Cours 6 La quantité optimale de monnaie

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Cours 6 La quantité optimale de monnaie
Cours 6
La quantité optimale de monnaie
Stéphane Gauthier
16 novembre 2008
Introduction
L’objet du cours est de prendre en compte la monnaie et de décrire
certains de ses effets dans le long terme.
La théorie monétaire est organisée autour de la théorie quantitative de la
monnaie, qui cherche à lier la monnaie au revenu et au niveau général des
prix ; selon Friedman et Schwartz (1963), il n’y a aucune autre relation
empirique en économie dont on ait pu observer la répétition si
régulièrement .
A court terme, le mécanisme direct (effet d’encaisses réelles) et le
mécanisme indirect (politique monétaire dans le modèle keynésien).
A plus long terme, une forme de neutralité.
Figure: Corrélation entre le PIB en t et la masse monétaire en 0
Comment introduire la monnaie ?
La monnaie et la double coı̈ncidence des désirs :
Commerce. Sorte de transaction dans laquelle A dépouille B
des biens de C et en compensation de laquelle B soulage les
poches de D de l’argent de E. De : Ambrose Bierce, Le
dictionnaire du diable, 1906.
→ La monnaie comme intermédiaire des échanges (Samuelson, Clower)
→ Le goût pour la monnaie (Sidrauski)
→ La monnaie comme source de revenu
Monnaie et échange au cours du temps
Le modèle de Samuelson est une version du modèle à générations
imbriquées dans laquelle chaque agent jeune reçoit une dotation de
e1 = e > 0 biens périssables, tandis que la dotation de chaque vieux est
nulle, e2 = 0.
Les préférences d’un individu de la génération t sont représentées par la
fonction d’utilité
u(c1t ) + βu(c2t+1 ).
(1)
On supposera u 0 (·) > 0, u 00 (·) < 0, u 0 (0) = +∞ et u 0 (∞) = 0.
⇒ L’utilité marginale de la consommation étant arbitrairement grande si
le ménage ne consomme rien, les jeunes souhaitent transférer une partie
de leur dotation vers la seconde.
Pour transférer sa richesse au cours du temps, un jeune en t peut
s’adresser aux autres jeunes de t ou aux vieux de t, nés en t − 1.
1. Tous les agents sont identiques : ils ont les mêmes préférences et les
mêmes dotations. Tous souhaitent donc épargner, c’est-à-dire céder
une partie de leur dotation lorsqu’ils sont jeunes et recevoir en
contrepartie des biens durant leur vieillesse. Aucun jeune ne veut
servir de contrepartie dans cet échange.
2. Les vieux de t auront disparu en t + 1 ; aucun jeune n’acceptera de
prêter à un vieux de t.
→ Aucun échange n’est possible !
A l’équilibre, c1t = e et c2t+1 = 0 pour tout t ≥ 0.
Lors de chaque période, on taxe les jeunes de dc1 > 0 biens et on
transfère les Nt dc1 biens collectés aux vieux, chacun recevant donc
dc2 = Nt dc1 /Nt−1 = (1 + n)dc1 biens.
L’équilibre décentralisé est sous-optimal :
1. Le bien-être varie de chaque génération varie de
−u 0 (e)dc1 + βu 0 (0)(1 + n)dc1 > 0,
pour u 0 (0) suffisamment grand par rapport à u 0 (e).
2. Les vieux de la période initiale gagnent
βu 0 (0)(1 + n))dc1 > 0.
Comment choisir le transfert de consommation dc1 ?
La réforme précédente cesse d’être avantageuse en (c1∗ , c2∗ ) tel que
β
u 0 (c2∗ )
1
=
,
u10 (c1∗ )
1+n
(2)
c’est-à-dire lorsque le taux marginal de substitution βu 0 (c2∗ )/u 0 (c1∗ ) du
bien 2 au bien 1 est égal à 1/(1 + n), le prix relatif du bien 2 en termes
de bien 1 pour la société.
L’égalité (2) et la condition de réalisabilité
Nt c1∗ + Nt−1 c2∗ = Nt e
définissent l’optimum de cette économie.
(3)
La monnaie peut-elle constituer un remède contre la défaillance du
marché ?
Supposons qu’à la date t = 0, l’Etat émette M̄ bouts de papier que
l’on appelle monnaie ; supposons qu’il la distribue (uniformément)
aux vieux de t = 0.
Si les jeunes croient qu’ils pourront échanger de la monnaie contre des
biens lorsqu’ils seront devenus vieux, ils demandent de la monnaie aux
vieux et offrent des biens en contrepartie ; les vieux font le contraire : ils
offrent de la monnaie et demandent des biens.
On devine que la monnaie permet des échanges entre les générations qui
n’étaient pas possibles sans monnaie. La monnaie est source
d’amélioration Parétienne.
Notons pt le nombre d’unités de monnaie que l’on doit céder pour obtenir
un bien de consommation en t.
Les contraintes budgétaires d’un individu jeune en t s’écrivent :
pt c1t + Mtd ≤ pt e,
(CB1)
pt+1 c2t+1 ≤ Mtd .
(CB2)
et
On en déduit la contrainte de budget intertemporelle
c1t + (1 + πt+1 )c2t+1 ≤ e,
où πt+1 est le taux d’inflation (anticipé), 1 + πt+1 = pt+1 /pt .
(CBI)
Le plan de consommation choisi par un jeune de t, c1t = c1 (1 + πt+1 , e)
et c2t+1 = c2 (1 + πt+1 , e), satisfait
β
u 0 (c2t+1 )
= 1 + πt+1 .
u 0 (c1t )
La demande de monnaie est Mtd = pt (e − c1 (1 + πt+1 , e)), et l’on note
Mtd
= m(1 + πt+1 , e)
pt
(4)
la demande d’encaisses réelles correspondante.
I
La fonction m(·) est croissante avec e ;
I
Une hausse du taux d’inflation est équivalente à une baisse du taux
d’intérêt réel : elle implique un effet de substitution (qui réduit la
demande de monnaie) et un effet de revenu (qui l’augmente).
A l’équilibre,
1. Les agents sont rationnels (ils se comportent comme décrits
ci-dessus) ;
2. l’offre est égale à la demande sur le marché des biens et sur celui de
la monnaie.
Par la loi de Walras, un équilibre une suite de prix (pt , t ≥ 0) telle que :
pt+1
M̄
Nt m
,e = .
pt
pt
Interprétation. Supposons que les jeunes en t anticipent le prix pt+1 .
Etant donné pt+1 , leur demande de monnaie dépend du prix courant pt .
A l’équilibre, non seulement le prix courant assure l’égalité entre l’offre et
la demande agrégée de monnaie, mais coı̈ncide en outre avec le prix qui
avait été anticipé par les jeunes en t − 1.
En un équilibre stationnaire, le prix ne peut pas rester constant (si
n 6= 0) :
pt+1
M̄
Nt m
,e = .
pt
pt
C’est le taux de croissance des prix qui reste constant :
Nt m (1 + πt+1 , e)
1
=
Nt−1 m (1 + πt , e)
1 + πt
⇔ m (1 + πt+1 , e) =
m (1 + πt , e)
.
(1 + n) (1 + πt )
Lorsque le taux d’inflation reste constant au cours du temps, égal à π,
1. l’encaisse réelle m détenue reste constante,
2. donc la consommation des jeunes est constante (c1 = e − m de
(CB1)),
3. tout comme celle des vieux ((1 + π)c2 = m de (CB2)).
(5)
Pour πt = π, il suit de (5) que (1 + n) (1 + π) = 1 (c’est une version de
la règle de Friedman ).
1. La CPO du problème de l’agent jeune se réécrit :
β
1
u 0 (c2 )
=
.
0
u (c1 )
1+n
L’agent jeune fait face au même prix du bien 1 en termes de bien 2
que la société.
2. L’équilibre stationnaire est (bien sûr) réalisable.
L’équilibre (stationnaire) monétaire, s’il existe, est optimal.
S’il existe une technologie permettant de stocker les biens au cours du
temps et ayant un rendement réel r , alors :
I
Si r ≤ n (inefficacité dynamique), il existe un équilibre stationnaire
monétaire (il est défini comme vu ci-dessus) ;
I
si r > n (efficacité dynamique), alors les ménages ne demanderont
pas de monnaie, et l’équilibre n’est pas monétaire (les jeunes
épargnent en utilisant l’actif réel).
Si l’équilibre de long terme d’une économie sans monnaie est
dynamiquement inefficace, il existe un équilibre monétaire Pareto
efficace ; sinon, il n’existe pas d’équilibre monétaire.
Monnaie et production
Mais la demande d’encaisses réelles influence l’offre de capital, et donc le
taux d’intérêt réel ...
On prend maintenant en compte la production : un ménage peut
transférer de la richesse au cours du temps en détenant du capital et/ou
de la monnaie.
Un jeune né en t face donc aux deux contraintes suivantes :
c1t + st + mt ≤ wt
et
c2t+1 ≤ (1 + rt+1 )st +
mt
.
1 + πt+1
(CB1)
(CB2)
L’offre globale de capital et de monnaie est strictement positive
initialement. A l’équilibre, la condition de non-arbitrage
(1 + πt+1 ) (1 + rt+1 ) = 1,
est satisfaite ( règle de Friedman ).
(NA)
A l’équilibre, l’offre est égale à la demande sur :
I
le marché de la monnaie :
pt Nt mt = M̄
⇔ pt Nt mt = pt+1 Nt+1 mt+1 ⇔ mt = (1 + πt+1 )(1 + n)mt+1 .
En utilisant (NA) et les CPO de l’entreprise, cette égalité devient
(1 + n) mt+1 = (1 + r (kt+1 )) mt .
I
(6)
le marché du capital :
s(r (kt+1 ), w (kt )) − mt = (1 + n)kt+1 ,
(7)
où s(·) est l’épargne réelle totale st + mt du ménage.
Un équilibre est une suite (kt , mt , t ≥ 0) associée à k0 donné et
satisfaisant (6) et (7) pour tout t, t ≥ 0.
A la date t, kt est donné, les ménages anticipent mt+1 (c’est-à-dire le
prix de demain, puisque M̄ est connue en t), et choisissent kt+1 et mt .
Un équilibre stationnaire est un couple (k, m) tel que
s(r (k), w (k)) − m = (1 + n)k,
m=
1 + r (k)
m.
1+n
1. Si m = 0, alors le stock de capital coı̈ncide avec celui de l’équilibre
de Diamond (cf. Cours 2) ; on le notera k d , k d > 0.
2. Si m 6= 0, on doit avoir r (k) = n, ce qui implique que k = kor
(l’économie est à la règle d’or). L’équilibre monétaire, s’il existe, est
bien dynamiquement efficace. De plus,
mor = s(r (kor ), w (kor )) − (1 + n)kor ≡ φ(kor ).
mor = s(r (kor ), w (kor )) − (1 + n)kor ≡ φ(kor ).
On a :
I
φ(0) = 0 ;
I
φ(k) < 0 pour k → ∞ puisque l’épargne totale d’un individu est
bornée supérieurement (le taux d’intérêt tend vers 0, et la
production est bornée supérieurement (conditions d’Inada), de sorte
que le salaire l’est aussi) ;
I
Si k est petit, le taux d’intérêt réel est arbitrairement grand et l’on
admettra que φ(k) > 0.
Ainsi, 0 = φ(k d ) < mor = φ(kor ) ⇒ kor < k d : l’équilibre stationnaire de
Diamond est dynamiquement inefficace (n = r (kor ) > r (k d )).
Si l’équilibre de Diamond est dynamiquement inefficace, il existe un
équilibre monétaire qui le Pareto domine : cet équilibre correspond à la
règle d’or d’accumulation du capital ; sinon, il n’existe pas d’équilibre
monétaire.
Comment l’économie se comporte-t-elle au cours du temps ?
(1 + n) mt+1 = (1 + r (kt+1 )) mt .
mt
mor = φ (kor )
0
kor
kd
kt
Pour sr0 > 0, comme s(r (kt+1 ), ·) − (1 + n)kt+1 décroı̂t avec kt+1 , on a :
kt+1 < kt ⇔ s(r (kt+1 ), w (kt )) − (1 + n)kt+1 = mt
> s(r (kt ), w (kt )) − (1 + n)kt = φ(kt ).
mt
mor = φ (kor )
kd
0
kt
kor
φ ( kt )
mt
mor = φ (kor )
kd
0
kt
kor
φ ( kt )
Si les anticipations de prix initiales impliquent une encaisse réelle faible,
la monnaie n’est plus utilisée asymptotiquement : la faible confiance dans
la valeur de la monnaie conduit à la disparition de la monnaie.
Contrainte de liquidité
L’Etat émet de la monnaie et l’octroie forfaitairement au ménage.
Le ménage peut choisir d’épargner sous forme de capital ou de monnaie.
Sa contrainte de budget instantanée s’écrit :
pt
dMt
d M̄t
dKt
+
+ pt Ct = pt F (Kt , Nt ) +
,
dt
dt
dt
ou bien encore (en notant mt = Mt /pt Nt )
dkt
dmt
d m̄t
+
−
= f (kt ) − nkt − ct − (n + πt )(mt − m̄t ).
dt
dt
dt
(8)
L’inflation (πt > 0) joue comme une taxe lorsque le ménage choisit de
détenir de la monnaie, en venant réduire le rendement de l’encaisse réelle
qu’il détient. Il s’agit de la taxe inflationniste. Le rendement du capital
est égal à f 0 (kt ) − n.
Les préférences du ménage sont représentées par
Z ∞
u(ct ) exp(−θt)dt.
(9)
0
Le ménage doit choisir une suite (ct , kt , mt , t ≥ 0) qui maximise (9) sous
les contraintes (8) pour tout t, t ≥ 0, avec k0 donné (et ct ≥ 0, kt ≥ 0 et
mt ≥ 0).
On impose en outre que les achats en biens de consommation à l’instant
t ne peuvent être financés que par la monnaie détenue à cet instant :
pt Ct ≤ Mt ⇔ ct ≤ mt .
(10)
C’est la contrainte de liquidité ou contrainte de Clower .
Dans ce problème, la consommation ct est une seule variable de contrôle,
et le capital kt et l’encaisse réelle mt sont des variables d’état.
Le Hamiltonien s’écrit
Ht = u(ct ) exp(−θt)
+λt [f (kt ) − ct − nkt − (n + πt )(mt − m̄t )]
+ γt (mt − ct ).
Les CPO du problème du ménage sont donc :
u 0 (ct ) exp(−θt) − λt − γt = 0,
dλt
= −λt (f 0 (kt ) − n),
dt
dλt
= λt (n + πt ) − γt ,
dt
avec
γt (mt − ct ) = 0.
En outre, (8) doit être satisfaite, et la condition de transversalité s’écrit :
lim λt (kt + mt ) = 0.
t→∞
A l’équilibre, mt = m̄t pour tout t, de sorte que (8)
dkt
dmt
d m̄t
+
−
= f (kt ) − nkt − ct − (n + πt )(mt − m̄t ).
dt
dt
dt
s’écrit :
dkt
= f (kt ) − ct − nkt .
dt
On se place à l’équilibre de long terme (ċt = ṁt = k̇t = 0) dans le cas où
la contrainte de Clower est saturée : c = m et γt ≥ 0. (Tel est le cas si
f 0 (k) > −π.)
Soit µt = µ le taux de croissance (constant) de la masse monétaire. On
a : ṁt = 0 ⇔ µ = π + n. Toute hausse du taux de croissance de la masse
monétaire se traduit par une hausse de même montant du taux
d’inflation. Forme de la théorie quantitative de la monnaie.
De la CPO relative au capital, on a :
λ̇t
= n − f 0 (k).
λt
De la CPO relative à l’encaisse réelle, on a :
−(n + π) +
γt
λ̇t
γt
+
=0⇔
= f 0 (k) + π.
λt
λt
λt
Enfin, de la CPO relative à la consommation, on a :
−θu 0 (c) exp(−θt) = λt + γt = (1 + f 0 (k) + π) λt ⇒
λ̇t
= −θ.
λt
Et donc :
λ̇t
= n − f 0 (k) ⇔ f 0 (k) = n + θ,
λt
ce qui montre que le stock de capital par tête est celui de la règle d’or
∗
∗
modifiée. La contrainte d’accumulation montre que c = f (kor
) − nkor
. La
monnaie est superneutre à long terme : le taux de croissance de la masse
monétaire n’influence ni le stock de capital, ni la consommation.
Le modèle de Sidrauski
L’agent représentatif a un goût pour l’encaisse réelle : son utilité est
u(ct , mt ) à l’instant t. Mais la monnaie permet aussi de transférer de la
richesse au cours du temps. A l’instant t, la contrainte de budget s’écrit :
dmt
d m̄t
dkt
+
−
= f (kt ) − ct − nkt − (n + πt )(mt − m̄t ).
dt
dt
dt
A l’équilibre de long terme, on a :
uc0 (c, m) exp(−θt) − λt = 0 ⇒
dλt
= −θ,
dt
dλt
∗
= −λt (f 0 (k) − n) ⇒ f 0 (k) = n + θ ⇔ k = kor
,
dt
dλt
0
= −um
(c, m) exp(−θt) + λt (n + πt ) ⇒ πt = π,
dt
mt = m̄t
f (k) − c − nk = 0.
Le stock de capital est fixé dans le long terme à la règle d’or modifiée,
indépendamment de la politique monétaire ; la consommation
∗
∗
c = f (kor
) − nkor
est également indépendante de la politique monétaire.
→ Forme de neutralité de la politique monétaire.
Puisque l’encaisse réelle reste constante au cours du temps, on doit avoir
µt = n + π : le taux de croissance de la masse monétaire, choisi par
l’Etat, doit donc rester constant (µt = µ). Et l’on a : dµ = dπ.
→ Théorie quantitative de la monnaie.
De
0
um
(c, m) = λt exp(θt) (π + n + θ) ,
on déduit que l’encaisse réelle m dépend en général de µ.
0
La quantité optimale de monnaie devrait être telle que um
(c, m) = 0, soit
0 ∗
−π = n + θ = f (kor ). Intuition : le coût marginal social de l’émission de
monnaie est nul, et à l’optimum il est égal à l’utilité marginale sociale de
0
∗
la monnaie est um
(cor
, m) = 0.
→ Règle de Friedman.
Seigneuriage
Lorsqu’un agent décide en t de renoncer à consommer un bien, il obtient
pt unités de monnaie avec lesquelles il pourra acheter pt /pt+1 en t + 1.
En l’absence d’inflation, l’agent aurait pu consommer 1 bien en t + 1 :
l’inflation le taxe implicitement en prélevant 1 − pt /pt+1
= πt+1 /(1 + πt+1 ) biens. La taxe inflationniste s’écrit ainsi :
πt+1
mt
1 + πt+1
lorsque l’agent détient une encaisse réelle mt en t.
La Banque centrale suit une règle de création monétaire
M̄t = (1 + µ)M̄t−1
(11)
stipulant que le taux de croissance µ de la masse monétaire est constant.
Le seigneuriage est la quantité Gt de biens que cela lui permet d’acheter :
pt Gt = M̄t − M̄t−1 .
(12)
Reprenons le modèle de Samuelson (avec n = 0 pour simplifier).
Un équilibre est une situation dans laquelle (1) les agents sont rationnels,
cad demandent l’encaisse réelle m(1 + πt+1 , e) quand ils anticipent le
taux d’inflation πt+1 , et (2) l’offre est égale à la demande sur le marché
de la monnaie :
M̄t
= m(1 + πt+1 , e)
pt
pour tout t.
En utilisant la règle de création monétaire,
mt =
1+µ
mt−1 ,
1 + πt
on peut définir un équilibre comme une suite de taux d’inflation
(πt , t ≥ 1) telle que
m(1 + πt+1 , e) =
1+µ
m(1 + πt , e).
1 + πt
Un équilibre stationnaire est un équilibre (πt , t ≥ 1) pour lequel πt = π
pour tout t :
m(1 + π, e) =
1+µ
m(1 + π, e) ⇔ µ = π
1+π
pour m(1 + π, e) > 0.
Le seigneuriage est égal à
Gt =
M̄t
pt−1 M̄t−1
µ
−
=
m (1 + µ, e) .
pt
pt pt−1
1+µ
Le seigneuriage est constant, égal à la taxe inflationniste.
Par son choix de µ, la Banque influence le seigneuriage : une hausse du
taux de croissance de la masse monétaire
1. conduit à une inflation plus importante qui accroı̂t le taux de taxe
inflationniste,
2. et elle réduit le taux de rendement réel de la monnaie, et ainsi
l’encaisse réelle désirée (la base de la taxe inflationniste), si l’effet de
substitution est dominant.
Pour µ = 0, le seigneuriage est nul ; il l’est aussi pour µ grand, puisque
les agents ne veulent plus alors détenir de monnaie.
Il est maximal pour µ tel que
dG
1
m0 (1 + µ, e)
= 0 ⇔ = − (1 + µ)
.
dµ
µ
m (1 + µ, e)
C’est la règle d’Auernheimer.
I
Il n’y a pas d’hyperinflation ;
I
dans les épisodes d’hyperinflation des années 20, le taux de
croissance de la masse monétaire est supérieur à celui qui
maximiserait le seigneuriage.
→ Explication proposée par Cagan (1956) : à court terme, les
anticipations d’inflation sont données : la demande d’encaisses est donc
donnée, ce qui fournit une incitation à la taxer plus lourdement.
Un cas de seigneuriage au XVème siècle en France
Comment se traduit le seigneuriage lorsque la monnaie contient des
métaux précieux ?
Un marc (environ 245 grammes) d’alliage donne N pièces de valeur
faciale V deniers tournois, soit NV deniers tournois.
Chaque pièce a une teneur f (pour finesse ) en argent : un marc
d’argent permet de produire 1/f marc d’alliage (par définition de f ), et
ainsi NV /f deniers ( mint par ).
I
Une part s de cette somme revenait au roi, de sorte que le prix
d’un marc d’argent ( mint price ) était finalement (1 − s)NV /f ,
le roi collectant un seigneuriage de sNV /f deniers sur chaque marc
d’argent converti.
L’offre d’argent (le métal) a deux origines :
1. la conversion par les particuliers de métaux précieux ;
2. la conversion des pièces existantes qu’ils possèdent.
Une pièce de V pèsant 1/N 0 marcs et de finesse f 0 contient f 0 /N 0
marcs d’argent. Elle permet donc d’obtenir en contrepartie
f 0 (1 − s)NV
N f0
=
(1 − s)V
N0
f
N0 f
deniers. Si ce nombre est supérieur à V , la conversion devrait avoir
lieu. C’est la loi de Gresham : la mauvaise monnaie (plus légère
et/ou celle de finesse plus faible) chasse la bonne !
Au total, on admettra que la quantité totale d’argent offerte est
(1 − s)NV
.
B
f
Le seigneuriage s’élève finalement à
NV
sB (1 − s)
f
marcs d’argent. Il est naturel de supposer que B 0 (·) > 0.
Le roi peut donc influencer le seigneuriage au travers de
1. la taxe s qu’il prélève,
2. la finesse de chaque pièce,
3. le poids (1/N) d’une pièce,
4. sa valeur faciale V .
I
le taux de prélèvement s a été multiplié par 3 ;
I
la finesse f réduite de plus de 60% ;
I
le nombre de pièces a augmenté, mais plus légèrement, de sorte que
le rapport L = NV /f a beaucoup augmenté (mint par), et avec lui le
prix Q = (1 − s)L d’un marc d’argent (mint price).
Qui paye cette taxe ?
1. De prime abord, on est tenté de dire que ce sont les marchands qui
viennent convertir les métaux ou les pièces qu’ils détiennent.
2. En même temps, la plupart des contrats étaient nominaux ; en
particulier, les contrats de fermage. On peut donc penser qu’une
partie de la noblesse a souffert de l’inflation.
L’anecdote finale : les travailleurs salariés employés par l’artisan battant
la monnaie royale ont réclamé (et obtenu) une indexation de leur
rémunération sur le prix de l’argent dès 1419 !