L`approche de proximité : construire une

Transcription

L`approche de proximité : construire une
L’approche de proximité : construire une compétence sociale collective, un plan d’action pour
un développement intégré
Communication de l’association TER_RES, Territoires Responsables, à l’atelier de Rufisque sur la
décentralisation et la participation citoyenne (CIDEFE, Fondation Gabriel Péri, CNFA, 6-7 décembre 2012).
Alain Laurent, Président de TER_RES
« Plus et mieux que la juxtaposition des démarches, des appels à projet et des procédures contractuelles trop
cloisonnées, ce sont l’animation et la mobilisation simultanées et coordonnées des élus des différents niveaux de
collectivités et de l’ensemble des forces vives des territoires qui peuvent permettre d’espérer une plus grande
1
pertinence et un meilleur effet d’entraînement des politiques locales. »
Au-delà des discours, qu’est-ce qu’implique véritablement une co-construction d’actions et de projets
répondant aux besoins locaux ? Quelles sont les difficultés ?
Répondre à ces besoins conduit-il à une action à effets persistants dans le sens d’un développement maîtrisé,
partagé et durable autant que possible ?
Quatre exemples, en République de Djibouti, donnent des pistes de réflexion et d’action. Quatre approches
participatives qui mettent les habitants, « les bénéficiaires », au cœur du sujet.
1. Les acteurs du développement à Djibouti
L’état
Les préfets
Les conseils
régionaux
L’autorité
traditionnelle
(notables,
« okals », chefs de
village)
Les acteurs
privés
Les « bailleurs »
Les
organisations de
la société civile
(OSC)
Légitimité
Possède une légitimité constitutionnelle, légale.
Et quelques moyens (Présidence, ministères).
Légitimité constitutionnelle. Représentent l’état
dans 5 régions (décentralisation).
Légitimité démocratique. Interlocuteurs de
proximité des populations.
Efficacité
Manque de moyens et de maîtrise pour
répondre aux attentes des populations.
Des moyens très limités et des compétences
faibles.
Peu de moyens et compétences mal définies
(foncier ?).
Légitimité traditionnelle, culturelle et sociale.
Ses pouvoirs sont locaux et tendent à s’affaiblir.
Légitimité économique et sociale.
Essentiellement importateurs.
Légitimité octroyée par des accords de
coopération. Très présents à Djibouti.
Détiennent les moyens financiers.
Légitimité de proximité par une connaissance
profonde des situations sociales et des solutions
adaptées aux contextes des populations. Issues
des habitants.
Dépendent de la solvabilité du client et des
cours mondiaux des marchandises.
Manquent de durée et de connaissance parfaite
du milieu. Interventions ponctuelles et
sectorielles. Prééminence des procédures.
Peu considérées comme vrai partenaire au
développement. Peu de moyens techniques et
financiers.
A Djibouti les organisations de la société civile « matures », c’est à dire non opportunistes, indépendante et
validées par des actions terrain sur une longue durée, ont le meilleur rapport légitimité/efficacité et donc la
meilleure contribution potentielle à un développement ancré et durable.
1 Nouvelles gouvernances, nouveaux territoires, 18 enquêtes sur le dialogue urbain-rural , AdCF (Assemblée des Communes de
France), APFP (Association de Promotion et de Fédération des Pays), DIACT (anciennement Délégation à l’Aménagement et à la
Compétitivité des Territoires), ETD (Entreprises, Territoires et Développement), FNPRF (Fédération Nationale des Parcs Régionaux
Français), Mairie-conseils – Décembre 2009
2. Les quatre exemples djiboutiens : quatre villages (200/300 familles) et territoires d’usage
Approches :
a) « par le bas » construisant une compétence sociale collective, c’est à dire la constitution spontanée
d’associations en même temps que la définition d'un plan d'action intégré : Assamo (Sud, issa-somali).
2002-2006, région rurale.
b) « par le bas », adossée à une association implantée et spécialisée (artisanat, culture) : Ardo (Nord, 'afar).
2004-2006, région rurale.
c) « par le bas » et de longue durée (12 ans + 2 matinées de travail collectif) adossée à et renforçant une
association mature généraliste (éducation, santé, culture, sport, environnement) : Adaïlou (Nord, 'afar).
2009-actuel, région rurale.
d) « par le haut » via l’autorité traditionnelle à l'échelle d'un micro-territoire tribal : Day/Goda (Nord, 'afar).
Actuel, région rurale.
Constantes :
a) Un acteur local central (une association ou une autorité traditionnelle), moteur, qui légitime et installe les
conditions de la co-construction. Cet acteur a une vraie légitimité, construite dans la durée, même si sa
position peut être l’objet de contestation.
b) Une ou des réunions où des leaders locaux participent (notables, fonctionnaires, religieux etc.).
c) La quasi-absence des Elus régionaux, des démembrements de l’état en région et de l’administration
centrale (sauf un cas, en présence sur sous-préfet).
d) Une ou des réunions qui co-construisent : l’énoncé des problèmes (= difficultés, crises, freins, obstacles
etc.) et les analysent., le diagnostic, les causes, les solutions (= traitement des causes) - ALTICOBA21
(agenda 21 local tourisme issu des communautés de base), 5P (5 « pourquoi ? »), Images Territoriales (outil
TER_RES), Dialogue public.
3. Une gestion intégrée des territoires ruraux, aboutissement des quatre démarches
Dans chaque cas, la démarche est identique. Dans un contexte de crise écologique majeure (la désertification,
cercle vicieux « sécheresses récurrentes - fragilisation des ressources végétales, surpâturage - chute de la
biodiversité - perte de couvert »), des problèmes, des causes et des solutions sont identifiés et caractérisés
collectivement par le jeu des enchaînements logiques. Chaque solution conduit à un projet, une action à
réaliser.
Cette analyse, totalement co-construite grâce à l’animation de réunions de formats et de durée variables, est
strictement ascendante. Cette phase collective, dans deux cas sur quatre, s’appuie sur une sensibilisation de
longue durée menée par l’association partenaire sur les enjeux de la désertification. Dans tous les cas les
résultats sont un programme de gestion intégrée des territoires ruraux dont les volets, à des intensités et des
priorités variables, concernent :
a)
L’EAU - Augmentation des ressources en eau par des ouvrages de surface type ralentisseurs de crues
et/ou bassins de rétention des eaux de pluie.
b) LES SOLS et LA BIODIVERSITE – Travaux de conservation et restauration des sols (CES) et des ressources
végétales et animales (biodiversité).
c) LE BOIS - Contrôle et réduction de la filière charbon de bois (bois sauvages).
d) LES FOURRAGES - Production viable de fourrages aériens et/ou herbacés dans des jardins et/ou des
périmètres de grande échelle.
e) LES FILIÈRES - Développement de filières caprines et/ou bovines fondées sur un élevage plus intensif du
cheptel et une diminution forte initiale du nombre de têtes.
f) L’ECONOMIE - Diversification socio-économique formelle et/ou informelle via le tourisme et l’artisanat,
plus si possible (services, boutiques etc.).
g) LA CAPACITATION
Sensibilisation des différents publics/acteurs (connectés au monde rural)
Gouvernance dite « participative » (conception, mise en œuvre)
Renforcement de la société civile, notamment les OSC seniors, dites « matures ».
4. Des procédures et des outils non adaptés à la mise œuvre des plans de gestion intégrée
Ces programmes de gestion intégrée des territoires ruraux élaborés par la participation citoyenne « à la base »
ont été confrontés à l’incapacité des bailleurs de fonds, principale source de financement en l’absence de tout
financement décentralisé et national), à les soutenir.
2010 :
Bailleur : Bien. Mais… Vous avez trop de « sous-secteurs. Vous n’êtes pas éligible.
Projet : Il n’y a pas d’outils pour une approche territoriale intégrée ? …
Bailleur : La seule ligne budgétaire possible (sur plusieurs dizaines) est celle « Acteurs Non Etatiques » et
« Autorités Locales et Régionales »… Mais à Djibouti, nous allons la thématiser !
2012 :
Bailleur : Vous vous adressez à des bailleurs, pas à des universitaires. Faites simple. Votre budget est un budget
de recherche : nous ne finançons pas de la recherche.
• Extrait du document de projet : « Quelle innovation est au cœur du projet ?
Le premier niveau d’innovation considère la logique remontante comme réellement structurante, c’est à dire non
pas comme une modalité de travail dans un cadre descendant (on applique) mais comme un principe de
développement construisant un cadre ascendant (on propose). » (dossier de financement FISONG, 2012)
• Structure du budget : 25% appuis techniques à la réalisation de fermes modèles, 18% équipements, 17%
déplacements, 16% perdiems réunions, 14% forums locaux, 4% communication.
5. Les conseils d’une OSC mature, EVA (Ecologie du village Association)
Savoir accompagner dans la durée
o Enfants scolarisés : cours d’été, soutien matériel et pédagogique aux collégiens et lycéens, suivi
par la consultation des bulletin et dossier des scolarisés natifs de la région, soutien dans les
démarches administratives etc.
Changer les mentalités : se prendre en main
o Des actions pratiques : réhabilitation de pistes, entretien et gestion communautaires des points
d’eau, scolarisation des filles, encouragement des parents à s’investir dans la vie éducatives,
tournois interrégionaux d’amitié initiés en 2000 (150 personnes - formations sportives,
association, leaders communautaires, élus locaux -, biannuels).
o La mise en place de comités locaux, structures communautaires encadrées.
Avoir une notoriété au delà du local
Exemples
o Une forte capacité organisationnelle générant une capacité opérationnelle faisant écho au niveau
national
o Sollicitation pour des projets pilotes et actions diverses dans plusieurs régions : création et
accompagnement des comités de gestion de l’eau dans 5 villages ruraux, ATPC (Arrêt Total Piloté
par la Communauté) dans 2 villages
o Reconnaissance en tant qu’association modèle dans la préservation de l’environnement
o Sollicitation pour la mobilisation et l’encadrement communautaire par le ministère de
l’environnement.
o Représentation de Djibouti à Rio +20
6. Quelques clés issues de la pratique pour se donner un maximum de chances de réussite
1. EXPRIMER LES LIENS LOGIQUES PAR UN PLAN D’ACTION INTÉGRÉ
Il s’agit de « faire vivre » la transversalité : décloisonner, travailler conjointement ou de manière coordonnée,
soutenir le multisectoriel, traiter les causes concomitamment.
2. RÉHABILITER L’ANIMATION TERRITORIALE
Pour accorder cultures, rythmes et calendriers disjoints, des animateurs bi-culturels, des conciliateurs, des
amortisseurs, doivent être mobilisés.
3. METTRE LES PROCÉDURES AU SERVICE DU PROJET (ET NON L’INVERSE)
Intégrer le flou, l’impromptu, l’aléatoire, l’impensé (au départ), toutes choses inhérentes aux démarches
d’autonomisation par l’apprentissage, s’oppose aux objectifs, aux rythmes et aux trajectoires pré-définies par
des procédures hors-sol, hors contexte, hors pertinence.
4. RECHERCHER ET FORMER DES « PERSONNES RESSOURCES »
La sagesse conduit à se situer à priori dans un contexte de pénurie de moyens, notamment humains. De fait
les personnes ressources sont rares et/ou peu mobilisables. Il faut donc les « multiplier ».
5. ARTICULER LE DESCENDANT ET LE REMONTANT
L’acceptabilité, la recevabilité, des logiques remontantes : elle n’est pas garantie. Il ne s’agit pas seulement
d’appliquer mais de permettre au terrain de proposer et construire. Le travail consiste ensuite à rendre le plan
d’action cohérent et si possible synergique avec les politiques et dispositifs existants.
6. (FAIRE) RECONNAÎTRE UNE QUALITÉ GLOBALE
Travailler à une qualité globale, territoriale : pas seulement par secteurs (bio, commerce équitable, RSE etc.)
mais par liens logiques entre les secteurs. A gestion intégrée, label intégré.
7. SOUTENIR UN PROCESSUS PLUTÔT QUE D’ADDITIONNER LES PROJETS
Maintenir la cohérence dans le temps : faire en sorte que les cassures des projets soient supprimées, passer du
projet au processus. C’est l’objet d’une fonction d’animation, appui et conseil. « c'est bien une logique de service
qu'il convient de développer […] Il ne s'agit plus dès lors de programmer une action nouvelle mais d'apporter des
2
compléments pour amplifier des dynamiques déjà engagées » .
8. PENSER LE PASSAGE L’EXPÉRIMENTAL À LA GÉNÉRALISATION EST UN PROJET EN SOI
Pas simplement un copier-coller ou un pourcentage d’agrandissement. Il faut du « sur mesure ». C’est en soi un
projet complet.
2 Bernard Husson, « Coopération décentralisée et renforcement institutionnel », II Conferencia Anual del Observatorio de Cooperación
Descentralizada UE-AL, Guatemala, mayo 2007.

Documents pareils