La clémence de Wall Street vis-a-vis d`Amazon n`est pas si paradoxale

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La clémence de Wall Street vis-a-vis d`Amazon n`est pas si paradoxale
« La clémence de Wall Street vis-a-vis
d'Amazon n'est pas si paradoxale »
Le Monde.fr | 08.06.2015 à 12h02
Malgré les doutes réguliers sur la stratégie et la rentabilité en demi-teinte d'Amazon, le géant
du e-commerce enchaîne les records en Bourse. Wall Street adhère à la vision du
management qui préfère sacrifier ses marges à court terme afin d'augmenter ses parts de
marché explique Benoît Flamant, directeur de Fourpoints Investment Managers.
La Bourse a ses raisons que la raison ignore. Le parcours boursier d'Amazon peut laisser
pantois au vu de la rentabilité médiocre du géant du commerce en ligne. Certes, le chiffre
d'affaires progresse de 29 % en moyenne chaque année depuis dix ans, pour atteindre 89
milliards de dollars (80 milliards d'euros), mais la société affiche une marge nette moyenne de
seulement 2 % sur la période, avec même deux années de pertes, 2012 et 2014.
Du haut de ses 21 ans, la société a aussi connu quelques échecs cuisants comme le
smartphone Fire, dont la société se garde bien d'indiquer les pertes associées. Et pourtant, le
cours de Bourse d'Amazon est au plus haut. Paradoxal ? Pas vraiment, car Wall Street adhère
à la stratégie de l'entreprise qui préfère sacrifier ses marges sur l'autel de la croissance afin
d'augmenter ses parts de marché.
INVESTISSEMENTS MASSIFS
Le groupe investit en effet massivement en logistique (109 entrepôts d'une surface totale de
près de 10 millions de m2, des investissements de 4 milliards de dollars en moyenne sur les
trois dernières années) et en recherche et développement (9 milliards de dollars en 2014), au
détriment du bénéfice court terme, pour vendre à ses plus de 270 millions de clients très
fidèles toujours plus de produits (frais notamment) et de services (plombier, électricien...).
Amazon sera bientôt capable de livrer dans les plus grandes villes en moins d'une heure,
bâtissant ainsi un avantage concurrentiel fort sur le marché du e-commerce finalement encore
naissant : il ne représente que 5,9 % du marché mondial de la distribution (estimé à plus de 22
500 milliards de dollars). Une infrastructure qu'elle peut ensuite proposer, avec de belles
marges, à des tiers vendeurs désireux de pouvoir profiter d'une telle logistique. Amazon se
lance aussi dans la vente aux entreprises, un marché d'environ 1 000 milliards de dollars aux
Etats-Unis, près de quatre fois celui des particuliers (263 milliards de dollars).
37 % DE GAIN PAR AN
Toujours dans cette logique de percer de nouveaux marchés Amazon est devenu en seulement
neuf années le leader incontestable du « cloud d'infrastructure », qui propose aux entreprises
de basculer leurs infrastructures informatiques sur une plate-forme mutualisée, moins chère et
bien plus réactive et de payer à l'usage. Amazon Web Services donne des sueurs froides aux
acteurs traditionnels tels Cisco, IBM, Dell, HP ou EMC auxquels elle siphonne petit à petit un
business très lucratif.
Ce sont ces perspectives que Wall Street achète tout en gardant, bien sûr, un œil sur la
rentabilité, (la marge brute s'élève à 28,2 % contre 21,7 % il y a cinq ans). Ce pari a plutôt
bien réussi aux investisseurs. Malgré le scepticisme face à cette stratégie, l'action affiche
depuis sa cotation en 1997 un gain moyen d'environ 37 % par an.
Benoît Flamant, directeur de Fourpoints Investment Managers.