L`obligation de résultat en droit public
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L`obligation de résultat en droit public
Université de la Réunion Faculté de Droit et d’économie L’obligation de résultat en droit public Mémoire présenté en vue de l’obtention du Master 2 Droit Public mention « Territoires, Risques et Action Publique » Par Anjeelee Kaur BEEGUN Sous la direction de Monsieur le Professeur Mathieu MAISONNEUVE (Professeur de droit public, Université de la Réunion) Année universitaire 2013-2014 Avertissement Les opinions exprimées dans ce mémoire sont propres à leur auteur et n’engagent pas l’Université de la Réunion. 2 Remerciements La réalisation de ce mémoire a été pour moi une expérience très enrichissante. Bien que la tâche se soit révélée par moments assez difficile, j’ai tout de même pris un certain plaisir à m’y atteler. Pour cela, je souhaite remercier les personnes qui m’ont soutenu et encouragé durant cette année. Je tiens tout d’abord à remercier Monsieur le Professeur Mathieu Maisonneuve, qui a accepté de diriger mon mémoire, pour sa disponibilité, ses corrections et ses encouragements qui m’ont été d’une aide précieuse. Enfin, j’adresse un affectueux merci à mes proches et mes amis pour toute leur attention et leur soutien sans faille. Ils n’ont jamais douté de mon travail, ce qui a permis de le mener à terme. 3 Liste des principales abréviations AJDA - Actualité juridique de droit administratif Arch. Dép. de la Réunion – Archives départementales de la Réunion Ass. - Arrêt d’assemblée CAA- Cour administrative d’appel Cass 1re civ- Première chambre civile de la Cour de cassation Cass. Ch Mixte- Chambre mixte C.civ - Code civil CE - Conseil d’État CEDH – Convention européenne des droits de l’Homme CGPPP - Code général de la propriété des personnes publiques Civ. 3e- Troisième chambre civile de la Cour de cassation DA- Revue Droit Administratif éd. - Edition Ibid. - Ibidem n° - Numéro op. cit.- Opere citato p. - Page § - Paragraphe Rec. CE – Recueil Lebon RFDA - Revue française de droit administratif RTD civ. – Revue trimestrielle de droit civil 4 TA- Tribunal administratif TC- Tribunal des conflits 5 Sommaire Remerciements ........................................................................................................ 3 Liste des principales abréviations............................................................................ 4 Introduction ............................................................................................................. 9 Partie I : L’inadaptabilité de la notion d’obligation de résultat au droit public .... 12 Titre 1 : La consécration progressive de l’obligation de résultat en droit public .............................................................................................................................................. 14 Chapitre 1 : L’obligation de résultat : une notion longtemps confinée au droit privé .................................................................................................................................. 15 Chapitre 2 : L’entrée de la notion d’obligation de résultat dans la jurisprudence administrative ............................................................................................ 20 Titre 2 : L’ambiguïté de la définition de l’obligation de résultat en droit public .............................................................................................................................................. 26 Chapitre 1 : La difficile identification de l’obligation de résultat en droit public ................................................................................................................................ 27 Chapitre 2 : Les limites des méthodes d’identification de l’obligation de résultat en droit public ...................................................................................................... 32 Conclusion de la première partie ....................................................................... 37 Partie II : L’utilité de l’obligation de résultat en droit public : la garantie des « droits-créances ».................................................................................................................... 38 Titre 1 : La consécration de l’obligation de résultat en droit public: une garantie de l’effectivité des « droits-créances » ................................................................................. 39 Chapitre 1 : Les droits-créances : domaine de prédilection de l’obligation de résultat en droit public ...................................................................................................... 40 Chapitre 2 : L’efficacité de l’obligation de résultat dans la protection des droits-créances ........................................................................................................... 46 Titre 2 : L’aptitude relative de la responsabilité administrative à garantir effectivement les droits-créances ......................................................................................... 50 6 Chapitre 1 : Le rôle nouveau de la responsabilité administrative : La protection des droits-créances .......................................................................................... 51 Chapitre 2 : Le succès relatif de la responsabilité administrative dans la protection des « droits-créances » .................................................................................... 55 Conclusion ............................................................................................................. 58 Bibliographie ......................................................................................................... 59 7 8 Introduction « Civilistes et publicistes ont des choses à se dire, les uns et les autres ont à gagner à se rencontrer et à confronter les concepts qui sont les leurs. »1 Très souvent des auteurs fustigent ce « cloisonnement des doctrines de droit privé et de droit public2 ». Marcel Waline3, dans un article paru en 1962, regrettait que les administrativistes soient en retard sur les civilistes s’agissant des études sur les obligations. Or, plus de cinquante ans après, force est de constater que ce cloisonnement n’est plus tellement d’actualité. Aujourd’hui, civilistes et privatistes se disent des choses, ils empruntent des concepts, ils s’enrichissent mutuellement. C’est ainsi que des concepts longtemps limités au droit privé se retrouvent aujourd’hui appropriés par les publicistes. La notion d’obligation de résultat est un de ces concepts. L’obligation est définie, au sens technique, comme « le lien de droit par lequel une ou plusieurs personnes, le ou les débiteurs, sont tenues d’une prestation envers une ou plusieurs autres- le ou les créanciers4 ». Il existe différentes façon de classifier une obligation. On peut classifier les obligations selon leurs sources. Une autre classification, proposée par le Doyen Carbonnier, consiste en la distinction entre les obligations monétaires et les obligations en nature. Une classification très connue, proposée par la doctrine au début du XXe siècle consiste en la classification selon l’objet de l’obligation. Il s’agit de la fameuse distinction entre l’obligation de résultat et l’obligation de moyen. L’obligation de résultat a pour objet la réalisation d’un résultat déterminé. Ainsi, le débiteur n’a exécuté son obligation que s’il a atteint le résultat déterminé. A l’inverse, l’obligation de moyens désigne l’obligation par laquelle « le débiteur s’engage seulement à employer les moyens appropriés dans une 11 B. MATHIEU, « Droit constitutionnel et droit civil : « de vieilles outres pour un vin nouveau » », RTD Civ., 1994, p. 59 2 R. NOGUELLOU, « La transmission des obligations en droit administratif », Paris, LGDJ, 2004, p. 1 3 M. WALINE, « La théorie civile des obligations et la jurisprudence du Conseil d’État », Mélanges Julliot de la Morandière, Paris, Dalloz, 1964, p. 41 4 G. CORNU (dir.), « Vocabulaire juridique », Paris, PUF, 2011, 9e édition, 1093 p. 9 tâche à accomplir, à se montrer prudent et diligent, à faire de son mieux, ce qui permettra peut-être au créancier d’obtenir le résultat qu’il souhaite5 ». Pendant longtemps, cette distinction est restée cloisonnée en droit privé. Toutefois, à partir de 2005, ont commencé à apparaître en droit public des décisions de justice qui en faisaient état. En droit public, en premier lieu, il n’existe pas de théorie générale des obligations. Il peut paraître étonnant de voir une notion purement privatiste arriver à s’imposer progressivement en droit public. Certes, il y a souvent des notions que les privatistes empruntent aux publicistes et vice versa. C’est un phénomène assez étonnant. On aurait pu penser que cette notion soit tombée en désuétude en droit privé et qu’une partie de la doctrine publiciste ait voulu lui donner une cure de jeunesse. Mais il semblerait que cette distinction continue toujours à être utilisée en droit privé. A partir de là, on pouvait se poser la question suivante : Le recours à l’obligation de résultat est-il souhaitable en droit public ? A priori, cette notion ne semble pas avoir sa place en droit public car cette notion s’adapte difficilement aux spécificités du droit public (Partie I). Toutefois, force est de constater que cette notion a une certaine utilité en droit public car elle sert à protéger des droits-créances (Partie II). 5 F. TERRÉ, Ph. SIMLER, Y. LEQUETTE, « Droit civil: Les obligations », Paris, Dalloz, 2009, 10e édition, p. 7 10 11 Partie I : L’inadaptabilité de la notion d’obligation de résultat au droit public La notion d’obligation de résultat s’est infiltrée progressivement en droit public ( Titre 1), même si ses critères de définition demeurent ambigus (Titre 2). 12 13 Titre 1: La consécration progressive de l’obligation de résultat en droit public L’obligation de résultat est une notion purement de droit privé et qui est longtemps resté confinée à cette sphère (Chapitre 1). Toutefois, aujourd’hui, force est de constater que cette notion a fini par entrer en droit administratif (Chapitre 2). 14 Chapitre 1 : L’obligation de résultat : une notion longtemps confinée au droit privé A première vue, il pourrait sembler surprenant que les publicistes s’approprient de la notion d’obligation de résultat, eu égard à la complexité de la notion propre au droit privé (Section 1). Toutefois, si cette notion est longtemps restée confinée à la sphère de droit privé, il ne faut pas en déduire qu’elle était totalement étrangère aux publicistes. Force est de constater que cette notion a pu être appliquée par le juge judiciaire à certains services publics (Section 2). Section 1 : L’obligation de résultat : une notion propre au droit privé La distinction entre l’obligation de résultat et l’obligation de moyens a au départ été introduit en droit privé afin de concilier deux textes qui semblaient se contredire. Le recours à une telle distinction était bienvenu (§1). Par la suite, cette distinction s’est imposée avec plus de force afin de devenir un des éléments qui distingue le droit privé du droit public (§2). §1 : Une distinction bienvenue en droit privé Selon, M. Jean Béllissent6, la notion d’obligation de résultat existait déjà au temps des jurisconsultes romains. Toutefois, la paternité de la distinction obligation de moyens et obligation de résultat est attribuée à Demogue7. A l’origine, il avait opéré cette distinction afin de concilier les articles 1137 et 1147 du Code civil. Selon l’article 1147 C.civ, le débiteur est responsable du seul fait de son inexécution. L’article 1137 C.civ posait le principe, à propos des contrats comportant obligation de conserver une chose, que celui qui en est chargé devait y apporter tous les soins du bon père de famille. La distinction opérée par Demogue se fondait sur l’objet de l’obligation. Selon lui, « l’obligation qui peut peser sur un débiteur n’est pas toujours de même nature. Ce peut être une obligation de résultat ou une obligation de moyen8 »9. Il y 6 J. Bélissent, « « Contribution à l’analyse de la distinction des obligations de moyens et des obligations de résultat », Paris, LGDJ, 2001, p. 14 7 R. DEMOGUE, « Traité des obligations en général », Paris, Ed. Rousseau, 2006, Tome V, n° 1237, p. 536 à 544. 8 « Moyen » est ainsi orthographié dans le texte. 9 R. DEMOGUE, op. cit., p. 538. 15 aurait des cas où le débiteur de l’obligation « s’est engagé à faire tout ce qui est possible en vue d’un résultat qui reste incertain »10. C’est ce qu’on appelle l’obligation de moyens. A côté, il y aurait d’autres cas où le débiteur s’est engagé à un résultat déterminé. C’est ce qu’on appelle l’obligation de résultat. Cette distinction de Demogue a par la suite été reprise par l’ensemble de la doctrine. On notera toutefois, que certains auteurs n’utilisent pas les mêmes formules que Demogue pour désigner ces obligations. Ainsi, H. Mazeaud11 préfère parler « des obligations générales de prudence et de diligence » et « des obligations déterminées ». Si cette distinction trouve à s’appliquer le plus souvent dans le domaine contractuel, selon H. Mazeaud, il faudrait l’envisager comme la summa divisio de toutes les obligations, tant contractuelles que délictuelles. C’est à travers ce prisme qu’il envisage d’ailleurs la responsabilité civile délictuelle12. L’article 1382 C.civ est analysé comme comportant une obligation de prudence et de diligence. §2 : Une distinction caractéristique du droit privé Cette distinction a par la suite été reprise par la jurisprudence. Les juges font tantôt référence aux terminologies utilisée par H. Mazeaud et tantôt à celles utilisées par Demogue. Toutefois, l’idée reste la même. Cette distinction est encore utilisée aujourd’hui. C’est une distinction qui a su s’adapter aux évolutions qui ont eu lieu au fil du temps. Ainsi, par exemple, elle a pu être appliquée aux fournisseurs d’accès internet. Dans un arrêt du 19 novembre 2009, la première chambre civile a jugé que le fournisseur d’accès internet était tenu d’une obligation de résultat quant aux services offerts. Cette distinction a pu s’appliquer à une multitude de domaines, que ce soit le transport aérien, le vol en parapente, les contrats d’assistance médicale entre autre. Toutefois, il convient de noter que la distinction initialement opérée par Demogue a connu certaines évolutions au fil du temps. Aujourd’hui, on ne raisonne plus seulement en 10 Y. PICOD, « « Obligations », Répertoire de droit civil, Dalloz, 2014, n° 44. H. MAZEAUD, « Essai de classification des obligations : obligations contractuelles et extracontractuelles ; obligations déterminées et obligation générale de prudence et diligence », R.T.D Civ., 1936, p. 1 à 58. 12 Y. PICOD, op. cit., n°46 11 16 termes d’obligations de résultat et de moyens. On y a aussi ajouté les obligations de résultat atténué et les obligations de moyens renforcées. Toutefois, malgré certaines critiques, cette distinction est toujours maintenue en droit privé. Cette distinction est d’ailleurs consacrée dans l’avant projet Catala aux articles 1149 et 1364. Elle a aussi été reprise par Unidroit à propos des « Principes relatifs aux contrats de commerce international ». Toutefois, elle n’est pas reprise par L'avant-projet de la chancellerie de réforme du droit des contrats. Malgré da limitation initiale au droit privé, il convient de noter que cette distinction n’était pas sans lien avec le droit public, car le juge judiciaire a pu l’appliquer à certains services publics. Section 2 : La reconnaissance par le juge judiciaire de l’obligation de résultat pesant sur certains services publics Même si cette notion complexe est caractéristique du droit privé, on peut constater que le juge judiciaire avait pu reconnaître explicitement que certains services publics pouvaient être tenus à une obligation de résultat. Il convient de voir dans un premier temps quelques illustrations (§1) et ensuite dans un deuxième temps, on pourra s’intéresser à la justification de cette application (§2). §1 : Exemples de services publics soumis à une obligation de résultat A titre d’exemple, on peut citer deux domaines où le juge judiciaire a pu consacrer une obligation de résultat en matière de service public. Le premier exemple concerne le service public du transport ferroviaire. Dans un arrêt du 28 novembre 200813, la Cour de cassation a reconnu l’obligation de sécurité de la SNCF. En l’espèce, il était question d’un jeune passager d’un train express régional qui avait ouvert l’une des portes du train pendant que celui-ci était en marche et il est tombé sur la voie en effectuant une rotation autour de la barre d'appui située au centre du marchepied. Il était 13 Cass. Ch. Mixte, 28 novembre 2008, Bull. civ., 2008, n° 264 17 mortellement blessé et ses ayants droit avaient assigné la SNCF en réparation des préjudices subis. Selon la Cour de cassation, « le transporteur ferroviaire, tenu envers les voyageurs d'une obligation de sécurité de résultat, ne peut s'exonérer de sa responsabilité en invoquant la faute d'imprudence de la victime que si cette faute, quelle qu'en soit la gravité, présente les caractères de la force majeure ». La Cour a par ailleurs constaté qu’en l’espèce, la faute de la victime n’était « pas imprévisible ni irrésistible pour la SNCF » et « ne présentait pas les caractères de la force majeure ». Ainsi, elle en a déduit que la SNCF ne pouvait pas s’exonérer de sa responsabilité en se fondant sur la faute de la victime. Le second exemple concerne le service de distribution d’eau potable. Il s’agit de l’arrêt Mme Mataillet14 du 28 novembre 2012. Il s’agissait en l’espèce d’une commune qui gérait en régie la distribution d’eau potable à ses usagers. Un des usagers a saisi la juridiction de proximité pour se plaindre de la mauvaise qualité de l’eau distribuée. LA juridiction de proximité a considéré que la commune n’était tenue qu’à une obligation de moyens en matière de distribution d’eau potable. L’usager forma un pourvoi en cassation. Selon la Cour de cassation, « la commune était tenue de fournir une eau propre à la consommation et qu'elle ne pouvait s'exonérer de cette obligation contractuelle de résultat, que totalement, par la preuve d'un événement constitutif d'un cas de force majeure, ou, partiellement, par celle de la faute de la victime ». Comme on peut le constater, la notion d’obligation de résultat était déjà appliquée à des services publics, avant même son entrée en force en droit public. §2 : La justification de cette soumission Si le juge judiciaire a pu imposer une obligation de résultat à ces services publics, c’est notamment parce qu’il s’agit ici de services publics industriels et commerciaux. S’agissant du transport ferroviaire, on peut citer l’arrêt Niddam c/ SNCF15 où le Tribunal des conflits a expressément reconnu que le service public du transport ferroviaire, géré par la SNCF, était un service public industriel et commercial. Le Tribunal a aussi reconnu dans cet arrêt que les liens qui unissaient les usagers et un tel service étaient des liens de droit privé. S’agissant de la distribution d’eau potable, on peut citer l’arrêt Tettart c/ 14 15 Cass. 1re civ., 28 novembre 2012, n° 11-26.814 : JurisData n° 2012-027514 TC, 5 décembre 1983, Niddam c/ SNCF, req. n° 02307 18 Syndicat Intercommunal d’adduction d’eau du Liger16, où le Tribunal des conflits a reconnu la nature industrielle et commerciale de ce service public. Les contrats conclus avec les usagers dans le cadre de ces services publics, étaient de ce fait soumis aux principes de droit commun de la responsabilité civile contractuelle. A titre d’illustration, on peut citer un arrêt de 196117 où la Cour de cassation a estimé que la condamnation d’une commune à des dommages-intérêts dans le cadre d’un contrat de distribution d’eau ne pouvait être fondée que sur l’article 1147 C.civ. Ainsi, en s’appuyant sur ce principe, la Cour de cassation a simplement sanctionné l’inexécution du contrat dans l’arrêt Mme Maillet. Comme le souligne Hugo-Bernard Pouillaude18, il n’est pas tellement novateur que la Cour de cassation dégage de cette disposition une obligation de résultat pesant sur l’exploitant d’un service public. Si ces arrêts nous démontrent que le service public et l’obligation de résultat ne sont pas étrangers l’un de l’autre, ils demeurent limités à la sphère du droit privé. Mais l’obligation de résultat n’est plus aujourd’hui, un apanage du droit privé. Il commence à infiltrer le droit public. 16 TC, 15 décembre 1980, Tettart c/ Syndicat Intercommunal d’adduction d’eau du Liger,req. n° 02169. 17 Cass. 1re civ., 11 janvier 1961, Bull. civ., n°28, p. 23. H-B. POUILLAUDE, « L'obligation de résultat d'une commune en matière de distribution d'eau potable », AJDA, 2013, p. 697. 18 19 Chapitre 2 : L’entrée de la notion d’obligation de résultat dans la jurisprudence administrative Dans un premier temps, la consécration de l’obligation de résultat a été faite de façon hésitante (Section1). Toutefois, depuis quelques années, on a l’impression que le juge administratif s’est enhardi et a finalement consacré explicitement cette notion (Section 2). Section 1 : L’infiltration discrète de l’obligation de résultat en droit public En matière de responsabilité extracontractuelle, il y a souvent trois arrêts majeurs qui sont cités comme ayant consacré implicitement la notion d’obligation de résultat en droit public (§2). Mais avant de s’intéresser, il convient de s’attarder un instant à la discrète entrée de l’obligation de résultat en matière contractuelle (§1) §1 : La réception silencieuse de l’obligation de résultat en matière contractuelle Très souvent quand la doctrine envisage la notion d’obligation de résultat en droit public, elle fait l’impasse sur l’intégration de cette notion en matière contractuelle. Pourtant, cette notion n’est pas inconnue en matière de contrats publics. En premier lieu, on peut penser que la notion d’obligation de résultat a toujours été présente dans certains contrats administratifs, sans qu’on s’y réfère explicitement. Selon les professeurs Terré, Simler et Lequette19, l’obligation de donner est de nature une obligation de résultat. Pour eux, l’obligation de donner consiste à transférer un droit réel, notamment la propriété. Lorsqu’un contrat comporte une obligation de donner, le vendeur s’engage, selon eux, à un résultat déterminé. S’il se contentait de proposer « la simple probabilité de devenir propriétaire », personne ne voudrait traiter avec lui. Ce raisonnement semble transposable en droit public. L’article 1-II al.2 du Code des marchés publics définit les marchés publics de fournitures comme « des marchés conclus avec des fournisseurs qui ont pour objet l'achat, la prise en crédit-bail, la location ou la location-vente de produits ou matériels. » S’agissant des marchés publics conclus pour l’achat de fournitures, on pourrait assimiler le titulaire du marché au vendeur privé. Dans ce cas, pèserait sur lui l’obligation de transférer la propriété 19 F. TERRÉ, Ph. SIMLER et Y. LEQUETTE, « Droit civil : Les obligations », Paris, Dalloz, 2009, 10e édition, p. 595. 20 des fournitures au pouvoir adjudicateur, c’est-à-dire une obligation de donner. Ainsi, si on suit le raisonnement des professeurs Terré, Simler et Lequette, cette obligation de donner serait une obligation de résultat. Ainsi, on pourrait penser qu’il existe depuis longtemps une obligation de résultat en droit public des contrats, mais qui est implicite. On voit aussi apparaître une trace de la notion d’obligation de résultat dans le Cahier des Clauses Administratives et Générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles (CCAG-PI) issu du décret du 26 décembre 1978. Son article 32 prévoyait que : « lorsque, pour tout ou partie des prestations à fournir, le marché ne comporte pas d'obligation de résultat, le titulaire est réputé avoir rempli ses obligations s'il a déployé l'effort nécessaire pour obtenir le meilleur résultat possible, en exploitant ses connaissances et son expérience, compte tenu de l'état le plus récent des règles de l'art, de la science et de la technique ». Il découle de cet article qu’un marché public de prestations intellectuelles peut mettre une obligation de résultat à la charge du titulaire. Ainsi, dès 1978, la notion d’obligation de résultat était déjà présente explicitement en droit public. Toutefois, il convient de noter que depuis 2009, il y a un nouveau CCAG-PI qui est en vigueur. Mais il semblerait qu’il n’ait pas repris l’ancien article 32. En dernier lieu, on peut voir certaines décisions de justice relatives aux contrats administratifs qui mentionnent l’obligation de résultat. A titre d’exemple, on peut citer un arrêt de la cour administrative d’appel de Douai du 26 novembre 2009 20. Dans cet arrêt il était question d’un marché public de prestation de services. La cour administrative d’appel a reconnu que le titulaire du marché était tenu à une obligation de résultat vis-à-vis du pouvoir adjudicateur. Toutefois, même si le juge administratif consacre rarement l’obligation de résultat en matière contractuelle, on ne devrait pas en déduire que celle-ci est rarement invoquée par les parties. Ainsi, comme on a pu le constater, l’obligation de résultat a été intégrée de façon très discrète en matière contractuelle. S’agissant de la responsabilité extracontractuelle, dans un premier temps, l’obligation de résultat ne fut consacrée que de façon implicite. §2 : L’obligation de résultat implicitement consacrée en matière extracontractuelle 20 CAA Douai, 26 novembre 2009, req. n° 07DA01159 21 En matière de responsabilité extracontractuelle, la doctrine s’accorde à dire que la distinction entre l’obligation de moyen et l’obligation de résultat était reconnue implicitement par le Conseil d’État. La doctrine reconnaît notamment trois arrêts principaux qui consacrent cette notion implicitement. Le premier arrêt est l’arrêt Courtial21 de 1955, où le Conseil d’État a condamné le ministère de l’Éducation nationale car le service d’hygiène de la scolarité, relevant de l’autorité de ce ministère, n’avait pas informé la famille d’un enfant que celui-ci était tuberculeux. Le second arrêt en la matière, est l’arrêt Marabout22 de 1972. Dans cet arrêt, la ville de Paris avait été condamnée pour n’avoir pas fait respecter une interdiction de stationnement. Le troisième arrêt en la matière est l’arrêt Giraud de 1988, où le Conseil d’État a engagé la responsabilité du ministère de l’Éducation nationale s’agissant « des carences dans l’enseignement des cours obligatoires23 ». Ces arrêts ont été considérés comme consacrant une obligation de résultat. Mais en l’absence de cette terminologie, on ne peut avoir la certitude que le juge administratif ait vraiment voulu consacrer une obligation de résultat24. Pour avoir cette certitude, il faudrait attendre une consécration explicite, qui viendra bien plus tard. Section 2 : La consécration audacieuse de l’obligation de résultat dans la jurisprudence administrative Pendant longtemps, le Conseil d’État a résisté à la tentation de consacrer explicitement la notion d’obligation de résultat. Toutefois, les requérants n’ont pas cessé de l’invoquer. Finalement, ce sont les juges du fond qui ont les premiers consacré explicitement cette notion (§1). Par la suite, le Conseil d’État a suivi le mouvement (§2). §1 : La consécration explicite par les juges du fond Ce sont les juges du fond qui ont les premiers entendu les cris de détresse des requérants. En effet, souvent les requérants invoquaient la notion d’obligation de résultat 21 CE, 15 juin 1955, Courtial, D. 1955, p. 791 à 793 CE, 20 octobre 1972, Marabout 23 P-E du CRAY, « L’insuffisance de moyens dans le droit de la responsabilité administrative », DA, mai 2014, n°5, p. 16. 24 P-E. du CRAY, loc. cit. 22 22 devant le juge administratif, mais celui-ci la rejetait de facto25. Finalement, les juges du fond ont consacré explicitement tant la notion d’obligation de moyens que celle d’obligation de résultat. S’agissant des décisions qui consacrent explicitement la notion d’obligation de moyens, on peut citer une décision du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 18 décembre 200326. Il s’agissait en l’espèce de la question de la scolarisation des enfants handicapés. Le juge administratif avait retenu que les dispositions législatives « n'imposent à l'État qu'une obligation de moyens ». Comme on peut le constater, le juge fait expressément référence à la terminologie « obligation de moyens ». On peut aussi citer un arrêt de la Cour administrative d’appel de Versailles du 27 septembre 200727 qui fait expressément référence à cette expression. S’agissant des décisions qui consacrent expressément l’obligation de résultat, on peut citer un arrêt du Tribunal administratif de Paris du 17 décembre 201028 concernant le droit au logement opposable, qui reconnaît expressément que l’État est soumis à une obligation de résultat en la matière. Le Tribunal administratif reconnaît que les dispositions législatives relatives à ce droit « fixent une obligation de résultat pour l'État ». Dans le même domaine, on peut aussi citer un arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 20 septembre 201229, qui consacre lui aussi expressément la notion d’obligation de résultat. Ces consécrations explicites par les juges du fond sont nombreuses et présageait déjà de l’intégration progressive de la notion d’obligation de résultat en droit public. Or, sans une consécration expresse par le Conseil d’État, cette intégration restait incomplète. §2 : La consécration explicite par le Conseil d’État Le Conseil d’État a pendant longtemps évité de consacrer explicitement la distinction entre l’obligation de moyen et l’obligation de résultat. Toutefois, elle va finalement franchir cette étape en 2009 en reconnaissant la distinction entre l’obligation de 25 Ibid. TA Cergy-Pontoise, 18 décembre 2003, Duca 27 CAA Versailles, 27 septembre 2007, Ministre de la santé et de la solidarité, n°06VE02781 28 TA Paris, 17 décembre 2010, Mme Annamaria B., n° 1004946 29 CAA Paris, 20 septembre 2012, Lahoucine C., n° 11PA04843 26 23 résultat et l’obligation de moyens. Ensuite, par d’autres arrêts, il va venir consacrer expressément la notion d’obligation de résultat. Dans ses conclusions30 sur l’arrêt Laruelle, le rapporteur public Rémi Keller, soulignait que la notion d’obligation de moyens n’est pas vraiment connue du Conseil d’État. Selon lui, il n’y a qu’un arrêt Lahterman du 6 juin 2001, qui y fait référence. En l’espèce, le Conseil d’État avait jugé que « les avocats ne sont tenus à l'égard de leurs clients que d'une obligation de moyens ». Cet arrêt n’est pas en soi révolutionnaire. Il est en quelque sorte la transposition d’une solution déjà dégagée à maintes reprises par le juge judiciaire Ainsi, par exemple, dans un arrêt de 199831, la première chambre civile de la Cour de cassation a pu juger que l’avocat est tenu que d’une obligation de moyens, indépendamment du fait qu’il ait été désigné au titre de l’aide juridictionnelle. Ainsi, on peut penser qu’il n’y a pas eu de réelle volonté de consécration de la notion d’obligation de moyens dans cet arrêt. Si la notion d’obligation de moyens est presque inconnue du Conseil d’État, celle d’obligation de résultat l’est encore moins. En effet, le Conseil d’État n’avait pas reconnu explicitement cette notion jusqu’à 2009, même si selon la doctrine, elle l’avait déjà consacrée implicitement avant. En 2009, le Conseil d’État, sans doute enhardi par les décisions des juges du fond, va faire un premier pas avec la fameuse décision Laruelle32 du 8 avril 2009. Dans cet arrêt, le Conseil d’État commence d’abord par définir l’obligation de moyens comme l’obligation « de faire toutes les diligences nécessaires ». Ensuite, il reconnaît que l’obligation de l’État en matière de scolarisation des enfants handicapés n’était pas une obligation de moyens. On remarquera que dans cet arrêt, à aucun moment le Conseil d’État ne mentionne expressément la notion d’obligation de résultat. D’ailleurs, cette terminologie n’apparaît pas non plus dans les conclusions du rapporteur public. On pourrait penser que c’était encore une consécration implicite. Mais, il semblerait que cela ne soit pas le cas car cet arrêt sera le précurseur des autres arrêts où le Conseil d’État va venir consacrer explicitement la notion d’obligation de résultat. L’apport essentiel de cet arrêt réside dans le fait que le Conseil d’État montre qu’il n’est pas hostile à la distinction entre l’obligation de moyens et l’obligation de résultat. Cette même position sera suivie dans le non moins célèbre arrêt Beaufils33 où il était question du suivi pluridisciplinaire d’une personne autiste. Dans cet arrêt, le Conseil d’État a 30 R. KELLER, « Le Conseil d'Etat affirme le droit des enfants handicapés à l'éducation », AJDA, 2009, p. 1262 31 V. par exemple : Cass 1re civ., 7 octobre 1998, Bull. civ. I, n° 282 CE, 8 avril 2009, Laruelle, req. n° 311434 33 CE, 16 mai 2011, Beaufils, req. n° 318501 32 24 cassé l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille qui avait jugé que l’État n’était tenu que d’une obligation de résultat en la matière. Toutefois, le Conseil d’État, encore une fois ne fait pas mention de l’obligation de résultat. Finalement, la consécration expresse de l’obligation de résultat par le Conseil d’État se fera par un arrêt du 15 février 201334. Dans cet arrêt, le Conseil d’État va affirmer que les textes « font peser sur l'Etat, désigné comme garant du droit au logement opposable, une obligation de résultat ». Dans un autre arrêt du 28 mars 201335, relatif au droit au logement opposable également, le Conseil d’État va encore une fois consacrer expressément la notion d’obligation de résultat. Ainsi, si initialement, la notion d’obligation de résultat est entrée de façon discrète en droit public, en l’état actuel du droit, on peut penser qu’elle a su s’imposer progressivement. Les deux arrêts de 2013 renforcent sa place dans le corps de règles de droit public. Toutefois, si la consécration de cette notion es droit public est aujourd’hui indiscutable, sa définition reste quant à elle assez problématique. 34 35 CE, 15 février 2013, Mme B., req. n° 336006 CE, 28 mars 2013, req. n° 347794 25 Titre 2 : L’ambiguïté de la définition de l’obligation de résultat en droit public La pénétration du droit public par la notion d’obligation de résultat est incontestable. Toutefois, on peut constater que cette notion est difficilement transposable en droit public. Cette notion fait déjà débat en droit privé en raison de « son schématisme et sa complexité »36. En droit privé, on s’interroge encore sur les critères de distinction entre l’obligation de moyens et l’obligation de résultat. Nonobstant ces difficultés, le juge administratif a accepté de faire entrer la distinction en droit public. Or, la question du critère de classification des obligations de moyens et de résultat n’est pas pour autant résolue. En droit public, on arrive difficilement à identifier ce critère de répartition entre l’obligation de moyen et l’obligation de résultat (Chapitre 1). Certes, les juges et la doctrine ont trouvé des méthodes pour identifier ces différentes catégories d’obligations, mais celles-ci demeurent critiquables (Chapitre 2). 36 Y. PICOD, op. cit.,n° 48 26 Chapitre 1 : La difficile identification de l’obligation de résultat en droit public Si en 1925 Demogue a proposé la distinction entre l’obligation de moyen et de résultat, il n’a pas pour autant défini les critères qui permettraient de classifier des obligations dans l’une des deux catégories. Ces critères ont été précisés plus tard par la doctrine et la jurisprudence. Aujourd’hui on dispose ainsi de certains critères qui permettent d’identifier une obligation de résultat ou de moyens en droit privé (Section 1). Si la notion d’obligation de résultat a pu s’imposer assez aisément en droit public, ces critères de distinction entre l’obligation de moyens et l’obligation de résultat sont, quant à eux, difficilement transposables en droit public (Section 2). Section 1 : La difficile identification des critères de l’obligation de résultat en droit privé On s’intéressera principalement à, ce que M. Bélissent appelle dans sa thèse , « l’analyse interne de la distinction »37. Cette approche consiste à chercher un critère de répartition entre les deux catégories d’obligations. La doctrine et la jurisprudence s’accordent à dire que le critère de l’intention commune des parties est déterminant dans cette répartition (§1). Mais lorsque ce critère s’avère difficile à trouver, ils se tournent vers des critères secondaires (§2). §1 : Le critère déterminant : La volonté des parties En droit privé, il existe un critère qui a une prévalence sur les autres. Il s’agit du critère de l’intention commune des parties. Ce premier critère consiste en la recherche de la volonté des parties lors de la conclusion du contrat. Toutefois, ce sera la volonté du législateur qui sera recherchée lorsque l’obligation a une origine légale. Il en est ainsi lorsqu’il s’agit d’une obligation contractuelle établie par la loi ou encore en matière extracontractuelle. Dans le contrat, les parties peuvent préciser s’ils qualifient une obligation comme une obligation de moyens ou de résultat. En outre, même si une obligation a déjà été qualifiée de moyens ou de résultat par la jurisprudence, les parties sont libres de la requalifier. 37 J. BÉLISSENT, op. cit., p. 24 27 Pour déceler cette intention commune, le juge utilise différentes techniques. Il peut s’attacher à la précision que les parties ont apportée à la définition des prestations38. Ainsi, plus une prestation est précisément définie, plus il pencherait pour une obligation de résultat. Il peut parfois se fonder sur les termes utilisés par les parties dans le contrat. Lorsque ce critère ne peut pas être mis en œuvre, le juge se tourne vers d’autres critères, qui n’ont pas la même importance mais qui contribuent à l’éclairer quant à la nature de l’obligation. §2 : Les critères secondaires Dans l’impossibilité de déceler l’intention commune des parties, d’autres critères sont proposés. Un premier critère qui a été proposé par la doctrine est le critère de l’aléa. Les partisans de ce critère sont notamment André Tunc39 et Paul Esmein40. Ainsi, si l’accomplissement de l’obligation est normalement prévisible, il faudrait y voir une obligation de résultat. En revanche, si l’exécution de l’obligation « dépend de circonstances autres que la vigilance du débiteur41 », il faudrait y voir une obligation de moyens. Un autre critère proposé est celui du rôle actif ou passif du créancier dans l’exécution de l’obligation. Si le créancier a un rôle passif, ce serait une obligation de résultat. S’il joue un rôle actif dans l’exécution de l’obligation, celle-ci ne sera qu’une obligation de moyens. Ce critère a été suivi par la jurisprudence surtout s’agissant de l’obligation de sécurité. Ainsi, dans un arrêt du 21 octobre 199742, la Cour de cassation a jugé que l’organisateur d’un vol en parapente ainsi que le moniteur sont tenus d’une obligation de sécurité de résultat pendant les vols sur appareil biplace au cours desquels, les passagers n’ont eu qu’un rôle passif. Inversement, dans un arrêt du 16 mars 197043, la Cour de cassation a jugé qu’un loueur de chevaux n’était tenu qu’à une obligation de prudence et de diligence en raison du rôle actif du cavalier. 38 39 V. par exemple, Cass. Com., 8 janvier 2002 A. TUNC, « La distinction des obligations de résultat et des obliations de diligence », JCP, 1945, I, p. 449 40 P. ESMEIN, « Le fondement de la responsabilité contractuelle rapprochée de la responsabilité délictuelle », RTD civ., 1933, p. 627 41 Y. PICOD, op. cit., n° 49 42 Cass. 1re civ., 21 octobre 1997, Bull. civ., I, n° 287 43 Cass. 1re civ., 16 mars 1970, Bull. civ., I, n° 82 28 Le critère de la gratuité a aussi été proposé pour distinguer l’obligation de moyens de l’obligation de résultat. En application de ce critère, celui qui rend gratuitement un service ne sera tenu qu’à une obligation de moyens contrairement à celui qui perçoit une rémunération, qui sera lui tenu à une obligation de résultat. Finalement, un dernier critère qui a été proposé, est celui de l’acceptation des risques par la victime. Ainsi, l’acceptation des risques transformerait toutes les obligations de résultat en obligations de moyens. Pris individuellement, aucun de ces critères ne semble suffisamment parfait et complet. Finalement, le juge procède par faisceau d’indices. Il combinera ainsi plusieurs de ces critères afin de déterminer la nature de l’obligation. Même si cette méthode n’est pas toujours convaincante, elle permet, néanmoins, dans certains cas de déceler la nature de l’obligation. C’est d’ailleurs pour cette raison, que le juge judiciaire continue à se référer à ces critères. Il reste maintenant à voir s’ils seront repris en droit public. Section 2 : La difficile transposition des critères privatistes en droit public En droit privé, il existe des critères de définition de l’obligation de résultat, quand bien même ils seraient incomplets et désordonnés. En droit public, face à une obligation, il serait encore plus difficile de déterminer si on est face à une obligation de moyens ou de résultat. Il peut sembler étonnant que le juge administratif ait consacré une notion dont les critères d’identification ne sont pas précisés. Les critères identifiés par le juge judiciaire sont difficilement transposables en droit public. Cela s’explique d’abord par le fait que les critères dégagés en droit privé ne sont pas exempts de critique (§1). Ensuite, ces critères sont difficilement transposables car en droit public, l’obligation de résultat provient principalement de sources extracontractuelles (§1). §1 : L’imperfection des critères privatistes S’agissant du critère de l’intention commune des parties, son application ne s’avère pas toujours aisée. Parfois, cette interprétation conduit à « des subtilités byzantines »44. Le professeur Picod cite ainsi l’exemple de la lettre d’intention, qui a donné lieu à un important contentieux. La Cour de cassation a ainsi pu juger que « faire son 44 Y. PICOD, op. cit, n° 48 29 possible » révèle une obligation de moyens tandis que « faire le nécessaire » et « faire au mieux » traduisent une obligation de résultat. En outre, M. Bélissent souligne qu’un tel critère est rarement utilisable. Selon lui, si cette pratique était vraiment facile à mettre en œuvre, la distinction entre l’obligation de résultat et l’obligation de moyens perdrait sa raison d’être en matière contractuelle « où c’est la volonté des parties qui doit primer, sous réserve de l’ordre public et les bonnes mœurs»45. Il est évident que la recherche des critères de distinction entre l’obligation de résultat et l’obligation de moyens est une tâche difficile. Selon M. Bélissent, « il semble même que la doctrine a de longtemps définitivement renoncé à se lancer dans une telle entreprise sans doute vouée à l’échec 46».Ce qui est le plus regrettable, c’est que la doctrine civiliste n’a toujours pas trouvé « un critère global »47 de répartition. Les critères dégagés ne peuvent pas faire l’objet d’une lecture ordonnée et exhaustive. Dans un tel contexte, il serait déconseillé d’introduire en droit public des critères qui seraient chaotiques. Cela ne fera que rajouter à la confusion. Mais au-delà de cette difficulté liée aux critères dégagés en droit privé, il existe une autre difficulté, qui est intrinsèque à l’obligation de résultat en droit public. §2 : La source extracontractuelle de l’obligation de résultat en droit public Un obstacle majeur à la transposition des critères dégagés en droit privé tient au fait que la question de la classification des obligations en obligations de résultat ou de moyens se pose dans un contexte tout à fait différent. En droit privé, même si la distinction est applicable à la fois aux obligations contractuelles et extracontractuelles, c’est surtout dans cette première catégorie qu’elle s’est développée. En revanche, en droit public, c’est surtout s’agissant des obligations extracontractuelles que s’est développée cette distinction. D’ailleurs, le fait que les premiers arrêts qui semblent consacrer implicitement une obligation de résultat en droit public soient intervenus dans le domaine extracontractuel pousse certains auteurs à s’interroger sur l’intention du juge administratif. Pour M. Pierre-Edouard du Cray, il n’est pas tellement 45 J. BÉLISSENT, op. cit., p. 23 J. BÉLISSENT, op. cit., p. 24 47 G. VINEY et P. JOURDAIN, « Traité de droit civil- Les conditions de la responsabilité », dir. J. GHESTIN, Paris, LGDJ, 1998, p. 462 46 30 certain que les juges aient voulu consacrer une obligation de résultat dans ces espèces, « d’une part, parce qu’il n’y fait pas référence expressément ; d’autre part, parce que tous les cas évoqués ont trait au domaine extracontractuel, qui n’est pas le champ d’expression habituel de la distinction entre les obligations de moyens et de résultat48 ». S’agissant par exemple de l’arrêt Courtial précité, il lui semble que le juge administratif ait plutôt voulu sanctionner « un manque de diligence évident et inacceptable » de la part des d’hygiène de la scolarité. S’agissant de l’arrêt Marabout, il estime que ce qui est sanctionné c’est surtout le fait que « malgré des plaintes répétées pendant deux ans, les autorités de police n’aient pas pris les mesures appropriées pour que les interdictions soient effectivement observées 49». Les critères dégagés en droit privé ont été développés surtout s’agissant des obligations découlant des contrats. Or, en droit public, ces obligations essentiellement découlent des lois. Les critères dégagés en droit privé sont ainsi inadaptés à la détermination de l’obligation de résultat en droit public. On peut tout de même envisager une hypothèse où ces critères peuvent être transposés en droit public. Ces critères peuvent être utilisés pour déterminer l’existence d’une obligation de résultat dans un contrat public. Comme on est sur le terrain contractuel, certains de ces critères peuvent être utiles. D’ailleurs, dans l’arrêt de la Cour administrative de Douai du 26 novembre 2009 précité, la cour a cherché l’intention commune des parties en s’intéressant aux termes de l’obligation dans le cahier des charges. Finalement, on peut penser que ce critère de la volonté peut être l’unique critère qui soit transposable en droit public. Faute de pouvoir transposer en droit public les critères dégagés en droit privé, il a fallu trouver des parades en droit public pour identifier les obligations de résultat. Or, ces méthodes d’identification ne sont pas toujours fiables. 48 49 P-E. du CRAY, op. cit., p. 16 Ibid. 31 Chapitre 2 : Les limites des méthodes d’identification de l’obligation de résultat en droit public Deux méthodes peuvent être observées. En premier lieu, on a une méthode qui a été utilisée principalement par les juges pour identifier des obligations de résultat dans les récents arrêts qui ont consacré la notion. Il s’agit du critère du recours à la volonté du législateur (Section 1). Ensuite, il existe une autre méthode qui consiste à se fonder sur le rejet de l’argument tiré de l’insuffisance des moyens pour déceler les obligations de résultat. Or, cette méthode est critiquable pour différentes raisons (Section 2). Section 1 : Le recours au critère de la volonté du législateur en droit public En droit public, l’obligation de résultat est envisagée sous l’angle de la responsabilité pour faute. Une faute est définie par Planiol, comme « la violation d’une obligation préexistante ». En matière extracontractuelle, les obligations découlent essentiellement des sources législatives. Ainsi, pour déterminer la nature de l’obligation, il faut se tourner avant tout vers la volonté du législateur. C’est d’ailleurs, la voie qui a été suivie par le juge administratif dans les arrêts récents consacrant explicitement l’obligation de résultat. Il convient de voir dans un premier temps comment est déterminée cette volonté du législateur (§1). Si ce critère de la volonté du législateur a des avantages, force est de constater qu’il a quand même des limites (§2). §1 : La détermination de la volonté en droit public Le législateur peut qualifier expressément une obligation qu’il met à la charge d’une personne publique d’obligation de résultat. Dans un tel cas, il n’y a aucune ambiguïté possible. Le législateur a clairement fait connaître sa volonté de consacrer une obligation de résultat. Toutefois, le problème se pose lorsque le législateur n’a pas défini la nature d’une obligation. Dans un tel cas, pour déterminer la nature de cette obligation, le juge se tourne souvent vers les travaux préparatoires. Cette tendance s’observe principalement dans les arrêts récents qui ont consacré explicitement l’obligation de résultat. Par exemple, dans un jugement du 17 décembre 2010 précité, le Tribunal administratif de Paris s’est référé aux travaux parlementaires pour déterminer la nature de l’obligation de l’État s’agissant du droit au 32 logement opposable. Ainsi, dans cette décision, le juge précise que : « Considérant que ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé leur adoption, fixent une obligation de résultat pour l'État, désigné comme garant du droit au logement décent et indépendant ». On peut citer un autre exemple où cette fois-ci le juge à refusé de consacrer une obligation de résultat. Il s’agit d’un arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris du 11 avril 201350. Dans cet arrêt, l’association requérante soutenait qu’en vertu de la loi du 30 décembre 1996, qui pose le principe du droit à respirer un air pur, les autorités de l’État sont soumises à une obligation de résultat dans la mise en œuvre des dispositions législatives et réglementaires visant la réduction des substances polluantes contenues dans l’air. Pour connaître la nature de l’obligation mise à la charge des autorités de l’État, le juge s’est d’abord référé à l’article L. 220-1 du code de l’environnement. L’article prévoit que ces autorités « concourent » à une politique dont l’objectif est la mise en œuvre du droit à respirer un air sain. Le juge en a déduit une obligation de moyens. Mais le juge ne s’arrêtera pas là. Il va se pencher sur les débats parlementaires lors de l’adoption de la loi pour cerner la volonté du législateur. Le rapport de la commission des affaires économiques et du plan du Sénat indiquait que « l’objet du projet de loi n’est plus l’affirmation du droit de chacun à respirer un air pur, mais la reconnaissance d’une politique dont l’objectif est la mise en œuvre du droit […] à respirer un air pur ». A partir de ces affirmations, la cour a déduit qu’il s’agissait ici d’une obligation de moyens et non une obligation de résultat. Elle a ainsi rejeté la requête de l’association. Ce critère de la volonté du législateur est très utile dans la définition de l’obligation de résultat en droit public. En outre, cela permet au législateur d’anticiper les contentieux dès la phase d’adoption des lois. La détermination de la nature d’une obligation légale n’est pas laissée à la libre appréciation du juge. Toutefois, on doit reconnaître que ce critère de la volonté du législateur a ses limites. §2 : Les limites du critère de la volonté du législateur en droit public Ce critère de volonté du législateur pose une limite essentielle à la reconnaissance de l’obligation de résultat. Jusqu’à présent la notion d’obligation de résultat est envisagée 50 CAA Paris, 11 avril 2013, Association « Les Amis de la Terre », req. n° 12PA00633 33 dans des cas où un texte particulier a précisé l’obligation attendue de la part de la personne publique. Il en est ainsi, s’agissant du droit au logement opposable ou encore du droit à respirer un air pur. La faute est ainsi envisagée qu’en tant que manquement à une obligation légale de résultat. Cela implique que l’obligation de résultat ne pourra pas être invoquée sur le fondement de principes généraux du droit. Cela cantonne forcément le champ de l’obligation de résultat51. Le critère de la volonté du législateur est surtout un critère qui a été utilisé par la jurisprudence pour déceler une obligation de résultat. Or, dans la doctrine, on remarque souvent que les auteurs font référence à un autre critère pour déterminer la nature d’une obligation. Section 2 : Le recours critiquable au critère de l’indifférence de l’insuffisance des moyens Souvent, la doctrine semble raisonner a contrario. Elle déduit l’existence d’une obligation de résultat à partir du refus du juge administratif d’exonérer l’État de sa responsabilité sur le fondement de l’insuffisance des moyens. Or, cette approche n’est pas la meilleure approche pour déterminer une obligation de résultat, d’une part parce que le rejet de l’argument tiré de l’insuffisance des moyens ne signifie pas forcément qu’il existe une obligation de résultat (§1). En outre, en droit public, il se trouve que parfois les moyens et les résultats sont interdépendants (2). §1 :L’absence d’adéquation entre le rejet de l’argument tiré de l’insuffisance des moyens et l’obligation de résultat Il serait erroné de déduire l’existence d’une obligation de résultat à partir d’un tel rejet. Ce raisonnement a contrario présente plusieurs défauts. En premier lieu, le fait que le juge rejette l’argument de l’insuffisance des moyens ne signifie pas pour autant qu’il a reconnu une obligation de résultat. Il se peut que d’autres causes d’exonérations soient possibles. Dans un tel cas, ce ne serait pas une obligation de résultat, car celle-ci ne peut être exonérée qu’en cas de force majeure. Ces autres causes 51 H. BELRHALI-BERNARD, « Obligation de moyens et obligation de résultat », in La responsabilité administrative, Travaux de l'AFDA, LexisNexis, Tome 6, 2013, p. 135 34 exonératoires peuvent être par exemple, « les circonstances de lieu et de temps, la prévisibilité du dommage, ou encore, les nécessités de l’organisation du service 52». En outre comme le souligne Madame la Professeure Belrhali-Bernard53, il ne faut pas considérer que l’obligation de moyens est systématiquement remplie. Selon elle, « il est tout à fait possible de considérer que l’administration a pris des mesures et développé une action qui s’avèrent insuffisantes, non parce qu’elle n’atteint pas le résultat promis, mais parce qu’elle dispose d’autres moyens qui n’ont pas été mobilisés 54». Pour supporter cet argument, elle cite des décisions du juge administratif dans le cadre du référé-liberté qui abondent en ce sens. Ainsi, s’agissant de l’hébergement des demandeurs d’asile, par une ordonnance du 5 août 201155, le Conseil d’État a considéré que l’administration n’avait pas développé tous les moyens dont elle disposait. On peut aussi citer une décision du Tribunal administratif de Paris56 relative au Pôle emploi. Dans cette ordonnance, le juge souligne que Pôle emploi doit mettre en œuvre tous les moyens disponibles dans l’accompagnement d’un demandeur dans sa recherche d’emploi. Ainsi, le rejet de l’insuffisance des moyens n’est pas en soi caractéristique de l’obligation de résultat. Il est possible de rejeter cet argument, tout simplement parce qu’il n’existait pas une réelle insuffisance des moyens. Cela démontre ainsi, les défauts de ce critère. Ce critère est aussi inapproprié car en droit public, plus qu’en droit privé, les notions de moyens et de résultats sont intimement liées. §2 : L’interdépendance des moyens et des fins en droit public En droit privé, on voit déjà une atrophie de la séparation entre l’obligation de résultat et l’obligation de moyens. On voit aujourd’hui apparaître des degrés d’intensité de chacune de ces obligations. Cela démontre le lien qui existe parfois entre le résultat et les moyens. En droit public aussi parfois, les deux notions s’entremêlent. 52 P-E du CRAY, op ; cit., p. 16 H. BELRHALI-BERNARD, op. cit., p. 142 54 Ibid. 55 CE, ord., 5 août 2011,M. A., req. n° 351083 56 TA Paris, ord., 12 septembre 2012, M. K., req. n° 1216080/9 53 35 Il y a en effet des auteurs57 qui considèrent qu’en droit public, il y aurait « une interdépendance des moyens et des fins58 ». Selon Professeure Belrhali-Bernard, «offrir une prestation est autant affaire de moyens que de résultat ». Elle cite notamment les arrêts Laruelle et Beaufils pour illustrer cela. Dans ces deux arrêts, la carence de l’État résulte « de ce que l’administration n’a pas pris l’ensemble des mesures, ni mis en œuvre les moyens nécessaires pour rendre le droit effectif 59». Il semblerait dans ce cas que l’obligation de résultat soit confondue avec une « obligation de développer tous les moyens disponibles 60». 57 M. PAILLET, « La faute du service public en droit administratif français », Paris, LGDJ, 1980, p. 332 ; V.D. DORLENCOURT-DEITRAGIACHE, « Contribution à une théorie de la carence en droit administratif français », thèse Paris II, 1972, p. 914 58 H. BELRHALI-BERNARD, op. cit., p. 143 59 Ibid. 60 Ibid. 36 Conclusion de la première partie En l’absence de critères prédéfinis de l’obligation de résultat en droit public, cette notion sera source de confusion. Si certains arrêts citent expressément l’expression « obligation de résultat », d’autres n’en font même pas mention. En s’appuyant sur l’analyse faite par certains auteurs, on pourrait penser que certains arrêts consacrent implicitement cette notion. Mais aujourd’hui, en l’état actuel de la jurisprudence, on avance à l’aveuglette en matière d’obligation de résultat en droit public. Ainsi, une définition des critères de l’obligation de résultat serait plus que souhaitable en droit public. Certes, la notion est entrée en droit public. Mais elle peine à s’adapter aux spécificités du droit public. Malgré une identification problématique, l’obligation de résultat continue à séduire les publicistes en raison de son régime plutôt avantageux. Or, force est de constater, que l’avantage que le droit public peut tirer de cette notion n’est que relatif. 37 Partie II : L’utilité de l’obligation de résultat en droit public : la garantie des « droits-créances » Si l’obligation de résultat semble inadaptée au droit public, on pourrait se demander les raisons pour lesquelles on continue à y faire référence. En outre, dans certains cas, c’est la doctrine qui incite le juge à qualifier une obligation d’obligation de résultat. En droit public, il serait impossible de brandir l’argument de l’héritage historique car cela ne fait que quelques années depuis que le droit public reconnaît la notion. En réalité, si la notion d’obligation de résultat a une utilité en droit public, c’est notamment dans le domaine des « droits-créances ». La consécration de l’obligation de résultat en droit public a permis aux titulaires d’assurer l’effectivité de leurs droits (Titre 1). Il ne faut pas oublier que la consécration de l’obligation de résultat en droit public s’est opérée dans le cadre du contentieux de la responsabilité extracontractuelle. Cette consécration de l’obligation de résultat afin de garantir l’effectivité des « droits-créances », met en lumière un nouveau rôle de l’action en responsabilité : la protection des droits fondamentaux. Toutefois, force est de constater, qu’en tant qu’outil de protection des droits fondamentaux, l’action en responsabilité n’a qu’un succès relatif (Titre 2). 38 Titre 1 : La consécration de l’obligation de résultat en droit public: une garantie de l’effectivité des « droits-créances » La notion de « droit-créances » désigne « une catégorie de droits de nature positive qui exigent de l'État une prestation matérielle 61». Ces droits sont le domaine de prédilection de l’obligation de résultat en droit public (Chapitre 1). En effet, la plupart des arrêts consacrant l’obligation de résultat en droit public ont été rendus dans des affaires relatives à ces droits. La consécration de l’obligation de résultat en droit public est vue essentiellement comme un outil pour assurer l’effectivité de ces droits (Chapitre 2). 61 L. CORRE, « Les « droits-créances » et le référé-liberté », DA, février 2012, n°2, Étude 3 39 Chapitre 1: Les droits-créances : domaine de prédilection de l’obligation de résultat en droit public La notion de droits-créances fait apparaître une vision nouvelle de l’État. On oppose les droits-créances aux droits-libertés. S’agissant de cette dernière catégorie, l’État ne doit pas entraver leur exercice. Ainsi, ces droits imposent juste une abstention à l’État. On peut citer comme exemple la liberté d’opinion ou encore la liberté d’expression. Les « droitcréances », quant à eux impose à l’État de fournir une prestation positive. Selon le professeur Norbert Foulquier, ces droit sont conférés « pour la réalisation de l’épanouissement individuel, et pas seulement dans une perspective d’intérêt général et de paix publique 62». Selon le même auteur, « ces droits, sanctionnés par des actions en justice, se caractérisent par un pouvoir d’exiger des prestations précises de la part du pouvoir administratif 63». Cela entraîne nécessairement un changement dans la nature de l’État. L’État devient ainsi un prestataire de service. La consécration de l’obligation de résultat en droit public accentue nécessairement ce phénomène (Section 1). Ce changement étant précisé, il convient de s’intéresser à quelques exemples de droits-créances concrétisés grâce à la consécration de l’obligation de résultat en droit public (Section 2). Section 1 : L’accentuation du phénomène d’État prestataire La transformation de l’État en État prestataire est le fruit d’une longue évolution. Cette transformation s’est faite progressivement avec des incitations venant tant du droit interne que droit européen (§1). La consécration de l’obligation de résultat va pousser le mouvement plus loi en assurant une effectivité de certains droits-créances. A ce titre, on ne peut s’empêcher de la comparer avec les obligations positives consacrées par la Cour européenne des droits de l’Homme (§2). §1 : La transformation progressive de l’État en prestataire de services 62 N. FOULQUIER, « Les droits publics subjectifs des administrés : émergence d'un concept en droit administratif français du XIXe au XXe siècle », Paris, Dalloz, 2003, p. 563 63 Ibid. 40 Initialement, cette notion de droits-créances ou ce que, le professeur Norbert Foulquier appelle « droits publics subjectifs positifs64 » avait connu une hostilité tant de la part de la doctrine que du Conseil d’État. La notion de droit subjectif des administrés était très mal vue d’une bonne partie de la doctrine. La Constitution du 27 octobre 1946 a quelque part permis de mettre « en évidence que les relations entre les particuliers et l’administration reposaient sur la reconnaissance, au profit des particuliers, de « pouvoirs d’exiger » 65». Le Préambule de la Constitution de 1946 comportait un certain nombre de droits-créances à travers les principes politiques, économiques et sociaux particulièrement nécessaires à notre temps. Même si certains auteurs reconnaissaient la valeur constitutionnelle du Préambule, ils ont efforcé de limiter l’impact de ces principes en leur niant la qualité de libertés publiques. Même après la décision du Conseil constitutionnel du 11 juillet 1971, la doctrine continuait à minimiser ces droits. Cette hostilité envers les droits publics subjectifs était aussi partagée par le Conseil d’État. C’est finalement le Conseil constitutionnel qui va venir garantir ces droits. Ainsi, par exemple, il a pu consacrer des droits à des prestations matérielles tels que le droit à la sécurité matérielle 66, le droit à la protection de la santé67 ou encore le droit à l’instruction publique68. Aujourd’hui, on a des lois qui viennent mettre en œuvre ces droits. C’est d’ailleurs dans le cadre des obligations mises en place par de telles lois que le Conseil d’État a pu consacrer l’obligation de résultat en droit public. Avec la consécration de l’obligation de résultat, on passe à une étape nouvelle dans cette évolution du rôle de l’État. Si dans le passé, le Conseil d’État avait pu admettre que des droit-créances soient invoqués devant lui, il franchit désormais une étape supplémentaire. La consécration de l’obligation de résultat en droit public accentue l’intensité de l’obligation pesant sur l’État. Il est ainsi plus difficile pour l’État de s’exonérer de sa responsabilité. Cette consécration confirme le changement du rapport de l’usager avec l’État. Comme le souligne le professeur Jacques Chevallier, « les attentes légitimes de résultats sont désormais celles de l’usager vis-à-vis des services publics, et non plus celles de l’État vis-à-vis des assujettis69 ». 64 N. FOULQUIER, « Les droits publics subjectifs des administrés : émergence d'un concept en droit administratif français du XIXe au XXe siècle », Paris, Dalloz, 2003, p. 561 65 N. FOULQUIER, op ; cit., p. 555 66 CC, 25 et 26 juin 1986, déc. n° 86-207 DC 67 CC, 15 janvier 1975, IVG, déc. n° 74-54 DC 68 CC, 13 janvier 1994, déc. n° 93-329 DC 69 J. CHEVALLIER, « L’obligation en droit public », Arch. Phil ; dr., 2000, t. 44, p. 191 41 Il ne faut pas oublier que le juge constitutionnel n’est pas le seul qui ait contribué à la consécration des droits-créances par la jurisprudence administrative. Le droit communautaire et la Cour européenne des droits de l’Homme ont aussi contribué à cette évolution. S’agissant de la Cour européenne des droits de l’Homme, elle a recours à la notion d’obligations positives, qui n’est pas sans rappeler la notion d’obligation de résultat. §2 : Obligations positives et obligations de résultat Les deux notions ont un même objectif s’agissant des droits de créance. Toutefois, elles ne sont pas totalement assimilables l’une à l’autre. Contrairement aux libertés, qui sont opposables à l’État, les droits-créances sont exigibles de lui. Ainsi, selon Jean Rivero70, ils doivent être mis en œuvre sinon ils demeureront virtuels. L’obligation de résultat en droit interne et l’obligation positive en droit européen concourent toutes les deux à la mise en œuvre de ces droits. S’agissant de la Convention européenne des droits de l’Homme, la Cour a estimé que ses dispositions devaient se comprendre d’un manière qui les rende effectives et concrètes. C’est dans ce but que la Cour peut imposer des obligations positives aux État. En se fondant ainsi sur cette notion d’obligations positives, la Cour a pu imposer aux États de procéder à des réformes juridiques relatives au respect de la vie privée71 ou encore au droit à la vie familiale72. Même si elles ont toutes les deux le même but, il ne faut pas confondre l’obligation de résultat avec l’obligation positive relevant de la CEDH. Les obligations positives auxquelles la Cour européenne des droits de l’Homme fait référence peut être tantôt une obligation de moyens tantôt une obligation de résultat. Ainsi, parfois, cette obligation peut être interprétée comme « l’obligation d’user des meilleurs moyens73 ». Par exemple, dans un arrêt de 200974, la Cour a estimé que « l’obligation de l’État défendeur de mener une enquête sur l’éventuelle connotation raciste d’un acte violent est une obligation d’user des meilleurs moyens mais pas une obligation absolue ». En revanche, dans certains cas, on pourrait l’assimiler à une obligation de résultat. L’obligation de résultat étant consacré expressément depuis peu, n’a pas encore donnée lieu à la consécration d’un nombre important de jurisprudence. Toutefois, on peut 70 J. RIVERO, « Les libertés publiques », t. 1, Les droits de l'homme, PUF, Thémis, 1995, p. 100 CEDH, 7 juillet 1989, Gaskin 72 CEDH, 13 juin 1979, Marckx 73 H. BELRHALI-BERNARD, op. cit., p. 141 74 CEDH, 26 février 2004, Nachova et a. c : Bulgarie, req. n° 43577/98 et 43579/98 71 42 citer quelques droits qui ont reçu une meilleure concrétisation avec la consécration de l’obligation de résultat. Section 2 : Exemples de droitscréances concrétisés à travers l’obligation de résultat Il y a surtout deux droits-créances qui ont été protégés par la consécration de l’obligation de résultat en droit public. Il s’agit du droit au logement opposable (§1) et le droit au suivi pluridisciplinaire des personnes autistes (§2). §1 : Le droit au logement opposable Ce droit a été consacré par une loi du 5 mars 2007, dont les dispositions sont reprises à l’article L 300-1 du code de la construction et de l’habitation. Ce texte consacre le droit « opposable » à un logement décent et indépendant, ouvert à «toute personne qui, résidant sur le territoire français de façon régulière et dans des conditions de permanence définies par décret en Conseil d'Etat, n'est pas en mesure d'y accéder par ses propres moyens ou de s'y maintenir ». Afin de garantir ce droit, le législateur a mis en place un double recours, prévu aux articles L 441-2-3-1 et R. 441-16-1 CCH. Les personnes concernées doivent d’abord effectuer un recours amiable devant une commission de médiation départementale, qui est chargée de désigner à l’administration les demandeurs prioritaires et dont la demande doit être satisfaite en urgence. Si dans un délai de trois à six mois, le préfet n’a pas offert un logement tenant compte de leurs besoins et leurs capacités financières, les personnes concernées peuvent faire un recours contentieux devant le juge administratif afin d’obtenir une injonction, le cas échéant sous astreinte, en vue de leur logement ou relogement. On voit clairement que ce droit est un droit-créance car il permet à l’intéressé d’exiger de l’État qu’il lui donne un logement décent. Or, cette loi avait été adoptée dans un contexte assez tendu où il y avait une pénurie de logements. Ainsi, des personnes qui étaient pourtant sur la liste prioritaires ne se sont pas vues offrir un logement, et ce malgré l’intervention de décisions de justice en faveur de ces personnes. Dans une telle situation, ils n’ont pas trouvé d’autres moyens que d’exercer une action en responsabilité contre l’État C’est dans le cadre de telles actions que le Conseil d’État a pu consacrer dans son arrêt du 15 février 2013 l’obligation de résultat pesant sur l’État en la matière. Mais comme 43 mentionné précédemment, les juges du fond avaient déjà consacré l’obligation de résultat pesant sur l’État bien avant la décision du Conseil d’État. Si le Conseil d’État avait choisi de voir ici une obligation de moyens, l’État aurait pu facilement se délier de sa responsabilité en invoquant notamment la pénurie de logements. Or, la reconnaissance d’une obligation de résultat rend inopérant un tel moyen. Cela offre ainsi une meilleure protection aux administrés. Cela permet en outre l’indemnisation du requérant. §2 : Le droit au suivi pluridisciplinaire des personnes autistes Le second droit qui a été concrétisé par la consécration de l’obligation de résultat est le droit au suivi pluridisciplinaire des personnes autistes. Il découlait de l'article L. 246-1 du code de l'action sociale et des familles « toute personne atteinte du handicap résultant du syndrome autistique et des troubles qui lui sont apparentés bénéficie, quel que soit son âge, d'une prise en charge pluridisciplinaire qui tient compte de ses besoins et difficultés spécifiques. Adaptée à l'état et à l'âge de la personne et eu égard aux moyens disponibles, cette prise en charge peut être d'ordre éducatif, pédagogique, thérapeutique et social ». Dans la mise en œuvre de cette disposition, la carence de l’État avait été relevée à plusieurs reprises. D’ailleurs, dans une décision du 4 novembre 2003, le comité européen des droits sociaux du Conseil de l’Europe avait pu constater la violation par la France des articles 15§1er et 17§1er de la charte sociale européenne. Il était notamment reproché à la France le manque d’institutions spécialisées. Dans l’arrêt Beaufils précité, le Conseil d’État a reconnu que pesait sur l’État une obligation de résultat en la matière. Ainsi, cela a permis une concrétisation de ce droit au suivi pluridisciplinaire. Toutefois, il convient de noter qu’en la matière, cette obligation de résultat n’impose pas une modalité de suivi en particulier. Comme le souligne la Professeure BelrhaliBernard, « les caractéristiques du suivi constituent le résultat à atteindre mais une place en établissement spécialisé ne s'impose pas nécessairement d'emblée ». Ces domaines ne sont pas les seuls où l’obligation de résultat est venue concrétiser un droit-créance. On a aussi d’autres domaines tels que le droit à la scolarisation des enfants handicapés. Il semblerait que ce soit les questions liées aux droits des handicapés 44 qui ont surtout permis à la notion d’obligation de résultat de s’épanouir en droit public. Cela n’est pas prêt de finir si tôt. En effet, la loi Handicap de 2005 avait fixé comme date limite le 1er janvier 2015 pour que les acteurs publics et privés se mettent en conformité avec les règles d’accessibilité. En 2015, cela pourrait donner lieu à un important contentieux. Comme la notion d’obligation de résultat a été consacrée en droit public, il y aura sûrement des actions en responsabilité contre l’État pour manquement à une obligation de résultat si jamais cette mise en conformité n’est pas faite à temps. Toutefois, il semblerait que le législateur ait déjà anticipé ces risques contentieux. C’est la raison pour laquelle un projet de loi a été présenté en vue de permettre au gouvernement d’adopter des mesures par ordonnance afin d’accorder un délai supplémentaire aux acteurs public et privés qui ne pourront pas se mettre en conformité à la date du 1er janvier 2015. Les effets de l’obligation de résultat sur le rôle de l’État étant précisé, il convient à présent de s’intéresser à l’efficacité de l’obligation de résultat dans la protection des droitscréances. 45 Chapitre 2 : L’efficacité de l’obligation de résultat dans la protection des droits-créances Sur le terrain de la responsabilité administrative, la reconnaissance de l’obligation de résultat a forcément des avantages procéduraux. En effet, cela permet plus facilement de mettre en cause la responsabilité de l’État (Section 1). Au-delà du champ de la responsabilité administrative, on regrette que cette consécration n’ait pas eu d’influence sur les procédures de référé-liberté (Section 2). Section 1 : Une mise en cause facilitée de l’État En matière de responsabilité administrative, la classification d’une obligation en obligation de résultat a deux avantages procéduraux majeurs. D’une part, le requérant supporte une charge de la preuve qui est allégée (§1). Ensuite, il est plus difficile pour l’État de s’exonérer de sa responsabilité (§2). §1 : Une charge de la preuve favorable au requérant L’allègement de la charge de la preuve est un des attraits majeurs de l’obligation de résultat, tant en droit privé qu’en droit public. Lorsqu’une obligation est une obligation de moyens, il ne suffit pas de démontrer que le créancier n’a pas atteint le résultat qu’il s’était engagé à accomplir. Il faudra en plus prouver que cette inexécution est due à un manque de diligence de sa part. En revanche, lorsqu’une obligation est qualifiée d’obligation de résultat, il suffit tout simplement de prouver que le résultat promis n’a pas été atteint. En droit administratif, c’est le même principe qui s’applique. Le manquement à l’obligation de moyen est une faute, tout comme le manquement à une obligation de résultat. Toutefois, s’agissant de l’obligation de résultat, la charge de la preuve sera allégée. Cet allègement de la charge de la preuve a un intérêt majeur en ce qui concerne les droits-créances. Ces droits sont des droits exigibles à l’État. Ils sont surtout des droits censés être effectifs et non virtuels. Si l’État est soumis à une obligation de résultat s’agissant d’un droit-créance, il suffirait pour le requérant de soulever l’ineffectivité du droit. Selon la Professeure Belrhali-Bernar, cette ineffectivité constituerait en soi le manquement à l’obligation de résultat. 46 Au-delà de la charge de la preuve, l’intérêt de l’obligation de résultat réside dans la difficile exonération de la responsabilité. §2 : Une exonération difficile de l’État En droit privé, le créancier de l’obligation de résultat ne peut être exonéré qu’en présence d’une cause étrangère ayant les caractères de la force majeure. En droit privé, la force majeure doit répondre à trois critères. Il faut d’abord que l’évènement soit imprévisible. Il faut aussi qu’il soit irrésistible. Finalement, il faut qu’il soit extérieur au défendeur. En droit administratif aussi, le cas de force majeure doit répondre à ces trois critères. Il convient toutefois de noter que la jurisprudence administrative n’admet que très rarement le cas de force majeure. Selon la professeure Belrhali-Bernard, il reste possible pour l’administration d’invoquer le fait du tiers ou le fait de la victime en matière d’obligation de résultat. La qualification d’une obligation en obligation de résultat a pour effet que l’État ne pourra pas se prévaloir des moyens tirés des contingences du service ou encore le manque de crédits budgétaires75. Ainsi, l’action en responsabilité du requérant a plus de chances d’aboutir. Au-delà de l’action es responsabilité, il aurait été souhaitable que la consécration de l’obligation de résultat ait un impact en matière de référé-liberté. Section 2 : L’influence minime de l’obligation de résultat sur le référé-liberté Si lors de la réforme des procédures d’urgence en 2000, il a pu paraître douteux que les droits-créances puissent entrer dans le champ du référé-liberté, aujourd’hui cette question est tranchée (§1). Toutefois, alors que l’obligation de résultat a concrétisé certains droits de créance, force est de constater que des efforts restent à faire en matière de référéliberté (§2). §1 : L’inclusion des droits-créances dans le champ du référé-liberté 75 CE, 1988, Giraud, préc. 47 L'article L. 521-2 du Code de justice administrative prévoit que, « saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ». Cet article avait été présenté comme la « vedette contentieuse76 » lors de la refonte des procédures d’urgence par la loi du 30 juin 2000. Toutefois, à aucun moment le texte ne fait mention des droits-créances. Il y avait deux écoles qui s’opposaient. D’un côté, il y avait ceux qui militaient pour une interprétation restrictive du texte et donc voulaient bannir les droits-créances du champ du référé-liberté. De l’autre côté, il y avait ceux qui promouvaient une interprétation extensive du texte. Toutefois, la réponse viendra du Conseil d’État lui-même. Aujourd’hui, on peut citer de nombreuses décisions par lesquelles le juge administratif inclut les droits-créances dans le champ du référé-liberté. Par exemple, par une ordonnance du 27 novembre 2013, il a accordé un référé-liberté en matière de la prise en charge effective, pluridisciplinaire et adaptée des personnes handicapées. La consécration de l’obligation de résultat en droit public devrait contribuer à une meilleure protection des droits-créances par le référé-liberté. §2 : Une amélioration souhaitée du référé-liberté par l’obligation de résultat Le référé –liberté est une procédure qui permet d’assurer l’effectivité d’une liberté fondamentale mieux que l’action en responsabilité. En matière de prise en charge des personnes handicapées par exemple, au-delà de la réparation du préjudice subi, ce que les requérants recherchent avant tout c’est l’effectivité de leur droit à une prise en charge pluridisciplinaire. Par exemple, dans l’arrêt du Conseil d’État du 27 novembre 2011, au-delà de l’engagement de la responsabilité de l’État, les parents voulaient que leurs enfants soient scolarisés. A travers le référé-liberté, le juge dispose des moyens de garantir l’effectivité de ce droit en attendant un jugement sur le fond. 76 R. VANDERMEEREN, « La réforme des procédures d'urgence devant le juge administratif », AJDA, 2000, p. 712. 48 Toutefois, alors qu’on aurait pu s’attendre à ce que la consécration de l’obligation de résultat rende plus efficace le référé-liberté, tel ne fut pas le cas. Puisque le Conseil d’État a pu reconnaître dans les arrêts Laruelle et Beaufils que l’État était tenu d’une obligation de résultat en matière de scolarisation des enfants handicapés et de suivi pluridisciplinaire des personnes autistes respectivement, et on aurait pu penser que s’agissant de la définition du critère de carence dans le domaine du référé-liberté, c’est cette acception qui va primer. Or, ce n’est pas la position suivie par le Conseil d’État. Dans une ordonnance du 27 novembre 201377, le Conseil d’État a précisé que : « Considérant que ces dispositions imposent à l'Etat et aux autres personnes publiques chargées de l'action sociale en faveur des personnes handicapées d'assurer, dans le cadre de leurs compétences respectives, une prise en charge effective dans la durée, pluridisciplinaire et adaptée à l'état comme à l'âge des personnes atteintes du syndrome autistique ; que si une carence dans l'accomplissement de cette mission est de nature à engager la responsabilité de ces autorités, elle n'est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, que si elle est caractérisée, au regard notamment des pouvoirs et des moyens dont disposent ces autorités, et si elle entraîne des conséquences graves pour la personne atteinte de ce syndrome, compte tenu notamment de son âge et de son état ». Il en découle que le Conseil d’État envisage cette carence plutôt sous l’angle de l’obligation de moyens. Ainsi, la consécration de l’obligation de moyens n’est malheureusement pas suffisante pour protéger les droit-créances. Toutefois, cette consécration a eu un rôle de révélateur. Grâce à cette notion, il y a eu une instrumentalisation de l’action en responsabilité afin de protéger les droits et libertés fondamentaux. Toutefois, l’action en responsabilité n’est pas pour autant un outil efficace pour la protection des droits. 77 CE, ord, 27 novembre 2013, req. n° 373300 49 Titre 2 : L’aptitude relative de la responsabilité administrative à garantir effectivement les droits-créances L’action en responsabilité n’avait jusqu’à présent pas été imaginé comme un outil de protection des droits-créances. Or, avec la consécration de l’obligation de résultat en droit public, on a vu apparaître son nouvel avatar (Chapitre 1). Toutefois, on peut constater que l’action en responsabilité n’est pas pour autant un outil très efficace pour la protection des droits-créances (Chapitre 2). 50 Chapitre 1 : Le rôle nouveau de la responsabilité administrative : La protection des droits-créances Il convient de voir dans un premier temps l’intérêt de l’action en responsabilité pour faute dans la protection des « droits créances » (Section 1). Ensuite, il convient de voir l’intérêt de l’action en responsabilité sans faute (Section 2). Section 1 : L’intérêt de l’action en responsabilité pour faute en matière de protection des droits-créances L’action en responsabilité a pu acquérir son nouveau rôle de protecteur des droitscréances dans le cadre de la responsabilité pour faute. Aujourd’hui, l’action en responsabilité présente deux rôles essentiels en matière de protection des droits. D’abord, c’est une action complémentaire possible lorsque le recours pour excès de pouvoir s’avère impossible (§1). Ensuite, c’est une garante de l’effectivité des droits (§2). §1 : L’action en responsabilité : complément du recours pour excès de pouvoir Selon Madame le professeur Belrhali-Bernard, « Si le recours pour excès de pouvoir et le référé-liberté sont souvent considérés comme des instruments primordiaux de protection des droits fondamentaux, l'intérêt de l'action en responsabilité administrative à cet égard semble en revanche grandement sous-estimé78 ». L’action en responsabilité a été vue comme uniquement sous son aspect réparateur. On ne lui a jamais, jusqu’à présent, attribué un rôle de protection des droits fondamentaux. Grâce à la consécration de l’obligation de résultat, l’action en responsabilité sort de l’ombre de ces deux instruments. Aujourd’hui, cette action en responsabilité devient même aussi importante que le recours pour excès de pouvoir en matière de protection des droits fondamentaux. Selon Madame le professeur Belrhali-Bernard, l’action en responsabilité constitue « un instrument complémentaire lorsque le recours pour excès de pouvoir n’est plus envisageable 79». §2 : L’action en responsabilité : garante de l’effectivité des droits-créances 78 H. BELRHALI-BERNARD, « fondamentax », AJDA, 2009, p. 1337 79 Ibid. Responsabilité administrative et protection des droits 51 L’action en responsabilité contribue aussi et surtout à garantir l’effectivité des droits-créances. Cela se voit notamment dans le contentieux relatif au droit au logement opposable. Certes, la loi avait mis en place un dispositif permettant de former un recours juridictionnel. Toutefois, cela ne fonctionnait pas à perfection. En effet, il y avait des personnes qui étaient sur la liste prioritaire et qui avaient bénéficié d’une décision juridictionnelle en leur faveur mais qui n’avaient toujours pas trouvé de logement. Finalement, c'est à travers l’action en responsabilité qu’ils ont pu retrouver l’effectivité de leur droit au logement opposable. On pourrait toutefois se demander si la consécration de l’obligation de résultat était nécessaire en droit public, sachant qu’il existait déjà d’autres mécanismes. Section 2 : L’intérêt des autres types d’action en responsabilité Certes, la consécration de l’obligation de résultat a mis en lumière un aspect nouveau de l’action en responsabilité. Toutefois, on ne peut s’interroger sur la nécessité de sa consécration alors qu’il existait d’autres mécanismes de responsabilité administrative qui auraient pu servir pour garantir l’effectivité des droits –créances. Il y a d’abord la responsabilité sans faute (§1) et ensuite la responsabilité pour faute présumée (§2). §1 : L’inefficacité de la responsabilité sans faute La responsabilité sans faute en droit public a deux fondements. Elle peut être fondée soit sur le risque, soit sur la rupture d’égalité devant les charges publiques. On s’intéressera uniquement à ce deuxième fondement. Dans ce cas, il faut que le préjudice soit anormal et spécial. En matière de droits-créances, on peut citer deux arrêts qui ont eu recours à ce régime de responsabilité. Le premier arrêt est un arrêt du Conseil d’État du 22 octobre 201080. En l’espèce, une avocate atteinte d’un handicap moteur l’obligeant à se déplacer en fauteuil roulant, avait intenté une action contre l’État. Elle soutenait qu’elle avait des difficultés à exercer son activité professionnelle en raison de l’inaccessibilité des palais de justice en fauteuil roulant. Elle invoquait à la fois la responsabilité pour faute et la responsabilité sans faute. Le Conseil d’État a rejeté les moyens tirés de la responsabilité pour faute de l’État. Par 80 CE ass., 22 octobre 2010, Mme Bleitrach, n° 301572 52 contre, il reconnaît qu’il existait une responsabilité sans faute pour rupture devant les charges publiques. Le Conseil d’État a reconnu qu’elle avait subi un préjudice anormal et spécial. Finalement, le Conseil d’État ne va l’indemniser que pour le seul préjudice moral qui s’élève à 20 000 euros alors qu’elle réclamait un montant total de 150 000 euros. La seconde décision en la matière est un jugement du Tribunal administratif de Lyon du 29 septembre 200581. Dans ce jugement, il est question du droit de scolarisation des enfants handicapés. Dans cet arrêt, le juge ne se fondera pas sur la faute pour violation d’une obligation de résultat pour indemniser les requérants. Au contraire, il va se fonder sur la responsabilité sans faute et indemniser la rupture d’égalité devant les charges publiques. D’ailleurs, dans ses conclusions sur l’arrêt Laruelle, le rapporteur public avait mentionné que les requérants pouvaient se fonder sur la responsabilité sans faute, si les critères étaient remplis, afin de demander indemnisation en matière de droit à la scolarisation des personnes handicapées. Certes, le régime de responsabilité sans faute a pu servir pour indemniser des atteintes à des droits-créances. Mais, ce n’est pas pour autant un instrument efficace. La preuve du préjudice spécial et anormal peut parfois être difficile. C’est pour cette raison que les requérants préfèreront se placer sur le terrain de la responsabilité pour faute. §2 : La responsabilité pour faute présumée La notion d’obligation de résultat peut faire penser à la notion de faute présumée. En principe, en droit administratif, la faute est prouvée. Ainsi, la victime devra en apporter la preuve. Toutefois, il existe un mécanisme de présomption de faute. Dans ce cas, la charge de la preuve est inversée. C’est à l’administration de prouver l’absence de faute. Cela n’est pas sans rappeler la notion d’obligation de résultat. Dans les deux cas, les requérants auront une charge de la preuve qui est allégée. Dans un tel contexte, on pourrait se demander quelle était l’utilité de consacrer l’obligation de résultat en droit public, alors qu’il existait déjà la faute présumée. Malheureusement, la notion de faute présumée n’est limitée qu’à deux hypothèses en droit public : les accidents subis par les usagers des ouvrages publics et certains accidents subis par les personnes en traitement dans les hôpitaux publics. Pour l’étendre au-delà de ces 81 TA Lyon, 29 septembre 2005, M. et Mme Khelif, req. n° 0403828 53 domaines, il aurait fallu que le législateur ou le juge le consacre expressément pour ces autres domaines. Toutefois, il peut paraître étonnant que le juge administratif ne se soit pas saisi d’une notion qu’il manie régulièrement et a préféré aller chercher une notion civiliste aux contours flous. Finalement, on peut constater que certes l’action en responsabilité pour faute a reçu un renouveau avec la consécration de l’obligation de résultat. Toutefois, elle n’est pas l’outil idéal pour la protection des droits créances. 54 Chapitre 2 : Le succès relatif de la responsabilité administrative dans la protection des « droits-créances » Même si l’action en responsabilité en tant que gardienne des droits-créances. Force est de constater qu’elle n’est pas très apte à protéger ces droits. Avant d’avoir un rôle de garante de l’effectivité, l’action en responsabilité avait deux rôles traditionnels : la réparation (Section 1) et la prévention (Section 2). Or, sur ces deux terrains, il semblerait qu’elle ait failli, rendant la protection de ces droits-créances obsolète. Section 1 : L’échec du rôle réparateur de la responsabilité administrative En premier lieu, il convient de voir comment le juge calcule cette indemnisation (§1). Ensuite, on pourra s’intéresse à l’inefficacité de cette indemnisation (§2). §1 : Le calcul de l’indemnisation Si on prend l’exemple de l’indemnisation en matière de droit au logement opposable, on peut remarquer que le juge fait application du principe de réparation intégrale. Ainsi dans son jugement en date du 17 décembre 2010, le Tribunal administratif de Paris affirme que « l'indemnité susceptible d'être allouée à la victime d'un dommage causé par l'administration a pour seule vocation de replacer la victime dans la situation qui aurait été la sienne si le dommage ne s'était pas produit ». Selon Madame le professeur BelrhaliBernard82, plusieurs éléments tendent à montrer que le tribunal a dopté une conception restrictive du dommage subi. D’abord, elle soutient que « le préjudice pris en compte est étroitement lié à la reconnaissance du bénéfice du droit au logement opposable ». Le juge n’a pas pris non plus en compte les préjudices matériels et moraux invoqués par les requérants. Au final, le montant alloué est dérisoire. §2 : L’inefficacité de l’indemnisation Pour le requérant, l’indemnisation n’a pas beaucoup d’importance. L’action en réparation n’intervient qu’après l’atteinte au droit. Comme le souligne, M. Pierre-Edouard du Cray, s’agissant « de la scolarité d’une enfant handicapé ou le suivi d’une personne autiste, 82 H. BELRHALI-BERNARD, « L’action en responsabilité : recours de la dernière chance pour DALO ? », AJDA, 2011, p. 690 55 les préjudices passés semblent alors irréparables83 ». Selon lui, tant que l’administration n’a pas les moyens de garantir concrètement les droit-créances précités, l’action en responsabilité ne change rien. L’indemnité ne rend pas effectif le droit de l’administré lésé. Ainsi, cela démontre les limites de l’action en responsabilité. Cette action n’a qu’une portée pécuniaire. Or, cela ne résout pas forcément le problème de l’administré. Certes, il serait possible de dire que l’aspect pécuniaire a un effet dissuasif. Toutefois, cela ne semble pas être le cas. Section 2 : L’échec du rôle préventif de la responsabilité administrative Les condamnations prononcées pour violation de son obligation de résultat par l’État auraient pu laisser croire qu’elles auraient un effet dissuasif. Malheureusement, ce n’est pas ce qu’on observe dans la pratique (§1). L’échec de ce rôle préventif de la responsabilité est exacerbée par le manque de moyens de l’administration (§2). §1 : L’absence d’effet dissuasif des condamnations Selon M. Pierre-Edouard du Cray, on aurait pu penser que les condamnations auront un effet dissuasif sur l’État et vont l’obliger à prendre les mesures pour garantir effectivement les droits. Mais eu égard au coût très élevé de l’action publique qu’il faudrait mettre en place afin d’assurer l’effectivité de ces droits laisse à penser que l’effet dissuasif n’est qu’illusoire. En outre, selon le même auteur, si pour le contentieux relatif au droit au logement opposable, la loi a conféré un pouvoir d’injonction sous astreinte au juge, ce mécanisme ne porte pas ses fruits. En effet, si l’État est condamné, il doit verser une astreinte au Fonds national d’accompagnement vers et dans le logement. Certes, ces astreintes sont en hausse et avaient atteint 22,40 million d’euros en 2012. Mais, si on compare ces sommes avec les milliards d’euros investis dans la politique publique du logement, elles ne semblent pas aussi significatives que ça. 83 P-E du CRAY, op. cit., p. 17 56 Au final, selon cet auteur, « c’est finalement la menace juridictionnelle érigée comme ultime recours que l’on espère trouver la solution à la concrétisation des deoitscréances 84». Cette approche consisterait à faire du juge un « instrument de l’intervention de l’État ». Or, le juge risque de perdre sa crédibilité si l’action en responsabilité n’aboutit pas. §2 : Un échec exacerbé par le manque de moyens de l’administration Finalement, tout revient à la question des moyens. On est face à deux phénomènes qui sont antagonistes. D’un côté, il y a une crise des finances publiques, qui tend à démontrer aux personnes publiques qu’elles ne sont pas aussi omnipotentes qu’elles auraient pu le penser. Il y a un effort de réduction des dépenses des personnes publiques. De l’autre côté, il y a un mouvement qui a pris une ampleur importante depuis quelques années : le mouvement de concrétisation de droits-créances. Ainsi, sont reconnus de plus en plus de droits-créances. Ainsi, l’administré est dans une position où il peut exiger encore plus de l’Administration. Dans une situation où l’administré pourra demander encore plus à une Administration qui peut donner de moins en moins. On débouchera forcément sur une situation intenable. Selon Monsieur Pierre-Edouard du Cray, dans un tel cas, ce sera peut-être la délégation vers le secteur privé la réponse. 84 P-E du CRAY, op. cit., p. 18 57 Conclusion Le droit administratif s’est approprié une notion qui est très chère aux privatistes en raison de son histoire. Mais, cette notion est aussi très complexe. En droit administratif, la notion d’obligation de résultat manifeste davantage sa complexité. Toutefois, si le juge administratif s’est permis de faire entrer cette notion en droit public, c’est précisément en raison de l’utilité qu’offre son régime. Toutefois, ce mouvement peut paraître paradoxal. En droit privé, nombre d’auteurs se sont prononcé pour l’abandon de la distinction entre l’obligation de résultat et l’obligation de moyens. On citera par exemple, Monsieur le Professeur Rémy, qui écrivait en 1984, « le détour classificatoire par la summa divisio des obligations de moyens et de résultat nous paraît […] d’une vanité scolastique ; on demandera humblement pardon à Demogue et à la foule de ses épigones85 ». Les appels à l’oubli de cette distinction sont nombreux et fréquents. Inversement, en droit public, de plus en plus d’auteurs demandent la consécration d’une obligation de résultat dans divers domaines. Finalement, on pourrait penser que cette notion meurt lentement en droit privé pour se ressusciter en droit public. 85 Ph REMY, obs à propos Cass civ 1re, 22 juin 1983, RTD civ, 1984, 119, n°3 p. 120 58 Bibliographie I. Manuels, Traités, Recueils, Dictionnaires et Cours G. CORNU (dir.), « Vocabulaire juridique », Paris, PUF, 2011, 9e édition, 1093 p. P.-L FRIER, J. PETIT, « Droit administratif », Paris, Montchrestien, 2012, 7e édition, 626 p. P. GONOD, F. MELLERAY, Ph. YOLKA (dir.), « Traité de droit administratif », Paris, Dalloz, 2011, Tome II, 711 p. J. MORAND-DEVILLER, « Droit administratif », Paris, Montchrestien, 2009, 11e édition, 943 p. M. PAILLET, « La responsabilité administrative », Paris, Dalloz, 1996, 288 p. F. TERRÉ, Ph. SIMLER, Y. LEQUETTE, « Droit civil: Les obligations », Paris, Dalloz, 2009, 10e édition, 1542 p. II. Ouvrages, Thèses et mémoires J. BÉLLISSENT, « Contribution à l’analyse de la distinction des obligations de moyens et des obligations de résultat », Paris, LGDJ, 2001, 527 p. R. CHAPUS, « Responsabilité publique et responsabilité privée », Paris, LGDJ, 1954, 584 p. N. FOULQUIER, « Les droits publics subjectifs des administrés : émergence d'un concept en droit administratif français du XIXe au XXe siècle », Paris, Dalloz, 2003, 805 p. R. NOGUELLOU, « La transmission des obligations en droit administratif », Paris, LGDJ, 2004, 402 p. III. Articles 59 M-E. BAUDOIN, « L'accessibilité des personnes handicapées aux bâtiments publics : vers la fin d'un bras de fer inégal contre l'État ? », JCP A, 9 mai 2011, n°19, p. 2186 H. BELRHALI-BERNARD, « Responsabilité administrative et protection des droits fondamentaux », AJDA 2009, p. 1337 H. BELRHALI-BERNARD, « L'action en responsabilité : recours de la dernière chance pour le DALO ? », AJDA, 2011, p. 690 H. BELRHALI-BERNARD, « Prise en charge des personnes autistes : les ambiguïtés d'une obligation de résultat », AJDA 2011, p. 1749 H. BELRHALI-BERNARD, « Obligation de moyens et obligation de résultat en droit administratif français", in La responsabilité administrative, Travaux de l'AFDA, LexisNexis, Tome 6, 2013, p. 135 C. BOUCARD, « Responsabilité contractuelle », Répertoire de droit civil, Dalloz, 2014 L. CORRE, « Les « droits-créances » et le référé-liberté », Droit Administratif, n°2, février 2012, Etude 3 S. DELIANCOURT, « Scolarisation des enfants handicapés : quelles obligations pour l’État ? », JCP A, 26 décembre 2005, n° 52, p. 1393. P-E. du CRAY, « L’insuffisance de moyens dans le droit de la responsabilité administrative », Droit Administratif, mai 2014, n°5, p. 11 J-M. DUVAL, « Responsabilité des clubs de football du fait de leurs supporters », AJDA, 2008, p. 919 B. FOLSCHEID, « L'Etat responsable de la non scolarisation d'un enfant handicapé », AJDA, 2007, p. 2151 F-X. FORT, « L'effectivité des droits des personnes handicapées et le référéliberté », AJDA 2014, p. 574 S. HENNETTE-VAUCHE, « Responsabilité sans faute », Répertoire de la responsabilité de la puissance publique, Dalloz, 2013 60 R. KELLER, « Le Conseil d'Etat affirme le droit des enfants handicapés à l'éducation », AJDA, 2009, p. 1262 M. MAISONNEUVE, « L’inconstitutionnalité de la responsabilité disciplinaire des clubs sportifs du fait de leurs supporters », AJDA, 2007, p. 1890 L. MOREAU, « Aménagement des itinéraires cyclables : obligation de moyen ou de résultat ? », AJCT, 2012, p. 223 Y. PICOD, « Obligations », Répertoire de droit civil, Dalloz, 2014 H-B. POUILLAUDE, « L'obligation de résultat d'une commune en matière de distribution d'eau potable », AJDA, 2013, p. 697 M. SIRINELLI, « Droit à respirer un air pur : quelles obligations pour les autorités publiques ? », AJDA, 2013, p. 1506 Y. STRUILLOU, « Le contentieux du droit au logement opposable », RFDA 2010, p. 157 M. WALINE, « La théorie civile des obligations et la jurisprudence du Conseil d’État », Mélanges Julliot de la Morandière, Paris, Dalloz, 1964, p. 41 IV. Sources électroniques S. SLAMA, « Enfant handicapé : droit à la scolarisation mais pas nécessairement avec un auxiliaire de vie scolaire (CE, réf., 15 décembre 2010, Ministre de l’Education nationale c/ M et Mme B.) », Lettre « Actualités Droits-Libertés » du CREDOF, 22 décembre 2010 S. SLAMA, « Droit à l’instruction : Droit à la scolarisation des enfants handicapés, procédure de référé-liberté et prise en compte des moyens dont dispose l’administration », Lettre « Actualités Droits-Libertés » du CREDOF, 22 décembre 2010. C. PAILLARD , « Droits fondamentaux et présomption de préjudice en droit de la responsabilité administrative », RDLF 2013, chron. N°16 61 Table des matières Remerciements ........................................................................................................ 3 Liste des principales abréviations............................................................................ 4 Sommaire................................................................................................................. 6 Introduction ............................................................................................................. 9 Partie I : L’inadaptabilité de la notion d’obligation de résultat au droit public .... 12 Titre 1 : La consécration progressive de l’obligation de résultat en droit public .............................................................................................................................................. 14 Chapitre 1 : L’obligation de résultat : une notion longtemps confinée au droit privé .................................................................................................................................. 15 Chapitre 2 : L’entrée de la notion d’obligation de résultat dans la jurisprudence administrative ............................................................................................ 20 Titre 2 : L’ambiguïté de la définition de l’obligation de résultat en droit public .............................................................................................................................................. 26 Chapitre 1 : La difficile identification de l’obligation de résultat en droit public ................................................................................................................................ 27 Chapitre 2 : Les limites des méthodes d’identification de l’obligation de résultat en droit public ...................................................................................................... 32 Conclusion de la première partie ....................................................................... 37 Partie II : L’utilité de l’obligation de résultat en droit public : la garantie des « droits-créances ».................................................................................................................... 38 Titre 1 : La consécration de l’obligation de résultat en droit public: une garantie de l’effectivité des « droits-créances » ................................................................................. 39 Chapitre 1 : Les droits-créances : domaine de prédilection de l’obligation de résultat en droit public ...................................................................................................... 40 62 Chapitre 2 : L’efficacité de l’obligation de résultat dans la protection des droits-créances ........................................................................................................... 46 Titre 2 : L’aptitude relative de la responsabilité administrative à garantir effectivement les droits-créances ......................................................................................... 50 Chapitre 1 : Le rôle nouveau de la responsabilité administrative : La protection des droits-créances .......................................................................................... 51 Chapitre 2 : Le succès relatif de la responsabilité administrative dans la protection des « droits-créances » .................................................................................... 55 Conclusion ............................................................................................................. 58 Bibliographie ......................................................................................................... 59 Table des matières ................................................................................................. 62 63