Les Gendarmes en Indochine

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Les Gendarmes en Indochine
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La Guerre d'Indochine, de 1945 (02 septembre 1945) à 1954 (21juillet 1954), s'est déroulée dans l'indifférence la plus
complète de la Nation et a été en grande partie occultée par la suite.
Les gendarmes qui ont participé à ce conflit ont été les grandes victimes de ce désintérêt même parfois au sein de leur
propre Arme d'origine.
Dès 1947 il faut assumer la relève des troupes envoyées avec Leclerc composées d’engagés pour la durée de la
guerre ou arrivant en fin de contrat. Pour des raisons politiques il est exclu d'envoyer le contingent en Indochine. Sur
place, le recrutement autochtone s'accélère et l'on trouve facilement des hommes de troupe et des partisans
volontaires de toutes sortes. Ce qui manque, c'est l'encadrement « Sous-officiers ». C'est alors qu'au gouvernement et
à l'Etat-major on se souvient que la Gendarmerie a toujours constitué une excellente réserve de cadres lors des deux
grands derniers conflits mondiaux. La décision est vite prise ...
Au lendemain du coup de·force du I9 décembre I946 à Hanoï, la Gendarmerie a reçu l'ordre de former au plus vite 3
Légions de Marche de Garde Républicaine (L.M.G.R.) à l’'effectif de 1.000 gradés et gendarmes à acheminer dans les
délais les plus brefs en Indochine. Des prodiges seront réalisés tant au plan de la désignation des personnels, de leur
mise en condition, de leur regroupement et de leur équipement.
La 1ère Légion de Marche voit le jour à Horb en Allemagne. Les hommes qui y sont affectés proviennent
principalement de la Prévôté des troupes d'occupation.
Dans les jours qui viennent deux autres Légions sont regroupées dans le Midi de la France. La 2ème L.M.G.R. à
Romans dans l’'Isère, la 3ème à Pamiers dans l'Ariège.
Le transport en Indochine s'effectue uniquement par voie maritime. La durée de la traversée, varie entre 17 et 35 jours
suivant le bateau utilisé. L'embarquement s'effectue au port de Marseille après un passage de quelques jours à la
Base Militaire du Camp Sainte-Marthe.
Depuis I88I, la Gendarmerie a toujours été présente en Indochine par l'intermédiaire de la Gendarmerie Coloniale,
mais ce n’est pas à ce titre que vont servir les trois Légions de Marche.
Sur le territoire:
- La 1ère L.M.G.R. s'établira sur les bases de l'ancienne Garde Cochinchinoise assurant l'encadrement des troupes
autochtones mais régulières, sous la dénomination de Garde du Viêt-Nam Sud (G.V.N.S).
- La 2ème Légion aura des missions plus disparates: les Prévôtés, la garde de la prison militaire de Chi-Hoa,
l'encadrement des partisans des plantations du Sud Annam, au Laos, en Cochinchine, au Cambodge (encadrement de
l'Armée Royale Khmer). Elle aura même une musique militaire.
- La 3ème Légion, d'abord établie en partie au Sud à Bentre sera après regroupement implantée au Tonkin où elle
encadrera elle aussi des éléments autochtones.
A part quelques volontaires, le personnel de la Gendarmerie, appelé à constituer ces trois légions, est désigné d'office.
La désignation est effectuée dans chaque Corps de la Métropole. La majeur partie des effectifs constitue la liste « B »
établie par ancienneté de service et de grade dans laquelle on puise pour établir la liste « A » dite du tour de départ.
Que l'on soit sous-officier de carrière ou non, l'inscription sur la liste « A » comporte une interdiction de démissionner
dès sa notification ; Si cela peut se concevoir pour un sous-officier de carrière, cette mesure est franchement arbitraire
pour le jeune gendarme sortant du stage, qui à l'époque ne signe aucun engagement. On dit qu’il est
« Commissionné ».
Le séjour est en principe fixé à 2 ans mais beaucoup feront 25 ou 27 mois puisque le bateau du rapatriement n'est pas
toujours là au moment voulu.
Les gardes des Légions de Marche, pendant leur séjour, assureront principalement des fonctions d'encadrement, mais
souvent ils auront des responsabilités bien supérieures à celles conférées par leur grade. Des lieutenants seront
Commandants de Groupe (4 Escadrons) les Adjudants seront commandants de compagnie ou d'Escadron, les Chefs
et les gardes seront chefs de section ou adjoints. Certains serviront dans des Compagnies d'intervention. D'autres
seront affectés dans des flottilles fluviales. Un garde commandera une patrouille de 2 engins de débarquement LCVP
(Landing Craft Vehicle & Personnel) puissamment armés (Canon de 20 m/m, Mitrailleuse de 7,62 m/m, Lance
Grenades de 50 m/m PIAT (Projector lnfantry Anti-Tank)) servie par des équipages autochtones. La grande majorité
d'entre eux sera dispersée dans des postes isolés en brousse ou en rizière.
Il y aura même des grades fictifs. A la 2ème L.M.G.R. des gradés et gardes encadrant des unités de partisans seront
autorisés à porter des galons de Sous-lieutenant pour des raisons d'équivalence avec les gradés des corps de troupe
remplissant les mêmes fonctions. Ils les retireront le jour de l'embarquement sur le bateau du retour.
Pour tous, la vie sera dure dans des postes perdus, sans eau potable ni électricité, avec des moyens de transmissions
précaires et exposés aux coups du Viêt-Minh. Il y aura les longues veilles que les européens se partagent entre eux
avec la clé du râtelier d'armes dans la poche, les patrouilles de nuit, la nature hostile. Cette guerre est sournoise, ce
sont des actions de guérilla, il n’y a pas d'ennemi en face sauf lors des grandes opérations. Tous les coups sont
exécutés par surprise. C'est la trahison du partisan, l'embuscade au détour de la piste, le coup de pistolet dans le dos
sur le marché, le coup de mortier tiré à bonne portée suivi du décrochage immédiat qui vous flanque le moral à terre.
Et aussi hélas ! La nouvelle de l'anéantissement d'un poste voisin ou les européens seront tués ou plus rarement faits
prisonniers.
Pour les familles aussi l'épreuve aura été pénible. Les épouses se sont retrouvées seules pendant de longs mois pour
assurer la direction du foyer et l'éducation des enfants. Elles subiront même parfois la pression du commandement
pour leur faire quitter le logement de fonction car leur présence empêche l'affectation d'un remplaçant.
De 1947 à 1954, par le jeu des relèves 14.000 Officiers et Sous -Officiers ont servi en Indochine.
En plus du sacrifice humain qu'il est utile de rappeler, (12 officiers, 650 sous-officiers tués ou disparus, 1.650 blessés),
la Gendarmerie a reçu les plus belles récompenses en témoignage de son action :
- 15 citations collectives
4 Croix d'Officier de la Légion d'Honneur à titre exceptionnel
5 Croix de Chevalier à titre exceptionnel et 28 à titre posthume.
- 193 Médailles Militaires à titre exceptionnel et 447 à titre posthume
- 6.362 citations portant attribution de la Croix de Guerre des Théâtres d’Opérations Extérieures
Au cours de ce conflit, la Gendarmerie a une nouvelle fois confirmé sa place « à la droite des autres Armes ».
Aujourd'hui, les survivants de cette épopée se voient refuser la Croix du Combattant Volontaire au prétexte qu’ils
n’étaient pas « engagés » mais « Commissionnés » et que le décret du 8 septembre 1981, qui a institué cette
décoration, ne prévoit pas le cas des « Commissionnés ».
C'est grâce à leur sacrifice qu'on a pu inscrire la mention « INDOCHINE » sur le drapeau de la Gendarmerie à la suite
des faits d'armes de l'époque Impériale.
Major (H) Robert DOUTEAUX
1ère L.M.G.R. - Garde du Viêt-Nam Sud (G.V.N.S).

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