La dette mezzanine : une ressource

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La dette mezzanine : une ressource
Entreprise et expertise Juridique
La dette mezzanine : une ressource
pour financer le développement
des entreprises patrimoniales et familiales ?
En cette période de raréfaction des
ressources financières, les entreprises
patrimoniales et familiales (EPF) doivent
plus que jamais exercer une certaine
créativité pour trouver les financements
nécessaires à leur développement.
U
ne possibilité qui semble encore insuffisamment exploitée aujourd’hui consisterait pour
elles à se tourner vers les fonds de mezzanine,
qui disposent de liquidités importantes mais
peinent à leur trouver emploi depuis la réduction drastique
du nombre de LBO, et l’augmentation du nombre d’opérations minoritaires, dans lesquelles
on ne trouve pas toujours de
Il est à noter que la
dette mezzanine.
En effet, la dette mezzanine, qui
dette mezzanine dont
ne désigne rien d’autre qu’une
nous parlons ici, que les
dette subordonnée, avec ou sans
le «kicker1» permettant de la
opérateurs spécialisés
convertir en capital au terme de
tendent aujourd’hui à
sa maturité, est un instrument de
appeler «dette mezzanine de quasi-fonds propres susceptible
répondre de façon satisfaisante
croissance», peut être mise de
aux besoins des EPF, comme à
ceux des fonds de mezzanine.
en place soit au niveau de
Pour les EPF, la dette mezzanine
la société opérationnelle,
évite la dilution du capital, et ne
soit au niveau d’une holding se traduit pas non plus obligatoirement par une dilution au terme
actionnaire interposée.
de l’opération. Le plus souvent,
le fonds de mezzanine propose
d’émettre des obligations convertibles en actions (OCA), ou
des obligations à bons de souscription d’actions (OBSA),
1. Le «kicker»
sur une durée qui est en général de huit à dix ans. La rémudésigne l’instrument
nération demandée est certes élevée, mais c’est la contrejuridique qui permet
au prêteur de la
partie du caractère non dilutif de ce mode de financement,
dette mezzanine
qui ne remet aucunement en cause le plein exercice du
de convertir sa
créance en actions,
pouvoir par le chef d’entreprise. La référence en la matière
selon une formule
est le taux pratiqué par le fonds OC +, constitué sous la
de conversion
préalablement
forme d’un fonds commun de placement à risque (FCPR),
convenue.
géré par CDC Entreprises2 et Avenir Entreprises pour le
2. Filiale de la
Caisse des Dépôts
compte du FSI3. La rémunération des OC + est généraet Consignations.
3. Fonds Stratégique lement comprise entre 12 et 15 %, dont une partie (entre
d’Investissement.
un tiers et la moitié) est versée sous la forme d’un intérêt,
24 Option Finance n°1086 - Lundi 19 juillet 2010
Par Valérie Tandeau
de Marsac, avocat associée
Jeantet & Associés
qui peut d’ailleurs être capitalisé et payé in fine, dans des
proportions négociables, et l’autre partie liée à la plus-value
résultant de la formule de valorisation retenue pour l’instrument de conversion en capital. Il est intéressant de noter
que la conversion peut être évitée au moyen d’une prime
de non-conversion, qui sera versée par l’entreprise, en utilisant les fruits de la croissance que le prêt mezzanine aura
permis de financer. Dans ces conditions, le taux d’intérêt
nominal, hors partie capitalisée et hors rémunération liée
à la plus-value résultant de la conversion (ou la prime de
non-conversion) de l’obligation peut se rapprocher de 5 %.
Dans le jargon des professionnels, cette partie de la rémunération est désignée par le vocable «cash», tandis que la
partie de la rémunération versée «in fine», à l’échéance du
prêt, est appelée « PIK » pour «payment in kind».
Il est à noter que la dette mezzanine dont nous parlons ici,
que les opérateurs spécialisés tendent aujourd’hui à appeler
«dette mezzanine de croissance», peut être mise en place
soit au niveau de la société opérationnelle, soit au niveau
d’une holding actionnaire interposée. Cette dernière solution peut être intéressante, notamment, lorsque des sûretés
ont déjà été consenties sur les actifs de la société opérationnelle, à titre de garantie des dettes bancaires souscrites
pour l’exploitation. La «dette mezzanine de croissance» est
alors structurellement subordonnée aux dettes bancaires
d’exploitation, contrairement à la dette mezzanine utilisée
dans le contexte d’un LBO, qui est généralement contractuellement subordonnée à la dette senior, toutes deux étant
souscrites par la même entité, en l’occurrence la holding
de reprise.
Si le marché s’intéresse aujourd’hui à ce type de montage,
c’est sans doute parce qu’il existe un vrai intérêt à favoriser
les passerelles entre deux mondes, celui des EPF et celui du
private equity, qui se côtoient finalement assez peu, et ne se
connaissent pas toujours bien, ce qui peut parfois engendrer une méfiance dommageable pour tous. N’est-il pas
dans l’intérêt bien compris de tous de créer des conditions
favorables à une reprise de la croissance ? ■

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