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Luxe
L’amour se fiche du luxe. Quand on aime, on vit d’amour
et d’eau fraîche. C’est mon cas. Je n’ai pas besoin qu’il
vienne me chercher avec une voiture décapotable au bureau,
ni qu’il m’offre une bague sertie de diamants. L’argent ne
m’intéresse pas, ni le faste, ni l’apparat. Je leur préfère un
baiser. Ma mère est désespérée.
MétieR
Les médecins sont les vainqueurs dans le classement d’hommes
les plus prisés. Viennent ensuite les architectes, suivis des
psys. Pour ces derniers, et surtout s’ils sont psychanalystes, je
comprends très bien. Les femmes arrivent souvent en miettes
chez un psy. Une rupture d’amour, un homme qui les a
blessées. Elles doivent se reconstruire, comprendre ce qui
est arrivé. Dans le théâtre symbolique de son cabinet, elles
vont pouvoir rejouer à travers lui les scènes importantes de
leur passé. Il est là à leur écoute, sans les juger, sans les traiter
d’hystériques, de maniaques du rangement, de pleurnichardes,
de capricieuses.
Il est muet.
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mort
Nous les femmes, nous ne craignons pas la mort, c’est là
qu’arrive enfin le baiser du Prince Charmant.
Mots
Mots tendres à la disposition des hommes :
Tu es la plus jolie femme du monde. Je t’aime comme je n’ai
jamais aimé. Tu es ma lumière. Je brûle d’amour pour toi.
Je puise dans tes yeux le bonheur et la vie. Tu es le soleil
de mes nuits. J’irai là où tu iras. Je t’aime au-delà de tout.
Je t’aime pour l’éternité. Tes mains ne sont que caresses.
Les roses t’envient. Je ne veux pas te perdre. Je t’aime à en
devenir fou. Je souffre quand tu n’es pas là. Tes rêves sont à
présent les miens. Ma plus belle histoire d’amour, c’est toi.
Mots cruels :
Vous en connaissez assez comme ça.
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MythESetlégEndes
Un de perdu, dix de retrouvés.
muscles
Le cœur est un muscle qu’il convient de faire travailler,
m’a dit le médecin. Maintenant je sais : je mourrai de tout
sauf d’une crise cardiaque.
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NeigE
À Barcelone, la neige ne tombe que dans une boule en cristal
que l’on secoue. Jeune fille, j’en avais une sur l’étagère de ma
chambre, avec, à l’intérieur, une tour Eiffel qui me faisait
rêver. Malgré le fait de ne pas être amoureuse du garçon
qui me l’avait offerte, cette boule de cristal était pour moi
un objet d’amour. Souvent, avant de me mettre au lit, je la
secouais et mon cœur se remplissait alors de flocons d’espoir.
Aujourd’hui, ils n’ont toujours pas fondu.
Opéra
Mes parents ont failli m’appeler Carmen.
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PArents
Recevoir une lettre d’amour avec des fautes d’orthographe,
ce n’est pas grave du tout. Les petites imperfections du
bien-aimé, on les trouve souvent amusantes, touchantes.
Et puis, ce sont les sentiments exprimés qui comptent.
Les lapsus sont plus embêtants, certains peuvent même
s’avérer fatals. Comme celui dans cette lettre que j’ai reçue
de sa part, où, à la fin, en guise d’apothéose, il avait écrit
en très grand JE L’AIME .
Toutes les petites filles tombent amoureuses de leur papa et
désirent secrètement se marier avec lui. Cela se comprend, un
papa est grand et costaud, il sent bon l’après-rasage, son torse
est poilu et ses pieds impressionnants. Tout ce dont une fille
a besoin pour se sentir protégée. Il est donc son héros, celui
aussi qui la regarde avec des yeux qui la rendent si précieuse
et féminine. Mais hélas, arrive le jour où elle lui fait part de
ses projets pour eux deux et où son monde s’écroule. Je l’ai
vécu et je m’en souviens encore. La réponse que la petite fille
reçoit est implacable, d’une violence qu’elle n’aurait jamais
cru devoir un jour encaisser. Non, son père ne peut pas se
marier avec elle, il en aime une autre. Sa mère qui plus est !
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OrthogRapHe
peinturE
Le baiser volé de Fragonard est plein de malice.
Le baiser de Picasso, torturé.
Le baiser de Klimt, d’une tendresse infinie.
Le baiser de Munch, fusionnel.
Celui que je reçois a les quatre propriétés à la fois.
PasSion
Ma grand-mère m’a appris très jeune à attiser les braises du
brasero pour ne pas qu’elles s’éteignent. C’était, à l’époque,
notre seule source de chaleur pendant nos longues soirées
d’hiver. J’attisais, rêveuse, quand elle s’est approchée de moi.
C’est la même chose avec l’amour, m’a-t-elle dit, il faudra
aussi que tu surveilles ses braises pour qu’il soit toujours
vivant. Vivant, il l’a été, il a même fait de grandes flammes,
dans lesquelles je me suis brûlée.
C’est mon grand-père qui aurait dû me parler. Il était pompier.
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