métaux, arsenic, poussières et fibres

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métaux, arsenic, poussières et fibres
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Cancer environnement > Monographies du CIRC > Vol. 100C : Métaux, arsenic, poussières et fibres
Volume 100C, Revue des cancérogènes pour l'Homme :
métaux, arsenic, poussières et fibres
Revue des cancérogènes pour l'Homme ­ Partie C
Tableau : métaux, arsenic, poussières et fibres évalués par le Groupe de travail des Monographies du CIRC
Membres du groupe de travail
En mars 2009, 27 scientifiques venus de 8 pays réunis au Centre international de Recherche sur le Cancer
(CIRC), ont confirmé la classification dans le Groupe 1 de certains métaux, de l’arsenic, des particules et des
fibres préalablement classés comme "cancérogènes pour l’Homme" (Groupe 1), et ont identifié des types de
tumeurs associés et les mécanismes de cancérogenèse supplémentaires (tableau). Ces évaluations sont
publiées dans la troisième partie (C) du volume 100 des Monographies du CIRC.
L’inhalation est la voie principale d’exposition professionnelle à l’arsenic observée dans les industries telles que
les fonderies de métaux non ferreux, la production d’arsenic, la conservation du bois, la fabrication du verre,
la production et l’application de pesticides à base d’arsenic, et dans l’industrie de l’électronique.
L’exposition non professionnelle à l’arsenic se fait principalement via l’alimentation, sauf dans les régions ayant
un fort taux d’arsenic dans l’eau de boisson comme Taïwan, le Bengladesh, le Bengale Occidental (Inde), le
nord du Chili et la province de Cordoba (Argentine)1.
Des études épidémiologiques ont montré que l’exposition à l’arsenic par inhalation ou ingestion d’eau
provoque des cancers du poumon, de la peau et de la vessie. Les données disponibles suggèrent l’existence
d’une association entre l’exposition à l’arsenic dans l’eau de boisson et le développement de tumeurs pour
plusieurs autres localisations; cependant, plusieurs éléments empêchent de conclure de façon définitive. Les
études analytiques n’ont donné que des informations limitées étayant l’hypothèse d’une association avec le
cancer du rein; les causes du cancer du foie peuvent être difficiles à déterminer pour les groupes à haut
risque d’hépatite B, et les données concernant le cancer de la prostate et l’exposition à l’arsenic sont
divergentes selon les pays.
Globalement, le Groupe de travail a classé l’arsenic et les composés inorganiques de l’arsenic comme
"cancérogènes pour l’Homme" (Groupe 1). Les dérivés organiques de l’arsenic, l’acide monométhylarsonique
(MMA) et l’acide diméthylarsinique (DMA) sont les ingrédients actifs de certains herbicides et sont des
métabolites de l’arsenic inorganique. Sur la base de données suffisantes concernant le cancer induit par le
DMA chez l'animal de laboratoire, et parce que le MMA est métabolisé dans des proportions importantes en
DMA, les deux composés sont classés comme "peut­être cancérogènes pour l’Homme" (Groupe 2B).
L’arsénobétaïne ainsi que d’autres composés organiques de l’arsenic qui ne sont pas métabolisés chez
l’Homme sont "inclassables" (Groupe 3).
Le Groupe de travail a confirmé la classification du béryllium et de ses composés, du cadmium et de ses
composés, des composés du chrome VI et des composés du nickel comme "cancérogènes pour l’Homme"
(Groupe 1). Les études qui ont porté sur des expositions professionnelles à un mélange du métal et ses
composés, rendent impossible l’évaluation séparée de la cancérogénicité de ces agents.
A l’échelle mondiale, on estime que 125 millions de personnes sont toujours exposées à l’amiante sur leur lieu
de travail2. Bien que l’utilisation de l’amiante ait été interdite ou limitée dans la plupart des pays industrialisés,
elle est en augmentation dans certaines régions d’Asie, d’Amérique du Sud et de l’ex­Union soviétique 3. Les
sources naturelles d’amiante, son utilisation dans les revêtements de freins et la détérioration des produits
contenant de l’amiante contribuent à une exposition environnementale dans le monde. Les fibres déposées
sur les vêtements des personnes travaillant l’amiante et rapportées à leur domicile4 peuvent aussi être une
source d’exposition.
De plus en plus souvent, les données épidémiologiques montrent une association entre toutes les formes
d’amiante (le chrysotile, la crocidolite, l’amosite, la trémolite, l’actinolite, et l’anthophyllite) et un risque élevé de
cancer du poumon et de mésothéliome. Bien que les différences de potentiel cancérogène pour des fibres de
différents types et dimensions soient débattues pour le cancer du poumon ou le mésothéliome, la conclusion
fondamentale est que toutes les formes d’amiante sont "cancérogènes pour l’Homme" (Groupe 1). Les
substances minérales qui contiennent de l’amiante (le talc ou la vermiculite) doivent également être
considérées comme "cancérogènes pour l’Homme".
Il existe des données suffisantes pour établir que l’amiante provoque le cancer du larynx et de l’ovaire. Une
méta­analyse d’études de cohorte a fait état d’un risque relatif de cancer du larynx de 1,4 (IC à 95 %, 1,2­
1,6) pour toute exposition à l’amiante. Avec différentes mesures d’exposition, le risque relatif pour une
exposition forte était d’au moins 2,0 (1,6­2,5) par rapport à l’absence d’exposition5 . Des études de cohorte
de femmes ayant été fortement exposées à l’amiante sur leur lieu de travail font systématiquement état
d’une augmentation du risque de cancer de l’ovaire, comme dans cette étude de femmes au Royaume­Uni
qui fabriquaient des masques à gaz pendant la deuxième guerre mondiale6. Des études suggèrent que
l’amiante peut s’accumuler dans les ovaires des femmes qui y sont exposées7.
Le Groupe de travail a conclu que les données en faveur d’une association entre l’amiante et le cancer
colorectal sont "limitées", bien que la moitié des membres du Groupe les estiment suffisamment solides pour
pouvoir les classer comme "suffisantes". Par ailleurs, il existe des indications "limitées" chez l’Homme pour les
cancers du pharynx et de l’estomac.
Le mécanisme de cancérogénicité des fibres d’amiante implique une interaction complexe entre les fibres
minérales de cristaux d’amiante et les cellules cibles. Les propriétés physico­chimiques des fibres d’amiante les
plus reconnues pour être impliquées dans des pathologies sont la réactivité chimique de surface, la surface
d’échange, la dimension des fibres et leur persistance dans le corps. Des mécanismes directs et indirects ont
été proposés sur la base d’essais cellulaires in vitro et de bio­essais d’expositions aiguës et subchroniques chez
l’animal (voir tableau). Les réponses respiratoires à l’inhalation de fibres d’amiante diffèrent de façon
substantielle en fonction des espèces et l'on ne connaît pas les mécanismes biologiques à l’origine de ces
différences.
Le Groupe de travail a confirmé la classification de la poussière de silice cristalline "comme cancérogène pour
l’Homme"(Groupe 1). Un risque élevé de cancer du poumon a été observé dans diverses industries et
procédés8.
Le Groupe de travail a passé en revue les données des études épidémiologiques concernant la fabrication
industrielle et la réparation de bottes et de chaussures et a noté que des cancers des fosses nasales et des
sinus de la face peuvent survenir suite à une exposition à la poussière de cuir et des leucémies suite à
l’exposition au benzène. Un risque particulièrement élevé d’adénocarcinome sino­nasal a été signalé parmi les
travailleurs les plus fortement exposés à la poussière de cuir9. La poussière de cuir a été classée "cancérogène
pour l’Homme" (Groupe 1).
Les études épidémiologiques mettent en évidence une forte association entre l’exposition à la poussière de
bois et la survenue d’un cancer des fosses nasales et des sinus10. Seules quelques études incluaient des détails
sur l’histologie des tumeurs et ont rapporté des risques substantiels d’adénocarcinome des sinus et fosses
nasales. Les rares études qui ont évalué l’exposition à des types de bois spécifiques ont trouvé de solides
arguments pour la cancérogénicité des poussières de bois durs. Comparé à l’exposition aux poussières de
bois dur, des études cas­témoins ont montré un risque réel, mais moindre, de carcinomes épidermoïdes après
exposition aux poussières de bois tendre. En ce qui concerne les cancers du nasopharynx, il est peu probable
que l’exposition au formaldéhyde soit responsable des risques élevés (par rapport à la population de
référence) constatés dans la plupart des études cas­témoins ainsi que dans de nouvelles analyses d'ensemble
d’études de cohorte. La poussière de bois a été confirmée comme étant "cancérogène pour l’Homme"
(Groupe 1).
Métaux, arsenic, poussières et fibres évalués par le Groupe de travail des Monographies du CIRC
Agents du
groupe 1
Autres
Localisations
localisations
avec des
avec des
indications
indications
suffisantes
limitées
chez
chez
l'Homme
l'Homme
Evénements mécanistiques établis
Arsenic et
composés
inorganiques
de l'arsenic
Poumon,
peau, vessie
Rein, foie,
prostate
Lésions oxydatives de l'ADN, instabilité génomique,
aneuploïdie, amplification de gènes, effets épigénétiques,
inhibition de la réparation de l'ADN induisant la mutagenèse.
Béryllium et
composés du
béryllium Poumon
­­
Aberrations chromosomiques, aneuploïdie, lésions de l'ADN
Poumon
Prostate, rein
Inhibition de la réparation de l'ADN, dysfonctionnement des
protéines suppresseurs de tumeurs induisant une instabilité
génomique
Poumon
Fosses
nasales et
sinus de la
face
Lésions directes de l'ADN après réduction intra­cellulaire du Cr
(III), mutation, instabilité génomique, aneuploïdie
­­ Lésions de l'ADN, aberrations chromosomiques, instabilité
génomique, micronoyaux, inhibition de la réparation de l'ADN,
modification de la méthylation de l'ADN, modification des
histones Cadmium et
composés du
cadmium
Composés du
chrome (VI)
Poumon,
Composés du fosses nasales
nickel
et sinus de la
face Amiante
Déficience des mécanismes d'élimination des fibres lésées
(chrysotile,
Poumon,
induisant activation des macrophages, inflammation,
crocidolite,
Colorectum,
mésothéliome,
production de molécules d'oxygène et d'azote, altération des
amosite,
pharynx,
larynx,
tissus, génotoxicité, aneuploïdie et polyploïdie, modification
trémolite,
estomac ovaires épigénétique, activation des voies de signalisation, résistance à
actinolite et
l'apoptose anthophyllite)
Erionite
Mésothéliome ­­ Génotoxicité Poussière de
silice cristalline
sous la forme
de quartz ou
de cristobalite Poumon ­­ Déficience des mécanismes d'élimination des particules
abîmées induisant une activation des macrophages et une
inflammation persistante Poussière de
cuir
Fosses nasales
et sinus de la
face ­­ ­­ Poussière de
bois Fosses nasales
et sinus de la
face,
nasopharynx ­­ ­­ Kurt Straif, Lamia Benbrahim­Tallaa,Robert Baan, Yann Grosse, Béatrice Secretan, Fatiha El
Ghissassi,Véronique Bouvard, Neela Guha, Crystal Freeman, Laurent Galichet, Vincent Cogliano, représentant
le Groupe de travail pour les Monographies du Centre international de Recherche sur le Cancer, OMS
Centre international de Recherche sur le Cancer, Lyon, France
Les auteurs du CIRC ont déclaré n’avoir pas de conflit d’intérêts.
Références :
1. IARC. Some drinking­water disinfectants and contaminants, including arsenic. IARC Monogr Eval Carcinog
Risks Hum 2004; 84: 1–477.
2. WHO. Elimination of asbestos­related diseases. (accessed April 9, 2009).
3. LaDou J. The asbestos cancer epidemic. Environ Health Perspect 2004; 112: 285–90.
4. Anderson HA, Lilis R, Daum SM, Selikoff IJ. Asbestosis among household contacts of asbestos factory
workers. Ann N Y Acad Sci 1979; 330: 387–99.
5. Institute of Medicine, Committee on Asbestos. Selected health effects. Asbestos: selected cancers.
Washington, DC: National Academies Press, 2006.
6. Acheson ED, Gardner MJ, Pippard EC, Grime LP. Mortality of two groups of women who manufactured gas
masks from chrysotile and crocidolite asbestos: a 40­year follow­up. Br J Ind Med 1982; 39: 344–48.
7. Heller DS, Gordon RE, Westhoff C, Gerber S. Asbestos exposure and ovarian fiber burden. Am J Ind Med
1996; 29: 435–39.
8. Steenland K, ‘tMannetje A, Boffetta P, et al. Pooled exposure­response analyses and risk assessment for
lung cancer in 10 cohorts of silica­exposed workers: an IARC multicentre study. Cancer Causes Control
2001; 12: 773–84.
9. ‘tMannetje A, Kogevinas M, Luce D, et al. Sinonasal cancer, occupation, and tobacco smoking in European
women and men. Am J Ind Med 1999; 36: 101–07.
10. Demers PA, Boffetta P, Kogevinas M, et al. Pooled reanalysis of cancer mortality among five cohorts of
workers in wood­related industries. Scand J Work Environ Health 21: 1995; 179–90.
Etaient présents en tant que représentants de leurs Agences sanitaires respectives :
PB Larsen (Agence de Protection de l’Environnement du Danemark), A Huici­Montagud (Directeur général de
la Commission européenne pour l’emploi, les affaires sociales et l’égalité des chances), T Bateson et R Sams
(Agence pour la Protection de l’Environnement des USA), et F Rice et M Schubauer­Berigan (Institut National
pour la santé et la sécurité au travail des Etats­Unis).
Etaient présents en tant qu’observateurs sponsorisés par différentes organisations :
J Addison (RT Vanderbilt Co, USA), D Bernstein et J Hoskins (Association américaine de l’industrie des produits
forestiers et du papier), MG Bird (ExxonMobil Corp, USA), F Bochmann (Assurance accidents allemande), G
Bromfield (Société canadienne du cancer), P Crosignani (Société internationale des médecins pour
l’environnement, Suisse), D Deubner (Brush Wellman Inc, USA), M Eldan (Groupe de travail de recherches sur
l’acide méthane arsenic, USA), J Gamble (Association nationale de l’industrie des agrégats, USA), J Goodman
(Eurométaux, Belgique), TK Grimsrud (Registre du cancer de Norvège), E Kovalevskiy (Université de
médecine de Russie), RA Lemen (consultant privé, USA), P Morfeld et G Oberdörster (EUROSIL, Belgique;
EUROTALC, Belgique; Association des minerais industriels, Amérique du Nord, USA), L Neumeister (Association
internationale de la sécurité sociale, Allemagne), et A Oller (Association de la recherche environnementale des
producteurs de nickel, USA).
Membres du Groupe de travail :
U Heinrich—Co­Chair (Allemagne), J Samet—Co­Chair (USA); PA Demers, M Gérin, J Siemiatycki (Canada);
P Grandjean (Danemark); A Aitio, T Kauppinen (Finlande); M Goldberg (France); A Hartwig, H Muhle
(Allemagne); B Fubini, F Merletti (Italie); M Ikeda (Japon); MD Attfield, KP Cantor, B A Fowler, R Henderson, PF
Infante, AB Kane, PJ Landrigan, R Lunn, TG Rossman, L Stayner, MP Waalkes, EM Ward, JM Ward (USA).
Conflits d’intérêts :
RH a présidé de 2004 à 2008 la Commission d’enquête du séminaire pour la qualité de l’air de l’Agence de
protection de l’environnement des Etats­Unis (EPA, USA) qui dresse la liste des seuils réglementaires dans l’air
pour les gaz toxiques et les particules en suspension aux Etats­Unis. ABK est membre de la Commission
scientifique d’enquête pour l’EPA, USA et a présidé leur groupe de travail sur l’amiante en 2008.
Spécialistes invites : aucun.
The Lancet Oncology
Article en anglais : A review of human carcinogens – Part C : metals, arsenic, dusts and fibres
Lien vers le Volume 100C (2012) Arsenic, Metals, Fibres and Dusts, disponible en anglais sur le site
internet des Monographies du CIRC ici
Traduit de l’anglais par Anne BOSSE­PLATIERE (traductrice) sous la responsabilité de Julien Carretier et
Béatrice Fervers (Unité Cancer Environnement, Centre Léon Bérard).
Relecture : Section des Monographies du CIRC et Groupe Communication.
21 déc. 2016
Copyright 2016 ­ Centre Léon­Bérard