prévenu (Henrik Le C..., demandeur) et
son civilement responsable (la société JTI X..., également demanderesse) à lui payer une
somme de 224 700 euros à titre de dommages-intérêts ;
”aux motifs que si les faits de conditionnement du tabac ou des produits du tabac sans les
mentions obligatoires étaient amnistiés, ils étaient cependant parfaitement caractérisés
puisqu’ils avaient consisté à ajouter à l’avertissement sanitaire, sur l’ensemble des paquets de
la gamme Camel, la mention “selon la loi n° 91-32” qui en affaiblissait le sens ;
”alors que, d’une part, le respect des droits de la défense comme le droit à un procès équitable
ont pour corollaire nécessaire le principe de légalité des délits et des peines d’où il s’évince
que ce que la loi n’interdit pas expressément ne peut être pénalement sanctionné ; que l’article
L. 3511-6 du code de la santé publique dispose que chaque unité de conditionnement de tabac
doit porter la mention “nuit gravement à la santé” mais n’interdit nullement l’adjonction
précisant l’auteur à l’origine de cet avertissement, c’est-à-dire le législateur ; qu’en
s’abstenant d’user de la faculté accordée par l’article 4-3 de la directive communautaire 89622 du 13 novembre 1989 aux Etats membres de prévoir que l’avertissement sanitaire pourrait
être accompagné de la mention de l’autorité qui en est l’auteur, le législateur français n’a pas
pour autant implicitement édicté une interdiction que la loi interne ne comporte pas ; que la
cour d’appel ne pouvait donc déclarer que le prévenu avait bien commis l’infraction visée aux
textes pour avoir ajouté à l’avertissement sanitaire la mention “selon la loi n° 91-32” qui en
affaiblissait soi-disant le sens ;
”alors que, d’autre part, les juges ne peuvent se prononcer par des considérations abstraites,
subjectives et de portée générale ; que, pour déclarer qu’était caractérisée l’infraction à
l’article L. 3511-6 du code de la santé publique, la cour d’appel ne pouvait donc retenir que le
mention “selon la loi n° 91-32” ajoutée à l’avertissement sanitaire en affaiblissait le sens, sans
préciser pour quelle raison la référence à la législation aurait affaibli le sens de ce message ;
”alors qu’enfin, il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ; que la cour
d’appel ne pouvait dès lors s’abstenir de rechercher, comme elle y était invitée, si, compte
tenu de ce que la mention de l’autorité d’où émanait l’avertissement sanitaire était
parfaitement admise par la jurisprudence, notamment par la Haute juridiction jusqu’aux arrêts
rendus en 2000, l’élément intentionnel des infractions reprochées faisait défaut” ;
Attendu que, pour décider qu’était caractérisé le manquement aux obligations relatives au
message sanitaire, l’arrêt retient que l’adjonction de la mention “selon la loi n° 91-32”
affaiblit le sens de l’avertissement ;
Attendu qu’en l’état de ces énonciations, la cour d’appel a justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen ne peut qu’être écarté ;
Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 3511-3, L. 3511-4 et
L. 3511-6 du code de la santé publique, 2 et 593 du code de procédure pénale, défaut de
motifs et manque de base légale ;
”en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a condamné le prévenu (Henrik Le C..., demandeur) à
payer au CNCT, en réparation des deux infractions visées à la prévention (délit de
conditionnement de tabac sans les mentions obligatoires conformes ; propagande de publicité
en faveur du tabac), une somme de 224 700 euros à titre de dommages-intérêts et déclarer le
fabricant de tabac (la société JTI, également demanderesse) civilement responsable ;
”aux motifs que les deux infractions visées à la prévention avaient causé au CNCT, chargé de
prévenir et de combattre les conséquences dangereuses du tabagisme sur la santé publique, un
préjudice direct et certain que la cour, en retenant la base de calcul proposée par la partie
civile mais dans une moindre proportion, fixerait à 224 700 euros ;
”alors que tout jugement doit comporter les motifs propres à le justifier ; que l’insuffisance ou
la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que la cour d’appel ne pouvait
condamner les demandeurs à payer au CNCT une somme importante à titre de dommagesintérêts en se bornant à rappeler quelle était la mission de cet organisme, sans caractériser son
préjudice ni préciser la base de calcul proposée et qu’elle aurait adoptée en la minorant” ;
Attendu qu’en évaluant, comme elle l’a fait, la réparation du préjudice résultant pour la partie
civile de l’atteinte portée aux intérêts qu’elle a pour mission de défendre, la cour d’appel n’a
fait qu’user de son pouvoir d’apprécier souverainement, dans la limite des conclusions des
parties, l’indemnité propre à réparer le dommage né de l’infraction ;
D’où il suit que le moyen ne peut qu’être écarté ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de violation des articles L. 3511-3, L. 3511-4 et L.
3512-2 du code de la santé publique, 121-3 du code pénal, 1351 du code civil, 515 et 593 du
code de procédure pénale, violation des droits de la défense et de l’article 6 de la Convention
européenne des droits de l’homme, défaut de motifs et manque de base légale ;
”en ce que, statuant sur le seul appel de la partie civile, l’arrêt infirmatif attaqué a déclaré le
prévenu Henrik Le C... coupable de propagande ou de publicité en faveur du tabac et, en
répression, l’a condamné à une amende délictuelle de 10 000 euros, et, accueillant la
constitution de partie civile du CNCT, l’a condamné à payer à celui-ci la somme de 224 700
euros à titre de dommages-intérêts ;
”aux motifs qu’il résultait des pièces produites et qu’il n’était pas contesté que pendant la
période visée à la prévention le groupe JT Reynolds avait distribué des paquets de cigarettes
nouveaux mettant en scène le chameau “Joe Camel” dans diverses situations de la vie
courante, les dessins étant accompagnés de messages faits pour amuser les acheteurs,
notamment les jeunes, par exemple, “qui est aussi l’idole des filles ?”, “qui adore partager vos
vacances ?”, “qui a toujours sa place dans votre valise ?”, etc. ;
qu’il était constant que les emballages de paquets de cigarettes, qui étaient attrayants,
amusants et invitaient, par leur diversité, à la collection, constituaient un mode de publicité
incitant directement à la consommation du tabac, non seulement pour des acheteurs mais pour
tous ceux qui les voyaient, qu’ils étaient conçus dans ce but, en sorte que l’infraction était
intentionnelle ;
”alors que le respect des droits de la défense comme le droit à un procès équitable ont pour
corollaire nécessaire le principe de légalité des délits et des peines d’où il s’évince que ce que
la loi n’interdit pas expressément ne peut être pénalement sanctionné ;
que les articles L. 3511-3 et L. 3511-4 du code de la santé publique, qui interdisent la
propagande ou la publicité directe ou indirecte en faveur du tabac, ne visent pas, comme
support publicitaire, les conditionnements du tabac dont la vente est licite ; que l’article L.
3511-6 du code de la santé publique réglemente les conditionnements de tabac sans prévoir
aucune interdiction ou réglementation quant à leur décor ; qu’en conséquence, aucune
disposition légale n’assimile le conditionnement du tabac lui-même à un support publicitaire
ni n’interdit ou réglemente les décors que les fabricants pourraient apposer sur les
conditionnements du tabac ; que la cour d’appel ne pouvait donc décider le contraire afin de
retenir le demandeur dans les liens de la prévention du chef de propagande ou de publicité en
faveur du tabac ;
”alors que, en toute hypothèse, en l’absence d’appel du ministère public, la juridiction du
second degré ne peut, sur le seul appel de la partie civile, prononcer aucune condamnation
pénale ;
que la cour d’appel ne pouvait donc, sans violer la loi, condamner le prévenu au paiement
d’une amende délictuelle de 10 000 euros quand le ministère public n’avait pas interjeté appel
du jugement de relaxe obtenu en première instance” ;
Sur le moyen pris en sa première branche :
Attendu que, pour décider que les éléments constitutifs du délit de publicité en faveur du
tabac étaient réunis, l’arrêt retient que le groupe JT Reynolds a, pendant la période visée aux
poursuites, commercialisé de nouveaux paquets de cigarettes mettant en scène le chameau
“Joe Camel” dans diverses situations de la vie courante, les dessins étant accompagnés de
messages destinés à amuser les acheteurs, tels que “qui est aussi l’idole des filles ?”, “qui
adore partager vos vacances ?”, “qui a toujours sa place dans votre valise ?” ; que ces
emballages, qui invitaient, par leur diversité, à la collection, constituaient un mode de
publicité incitant directement à la consommation du tabac, non seulement les acheteurs, mais
encore tous ceux qui les voyaient ;
Attendu qu’en l’état de ces énonciations, la cour d’appel a justifié sa décision ;
D’où il suit que le grief n’est pas fondé ;
Mais sur le moyen pris en sa seconde branche :
Vu les articles 509 et 515 du code de procédure pénale ;
Attendu que les juges du second degré, saisis du seul appel de la partie civile, ne peuvent
prononcer aucune peine contre le prévenu définitivement relaxé ;
Attendu que l’arrêt, statuant sur les seuls appels du prévenu, de son employeur, civilement
responsable, et du CNCT, partie civile, condamne Henrik Le C... à 10 000 euros d’amende
pour le délit de publicité en faveur du tabac, dont il avait été relaxé en première instance ;
Mais attendu qu’en prononçant une peine d’amende à l’encontre d’Henrik Le C..., la cour
d’appel a méconnu les textes susvisés et le principe rappelé ci-dessus ;
D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Paris, en
date du 26 novembre 2004, en ses seules dispositions ayant condamné Henrik Le C... à 10 000
euros d’amende, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT n’y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour
d’appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience
publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du
code de procédure pénale : M. Cotte président, Mme Guihal conseiller rapporteur, M. Farge
conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de
chambre ;
Décision attaquée :cour d’appel de PARIS, 13e chambre 2004-11-26