Fonce comme le vent
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Fonce comme le vent
Fonce comme le vent Article blog Xo Africa (2014) J’ai rêvé que je chevauchais Pégase, le cheval aux ailes d’argent. Parcourant le ciel d’Afrique, nous nous dirigions à tire d’ailes vers le sud. Soudain, alors que je venais de réaliser que nous survolions la nation arc-en-ciel, je vis que ma monture était devenue noire et avait perdu ses ailes. J’étais à présent dans la forêt du Wilderness, au pied des montagnes de l’Outeniqua. Je montais Avalon, le placide frison. Nous parcourions au pas le sentier bordé de gommiers bleus et j’entendais le chant rauque des Touraco Lourie. Nous longions maintenant une rivière d’étoiles animée par le soleil. J’entendais, se rapprochant, le bruit sourd de l’eau bouillonnant. Avalon accéléra l’allure et plus le son se faisait distinct, plus le cheval prenait de la vitesse. Lorsque nous fûmes au pied de la cascade, nous étions au galop. Ma monture quitta la rive et fonça à pleine vitesse vers le mur d’eau. J’étais à présent dans les plaines inondées qui bordent le Delta Okavango au Botswana. Je chevauchais au grand galop Liberty, un pur-sang, le corps vivifié par l’explosion d’eau provoquée par notre course. Liberty ralentit lorsque nous atteignîmes l’herbe sèche. A quelques mètres, un troupeau de gnous se désaltérait tandis que sur notre gauche, une dizaine de zèbres nous dépassaient, ignorant notre présence. Le soleil descendait sur l’horizon. Nous rejoignîmes notre camp, un lieu nommé Moklowane. Mon abri pour la nuit était une cabane dans les arbres, surplombant la plaine inondée que nous avions traversée plus tôt. Je sombrais rapidement dans un profond sommeil. Pégase était revenu et m’emportait à nouveau à travers les cieux. Nous allions vers l’est, survolant la faille des chutes Victoria, la Zambie, le Lac Kariba et le Parc Matusadona, au Zimbabwe, où j’aperçus, se déplaçant vers l’est aussi, la longue procession d’une centaine d’éléphants. Le soleil se levait et j’étais à présent au Mozambique sur une plage sans fin de sable blanc, au nord de Vilanculos. Mon cheval se nommait Chaman. C’était un arabe, à la robe blanche et au caractère joyeux. L’air était doux et ma monture avait une humeur joueuse. Il prit l’allure d’un gentil trot, tantôt suivant la ligne des vagues mourantes, tantôt s’aventurant dans l’eau turquoise jusqu’à mouiller mes pieds. Nous arrivâmes près d’un groupe de pêcheurs qui rapportaient du large leur prise du jour. Chaman s’était mis au pas, le temps de me laisser contempler la scène, puis, lorsque nous eûmes dépasser les hommes, se mit au galop et m’emporta vers la mangrove. Là, sous la coupole formée par les palétuviers, le cheval plongea la tête la première et m’entraîna sous la surface de l’eau sombre. Nous émergeâmes au beau milieu d’un groupe de girafes qui, les pattes avant écartées et leur long cou plongeant vers le sol pour boire, semblaient faire une séance de gymnastique. Lorsque je sortis de l’eau avec Django, ma nouvelle monture, un Boerperd sud-africain à la robe bai, elles nous dévisagèrent de leur doux regard, un tantinet surpris. Nous étions dans le Park Kruger, et je devinais que Django n’avait jamais croisé de girafe, car c’est finalement à reculons qu’il retrouva la terre ferme. Son agitation teintée de curiosité sembla lasser les géantes qui s’éloignèrent de leur pas tranquille de femmes fatales. Contre toute attente, Django décida de les suivre et nous fîmes ainsi un bout de chemin à ce rythme paisible. Cela ne dura pas. Mon cheval, apercevant au loin un troupeau de buffles et se sentant l’âme d’une monture de cow-boy, amorça un virage à 90° et fonça droit vers les vaches sauvages. Le troupeau s’anima comme une sombre vague dans une masse de poussière et faisant front comme un seul être à l’inconscient qui venait les provoquer, nous catapulta à une dizaine de mètres au-dessus du sol. A cet instant précis, je me souvins m’être dit que je commençais à être vraiment fatiguée. Le cheval, ce n’est pas de tout repos. Je retombais à califourchon sur un buffle patibulaire… mais ça, c’est une autre histoire.