rapport du groupe de travail : patrimoine, recherche, edition
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rapport du groupe de travail : patrimoine, recherche, edition
RAPPORT DU GROUPE DE TRAVAIL : PATRIMOINE, RECHERCHE, EDITION Les trois orientations de la commission donnent lieu à trois documents dont les rapporteurs sont : - pour le patrimoine, Agathe Sanjuan, responsable des collections de marionnettes au département des Arts du spectacle et Simone Blazy qui prépare une exposition de réouverture du Musée Gadagne sur l’œuvre de Jacques Chesnais - pour la recherche, Emmanuelle Ebel, doctorante - pour l’édition, Christophe Bara, directeur des éditions de l’Entretemps LE PATRIMOINE Par Agathe Sanjuan et Simone Blazy • Problématique : un patrimoine en devenir La commission patrimoine – recherche – édition réunit à la fois des professionnels de la marionnette, producteurs de documents (marionnettes, mais aussi documents papier, photographies), et des professionnels de la conservation dont le rôle est de préserver, identifier et mettre en valeur ces documents. Dans nos discussions, nous avons abordé d’une part la question du patrimoine reconnu en tant que tel, conservé dans les institutions de conservation, et d’autre part les instruments de travail des marionnettistes, marionnettes, photographies, vidéo, etc. qui sont du patrimoine en devenir. Les compagnies se posent la question du statut de leurs marionnettes en particulier. Quand passent-elles d’un statut de « marionnettes à jouer » à celui de « marionnettes à conserver » ? • Etat des lieux et recensement des fonds de marionnettes Des fonds multi-supports Le patrimoine des arts de la marionnette se décline sous des formes de documents très divers. Les objets, marionnettes, décors, théâtres de marionnettes sont les témoins directs de la représentation. Accompagnant le spectacle, les documents de production apportent les renseignements sur l’identification du spectacle (noms des collaborateurs techniques ou artistiques) et sur ses pérégrinations : affiches, programmes, dossiers de présentation du spectacle à la presse. En amont, les documents préparatoires permettent de comprendre la démarche intellectuelle et artistique des praticiens : croquis, maquettes, documents techniques, correspondance, annotations de mise en scène… En aval, les documents de diffusion permettent d’évaluer la manière dont le public et la critique ont perçu le spectacle : dossiers de presse, recueils de coupures de presse. Les documents photographiques et audiovisuels (captations de scène) enfin, sont à la fois le reflet d’un regard extérieur au spectacle proprement artistique, et la documentation en images d’un évènement scénique éphémère, permettant d’en retracer le déroulement. Les fonds du Département des arts du spectacle de la Bibliothèque nationale de France Etat des lieux Collections générales de programmes et dossiers de coupures de presse remontant à la fin du XIXème siècle : Collection d’Auguste Rondel section Ro, cotes Rsupp, SW, WNL (compagnies de marionnettes), WNG (festivals en France). Fonds d’archives et collections : fonds Edward Gordon Craig, fonds Claude Monestier Théâtre sur le fil, collection Jean Villiers, fonds Georges Lafaye, fonds Gaston Baty. Manuscrits de : Paul Vieillard, Paul Jeanne, Théâtre des Pupazzi, Louis Lemercier de Neuville, du Père Brandicourt - marionnettes de Nancy, Temporal (Marcel et Jean-Loup). Documents iconographiques photographies… très nombreux : estampes, maquettes, affiches, Marionnettes : Collections anciennes : collection Guillot de Saix (marionnettes vénitiennes XVIIIème), marionnettes de Commedia dell’arte (XIXème), collection de marionnettes d’Edward Gordon Craig (marionnettes italiennes, birmanes, indiennes, javanaises). Collections Xxème siècle : créations d’Edward Gordon Craig, fonds Antoine Vitez, marionnettes lyonnaises, collection Schaerer, collection Art et Action, collection Géo Condé, marionnettes de Georges Lafaye, marionnettes Kanlanfai Danaye (Togo), marionnettes indonésiennes, ombres indiennes, marionnettes d’Inde, marionnettes du Sri Lanka. Les fonds du Musée Gadagne – Etat des lieux Outre les personnages originaux de Laurent Mourguet et la crêche lyonnaise, le musée Gadagne possédait déjà,dès son ouverture en 1921, des marionnettes provenant des collections d‘Arthur Maury, offertes par madame Lauth-Sand. Témoignant de l’intérêt qu’elle porte à l’implantation lyonnaise, la Direction des musées de France promet des dépôts de collections du musée de l’Homme et du musée des Arts et Traditions populaires. Le musée international de la marionnette ouvre au public en 1950. Le nouveau musée s’enrichit rapidement. En juin 1953, ce sont les Théâtres Neichthauser, des Buttes-Chaumont et Gustave de Budt de Lille qui sont déposés. La même année, entre au musée la donation de Justin Godart. Il a fondé et préside la société des Amis de Lyon et de Guignol, association très populaire qui comptera jusqu’à deux mille membres en 1913. Le vaste réseau de ses relations lui a permis de réunir un grand nombre d’objets et de livres qu’il donne au musée. Dès 1950 M. Justin Godart « a promis l’envoi de deux caisses, l’une contenant une vingtaine de marionnettes, l’autre la documentation. »(1) En 1953, soixante-cinq ouvrages sur la marionnette rejoignent ce premier don. Enfin, en 1957, ses deux filles, madame Lucien Bilange et madame Robert Villard, donnent encore de nombreuses archives et une importante partie de la bibliothèque paternelle. Les dépôts du musée des Arts et Traditions populaires se poursuivent avec notamment l’acquisition du théâtre Pitou. Le lot déposé au musée comprend huit cent quarante objets. Mais c’est l’entrée de la collection Léopold Dor qui constitue l’enrichissement majeur du musée de la marionnette. Joseph Léopold Dor, né à Marseille en 1881 et décédé à Cannes en 1960, est avocat spécialiste de droit maritime. Il réunit entre 1927 et 1930 une vaste collection de marionnettes, une iconographie, des manuscrits inédits et une bibliothèque comportant plus de mille cinq cents ouvrages et brochures. Le catalogue de la bibliothèque représente dixsept volumes.Léopold Dor remet sa collection au musée national des Arts et Traditions populaires avec affectation totale au musée de la Marionnette de Lyon sous forme de prêt permanent. Ce sont mille neuf cent onze objets qui entrent au musée. Parmi ceux-ci, on citera le théâtre Barbier d’Amiens, jeu de marionnettes à tringle vénitiennes du XVIIIe siècle, le jeu de wayang kulit copié vers 1850 pour le fils du prince de Soerakarta, les marionnettes à fils de Clun Lewis, dernier puppet showman à la fin du XIX e siècle. Enfin, en 1954, Léopold Dor confirme sa volonté de léguer à la ville de Lyon pour le musée Gadagne l’ensemble de sa bibliothèque consacrée aux marionnettes et les dix-sept volumes reliés du catalogue. Aujourd’hui le fonds de la bibliothèque sur la marionnette est constitué de 2 600 ouvrages, auquel il faut ajouter une collection de périodiques et un fonds de documentation (articles de presse, programmes, plaquettes, etc). Depuis, achats, dépôts et dons ont enrichi et enrichissent encore la collection. Celle-ci compte aujourd’hui plus de 2000 marionnettes proprement dites du XVIIIe siècle à nos jours en provenance d’Europe, d’Asie et d’Afrique voire d’Amérique et 2800 décors et accessoires. La décision prise à Liège en 1958, d’implanter au musée Gadagne le centre international de travail sur la marionnette traditionnelle a drainé vers le musée une série non négligeable de publications et de documents en provenance du monde entier. Parmi les dernièrs enrichissements citons : le don de 4 marionnettes de Mireille Antoine ou 5 marionnettes des Blandinières, l’achat de 10 manuscrits de Pierre Rousset… La liste des fonds de ces deux institutions n’est pas exhaustive. Cet état des lieux a pour but de signaler la richesse et la diversité des fonds. Par ailleurs d’autres établissements publics détiennent des marionnettes, comme l’Institut international de la marionnette ou le Musée national des arts et traditions populaires. L’ensemble de ces fonds est signalé dans le Répertoire des arts du spectacle. Un outil fédérateur : le Répertoire des arts du spectacle Le Répertoire des arts du spectacle, dédié au recensement du patrimoine des arts du spectacle sous toutes ses formes (théâtre, opéra, comédie musicale, opérette, théâtre musical, danse, music-hall, cabaret, café-théâtre, prestidigitation, cirque, arts de la rue, marionnettes, mime) est piloté par la Département des arts du spectacle de la BnF, avec l’appui de la DLL. Il est le résultat d’une enquête commencée en 1997, auprès de tous les établissements, tant publics (bibliothèques, musées, archives etc.) que privés (théâtres, associations etc.). Le Répertoire est consultable à l’adresse http://rasp.culture.fr Environ 160 notices de fonds ou collections ayant trait à la marionnette y sont actuellement recensées ce qui constitue un effort important pour la valorisation du patrimoine marionnettique en France. Pour mettre en perspective, l’enquête initiale avait contacté 2600 établissement donnant lieu à 1800 notices décrivant les fonds de 750 établissements. Le Répertoire des arts du spectacle permet aux chercheurs un premier repérage des sources, par des notices synthétiques et indexées. Il n’est pas un catalogue analytique qui donnerait la description de chaque objet, mais un outil de localisation des sources, à un niveau global. Le Répertoire des arts du spectacle est interrogeable par le portail http://www.culture.fr, qui permet l’interrogation simultanée des bases de données documentaires du ministère de la culture. L’interrogation en texte libre sur le critère « marionnette » donne alors 2000 résultats environ. Par ce portail, le Répertoire des arts du spectacle, ainsi mis en liaison avec des domaines connexes tels que les beaux-arts ou l’ethnologie, acquiert une visibilité supplémentaire. Actuellement, le travail sur le Répertoire des arts du spectacle est difficile à mener. La Mission de la recherche et de la technologie (Ministère de la culture) qui assurait jusqu’à maintenant les crédits de vacation pour enrichir et mettre à jour cette base de données semble y renoncer pour l’instant. Le groupe de travail Patrimoine – recherche – édition souhaite appuyer la demande de reconduction de cette vacation afin, notamment de poursuivre le recensement du patrimoine marionnettique en France. Perspectives Au niveau de l’état des lieux des collections de marionnettes et de documents autour de la marionnette, le Répertoire des arts du spectacle apparaît comme un outil fédérateur important qu’il convient de continuer à enrichir, notamment en prospectant dans un domaine encore inexploré par la base de données : le patrimoine des compagnies de marionnettes elles-mêmes. En effet, le recensement de ce patrimoine permet non seulement d’en assurer une description sommaire, mais également parfois d’aider à sa sauvegarde. Les compagnies pourraient ainsi participer à cette entreprise en renvoyant un questionnaire, fourni par l’équipe du Répertoire, assorti de quelques photographies numériques pour illustrer leur patrimoine. Ainsi, le Répertoire des arts du spectacle permettrait d’apporter une réponse provisoire à la question du statut des marionnettes conservées par les compagnies ; leur signalement dans la base leur donnerait une visibilité, et donc permettrait à certains chercheurs de pouvoir les repérer et les étudier. Cette entreprise ne peut être menée qu’avec l’aide du Ministère de la Culture, notamment par l’octroi de vacations régulières pour l’enrichissement du Répertoire des arts du spectacle. Peut-être la DMDTS pourrait-elle prendre le relais de la DLL pour cela, afin de traiter prioritairement les questionnaires des compagnies de marionnettes, dans le cadre des saisons de la marionnette. • La conservation des marionnettes Le patrimoine des marionnettes est un patrimoine difficile du point de vue de la conservation, comme tous les objets composites, alliant des matériaux différents et conjuguant éventuellement les problèmes de conservation. Les institutions de conservation y sont confrontées tant pour la conservation préventive que pour la restauration des objets. Dans le cadre de la commission patrimoine – recherche – édition, Michael Meschke a traduit en français et édité sur le site de Themaa un guide sur la présentation en exposition et la conservation des marionnettes. Ce guide est une première approche de problèmes complexes et peut être très utile, en particulier aux marionnettistes eux-mêmes soucieux de conserver au mieux leurs marionnettes. L’approche est originale et significative car elle reflète le paradoxe qu’il y a à traiter les marionnettes comme des objets de musée (notamment pour les actions de restauration), ce qui les éloigne un peu plus de leur vie sur scène. Néanmoins, le cas de la marionnette soulève un des problèmes structurels de la formation des restaurateurs en France. Les techniques de restauration étant de plus en plus sophistiquées, les connaissances et les moyens d’analyses étant de plus en plus poussés, les spécialités (papier, textile, peinture, sculpture, arts du feu etc.) semblent trop cloisonnées pour traiter globalement les objets composites, comme le sont souvent les marionnettes. Pour restaurer une marionnette, il faut souvent faire appel à plusieurs restaurateurs qui s’associent pour la restauration d’un même objet, l’un pour le costume, l’autre pour l’âme de bois, un troisième pour la tête en papier mâché. La spécialisation est certes un gage de qualité de la formation des restaurateurs français, mais le marché de l’emploi étant essentiellement privé, les restaurateurs à leur compte ne bénéficient pas dans la pratique courante de leur métier des moyens mis en œuvre dans les écoles (machines très sophistiquées, matériaux). Du point de vue de la recherche, certains matériaux pourtant très employés par les marionnettistes ne sont quasiment pas étudiés dans les écoles de restaurateurs, en particulier les mousses, latex, résines. Cela est d’autant plus étonnant que ce type de matières semble souvent employé en art contemporain, ce qui suppose que les musées d’art contemporains vont être confrontés au même problème. Perspectives Par rapport aux problèmes de conservation, on peut raisonner de deux manières : agir en amont, de manière à encourager les marionnettistes à utiliser des matériaux traditionnels qui se dégradent moins facilement, tant au cours de la production que par la suite quand la marionnette devient un objet patrimonial, ou agir en aval en tentant de développer et de faciliter la restauration de ce type d’objet. Le choix des matériaux utilisés par les marionnettistes est régi par des considérations esthétiques et pratiques (malléabilité pour la fabrication, légèreté, facilité à manipuler au cours du spectacle). Néanmoins, le choix de ces matériaux conditionne pour une bonne part l’avenir à long terme des marionnettes. Il pourrait être envisagé, en lien avec la commission formation, d’organiser des interventions de conservateurs et restaurateurs ayant affaire à des collections de marionnettes dans les stages de formation des marionnettistes, afin de les sensibiliser au devenir de leurs créations. Certes, la destination première des marionnettes est la scène et ces considérations seront secondaires, mais on a vu parfois des artistes contemporains renoncer à certains matériaux voyant que leurs œuvres étaient vouées à la destruction… Les musées et bibliothèques conservant des marionnettes pourraient sensibiliser les écoles de formation des restaurateurs à leurs problèmes concernant le conditionnement, la conservation préventive et la restauration des marionnettes, afin que le cas des objets composites soit abordé plus largement et pour le développement des études vers les matériaux contemporains de type industriel. • Collecte Comme nous l’avons déjà souligné, les marionnettistes sont soucieux du devenir de leurs marionnettes, une fois que le spectacle ne joue plus. Certains envisagent la destruction, d’autres la conservation provisoire de leurs créations dans des locaux de fortune, dans certains cas, ils s’adressent à des institutions de conservation pour faire entrer leurs marionnettes dans le domaine patrimonial. Un des prolongements de la commission patrimoine – recherche – édition pourrait être de susciter les dons émanant des compagnies, dons de marionnettes mais également de la documentation et des fonds d’archives qui permettent aux chercheurs d’interpréter la lecture des objets. On pourrait joindre au questionnaire de renseignements adressé aux compagnies pour le Répertoire des arts du spectacle un document proposant une information sur les institutions susceptibles de recevoir des dons de marionnettes afin de les encourager. Si la collecte était massive, il faudrait peut-être établir une instance (commission réunissant professionnels de la conservation, praticiens marionnettistes et chercheurs dans le domaine de la marionnette) pour statuer sur le partage documentaire entre les différentes institutions. Une alternative pourrait être un inventaire photographique massif des collections de marionnettes conservées par les compagnies, de manière à en garder au moins la mémoire. L’aide du Ministère de la culture serait alors souhaitée pour mettre à disposition une personne chargée de la photographie et de l’identification des clichés avec l’aide des compagnies, notamment en province. • Valorisation Le volet valorisation du patrimoine des marionnettes rejoint le travail de la commission communication. Les institutions conservant des marionnettes, même lorsque les marionnettes ne sont pas au cœur de leurs collections, pourraient être encouragées à présenter leurs collections à l’occasion des Saisons de la marionnette. A titre d’exemple, le Département des arts du spectacle de la BnF a présenté ses collections de marionnettes à l’occasion des journées du patrimoine 2007. L’évènement « saisons de la marionnette » pourrait ainsi être relayé par la direction des musées de France. Par ailleurs, une exposition sur Edward Gordon Craig est à l’étude par la Bibliothèque nationale de France, et pourrait avoir lieu en 2009 à la Maison Jean Vilar (Avignon). La recherche : un facteur du développement des arts de la marionnette et des arts associés Par Emmanuelle EBEL • Etats des lieux Au niveau de la création, les arts de la marionnette vivent une période de réel essor et de grande vitalité, cependant le travail de mise en perspective de ces nouvelles formes à travers la recherche n’est pas à la hauteur des enjeux proposés par les créateurs. Jamais les marionnettistes n’ont autant pris la plume pour théoriser leurs pratiques artistiques. En effet, leur seule opportunité de prendre par le verbe une distance par rapport à leur démarche de création passe par la rédaction personnelle de leurs conceptions théâtrales. Ils ont donc saisi cette plume et ont publié leurs propres manifestes. Ainsi, depuis quelques années, les marionnettistes diffusent leurs « manifestes », les étayent, en changent, réévaluent leur projet à la lumière de leur pratique. Il y a aujourd’hui un réel déficit de la recherche sur le travail des artistes pratiquant la marionnette et les arts associés, comme en témoigne tout simplement (mais de manière réellement significative) la définition de cet art que nous donne un dictionnaire usuel comme le Larousse : «petite figure de bois ou de carton qu’une personne cachée fait mouvoir avec la main ou grâce à des fils ». Cette définition témoigne d’une réelle méconnaissance de l’art de la marionnette tel qu’il est pratiqué aujourd’hui, tout en rendant compte de l’image désuète qu’en a le public. • A la recherche d’une analyse La recherche en son état actuel n’est pas en capacité de rendre compte d’un art protéiforme en profonde mutation et des réflexions artistiques innovantes qui y sont développées. Elle ne peut pas non plus réaliser son travail de diffusion de la culture scientifique et technique auprès du public. Interrogeons-nous sur les raisons de ce constat. Tout d’abord, les laboratoires de recherche sont dépourvus de spécialistes, et les universités dispensent de ce fait un enseignement très réduit voire inexistant sur la marionnette. De plus, une recherche est le plus souvent suscitée par un fond documentaire riche, or les rayons des bibliothèques des universités françaises sont largement dépourvus des livres les plus fondamentaux et les plus récents publiés sur le sujet. Enfin, les structures culturelles diffusent peu de spectacles de compagnies de marionnettes, et, lorsqu’elles le font, c’est souvent uniquement dans le cadre d’une programmation pour un public scolaire. Ces représentations sont donc difficilement accessibles et parfaitement inadéquates aussi bien pour toucher un large public que pour susciter une interrogation et une recherche au sein des universités. Les études sur ce sujet, qu’elles soient artistiques, technologiques, ethnologiques, archéologiques, sociologiques ou littéraires sont très peu nombreuses. La matière est pourtant extrêmement riche. Cette recherche se perd alors que la demande des artistes est très forte pour promouvoir les nouvelles pratiques. De plus cette matière serait capable d’apporter des lumières sur de nombreux sujets de recherches contemporains. En arts du spectacle, on peut penser notamment aux recherches actuelles sur l’intermédialité des arts scéniques, sur les nouvelles techniques et leur utilisation scénique, ou encore sur les mises en scène du corps sur la scène contemporaine… Le cadre d’un évènement comme les saisons de la marionnette 2008-2010 semble être une occasion idéale pour promouvoir un travail conséquent et nécessaire en faveur de la recherche sur la marionnette. • Propositions pour une recherche en adéquation avec les pratiques contemporaines Suite à ce constat de l’état actuel de la recherche au sujet de la marionnette, les propositions de la commission de réflexion sont les suivantes : Recherche ♦ Un réel travail doit être fait au sein des bibliothèques des universités pour étoffer le nombre d’ouvrages concernant la marionnette. La commission se propose de tenir un fichier bibliographique détaillé. Ce travail de documentation ne sera pleinement fiable que s’il est relayé par des centres de ressources comportant une documentation complète, aussi bien au niveau bibliographique, que vidéographique et photographique. La recherche doit pouvoir se baser sur un patrimoine vivace et régulièrement mis en valeur. ♦ Afin d’encourager la recherche dans ce domaine, la commission propose d’envisager des incitations à la recherche par des créations de bourses, notamment autour du Pôle national de ressources à Lyon [PNR] pour assister le dispositif quadripartite associant le TNG, des compagnies, le CRDP et l’IUFM, notamment en vue de formations en direction des enseignants. ♦ Il est essentiel d’encourager les étudiants ayant réalisé une recherche sur les arts de la marionnette qui ne serait pas publiée, à déposer une « position de thèse consultable », afin que les travaux récents puissent circuler. ♦ La promotion des colloques et des journées d’étude universitaire sur le sujet est à envisager. Un colloque annuel mettant à plat l’état de la recherche dans ce domaine et la confrontant à la pratique serait souhaitable afin de créer une émulation entre les chercheurs confirmés et les jeunes chercheurs et doctorants. ♦ Il serait intéressant que des équipes d’accueil de recherche universitaire oriente(nt) les enjeux de sa (leur) réflexion autour de la marionnette, afin de créer des pôles de réflexion plus spécifiques autour de la marionnette. Ces pôles tireraient leur spécificité d’un dialogue fécond avec une institution qui travaille spécifiquement sur la marionnette. Cet axe de travail peut être envisagé en arts du spectacle mais aussi dans le domaine de la recherche en robotique et en image de synthèse ou encore en sociologie, pour n’évoquer que ces domaines. Enseignement ♦ La promotion du développement d’un enseignement théorique et/ou pratique des arts de la marionnette au sein des formations universitaires est à encourager. Des initiatives existent déjà, grâce au travail des quelques institutions et compagnies professionnelles, qui ont inscrit la marionnette dans des formations en arts du spectacle. Une étude de l’impact de ce travail au sein des structures pourrait être envisagée. Il s’agirait d’évaluer la pertinence des enseignements déjà dispensés au sein des unités de formation et de recherche, et d’intégrer les enseignements les plus pertinents au sein des structures pédagogiques établies par les formations universitaires. ♦ Mettre en valeur les partenariats entre les institutions qui s’investissent pour la promotion de la marionnette et les unités de formation et de recherche, en établissant des conventions et en les mettant à profit au sein des formations. Diffusion de la connaissance scientifique et technique ♦ Un travail de collaboration est à développer entre les chercheurs et les différentes institutions de la marionnette et des arts associés : l’ESNAM, THEMAA, le TJP, le TMP et les différents festivals nationaux et internationaux liés à la marionnette et aux arts associés. Une collaboration pourrait être envisagée sur la formation des nouveaux publics comme sur la promotion des enjeux artistiques portés par les productions issues des arts de la marionnette. ♦ Une mission de promotion de l’élaboration des savoirs et de transmission des connaissances scientifiques et techniques doit être attribuées aux institutions pour la marionnette, afin qu’un pont inébranlable puisse unir les pratiques contemporaines à une recherche pointue. Des allocations de type « CIFRE » ou des résidences de chercheurs pourraient être envisagées, ou encouragées à l’image de ce qui a été mis en place à la villa d’Aubigny à Charleville-Mézières. ♦ La diffusion de la connaissance scientifique et technique passe par la publication et la diffusion des éditions concernant la marionnette, mais aussi par une visibilité de ces écrits en librairie. Elles sont parfois classées dans ce qui relève des arts visuels, parfois dans le théâtre de rue, parfois dans les revues ethnologiques, parfois disséminées aux quatre coins d’un rayon sur les arts. Les écrits actuels sont mal diffusés et mal classés, un travail de mise en valeur de ces ressources est à envisager. L’élaboration d’une bibliographie récente et détaillée servant de base de travail et sa mise en ligne sur Internet est envisagée par la commission. ♦ L’élaboration d’une formation continue pour les artistes marionnettistes, qui mobiliseraient les connaissances développées par les chercheurs permettrait de relayer ces recherches auprès des professionnels. ♦ En ce qui concerne une diffusion internationale de cette recherche, il convient de souligner que toute la pertinence de ce travail repose sur le fait que des structures fiables existent déjà et sont des interlocuteurs pour l’élaboration de projets tels qu’ils sont envisagés par la commission. La structure de l’UNIMA (Union Internationale des marionnettistes) est en capacité d’établir des ponts efficients. Edition par Christophe Bara Objet Les différents projets créés ou développés dans l’élan des Saisons de la marionnette pourront être confortés par l’élargissement du corpus éditorial sur le thème de la marionnette. Pour le public et pour les professionnels. • Motivations Les livres et les revues spécialisées sont pour le public des objets non éphémères à la vue et à la lecture desquels le plaisir du spectacle se prolonge et prend une autre résonance, la connaissance et l’attachement à l’univers de la marionnette se renforcent, une complicité se noue avec les démarches des artistes. L’ensemble des ouvrages disponibles sur ce thème (autant d’ailleurs les essais approfondis que les beaux livres accessibles) constitue pour les professionnels (artistes, chercheurs, critiques, programmateurs…) un véritable paysage de la réflexion, une source indispensable d’information, de témoignages et d’images. Une consécration des formes artistiques s’opère dans l’esprit des lecteurs qui les redécouvrent dans l’encre des pages, protégées de l’oubli. Cette fonction symbolique est essentielle, et soutient plus qu’on ne l’imagine l’ambition des artistes et le goût du public. Mais le nombre de références actuellement disponibles en bibliothèque ou en librairie est beaucoup trop limité. • Propositions Pour agir efficacement et durablement dans ce domaine, nous imaginons la mise en œuvre de mesures de soutien, qui pourraient être distinguées selon 3 catégories et qui seraient attribuées selon l’avis d’un comité d’experts piloté par la DMDTS : 1 - Soutien à l’écriture et à la traduction - accorder des bourses d’écriture, de résidence ou de traduction à des auteurs ou des traducteurs s’inscrivant dans un projet éditorial pertinent. 2 - Soutien à la production éditoriale - aider structurellement des projets susceptibles de se poursuivre au-delà des Saisons de la marionnette. C’est-à-dire soutenir le démarrage ou une phase de développement de projets qui ont vocation à être pérennes (séries, collections, revues, etc.) ; - encourager au cas par cas des éditeurs prêts à publier des travaux issus de recherches universitaires ; - aider des projets isolés, mais correspondant à des lacunes regrettables dans le corpus éditorial existant (essais sur des sujets peu documentés, pièces inédites du répertoire pour marionnettes) ; - aider des projets d’importance majeure, de type encyclopédique. 3 - Soutien à la diffusion des publications - en s’appuyant sur les travaux d’inventaire et de bibliographie envisagés dans le volet Recherche de la commission 4, répertorier l’existant principal (les ouvrages et périodiques actuellement disponibles sur le marché) et les projets en cours pour les années à venir chez les éditeurs spécialisés ; - informer le lectorat de l’existence et du développement de ces ressources, par la réalisation de documents bibliographiques et par des actions de communication dans la presse et sur les sites culturels, non seulement en France mais partout où la langue française peut être lue dans le monde ; - inciter le secteur de la librairie à aménager des rayons spécialisés pour les arts de la marionnette, par des aides à l’acquisition de fonds thématique (peut-être en partenariat avec le CNL, qui pratique déjà cette politique en faveur de la poésie et du théâtre).