L`obligation de résultat en droit public

Transcription

L`obligation de résultat en droit public
Université de la Réunion
Faculté de Droit et d’économie
L’obligation de résultat en
droit public
Mémoire présenté en vue de l’obtention du Master 2 Droit Public
mention « Territoires, Risques et Action Publique »
Par Anjeelee Kaur BEEGUN
Sous la direction de
Monsieur le Professeur Mathieu MAISONNEUVE
(Professeur de droit public, Université de la Réunion)
Année universitaire 2013-2014
Avertissement
Les opinions exprimées dans ce mémoire sont propres à leur
auteur et n’engagent pas l’Université de la Réunion.
2
Remerciements
La réalisation de ce mémoire a été pour moi une expérience très enrichissante.
Bien que la tâche se soit révélée par moments assez difficile, j’ai tout de même pris un certain
plaisir à m’y atteler.
Pour cela, je souhaite remercier les personnes qui m’ont soutenu et encouragé
durant cette année.
Je tiens tout d’abord à remercier Monsieur le Professeur Mathieu Maisonneuve,
qui a accepté de diriger mon mémoire, pour sa disponibilité, ses corrections et ses
encouragements qui m’ont été d’une aide précieuse.
Enfin, j’adresse un affectueux merci à mes proches et mes amis pour toute leur
attention et leur soutien sans faille. Ils n’ont jamais douté de mon travail, ce qui a permis de le
mener à terme.
3
Liste des principales abréviations
AJDA - Actualité juridique de droit administratif
Arch. Dép. de la Réunion – Archives départementales de la Réunion
Ass. - Arrêt d’assemblée
CAA- Cour administrative d’appel
Cass 1re civ- Première chambre civile de la Cour de cassation
Cass. Ch Mixte- Chambre mixte
C.civ - Code civil
CE - Conseil d’État
CEDH – Convention européenne des droits de l’Homme
CGPPP - Code général de la propriété des personnes publiques
Civ. 3e- Troisième chambre civile de la Cour de cassation
DA- Revue Droit Administratif
éd. - Edition
Ibid. - Ibidem
n° - Numéro
op. cit.- Opere citato
p. - Page
§ - Paragraphe
Rec. CE – Recueil Lebon
RFDA - Revue française de droit administratif
RTD civ. – Revue trimestrielle de droit civil
4
TA- Tribunal administratif
TC- Tribunal des conflits
5
Sommaire
Remerciements ........................................................................................................ 3
Liste des principales abréviations............................................................................ 4
Introduction ............................................................................................................. 9
Partie I : L’inadaptabilité de la notion d’obligation de résultat au droit public .... 12
Titre 1 : La consécration progressive de l’obligation de résultat en droit public
.............................................................................................................................................. 14
Chapitre 1 : L’obligation de résultat : une notion longtemps confinée au droit
privé .................................................................................................................................. 15
Chapitre 2 : L’entrée de la notion d’obligation de résultat dans la
jurisprudence administrative ............................................................................................ 20
Titre 2 : L’ambiguïté de la définition de l’obligation de résultat en droit public
.............................................................................................................................................. 26
Chapitre 1 : La difficile identification de l’obligation de résultat en droit
public ................................................................................................................................ 27
Chapitre 2 : Les limites des méthodes d’identification de l’obligation de
résultat en droit public ...................................................................................................... 32
Conclusion de la première partie ....................................................................... 37
Partie II : L’utilité de l’obligation de résultat en droit public : la garantie des
« droits-créances ».................................................................................................................... 38
Titre 1 : La consécration de l’obligation de résultat en droit public: une garantie
de l’effectivité des « droits-créances » ................................................................................. 39
Chapitre 1 : Les droits-créances : domaine de prédilection de l’obligation de
résultat en droit public ...................................................................................................... 40
Chapitre 2 : L’efficacité de l’obligation de résultat dans la protection
des droits-créances ........................................................................................................... 46
Titre 2 : L’aptitude relative de la responsabilité administrative à garantir
effectivement les droits-créances ......................................................................................... 50
6
Chapitre 1 : Le rôle nouveau de la responsabilité administrative : La
protection des droits-créances .......................................................................................... 51
Chapitre 2 : Le succès relatif de la responsabilité administrative dans la
protection des « droits-créances » .................................................................................... 55
Conclusion ............................................................................................................. 58
Bibliographie ......................................................................................................... 59
7
8
Introduction
« Civilistes et publicistes ont des choses
à se dire, les uns et les autres ont à gagner à
se rencontrer et à confronter les concepts qui sont les leurs. »1
Très souvent des auteurs fustigent ce « cloisonnement des doctrines de droit privé
et de droit public2 ». Marcel Waline3, dans un article paru en 1962, regrettait que les
administrativistes soient en retard sur les civilistes s’agissant des études sur les obligations.
Or, plus de cinquante ans après, force est de constater que ce cloisonnement n’est plus
tellement d’actualité. Aujourd’hui, civilistes et privatistes se disent des choses, ils empruntent
des concepts, ils s’enrichissent mutuellement.
C’est ainsi que des concepts longtemps limités au droit privé se retrouvent
aujourd’hui appropriés par les publicistes. La notion d’obligation de résultat est un de ces
concepts. L’obligation est définie, au sens technique, comme « le lien de droit par lequel une
ou plusieurs personnes, le ou les débiteurs, sont tenues d’une prestation envers une ou
plusieurs autres- le ou les créanciers4 ». Il existe différentes façon de classifier une
obligation. On peut classifier les obligations selon leurs sources. Une autre classification,
proposée par le Doyen Carbonnier, consiste en la distinction entre les obligations monétaires
et les obligations en nature. Une classification très connue, proposée par la doctrine au début
du XXe siècle consiste en la classification selon l’objet de l’obligation. Il s’agit de la fameuse
distinction entre l’obligation de résultat et l’obligation de moyen. L’obligation de résultat a
pour objet la réalisation d’un résultat déterminé. Ainsi, le débiteur n’a exécuté son obligation
que s’il a atteint le résultat déterminé. A l’inverse, l’obligation de moyens désigne l’obligation
par laquelle « le débiteur s’engage seulement à employer les moyens appropriés dans une
11
B. MATHIEU, « Droit constitutionnel et droit civil : « de vieilles outres pour un vin
nouveau » », RTD Civ., 1994, p. 59
2
R. NOGUELLOU, « La transmission des obligations en droit administratif », Paris, LGDJ, 2004,
p. 1
3
M. WALINE, « La théorie civile des obligations et la jurisprudence du Conseil d’État »,
Mélanges Julliot de la Morandière, Paris, Dalloz, 1964, p. 41
4
G. CORNU (dir.), « Vocabulaire juridique », Paris, PUF, 2011, 9e édition, 1093 p.
9
tâche à accomplir, à se montrer prudent et diligent, à faire de son mieux, ce qui permettra
peut-être au créancier d’obtenir le résultat qu’il souhaite5 ». Pendant longtemps, cette
distinction est restée cloisonnée en droit privé.
Toutefois, à partir de 2005, ont commencé à apparaître en droit public des
décisions de justice qui en faisaient état. En droit public, en premier lieu, il n’existe pas de
théorie générale des obligations. Il peut paraître étonnant de voir une notion purement
privatiste arriver à s’imposer progressivement en droit public. Certes, il y a souvent des
notions que les privatistes empruntent aux publicistes et vice versa. C’est un phénomène assez
étonnant. On aurait pu penser que cette notion soit tombée en désuétude en droit privé et
qu’une partie de la doctrine publiciste ait voulu lui donner une cure de jeunesse. Mais il
semblerait que cette distinction continue toujours à être utilisée en droit privé. A partir de là,
on pouvait se poser la question suivante : Le recours à l’obligation de résultat est-il
souhaitable en droit public ?
A priori, cette notion ne semble pas avoir sa place en droit public car cette notion
s’adapte difficilement aux spécificités du droit public (Partie I). Toutefois, force est de
constater que cette notion a une certaine utilité en droit public car elle sert à protéger des
droits-créances (Partie II).
5
F. TERRÉ, Ph. SIMLER, Y. LEQUETTE, « Droit civil: Les obligations », Paris, Dalloz, 2009,
10e édition, p. 7
10
11
Partie I : L’inadaptabilité de la notion
d’obligation de résultat au droit public
La notion d’obligation de résultat s’est infiltrée progressivement en droit public (
Titre 1), même si ses critères de définition demeurent ambigus (Titre 2).
12
13
Titre
1:
La
consécration
progressive
de
l’obligation de résultat en droit public
L’obligation de résultat est une notion purement de droit privé et qui est
longtemps resté confinée à cette sphère (Chapitre 1). Toutefois, aujourd’hui, force est de
constater que cette notion a fini par entrer en droit administratif (Chapitre 2).
14
Chapitre 1 : L’obligation de résultat : une notion
longtemps confinée au droit privé
A première vue, il pourrait sembler surprenant que les publicistes s’approprient de
la notion d’obligation de résultat, eu égard à la complexité de la notion propre au droit privé
(Section 1). Toutefois, si cette notion est longtemps restée confinée à la sphère de droit privé,
il ne faut pas en déduire qu’elle était totalement étrangère aux publicistes. Force est de
constater que cette notion a pu être appliquée par le juge judiciaire à certains services publics
(Section 2).
Section 1 : L’obligation de résultat : une notion
propre au droit privé
La distinction entre l’obligation de résultat et l’obligation de moyens a au départ
été introduit en droit privé afin de concilier deux textes qui semblaient se contredire. Le
recours à une telle distinction était bienvenu (§1). Par la suite, cette distinction s’est imposée
avec plus de force afin de devenir un des éléments qui distingue le droit privé du droit public
(§2).
§1 : Une distinction bienvenue en droit privé
Selon, M. Jean Béllissent6, la notion d’obligation de résultat existait déjà au temps
des jurisconsultes romains. Toutefois, la paternité de la distinction obligation de moyens et
obligation de résultat est attribuée à Demogue7.
A l’origine, il avait opéré cette distinction afin de concilier les articles 1137 et
1147 du Code civil. Selon l’article 1147 C.civ, le débiteur est responsable du seul fait de son
inexécution. L’article 1137 C.civ posait le principe, à propos des contrats comportant
obligation de conserver une chose, que celui qui en est chargé devait y apporter tous les soins
du bon père de famille. La distinction opérée par Demogue se fondait sur l’objet de
l’obligation. Selon lui, « l’obligation qui peut peser sur un débiteur n’est pas toujours de
même nature. Ce peut être une obligation de résultat ou une obligation de moyen8 »9. Il y
6
J. Bélissent, « « Contribution à l’analyse de la distinction des obligations de moyens et des
obligations de résultat », Paris, LGDJ, 2001, p. 14
7
R. DEMOGUE, « Traité des obligations en général », Paris, Ed. Rousseau, 2006, Tome V, n°
1237, p. 536 à 544.
8
« Moyen » est ainsi orthographié dans le texte.
9
R. DEMOGUE, op. cit., p. 538.
15
aurait des cas où le débiteur de l’obligation « s’est engagé à faire tout ce qui est possible en
vue d’un résultat qui reste incertain »10. C’est ce qu’on appelle l’obligation de moyens. A
côté, il y aurait d’autres cas où le débiteur s’est engagé à un résultat déterminé. C’est ce qu’on
appelle l’obligation de résultat.
Cette distinction de Demogue a par la suite été reprise par l’ensemble de la
doctrine. On notera toutefois, que certains auteurs n’utilisent pas les mêmes formules que
Demogue pour désigner ces obligations. Ainsi, H. Mazeaud11 préfère parler « des obligations
générales de prudence et de diligence » et « des obligations déterminées ».
Si cette distinction trouve à s’appliquer le plus souvent dans le domaine
contractuel, selon H. Mazeaud, il faudrait l’envisager comme la summa divisio de toutes les
obligations, tant contractuelles que délictuelles. C’est à travers ce prisme qu’il envisage
d’ailleurs la responsabilité civile délictuelle12. L’article 1382 C.civ est analysé comme
comportant une obligation de prudence et de diligence.
§2 : Une distinction caractéristique du droit privé
Cette distinction a par la suite été reprise par la jurisprudence. Les juges font
tantôt référence aux terminologies utilisée par H. Mazeaud et tantôt à celles utilisées par
Demogue. Toutefois, l’idée reste la même.
Cette distinction est encore utilisée aujourd’hui. C’est une distinction qui a su
s’adapter aux évolutions qui ont eu lieu au fil du temps. Ainsi, par exemple, elle a pu être
appliquée aux fournisseurs d’accès internet. Dans un arrêt du 19 novembre 2009, la première
chambre civile a jugé que le fournisseur d’accès internet était tenu d’une obligation de résultat
quant aux services offerts. Cette distinction a pu s’appliquer à une multitude de domaines, que
ce soit le transport aérien, le vol en parapente, les contrats d’assistance médicale entre autre.
Toutefois, il convient de noter que la distinction initialement opérée par Demogue
a connu certaines évolutions au fil du temps. Aujourd’hui, on ne raisonne plus seulement en
10
Y. PICOD, « « Obligations », Répertoire de droit civil, Dalloz, 2014, n° 44.
H. MAZEAUD, « Essai de classification des obligations : obligations contractuelles et
extracontractuelles ; obligations déterminées et obligation générale de prudence et diligence », R.T.D Civ., 1936,
p. 1 à 58.
12
Y. PICOD, op. cit., n°46
11
16
termes d’obligations de résultat et de moyens. On y a aussi ajouté les obligations de résultat
atténué et les obligations de moyens renforcées.
Toutefois, malgré certaines critiques, cette distinction est toujours maintenue en
droit privé. Cette distinction est d’ailleurs consacrée dans l’avant projet Catala aux articles
1149 et 1364. Elle a aussi été reprise par Unidroit à propos des « Principes relatifs aux
contrats de commerce international ». Toutefois, elle n’est pas reprise par L'avant-projet de la
chancellerie de réforme du droit des contrats.
Malgré da limitation initiale au droit privé, il convient de noter que cette
distinction n’était pas sans lien avec le droit public, car le juge judiciaire a pu l’appliquer à
certains services publics.
Section 2 : La reconnaissance par le juge judiciaire
de l’obligation de résultat pesant sur certains services
publics
Même si cette notion complexe est caractéristique du droit privé, on peut constater
que le juge judiciaire avait pu reconnaître explicitement que certains services publics
pouvaient être tenus à une obligation de résultat. Il convient de voir dans un premier temps
quelques illustrations (§1) et ensuite dans un deuxième temps, on pourra s’intéresser à la
justification de cette application (§2).
§1 : Exemples de services publics soumis à une
obligation de résultat
A titre d’exemple, on peut citer deux domaines où le juge judiciaire a pu consacrer
une obligation de résultat en matière de service public.
Le premier exemple concerne le service public du transport ferroviaire. Dans un
arrêt du 28 novembre 200813, la Cour de cassation a reconnu l’obligation de sécurité de la
SNCF. En l’espèce, il était question d’un jeune passager d’un train express régional qui avait
ouvert l’une des portes du train pendant que celui-ci était en marche et il est tombé sur la voie
en effectuant une rotation autour de la barre d'appui située au centre du marchepied. Il était
13
Cass. Ch. Mixte, 28 novembre 2008, Bull. civ., 2008, n° 264
17
mortellement blessé et ses ayants droit avaient assigné la SNCF en réparation des préjudices
subis. Selon la Cour de cassation, « le transporteur ferroviaire, tenu envers les voyageurs
d'une obligation de sécurité de résultat, ne peut s'exonérer de sa responsabilité en invoquant
la faute d'imprudence de la victime que si cette faute, quelle qu'en soit la gravité, présente les
caractères de la force majeure ». La Cour a par ailleurs constaté qu’en l’espèce, la faute de la
victime n’était « pas imprévisible ni irrésistible pour la SNCF » et « ne présentait pas les
caractères de la force majeure ». Ainsi, elle en a déduit que la SNCF ne pouvait pas
s’exonérer de sa responsabilité en se fondant sur la faute de la victime.
Le second exemple concerne le service de distribution d’eau potable. Il s’agit de
l’arrêt Mme Mataillet14 du 28 novembre 2012. Il s’agissait en l’espèce d’une commune qui
gérait en régie la distribution d’eau potable à ses usagers. Un des usagers a saisi la juridiction
de proximité pour se plaindre de la mauvaise qualité de l’eau distribuée. LA juridiction de
proximité a considéré que la commune n’était tenue qu’à une obligation de moyens en matière
de distribution d’eau potable. L’usager forma un pourvoi en cassation. Selon la Cour de
cassation, « la commune était tenue de fournir une eau propre à la consommation et qu'elle ne
pouvait s'exonérer de cette obligation contractuelle de résultat, que totalement, par la preuve
d'un événement constitutif d'un cas de force majeure, ou, partiellement, par celle de la faute
de la victime ».
Comme on peut le constater, la notion d’obligation de résultat était déjà appliquée
à des services publics, avant même son entrée en force en droit public.
§2 : La justification de cette soumission
Si le juge judiciaire a pu imposer une obligation de résultat à ces services publics,
c’est notamment parce qu’il s’agit ici de services publics industriels et commerciaux.
S’agissant du transport ferroviaire, on peut citer l’arrêt Niddam c/ SNCF15 où le
Tribunal des conflits a expressément reconnu que le service public du transport ferroviaire,
géré par la SNCF, était un service public industriel et commercial. Le Tribunal a aussi
reconnu dans cet arrêt que les liens qui unissaient les usagers et un tel service étaient des liens
de droit privé. S’agissant de la distribution d’eau potable, on peut citer l’arrêt Tettart c/
14
15
Cass. 1re civ., 28 novembre 2012, n° 11-26.814 : JurisData n° 2012-027514
TC, 5 décembre 1983, Niddam c/ SNCF, req. n° 02307
18
Syndicat Intercommunal d’adduction d’eau du Liger16, où le Tribunal des conflits a reconnu
la nature industrielle et commerciale de ce service public.
Les contrats conclus avec les usagers dans le cadre de ces services publics, étaient
de ce fait soumis aux principes de droit commun de la responsabilité civile contractuelle. A
titre d’illustration, on peut citer un arrêt de 196117 où la Cour de cassation a estimé que la
condamnation d’une commune à des dommages-intérêts dans le cadre d’un contrat de
distribution d’eau ne pouvait être fondée que sur l’article 1147 C.civ. Ainsi, en s’appuyant sur
ce principe, la Cour de cassation a simplement sanctionné l’inexécution du contrat dans l’arrêt
Mme Maillet. Comme le souligne Hugo-Bernard Pouillaude18, il n’est pas tellement novateur
que la Cour de cassation dégage de cette disposition une obligation de résultat pesant sur
l’exploitant d’un service public.
Si ces arrêts nous démontrent que le service public et l’obligation de résultat ne
sont pas étrangers l’un de l’autre, ils demeurent limités à la sphère du droit privé. Mais
l’obligation de résultat n’est plus aujourd’hui, un apanage du droit privé. Il commence à
infiltrer le droit public.
16
TC, 15 décembre 1980, Tettart c/ Syndicat Intercommunal d’adduction d’eau du Liger,req. n°
02169.
17
Cass. 1re civ., 11 janvier 1961, Bull. civ., n°28, p. 23.
H-B. POUILLAUDE, « L'obligation de résultat d'une commune en matière de distribution d'eau
potable », AJDA, 2013, p. 697.
18
19
Chapitre 2 : L’entrée de la notion d’obligation de
résultat dans la jurisprudence administrative
Dans un premier temps, la consécration de l’obligation de résultat a été faite de
façon hésitante (Section1). Toutefois, depuis quelques années, on a l’impression que le juge
administratif s’est enhardi et a finalement consacré explicitement cette notion (Section 2).
Section 1 : L’infiltration discrète de l’obligation de
résultat en droit public
En matière de responsabilité extracontractuelle, il y a souvent trois arrêts majeurs
qui sont cités comme ayant consacré implicitement la notion d’obligation de résultat en droit
public (§2). Mais avant de s’intéresser, il convient de s’attarder un instant à la discrète entrée
de l’obligation de résultat en matière contractuelle (§1)
§1 : La réception silencieuse de l’obligation de résultat
en matière contractuelle
Très souvent quand la doctrine envisage la notion d’obligation de résultat en droit
public, elle fait l’impasse sur l’intégration de cette notion en matière contractuelle. Pourtant,
cette notion n’est pas inconnue en matière de contrats publics.
En premier lieu, on peut penser que la notion d’obligation de résultat a toujours
été présente dans certains contrats administratifs, sans qu’on s’y réfère explicitement. Selon
les professeurs Terré, Simler et Lequette19, l’obligation de donner est de nature une obligation
de résultat. Pour eux, l’obligation de donner consiste à transférer un droit réel, notamment la
propriété. Lorsqu’un contrat comporte une obligation de donner, le vendeur s’engage, selon
eux, à un résultat déterminé. S’il se contentait de proposer « la simple probabilité de devenir
propriétaire », personne ne voudrait traiter avec lui. Ce raisonnement semble transposable en
droit public. L’article 1-II al.2 du Code des marchés publics définit les marchés publics de
fournitures comme « des marchés conclus avec des fournisseurs qui ont pour objet l'achat, la
prise en crédit-bail, la location ou la location-vente de produits ou matériels. » S’agissant des
marchés publics conclus pour l’achat de fournitures, on pourrait assimiler le titulaire du
marché au vendeur privé. Dans ce cas, pèserait sur lui l’obligation de transférer la propriété
19
F. TERRÉ, Ph. SIMLER et Y. LEQUETTE, « Droit civil : Les obligations », Paris, Dalloz,
2009, 10e édition, p. 595.
20
des fournitures au pouvoir adjudicateur, c’est-à-dire une obligation de donner. Ainsi, si on suit
le raisonnement des professeurs Terré, Simler et Lequette, cette obligation de donner serait
une obligation de résultat. Ainsi, on pourrait penser qu’il existe depuis longtemps une
obligation de résultat en droit public des contrats, mais qui est implicite.
On voit aussi apparaître une trace de la notion d’obligation de résultat dans le
Cahier des Clauses Administratives et Générales applicables aux marchés de prestations
intellectuelles (CCAG-PI) issu du décret du 26 décembre 1978. Son article 32 prévoyait que :
« lorsque, pour tout ou partie des prestations à fournir, le marché ne comporte pas
d'obligation de résultat, le titulaire est réputé avoir rempli ses obligations s'il a déployé
l'effort nécessaire pour obtenir le meilleur résultat possible, en exploitant ses connaissances
et son expérience, compte tenu de l'état le plus récent des règles de l'art, de la science et de la
technique ». Il découle de cet article qu’un marché public de prestations intellectuelles peut
mettre une obligation de résultat à la charge du titulaire. Ainsi, dès 1978, la notion
d’obligation de résultat était déjà présente explicitement en droit public. Toutefois, il convient
de noter que depuis 2009, il y a un nouveau CCAG-PI qui est en vigueur. Mais il semblerait
qu’il n’ait pas repris l’ancien article 32.
En dernier lieu, on peut voir certaines décisions de justice relatives aux contrats
administratifs qui mentionnent l’obligation de résultat. A titre d’exemple, on peut citer un
arrêt de la cour administrative d’appel de Douai du 26 novembre 2009 20. Dans cet arrêt il était
question d’un marché public de prestation de services. La cour administrative d’appel a
reconnu que le titulaire du marché était tenu à une obligation de résultat vis-à-vis du pouvoir
adjudicateur. Toutefois, même si le juge administratif consacre rarement l’obligation de
résultat en matière contractuelle, on ne devrait pas en déduire que celle-ci est rarement
invoquée par les parties.
Ainsi, comme on a pu le constater, l’obligation de résultat a été intégrée de façon
très discrète en matière contractuelle. S’agissant de la responsabilité extracontractuelle, dans
un premier temps, l’obligation de résultat ne fut consacrée que de façon implicite.
§2 : L’obligation de résultat implicitement consacrée en
matière extracontractuelle
20
CAA Douai, 26 novembre 2009, req. n° 07DA01159
21
En matière de responsabilité extracontractuelle, la doctrine s’accorde à dire que la
distinction entre l’obligation de moyen et l’obligation de résultat était reconnue implicitement
par le Conseil d’État. La doctrine reconnaît notamment trois arrêts principaux qui consacrent
cette notion implicitement.
Le premier arrêt est l’arrêt Courtial21 de 1955, où le Conseil d’État a condamné le
ministère de l’Éducation nationale car le service d’hygiène de la scolarité, relevant de
l’autorité de ce ministère, n’avait pas informé la famille d’un enfant que celui-ci était
tuberculeux. Le second arrêt en la matière, est l’arrêt Marabout22 de 1972. Dans cet arrêt, la
ville de Paris avait été condamnée pour n’avoir pas fait respecter une interdiction de
stationnement. Le troisième arrêt en la matière est l’arrêt Giraud de 1988, où le Conseil d’État
a engagé la responsabilité du ministère de l’Éducation nationale s’agissant « des carences
dans l’enseignement des cours obligatoires23 ».
Ces arrêts ont été considérés comme consacrant une obligation de résultat. Mais
en l’absence de cette terminologie, on ne peut avoir la certitude que le juge administratif ait
vraiment voulu consacrer une obligation de résultat24. Pour avoir cette certitude, il faudrait
attendre une consécration explicite, qui viendra bien plus tard.
Section 2 : La consécration audacieuse de
l’obligation de résultat dans la jurisprudence
administrative
Pendant longtemps, le Conseil d’État a résisté à la tentation de consacrer
explicitement la notion d’obligation de résultat. Toutefois, les requérants n’ont pas cessé de
l’invoquer. Finalement, ce sont les juges du fond qui ont les premiers consacré explicitement
cette notion (§1). Par la suite, le Conseil d’État a suivi le mouvement (§2).
§1 : La consécration explicite par les juges du fond
Ce sont les juges du fond qui ont les premiers entendu les cris de détresse des
requérants. En effet, souvent les requérants invoquaient la notion d’obligation de résultat
21
CE, 15 juin 1955, Courtial, D. 1955, p. 791 à 793
CE, 20 octobre 1972, Marabout
23
P-E du CRAY, « L’insuffisance de moyens dans le droit de la responsabilité administrative »,
DA, mai 2014, n°5, p. 16.
24
P-E. du CRAY, loc. cit.
22
22
devant le juge administratif, mais celui-ci la rejetait de facto25. Finalement, les juges du fond
ont consacré explicitement tant la notion d’obligation de moyens que celle d’obligation de
résultat.
S’agissant des décisions qui consacrent explicitement la notion d’obligation de
moyens, on peut citer une décision du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 18
décembre 200326. Il s’agissait en l’espèce de la question de la scolarisation des enfants
handicapés. Le juge administratif avait retenu que les dispositions législatives « n'imposent à
l'État qu'une obligation de moyens ». Comme on peut le constater, le juge fait expressément
référence à la terminologie « obligation de moyens ». On peut aussi citer un arrêt de la Cour
administrative d’appel de Versailles du 27 septembre 200727 qui fait expressément référence à
cette expression.
S’agissant des décisions qui consacrent expressément l’obligation de résultat, on
peut citer un arrêt du Tribunal administratif de Paris du 17 décembre 201028 concernant le
droit au logement opposable, qui reconnaît expressément que l’État est soumis à une
obligation de résultat en la matière. Le Tribunal administratif reconnaît que les dispositions
législatives relatives à ce droit « fixent une obligation de résultat pour l'État ». Dans le même
domaine, on peut aussi citer un arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 20
septembre 201229, qui consacre lui aussi expressément la notion d’obligation de résultat.
Ces consécrations explicites par les juges du fond sont nombreuses et présageait
déjà de l’intégration progressive de la notion d’obligation de résultat en droit public. Or, sans
une consécration expresse par le Conseil d’État, cette intégration restait incomplète.
§2 : La consécration explicite par le Conseil d’État
Le Conseil d’État a pendant longtemps évité de consacrer explicitement la
distinction entre l’obligation de moyen et l’obligation de résultat. Toutefois, elle va
finalement franchir cette étape en 2009 en reconnaissant la distinction entre l’obligation de
25
Ibid.
TA Cergy-Pontoise, 18 décembre 2003, Duca
27
CAA Versailles, 27 septembre 2007, Ministre de la santé et de la solidarité, n°06VE02781
28
TA Paris, 17 décembre 2010, Mme Annamaria B., n° 1004946
29
CAA Paris, 20 septembre 2012, Lahoucine C., n° 11PA04843
26
23
résultat et l’obligation de moyens. Ensuite, par d’autres arrêts, il va venir consacrer
expressément la notion d’obligation de résultat.
Dans ses conclusions30 sur l’arrêt Laruelle, le rapporteur public Rémi Keller,
soulignait que la notion d’obligation de moyens n’est pas vraiment connue du Conseil d’État.
Selon lui, il n’y a qu’un arrêt Lahterman du 6 juin 2001, qui y fait référence. En l’espèce, le
Conseil d’État avait jugé que « les avocats ne sont tenus à l'égard de leurs clients que d'une
obligation de moyens ». Cet arrêt n’est pas en soi révolutionnaire. Il est en quelque sorte la
transposition d’une solution déjà dégagée à maintes reprises par le juge judiciaire Ainsi, par
exemple, dans un arrêt de 199831, la première chambre civile de la Cour de cassation a pu
juger que l’avocat est tenu que d’une obligation de moyens, indépendamment du fait qu’il ait
été désigné au titre de l’aide juridictionnelle. Ainsi, on peut penser qu’il n’y a pas eu de réelle
volonté de consécration de la notion d’obligation de moyens dans cet arrêt.
Si la notion d’obligation de moyens est presque inconnue du Conseil d’État, celle
d’obligation de résultat l’est encore moins. En effet, le Conseil d’État n’avait pas reconnu
explicitement cette notion jusqu’à 2009, même si selon la doctrine, elle l’avait déjà consacrée
implicitement avant. En 2009, le Conseil d’État, sans doute enhardi par les décisions des juges
du fond, va faire un premier pas avec la fameuse décision Laruelle32 du 8 avril 2009. Dans cet
arrêt, le Conseil d’État commence d’abord par définir l’obligation de moyens comme
l’obligation « de faire toutes les diligences nécessaires ». Ensuite, il reconnaît que l’obligation
de l’État en matière de scolarisation des enfants handicapés n’était pas une obligation de
moyens. On remarquera que dans cet arrêt, à aucun moment le Conseil d’État ne mentionne
expressément la notion d’obligation de résultat. D’ailleurs, cette terminologie n’apparaît pas
non plus dans les conclusions du rapporteur public. On pourrait penser que c’était encore une
consécration implicite. Mais, il semblerait que cela ne soit pas le cas car cet arrêt sera le
précurseur des autres arrêts où le Conseil d’État va venir consacrer explicitement la notion
d’obligation de résultat. L’apport essentiel de cet arrêt réside dans le fait que le Conseil d’État
montre qu’il n’est pas hostile à la distinction entre l’obligation de moyens et l’obligation de
résultat. Cette même position sera suivie dans le non moins célèbre arrêt Beaufils33 où il était
question du suivi pluridisciplinaire d’une personne autiste. Dans cet arrêt, le Conseil d’État a
30
R. KELLER, « Le Conseil d'Etat affirme le droit des enfants handicapés à l'éducation », AJDA,
2009, p. 1262
31
V. par exemple : Cass 1re civ., 7 octobre 1998, Bull. civ. I, n° 282
CE, 8 avril 2009, Laruelle, req. n° 311434
33
CE, 16 mai 2011, Beaufils, req. n° 318501
32
24
cassé l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille qui avait jugé que l’État n’était
tenu que d’une obligation de résultat en la matière. Toutefois, le Conseil d’État, encore une
fois ne fait pas mention de l’obligation de résultat.
Finalement, la consécration expresse de l’obligation de résultat par le Conseil
d’État se fera par un arrêt du 15 février 201334. Dans cet arrêt, le Conseil d’État va affirmer
que les textes « font peser sur l'Etat, désigné comme garant du droit au logement opposable,
une obligation de résultat ». Dans un autre arrêt du 28 mars 201335, relatif au droit au
logement opposable également, le Conseil d’État va encore une fois consacrer expressément
la notion d’obligation de résultat.
Ainsi, si initialement, la notion d’obligation de résultat est entrée de façon discrète
en droit public, en l’état actuel du droit, on peut penser qu’elle a su s’imposer
progressivement. Les deux arrêts de 2013 renforcent sa place dans le corps de règles de droit
public. Toutefois, si la consécration de cette notion es droit public est aujourd’hui
indiscutable, sa définition reste quant à elle assez problématique.
34
35
CE, 15 février 2013, Mme B., req. n° 336006
CE, 28 mars 2013, req. n° 347794
25
Titre 2 : L’ambiguïté de la définition de
l’obligation de résultat en droit public
La pénétration du droit public par la notion d’obligation de résultat est
incontestable. Toutefois, on peut constater que cette notion est difficilement transposable en
droit public. Cette notion fait déjà débat en droit privé en raison de « son schématisme et sa
complexité »36. En droit privé, on s’interroge encore sur les critères de distinction entre
l’obligation de moyens et l’obligation de résultat. Nonobstant ces difficultés, le juge
administratif a accepté de faire entrer la distinction en droit public. Or, la question du critère
de classification des obligations de moyens et de résultat n’est pas pour autant résolue. En
droit public, on arrive difficilement à identifier ce critère de répartition entre l’obligation de
moyen et l’obligation de résultat (Chapitre 1). Certes, les juges et la doctrine ont trouvé des
méthodes pour identifier ces différentes catégories d’obligations, mais celles-ci demeurent
critiquables (Chapitre 2).
36
Y. PICOD, op. cit.,n° 48
26
Chapitre 1 : La difficile identification de l’obligation
de résultat en droit public
Si en 1925 Demogue a proposé la distinction entre l’obligation de moyen et de
résultat, il n’a pas pour autant défini les critères qui permettraient de classifier des obligations
dans l’une des deux catégories. Ces critères ont été précisés plus tard par la doctrine et la
jurisprudence. Aujourd’hui on dispose ainsi de certains critères qui permettent d’identifier une
obligation de résultat ou de moyens en droit privé (Section 1). Si la notion d’obligation de
résultat a pu s’imposer assez aisément en droit public, ces critères de distinction entre
l’obligation de moyens et l’obligation de résultat sont, quant à eux, difficilement
transposables en droit public (Section 2).
Section 1 : La difficile identification des critères de
l’obligation de résultat en droit privé
On s’intéressera principalement à, ce que M. Bélissent appelle dans sa thèse ,
« l’analyse interne de la distinction »37. Cette approche consiste à chercher un critère de
répartition entre les deux catégories d’obligations. La doctrine et la jurisprudence s’accordent
à dire que le critère de l’intention commune des parties est déterminant dans cette répartition
(§1). Mais lorsque ce critère s’avère difficile à trouver, ils se tournent vers des critères
secondaires (§2).
§1 : Le critère déterminant : La volonté des parties
En droit privé, il existe un critère qui a une prévalence sur les autres. Il s’agit du
critère de l’intention commune des parties.
Ce premier critère consiste en la recherche de la volonté des parties lors de la
conclusion du contrat. Toutefois, ce sera la volonté du législateur qui sera recherchée lorsque
l’obligation a une origine légale. Il en est ainsi lorsqu’il s’agit d’une obligation contractuelle
établie par la loi ou encore en matière extracontractuelle. Dans le contrat, les parties peuvent
préciser s’ils qualifient une obligation comme une obligation de moyens ou de résultat. En
outre, même si une obligation a déjà été qualifiée
de moyens ou de résultat par la
jurisprudence, les parties sont libres de la requalifier.
37
J. BÉLISSENT, op. cit., p. 24
27
Pour déceler cette intention commune, le juge utilise différentes techniques. Il
peut s’attacher à la précision que les parties ont apportée à la définition des prestations38.
Ainsi, plus une prestation est précisément définie, plus il pencherait pour une obligation de
résultat. Il peut parfois se fonder sur les termes utilisés par les parties dans le contrat.
Lorsque ce critère ne peut pas être mis en œuvre, le juge se tourne vers d’autres
critères, qui n’ont pas la même importance mais qui contribuent à l’éclairer quant à la nature
de l’obligation.
§2 : Les critères secondaires
Dans l’impossibilité de déceler l’intention commune des parties, d’autres critères
sont proposés.
Un premier critère qui a été proposé par la doctrine est le critère de l’aléa. Les
partisans de ce critère sont notamment André Tunc39 et Paul Esmein40. Ainsi, si
l’accomplissement de l’obligation est normalement prévisible, il faudrait y voir une obligation
de résultat. En revanche, si l’exécution de l’obligation « dépend de circonstances autres que
la vigilance du débiteur41 », il faudrait y voir une obligation de moyens.
Un autre critère proposé est celui du rôle actif ou passif du créancier dans
l’exécution de l’obligation. Si le créancier a un rôle passif, ce serait une obligation de résultat.
S’il joue un rôle actif dans l’exécution de l’obligation, celle-ci ne sera qu’une obligation de
moyens. Ce critère a été suivi par la jurisprudence surtout s’agissant de l’obligation de
sécurité. Ainsi, dans un arrêt du 21 octobre 199742, la Cour de cassation a jugé que
l’organisateur d’un vol en parapente ainsi que le moniteur sont tenus d’une obligation de
sécurité de résultat pendant les vols sur appareil biplace au cours desquels, les passagers n’ont
eu qu’un rôle passif. Inversement, dans un arrêt du 16 mars 197043, la Cour de cassation a
jugé qu’un loueur de chevaux n’était tenu qu’à une obligation de prudence et de diligence en
raison du rôle actif du cavalier.
38
39
V. par exemple, Cass. Com., 8 janvier 2002
A. TUNC, « La distinction des obligations de résultat et des obliations de diligence », JCP,
1945, I, p. 449
40
P. ESMEIN, « Le fondement de la responsabilité contractuelle rapprochée de la responsabilité
délictuelle », RTD civ., 1933, p. 627
41
Y. PICOD, op. cit., n° 49
42
Cass. 1re civ., 21 octobre 1997, Bull. civ., I, n° 287
43
Cass. 1re civ., 16 mars 1970, Bull. civ., I, n° 82
28
Le critère de la gratuité a aussi été proposé pour distinguer l’obligation de moyens
de l’obligation de résultat. En application de ce critère, celui qui rend gratuitement un service
ne sera tenu qu’à une obligation de moyens contrairement à celui qui perçoit une
rémunération, qui sera lui tenu à une obligation de résultat.
Finalement, un dernier critère qui a été proposé, est celui de l’acceptation des
risques par la victime. Ainsi, l’acceptation des risques transformerait toutes les obligations de
résultat en obligations de moyens.
Pris individuellement, aucun de ces critères ne semble suffisamment parfait et
complet. Finalement, le juge procède par faisceau d’indices. Il combinera ainsi plusieurs de
ces critères afin de déterminer la nature de l’obligation. Même si cette méthode n’est pas
toujours convaincante, elle permet, néanmoins, dans certains cas de déceler la nature de
l’obligation. C’est d’ailleurs pour cette raison, que le juge judiciaire continue à se référer à ces
critères. Il reste maintenant à voir s’ils seront repris en droit public.
Section 2 : La difficile transposition des critères
privatistes en droit public
En droit privé, il existe des critères de définition de l’obligation de résultat, quand
bien même ils seraient incomplets et désordonnés. En droit public, face à une obligation, il
serait encore plus difficile de déterminer si on est face à une obligation de moyens ou de
résultat. Il peut sembler étonnant que le juge administratif ait consacré une notion dont les
critères d’identification ne sont pas précisés. Les critères identifiés par le juge judiciaire sont
difficilement transposables en droit public. Cela s’explique d’abord par le fait que les critères
dégagés en droit privé ne sont pas exempts de critique (§1). Ensuite, ces critères sont
difficilement transposables car en droit public, l’obligation de résultat provient principalement
de sources extracontractuelles (§1).
§1 : L’imperfection des critères privatistes
S’agissant du critère de l’intention commune des parties, son application ne
s’avère pas toujours aisée. Parfois, cette interprétation conduit à « des subtilités
byzantines »44. Le professeur Picod cite ainsi l’exemple de la lettre d’intention, qui a donné
lieu à un important contentieux. La Cour de cassation a ainsi pu juger que « faire son
44
Y. PICOD, op. cit, n° 48
29
possible » révèle une obligation de moyens tandis que « faire le nécessaire » et « faire au
mieux » traduisent une obligation de résultat. En outre, M. Bélissent souligne qu’un tel critère
est rarement utilisable. Selon lui, si cette pratique était vraiment facile à mettre en œuvre, la
distinction entre l’obligation de résultat et l’obligation de moyens perdrait sa raison d’être en
matière contractuelle « où c’est la volonté des parties qui doit primer, sous réserve de l’ordre
public et les bonnes mœurs»45.
Il est évident que la recherche des critères de distinction entre l’obligation de
résultat et l’obligation de moyens est une tâche difficile. Selon M. Bélissent, « il semble même
que la doctrine a de longtemps définitivement renoncé à se lancer dans une telle entreprise
sans doute vouée à l’échec 46».Ce qui est le plus regrettable, c’est que la doctrine civiliste n’a
toujours pas trouvé « un critère global »47 de répartition. Les critères dégagés ne peuvent pas
faire l’objet d’une lecture ordonnée et exhaustive. Dans un tel contexte, il serait déconseillé
d’introduire en droit public des critères qui seraient chaotiques. Cela ne fera que rajouter à la
confusion.
Mais au-delà de cette difficulté liée aux critères dégagés en droit privé, il existe
une autre difficulté, qui est intrinsèque à l’obligation de résultat en droit public.
§2 : La source extracontractuelle de l’obligation de
résultat en droit public
Un obstacle majeur à la transposition des critères dégagés en droit privé tient au
fait que la question de la classification des obligations en obligations de résultat ou de moyens
se pose dans un contexte tout à fait différent.
En droit privé, même si la distinction est applicable à la fois aux obligations
contractuelles et extracontractuelles, c’est surtout dans cette première catégorie qu’elle s’est
développée. En revanche, en droit public, c’est surtout s’agissant des obligations
extracontractuelles que s’est développée cette distinction. D’ailleurs, le fait que les premiers
arrêts qui semblent consacrer implicitement une obligation de résultat en droit public soient
intervenus dans le domaine extracontractuel pousse certains auteurs à s’interroger sur
l’intention du juge administratif. Pour M. Pierre-Edouard du Cray, il n’est pas tellement
45
J. BÉLISSENT, op. cit., p. 23
J. BÉLISSENT, op. cit., p. 24
47
G. VINEY et P. JOURDAIN, « Traité de droit civil- Les conditions de la responsabilité », dir. J.
GHESTIN, Paris, LGDJ, 1998, p. 462
46
30
certain que les juges aient voulu consacrer une obligation de résultat dans ces espèces, « d’une
part, parce qu’il n’y fait pas référence expressément ; d’autre part, parce que tous les cas
évoqués ont trait au domaine extracontractuel, qui n’est pas le champ d’expression habituel
de la distinction entre les obligations de moyens et de résultat48 ». S’agissant par exemple de
l’arrêt Courtial précité, il lui semble que le juge administratif ait plutôt voulu sanctionner « un
manque de diligence évident et inacceptable » de la part des d’hygiène de la scolarité.
S’agissant de l’arrêt Marabout, il estime que ce qui est sanctionné c’est surtout le fait que
« malgré des plaintes répétées pendant deux ans, les autorités de police n’aient pas pris les
mesures appropriées pour que les interdictions soient effectivement observées 49».
Les critères dégagés en droit privé ont été développés surtout s’agissant des
obligations découlant des contrats. Or, en droit public, ces obligations essentiellement
découlent des lois. Les critères dégagés en droit privé sont ainsi inadaptés à la détermination
de l’obligation de résultat en droit public. On peut tout de même envisager une hypothèse où
ces critères peuvent être transposés en droit public. Ces critères peuvent être utilisés pour
déterminer l’existence d’une obligation de résultat dans un contrat public. Comme on est sur
le terrain contractuel, certains de ces critères peuvent être utiles. D’ailleurs, dans l’arrêt de la
Cour administrative de Douai du 26 novembre 2009 précité, la cour a cherché l’intention
commune des parties en s’intéressant aux termes de l’obligation dans le cahier des charges.
Finalement, on peut penser que ce critère de la volonté peut être l’unique critère qui soit
transposable en droit public.
Faute de pouvoir transposer en droit public les critères dégagés en droit privé, il a
fallu trouver des parades en droit public pour identifier les obligations de résultat. Or, ces
méthodes d’identification ne sont pas toujours fiables.
48
49
P-E. du CRAY, op. cit., p. 16
Ibid.
31
Chapitre 2 : Les limites des méthodes d’identification
de l’obligation de résultat en droit public
Deux méthodes peuvent être observées. En premier lieu, on a une méthode qui a
été utilisée principalement par les juges pour identifier des obligations de résultat dans les
récents arrêts qui ont consacré la notion. Il s’agit du critère du recours à la volonté du
législateur (Section 1). Ensuite, il existe une autre méthode qui consiste à se fonder sur le rejet
de l’argument tiré de l’insuffisance des moyens pour déceler les obligations de résultat. Or,
cette méthode est critiquable pour différentes raisons (Section 2).
Section 1 : Le recours au critère de la volonté du
législateur en droit public
En droit public, l’obligation de résultat est envisagée sous l’angle de la
responsabilité pour faute. Une faute est définie par Planiol, comme « la violation d’une
obligation préexistante ». En matière extracontractuelle, les obligations découlent
essentiellement des sources législatives. Ainsi, pour déterminer la nature de l’obligation, il
faut se tourner avant tout vers la volonté du législateur. C’est d’ailleurs, la voie qui a été
suivie par le juge administratif dans les arrêts récents consacrant explicitement l’obligation de
résultat. Il convient de voir dans un premier temps comment est déterminée cette volonté du
législateur (§1). Si ce critère de la volonté du législateur a des avantages, force est de
constater qu’il a quand même des limites (§2).
§1 : La détermination de la volonté en droit public
Le législateur peut qualifier expressément une obligation qu’il met à la charge
d’une personne publique d’obligation de résultat. Dans un tel cas, il n’y a aucune ambiguïté
possible. Le législateur a clairement fait connaître sa volonté de consacrer une obligation de
résultat. Toutefois, le problème se pose lorsque le législateur n’a pas défini la nature d’une
obligation.
Dans un tel cas, pour déterminer la nature de cette obligation, le juge se tourne
souvent vers les travaux préparatoires. Cette tendance s’observe principalement dans les arrêts
récents qui ont consacré explicitement l’obligation de résultat. Par exemple, dans un jugement
du 17 décembre 2010 précité, le Tribunal administratif de Paris s’est référé aux travaux
parlementaires pour déterminer la nature de l’obligation de l’État s’agissant du droit au
32
logement opposable. Ainsi, dans cette décision, le juge précise que : « Considérant que ces
dispositions, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé leur adoption, fixent
une obligation de résultat pour l'État, désigné comme garant du droit au logement décent et
indépendant ».
On peut citer un autre exemple où cette fois-ci le juge à refusé de consacrer une
obligation de résultat. Il s’agit d’un arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris du 11
avril 201350. Dans cet arrêt, l’association requérante soutenait qu’en vertu de la loi du 30
décembre 1996, qui pose le principe du droit à respirer un air pur, les autorités de l’État sont
soumises à une obligation de résultat dans la mise en œuvre des dispositions législatives et
réglementaires visant la réduction des substances polluantes contenues dans l’air. Pour
connaître la nature de l’obligation mise à la charge des autorités de l’État, le juge s’est
d’abord référé à l’article L. 220-1 du code de l’environnement. L’article prévoit que ces
autorités « concourent » à une politique dont l’objectif est la mise en œuvre du droit à respirer
un air sain. Le juge en a déduit une obligation de moyens. Mais le juge ne s’arrêtera pas là. Il
va se pencher sur les débats parlementaires lors de l’adoption de la loi pour cerner la volonté
du législateur. Le rapport de la commission des affaires économiques et du plan du Sénat
indiquait que « l’objet du projet de loi n’est plus l’affirmation du droit de chacun à respirer
un air pur, mais la reconnaissance d’une politique dont l’objectif est la mise en œuvre du
droit […] à respirer un air pur ». A partir de ces affirmations, la cour a déduit qu’il s’agissait
ici d’une obligation de moyens et non une obligation de résultat. Elle a ainsi rejeté la requête
de l’association.
Ce critère de la volonté du législateur est très utile dans la définition de
l’obligation de résultat en droit public. En outre, cela permet au législateur d’anticiper les
contentieux dès la phase d’adoption des lois. La détermination de la nature d’une obligation
légale n’est pas laissée à la libre appréciation du juge. Toutefois, on doit reconnaître que ce
critère de la volonté du législateur a ses limites.
§2 : Les limites du critère de la volonté du législateur
en droit public
Ce critère de volonté du législateur pose une limite essentielle à la reconnaissance
de l’obligation de résultat. Jusqu’à présent la notion d’obligation de résultat est envisagée
50
CAA Paris, 11 avril 2013, Association « Les Amis de la Terre », req. n° 12PA00633
33
dans des cas où un texte particulier a précisé l’obligation attendue de la part de la personne
publique. Il en est ainsi, s’agissant du droit au logement opposable ou encore du droit à
respirer un air pur. La faute est ainsi envisagée qu’en tant que manquement à une obligation
légale de résultat. Cela implique que l’obligation de résultat ne pourra pas être invoquée sur le
fondement de principes généraux du droit. Cela cantonne forcément le champ de l’obligation
de résultat51.
Le critère de la volonté du législateur est surtout un critère qui a été utilisé par la
jurisprudence pour déceler une obligation de résultat. Or, dans la doctrine, on remarque
souvent que les auteurs font référence à un autre critère pour déterminer la nature d’une
obligation.
Section 2 : Le recours critiquable au critère de
l’indifférence de l’insuffisance des moyens
Souvent, la doctrine semble raisonner a contrario. Elle déduit l’existence d’une
obligation de résultat à partir du refus du juge administratif d’exonérer l’État de sa
responsabilité sur le fondement de l’insuffisance des moyens. Or, cette approche n’est pas la
meilleure approche pour déterminer une obligation de résultat, d’une part parce que le rejet de
l’argument tiré de l’insuffisance des moyens ne signifie pas forcément qu’il existe une
obligation de résultat (§1). En outre, en droit public, il se trouve que parfois les moyens et les
résultats sont interdépendants (2).
§1 :L’absence d’adéquation entre le rejet de l’argument
tiré de l’insuffisance des moyens et l’obligation de résultat
Il serait erroné de déduire l’existence d’une obligation de résultat à partir d’un tel
rejet. Ce raisonnement a contrario présente plusieurs défauts.
En premier lieu, le fait que le juge rejette l’argument de l’insuffisance des moyens
ne signifie pas pour autant qu’il a reconnu une obligation de résultat. Il se peut que d’autres
causes d’exonérations soient possibles. Dans un tel cas, ce ne serait pas une obligation de
résultat, car celle-ci ne peut être exonérée qu’en cas de force majeure. Ces autres causes
51
H. BELRHALI-BERNARD, « Obligation de moyens et obligation de résultat », in La
responsabilité administrative, Travaux de l'AFDA, LexisNexis, Tome 6, 2013, p. 135
34
exonératoires peuvent être par exemple, « les circonstances de lieu et de temps, la
prévisibilité du dommage, ou encore, les nécessités de l’organisation du service 52».
En outre comme le souligne Madame la Professeure Belrhali-Bernard53, il ne faut
pas considérer que l’obligation de moyens est systématiquement remplie. Selon elle, « il est
tout à fait possible de considérer que l’administration a pris des mesures et développé une
action qui s’avèrent insuffisantes, non parce qu’elle n’atteint pas le résultat promis, mais
parce qu’elle dispose d’autres moyens qui n’ont pas été mobilisés 54». Pour supporter cet
argument, elle cite des décisions du juge administratif dans le cadre du référé-liberté qui
abondent en ce sens. Ainsi, s’agissant de l’hébergement des demandeurs d’asile, par une
ordonnance du 5 août 201155, le Conseil d’État a considéré que l’administration n’avait pas
développé tous les moyens dont elle disposait. On peut aussi citer une décision du Tribunal
administratif de Paris56 relative au Pôle emploi. Dans cette ordonnance, le juge souligne que
Pôle emploi doit mettre en œuvre tous les moyens disponibles dans l’accompagnement d’un
demandeur dans sa recherche d’emploi.
Ainsi, le rejet de l’insuffisance des moyens n’est pas en soi caractéristique de
l’obligation de résultat. Il est possible de rejeter cet argument, tout simplement parce qu’il
n’existait pas une réelle insuffisance des moyens. Cela démontre ainsi, les défauts de ce
critère. Ce critère est aussi inapproprié car en droit public, plus qu’en droit privé, les notions
de moyens et de résultats sont intimement liées.
§2 : L’interdépendance des moyens et des fins en droit
public
En droit privé, on voit déjà une atrophie de la séparation entre l’obligation de
résultat et l’obligation de moyens. On voit aujourd’hui apparaître des degrés d’intensité de
chacune de ces obligations. Cela démontre le lien qui existe parfois entre le résultat et les
moyens. En droit public aussi parfois, les deux notions s’entremêlent.
52
P-E du CRAY, op ; cit., p. 16
H. BELRHALI-BERNARD, op. cit., p. 142
54
Ibid.
55
CE, ord., 5 août 2011,M. A., req. n° 351083
56
TA Paris, ord., 12 septembre 2012, M. K., req. n° 1216080/9
53
35
Il y a en effet des auteurs57 qui considèrent qu’en droit public, il y aurait « une
interdépendance des moyens et des fins58 ». Selon Professeure Belrhali-Bernard, «offrir une
prestation est autant affaire de moyens que de résultat ». Elle cite notamment les arrêts
Laruelle et Beaufils pour illustrer cela. Dans ces deux arrêts, la carence de l’État résulte « de
ce que l’administration n’a pas pris l’ensemble des mesures, ni mis en œuvre les moyens
nécessaires pour rendre le droit effectif 59». Il semblerait dans ce cas que l’obligation de
résultat soit confondue avec une « obligation de développer tous les moyens disponibles 60».
57
M. PAILLET, « La faute du service public en droit administratif français », Paris, LGDJ, 1980,
p. 332 ; V.D. DORLENCOURT-DEITRAGIACHE, « Contribution à une théorie de la carence en droit
administratif français », thèse Paris II, 1972, p. 914
58
H. BELRHALI-BERNARD, op. cit., p. 143
59
Ibid.
60
Ibid.
36
Conclusion de la première partie
En l’absence de critères prédéfinis de l’obligation de résultat en droit public, cette
notion sera source de confusion. Si certains arrêts citent expressément l’expression
« obligation de résultat », d’autres n’en font même pas mention. En s’appuyant sur l’analyse
faite par certains auteurs, on pourrait penser que certains arrêts consacrent implicitement cette
notion. Mais aujourd’hui, en l’état actuel de la jurisprudence, on avance à l’aveuglette en
matière d’obligation de résultat en droit public. Ainsi, une définition des critères de
l’obligation de résultat serait plus que souhaitable en droit public. Certes, la notion est entrée
en droit public. Mais elle peine à s’adapter aux spécificités du droit public. Malgré une
identification problématique, l’obligation de résultat continue à séduire les publicistes en
raison de son régime plutôt avantageux. Or, force est de constater, que l’avantage que le droit
public peut tirer de cette notion n’est que relatif.
37
Partie II : L’utilité de l’obligation de résultat
en droit public : la garantie des « droits-créances »
Si l’obligation de résultat semble inadaptée au droit public, on pourrait se
demander les raisons pour lesquelles on continue à y faire référence. En outre, dans certains
cas, c’est la doctrine qui incite le juge à qualifier une obligation d’obligation de résultat. En
droit public, il serait impossible de brandir l’argument de l’héritage historique car cela ne fait
que quelques années depuis que le droit public reconnaît la notion. En réalité, si la notion
d’obligation de résultat a une utilité en droit public, c’est notamment dans le domaine des
« droits-créances ». La consécration de l’obligation de résultat en droit public a permis aux
titulaires d’assurer l’effectivité de leurs droits (Titre 1). Il ne faut pas oublier que la
consécration de l’obligation de résultat en droit public s’est opérée dans le cadre du
contentieux de la responsabilité extracontractuelle. Cette consécration de l’obligation de
résultat afin de garantir l’effectivité des « droits-créances », met en lumière un nouveau rôle
de l’action en responsabilité : la protection des droits fondamentaux. Toutefois, force est de
constater, qu’en tant qu’outil de protection des droits fondamentaux, l’action en responsabilité
n’a qu’un succès relatif (Titre 2).
38
Titre 1 : La consécration de l’obligation de
résultat en droit public: une garantie de l’effectivité des
« droits-créances »
La notion de « droit-créances » désigne « une catégorie de droits de nature
positive qui exigent de l'État une prestation matérielle 61». Ces droits sont le domaine de
prédilection de l’obligation de résultat en droit public (Chapitre 1). En effet, la plupart des
arrêts consacrant l’obligation de résultat en droit public ont été rendus dans des affaires
relatives à ces droits. La consécration de l’obligation de résultat en droit public est vue
essentiellement comme un outil pour assurer l’effectivité de ces droits (Chapitre 2).
61
L. CORRE, « Les « droits-créances » et le référé-liberté », DA, février 2012, n°2, Étude 3
39
Chapitre
1:
Les
droits-créances :
domaine
de
prédilection de l’obligation de résultat en droit public
La notion de droits-créances fait apparaître une vision nouvelle de l’État. On
oppose les droits-créances aux droits-libertés. S’agissant de cette dernière catégorie, l’État ne
doit pas entraver leur exercice. Ainsi, ces droits imposent juste une abstention à l’État. On
peut citer comme exemple la liberté d’opinion ou encore la liberté d’expression. Les « droitcréances », quant à eux impose à l’État de fournir une prestation positive. Selon le professeur
Norbert Foulquier, ces droit sont conférés « pour la réalisation de l’épanouissement
individuel, et pas seulement dans une perspective d’intérêt général et de paix publique 62».
Selon le même auteur, « ces droits, sanctionnés par des actions en justice, se caractérisent
par un pouvoir d’exiger des prestations précises de la part du pouvoir administratif 63». Cela
entraîne nécessairement un changement dans la nature de l’État. L’État devient ainsi un
prestataire de service. La consécration de l’obligation de résultat en droit public accentue
nécessairement ce phénomène (Section 1). Ce changement étant précisé, il convient de
s’intéresser à quelques exemples de droits-créances concrétisés grâce à la consécration de
l’obligation de résultat en droit public (Section 2).
Section 1 : L’accentuation du phénomène d’État
prestataire
La transformation de l’État en État prestataire est le fruit d’une longue évolution.
Cette transformation s’est faite progressivement avec des incitations venant tant du droit
interne que droit européen (§1). La consécration de l’obligation de résultat va pousser le
mouvement plus loi en assurant une effectivité de certains droits-créances. A ce titre, on ne
peut s’empêcher de la comparer avec les obligations positives consacrées par la Cour
européenne des droits de l’Homme (§2).
§1 : La transformation progressive de l’État en
prestataire de services
62
N. FOULQUIER, « Les droits publics subjectifs des administrés : émergence d'un concept en
droit administratif français du XIXe au XXe siècle », Paris, Dalloz, 2003, p. 563
63
Ibid.
40
Initialement, cette notion de droits-créances ou ce que, le professeur Norbert
Foulquier appelle « droits publics subjectifs positifs64 » avait connu une hostilité tant de la
part de la doctrine que du Conseil d’État. La notion de droit subjectif des administrés était très
mal vue d’une bonne partie de la doctrine.
La Constitution du 27 octobre 1946 a quelque part permis de mettre « en évidence
que les relations entre les particuliers et l’administration reposaient sur la reconnaissance,
au profit des particuliers, de « pouvoirs d’exiger » 65». Le Préambule de la Constitution de
1946 comportait un certain nombre de droits-créances à travers les principes politiques,
économiques et sociaux particulièrement nécessaires à notre temps. Même si certains auteurs
reconnaissaient la valeur constitutionnelle du Préambule, ils ont efforcé de limiter l’impact de
ces principes en leur niant la qualité de libertés publiques. Même après la décision du Conseil
constitutionnel du 11 juillet 1971, la doctrine continuait à minimiser ces droits. Cette hostilité
envers les droits publics subjectifs était aussi partagée par le Conseil d’État. C’est finalement
le Conseil constitutionnel qui va venir garantir ces droits. Ainsi, par exemple, il a pu
consacrer des droits à des prestations matérielles tels que le droit à la sécurité matérielle 66, le
droit à la protection de la santé67 ou encore le droit à l’instruction publique68. Aujourd’hui, on
a des lois qui viennent mettre en œuvre ces droits. C’est d’ailleurs dans le cadre des
obligations mises en place par de telles lois que le Conseil d’État a pu consacrer l’obligation
de résultat en droit public.
Avec la consécration de l’obligation de résultat, on passe à une étape nouvelle
dans cette évolution du rôle de l’État. Si dans le passé, le Conseil d’État avait pu admettre que
des droit-créances soient invoqués devant lui, il franchit désormais une étape supplémentaire.
La consécration de l’obligation de résultat en droit public accentue l’intensité de l’obligation
pesant sur l’État. Il est ainsi plus difficile pour l’État de s’exonérer de sa responsabilité. Cette
consécration confirme le changement du rapport de l’usager avec l’État. Comme le souligne
le professeur Jacques Chevallier, « les attentes légitimes de résultats sont désormais celles de
l’usager vis-à-vis des services publics, et non plus celles de l’État vis-à-vis des assujettis69 ».
64
N. FOULQUIER, « Les droits publics subjectifs des administrés : émergence d'un concept en
droit administratif français du XIXe au XXe siècle », Paris, Dalloz, 2003, p. 561
65
N. FOULQUIER, op ; cit., p. 555
66
CC, 25 et 26 juin 1986, déc. n° 86-207 DC
67
CC, 15 janvier 1975, IVG, déc. n° 74-54 DC
68
CC, 13 janvier 1994, déc. n° 93-329 DC
69
J. CHEVALLIER, « L’obligation en droit public », Arch. Phil ; dr., 2000, t. 44, p. 191
41
Il ne faut pas oublier que le juge constitutionnel n’est pas le seul qui ait contribué
à la consécration des droits-créances par la jurisprudence administrative. Le droit
communautaire et la Cour européenne des droits de l’Homme ont aussi contribué à cette
évolution. S’agissant de la Cour européenne des droits de l’Homme, elle a recours à la notion
d’obligations positives, qui n’est pas sans rappeler la notion d’obligation de résultat.
§2 : Obligations positives et obligations de résultat
Les deux notions ont un même objectif s’agissant des droits de créance. Toutefois,
elles ne sont pas totalement assimilables l’une à l’autre.
Contrairement aux libertés, qui sont opposables à l’État, les droits-créances sont
exigibles de lui. Ainsi, selon Jean Rivero70, ils doivent être mis en œuvre sinon ils
demeureront virtuels. L’obligation de résultat en droit interne et l’obligation positive en droit
européen concourent toutes les deux à la mise en œuvre de ces droits. S’agissant de la
Convention européenne des droits de l’Homme, la Cour a estimé que ses dispositions devaient
se comprendre d’un manière qui les rende effectives et concrètes. C’est dans ce but que la
Cour peut imposer des obligations positives aux État. En se fondant ainsi sur cette notion
d’obligations positives, la Cour a pu imposer aux États de procéder à des réformes juridiques
relatives au respect de la vie privée71 ou encore au droit à la vie familiale72.
Même si elles ont toutes les deux le même but, il ne faut pas confondre
l’obligation de résultat avec l’obligation positive relevant de la CEDH. Les obligations
positives auxquelles la Cour européenne des droits de l’Homme fait référence peut être tantôt
une obligation de moyens tantôt une obligation de résultat. Ainsi, parfois, cette obligation
peut être interprétée comme « l’obligation d’user des meilleurs moyens73 ». Par exemple, dans
un arrêt de 200974, la Cour a estimé que « l’obligation de l’État défendeur de mener une
enquête sur l’éventuelle connotation raciste d’un acte violent est une obligation d’user des
meilleurs moyens mais pas une obligation absolue ». En revanche, dans certains cas, on
pourrait l’assimiler à une obligation de résultat.
L’obligation de résultat étant consacré expressément depuis peu, n’a pas encore
donnée lieu à la consécration d’un nombre important de jurisprudence. Toutefois, on peut
70
J. RIVERO, « Les libertés publiques », t. 1, Les droits de l'homme, PUF, Thémis, 1995, p. 100
CEDH, 7 juillet 1989, Gaskin
72
CEDH, 13 juin 1979, Marckx
73
H. BELRHALI-BERNARD, op. cit., p. 141
74
CEDH, 26 février 2004, Nachova et a. c : Bulgarie, req. n° 43577/98 et 43579/98
71
42
citer quelques droits qui ont reçu une meilleure concrétisation avec la consécration de
l’obligation de résultat.
Section 2 : Exemples de droitscréances concrétisés à travers l’obligation de résultat
Il y a surtout deux droits-créances qui ont été protégés par la consécration de
l’obligation de résultat en droit public. Il s’agit du droit au logement opposable (§1) et le droit
au suivi pluridisciplinaire des personnes autistes (§2).
§1 : Le droit au logement opposable
Ce droit a été consacré par une loi du 5 mars 2007, dont les dispositions sont
reprises à l’article L 300-1 du code de la construction et de l’habitation. Ce texte consacre le
droit « opposable » à un logement décent et indépendant, ouvert à «toute personne qui,
résidant sur le territoire français de façon régulière et dans des conditions de permanence
définies par décret en Conseil d'Etat, n'est pas en mesure d'y accéder par ses propres moyens
ou de s'y maintenir ». Afin de garantir ce droit, le législateur a mis en place un double recours,
prévu aux articles L 441-2-3-1 et R. 441-16-1 CCH. Les personnes concernées doivent
d’abord effectuer un recours amiable devant une commission de médiation départementale,
qui est chargée de désigner à l’administration les demandeurs prioritaires et dont la demande
doit être satisfaite en urgence. Si dans un délai de trois à six mois, le préfet n’a pas offert un
logement tenant compte de leurs besoins et leurs capacités financières, les personnes
concernées peuvent faire un recours contentieux devant le juge administratif afin d’obtenir
une injonction, le cas échéant sous astreinte, en vue de leur logement ou relogement. On voit
clairement que ce droit est un droit-créance car il permet à l’intéressé d’exiger de l’État qu’il
lui donne un logement décent.
Or, cette loi avait été adoptée dans un contexte assez tendu où il y avait une
pénurie de logements. Ainsi, des personnes qui étaient pourtant sur la liste prioritaires ne se
sont pas vues offrir un logement, et ce malgré l’intervention de décisions de justice en faveur
de ces personnes. Dans une telle situation, ils n’ont pas trouvé d’autres moyens que d’exercer
une action en responsabilité contre l’État
C’est dans le cadre de telles actions que le Conseil d’État a pu consacrer dans son
arrêt du 15 février 2013 l’obligation de résultat pesant sur l’État en la matière. Mais comme
43
mentionné précédemment, les juges du fond avaient déjà consacré l’obligation de résultat
pesant sur l’État bien avant la décision du Conseil d’État. Si le Conseil d’État avait choisi de
voir ici une obligation de moyens, l’État aurait pu facilement se délier de sa responsabilité en
invoquant notamment la pénurie de logements. Or, la reconnaissance d’une obligation de
résultat rend inopérant un tel moyen. Cela offre ainsi une meilleure protection aux
administrés. Cela permet en outre l’indemnisation du requérant.
§2 : Le droit au suivi pluridisciplinaire des personnes
autistes
Le second droit qui a été concrétisé par la consécration de l’obligation de résultat
est le droit au suivi pluridisciplinaire des personnes autistes.
Il découlait de l'article L. 246-1 du code de l'action sociale et des familles « toute
personne atteinte du handicap résultant du syndrome autistique et des troubles qui lui sont
apparentés bénéficie, quel que soit son âge, d'une prise en charge pluridisciplinaire qui tient
compte de ses besoins et difficultés spécifiques. Adaptée à l'état et à l'âge de la personne et eu
égard aux moyens disponibles, cette prise en charge peut être d'ordre éducatif, pédagogique,
thérapeutique et social ». Dans la mise en œuvre de cette disposition, la carence de l’État
avait été relevée à plusieurs reprises. D’ailleurs, dans une décision du 4 novembre 2003, le
comité européen des droits sociaux du Conseil de l’Europe avait pu constater la violation par
la France des articles 15§1er et 17§1er de la charte sociale européenne. Il était notamment
reproché à la France le manque d’institutions spécialisées.
Dans l’arrêt Beaufils précité, le Conseil d’État a reconnu que pesait sur l’État une
obligation de résultat en la matière. Ainsi, cela a permis une concrétisation de ce droit au suivi
pluridisciplinaire. Toutefois, il convient de noter qu’en la matière, cette obligation de résultat
n’impose pas une modalité de suivi en particulier. Comme le souligne la Professeure BelrhaliBernard, « les caractéristiques du suivi constituent le résultat à atteindre mais une place en
établissement spécialisé ne s'impose pas nécessairement d'emblée ».
Ces domaines ne sont pas les seuls où l’obligation de résultat est venue
concrétiser un droit-créance. On a aussi d’autres domaines tels que le droit à la scolarisation
des enfants handicapés. Il semblerait que ce soit les questions liées aux droits des handicapés
44
qui ont surtout permis à la notion d’obligation de résultat de s’épanouir en droit public. Cela
n’est pas prêt de finir si tôt. En effet, la loi Handicap de 2005 avait fixé comme date limite le
1er janvier 2015 pour que les acteurs publics et privés se mettent en conformité avec les règles
d’accessibilité. En 2015, cela pourrait donner lieu à un important contentieux. Comme la
notion d’obligation de résultat a été consacrée en droit public, il y aura sûrement des actions
en responsabilité contre l’État pour manquement à une obligation de résultat si jamais cette
mise en conformité n’est pas faite à temps. Toutefois, il semblerait que le législateur ait déjà
anticipé ces risques contentieux. C’est la raison pour laquelle un projet de loi a été présenté en
vue de permettre au gouvernement d’adopter des mesures par ordonnance afin d’accorder un
délai supplémentaire aux acteurs public et privés qui ne pourront pas se mettre en conformité
à la date du 1er janvier 2015.
Les effets de l’obligation de résultat sur le rôle de l’État étant précisé, il convient à
présent de s’intéresser à l’efficacité de l’obligation de résultat dans la protection des droitscréances.
45
Chapitre 2 : L’efficacité de l’obligation de résultat
dans la protection des droits-créances
Sur le terrain de la responsabilité administrative, la reconnaissance de l’obligation
de résultat a forcément des avantages procéduraux. En effet, cela permet plus facilement de
mettre en cause la responsabilité de l’État (Section 1). Au-delà du champ de la responsabilité
administrative, on regrette que cette consécration n’ait pas eu d’influence sur les procédures
de référé-liberté (Section 2).
Section 1 : Une mise en cause facilitée de l’État
En matière de responsabilité administrative, la classification d’une obligation en
obligation de résultat a deux avantages procéduraux majeurs. D’une part, le requérant
supporte une charge de la preuve qui est allégée (§1). Ensuite, il est plus difficile pour l’État
de s’exonérer de sa responsabilité (§2).
§1 : Une charge de la preuve favorable au requérant
L’allègement de la charge de la preuve est un des attraits majeurs de l’obligation
de résultat, tant en droit privé qu’en droit public.
Lorsqu’une obligation est une obligation de moyens, il ne suffit pas de démontrer
que le créancier n’a pas atteint le résultat qu’il s’était engagé à accomplir. Il faudra en plus
prouver que cette inexécution est due à un manque de diligence de sa part. En revanche,
lorsqu’une obligation est qualifiée d’obligation de résultat, il suffit tout simplement de
prouver que le résultat promis n’a pas été atteint.
En droit administratif, c’est le même principe qui s’applique. Le manquement à
l’obligation de moyen est une faute, tout comme le manquement à une obligation de résultat.
Toutefois, s’agissant de l’obligation de résultat, la charge de la preuve sera allégée.
Cet allègement de la charge de la preuve a un intérêt majeur en ce qui concerne
les droits-créances. Ces droits sont des droits exigibles à l’État. Ils sont surtout des droits
censés être effectifs et non virtuels. Si l’État est soumis à une obligation de résultat s’agissant
d’un droit-créance, il suffirait pour le requérant de soulever l’ineffectivité du droit. Selon la
Professeure Belrhali-Bernar, cette ineffectivité constituerait en soi le manquement à
l’obligation de résultat.
46
Au-delà de la charge de la preuve, l’intérêt de l’obligation de résultat réside dans
la difficile exonération de la responsabilité.
§2 : Une exonération difficile de l’État
En droit privé, le créancier de l’obligation de résultat ne peut être exonéré qu’en
présence d’une cause étrangère ayant les caractères de la force majeure.
En droit privé, la force majeure doit répondre à trois critères. Il faut d’abord que
l’évènement soit imprévisible. Il faut aussi qu’il soit irrésistible. Finalement, il faut qu’il soit
extérieur au défendeur. En droit administratif aussi, le cas de force majeure doit répondre à
ces trois critères. Il convient toutefois de noter que la jurisprudence administrative n’admet
que très rarement le cas de force majeure.
Selon la professeure Belrhali-Bernard, il reste possible pour l’administration
d’invoquer le fait du tiers ou le fait de la victime en matière d’obligation de résultat.
La qualification d’une obligation en obligation de résultat a pour effet que l’État
ne pourra pas se prévaloir des moyens tirés des contingences du service ou encore le manque
de crédits budgétaires75. Ainsi, l’action en responsabilité du requérant a plus de chances
d’aboutir.
Au-delà de l’action es responsabilité, il aurait été souhaitable que la consécration
de l’obligation de résultat ait un impact en matière de référé-liberté.
Section 2 : L’influence minime de l’obligation de
résultat sur le référé-liberté
Si lors de la réforme des procédures d’urgence en 2000, il a pu paraître douteux
que les droits-créances puissent entrer dans le champ du référé-liberté, aujourd’hui cette
question est tranchée (§1). Toutefois, alors que l’obligation de résultat a concrétisé certains
droits de créance, force est de constater que des efforts restent à faire en matière de référéliberté (§2).
§1 : L’inclusion des droits-créances dans le champ du
référé-liberté
75
CE, 1988, Giraud, préc.
47
L'article L. 521-2 du Code de justice administrative prévoit que, « saisi d'une
demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures
nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de
droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait
porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le
juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ».
Cet article avait été présenté comme la « vedette contentieuse76 » lors de la refonte
des procédures d’urgence par la loi du 30 juin 2000. Toutefois, à aucun moment le texte ne
fait mention des droits-créances. Il y avait deux écoles qui s’opposaient. D’un côté, il y avait
ceux qui militaient pour une interprétation restrictive du texte et donc voulaient bannir les
droits-créances du champ du référé-liberté. De l’autre côté, il y avait ceux qui promouvaient
une interprétation extensive du texte.
Toutefois, la réponse viendra du Conseil d’État lui-même. Aujourd’hui, on peut
citer de nombreuses décisions par lesquelles le juge administratif inclut les droits-créances
dans le champ du référé-liberté. Par exemple, par une ordonnance du 27 novembre 2013, il a
accordé un référé-liberté en matière de la prise en charge effective, pluridisciplinaire et
adaptée des personnes handicapées.
La consécration de l’obligation de résultat en droit public devrait contribuer à une
meilleure protection des droits-créances par le référé-liberté.
§2 : Une amélioration souhaitée du référé-liberté par
l’obligation de résultat
Le référé –liberté est une procédure qui permet d’assurer l’effectivité d’une liberté
fondamentale mieux que l’action en responsabilité. En matière de prise en charge des
personnes handicapées par exemple, au-delà de la réparation du préjudice subi, ce que les
requérants recherchent avant tout c’est l’effectivité de leur droit à une prise en charge
pluridisciplinaire. Par exemple, dans l’arrêt du Conseil d’État du 27 novembre 2011, au-delà
de l’engagement de la responsabilité de l’État, les parents voulaient que leurs enfants soient
scolarisés. A travers le référé-liberté, le juge dispose des moyens de garantir l’effectivité de ce
droit en attendant un jugement sur le fond.
76
R. VANDERMEEREN, « La réforme des procédures d'urgence devant le juge administratif »,
AJDA, 2000, p. 712.
48
Toutefois, alors qu’on aurait pu s’attendre à ce que la consécration de l’obligation
de résultat rende plus efficace le référé-liberté, tel ne fut pas le cas. Puisque le Conseil d’État
a pu reconnaître dans les arrêts Laruelle et Beaufils que l’État était tenu d’une obligation de
résultat en matière de scolarisation des enfants handicapés et de suivi pluridisciplinaire des
personnes autistes respectivement, et on aurait pu penser que s’agissant de la définition du
critère de carence dans le domaine du référé-liberté, c’est cette acception qui va primer. Or, ce
n’est pas la position suivie par le Conseil d’État. Dans une ordonnance du 27 novembre
201377, le Conseil d’État a précisé que : « Considérant que ces dispositions imposent à l'Etat
et aux autres personnes publiques chargées de l'action sociale en faveur des personnes
handicapées d'assurer, dans le cadre de leurs compétences respectives, une prise en charge
effective dans la durée, pluridisciplinaire et adaptée à l'état comme à l'âge des personnes
atteintes du syndrome autistique ; que si une carence dans l'accomplissement de cette mission
est de nature à engager la responsabilité de ces autorités, elle n'est susceptible de constituer
une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, au sens de l'article L.
521-2 du code de justice administrative, que si elle est caractérisée, au regard notamment des
pouvoirs et des moyens dont disposent ces autorités, et si elle entraîne des conséquences
graves pour la personne atteinte de ce syndrome, compte tenu notamment de son âge et de
son état ». Il en découle que le Conseil d’État envisage cette carence plutôt sous l’angle de
l’obligation de moyens.
Ainsi, la consécration de l’obligation de moyens n’est malheureusement pas
suffisante pour protéger les droit-créances. Toutefois, cette consécration a eu un rôle de
révélateur. Grâce à cette notion, il y a eu une instrumentalisation de l’action en responsabilité
afin de protéger les droits et libertés fondamentaux. Toutefois, l’action en responsabilité n’est
pas pour autant un outil efficace pour la protection des droits.
77
CE, ord, 27 novembre 2013, req. n° 373300
49
Titre 2 : L’aptitude relative de la responsabilité
administrative à garantir effectivement les droits-créances
L’action en responsabilité n’avait jusqu’à présent pas été imaginé comme un outil
de protection des droits-créances. Or, avec la consécration de l’obligation de résultat en droit
public, on a vu apparaître son nouvel avatar (Chapitre 1). Toutefois, on peut constater que
l’action en responsabilité n’est pas pour autant un outil très efficace pour la protection des
droits-créances (Chapitre 2).
50
Chapitre 1 : Le rôle nouveau de la responsabilité
administrative : La protection des droits-créances
Il convient de voir dans un premier temps l’intérêt de l’action en responsabilité
pour faute dans la protection des « droits créances » (Section 1). Ensuite, il convient de voir
l’intérêt de l’action en responsabilité sans faute (Section 2).
Section 1 : L’intérêt de l’action en responsabilité
pour faute en matière de protection des droits-créances
L’action en responsabilité a pu acquérir son nouveau rôle de protecteur des droitscréances dans le cadre de la responsabilité pour faute. Aujourd’hui, l’action en responsabilité
présente deux rôles essentiels en matière de protection des droits. D’abord, c’est une action
complémentaire possible lorsque le recours pour excès de pouvoir s’avère impossible (§1).
Ensuite, c’est une garante de l’effectivité des droits (§2).
§1 : L’action en responsabilité : complément du recours
pour excès de pouvoir
Selon Madame le professeur Belrhali-Bernard, « Si le recours pour excès de
pouvoir et le référé-liberté sont souvent considérés comme des instruments primordiaux de
protection des droits fondamentaux, l'intérêt de l'action en responsabilité administrative à cet
égard semble en revanche grandement sous-estimé78 ». L’action en responsabilité a été vue
comme uniquement sous son aspect réparateur. On ne lui a jamais, jusqu’à présent, attribué un
rôle de protection des droits fondamentaux. Grâce à la consécration de l’obligation de résultat,
l’action en responsabilité sort de l’ombre de ces deux instruments.
Aujourd’hui, cette action en responsabilité devient même aussi importante que le
recours pour excès de pouvoir en matière de protection des droits fondamentaux. Selon
Madame le professeur Belrhali-Bernard, l’action en responsabilité constitue « un instrument
complémentaire lorsque le recours pour excès de pouvoir n’est plus envisageable 79».
§2 : L’action en responsabilité : garante de l’effectivité
des droits-créances
78
H. BELRHALI-BERNARD, «
fondamentax », AJDA, 2009, p. 1337
79
Ibid.
Responsabilité administrative et protection des droits
51
L’action en responsabilité contribue aussi et surtout à garantir l’effectivité des
droits-créances. Cela se voit notamment dans le contentieux relatif au droit au logement
opposable. Certes, la loi avait mis en place un dispositif permettant de former un recours
juridictionnel. Toutefois, cela ne fonctionnait pas à perfection. En effet, il y avait des
personnes qui étaient sur la liste prioritaire et qui avaient bénéficié d’une décision
juridictionnelle en leur faveur mais qui n’avaient toujours pas trouvé de logement.
Finalement, c'est à travers l’action en responsabilité qu’ils ont pu retrouver l’effectivité de
leur droit au logement opposable.
On pourrait toutefois se demander si la consécration de l’obligation de résultat
était nécessaire en droit public, sachant qu’il existait déjà d’autres mécanismes.
Section 2 : L’intérêt des autres types d’action en
responsabilité
Certes, la consécration de l’obligation de résultat a mis en lumière un aspect
nouveau de l’action en responsabilité. Toutefois, on ne peut s’interroger sur la nécessité de sa
consécration alors qu’il existait d’autres mécanismes de responsabilité administrative qui
auraient pu servir pour garantir l’effectivité des droits –créances. Il y a d’abord
la
responsabilité sans faute (§1) et ensuite la responsabilité pour faute présumée (§2).
§1 : L’inefficacité de la responsabilité sans faute
La responsabilité sans faute en droit public a deux fondements. Elle peut être
fondée soit sur le risque, soit sur la rupture d’égalité devant les charges publiques. On
s’intéressera uniquement à ce deuxième fondement. Dans ce cas, il faut que le préjudice soit
anormal et spécial.
En matière de droits-créances, on peut citer deux arrêts qui ont eu recours à ce
régime de responsabilité. Le premier arrêt est un arrêt du Conseil d’État du 22 octobre 201080.
En l’espèce, une avocate atteinte d’un handicap moteur l’obligeant à se déplacer en fauteuil
roulant, avait intenté une action contre l’État. Elle soutenait qu’elle avait des difficultés à
exercer son activité professionnelle en raison de l’inaccessibilité des palais de justice en
fauteuil roulant. Elle invoquait à la fois la responsabilité pour faute et la responsabilité sans
faute. Le Conseil d’État a rejeté les moyens tirés de la responsabilité pour faute de l’État. Par
80
CE ass., 22 octobre 2010, Mme Bleitrach, n° 301572
52
contre, il reconnaît qu’il existait une responsabilité sans faute pour rupture devant les charges
publiques. Le Conseil d’État a reconnu qu’elle avait subi un préjudice anormal et spécial.
Finalement, le Conseil d’État ne va l’indemniser que pour le seul préjudice moral qui s’élève
à 20 000 euros alors qu’elle réclamait un montant total de 150 000 euros.
La seconde décision en la matière est un jugement du Tribunal administratif de
Lyon du 29 septembre 200581. Dans ce jugement, il est question du droit de scolarisation des
enfants handicapés. Dans cet arrêt, le juge ne se fondera pas sur la faute pour violation d’une
obligation de résultat pour indemniser les requérants. Au contraire, il va se fonder sur la
responsabilité sans faute et indemniser la rupture d’égalité devant les charges publiques.
D’ailleurs, dans ses conclusions sur l’arrêt Laruelle, le rapporteur public avait mentionné que
les requérants pouvaient se fonder sur la responsabilité sans faute, si les critères étaient
remplis, afin de demander indemnisation en matière de droit à la scolarisation des personnes
handicapées.
Certes, le régime de responsabilité sans faute a pu servir pour indemniser des
atteintes à des droits-créances. Mais, ce n’est pas pour autant un instrument efficace. La
preuve du préjudice spécial et anormal peut parfois être difficile. C’est pour cette raison que
les requérants préfèreront se placer sur le terrain de la responsabilité pour faute.
§2 : La responsabilité pour faute présumée
La notion d’obligation de résultat peut faire penser à la notion de faute présumée.
En principe, en droit administratif, la faute est prouvée. Ainsi, la victime devra en
apporter la preuve. Toutefois, il existe un mécanisme de présomption de faute. Dans ce cas, la
charge de la preuve est inversée. C’est à l’administration de prouver l’absence de faute.
Cela n’est pas sans rappeler la notion d’obligation de résultat. Dans les deux cas,
les requérants auront une charge de la preuve qui est allégée. Dans un tel contexte, on pourrait
se demander quelle était l’utilité de consacrer l’obligation de résultat en droit public, alors
qu’il existait déjà la faute présumée.
Malheureusement, la notion de faute présumée n’est limitée qu’à deux hypothèses
en droit public : les accidents subis par les usagers des ouvrages publics et certains accidents
subis par les personnes en traitement dans les hôpitaux publics. Pour l’étendre au-delà de ces
81
TA Lyon, 29 septembre 2005, M. et Mme Khelif, req. n° 0403828
53
domaines, il aurait fallu que le législateur ou le juge le consacre expressément pour ces autres
domaines.
Toutefois, il peut paraître étonnant que le juge administratif ne se soit pas saisi
d’une notion qu’il manie régulièrement et a préféré aller chercher une notion civiliste aux
contours flous.
Finalement, on peut constater que certes l’action en responsabilité pour faute a
reçu un renouveau avec la consécration de l’obligation de résultat. Toutefois, elle n’est pas
l’outil idéal pour la protection des droits créances.
54
Chapitre 2 : Le succès relatif de la responsabilité
administrative dans la protection des « droits-créances »
Même si l’action en responsabilité en tant que gardienne des droits-créances.
Force est de constater qu’elle n’est pas très apte à protéger ces droits. Avant d’avoir un rôle de
garante de l’effectivité, l’action en responsabilité avait deux rôles traditionnels : la réparation
(Section 1) et la prévention (Section 2). Or, sur ces deux terrains, il semblerait qu’elle ait
failli, rendant la protection de ces droits-créances obsolète.
Section 1 : L’échec du rôle réparateur de la
responsabilité administrative
En premier lieu, il convient de voir comment le juge calcule cette indemnisation
(§1). Ensuite, on pourra s’intéresse à l’inefficacité de cette indemnisation (§2).
§1 : Le calcul de l’indemnisation
Si on prend l’exemple de l’indemnisation en matière de droit au logement
opposable, on peut remarquer que le juge fait application du principe de réparation intégrale.
Ainsi dans son jugement en date du 17 décembre 2010, le Tribunal administratif de Paris
affirme que « l'indemnité susceptible d'être allouée à la victime d'un dommage causé par
l'administration a pour seule vocation de replacer la victime dans la situation qui aurait été
la sienne si le dommage ne s'était pas produit ». Selon Madame le professeur BelrhaliBernard82, plusieurs éléments tendent à montrer que le tribunal a dopté une conception
restrictive du dommage subi. D’abord, elle soutient que « le préjudice pris en compte est
étroitement lié à la reconnaissance du bénéfice du droit au logement opposable ». Le juge n’a
pas pris non plus en compte les préjudices matériels et moraux invoqués par les requérants.
Au final, le montant alloué est dérisoire.
§2 : L’inefficacité de l’indemnisation
Pour le requérant, l’indemnisation n’a pas beaucoup d’importance. L’action en
réparation n’intervient qu’après l’atteinte au droit. Comme le souligne, M. Pierre-Edouard du
Cray, s’agissant « de la scolarité d’une enfant handicapé ou le suivi d’une personne autiste,
82
H. BELRHALI-BERNARD, « L’action en responsabilité : recours de la dernière chance pour
DALO ? », AJDA, 2011, p. 690
55
les préjudices passés semblent alors irréparables83 ». Selon lui, tant que l’administration n’a
pas les moyens de garantir concrètement les droit-créances précités, l’action en responsabilité
ne change rien. L’indemnité ne rend pas effectif le droit de l’administré lésé.
Ainsi, cela démontre les limites de l’action en responsabilité. Cette action n’a
qu’une portée pécuniaire. Or, cela ne résout pas forcément le problème de l’administré.
Certes, il serait possible de dire que l’aspect pécuniaire a un effet dissuasif. Toutefois, cela ne
semble pas être le cas.
Section 2 : L’échec du rôle préventif de la
responsabilité administrative
Les condamnations prononcées pour violation de son obligation de résultat par
l’État auraient pu laisser croire qu’elles auraient un effet dissuasif. Malheureusement, ce n’est
pas ce qu’on observe dans la pratique (§1). L’échec de ce rôle préventif de la responsabilité
est exacerbée par le manque de moyens de l’administration (§2).
§1 : L’absence d’effet dissuasif des condamnations
Selon M. Pierre-Edouard du Cray, on aurait pu penser que les condamnations
auront un effet dissuasif sur l’État et vont l’obliger à prendre les mesures pour garantir
effectivement les droits. Mais eu égard au coût très élevé de l’action publique qu’il faudrait
mettre en place afin d’assurer l’effectivité de ces droits laisse à penser que l’effet dissuasif
n’est qu’illusoire.
En outre, selon le même auteur, si pour le contentieux relatif au droit au logement
opposable, la loi a conféré un pouvoir d’injonction sous astreinte au juge, ce mécanisme ne
porte pas ses fruits. En effet, si l’État est condamné, il doit verser une astreinte au Fonds
national d’accompagnement vers et dans le logement. Certes, ces astreintes sont en hausse et
avaient atteint 22,40 million d’euros en 2012. Mais, si on compare ces sommes avec les
milliards d’euros investis dans la politique publique du logement, elles ne semblent pas aussi
significatives que ça.
83
P-E du CRAY, op. cit., p. 17
56
Au final, selon cet auteur, « c’est finalement la menace juridictionnelle érigée
comme ultime recours que l’on espère trouver la solution à la concrétisation des deoitscréances 84». Cette approche consisterait à faire du juge un « instrument de l’intervention de
l’État ». Or, le juge risque de perdre sa crédibilité si l’action en responsabilité n’aboutit pas.
§2 : Un échec exacerbé par le manque de moyens de
l’administration
Finalement, tout revient à la question des moyens. On est face à deux phénomènes
qui sont antagonistes. D’un côté, il y a une crise des finances publiques, qui tend à démontrer
aux personnes publiques qu’elles ne sont pas aussi omnipotentes qu’elles auraient pu le
penser. Il y a un effort de réduction des dépenses des personnes publiques.
De l’autre côté, il y a un mouvement qui a pris une ampleur importante depuis
quelques années : le mouvement de concrétisation de droits-créances. Ainsi, sont reconnus de
plus en plus de droits-créances. Ainsi, l’administré est dans une position où il peut exiger
encore plus de l’Administration.
Dans une situation où l’administré pourra demander encore plus à une
Administration qui peut donner de moins en moins. On débouchera forcément sur une
situation intenable. Selon Monsieur Pierre-Edouard du Cray, dans un tel cas, ce sera peut-être
la délégation vers le secteur privé la réponse.
84
P-E du CRAY, op. cit., p. 18
57
Conclusion
Le droit administratif s’est approprié une notion qui est très chère aux privatistes
en raison de son histoire. Mais, cette notion est aussi très complexe. En droit administratif, la
notion d’obligation de résultat manifeste davantage sa complexité. Toutefois, si le juge
administratif s’est permis de faire entrer cette notion en droit public, c’est précisément en
raison de l’utilité qu’offre son régime.
Toutefois, ce mouvement peut paraître paradoxal. En droit privé, nombre
d’auteurs se sont prononcé pour l’abandon de la distinction entre l’obligation de résultat et
l’obligation de moyens. On citera par exemple, Monsieur le Professeur Rémy, qui écrivait en
1984, « le détour classificatoire par la summa divisio des obligations de moyens et de
résultat nous paraît […] d’une vanité scolastique ; on demandera humblement pardon à
Demogue et à la foule de ses épigones85 ». Les appels à l’oubli de cette distinction sont
nombreux et fréquents. Inversement, en droit public, de plus en plus d’auteurs demandent la
consécration d’une obligation de résultat dans divers domaines.
Finalement, on pourrait penser que cette notion meurt lentement en droit privé
pour se ressusciter en droit public.
85
Ph REMY, obs à propos Cass civ 1re, 22 juin 1983, RTD civ, 1984, 119, n°3 p. 120
58
Bibliographie
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G. CORNU (dir.), « Vocabulaire juridique », Paris, PUF, 2011, 9e édition, 1093
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II. Ouvrages, Thèses et mémoires
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III. Articles
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chance pour le DALO ? », AJDA, 2011, p. 690
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nationale c/ M et Mme B.) », Lettre « Actualités Droits-Libertés » du CREDOF, 22 décembre
2010
S. SLAMA, « Droit à l’instruction : Droit à la scolarisation des enfants
handicapés,
procédure
de
référé-liberté
et
prise
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compte
des
moyens
dont
dispose l’administration », Lettre « Actualités Droits-Libertés » du CREDOF, 22 décembre
2010.
C. PAILLARD , « Droits fondamentaux et présomption de préjudice en droit de
la responsabilité administrative », RDLF 2013, chron. N°16
61
Table des matières
Remerciements ........................................................................................................ 3
Liste des principales abréviations............................................................................ 4
Sommaire................................................................................................................. 6
Introduction ............................................................................................................. 9
Partie I : L’inadaptabilité de la notion d’obligation de résultat au droit public .... 12
Titre 1 : La consécration progressive de l’obligation de résultat en droit public
.............................................................................................................................................. 14
Chapitre 1 : L’obligation de résultat : une notion longtemps confinée au droit
privé .................................................................................................................................. 15
Chapitre 2 : L’entrée de la notion d’obligation de résultat dans la
jurisprudence administrative ............................................................................................ 20
Titre 2 : L’ambiguïté de la définition de l’obligation de résultat en droit public
.............................................................................................................................................. 26
Chapitre 1 : La difficile identification de l’obligation de résultat en droit
public ................................................................................................................................ 27
Chapitre 2 : Les limites des méthodes d’identification de l’obligation de
résultat en droit public ...................................................................................................... 32
Conclusion de la première partie ....................................................................... 37
Partie II : L’utilité de l’obligation de résultat en droit public : la garantie des
« droits-créances ».................................................................................................................... 38
Titre 1 : La consécration de l’obligation de résultat en droit public: une garantie
de l’effectivité des « droits-créances » ................................................................................. 39
Chapitre 1 : Les droits-créances : domaine de prédilection de l’obligation de
résultat en droit public ...................................................................................................... 40
62
Chapitre 2 : L’efficacité de l’obligation de résultat dans la protection
des droits-créances ........................................................................................................... 46
Titre 2 : L’aptitude relative de la responsabilité administrative à garantir
effectivement les droits-créances ......................................................................................... 50
Chapitre 1 : Le rôle nouveau de la responsabilité administrative : La
protection des droits-créances .......................................................................................... 51
Chapitre 2 : Le succès relatif de la responsabilité administrative dans la
protection des « droits-créances » .................................................................................... 55
Conclusion ............................................................................................................. 58
Bibliographie ......................................................................................................... 59
Table des matières ................................................................................................. 62
63