INTRODUCTION GENERALE
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INTRODUCTION GENERALE
– INTRODUCTION GENERALE – En forêt tropicale, les interactions plantes-animaux interviennent à différents stades du cycle de régénération naturelle des plantes (pollinisation des fleurs, dissémination/prédation des diaspores, herbivorie des plantules). En particulier, la dissémination des graines par les animaux (zoochorie) prédomine par rapport aux autres modes de dissémination (tels que l’anémochorie ou la barochorie), contrairement à ce qui est observé dans les forêts décidues tempérées. Parallèlement, les familles d’animaux les plus frugivores, notamment parmi les oiseaux et les mammifères, sont principalement inféodées aux milieux tropicaux (Fleming 1991, Willson et al. 1989). Les interactions plantes-animaux frugivores sont considérées comme globalement mutualistes (Boucher et al. 1982, Fleming 1991, Herrera 1985). Cependant, la majorité des espèces végétales interagissent avec un grand nombre d’espèces animales et vice versa, rendant peu prévisible l’issue de ces interactions pluri-spécifiques, notamment en matière de succès de la dissémination des graines et de la régénération (Herrera 1995, Howe & Smallwood 1982, Jordano 1995, Wheelwright & Orians 1982). Les fruits zoochores présentent une grande variété de types morphologiques, qualités nutritionnelles et profils de fructification (productivité, phénologie) qui les rendent particulièrement attractifs pour les animaux qui s’en nourrissent (Sabatier 1983, van der Pijl 1969). De nombreuses études ont montré que la morphologie des fruits est fréquemment adaptée aux caractéristiques morphologiques générales des animaux frugivores, certaines combinaisons de traits morphologiques des fruits étant associées à des guildes particulières d’animaux frugivores (Gautier-Hion et al. 1985, Janson 1983, Knight & Siegfried 1983). Ces syndromes ont longtemps été considérés comme le résultat d’une co-évolution étroite, motivée par une interdépendance écologique entre plantes et animaux (McKey 1975, Snow 1971). Howe & Estabrook (1977) ont ainsi proposé l’existence d’un continuum de dépendance entre des espèces d’oiseaux et de plantes fructifères opposant, à ses extrémités, les associations d’espèces spécialistes vs. généralistes. Les plantes du premier groupe produiraient de faibles quantités de fruits mono- ou oligo-diasporés de haute qualité nutritionnelle (riches en lipides) susceptibles d’attirer spécifiquement des espèces frugivores spécialistes (i.e. se nourrissant principalement de fruits tout au long de l’année, au moins à Introduction générale 2 l’âge adulte, sensu McKey 1975) supposées disperser leurs graines efficacement. A l’opposé, les plantes à stratégie généraliste produiraient de grandes quantités de fruits à petites graines et de faible qualité nutritionnelle (riches en sucres et en eau) attirant essentiellement des espèces d’oiseaux frugivores généralistes (i.e. se nourrissant principalement ou partiellement de fruits pendant une partie de l’année et complémentant leur régime alimentaire d’autres types d’aliments d’origine végétale ou animale), consommant les fruits de manière opportuniste et donc disséminant les graines de manière peu fiable. Cependant, ce concept de stratégie présente de nombreuses limites. Notamment, l’efficacité d’une espèce frugivore dans la dissémination des graines est souvent peu corrélée à son degré de frugivorie et varie en fonction des espèces de fruits qu’elles consomment (Levey 1987, Schupp 1993, Wenny 2000). Faces aux variations spatio-temporelles, aussi bien qualitatives que quantitatives, de la disponibilité en fruits et en animaux frugivores, et à la flexibilité du régime frugivore des animaux (Peres 1994, Terborgh 1983, van Schaik et al. 1993), les systèmes de dissémination (i.e. une espèce végétale et les frugivores qui lui sont associés) sont souvent peu spécialisés (Herrera 1985, Howe & Smallwood 1982). En outre, ces stratégies n’ont été définies que par rapport aux critères de sélection des fruits par les oiseaux. Or, un grand nombre d’espèces de fruits sont consommées et dispersées à la fois par les oiseaux et les mammifères, qui possèdent des critères de sélection des fruits et une efficacité dans la dissémination des graines différents, notamment selon leurs caractéristiques morphologiques, physiologiques et comportementales (Gautier-Hion et al. 1985, Howe 1980, Jordano 1992, Schupp 1993). Enfin, la définition de ces stratégies est essentiellement basée sur des caractères des plantes qui contrôlent l’attraction des disséminateurs mais pas la qualité du dépôt des graines par ces animaux, et donc l’issue des interactions concernées (Wheelwright & Orians 1982). Toutes ces limites contribuent à exclure l’hypothèse d’une coévolution étroite entre animaux frugivores et plantes zoochores. L’existence de syndromes suggèrent néanmoins que les caractéristiques des disperseurs ont pu influencer l’évolution des traits des plantes par un mécanisme de co-évolution diffuse impliquant des groupes de frugivores et de plantes. Toutefois, tous les traits des plantes associés à ces syndromes n’ont probablement pas le même potentiel pour s’adapter de manière co-évolutive aux disperseurs (Herrera 1987, Janzen 1980, Jordano 1995). Introduction générale 3 D’un point de vue écologique, la dissémination des graines par les animaux procurerait plusieurs avantages pour la régénération naturelle des espèces végétales zoochores. Notamment, la dissémination des graines loin des arbres parents (ou conspécifiques) augmenterait les chances de survie des graines, et à plus long terme des plantules, en permettant aux graines/plantules d’échapper aux facteurs de mortalité densité-dépendants liés à la prédation par les Vertébrés et les Invertébrés (Clark & Clark 1984, Connell 1971, Janzen 1970). Si la sensibilité des espèces végétales aux facteurs de mortalité densité-dépendants est variable, il semble cependant que ces facteurs agissent effectivement au niveau de la communauté de plantes (Harms et al. 2000). Par ailleurs, la dissémination des graines par les animaux permettrait d’augmenter la probabilité que les graines colonisent des milieux plus favorables, voire indispensables, à leur germination ou à l’établissement des plantules (Thompson & Willson 1978, Wenny & Levey 1998). Selon leur efficacité dans la dissémination des graines, les frugivores influencent donc la régénération naturelle des plantes aussi bien au niveau d’un individu, d’une population que de la communauté des plantes. Notamment, en disséminant, plus ou moins efficacement, les graines des différentes espèces végétales entrant dans la composition de leur régime alimentaire, les frugivores contribuent à déterminer l’identité et la distribution spatiale des graines, modelant ainsi la pluie de graines qui constitue la phase initiale de structuration de la régénération naturelle (Clark et al. 2001, Herrera et al. 1994, Martinez-Ramos & Soto-Castro 1993). Parce que toutes les graines ne sont pas disséminées avec succès, la phase de dissémination agit comme un « filtre » particulièrement sélectif entre le pool initial de graines produites, qui peut compter jusqu’à plusieurs millions de graines sur le cycle de vie complet d’une plante, et le pool final de plantes établies capables de se reproduire, généralement réduit à quelques individus. Cette phase est donc une phase critique de la régénération naturelle des plantes, l’échec complet de la dissémination pouvant mener à la disparition du patrimoine génétique d’un individu voire d’une espèce. La limitation de la dissémination, ainsi que les autres mécanismes de limitation du recrutement (limitation de la production et du recrutement sensu stricto), permettraient la coexistence d’espèces présentant différents niveaux de compétitivité dans les phases successives de la régénération (Hurtt & Pacala 1995, Muller-Landau et al. 2002, Schupp et al. 2002) et donc contribueraient à la structuration spatiale et au maintien de la biodiversité en forêt tropicale. Cependant, les mécanismes impliqués dans la limitation de la dissémination restent encore peu connus compte tenu de la complexité d’un processus Introduction générale 4 soumis à de nombreux facteurs de variations (Wang & Smith 2002). Aujourd’hui, la compréhension des mécanismes de limitation du recrutement, et notamment de limitation de la dissémination, représente un champ d’investigation aux implications importantes, aussi bien d’un point de vue appliqué que théorique. Elle devient ainsi de plus en plus nécessaire à la gestion à long terme de l’exploitation forestière, notamment pour prévoir ou contrôler le recrutement des essences exploitées. Par ailleurs, elle participe à la question fondamentale de l’origine et du maintien de la biodiversité en forêt tropicale. Enfin, en matière de conservation, elle devrait permettre de mieux prévoir l’avenir de cette biodiversité face à des perturbations d’origine anthropique de plus en plus agressives. Objectifs et plan de la thèse Ce travail est basé sur l’étude autécologique de sept espèces d’arbres zoochores appartenant à 4 genres différant les uns des autres par la morphologie et la composition nutritionnelle de leurs fruits et leur profil de fructification (rythme de fructification, période de fructification). Par une approche comparative, nous avons étudié les mécanismes de limitation de la dissémination primaire des graines de ces espèces en fonction de la composition de leur cortège d’animaux disperseurs arboricoles et volants. Nous avons notamment examiné comment certains facteurs (type de fruits: chapitre I; taille des graines: chapitre II; disponibilité des ressources dans le milieu: chapitre III, perturbations d’origine anthropique: chapitre IV) influencent la composition des cortèges d’animaux disperseurs des espèces d’arbres étudiées et donc l’efficacité de la dissémination primaire. Enfin, nous avons étudié comment les cortèges d’animaux disperseurs des différentes espèces étudiées affectent la dissémination des graines à l’échelle de la communauté des graines zoochores en analysant les caractéristiques de la pluie de graines créée par ces cortèges sous les arbres en fruits (chapitre V). Pour ce travail, nous n’avons estimé que la variable quantitative de l’efficacité de la dissémination primaire (sensu Schupp 1993). Pour cela, nous avons utilisé une méthode de collecte des fruits relativement simple et applicable à un grand nombre d’espèces de fruits (du moins celles à moyennes et grandes graines). Cette méthode nous a permis 1) d’évaluer la « dispersibilité » des différentes espèces d’arbres considérées, i.e. leur aptitude à être Introduction générale 5 dispersées, et 2) de décrire l’état des graines arrivant au sol dans l’environnement immédiat des arbres parents et disponibles pour les phases secondaires de dissémination. Bibliographie BOUCHER, D. H., JAMES, S. & KEELER, K. H. 1982. The ecology of mutualism. Annual Review of Ecology and Systematics 13:315-347. CLARK, C. J., POULSEN, J. R. & PARKER, V. T. 2001. The role of arboreal seed dispersal groups on the seed rain of a lowland tropical forest. Biotropica 33:606-620. CLARK, D. A. & CLARK, D. B. 1984. 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