Monuments Mégalithiques
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Monuments Mégalithiques
Monuments Mégalithiques de l’Yonne Pierre GLAIZAL Dès 1860, la Société des Sciences de l’Yonne rédigea un questionnaire qui fut diffusé auprès de l’ensemble des instituteurs de l’Yonne, en vue d’établir le répertoire archéologique du département. Ce questionnaire comportait un volet consacré aux monuments gaulois”. Malgré l’aveu d’ignorance de la plupart des “maîtres d’école”, cette enquête permit de repérer une première série de menhirs et de roches naturelles porteuses de légendes; on retrouve cette série, mutilée par la censure du Comité Impérial des Travaux Historiques, au fil du “Répertoire” de Max Quantin, édité par l’Imprimerie Impériale en 1868. En 1875, la Société des Sciences de l’Yonne livrait un nouvel inventaire communal, le “Dictionnaire Archéologique de l’Yonne, époque celtique”, de Philippe Salmon, tiré à part à Auxerre en 1878. Le répertoire de Quantin se trouvait enrichi, côté préhistoire, grâce à la contribution d’une pléiade d’informateurs locaux. Saint Maurice-aux-Riches-Hommes, le Dolmen de Lancy. Il s’avère aujourd’hui que l’inventaire communal doit être intégralement repris, Philippe Salmon n’ayant pu, faute de temps et de moyens, explorer systématiquement le terroir icaunais. Les recherches menées depuis 1990 ont montré l’étonnante capacité des menhirs à se fondre dans le paysage, voire à échapper à l’attention des villageois eux-mêmes. Il est cependant un domaine où les traces du passé sont des plus durables : la toponymie. Qu’en un lieu ait été autrefois dressée une pierre, et même si celle-ci a disparu depuis 150 ans, restera l’appellation caractéristique la “Roche Piqueuse” ou la “Pierre au Diable”... Sur cette piste toponymique sont fondés actuellement les plus grands espoirs dé retrouver, encore en place, des monuments inédits et en même temps de discerner la trace de ceux qui ont disparu, voire de retrouver ceux-ci... dans le sol. SEPULTURES MEGALITHIQUES Les sépultures mégalithiques répertoriées (y compris les monuments détruits) dans le département de l’Yonne sont de 3 sortes : Dolmen simple en grès, constitué d’une table de couverture d’un poids de 2 à 6 tonnes, rarement plus, supportée par deux dalles posées sur chant ou “orthostates”. La chambre ainsi délimitée est obturée par une ou deux dalles, suivant que le monument est adossé ou non à une pente. Ces dolmens, isolés ou groupés par deux, dépassent suffisamment du sol pour laisser apercevoir l’entrée de la chambre. Sépulture creusée dans la craie et recouverte d’une dalle de grès de dimensions variables (jusqu’à 12m3), soutenue ou non par des supports. La dalle de couverture apparaît partiellement hors du sol, laissant ignorer ce qu’elle recouvre. Des monuments de ces deux types sont répertoriés dans le Sénonais, sur une zone très délimitée Le bassin de l’Oreuse. Monument complexe, associant des éléments en grès de fortes dimensions et des éléments en bois. Le seul cas connu dans l’Yonne est celui des Champs Guyot, à Sainte-Pallaye, dont les vestiges ont été fouillés par Henri Carré en 1959. La sépulture de la sablière de Vinneuf, ne comportant que des éléments en bois, également fouillée par Henri Carré, ne semble pas relever de l’inventaire des monuments mégalithiques au sens strict. Citons, pour mémoire, dans les alentours d’Avallon, trois dolmens sur lesquels les précisions manquent deux ont été détruits au XIXème siècle, l’un à Island-le-Saulçois, l’autre à Vault-de-Lugny. Le troisième a été signalé sur le Bois-Dieu, sur la commune même d’Avallon. Plus singulier enfin, le dolmen du Thureau de Saint-Denis à Bleigny-le-Carreau, près d’Auxerre bien que classé Monument Historique en 1889, celui-ci semble s’être volatilisé et aucune description n’a même pu en être retrouvée... La situation des pierres dans le paysage ne semble pas répondre à des règles très précises. Il est vrai qu’aucun menhir n’est fiché au sommet d’une colline, les seules pierres dressées dans cette situation ayant surmonté des tumulus ou tertres plus tardifs. Les zones boisées sont représentées autant que les champs, quant aux cours d’eau c’est surtout au voisinage des rus intermittents que l’on trouve des pierres dressées, bien qu’un contre-exemple existe : la Pierre Frite de Villeneuve-sur-Yonne, dans la plaine alluviale de l’Yonne, à moins de 2m au-dessus du niveau moyen de la rivière. Ce qui est par contre remarquable, dans le Sénonais en particulier, c’est la non-concordance entre les vestiges de taille du silex et la présence d’un menhir. On peut même dire que l’emplacement du menhir est une sorte de « no man’s land » pour le prospecteur de surface : pas d’outils, pas d’éclats, pas de traces d’habitat. Il existe enfin une série de pierres dressées dans le voisinage de dolmens ou de sépultures plus rudimentaires: il est généralement admis qu’elles participent à la délimitation d’un espace sacralisé autour de la sépulture. ROCHES AMENAGEES Villeneuve-sur- Yonne, la Pierre Frite. PIERRES DRESSEES OU MENHIRS L’appellation “menhir” est en principe réservée à des pierres dressées au Néolithique. Le bloc est brut, choisi de préférence pour sa forme plus haute que large. La partie enfoncée dans le sol correspond environ au 1/3 de la hauteur, parfois plus, rarement moins, sans qu’il y ait nécessairement de pierres de calage. Le bloc a généralement un profil étroit et un profil large : au départ c’est une dalle irrégulière gisant sur le sol. Le sommet n’est pas nécessairement pointu, ni la position parfaitement verticale. Le plus grand menhir connu de l’Yonne, la « Pierre Fitte » de Sépeaux, disparue vers 1920, mesurait 4,20 m de hauteur. La plupart de nos grands menhirs mesurent de 3 à 3,50 m, quelques uns entre 2 et 3 m. On en connaît quelques uns de moins de 2m, avec une limite inférieure, toute théorique, de 1,40m. En dessous de cette taille, on peut hésiter entre menhir, borne de finage, élément de clôture et bloc en situation naturelle. ANIMEES, ROCHES Il est d’usage dans ce genre d’inventaire de faire une part symbolique aux « roches branlantes” et « pierres qui tournent », ainsi qu’aux roches à cupules, bassins et sièges ; ces roches, en général en place, rejoignent les menhirs dans le riche monde de la tradition et de la légende. Bien des chercheurs, et non des moindres, estiment en effet que l’étude du légendaire et de la symbolique des pierres est une voie possible pour accéder à la pensée des hommes qui ont commencé, il y a plus de 6000 ans, à dresser des menhirs et à placer leurs morts sous des assemblages de dalles cyclopéennes, alors qu’une simple fosse eut suffi... L’Yonne n’est pas pauvre en ce genre de « roches de rêve », surtout dans sa partie nord : ainsi, la « Roche Branlante » de Villemanoche, qui « allait boire un coup dans l’Yonne pendant la messe de minuit, en passant par la ruelle Guichard... » LE “CROISSANT L’OREUSE” DOLMENIQUE DE Le bassin de l’Oreuse. L’Oreuse a ses sources (au nombre de trois) dans le village de Thorigny-sur-Oreuse. Le ruisseau coule d’est en ouest sur environ 14 km. Dans sa partie supérieure, la vallée passe entre des massifs forestiers d’importances diverses, de 180 à 200 m d’altitude, le plus vaste étant au sud l’ensemble des forêts domaniales de Voisines et de Soucy-Launay, suivi au nord du Bois de la Pommeraye. A la sortie de Gisy-les-Nobles, l’Oreuse se divise en deux bras qui se jettent dans l’Yonne de part et d’autre de Pont-sur-Yonne. En amont de Thorigny-sur-Oreuse commence une vallée sèche cachant un réseau hydrographique souterrain (plusieurs stations de pompage) et aboutissant à un important massif forestier de plateau : la Forêt Domaniale de Vauluisant. La partie centrale de cette forêt, dite « Forêt de Lancy », débouche, à l’est, sur des pentes cultivées ouvrant sur les horizons champenois. Les Sièges, la “Pierre Colon” La frontière orientale du domaine dolménique. C’est en haut de ces pentes, en lisière de la forêt, à une altitude de 195 m, que se trouvait jusqu’à sa destruction vers 1845, l’important dolmen de la « Pierre Couverte », entouré d’au moins quatre sépultures creusées dans le sol crayeux. Toujours en lisière de la forêt, 800 m plus au nord-est, se trouvait également, détruit vers 1860 suite à un déboisement, le « dolmen » de la Vente d’Issé, près duquel se trouvait une enceinte circulaire de pierres dressées. Alors que les vestiges de la Pierre Couverte, fouillés vers 1903 par Armand Lapôtre, ont livré la preuve de leur caractère sépulcral, aucune trace d’ossements n’a été découverte par ce même chercheur sur ce qui restait du monument de la Vente d’Issé. Enfin, 1 km à l’est de la Pierre Couverte, dans un champ, au cours de l’hiver 1897-98. des maçons de Courgenay débitèrent en moellons la « Pierre au Lorin », un grès “doux” de 30 m3 qui recouvrait, dans une sorte de caveau avec rampe d’accès latérale, une grande quantité d’ossements. Pardessus les ossements ils trouvèrent une magnifique lame en silex du Grand-Pressigny, actuellement visible au nouveau Musée de Sens. Au-delà de la Pierre au Lorin, plus de sépulture mégalithique : les coteaux descendent vers la vallée de l’Alain plus à l’est commence le département de l’Aube, avec le bassin de l’Orvin et une nouvelle et remarquable concentration de dolmens, séparée du groupe de l’Oreuse par un hiatus de cinq à six kilomètres. Le confluent Yonne-Oreuse. A l’autre extrémité du « croissant de l’Oreuse”, face à son « delta » les coteaux de Pont-surYonne et de Villemanoche, orientés vers le nord-est. A l’entrée sud de Pont-sur-Yonne, lieudit « les Hauts Bords », en 1858, fut partiellement détruit et fouillé un imposant dolmen dont la table, émergeant jusque là à peine du sol, gênait les cultures. Les fouilleurs, après avoir cassé cette table, qui pesait plus de 15 tonnes, découvrirent qu’elle reposait sur trois pierres fortement inclinées. Dans la terre du « caveau » de nombreux ossements, dont au moins 10 crânes, deux “vases en poterie de forme circulaire peu élégante », dits en « pot de fleur », et des outils en silex. Tout ce mobilier a disparu, non sans avoir été minutieusement décrit par le docteur Roché. A l’autre extrémité de Pont-sur-Yonne, à flanc du coteau du Gallat, près du chemin des Mardelles, commune de Villemanoche, en 1875, nouvelle découverte : sous une large dalle de grès de 1,20 m d’épaisseur et d’un poids de près de 20 tonnes, dans un caveau creusé dans la craie, les restes osseux de plus de 20 personnes. Encore une fois, parmi d’autres objets (fragments de céramique, outils en silex, coquillage marin, rognon de pyrite) une belle lame en silex du Grand-Pressigny. L’essentiel de ce mobilier est au Musée de Sens. Le monument, lui, a été réduit en moellons. La fouille, abandonnée avant d’être terminée, ne fut jamais reprise et le caveau dut être comblé par l’exploitant des vignes. Au-delà, vers l’ouest, une vaste zone sans dolmens: le plateau du Gâtinais sénonais. Ainsi, aux deux extrémités du « croissant dolménique », d’importantes sépultures mégalithiques ont été détruites au siècle dernier pour des raisons tenant à la fois au développement de l’agriculture et à celui de la construction. En remontant L’Oreuse. Lorsque l’on remonte le cours de l’Oreuse, on relève de nouvelles destructions : à Michery, un caveau sous dalle, lieudit « le Désert » détruit vers 1825. Il recouvrait une vingtaine de squelettes humains. Beaucoup plus haut, dans la vallée, sur un coteau dominant Fleurigny, destruction entre 1825 et 1850, de la « Pierre au Gras » , menhir de 3 m de haut et autant de large, « autour de laquelle on a trouvé des pierres sépulcrales et des ossements humains ». L’abbé Prunier précise qu’il y avait « cinq corps morts, trois grands et deux petits et une corne de cerf ». En amont des sources de l’Oreuse, à 1 km à l’est du village de Thorigny, au lieudit « la Fosse à la Fille » fut détruite vers 1855 une sépulture mégalithique composée d’un « énorme grès saillant de terre » qu’il fallut faire sauter à la mine. Il reposait sur trois dalles debout, et recouvrait un caveau creusé dans la craie. Celui-ci contenait des ossements humains en désordre, de l’outillage en os et en silex et des fragments de bronze. Pour en finir avec les destructions, en 1983, au sud du hameau de Barrault, en bordure du plateau (lieudit « les Usages »), un agriculteur évacua en décharge au bulldozer ce qui avait tout l’air d’un vestige de dolmen : deux orthostates et une dalle de chevet, en place, ainsi que la dalle de couverture gisant à peu de distance. Le tout était caché sous une trentaine de centimètres de terre, dans un fourré d’épines. Le monument n’avait pas été identifié comme tel, mais l’exploitant, intrigué par la configuration des pierres, avait pensé à prendre une série de photos. Dolmens inédits en zones forestières Si les monuments découverts en zone cultivable n’ont été épargnés ni par les carriers ni par les agriculteurs, il n’en est pas de même, heureusement, en zone forestière. Thorigny-sur-oreuse, le dolmen de la Bertauche En 1988, près de Thorigny-sur-Oreuse, une fouille de sauvetage a eu lieu sur le dolmen du lieudit « la Bertauche ». Découvert en 1976, ce petit monument (la dalle mesure 1,65 x 1,80 m pour une épaisseur de 45 à 70 cm), resté ignoré malgré la proximité d’une tuilerie et d’une statue de la Vierge, est situé dans un bois au bord d’un plateau dominant les sources de l’Oreuse. Il s’agit vraisemblablement de la partie visible d’un ensemble plus complexe s’étendant sur une cinquantaine de m2. La chambre, qui n’a pas été fouillée à fond, n’a livré aucun reste humain. Parmi le mobilier découvert, quelques fragments d’outils en silex, dont des éclats de hache polie, et surtout une partie d’un gobelet en céramique du type néolithique moyen bourguignon (3500 avant J.C.). Un peu plus en retrait par rapport à la vallée, environ 3500 m au nord du dolmen de la Bertauche, dans le bois du Fricambeau (commune de Villiers-Bonneux) était découvert en 1994 un vestige très partiel de dolmen : un orthostate en place, en bordure d’une fosse rectangulaire. Sur l’autre versant de la vallée, en forêt de Soucy, ce sont à nouveau deux petits dolmens “jumelés” qui sont découvertes en 1993 dans le Bois des Glands, grâce au sens de l’observation des responsables de l’ONF. L’examen complet du site suggère la présence, dans un rayon d’une cinquantaine de mètres, de trois autres monuments analogues, dépassant si peu que les fougères les dissimulent aux regards. Plus récemment, en 1996, dans la partie orientale de la forêt de Souey, dite “Vallée des Saules”, était découvert, un dolmen “découronné” : deux orthostates en place ainsi que deux dalles de chevet, mais pas de dalle de couverture. L’aspect des roches avoisinantes suggère la présence possible d’un deuxième monument. Le versant “Oreuse” de la forêt domaniale de Soucy-Launay se révèle donc, à la lumière des découvertes de ces dernières années, d’une richesse inattendue en vestiges mégalithiques. Les dolmens classés de la Forêt de Vauluisant Depuis la fin du XIXème siècle, trois dolmens sont connus en Forêt Domaniale de Vauluisant le « dolmen de Lancy”, classé Monument Historique en 1887, et les deux “dolmens de Trainel “, classés en 1922. Les dolmens de Trainel, dits “petit et grand dolmen”, dans la partie nord de la forêt dite “Bois de Trainel”, sont distants de 10 m l’un de l’autre. C’est essentiellement le “grand” (dont la dalle est d’une taille analogue à celle du dolmen de la Bertauche) qui a été fouillé, révélant un grand nombre d’ossements. Les fouilles ont été menées sans précautions ni autorisations, et ce à plusieurs reprises avant et après le classement. L’ensemble constitué par les deux dolmens paraît à nouveau n’être que la partie saillante d’un site beaucoup plus étendu dont la configuration évoque le Néolithique moyen. Le dolmen de Lancy semble un cas à part dans le groupe de l’Oreuse. Contrairement aux autres, il n’est pas enterré mais dépasse largement au-dessus du sol (de 1,50 à 1,70m). Sa dalle, bien qu’amoindrie par la masse des carriers, est nettement plus importante (2,60 x 1,80 m pour 35 à 60 cm d’épaisseur) que celle des autres dolmens de l’Oreuse, sans toutefois approcher les dimensions de celles du dolmen des Hauts Bords à Ponts-sur-Yonne. place et, semble-t-il, un menhir renversé à peu de distance. Mais c’est surtout en Forêt de Lancy qu’un ensemble remarquable a été découvert, ou plutôt redécouvert, à partir de 1994, suite à la réapparition des cahiers et carnets personnels d’Armand Lapôtre (1855-1946), dont la correspondance avec Joseph Perrin (1856-1943) était déjà conservée à la bibliothèque de la Société Archéologique de Sens. Jointe à ces documents, une carte au 1/5000 de la Forêt de Lancy, portant un nombre important d’annotations au crayon de la main d’Armand Lapôtre. Cette précieuses carte, commencée en 1920 et finie vers 1935, a permis non seulement de préciser l’emplacement des monuments disparus de la Vente d’Issé et de la Pierre Couverte, mais aussi de rappeler l’existence au sud du dolmen de Lancy de quatre autres monuments plus ou moins complexes, partiellement détruits, tout en indiquant quelques autres sites analogues dans les portions de forêt avoisinantes. Dixmont, le Menhir du Four aux Verres. A quelques mètres se dresse un menhir d’une hauteur de 1,60 m, et on remarque, formant avec ce dernier autour du dolmen une sorte d’enceinte, huit roches couchées, dont une tradition non confirmée prétend qu’à l’origine elles étaient debout. Autre originalité, malgré une fouille méthodique de la chambre et des abords vers 1890, Philippe Salmon et Edmond Feineux, après avoir constaté que des fouilles clandestines avaient eu lieu auparavant, ne trouvèrent « qu’une terre légère, friable.., et un gros rognon de grès de 30 à 40 cm de longueur » De nouvelles fouilles exécutées par la suite par Armand Lapôtre et Gustave Julliot restèrent tout aussi infructueuses. Remarquons que si les fouilleurs clandestins ou “chercheurs de trésors” récupèrent en général ossements et objets précieux, haches polies, outils complets et objets de parure, ils négligent les menus fragments de silex et de poterie. Or, rien de ce genre n’a été retrouvé, ni par la première ni par la deuxième équipe. Il n’est donc pas exclu que nous ayons affaire ici à un monument purement cultuel, sans inhumations ni dépôt rituel d’objets. Le dolmen de Lancy, un des monuments mégalithiques les plus visités de la région, a été restauré en 1931, sur intervention de la Société Archéologique de Sens. Nouvelles découvertes en Forêt de Vauluisant Début 1992. dans le Bois de Bray, à l’ouest du Bois de Trainel, était découvert un dolmen “découronné” : orthostates et dalle de chevet en Verlin, la”Grande ménagère”~ C’est ainsi que l’on pourra observer à 50 m au sud du dolmen de Lancy les vestiges d’un deuxième dolmen, dont restent, fort maltraités par les carriers, des supports encadrant un vestige de fosse. Deux cent mètres plus loin au sud, non loin d’une ligne sommière, les vestiges d’un monument beaucoup plus important, comportant une partie centrale surélevée, où reste une dalle de chant parmi plusieurs roches renversées. Plus au sud encore, dans la partie centrale de la forêt de Lancy, non loin du “vieux chemin de Mauny à la Charmée”, on peut encore voir, dans une fosse ovale, un petit dolmen dont la table ne s’appuie que sur l’un des supports, lui-même incliné. Tout contre se trouvait un deuxième dolmen, détruit par des maçons de Courgenay en 1896 ou 1897, et recouvrant des ossements humains. Parmi les débris de grès abandonnés par les carriers a été retrouvé en 1997 un bloc portant une trace de polissage. A 50 m à l’ouest de ces monuments jumeaux. on peut voir également un autre dolmen effondré, sur lequel se penche un beau menhir triangulaire de 2,20 m de hauteur dont le sommet, tronqué et semble-t-il aplani par piquetage, arbore une cupule hémisphérique de 7 cm de diamètre. On retrouve ici le couple dolmen + menhir. Ce site, épargné par les carriers et fouillé partiellement par Armand Lapôtte en 1903, a fourni un peu de céramique et un petit polissoir à main en grès. Enfin, à la pointe sud de Lancy, près des champs, le polissoir de Lancy, classé M.H. en 1922, mais qui, d’après Armand Lapôtre, repose sur d’autres roches et pourrait bien cacher une sépulture... La Forêt de Lancy est donc manifestement loin d’avoir livré ses secrets, qui appartiennent, sans nul doute, à la riche et encore mystérieuse préhistoire du « Croissant de l’Oreuse ». Vaumort, la Pierre aux Sorciers. AUTRES ROCHES REMARQUABLES La “Pierre Fitte” d’Aillant-sur-Tholon Cette pierre, émergeant dans un champ (anciennement une vigne) sur les coteaux à l’ouest du Tholon, est un conglomérat de silice et de petits silex. Sa forme trapue n’évoque guère un menhir (hauteur actuelle : 1,65 m, pour une longueur de 2,50 m et une largeur d’1m, avec le sommet en pointe). Deux légendes se rattachent à la Pierre Fitte : d’une part, chaque matin, au lever du soleil, on trouverait au pied un pain et une bouteille de vin, mais de plus elle ferait trois tours sur elle-même pendant l’Evangile de Pâques. Elle a été classée monument historique en 1889. La “Roche au Diable “ des Bordes Cet ensemble de grès durs couronnant une petite butte ombragée de chênes et d’acacias a pu être qualifié hâtivement de cromlech Il est vrai que le site a de quoi frapper l’imagination : le haut de la butte présente un aspect dégagé qui suggère que les blocs aient été repoussés vers l’extérieur pour ménager un espace propice aux assemblées. La plus haute de ces roches, dépassant 7 mètres, offre à sa base une large cavité qui lui valut le surnom de « Four au Diable » : on en menaçait autrefois les enfants récalcitrants. En fait, les recherches menées depuis les années 1980 ont révélé sur le « cromlech » au moins trois petites traces de polissage. Ces traces discrètes mais typiques sont parfois interprétées comme des essais suivis d’abandon, soit comme des témoins de rites d’initiation au polissage du silex. La “Pierre de St Martin”, à Branches. Non loin de l’aérodrome de Branches, à l’orée d’un bois de pins riche en bruyères, on peut voir une dalle irrégulière de grès cliquart gris sombre, d’environ 2 m x 1,90 m, creusée de cavités naturelles et dépassant du sol de 10 à 30 cm. Elle marque le point de rencontre des limites d’Appoigny, Perrigny, Branches et Charbuy. Elle porte le nom de « Pierre de St Martin », et semble hors de son contexte géologique. C’est aussi, pour l’instant, une énigme pour l’archéologue. La “Dame Blanche” de Châtel-Gérard On trouvera facilement dans le bois de Morcon (forêt domaniale de Châtel-Gérard), non loin de la lisière, (indiqué sur les cartes IGN au 1/25000) ce beau menhir de calcaire dur d’une hauteur de 2,50 m. Sa face la plus large est triangulaire et la plus étroite évoque une silhouette humaine enveloppée d’un châle. Au siècle dernier, « on faisait le signe de la croix en passant auprès, pour détourner les maléfices ». Des fouilles exécutées vers 1 890 sous la direction d’Ernest Petit ont révélé que le menhir était enfoncé d’ 1 m dans le sol et maintenu à sa base par des pierres de calage. La “Grande Borne” de Chéroy. Repéré en 1994 et sauvé de la destruction, ce petit menhir de grès « sablon » à section quadrangulaire mesure 1,15 m de hauteur. sa silhouette est effilée, en « pointe d’asperge », avec un renflement à la base. La pierre est légèrement penchée vers le sud. Elle se trouve au milieu d’un champ, sur la limite de Chéroy et Blennes, et donc en limite des départements de l’Yonne et de la Seine-et-Mame. La présence non loin du sommet d’une large et irrégulière zone polie évoque, plutôt que le travail du silex, le résultat de frottements répétés, pratique destinée à favoriser la fécondité et attestée en de nombreuses régions d’Europe. Le menhir du “Four aux Verres “ de Dixmont Ce menhir peu connu se trouve dans la Forêt Domaniale de l’Abbesse, dans le Bois de l’Enfourchure. Il est fiché à flanc de pente du côté opposé à la source du Four aux Verres par rapport à la route de Bussy-en-Othe. Les carriers, très actifs dans ces parages, l’ont sans doute épargné en raison de sa texture hétérogène. Le bloc mesure 2,40 m de hauteur et autant de longueur pour une épaisseur de 0,80 m environ. Des pierres de calage apparaissent au pied. La “Grande Borne” du Rivau, à Egriselles-le-Bocage Située près du hameau des Rivaux (anciennement « le Rivau », c’est-à-dire le petit ruisseau), le célèbre menhir d’Egriselles est le plus connu en Sénonais. Il se dresse dans un champ, au-dessus d’un petit ravin qui se transforme parfois en ruisselet. Sa silhouette est triangulaire sur une face, plus élancée sur l’autre ; sa hauteur est d’environ 3 m. A sa base, à 80 cm au-dessus du sol, une protubérance arrondie de 33 cm de diamètre présente un aspect poli évoquant à nouveau les rituels de fécondité. Le sommet du menhir est également lisse et arrondi. On distingue, à portée de main, deux cupules ovales très régulières. Au siècle dernier, on amenait encore à la Grande Borne les animaux (vaches et chevaux) atteints de maladies de type inflammatoire. Le rituel consistait à faire tourner la bête autour de la pierre, avant de déposer un liard sur une petite plate-forme située à environ 2 m au-dessus du sol. A la St Jean, ce rite de « circumduction » était également pratiqué en vue de préserver la santé du bétail pour une année. A cette occasion, les bêtes devaient également respirer la fumée de la « joannée » à le Feu de la St Jean. Des fouilles effectuées au pied ont révélé que le menhir est enfoncé d’l m dans le sol. Ont été également trouvés à proximité immédiate des fragments de céramique néolithique et une hache polie perforée, en « roche du Morvan » (cette dernière visible au Musée d’Auxerre). Les prospections de surface assidues menées dans le champ sont restées sans résultat. Suite à ces fouilles, le menhir a été classé Monument Historique en 1894. la “Pierre à Couteau “ de Fontaine-la-Gaillarde Ce menhir, situé dans le lieudit « Les Temps Perdus » a bien failli disparaître en 1994, suite à un défrichage illégal. Actuellement, c’est la commune qui est propriétaire de la parcelle, en cours de reboisement. La pierre, fortement inclinée, a un profil triangulaire. Sa pointe est à environ 2,20 m au-dessus du sol. Le nom de « Pierre à Couteau » fait généralement allusion au mythe du géant Gargantua, seul capable d’utiliser une pierre à affûter d’une telle taille. C’est un exemple de menhir connu essentiellement par la mémoire locale, et qu’aucun toponyme ne signale. La “Croix de St Vincent” de Gisy-les-Nobles. Non loin de l’aérodrome de Gisy, à une fourche de chemins, se dresse le socle de la croix St Vincent. C’est un bloc de « sablon » de plus de 1,75 m de hauteur, à base quadrangulaire, au sommet effilé. Trois faces sont brutes, et la quatrième est sculptée en pilier et gravée d’un cœur et de l’inscription : « ST. VINCEN” (sic). Quand à la croix de fer qui le surmontait, elle a disparu depuis plus de 60 ans. Aucun socle de croix n’atteint une telle taille dans la région; en général, ces socles sont soigneusement équarris et ne dépassent pas 1m de hauteur. Pour cette raison, l’hypothèse que la « pierre St Vincent » soit un menhir christianisé est tout à fait vraisemblable. La “Pierre qui Tourne” de Grange-le-Bocage. On ne connaît cette pierre, disparue à la fin du XJXème siècle, que par un dessin de François Lallier datable de 1845. D’une hauteur de 2,30 m, avec un profil large (1,60 m) et un profil étroit (40 cm), c’était encore une dalle dressée. Elle se trouvait à droite de la route de Grange-le-Bocage à Sôgnes. On l’appelait aussi la « Pierre aux Prieux » et l’on disait, d’après l’abbé Prunier (1811 - 1879): « Va voir sentir la Pierre aux Prieux, il paraît qu’elle sent l’huile ». François Lallier, qui frit président de la Société Archéologique de Sens, mentionne sur son croquis qu’on trouva au pied des ossements humains à faible profondeur. La «Pierre au Lorin” de Lixy. Ce petit menhir d’une hauteur de 1,50 m a été signalé à Jean-Yves Prampart vers 1986 par un agriculteur de Lixy. Il se trouve en bordure du “Buisson du Chat » au sud du hameau de Coquin. Sa forme est en « bosse de chameau » et son sommet, arrondi, présente à nouveau l’aspect lisse et évocateur des rites de friction. Le menhir de la Cour-Notre-Dame, à Michery. Ce bloc de « sablon » gris clair, dressé dans le jardin de ce qui fut le prieuré de la Cour-Notre-Dame, mesure un peu plus de 3 m de haut, avec la silhouette caractéristique déjà rencontrée à Egriselles-le-Bocage. Son enfoncement dans le sol est actuellement de 70 cm. En 1854, il fut fouillé : il est écrit qu’on trouva au pied des ossements humains, dont « des fragments d’un crâne très épais ». Suite à ces brutales investigations, la pierre tomba sur le sol ; elle ne fut relevée qu’en 1983 par l’exploitant de la ferme, M. Vanacker. La “Pierre qui Danse “ de Monéteau. Située dans le bois de Montaigu, au-dessus d’Auxerre, près du Ru Fagot, ce bloc de grès fortement ferrugineux a parfois été considéré comme menhir: il a même été écrit qu’il mesurait « l 80 m de hauteur sur 1,45 m de largeur et 60 cm d’épaisseur » (Philippe Salmon, 1878). La vérité oblige à dire que les proportions ont été inversées, la pierre « a dans la partie visible au-dessus du sol 1,80 m de long, 1,45 m de large et 0,60 m de haut. On a fait des fouilles auprès de cette pierre en 1810. On n’a rien trouvé. Des personnes prétendent qu’elle a au moins 3m de longueur totale. (Réponse de l’instituteur de Monéteau au questionnaire de 1860). Le cas de la « Pierre qui Danse » illustre la créativité de la transmission orale.., ou écrite. A une pierre déjà nantie d’une légende, une simple erreur de copie attribue des dimensions sans rapport avec la réalité, plongeant dans la perplexité les prospecteurs de la fin du XXème siècle. La “ Pierre Pointe “ de Montacher. Ce menhir en grès cliquart dur, de 2,25 m de hauteur, offre un profil nord-ouest sud-est triangulaire et trapu, l’autre profil étant nettement plus étroit. Plantée au milieu d’un champ, sur le plateau où prennent naissance le Betz et le Lunain, au nord de l’étang de la Rôtie, la « Pierre Pointe » présente sur sa face sud-est une forme de siège. La tradition relate que les seigneurs de Vertron s’y plaçaient pour rendre la justice. A une trentaine de mètres de la pierre, un beau couteau en silex a été découvert dans les années 1950 par l’abbé Merlange. C’est la seule trace jamais trouvée d’une industrie du silex à proximité du menhir. Celui-ci, menacé de destruction, a été inscrit à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques en 1952, sur intervention de Pierre Parruzot. La parcelle fait toujours partie du domaine du château de Vertron. La “Borne Percée” de Noé. Cette borne à base rectangulaire d’une hauteur de 1,20 m, au sommet arrondi et percé d’un trou, semble avoir été façonnée à l’aide d’outils de fer, et serait donc très postérieure au Néolithique. Située au point de rencontre des limites de Noé, Mâlay-le-Grand et les Bordes, elle a subi plusieurs déplacements avant d’être réimplantée le 26 août 1996 près de son emplacement d’origine. Au siècle dernier, on y conduisait les vaches et les brebis réputées stériles ; on devait les faite tourner plusieurs fois autour de la borne et laisser dans le trou une pièce de monnaie. On remarque à nouveau que la pierre semble avoir été polie grossièrement, nouvel indice des rites de friction dont la mémoire s’est perdue mais dont le monument a gardé la trace. La « Borne Percée » est classée Monument Historique depuis 1939, avec l’appellation de « menhir ». Forêt de Lancy. Menhir avec cupule, renversé sur vestige de dolmen (Site Lapôtre). Les matériaux utilisés Si pour la construction des dolmens icaunais le grès dur, dit « cliquart » est resté le matériau quasi exclusif, on a dressé au Néolithique des blocs de toutes sortes de roches, comme pouvait en fournir l’environnement proche: • « sablons », comme on nomme dans le nord de l’Yonne les grès de Fontainebleau, appelés autrefois « grès stampiens » : de très grande taille, aux formes arrondies, de couleur souvent grise ou blanchâtre, parfois ocre jaune. Leur dureté varie du « très dur » au « friable » les carriers les désignant sous les appellations expressives de « pif », « paf » et « pouf » • grès « cliquarts » (mot d’un patois de l’Yonne signifiant « boiteux »), plus petits, aux formes heurtées, à la texture hétérogène, souvent crevassés, d’une grande dureté. • « roches mariées », c’est ainsi que l’on nommait dans le Gâtinais les brèches et poudingues, conglomérats de silice et de morceaux ou galets de silex, véritables « nougats » minéraux. • grès fortement ferrugineux dans l’Auxerrois. • calcaires durs, dans le Tonnerrois. • roches granitiques, dans l’Avallonnais. Parmi ces roches, certaines intéressaient particulièrement les carriers et entrepreneurs de maçonnerie. Ainsi les grès du Sénonais furent-ils utilisés dès le XIIème siècle dans la construction civile et religieuse. Ceci explique une partie des destructions. Il ne faut cependant pas oublier que des monuments ont été abattus sur ordre de l’Eglise, en des temps plus anciens, et que d’autres ont été simplement noyés sur place, sous une couche de terre suffisante pour les mettre hors de portée des socs de charrue. Enfin, plus récemment, retenons le cas de la « Pierre Aiguë » de Savigny-sur-Clairis, qui avait la malchance de se trouver sur le trajet de l’Autoroute du Soleil : elle fut arrachée sans ménagements, jetée sur un tas de terre et finalement replantée cul par-dessus tête, à quelques mètres derrière la clôture du domaine autoroutier. AVIS AUX EXPLORATEURS... La liste est encore longue des pierres dignes d’être visitées, depuis la « Pierre Colon » des Bois Communaux des Sièges, la « Pierre Frite » de Sommecaise, utilisée comme oracle pour les filles cherchant un mari, la « Pierre aux Sorciers » de Vaumort, sur laquelle le diable se perchait et jouait du violon « pour celles qui venaient danser autour », la « Grande Ménagère » de Verlin, la « Grande Claudine » de Thorigny-sur-Oreuse avec sa protubérance en forme de sein, sa niche et sa réserve d’eau, la « Roche Aiguë », la « Pierre de Minuit » et la « Roche Branlante » de Villemanoche, le « Petit Doigt de Gargantua » d’Avallon, la « Margot du Bois » de Pisy, la « Pierre Frite » de Villeneuve-sur-Yonne, qui pour certains marquait le gué du Petit-Port, sans compter les roches disparues et celles qui attendent d’être découvertes De bonnes surprises attendent encore le « chasseur de mégalithes » dans notre département, si vaste et encore si imparfaitement connu... 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