Types de violation Concentration des violations
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Types de violation Concentration des violations
1 2 3 Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse Adresse : 4 rue du Mexique – Tunis Tel et Fax : +0216 71882556 Site :www.ctlj.org Mail : [email protected] 4 EQUIPE DU RAPPORT : Coordinateur de l’Unité du monitoring : FahemBoukaddous Conseiller juridique: Mondher Cherni Superviseur technique: Tarek Alghourani Assistante de coordination: Ahlem Bousserouel Chercheurs : Khaoula Chabbeh Nejla Ben Saleh Mohammed Yassine Jelassi Samir Jarray 5 Sommaire Introduction : Vigilance, rien que la vigilance Méthodologie Lecture des violations contre les journalistes durant une année Des journalistes menacés de mort L’épée de la loi toujours suspendue au-dessus de la tête des journalistes Cadre législatif général de la poursuite des journalistes La liberté de la presse dans la nouvelle constitution Tunisienne Les comités de rédaction Les violations commises sur les femmes journalistes 6 Introduction Vigilance, rien que la vigilance La presse tunisienne a vécu au cours des cinq dernières décennies ses jours les plus tristes durant lesquels le régime dictatorial a délibérément étouffé sa voix éditorialiste et professionnelle et l‟a transformée lentement à un serviteur politique obséquieux. De grands efforts ont été fait, des stratégies ont été élaborées et beaucoup d‟argent a été dépensé afin de convertir la vocation de cette profession la plus ancienne à l‟échelle de l‟Afrique et du monde arabe d‟une autorité d‟information, d'éducation et de contrôle en un moyen de divertissement et de justification qui contribue à remodeler la mentalité collective, à accepter l'autoritarisme, la tyrannie et la misère, et d‟accepter d'échanger leurs destins, rêves et aspirations en contre partie d‟une poignée d‟argent et une fausse sécurité. Pendant des décennies, des générations entières de journalistes ont été privés d‟exercer cette profession librement et loin de toutes exigences autoritaire et idéologique, à l‟instar de leurs collègues de la région arabe et à l‟échelle internationale. La profession a ainsi perdu la crédibilité, la précision, la rigueur et le sens d'appartenance aux problèmes réels de leur communauté, ainsi qu‟a l‟appartenance aux acquis de libertés et des droits universels qui incarnent la nouvelle génération de l'éthique de la profession. Au moment où on assassinait les journalistes en Algérie, au Yémen et au Liban, on assassinait la profession de journaliste en Tunisie. 7 Toutefois, à la lumière de la dévastation systématique et destructrice qui avait été imposée sur le secteur des médias, l‟esprit de résistance ne s‟est pas tu, des têtes se sont érigées ici et là pour aigrir les espoirs de maintien du dictateur à son trône et ouvert des grandes brèches dans le mur de l'opacité et de la censure qu‟il a dressé. Ceci a contribué à donner de l'espoir à toute une nouvelle génération de journalistes et blogueurs qui étaient un des majeurs symboles du changement révolutionnaire que notre pays a connu en Décembre 2010 / Janvier 2011. Ce qui s'est passé pendant la révolution tunisienne, beaucoup de journalistes y étaient pour quelque chose. Ce qui a été acquis après la révolution des réalisations au profit de la liberté de la presse et de l'expression doit bénéficier à tous les journalistes parce que nous sommes face à une quiddité qui n'accepte ni la discrimination, ni l‟appointement, ni la fragmentation, et en particulier ceux qui ont reçu le souffle de la liberté en cadeau après de longues décennies de privation n'accepterons jamais à y renoncer, quelle que soit les tentations, les obstacles et les échecs: ceci s‟est fait au prix fort : des corps de centaines de martyrs, des milliers de blessures et de nombreuses histoires de tragédie, de souffrance et de blessures. Cependant, ce qui est construit sur des mares de sang et a généré des institutions et du contenu risquent de perdre en importance par l‟emportement du pouvoir, la prédominance de l'argent politique et les tentatives pour simuler les anciennes tactiques répressives, ce qui pousse constamment à doubler de vigilance dans le but de préserver ce qui a été acquis et le renforcer. L‟unité de surveillance et de documentation des violations a l‟encontre des journalistes tunisiens au Centre de Tunis pour la Liberté de la 8 Presse a essayé d‟être l‟un des gardiens de la liberté de la presse. le présent rapport annuel de l'état de la liberté de la presse dans notre pays tente d‟être l'un des mécanismes de contrôle sur la manière de traiter de la question de la liberté de la presse au niveau du comportement, des politiques, des lois et des structures dans le but de renforcer cet acquis et afin de ne pas donner l‟occasion à ses détracteurs et aux perdants de sa réussite de profiter de sa fragilité. Fahem Boukaddous Coordinateur de l’Unité du monitoring du CTLP 9 METHODOLOGIE DU CENTRE DE TUNIS POUR LA LIBERTE DE LA PRESSE DANS L’OBSERVATION ET LA DOCUMENTATION DES VIOLATIONS CONTRE LA PRESSE Une unité spécialisée dans l‟observation et la documentation des violations contre la presse et les journalistes en Tunisie a été créée en octobre 2012 en Tunisie dans le Centre de Tunis pour la liberté de la presse, qui est la première unité scientifique spécialisée dans ce domaine dans notre pays. L‟équipe de l‟Unité, accompagnée par l‟expert international Jean-Paul Marthoz , a pu développer une stratégie de travail composée de 50, après tout un mois de discussions Intitulée « Manuel d’enquête », cette stratégie a été conçue pour être fidèle aux besoins de la Tunisie dans ce secteur sans se détacher des acquis internationaux dans le domaine d‟investigation et de documentation. 1. La spécificité tunisienne dans l’observation et la documentation : Cette spécificité se manifeste dans quatre domaines en particulier : - Définition d’un journaliste : En prenant connaissance de la plupart des expériences dans le domaine des violations commises sur les journalistes, le Centre a enregistré une divergence dans la définition du journaliste ; même si, dans sa définition classique, est connu par sa propriété de la carte de journaliste professionnel qu‟une autorité, un organisme spécialisé (comité de la carte du journaliste professionnel), un syndicat ou un organe de presse lui accorde. 10 Cependant, le Centre a considéré cette définition n'est pas en mesure de s'adapter aux évolutions technologiques et sociétales, surtout que la Révolution tunisienne, qui a réalisé des gains réels pour le presse tunisienne, a été marquée par la naissance de la presse citoyenne contre une baisse de la presse traditionnelle. Il y a eu de nombreux blogueurs et journalistes citoyens qui ont excellé dans la transmission des informations sur le mouvement populaire et se sont imposés en tant que nouvelle génération de producteurs d‟information qu‟on ne peut ni marginaliser ni exclure. En conséquence, le Centre a décidé d'inclure le travail de l‟Unité d‟observation et de documentation de toutes les parties suivantes : - Les journalistes professionnels qui travaillent dans des organes de presse classiques - Les blogueurs qui se présentent et qui sont actifs en tant que journalistes mais ils ne sont pas liés à un établissement de presse ou un comité de rédaction spécifique - Les producteurs d‟information tels que les « journalistes de vidéo » et les photographes amateurs qui travaillent à titre volontaire pour collecter et diffuser des informations, et exposés, par conséquent, aux attaques - Assistants journalistes comme les fixeurs de caméras, les traducteurs et les chauffeurs des équipes journalistiques - Les autres citoyens qui sont exposés à de divers rebonds suite à leur interventions dans les médias, à la fois dans les espaces libres ou les débats - Les familles et les proches des journalistes qui sont exposés à des rebonds sur fond du contenu médiatique présenté par les derniers 11 Compte tenu de tous ces cas, la profession de journaliste ne sera pas la base de notre travail qui sera axé sur le contenu médiatique occasionnant l'attaque contre son auteur. Bien que cette formule pourrait inclure plus d‟acteurs (qu‟on a l‟habitude de voir) dans le domaine des médias, elle peut permettre la remise en cause en particulier par les autorités qui peuvent enlever la fonction de journaliste à certains d'entre eux, sous prétexte d'activités politiques en dehors du cadre journalistique (en matière de terrorisme et discours incitant à la violence et à la haine) ou d'autres arguments comme l'attaque contre les agents de sécurité, l'évasion fiscale, etc. Elle peut aussi créer d‟autres défis comme l‟orientation politique et l‟affiliation partisane. Toutefois, il convient de noter que l'Unité d‟observation n‟intervient pas à moins que la violation ait eu lieu au cours de la performance du travail journalistique du journaliste. Par exemple, on ne pas intervenir dans le sujet d'un journaliste impliqué dans un accident de la route si on n‟a pas de preuve qu‟il avait été ciblé en tant que journaliste. Ou par exemple, le cas d‟un journaliste, étant en vacances et ayant été attaqué par des malfaiteurs, ne peut pas être considéré si la violation n‟est pas liée à sa fonction de journaliste ou à l'exercice de sa profession. Ceci peut également inclure le cas du journaliste professionnel soupçonné d'évasion fiscale qui n'est pas considéré comme une violation sauf avec des preuves irréfutables démontrant que la procédure fiscale a été utilisée d‟une manière discriminatoire et arbitraire par les autorités pour faire taire le journaliste gênant. - La multiplicité des acteurs dans l’observation et la documentation: 12 Le Centre de Tunis pour la liberté de la presse ne se considère pas la seule partie concernée par la protection des professionnels de la presse tunisiens. Il reconnaît l‟importance du partenariat dans ce domaine avec d‟autres parties nationales (le Syndicat national des journalistes tunisiens - SNJT, le Syndicat général pour la culture et l‟information, etc.) et internationales (Le réseau international pour la liberté d'expression IFEX, Reporters sans frontières - RSF, Article 19, Comité pour la protection des journalistes, etc.). La nature de ce partenariat a fait que l‟Unité d‟observation exclue les violations à caractère professionnel et syndical traitées par le Syndicat national des journalistes tunisiens. - L’émergence des nouvelles législations dans le domaine médiatique : Le centre de Tunis pour la liberté de la presse considère Décret-loi n°2011-115 du 2 novembre 2011 relatif à la liberté de la presse, de l‟imprimerie et de l‟édition un pas en avant dans la protection des droits de la presse, même s‟il a des réserves sur certains chapitres, et y adhère surtout par rapport à l‟identification de toutes les poursuites judiciaires qu‟on engage sur fond du contenu médiatique. Le Centre de Tunis pour la liberté de la presse, considère comme une violation, dans l‟absolue, toute saisine de la justice selon les dispositions des articles du Code pénal pour le motif que le Code de la presse de 1975 avait aboli toutes les dispositions contraires à ses textes, comme l'indique le décret-loi n°115,pour éliminer le Code de la presse et accueillir l'abolition des dispositions du Code pénal pour les journalistes (les dispositions de la diffamation selon le Code pénal s'applique au 13 grand public par contre les dispositions de la diffamation énoncées dans le décret-loi n°115 s‟appliquent spécialement au secteur journalistique). D‟une manière détaillée, le Centre de Tunis considère comme un procès inéquitable si le procès manque d'éléments matériels et moraux d‟un certain acte en tant que délit de presse ; si les procédures n‟ont pas été respectée d‟une manière flagrante aux niveaux d‟investigation, d‟interrogation et du procès, si la saisine de la justice est faite en conformité avec le reste des dispositions pénales prononcées dans d'autres lois (Code de procédures et de sanctions militaires, Code de télécommunications, Décret n°78-50 du 26 janvier 1978 réglementant l'état d'urgence, la loi antiterroriste, etc.). Le Centre également considère comme une violation toute détention arbitraire qui peut durer des heures à la suite de laquelle un journaliste est soit libéré sans explication, ou renvoyé en état d‟arrestation devant le tribunal pour délit de presse au motif que cette procédure est exceptionnelle et appliquée pour éviter d'autres crimes. Le Centre de Tunis refuse catégoriquement l‟arrestation des journalistes par les forces de sécurité sur fond du contenu médiatique, et le considère comme une violation sur la base de ce qui suit : - Le manque de respect des procédures administratives de convocation pour comparution devant la police judiciaire surtout par rapport au délai de l‟envoie de la convocation, et son contenu qui, dans la plupart des cas, ne comprend pas d‟objet de convocation, - Mauvais traitement des journalistes par la police judiciaire chargée de l‟enquête préliminaire durant le processus d'interrogation et le Centre a été saisi à mainte reprises dans ce sens. 14 En cas de poursuites ouvertes par le Parquet sur le décret n°115, le Centre fait appel à ce que la convocation soit issue du bureau du Procureur de la République en personne et par écrit, soit adressée au lieu de travail du journaliste, et comprenne la date exacte – jour et heure –et l‟objet de l‟interrogatoire. Il demande aussi que le journaliste soit entendu par un Procureur de la République adjoint spécialisé dans les affaires de l'édition et en présence d'un avocat, et qu‟on donne au journaliste assez de temps entre la date de l‟envoie de la convocation et la date de l'interrogatoire pour qu‟il puisse, avec l'aide de son avocat, préparer les moyens de sa défense. - L'émergence de nouveaux contrevenants de la liberté de la presse: La plupart des violations à l‟encontre de la presse et des journalistes en Tunisie sous la dictature sont commises de la part du pouvoir et de son appareil sécuritaire. Cependant après la révolution, de nouveaux contrevenants sont apparus comme les partisans des partis politiques et des syndicats, les milices, les groupes armés, les groupes religieux extrémistes, et les gangs criminels liés à la mafia de l‟argent et de la politique, ainsi que les propriétaires des organes de médias et les citoyens ordinaires. Tous ces partis, ayant bénéficié de la situation de la liberté d‟expression, veulent préserver leurs positions et positionnements loin de toutes formes de contrôle sociétal. Considérant la presse comme une grande menace sur leur trône, ils essayent de la coopter et la contenir, et s‟ils échouent, ils essayent de l‟abattre ou la faire taire. La forte polarisation politique que notre pays avait connu après l'assassinat de Belaid et Brahmi a aidé à mettre les journalistes entre le 15 marteau des partis au pouvoir voulant les utiliser dans la bataille de la « légitimité » des fois, et de les tenir pour responsable de l'échec de leurs choix politique, sociale et sécuritaire des fois, et entre l'enclume de l'opposition qui les considère une réserve traditionnelle pour le succès de ses orientations sociétales et ses programmes électoraux. En plus, l'impunité a contribué à l'escalade des attaques non classiques sur les journalistes dont les auteurs imaginent qu‟en adoptant des clichés de « mercure »,comme « les médias de la honte » et « les médias révolutionnaires »,peuvent jouir d’impunité surtout que leurs justifications qui trouvent un grand écho auprès de plusieurs parties se transforment avec le temps en immunité. 2. Types de violations commises sur la presse et les journalistes : En général, l‟Unité d‟observation et de documentation du Centre de Tunis pour la liberté de la presse a identifié 11 types de violations qu‟elle considère les plus importantes dans la scène médiatique en Tunisie et dans le monde : - L’assassinat : L‟assassinat des journalistes est la violation la plus grave qui pourrait être commise sur la liberté de la presse, et la forme de contrôle la plus extrême. La plupart des journalistes qui ont été tués dans les différent pays dans le monde au cours des dernières années, ont été soit victimes d'une action systématique de certaines forces au pouvoir ou en dehors du pouvoir après avoir utilisé avec eux des moyens pour les faire taire mais en vain, ou tout simplement parce qu'ils sont des journalistes. 16 S‟il est facile de prouver l'assassinat du journaliste si l'auteur l‟avait commis ouvertement comme dans les exécutions lors des manifestations devant les caméras, cela devient difficile et nécessite des mécanismes complexes de monitoring et d‟investigation si l‟assassin ayant admis avoir commis le crime a mentit pour soit impliquer ou écarter certaines parties. Cependant, et au cours de la recherche sur les cas de meurtres des journalistes, on doit prendre en considération que plusieurs d‟entre eux sont tués sans être l‟objet de poursuite ou de ciblage ; ils ont été tout simplement au mauvais endroit et au mauvais moment, victimes d‟échange de tirs ou d‟explosion de mine, etc. Dans la plupart des cas, on doit passer par une série de circonstances qu‟on doit prendre toutes en considération : si l‟assassinat s‟est déroulé lors d‟une manifestation, il est donc nécessaire d‟identifier la cible : Estce les manifestants ? Les forces de l‟ordre ? Ou les militaires. Si le sujet est définitivement réglé, il faut vérifier si l‟assassin sait l‟avance qu‟il cible un journaliste, et ceci aussi qu‟on se demande si les vêtements portés par le journaliste son similaires à ceux portés par les forces de l‟ordre ou les manifestants, si son équipement est identifiable par rapport aux armes à feu, et son comportement est plus proche de celui d‟un participant ou d‟un observateur. Et dans le cas où un ordre a été donné à un des policiers ou militaires de prendre le journaliste pour cible, celui qui a émis l‟ordre devrait porter la plus grande responsabilité. - L’assaut: C‟est le type le plus répandu des violations contre les journalistes. Il peut être verbal ou physique, il peut aussi prendre des formes diverses et à 17 risque variable y compris les insultes et les blessures, les coups de poing et de pied, les brûlures, etc. On peut prouver une telle violation en suivant les traces de l‟assaut à travers l‟emplacement, la taille, la forme, la couleur, et en identifiant les types de plaies, de contusions, de brûlures, etc. On peut aussi le prouver par des certificats médicaux. Toutefois, si l‟assaut visait un organe de presse, on doit décrire l'objet de l‟attaque et les outils utilisés. L‟investigateur de telles violations doit répondre à un certain nombre de questions pertinentes à l'existence de signes identifiant le journaliste comme le gilet et la carte professionnelle ; si le journaliste portait un uniforme militaire ou un badges et une bannière d‟un parti politique ; s‟il avait commis des actes qui font croire qu‟il est un manifestant ; ou s‟il n‟était pas prudent en s‟enfuyant par la provenance des balles ou en se mélangeant avec les manifestants pendant les confrontations avec les forces de l‟ordre ; ou si les agents de sécurité avaient précipités pour le secourir après l'attaque par la police anti-émeute, etc. - L’enlèvement: Les types les plus difficiles d‟investigation sont en relation avec les questions d'enlèvement, en particulier lorsqu‟on manque d'informations précises sur l'heure, le lieu, l'identité du ravisseur et les circonstances environnant l‟acte, ou lorsque les rumeurs circulent sur le sujet, ou lorsque certains escrocs offrent de jouer le rôle de médiateurs. Tout traitement déplacé du dossier peut conduire à la mort de la personne enlevée. C‟est pour cette raison que l‟investigateur ne doit pas se précipiter à déclarer l'enlèvement sans coordination avec la famille de 18 l'enlevé, l'établissement dans lequel il travaille et les autorités, ceci en cas où il n‟y a pas eu de divulgations ou de nouvelles sur l‟enlèvement. En plus, il doit être en contact continu avec les médiateurs et s'abstenir de publier des données sur la personne enlevée en relation avec ses affiliations politique et religieuse, son identité sexuelle et la nature de sa révolution et sa position par rapport à certaines questions qui pourraient être mal-utilisées par les ravisseurs. - La disparition: Les disparitions demandent qu‟on se précipite d'informer sans délai les autorités et les proches de la personne disparue afin de rater aucun moment pendant lequel il pourrait être sauvé. En plus, l'enquête sur l'événement devrait se concentrer sur les dernières personnes qui ont rencontré ou vu la personne enlevée. - La menace : L‟investigateur des menaces sur les journalistes doit être précis dans la formulation du caractère et de la forme des menaces (courriel, appel téléphonique, un tombeau en miniature, un chat mort, etc.), doit convaincre la personne concernée par la menace de saisir officiellement les autorités compétentes si nécessaire, doit expliquer à ses collègues et ses chefs de travail la gravité du sujet, et doit engager les autorités à prendre en charge l‟investigation de la menace et fournir la protection nécessaire. L‟investigateur, en coordination avec la victime, peut informer sur ces menaces et leurs auteurs en cas où il est en possession de preuves suffisantes. - L’expulsion et l’extradition : 19 Dans le cas d‟une extradition d‟un journaliste tunisien d‟un autre pays ou une extradition du journaliste étranger de la Tunisie, on doit rapidement contacter le journaliste concerné, son organe de presse et l‟ambassade de son pays. L‟investigateur de cette violation doit préciser clairement la cause de l‟extradition surtout que plusieurs journalistes sont expulsés vers leurs pays d‟origine puisqu‟ils ne possèdent ni de carte de résidence ni de visa. Mais l‟investigateur ne doit omettre le fait que certaines autorités pourraient utiliser ces preuves légales pour dissimuler des objectifs réels de pénaliser un contenu médiatique ou essayer d‟interrompre une investigation sur des affaires graves. - L’arrestation: Dans le cas d‟arrestation, l‟investigateur doit décrire ses circonstances avec précision, identifier l‟unité sécuritaire qui l‟avait faite (Unité de lutte contre les crimes, unité de lutte contre le terrorisme, les unités spécialisées, etc.), examiner le respect des procédures légales pertinentes et le type d‟inculpations, et vérifier si la personne arrêtée avait subi de menaces, d‟agressions, d‟actes de torture au cours de l‟arrestation ou de l‟interrogatoire. - L’incarcération ou l’emprisonnement : Le Centre de Tunis pour la liberté de la presse refuse d‟incriminer le travail journalistique surtout que le Décret-loi n°115 ne propose pas de sanctions physiques sur « le crime de presse ». Mais en cas d‟incarcération, l‟investigateur doit examiner les procédures légales engagées ayant causé la détention du journaliste ; doit essayer de inspecter la situation du journaliste à l‟intérieur de la prison y compris sa 20 sécurité, son hygiène, sa nourriture, sa santé, et ses visites ; et doit chercher les moyens qui pourraient accélérer sa remise en liberté. - La surveillance: La surveillance ne comprend pas seulement les législations qui constituent pour le phénomène mais aussi toutes les procédures qui empêchent l‟exercice libre et indépendant de la liberté de la presse. Cela peut comprendre l‟ingérence dans le contenu médiatique soit par l‟ajout ou par l‟omission avant sa publication, le filtrage ou la coupure de l‟Internet, l‟installation de programme avec virus dans les réseaux intranet des ordinateurs ciblés, etc. - Le harcèlement et la persécution : Ces concepts indiquent les obstacles empêchent l‟exercice libre de la liberté de la presse et comprennent les restrictions imposées arbitrairement sur la liberté du mouvement des journalistes (les zones rouges) ou sur la libre circulation d‟informations sur Internet, l‟obligation d‟octroyer des autorisations de filmer, la destruction ou le cambriolage d‟équipement de travail, le harcèlement de la famille et des amis, l‟observation et l‟écoute, changement de lieu de travail ou le licenciement, la privation des ressources publiques, etc. - Les poursuites judiciaires : Le Centre de Tunis pour la liberté de la presse considère que la discussion ou la critique du contenu médiatique doit se dérouler dans les médias et dans l‟espace public et non pas dans les tribunaux, mais stipule que les autorités et les autres acteurs non-gouvernementaux utilisent la justice pour faire peur à la presse. 21 Dans le cas de poursuite judiciaire contre un journaliste ou un organe de presse, l‟investigateur doit identifier avec grande précision les raisons ainsi que la nature du procès et les dispositions juridiques appliquées et les irrégularités procédurales qui peuvent y être à titre exceptionnel. Il doit aussi vérifier que les éléments de preuve soumis sont proportionnels aux chefs d'inculpation. Par exemple, si quelqu'un a été accusé de terrorisme, il faut vérifier si le dossier du procès contient une preuve réelle de collusion ou juste de la matière médiatique. A cours de l‟investigation des violations, on peut rencontrer d‟autres types comme ce qui suit : - L’infiltration et la manipulation: Les autorités peuvent recourir dans plusieurs cas à « transplanter » des journalistes fictifs dans les organes de presses et peuvent même forcer certains journalistes à être ses yeux et ses oreilles dans leurs institutions. Les pratiques similaires constituent une violation grave de la liberté de presse parce qu'ils ont manipulé le métier et créé de sérieux obstacles dans le domaine. - L’utilisation publique des médias publics : L‟établissement médiatique public est obligé de fournir des services sociaux dans le contexte de l'indépendance et du pluralisme loin de l'intervention du pouvoir. Par conséquent, la direction de cet établissement doit être neutre. Il est considéré comme violation de la liberté de presse quand le pouvoir prend en charge exclusivement la nomination des responsables de ces établissements et intervient dans le 22 développement de la ligne éditoriale et dans le changement du contenu médiatique. - L'utilisation inéquitable et transparente des aides publiques et les revenues de la publicité: La disposition des aides, des subventions et de la publicité publique est une violation de la liberté de presse si elle est utilisée afin de sanctionner ou récompenser des organes de presse. Toutefois, la preuve de la corruption dans ce domaine nécessite une recherche approfondie visant à identifier l'ensemble des fonds alloués, la méthode de distribution et la mesure de l'interdépendance de contenu multimédia destiné aux organes de presse concernés. - Le licenciement ou la mise à l’écart: Ces mesures, qui entrent habituellement dans le cadre des relations professionnelles, doivent préférablement être traitées par les syndicats et les organismes professionnels. Cependant, le Centre de Tunis pour la liberté de la presse doit intervenir si des soupçons confirmés que le licenciement ou la mise à l‟écarta été motivé par un désir de censurer ou de se débarrasser d‟une voix ennuyeuse, et non pas à cause d‟une négligence journalistique grave ou un manque de professionnalisme certain. Il convient de noter qu'il est important que le Centre de Tunis pour la liberté de la presse décide d‟appliquer ce concept lié aux établissements médiatiques publics à leurs homologues privés. Comme, par exemple, décider de considérer comme une violation tout licenciement par un organe de presse privé d‟un journaliste qui refuse de travailler ou continuer de travailler sur une mission journalistique qui pourrait 23 constituer une menace ou une violation de la déontologie de la profession. Cependant, le cas de la mise à l‟écart ou du licenciement suite à des instructions de l'autorité politique dans ce cadre devient une violation de la liberté de presse. - Faiblesse ou absence de responsabilité administrative ou éditoriale: Parfois les éditeurs en chef ou les directeurs des organes de presse obligent leurs journalistes à effectuer des missions journalistiques dangereuses sans avoir les compétences et l‟expertise nécessaire, ou les équipements suffisants. Toutefois, on doit, en aucun cas, obliger un journaliste à conduire une mission pareille malgré lui ou les dangers qui pourraient mettre sa vie en danger. 3. Les étapes essentielles relatives à l’observation et la documentation: Le processus d‟investigation des violations commises sur le droit à la liberté de la presse touche à plusieurs domaines qui diffèrent du celui du monitoring des autres droits de l‟homme surtout que la question concerne le domaine le plus lié à la connaissance et à la politique. C‟est pour cette raison, il faut faire attention au début à un certain nombre des questions clés : - La crédibilité : L'impact du Centre de Tunis pour la liberté de presse et l'unité d‟observation et de la documentation y afférent dépend essentiellement de la crédibilité, et ce, à son tour dépend de la qualité et de l'intégrité des informations. 24 La norme de précision donc occupe une position clé dans l‟investigation surtout qu‟on est censé faire tous les efforts pour s'assurer que l'information répond aux plus hauts standards de la profession du journalisme. En dépit du fait qu‟on est parfois pas en mesure de confirmer certains faits, cela pourrait donner l'impression chez l‟interlocuteur que l‟observation et la documentation sont moins efficaces. Il est donc important d‟interdire l‟interprétation, l'arrondissement et l‟allusion pour éviter cela, au motif que la crédibilité est construite sur une longue période, mais peut être détruite en un seul instant. La réputation générale du Centre de Tunis pour la liberté de la presse influence certainement la réception des travaux de l‟Unité d‟observation. Les opinions politiques et partisanes qui sont loin de soutenir la démocratie et les droits de l‟homme, les conflits d'intérêt, la contradiction entre les objectifs fixés par le Centre, et les déclarations et les pratiques de certains de ses membres pourraient nuire à la crédibilité du Centre, mais aussi aider à jeter le doute sur les travaux d‟investigateurs au sein de l‟Unité d‟observation. - La liberté de la presse et la déontologie de la profession : L‟éthique journalistique est au cœur de la profession de la presse, son intégrité et sa crédibilité. Cependant, à plusieurs reprises, on l‟utilise pour restreindre la liberté de la presse et préparer le terrain pour des violations sous le prétexte de défendre les valeurs nobles telles que la morale, la religion et la nation, ou les personnes et les instances. Tout journaliste accusé de violation de la déontologie de la profession, et par conséquent, assujetti à des poursuites judiciaires ou par une instance régulatrice doit bénéficier du soutien de l‟Unité d‟observation 25 pour identifier si les accusations sont réelles ou cachent un désir de contrôler ou de se venger d'un journaliste courageux et controversé. Le Centre de Tunis doit également préparer une position spécifique visà-vis aux instances régulatrices et aux centres d‟observation du contenu médiatique surtout par rapport à leurs compositions, les durées de leurs mandats, leurs prérogatives, leurs institutions disciplinaires pour être des outils pour la défense de la liberté d'expression et non de consolider le contrôle. Ce qui est sûr, l‟Unité d‟observation est obligé au premier lieu de respecter l‟éthique de la profession dans la collecte et l‟analyse des informations sur lesquelles sa crédibilité pose. - Le contenu médiatique : L'Unité d‟observation ne prend pas position sur la ligne éditoriale ou politique d‟un organe de presse, ni sur son contenu avant de procéder à une enquête ou une vérification de données. Son rôle est de garantir les droits fondamentaux du journaliste, principalement le droit à la vie et à l'intégrité physique et psychologique. L‟investigateur ne se prononce pas sur la ligne éditoriale, qu‟elle soit socialiste, libéral ou islamiste, ni sur la qualité du contenu, que ce soit bonne ou mauvaise, car ceci pourrait conduire à une l‟analyse partiale de la violation et justifier une violation en raison de la description d‟un organe de presse en tant qu‟extrémiste ou d'offrir des excuses aux auteurs des violations. Les organisations qui défendent la liberté de la presse ou d'expression n'assume pas la défense d‟un journaliste ayant commis un interdit et appelé, par exemple, à la haine ou au meurtre. Mais cela ne les 26 empêche pas à intervenir auprès des autorités pour les inciter à respecter les garanties fondamentales d'un procès équitable. Dans ce cadre, le Centre doit être vigilant pour que la loi ne soit pas manipulée par le pouvoir en fonction de ses besoins et désirs. - Le principe de la neutralité : L‟investigation des violations de la liberté de la presse est en accord avec les standards fondamentaux du journalisme. Ceci veut dire qu‟il faut chercher la vérité d‟une manière indépendante et intègre sans négliger l‟impact de sa publication sur les personnes et les communautés concernées par ces informations. L‟investigation ne pourra jamais être efficace si elle n‟est pas basée sur une méthodologie claire et ferme. Cela signifie une discipline stricte, une feuille de route, ou "un processus de confection" qui vise à appliquer une approche quasiscientifique dans l‟investigation des faits, même si nous savons que la presse et la vérité sont réalisées étape par étape. Cette approche est « clinique » et froide même si l‟acte qu‟on est en train d‟enquêter est flagrant et choquant. L‟investigateur doit donc prendre une distance émotionnelle, politique et personnelle quand il commence à identifier les faits. Il doit aussi se rappeler que parfois il est vraiment le « badguy » (méchant). Toutefois, on se prononce sur la question de la neutralité non seulement au cas par cas mais aussi en tenant compte de tous les cas étudiés par l'Unité d‟observation qui, dans la mesure du possible, doit couvrir tous les cas de violation de la liberté de la presse. Cette détermination exige de la discipline dans l‟observation et la recherche, mais assure également la condition de la neutralité. Oublier 27 un cas peut être le résultat de de négligence ou de minimisation, mais il peut être vu comme un cas de partialité. Ce désir d'être aussi parfait que possible ne veut pas dire qu‟on doit donner la même attention à tous les cas. L‟identification des priorités dans l‟observation des violations de la liberté de la presse est inévitable et se fait selon la gravité de chacune. Mais ce principe signifie également l'enregistrement de toutes les violations. La neutralité est synonyme de l‟intégrité. Même si cela signifie l‟existence d‟inégalité morale entre la victime et l‟auteur du crime, l‟investigateur doit essayer aussi de connaître le point de vue de l‟auteur présumé. Et si ce dernier a refusé de donner une déclaration ou a été impossible à accéder, l‟investigateur devrait mentionner cela dans la documentation de sa recherche. - La précision : La vérité doit toujours être le moteur qui guide les déclarations. On peut déclarer que « dix journalistes ont été assassinés cette année » pour dire qu‟il y‟a eu des décès, ou que « dix journalistes ont été assassinés cette année » pour parler des décès causés par la violence, mais il faut toujours clarifier la cause de ces décès car ces deux déclarations ne pouvaient pas s‟appliquer au fait que la mort ou l‟assassinat s‟est déroulé. Dans tous les cas, on devrait jamais, sous n‟importe quel prétexte, se livrer à la tentation de gonfler les chiffres pour souligner l'extrême danger auquel le journalisme est exposé, pour donner à un certain pouvoir la caractéristique de « rigueur », ou pour pousser l'opinion publique à assumer ses responsabilités dans la défense des libertés. 28 L‟exagération dans les statistiques des assassinats des journalistes y compris les cas qui se déroulent en dehors de l‟exercice de la profession est une erreur journalistique qui n‟a aucune relation avec le devoir de la vérité. Il constitue aussi une humiliation à tous les journalistes qui sont vraiment exposés aux violations à cause de leur devoir journalistique. La vérification de telles donnés et la seule garantie de mettre en place des stratégies sérieuses pour combattre la violence contre les journalistes. La précision est l‟arme la plus efficace pour combattre la précipitation. Dans certains cas, signaler la violation peut être désastreux quand les nouvelles concernant ses circonstances et ses motivations sont contradictoires. Il est vrai que l'action rapide en cas de violation peut être cruciale pour aider à l‟arrêter mais ceci ne garantit pas que l'Unité d‟observation soit la première à aviser car cela nécessite d‟abord et avant tout que toutes les données soient stables et complètes. Par conséquent, l‟investigateur doit être calme face à la pression et capable de résister aux demandes d‟abréger la préparation d‟une déclaration ou d‟un rapport sur les violations dans la presse. Toute déclaration doit être construite sur des faits concrets, et même si l'Unité d‟observation d'avoir terminé une étude de cas ou un groupe de cas, il doit prendre les précautions nécessaires pour s'assurer que le public est au courant de la nature temporaire de l'accès à l'information et sa diffusion. 4. La mission de l’Unité d’observation et de documentation au Centre de Tunis de la liberté de la presse Le travail pénible de l'équipe de l‟Unité d‟observation au Centre de Tunis de la liberté de la presse dans l‟investigation et la documentation des 29 violations commises sur la presse tunisienne et la publication des données, des rapports et des recherches spécialisées, les rapports annuels consolidés par les campagnes de sensibilisation ciblant principalement le public ordinaire et spécialiste comme des journalistes, les avocats et les organisations tunisiennes et internationales de défense des droits de l‟homme, les partis politiques, les organisations de la société civile, les syndicats, ainsi que les institutions de l'Etat concernés par la question. Cependant, l‟Unité se concentre principalement sur les organes judiciaires surtout qu‟elle recueille des informations afin de prendre des mesures légales contre les auteurs présumés. Si l'exactitude de l'information est le principe qui s'applique dans tous les cas, la "charge de la preuve" est moins lourde si l‟objectif est d‟informer le public et non pas de préparer un dossier judiciaire. Parfois, il suffit d‟avoir des données préliminaires suffisantes pour envoyer un message de type "expression de préoccupation" aux autorités, mais un rapport visant à aider l'avocat de déposer une plainte formelle nécessite des matières solides et précises. Conclusion : La mise en place d‟une méthodologie précise et scientifique pour observer et documenter les violations commises sur la presse tunisienne vise à présenter des informations exactes et correctes. La crédibilité sur laquelle cette méthodologie est fondée participe à inviter plusieurs forces sociétales au carré de la défense des libertés en tant qu‟affaire publique, et aider les défenseurs des droits humains à mettre la main sur des dossiers avec des preuves complètes pour lancer des poursuites judiciaires contre les bourreaux de la presse libre et répondre de leurs actes d‟une manière stricte. 30 Cependant, une méthodologie pareille dans un espace transitionnel mobile pourrait ne pas mener vers des résultats attendus et concrets. Les contrevenants pourraient remettre en question son utilité et la capacité de changer la réalité et essayer de faire face aux violations en cours, même au détriment du niveau de l'audace et de la valeur du produit médiatique. C‟est pour cette raison, il faut que cet effort soit accompagner par des partenariats et du réseautage pour imposer un discours autoritaire reflétant la position que la révolution tunisienne avait donné au pouvoir des médias ; couper avec les tentatives d‟introspection des anciennes pratiques dictatoriales qui varient entre le confinement, la domestication, la manipulation désengagement et la répression ; dépasser la mentalité de ses responsabilités dans la protection du des journalistes avec la justification du brouillage politique et sociale, et le manque de qualification des pouvoirs exécutif et judiciaire à jouer de nouveaux rôles adaptés aux changements post-14 Janvier 2011. Alors que les derniers acquis en terme de liberté d'expression et les réalisations législatives ne peuvent pas fortifier la presse tunisienne contre la possibilité du retour de la dictature sans avoir une volonté politique qui relie le chemin de la réussite de la démocratie avec l‟instigation d‟une révolution dans les cadres et le contenu de l‟acte journalistique, et la régression de la perception de l'image des médias dans une société démocratique, et sans résister aux discours d'incitation à agir contre la liberté de la presse en la diabolisant dans les plateformes autoritaire, constituante, religieuse et partisane . Toutefois, une volonté politique espérée, toute seule, ne sera pas cruciale sans que les professionnels concernés – les journalistes – ne jouent pas leur rôle en fortifiant leur secteur, soit par la consolidation de 31 leur unité et solidarité, soit en adaptant leurs plumes, caméras et voix à la défense de la liberté de la presse et dénonçant toutes les violations à leur encontre et à l‟encontre de leurs collègues, femmes et hommes. Il faut croire qu‟une presse professionnelle ne grandira que dans un jardin chantant la liberté. 32 LECTURE DES VIOLATIONS CONTRE LES JOURNALISTES DURANT UNE ANNEE L‟équipe de l‟Unité d‟observation et de documentation des violations contre la presse tunisienne relevant du Centre de Tunis pour la liberté de la presse (l‟Observatoire)a travaillé tout au long de la période qui s‟étale d‟octobre 2012 à septembre 2013 sur le suivi de la situation des libertés de la presse dans notre pays et a œuvré à cerner l‟ensemble des violations, à les diagnostiquer, à les analyser et à les classifier afin de les publier dans des communiqués urgents et dans des rapports mensuels ainsi que dans des rapports spécialisés et à dénoncer leurs auteurs et revendiquer leur pénalisation. L‟Observatoire a œuvré à travers cela à rendre un service d‟information à tous les tunisiens et à toutes les tunisiennes sur les dangers et les difficultés que rencontrent les professionnels du métier dans leur quête des informations et leur diffusion au public en vue de les impliquer dans la défense de la liberté de la presse en tant qu‟acquis collectif à préserver, pas seulement dans les salles de rédaction et avec la volonté des professionnels du domaine. Il s‟est également attelé à généraliser ce service à toutes les forces sociales au pouvoir ou de l‟opposition ainsi qu‟à toutes les instances nationales et internationales concernées par le sujet. Etant donné que le dossier dépasse l‟information sur ces violations, l‟Observatoire a cherché à fournir, à travers son effort de documentation, le maximum de données sur les bourreaux de la liberté de la presse afin de servir de matière de base pour poursuivre les violeurs et les présenter à la justice, non seulement dans le cadre d‟une approche criminelle 33 pénale, mais également à travers une prise de conscience du rôle des lois dans la protection de la profession et le développement de son climat. L‟Observatoire est, par ailleurs, conscient du fait que sa précision et sa persévérance dans la poursuite de ces violations et leur documentation d‟une façon méthodique et scientifique aideront également à détecter les orientations des violations prévalentes et le degré de conformité des méthodes de leur affrontement avec le respect des normes internationales en matière de protection des libertés de la presse et de consolidation des droits des journalistes. Néanmoins, toute œuvre de ce genre serait insuffisantes elle ne plaçait pas au cœur des priorités la sensibilisation des journalistes eux-mêmes quant à la nécessité de faire face à toutes les violations commises à leur encontre et leur diffamation en les divulguant et en les dénonçant en tant qu‟actes répréhensibles. L‟Observatoire n‟était nullement inconscient, lors de l‟accomplissement de son travail quotidien, des changements intervenus dans notre pays : ce qui s‟est passé depuis l‟avènement du 14 janvier2011 n‟était pas uniquement un rebond ou des réformes politiques passagères mais une transition qualitative et quantitative dont l‟une des caractéristiques a été l‟imposition des libertés de la presse et l‟éradication de la crainte chez les journalistes et les récepteurs qui se sont manifestée, en particulier, à travers la diversification et la multiplication des médias et la levée des tabous entourant le produit médiatique ainsi que l‟adhésion aux institutions médiatiques d‟un nombre important des jeunes de la révolution, soucieux du changement et de ses conditions. 34 Aussi, les professionnels du domaine ont-ils été, pour la première fois, fermement convaincus de leur responsabilité et de leur pouvoir à moduler une opinion publique nouvelle selon les slogans de la liberté, de la dignité et de la justice sociale partant du fait qu‟ils représentent le partenaire principal dans la préservation des libertés publiques et individuelles et dans la promotion du progrès politique et social. Toute dévalorisation tendancieuse de cet acquis fera perdre un bon nombre d‟objectifs à notre travail d‟observation et de documentation des violations commises sur la presse. 1) Paysage statistique : L‟Observatoire du Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse a consigné, sur une année et durant la période qui s‟étale d‟octobre 2012 à septembre 2013, 306 violations à l‟encontre de la sphère médiatique qui ont touché 325 personnes du domaine (237 hommes et 88 femmes) ainsi que 22 institutions médiatiques. Le nombre des violations annuelles ne peut occulter le fait que certains professionnels des médias ont fait l‟objet de plus d‟une agression. Nous avons, en effet, recensé, dans ce cadre, 494 cas qui ont touché 354 hommes et 140 femmes ; soit plus d‟un cas en moyenne par jour. Les violations mensuelles se sont réparties comme suit : - Octobre 2012 : 7 violations à l‟encontre de 11 journalistes(8 hommes et 3 femmes) -Novembre 2012 : 16 violations à l‟encontre de 45 journalistes (28 hommes et 17 femmes) 35 -Décembre 2012 : 23 violations à l‟encontre de 38 journalistes (27 hommes et 11 femmes) - Janvier 2013 : 29 violations à l‟encontre de 49 journalistes (34 hommes et 15 femmes) -Février 2013 : 27 violations à l‟encontre de 41 journalistes (32 hommes et 9 femmes) - Mars 2013 : 16 violations à l‟encontre de 23 journalistes (18 hommes et 5 femmes) -Avril 2013 : 21 violations à l‟encontre de 30 journalistes (27 hommes et 3 femmes) - Mai 2013 : 31 violations à l‟encontre de 65 journalistes (45 hommes et 20 femmes) -Juin 2013 : 21 violations à l‟encontre de 35 journalistes (22 hommes et 13 femmes) -Juillet 2013 : 43 violations à l‟encontre de 63 journalistes (50 hommes et 13 femmes) - Août 2013 : 35 violations à l‟encontre de 51 journalistes (36 hommes et 15 femmes) -Septembre 2013 : 37 violations à l‟encontre de 43 journalistes (27hommes et 16 femmes) 36 Septembre Août Juillet Juin Mai Avril Mars Février Janvier Décembre Novembre Octobre 37 35 16 11 7 21 23 20 63 43 65 Journalistes 49 45 30 27 Violations 41 16 10 51 31 30 27 29 25 23 0 Septembre Août Juillet Juin Mai Avril Mars Février Janvier Décembre Novembre Octobre 35 21 43 40 50 15 50 22 13 13 45 27 20 3 18 Hommes 5 32 34 15 Femmes 9 15 10 30 0 70 16 36 8 60 15 3 10 20 30 40 50 60 70 Si le Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT) a recensé sur la période entre mai 2012 et mai 2013 des agressions à l‟encontre de 196 journalistes ; soit une agression sur 9 journalistes par semaine en moyenne, et si l‟organisation „Reporters sans frontières‟ a dévoilé qu‟une agression était commise à l‟encontre de 3 journalistes hebdomadairement au cours de l‟année 2012, le rythme d‟évolution des agressions confirme son accroissement au quotidien et envoie des signaux négatifs quant à l‟avenir des libertés de la presse en Tunisie, d‟autant plus que l‟Observatoire qui a estimé à 25 la moyenne mensuelle 37 des violations a relevé que la moyenne de ces violations qui a été de 15 sur les trois premiers mois s‟est accrue à 38 au titre des 3 derniers mois ; soit une augmentation de 40%. (je l‟ai traduit tel quel mais en fait c‟est un accroissement de 153%) Accroissement du rythme d'évolution des violations 50 45 40 35 30 25 20 15 10 5 0 Juillet 43 Septembre 37 Mai 31 Janvier 29 Août 35 Février 27 Décembre 23 Avril 21 Novembre 16 Juin 21 Mars 16 Octobre 7 0 2 4 Violations 6 8 10 12 14 Rythme d'évolution des violations Les forces de l‟ordre se classent en tête de liste des agresseurs des journalistes, sur une année, avec 69 violations à leur actif, suivies par les citoyens (32 violations), le Parquet (31 violations), les fonctionnaires publics (24 violations), des inconnus (23 violations), la direction d‟institutions médiatiques(22 violations), les pro-gouvernementaux (21 violations), les ligues de protection de la révolution (17 violations), les groupes salafistes (15 violations), les sympathisants de l‟opposition (14 violations), les syndicalistes (6 violations), la magistrature assise (5 violations) et les juges d‟instruction (4 violations) alors que 23 violations ont été réparties entre des agresseurs divers. 38 Auteurs des agressions sur les journalistes 80 70 69 60 50 40 32 30 20 10 31 24 23 22 21 17 23 15 14 6 5 4 0 Sur une année, ont été recensés : 74 cas d‟agression physique, 53 cas d‟interdiction de travail, 47 cas de poursuite judiciaire, 32 cas d‟agression verbale, 28 cas de harcèlement, 18 cas de menace de mort, 13 cas de séquestration, 9 cas de censure, 6 cas de piratage, 5 cas d‟ingérence politique, 5 cas de violation à l‟encontre d‟institutions médiatiques, 4 cas d‟ingérence administrative et 3 cas d‟emprisonnement et ce, outre 9 autres cas divers. 39 Types de violation 80 70 60 50 40 30 20 10 0 74 53 47 32 28 18 13 9 6 5 5 4 3 9 La majorité de ces violations s‟est concentrée sur le grand Tunis (192 cas), suivi de Gafsa (25 cas), Kairouan (24 cas), Sfax, Gabès et Tataouine (8 cas pour chaque ville), Nabeul (7 cas), Médenine (6 cas), Sousse et Sidi Bouzid (5 cas pour chaque ville), Monastir, le Kef et Siliana (4 cas pour chaque ville), Bizerte et Kasserine (3 cas pour chaque ville) et Zaghouan, Mahdia et Jendouba (2 cas pour chaque ville). Concentration des violations le reste des régions 123 Grand Tunis 192 40 Répartition des violations sur les régions Mahdia 2 Kasserine 3 Jendouba 2 Zaghouan 2 Bizerte 3 Siliana 4 Le Kef 4 Monastir 4 Gafsa 25 Sidi Bouzid 5 Sousse 5 Kairouan 24 Médenine 6 Nabeul 7 Tataouine 8 Sfax 8 Gabes 8 Ces abus ont touché 106 supports médiatiques(institutions médiatiques) ; soit 17 chaînes de télévision, 22 radios, 23 journaux, 24 sites et journaux électroniques, 6 agences de presse, 2 magazines, une chaîne de télévision et deux radios électroniques et 9 blogs. Les violations selon le type de support médiatique Radio électronique 2 Blog 9 Agence de presse 6 Chaîne de télévision 17 Site/ journal électronique 24 Journal 23 Magazine 2 Radio 22 Chaîne de télévision électronique 1 Ces supports médiatiques ont été répartis comme suit : 41 * Chaînes de télévision : -El hiwar Ettounsi -La Télévision Tunisienne -Nessma TV -Hannibal TV -Al janoubia TV -Zitouna TV - Al Qalam TV - Tunisia News Network (TNN) - Al Moutawasset TV -Ettounsiya TV - Alahad TV (irakienne) - Al jazeera - Al alam -Al mayadeen - BBC -France 24 -Al Arabiya TV * Radios : - Radio Tataouine - Radio Monastir - Radio Gafsa - Radio Sfax - Radio Culture - Radio Jeunes - La Radio Nationale - Radio Tunis Chaîne Internationale (RTCI) 42 - Sawt el Manajem - Shems FM - Sabra FM - Express FM - Cap FM - Ulysse FM - Radio Kalima - Jawhara FM - Mahdia FM - Mosaique FM - Oxygène FM - IFM - Oasis FM - Chaambi FM * Journaux : - La presse - Assabah - Essour - Attounissia - Alchourouk - Assafir - Akher khabar - Al-Mijhar - L‟audace - 30 minutes - Dhid Essolta - Akhbar al jomhouria - Al Moussawer 43 - Essahwa - Le Temps - Le Quotidien - Le Maghreb - Edhamir - Assabah al ousboui - Echaab - Sawt Echaab - Attariq al jadid - Al Hayat (londonien) * Sites et journaux électroniques : - Jadal - Assabah news - Nawat - Arabesque TV - Attounissia - Réalités online - Tanit Press - Tunisie Numérique - African Manager - Assarih - Al-hasri - Aljarida - Al atouf - Tunisie Bondy blog - Businessnews - Almassira - Site du Syndicat National des Journalistes Tunisiens 44 - Site du Centre de Tunis pour la liberté de la presse - Al-moudon - Houkouk - La Tunisie vote - Mourassiloun - Al Hodhod - Elaph * Agences de presse : - Agence Tunis Afrique Presse (TAP) - Binaa News - Images de Tunisie - Agence France Presse (AFP) - Reuters - Wostok-Press * Magazines : - Réalités - Ain magazine * Chaînes de télévision électroniques - Astrolabe TV * Radios électroniques : - Radio Tounesna - AM Music * Blogs des blogueurs ci-après : - Hassen Mcharek - Zied Jhinaoui 45 - Okba Jhinaoui - Noureddine Kantri - Firas Nasfi - Lina Ben Mhenni - Hakim Ghanmi - Rim Thebti - Olfa Riahi Par ailleurs, la chaîne „Al hiwar Ettounsi‟ est classée en première position parmi les institutions médiatiques ayant subi le plus de violations, avec 37 abus recensés. Elle est suivie des institutions suivantes : - la télévision nationale (19 violations) - le journal Alchourouk (19 violations) - le site Jadal (17 violations) - Tunisia News Network TV (16 violations) - Ettounsiya TV (14 violations) - Radio Shems FM (13 violations) - Nessma TV (13 violations) - Radio Mosaïque FM (13 violations) - Le site Nawat (11 violations) 46 Institutions médiatiques ayant subi le plus de violations 40 35 30 25 20 15 10 5 0 37 19 19 17 16 14 13 13 13 11 2) Caractéristiques générales des violations à l’encontre des journalistes en Tunisie : Le nombre alarmant des violations exercées contre les journalistes en Tunisie, pendant une année, par comparaison au nombre total des journalistes, au nombre des institutions médiatiques, à la population du pays et à l‟importance des acquis en matière de libertés, met ,bien souvent, en évidence un caractère méthodique et organisé des violations obéissant à des bases, des théories, des visions et des stratégies qui organisent ces violations, les préservent et leur préparent le terrain ; ce qui nous pousse à discerner des caractéristiques communes et des orientations générales dans ce domaine. * Des violations collectives et à grande échelle de la part des agents de l’ordre : Les différentes brigades de sécurité sont impliquées dans 69 violations à l‟encontre des journalistes. En dépit des mises en garde émanant de plusieurs organisations concernées par le sujet et de la redondance du discours du pouvoir en 47 place sur la réhabilitation du système sécuritaire et l‟accomplissement de plusieurs sessions de formation sur le comportement envers les médias à l‟intention des agents de l‟ordre et l‟avancement des discussions avec les agents des forces de sécurité intérieure en vue de formaliser une procédure organisant « l‟opération relationnelle et complémentaire entre eux et les différents représentants des médias lors de l‟accomplissement par chacun d‟eux de son travail sur le terrain » et qui « approuve l‟engagement de l‟institution sécuritaire à respecter les références internationales et nationales en matière de protection des droits de l‟Homme et des libertés fondamentales » et qui fixe « un ensemble de principes à respecter par les forces de sécurité intérieure en vue d‟adopter la méthode de travail à suivre envers tous les représentants des médias lors de leur couverture des événements, dont leur protection conformément à des règles compatibles avec les objectifs du travail sécuritaire et ses spécificités visant à instaurer la sécurité et à garantir les droits de toutes les parties », l‟Observatoire n‟a pas relevé, sur une année, d‟amélioration au niveau du comportement des forces de sécurité vis-à-vis des couvertures médiatiques ; le rythme des violations à l‟encontre des journalistes s‟étant accru d‟un mois à l‟autre. En effet, deux violations ont été recensées en octobre 2012, 6 cas en novembre 2012, un seul cas en décembre 2012, 3 cas en janvier 2013, 10 cas en février 2013, 7cas en avril 2013, 4 cas en mai 2013, 7 cas en juin 2013, 20 cas en juillet 2013, 5 cas en août 2013 et 4 cas en septembre 2013. Les violations commises par les agents de l‟ordre se sont notamment accentuées lors des agitations politiques et sociales aigües aussi bien suite à l‟assassinat de Belaid et Brahmi qu‟à l‟occasion des 48 revendications sociales à Siliana ou lors du « sit-in du départ » revendiquant la chute du Gouvernement. Tout au long de ces événements, il est clairement apparu une grande implication des agents de l‟ordre dans l‟agression des journalistes par les matraques, les bombes lacrymogènes et même avec les mains et les pieds et ce, en dépit de la régularité du positionnement des journalistes et le port de leur dossard de journaliste et de leur matériel ; ce qui laisse supposer que ces agressions étaient préméditées. Le mercredi 28 novembre 2012, des journalistes et des équipes médiatiques ont fait l‟objet, lors de la couverture des protestations sociales à Siliana, d‟agressions commises par les forces de l‟ordre bien que ces dernières aient été préalablement informées de leur qualité de journalistes. L‟Observatoire a eu la confirmation, de sources conformes et sûres, qu‟il y avait eu des agressions par recours aux matraques et aux pierres ou aux cocktails molotov de la part des brigades anti-émeute à l‟encontre des collègues : Abdessalem Somrani, directeur du bureau « Dar El Anwar » à Siliana, Bassem Sendi et Chokri Abrougui de la chaîne « Hannibal TV » ainsi que Said Zouari et Khabab Ben Salah de la chaîne « Ettounsiya ». L‟Observatoire a également recensé des cas d‟interdiction de couverture et des tentatives de confiscation de matériel photographique ainsi que des menaces et des insultes à l‟encontre des collègues Sihem Ammar du site « Jadal », Naima Charmiti du site « Arabesque TV », Wajih El Wafi et Nizar Dridi de « Dar Essabah » ; Chaker Besbes de la radio « Express FM », Anis Daghari de la chaîne „TNN‟, Sofia Hammami du site international « Al hodhod » et Hind Jebali du journal électronique « Al Massira ». 49 L‟Observatoire a également eu la confirmation, de sources diverses, que le correspondant de France 24, David Thomson, a été victime d‟un coup de feuà bout portant ayant visé sa jambe droite et ayant laissé un ensemble de perforations et causé une forte hémorragie rappelant l‟assassinat de son collègue, Lucas Mebrouk Dolega, le 13 janvier 2011. Le 6 février 2013, les journalistes Hichem Guesmi et Mariem Nasri du site électronique « Jadal», le journaliste Med Yacine Jelassi, correspondant du journal londonien « Al Hayat », Saida Trabelsi de la chaîne satellitaire associative « Al hiwar Ettounsi », Lassaad Mahmoudi, journaliste à la radio électronique « Twensa‟ et la photographe indépendante Sabrine Belkhouja ont été battus par les forces de l‟ordre lors de la dispersion d‟une manifestation sur l‟avenue Habib Bourguiba à Tunis condamnant l‟assassinat de l‟opposant politique Chokri Belaid. Dans le même contexte, le siège du site électronique „Tanit Press‟ situé à Place de Barcelone à Tunis a été attaqué par les agents de l‟ordre qui ont jeté des pierres et du gaz lacrymogène sur le balcon. Ahmed Nedhif, journaliste à ce site, a confirmé qu‟alors qu‟il était, en compagnie de ses collègues, en train de filmer l‟agression des manifestants par les forces de police, ces dernières leur ont jeté des pierres et deux bombes de gaz lacrymogène et les ont insultés en menaçant de les punir. Le journaliste Zied Ben Amor de la radio régionale associative „Sawt el Manajem‟ a été agressé lors de la couverture des marches ayant eu lieu dans la ville de Gafsa suite à l‟assassinat de Belaid et ce, directement après avoir filmé l‟agression d‟un citoyen par des agents de l‟ordre au centre-ville. Cette même brigade de sécurité l‟a agressé tout en l‟accusant de la filmer au lieu de filmer les événements, lui a proféré des 50 obscénités, l‟a tiré par le bras et a essayé de lui confisquer son appareil photographique en l‟accusant de partialité et de semer le chaos et la confusion ; mais comme elle y a échoué, elle lui a demandé de quitter les lieux. Le journaliste Fethi Rhimi de la même radio a également été agressé. Le 8 avril 2013, le journaliste Karim Makni, correspondant de la chaîne privée „Hannibal TV‟ à Sfax, a fait l‟objet d‟une agression physique et verbale de la part des agents de l‟ordre lors de la dispersion de manifestants qui avaient bloqué la route nationale n° 13 pour protester contre l‟isolement de la région Sidi Khalifa Tayari en raison des fortes précipitations. L‟un des agents s‟est dirigé vers lui et l‟a insulté en dépit de sa connaissance de sa qualité de journaliste et malgré le fait qu‟il ait présenté sa carte professionnelle. Cet agent n‟a laissé à Makni aucune chance de s‟exprimer et l‟a battu ; ce qui a fait tomber ses lunettes qui se sont brisées. Il a également été battu par un grand nombre d‟agents à coups de bottes et de matraques, ce qui a endommagé sa cuisse et engendré des blessures au niveau de la jambe. Suite à l‟assassinat de Brahmi, le 25 juillet 2013, une équipe de la télévision électronique « Astrolabe TV », composée du journaliste Issam Ouni, de la journaliste Imen Ghzaiel et du cameraman Ahmed Essid, a été prise pour cible par les forces de l‟ordre lors de la couverture des manifestations populaires sur l‟avenue Habib Bourguiba ; les agents les ayant sciemment bloqués dans un coin de l‟avenue et lancé une série de bombes lacrymogènes dans leur direction et ce, malgré le fait qu‟ils portaient des dossards de journalistes ; ce qui a induit chez les agressés des difficultés respiratoires suivies d‟évanouissement. 51 Par ailleurs, le journaliste Khaled Souari du journal « Essahwa » a subi une agression violente de la part des agents de l‟ordre lors de la couverture du même événement. Il a annoncé, « ils m‟ont frappé violemment dans divers endroits de mon corps, ce qui m‟a causé plusieurs douleurs et m‟ont traîné par terre, bien que je les aie informés que j‟étais journaliste et que je faisais mon travail, et ont confisqué mon appareil photographique que je n‟ai pas pu récupérer ». Souari a également confirmé qu‟il a été conduit au poste de police de la rue Ibn Khaldoun et de là, vers Bouchoucha où il a été soumis à un interrogatoire jusqu‟à cinq heures du matin du lendemain et a été accusé d‟attroupement non autorisé. Bassem Sendi, correspondant de la chaîne privée « Hannibal TV » au Kef a été agressé, en compagnie du cameraman de la chaîne Anis Gueddich et ce, au lendemain de l‟assassinat de Brahmi ; les agents de l‟ordre ayant essayé de confisquer leur caméra après les avoir insultés lors de la couverture d‟une manifestation condamnant l‟assassinat. Le 27 juillet 2013, un nombre de journalistes ont été agressés par les agents de l‟ordre devant l‟Assemblée Nationale Constituante (ANC) alors qu‟ils couvraient le sit-in organisé à l‟initiative des forces de l‟opposition depuis les funérailles de Brahmi. Les forces de l‟ordre ont eu un recours intensif aux bombes lacrymogènes en vue de disperser les sit-inneurs, ce qui a provoqué des cas d‟évanouissement et d‟étouffement dans les rangs des journalistes qui étaient en train de couvrir l‟événement. Les forces de sécurité n‟ont pas épargné les journalistes lors de l‟attaque des sit-inneurs mais les ont visés en les battant et en les violentant, d‟après les confirmations d‟un grand nombre d‟entre eux. 52 Des observateurs de ces événements et d‟autres événements ont expliqué ces pratiques policières par l‟existence d‟instructions visant à limiter la couverture des agitations ou à interdire aux journalistes de filmer les agressions qui les ont touchés et ont touché leurs collègues et ce, bien qu‟il soit largement admis que ce genre de pratiques va à l‟encontre du droit d‟exercice du métier de journaliste en toute liberté et transgresse toutes les lois locales et les traités internationaux garantissant l‟intégrité physique des journalistes dans l‟accomplissement de leur travail. * Les bourreaux de la presse demeurent assurés de l’impunité : Le nombre de violations à l‟encontre des journalistes tout au long de cette année implique, aux termes du décret-loi n°115 relatif à la liberté de la presse, de l‟imprimerie et de l‟édition et selon le code pénal, des sanctions à l‟encontre de leurs auteurs ; cependant, le parquet a rarement ordonné l‟ouverture d‟enquêtes relatives à certaines violations. Dans la plupart des cas, les plaintes des journalistes demeurent sans suite dans les tiroirs des tribunaux ou des postes de police bien qu‟elles soient accompagnées de certificats médicaux et de témoignages et en dépit de la persistance des traces d‟agression sur le corps de certains. Le parquet ne cesse de faire l‟objet d‟un déluge d‟accusations émanant des milieux médiatique, judiciaire, de défense des droits de l‟Homme et politique qui l‟accusent de complicité et de complaisance dans le suivi des dossiers d‟agression des journalistes. Aussi, sa dépendance du pouvoir du Ministre de la Justice fait-elle craindre davantage son utilisation pour réprimer les journalistes et ignorer le principe de leur protection, ce qui a renforcé encore plus les craintes des journalistes violentés de la perte d‟un appui principal pour la protection des libertés 53 de la presse et le secours des journalistes réprimés et dont les rôles sont supposés gagner en importance en période de transition démocratique. Parallèlement, les accusations sont dirigées contreles appareils sécuritaires qui reçoivent souvent les plaintes des journalistes ou sont supposésarrêter les agresseurs en flagrant délit. Plusieurs analystes pensent qu‟un appareil qui commet le plus de violations contre les journalistes ne sera théoriquement pas fidèle au principe de leur protection et ce, à supposer qu‟il ne soit pas également complice dans l‟incitation ou la protection des « milices »qui agressent les journalistes tel que cela avait été le cas le 9 avril 2013 à l‟avenue Habib Bourguiba dans la capitale. Dans plusieurs régions, des éléments sont connus pour leur implication volontaire dans la poursuite des journalistes lors de la couverture des agitations populaires et ce, au vu et au su des forces de sécurité ; lesquels éléments sont protégés ou craints par les agents de l‟ordre. A titre d‟exemple, lors de la célébration de l‟anniversaire de la révolution, le 14 janvier 2013, Néji Baghouri, ex Président du SNJT et directeur du bureau de Tunis du site allemand « Correspondants », a déclaré qu‟il a été agressé verbalement par des éléments des ligues de protection de la révolution alors qu‟il passait par l‟avenue Habib Bourguiba à Tunis. Baghouri a déclaré que « l‟un des éléments connus et appartenant à la même organisation m‟a menacé de mort en présence d‟agents de l‟ordre qui m‟ont affirmé qu‟on ne peut toucher aux agresseurs ». Le cameraman Saber Sboui de la chaîne « Al Hiwar Ettounsi » à Sidi Bouzid a fait l‟objet de 4 agressions en l‟espace d‟une année suite auxquelles il déposait, à chaque fois, une plainte documentée en vidéo et en image. Cependant, aucune mesure réglementaire n‟a été prise à 54 l‟encontre des agresseurs, dont une personne qui l‟avait approché à maintes reprises et lui a plusieurs fois exprimé cyniquement son défi. Les journalistes eux-mêmes endossent une partie de la responsabilité quant à l‟impunité dont bénéficient les agresseurs au vu de la faible prise de conscience de la question qui demeure liée à l‟introspection de la situation de la presse tout au long de la période dictatoriale ou au fait de considérer la violation comme un acte passager auquel s‟expose tout travail journalistique ; alors que d‟autres pensent que la justice n‟est pas à même de les protéger en arguant que la justice ne peut s‟adapter aux exigences de la période transitionnelle et en présentant des exemples d‟échec de plusieurs de leurs collègues dans la poursuite de leurs agresseurs. Aussi, certains journalistes renoncent-ils à porter plainte, soit par crainte des représailles de la part de leurs bourreaux ou des amis de ces derniers, soit parce qu‟ils croient que la poursuite relève uniquement des pouvoirs exécutif et judiciaire partant du devoir du pouvoir de les protéger. Les propriétaires des institutions médiatiques contribuent à consacrer cette réalité lorsqu‟ils n‟accordent aucune importance aux agressions qui touchent leurs subordonnés et ne chargent un avocat de suivre le sujet que dans de rares cas. Ils voient également en ces agressions une affaire strictement personnelle sans aucun lien avec la profession et dans le meilleur des cas, ils considèrent que le suivi du dossier relève des organisations professionnelles et de défense des droits de l‟Homme. En outre, les avocats eux-mêmes sont négligents, se contentant d‟intervenir au stade de la procédure judiciaire alors que le sujet nécessite beaucoup d‟efforts lors de l‟enquête préliminaire afin d‟empêcher le classement des dossiers de plainte ou une négligence lors de l‟enquête. 55 * Retour des formes de censure des médias : Plusieurs personnes n‟appartenant pas à la sphère médiatique croient que le temps des ingérences administratives, politiques et judiciaires dans les contenus médiatiques est révolu depuis l‟avènement de la révolution tunisienne et que le secteur fait face à de nouveaux défis. Si cette vision a été vérifiée tout au long des premiers mois, l‟année dernière a, en revanche, confirmé le retour des anciennes méthodes de censure sous diverses formes. L‟une des failles ayant permis ce retour a consisté en la politique de désignation à la tête des institutions médiatiques publiques à laquelle le décret-loi n°116 a essayé de remédier en rendant obligatoire la concertation avec l‟instance audio-visuelle pour la désignation des présidents directeurs généraux ; les mêmes procédures s‟appliquant également, selon l‟esprit de ce décret-loi, à la désignation des directeurs. Ces craintes se sont renforcées suite aux désignations décidées par le Directeur Général de la Radio Tunisienne, en date du 16 août 2013, à la tête de Radio Jeunes, Radio Culture, Radio Tataouine et Radio Gafsa, après avoir concerné Radio le Kef auparavant ; lesquelles décisions ont été considérées, dans le domaine médiatique, comme parachutées, à connotation politique et visant à moduler la ligne éditoriale de la radio tunisienne. Une partie de ces craintes s‟est confirmée lorsqu‟a été occultée l‟arrivée d‟un fax de la part de l‟association „pour Tataouine‟ qui soutient la protestation des employés de la radio régionale publique „Tataouine‟ contre la désignation du nouveau directeur. Fethi Charouandi, chef du service de l‟information de la radio publique « Tataouine », a confirmé le 22 août 2013 que le président de l‟association « Pour Tataouine » : 56 « m‟a contacté à 13 heures précises pour protester contre le fait de ne pas avoir fait allusion à un communiqué soutenant les protestataires contre la désignation du nouveau directeur à la radio. Sa déclaration a été diffusée immédiatement ». Charaouandi a clarifié que « toutes les données qui sont destinées à la radio passent par le secrétariat de son directeur » et a insisté, dans ce cadre, sur le fait que « le communiqué n‟a pas été transmis au service de la programmation et de l‟information ». Les journalistes travaillant au sein de la radio ont considéré que « la non transmission du communiqué qui est parvenu à l‟institution le mardi 20 août 2013 précisément à 12 heures 17 minutes constitue un nouveau départ pour un blackout médiatique au sein de l‟institution suite à la désignation du nouveau directeur ». Le retour de la censure sur les contenus médiatiques dans le secteur public tient au fait que les directeurs croient que leur fonction les autorise à orienter les journalistes et à s’immiscer dans leur travail quotidien, y compris dans les salles de rédaction. Les journalistes et les techniciens de radio publique „Radio Monastir‟ ont désapprouvé dans une pétition dûment signée ce qui s‟est produit le dimanche 17 mars 2013 au sein de l‟institution, le Président Directeur Général de la radio tunisienne s‟étant ingéré pour passer une interview en direct avec son invité le Chef du parti « Mouvement Ennahdha », Rached Ghanouchi, et ce, sans coordination préalable ; ce qui a, alors, introduit un désordre au niveau de l‟équipe technique et journalistique ; selon les termes de la pétition. Une journaliste de « Radio Monastir » s‟était déplacée, à la demande du Directeur Général de la Radio tunisienne pour assurer la transmission en duplex d‟une interview avec le Chef du parti « Mouvement Ennahdha » 57 dont la diffusion était prévue pour 13 heures du même dimanche sur la Radio „Mahdia FM‟. La collègue n‟a pas pu accomplir cette mission pour des raisons purement techniques et est retournée sur son lieu de travail après avoir concerté le directeur de la radio, selon les dires de ce dernier. Les employés de la radio ont refusé cet agissement qu‟ils ont considéré comme une ingérence vile dans la ligne éditoriale de „Radio Monastir‟. L‟ex Directeur de la radio nationale tunisienne, Amor Barrima, était intervenu le mercredi 31 juillet 2013 pour imposer des aménagements à un programme radiophonique en cours de diffusion. L‟animatrice et présentatrice de programmes à la radio, Saida Zaghbi, a déclaré qu‟alors qu‟elle était en train de présenter son émission radiophonique périodique « Avec les gens »(Maa Ennes) et qui était supposée s‟étendre de 11 heures à 14 heures, elle a été surprise, 50 minutes après le début de l‟émission, de l‟intervention de Barrima qui l‟a nerveusement blâmée d‟avoir passé une déclaration de Mustapha Touati, professeur en civilisation islamique à la faculté de la Manouba, dans laquelle « il fait supporter à l‟Etat la responsabilité dans les incidents de violence et de terrorisme que connaît le pays suite à l‟assassinat de Brahmi ». Barrima a imposé à Zaghbi de modifier les rubriques de son programme et de les remplacer par un programme enregistré d‟une quarantaine de minutes et une série de chansons toute une heure durant. Jamel Zran, Directeur de Radio Culture a donné la preuve de son indépendance face à l‟ingérence administrative dans la ligne éditoriale quand il a présenté sa démission de son poste de Directeur de la radio en date du 21 décembre 2012. 58 Zran a accusé le Président Directeur Général de la radio nationale d‟ingérence dans la ligne éditoriale de l‟institution et l‟imposition d‟une censure sur certains contenus radiophoniques. Zran a affirmé que le responsable direct a essayé de le pousser à rédiger des rapports relatifs aux opinions des hommes de culture et des journalistes en guise d‟introduction à un procès intellectuel au sein des médias. Cependant, l’ingérence administrative n‟est pas propre aux institutions médiatiques publiques mais touche également d‟autres catégories d‟institutions. En effet, le 3 avril 2013, Fethi Bhouri, Directeur Général de Shems FM (confisquée au profit de l‟Etat) a procédé au retrait (censure) d‟un article du site électronique de la radio sans avoir concerté le Comité de rédaction ou les administrateurs du site. Hamza Balloumi, journaliste et présentateur de programmes à la radio, a affirmé que le Directeur de la radio s‟est ingéré dans les affaires de la rédaction en retirant un article du site web relatif au voyage effectué par le Président provisoire de la République Moncef Marzouki entre l‟Allemagne, Tunis et Doha arguant que l‟information « affecte le prestige des institutions de l‟Etat et de la Présidence de la République ». Chokri Bassoumin journaliste au quotidien privé « Al chourouk » a confirmé que la direction du journal a censuré son article supposé être publié dans le numéro du 16 juillet 2013. Bassoumi a déclaré qu‟il avait envoyé au journal un article intitulé « C‟est arrivé à Sbeitla : la vulgarité de Med Ali Nahdi derrière l‟interruption de la représentation d‟Ezzmegri » dans lequel il relate les circonstances de l‟interruption d‟une représentation théâtrale à Sbeitla du Gouvernorat de 59 Kasserine mais il a été surpris par le retrait de l‟article sans aucune justification ou critique comme il est de coutume dans la profession. Il a déclaré « Certaines personnes parmi les responsables de la rédaction n‟ont pas apprécié l‟article et lui ont préféré un autre donnant une version visiblement orientée et tout à fait différente des faits ». Bassoumi avait fait l‟objet d‟une pratique similaire en décembre 2012 lorsque le journal « Al Chourouk » lui a interdit de publier une information sur la censure d‟un roman tunisien en Arabie Saoudite. Bassoumi a affirmé avoir envoyé trois rappels à ce sujet au rédacteur en chef du journal mais sans réponse. L‟ingérence sur le plan éditorial peut parfois revêtir un aspect judiciaire, l‟une des chambres en référé auprès du tribunal de première instance de Tunis s‟est prononcée tardivement, en date du 22 novembre 2012, sur une demande de pétition présentée par le Chargé des litiges de l‟Etat visant à empêcher la diffusion d‟une interview avec l‟un des gendres du président déchu et qui allait être diffusée dans la soirée dans l‟un des programmes de la chaîne privée « Ettounsyia ». La justice a justifié cette censure par le fait que le produit médiatique suscite des controverses de nature à troubler l‟ordre public, à provoquer les citoyens et à les pousser à s‟entretuer ; ce qui constitue un argument faible d‟autant plus que la diffusion d‟un spot publicitaire sur l‟interview n‟a pas confirmé ces craintes ; ce qui a poussé les observateurs à affirmer que la décision de censure laissera le champ libre au contrôle des contenus médiatiques avant leur diffusion. La justice tunisienne a remédié à la situation et a rejeté l‟action en justice d‟interdiction de la diffusion ; ce qui a été considéré par le SNJT comme « une victoire de la liberté d‟expression, de la presse et de la création et 60 un refus de la limitation des libertés et de la consécration du contrôle apriori sur le produit médiatique ». Le syndicat avait condamné « toute tentative d‟interruption de n‟importe quel programme avant sa diffusion qui est considérée comme un contrôle apriori et une criminalisation de faits n‟ayant pas eu lieu, ce qui préparera le terrain au contrôle préalable de n‟importe quel produit médiatique avant sa présentation au public ». Le même fait s‟est reproduit quand le premier juge d‟instruction du troisième bureau auprès du tribunal de première instance de Tunis a émis, le lundi 4 février 2013, un ordre judiciaire interdisant à la radio privée « Mosaique FM » de diffuser une interview avec le chef de l‟organisation « Ansar Al Chariaa », Seif Allah Ben Hassine alias Abou Iyadh. Le juge a justifié sa décision, dans une correspondance officielle adressée, le lundi, à la Direction de la radio, par le fait que Abou Iyadh est recherché par la justice et est accusé de l‟assassinat d‟une personne et d‟atteinte à la sûreté intérieure de l‟Etat et d‟avoir commis un acte de terrorisme suite aux évènements de l‟ambassade américaine en septembre dernier et qu‟il fait l‟objet d‟un mandat d‟amener. Le juge d‟instruction a considéré que la diffusion de cette interview troublerait le fonctionnement de la justice et contiendrait des messages codés destinés par Abou Iyadh à ses partisans. Par ailleurs, l‟ingérence dans la rédaction peut prendre une orientation policière à l‟instar de ce qui s‟est passé le 5 septembre 2013 quand la police a ordonné à Omar Nagazi, Directeur de la radio régionale privée « Sabra FM », d‟interdire la diffusion du programme « Gloires de Kairouan » préparé par l‟Association Charaïque des Serviteurs du Coran et de la Sunna sans la présentation d‟une notification écrite et ce, en raison de l‟appartenance de certains éléments qui présentent le 61 programme à « Ansar Al-Chariaa » classée comme organisation terroriste. La pire des censures est celle provenant du corps politique et qui implique un recours à l‟autorité symbolique ou réelle afin d‟orienter le contenu rédactionnel ou de l‟aménager ou d‟imposer des contenus médiatiques précis. Après que cette censure eut été concentrée au Palais de Carthage, sous Ben Ali, où les instructions guidaient la plupart des médias, elle est devenue aujourd‟hui répandue dans plus d‟un palais, plus d‟un ministère et plus d‟un appareil. Un nombre important de journalistes se plaignent de la multiplication des appels téléphoniques des bureaux des grands responsables au pouvoir leur demandant de passer des couvertures de certaines activités ou les critiquant sur le contenu de certains programmes ; la première chaîne de télévision publique a ainsi diffusé dans la soirée du 29 mai 2013 une interview menée par l‟expert en droit constitutionnel Iyadh Ben Achour dans laquelle il interrogeait le Président provisoire de la République Moncef Marzouki. La société de télévision a été contrainte de diffuser l‟enregistrement d‟une interview qu‟elle n‟a ni programmée ni produite. Le pouvoir pourrait également être utilisé pour faire peur à certains journalistes en raison de la ligne éditoriale de leurs institutions ou de divergences dans l‟appréciation de certains contenus médiatiques. Ainsi, Boukhedhra Hajji, le journaliste de la chaîne associative « Al Hiwar Ettounsi », a été harcelé par le Chef du Gouvernement provisoire Ali Larayedh au cours de la conférence de presse qui s‟est tenue, le 25 juillet 2013, au siège de la Présidence du Gouvernement à la Kasbah suite à l‟assassinat de Mohamed Brahmi. Boukhedhra avait posé une question au Chef du Gouvernement sur l‟appel à la désobéissance civile, sur quoi le Ministre lui a rétorqué avant de répondre « Votre chaîne incite 62 et appelle à la violence et nous allons prendre des mesures contre la chaîne Al Hiwar ». Mme Meherzia Labidi, première vice-présidente de l‟ANC a exprimé, le 1er août 2013, à une équipe de la télévision nationale tunisienne son mécontentement quant à la couverture par la télévision nationale de l‟activité des députés qui ne se sont pas retirés de l‟ANC la considérant comme « putschiste et consacre plus de temps à l‟opposition » selon ses dires, et a demandé de filmer toute la séance consultative tenue par les députés bien que l‟équipe journalistique ait rassemblé toute la matière nécessaire à la préparation de son rapport d‟information. Labidi est intervenue même dans la façon d‟exploiter le matériel audio par l‟équipe journalistique et est allée jusqu‟à déclarer sur un ton menaçant « Assumez votre responsabilité parce que nous comptons réviser le budget de la télévision ». La députée à l‟ANC Yamina Zoghlami, représentante du parti « Mouvement Ennahdha », a soutenu sa collègue Labidi dans l‟attaque de l‟équipe de télévision menaçant d‟exposer les dossiers de la télévision à l‟ANC en disant « Nous allons nous intéresser à votre cas, maintenant ». Cette ingérence alarmante est l‟œuvre même de certains responsables régionaux tel que le Gouverneur de Tataouine. Thameur Zoghlami, ex directeur de la radio publique régionale « Tataouine » a, en effet, reçu, le 13 juin 2013, une copie d‟une lettre adressée par le Gouverneur de la région au Président Directeur Général de la radio tunisienne dans laquelle il accuse les journalistes de « Radio Tataouine »de partialité dans le traitement des affaires de la région prétendant qu‟ils transmettent les informations d‟une façon qui manque de transparence et d‟objectivité sans remonter à la source de l‟information, selon sa lettre. Cela a été 63 considéré comme une ingérence politique dans les affaires éditoriales de la radio. Le phénomène concerne divers partis politiques ; Iheb Chaouch, journaliste et présentateur à la première chaîne publique tunisienne s‟est plaint, le 30 mars 2013, d‟une série de pressions exercées par Faouzi Ben Jannet le Chef du parti « Mouvement de la Jeunesse Libre de Tunisie » qui a demandé au collègue Chaouch de le faire participer à son talk-show et a menacé de contacter la direction de l‟institution pour imposer sa présence dans ce programme. Et bien que Chaouch lui ait expliqué la nature du travail et la nécessité de coordination entre l‟équipe du programme et les différents autres services ainsi que les conditions du choix des invités, M. Ben Jannet a continué à le harceler sans arrêt et à lui mettre la pression. A la fin, Ben Jannet a contacté le collègue Chaouch et l‟a informé qu‟il allait demander au Président Directeur Général de l‟institution d‟intervenir auprès de la rédaction pour l‟imposer au présentateur du programme en menaçant dépasser à « un cran supérieur » de pression. Il lui a également annoncé, lors d‟une conversation téléphonique, qu‟il peut considérer ce qu‟il a dit comme une menace directe. En outre, Imed Daimi, Secrétaire Général du parti « Congrès pour la République » (CPR) a menacé, le 11 septembre 2013, la journaliste Moufida Touati du service d‟information nationale à l‟Agence Tunis Afrique Presse (TAP) de poursuite judiciaire suite à sa publication en deux parties d‟une interview ayant eu lieu avec lui le mardi 10 septembre. Il lui a, en effet, téléphoné et l‟a accusée de mauvaise foi et d‟avoir falsifié ses déclarations dont elle a gardé un enregistrement. Et bien que Daimi ait bénéficié du droit de réponse, il a demandé à ce qu‟on 64 passe l‟interview en entier ; ce que ne permettent pas les normes internationales en matière de formulation des dépêches des agences de presse qui sont limitées par un nombre donné de mots. L‟ingérence politique peut également influencer la situation professionnelle de certains journalistes tel que cela a été le cas pour l‟animatrice à la télévision tunisienne, Amel Chahed, qui a déclaré samedi 5 janvier 2013, qu‟elle « vit des tentatives pour gêner son travail de journaliste et anéantir les efforts qu‟elle fournit pour présenter des informations justes aux tunisiens et aux tunisiennes sur ce qui se passe autour d‟eux ». Cette déclaration intervient suite aux aménagements décidés unilatéralement et intentionnellement par la direction de la télévision et qui ont concerné le timing et la durée allouée à son programme « A l‟heure de la Une » (Bi taoukit al oula) et que Chahed attribue au désagrément causé par le contenu de son programme à certains responsables gouvernementaux et qui l‟ont annoncé publiquement dans des programmes télévisés. * La violence parallèle terrorise les journalistes : Les gens sont habitués à ce que la violence envers les journalistes soit accaparée par les forces de l‟ordre, cependant dans l‟expérience tunisienne récente, sont apparus des groupes qui exercent la violence à l‟encontre des journalistes dans les lieux publics et privés ; laquelle violence dépasse l‟intimidation, l‟agression verbale et l‟interdiction de travail pour s‟étendre à la violence physique et la confiscation du matériel de travail. « Les ligues de protection de la révolution » se sont illustrées dans ce domaine avec 17 violations à leur actif. Malgré le fait qu‟elles soient une 65 entité légale, et de ce fait libres d‟exprimer leurs opinions d‟une façon pacifique quant à l‟évolution de la situation médiatique, ces ligues sont souvent accusées de poursuivre les journalistes et de les terroriser en se basant sur un vocabulaire « purificateur »et « révolutionnaire » qui prétend « purifier les médias de la honte » et consacrer les médias à la réalisation des objectifs de la révolution. Les ligues sont connues par l‟entrée de certains de leur membres, le 2 mars 2012, dans un sit-in ouvert et de longue durée devant le siège de la télévision tunisienne pour revendiquer « la neutralité des médias et leur positionnement à égale distance entre les différentes parties dans le cadre du professionnalisme, de la crédibilité et de la transparence et la purification de l‟institution des symboles de l‟ancien régime et de ceux qui se sont enrichis et profité de sa politique ». Les employés de l‟institution ont désapprouvé la transformation du mouvement, avec le temps, en un « espace d‟insulte, de diffamation, de calomnie et de dénigrement » où on en est arrivés à des affrontements avec les employés de l‟institution qui se sont soldés par l‟atteinte de 4 d‟entre eux dont le journaliste Walid Hamraoui qui a été agressé par un objet tranchant au niveau de la main. Sauf que, visiblement, cela n‟a été que le début d‟une série de violations caractérisant le comportement de ces ligues avec les journalistes. En effet, plusieurs journalistes ont été insultés et battus, le 4 décembre 2012, lors de la couverture de la commémoration du 60e anniversaire de l‟assassinat du leader Farhat Hached sur la place Mohamed Ali dans la capitale. Les journalistes de radio « Kalima » et du site électronique « Tanit », Mohamed Nedhif et Mohanned Zaier, ont accusé les « ligues de protection de la révolution », proches du Gouvernement, d‟avoir eu recours aux bâtons et au gaz paralysant lors de leur agression, bien 66 qu‟ils se tenaient loin des fêtards et portaient des dossards de journalistes. Cette agression a d‟ailleurs laissé des traces visibles sur les corps des journalistes suscités. Zied El Héni, journaliste au quotidien étatique « La Presse » et ex membre du bureau exécutif du SNJT a déclaré qu‟alors qu‟il était, dans la matinée du 14 janvier 2014, en train d‟exercer son travail de couverture des rassemblements populaires sur l‟avenue Habib Bourguiba à Tunis, des éléments appartenant aux « ligues de protection de la révolution » l‟ont insulté et traité comme étant « un représentant des médias de la honte qui falsifie les réalités et diffuse de fausses informations, qui répand le chaos et le désordre dans le pays et œuvre à l‟incendier et à entraver le travail du Gouvernement ». El Héni a ajouté que les agresseurs n‟y sont pas allés de main morte en le battant et en lui donnant des coups de pied par derrière alors qu‟il quittait les lieux après que certaines personnes présentes soient intervenues pour le défendre. Adnane Chaouachi, journaliste à la radio publique émettant en langue française (RTCI),a fait l‟objet le 27 mai 2013 d‟une agression ; il a été battu et son matériel de travail brisé par un groupe appartenant à la ligue de protection de la révolution qui manifestait devant le siège de l‟ANC au Bardo. Chaouachi a été détourné par plus d‟une dizaine de personnes qui l‟ont traîné vers une tente de la ligue de protection de la révolution où il a été agressé, piétiné et battu sur tout le corps, lui et son collègue le photographe Sofiane Ben Hdada. La caméra qui était en leur possession a également été brisée. 67 Le journaliste Faouzi El Arbi Snoussi employé par le journal indépendant et dirigé par Taoufik Ben Brik « Contre le pouvoir »(Dhid Essolta) ne quitte plus son domicile que rarement depuis que la conjugaison de plusieurs facteurs indique qu‟il est menacé d‟élimination physique. Outre une grave agression physique, au cours du mois de juin 2013, il a fait l‟objet de menaces téléphoniques. Il a également été informé par certains commerçants de la région du Kram où il réside que des membres des ligues de protection de la révolution ont autorisé son assassinat. Ce groupe a été accusé d‟empêcher plusieurs journalistes de couvrir les manifestations populaires. Ainsi, la journaliste Asma Ben Massoud du site privé « Al jarida » a été agressée verbalement le 1er mai 2013 et a été empêchée de travailler alors qu‟elle couvrait une manifestation de la ligue de protection de la révolution sur l‟avenue Habib Bourguiba à Tunis. La collègue Ben Massoud était en train de réaliser un enregistrement avec l‟un des chefs de la ligue quand l‟un des membres l‟a agressée prétendant qu‟il la connaît et l‟a accusée « d‟obédience et de trahison de la révolution ». Ben Massoud n‟a pas pu exercer son devoir professionnel et a été contrainte de quitter les lieux après que des dizaines de manifestants l‟eurent entourée, harcelée et empêchée de travailler scandant publiquement des expressions du genre « médias de la honte, trahison de la révolution et obédience » et n‟ont laissé la collègue en paix qu‟après qu‟elle n‟eut quitté les lieux définitivement. En outre, le journaliste Tijani Boudidah, correspondant de la chaîne privée « Hannibal TV » a fait l‟objet, le 1er février 2013, d‟une agression 68 verbale et de tentatives pour l‟empêcher de couvrir un mouvement protestataire des ligues de protection de la révolution à l‟encontre de la tenue d‟une réunion populaire du parti républicain « Al jomhouri ». Un nombre de manifestants se sont attroupés autour de lui, l‟ont accusé de partialité et lui ont demandé de quitter les lieux puis l‟ont poussé et ont également empêché le cameraman de la chaîne « Hannibal TV » Adel Nagati de filmer ce qui se passait devant le lieu de la réunion. Majdi Ouerfelli, le correspondant du site électronique « Elaph » a accusé des éléments appartenant aux « ligues de protection de la révolution » de l‟avoir insulté et injurié sans le connaître au préalable ou avoir dialogué avec lui. Ils l‟ont également empêché de filmer et ont essayé de confisquer son appareil photographique alors qu‟il couvrait une manifestation organisée par les ligues dans l‟avenue Habib Bourguiba de la capitale, le samedi 12 janvier 2013, à l‟occasion de la célébration du deuxième anniversaire de la révolution. Aussi, Safa Mtaallah, journaliste à l‟hebdomadaire « Sawt al chaab » a affirmé qu‟alors qu‟elle couvrait ladite manifestation, l‟un des présents l‟a traitée de « communiste athée » faisant partie des « médias de la honte » avant de la battre et de lui tirer les cheveux. Mtaallah a déclaré que l‟événement s‟était produit à quelques mètres des agents de l‟ordre qui n‟ont pas réagi et se sont contentés d‟observer la scène puis ont quitté les lieux sans intervenir ou arrêter l‟agresseur. Sur l‟année, certains groupes salafistes ont commis 15 violations à l‟encontre des journalistes ; lesquelles violations ont été qualifiées des plus agressives à l‟encontre les journalistes. Ces groupent ont recours à un discours éthique et religieux au sein des lieux de culte où les discours tournent autour d‟une profonde haine envers les journalistes. Ils exercent 69 également sur eux les pires agressions dans les lieux publics et le discours d‟expiation passe très rapidement à l‟exécution. Le photographe de la chaîne « al Hiwar Ettounsi », Oussama Abdelkader, a déclaré qu‟il a été agressé et que son appareil photographique a été confisqué alors qu‟il couvrait les obsèques de l‟un des jeunes salafistes dans le village de Jradou du Gouvernorat de Zaghouan. La journaliste Ibtissem Abdelkader qui l‟accompagnait a confirmé qu‟un « nombre important des médias locaux et internationaux étaient présents alors que l‟agression n‟a touché que nous ; ce qui laisse supposer qu‟elle était planifiée et qu‟elle visait la chaîne elle-même ». Puis elle a rajouté « on nous a traités de journalistes de la honte, d‟athées, de mécréants, de laïcs, etc.». De son côté, Oussama Abdelkader a déclaré que le jour de l‟incident, il a été entouré par un groupe de citoyens appartement au courant salafiste qui l‟ont battu et piétiné et lui ont confisqué son appareil photographique après l‟avoir séquestré dans l‟une des chambres du domicile du défunt d‟où il n‟a pu s‟échapper qu‟avec l‟aide de l‟un des présents. Les journalistes de la chaîne « Al hiwar Ettounsi », Boukhedhra Hajji et Hichem Abed Essayed, ont été violemment agressés le 31 décembre et ont été menacés d‟égorgement alors qu‟ils réalisaient un reportage à Douar Hicher. Les mains d‟Abd Essayed ont été liées et il a été battu violemment au visage et au ventre ainsi que Boukhedhra qui a été battu. Les agresseurs ont également abîmé la caméra de tournage. Les journalistes ont déclaré que l‟un des agresseurs a brandi un couteau et a menacé de les égorger n‟eut été l‟intervention des citoyens. 70 Les agresseurs ont traité Boukhedhra et Abd Essayed de « mécréants et athées ». Les journalistes ont affirmé que c‟est un groupe appartenant au courant salafiste qui les a agressés. Par ailleurs, un nombre de salafistes ont, en date du 27 février 2013, harcelé le journaliste et blogueur Ali Abidi le correspondant du site « Jadal » alors qu‟il couvrait une conférence intellectuelle dans l‟une des mosquées de Sidi Bouzid. Certains d‟entre eux l‟ont fait sortir de la mosquée à deux reprises et ont confisqué son téléphone portable ; l‟un d‟entre eux a également essayé de le frapper. Abidi a été menacé de mort par plus d‟une personne. Le mois de mai 2013 a enregistré, à lui seul, 7 violations commises par des salafistes à l‟encontre de journalistes alors qu‟ils couvraient les évènements liés à l‟interdiction de la tenue du troisième congrès de « Ansar Al Chariaa »à Kairouan. Dans ce cadre, le journaliste à la radio nationale, Ammar Jebali, a été battu violemment alors qu‟il préparait une correspondance à la radio pour transmettre la situation à la Cité Ettadhamen. Et alors qu‟il interrogeait les citoyens sur la situation dans le quartier, une autre personne s‟est approchée de lui et lui a dit textuellement « tu es un indicateur de la police » bien qu‟il portait un dossard sur lequel était marqué « journaliste », puis deux personnes l‟ont rejoint et lui ont demandé son identité, ce à quoi il répondit qu‟il était journaliste et qu‟il était venu faire son travail. Jebali a déclaré que deux personnes l‟ont traîné et l‟ont battu malgré ses supplications pour qu‟ils le relâchent ajoutant qu‟il y avait parmi les agresseurs un groupe de personnes barbues et vêtues à l‟afghane. Le journaliste Ammar Jebali a confirmé qu‟il n‟a pas pu cerner le nombre de ses agresseurs mais qu‟il est certain qu‟ils étaient plus de 10 71 individus qui lui ont piétiné tout le corps et a dit que certains habitants du quartier qui le connaissaient ont pu difficilement le relâcher et l‟ont transporté au dispensaire de la Cité Ettadhamen puis à l‟hôpital de la Rabta où il a reçu les soins d‟urgence et où on lui a remis un certificat médical avec 17 jours de convalescence et qui fait état de fractures au niveau du nez suite à des coups violents portés au visage. Les pro-gouvernementaux occupent une place de premier plan dans l‟agression des journalistes avec 21 violations à leur actif, la plupart des manifestations populaires notamment celles organisées par le parti du « Mouvement Ennahdha » sont devenues une opportunité de provocation des journalistes et de leur attaque, ces derniers étant accusés « d‟incitation au désordre, à la désobéissance et au sabotage » ainsi que de « ternir l‟image du pouvoir et du pays aussi bien à l‟intérieur qu‟à l‟étranger » et « d‟obéissance aux instructions de l‟opposition ». Plusieurs partisans de la Troïka au pouvoir pensent que le fait que leurs partis soient au pouvoir leur confère le pouvoir de « blâmer les journalistes et de les éduquer» et les soustrait au devoirde rendre compte de leurs faits, le sujet revêtant chez eux un caractère de « légitimité révolutionnaire ». Les déclarations hostiles aux journalistes émanant de certains symboles du pouvoir, de leurs partis et de leurs leaders donnent souvent carte blanche aux partisans pour agresser les journalistes dont certains ont peur de porter des insignes renseignant sur leur qualité professionnelle lors de la couverture des manifestations des partis au pouvoir. Fethi Rehimi, journaliste à la radio régionale associative « Sawt El Manajem » a été empêché, le vendredi 25 janvier 2013, d‟accéder au siège du Gouvernorat de Gafsa pour obtenir des déclarations sur la 72 protestation organisée par des ouvriers travaillant dans le cadre du mécanisme 16. Rehimi a déclaré que des éléments proches du Gouvernement qui se tenaient à quelques mètres du siège du Gouvernorat ont incité les agents de l‟ordre à le renvoyer en l‟accusant de « semer le désordre et le trouble ». Rehimi a déclaré que ces mêmes éléments l‟avaient menacé et lui avaient ordonné de ne pas couvrir un mouvement protestataire dans le centre-ville de Gafsa le 17 janvier de la même année. La journaliste Mariem Zemzari employée par l‟hebdomadaire „Sawt Al Chaab‟ a été victime d‟une agression matérielle et verbale dans la soirée du 16 février 2013 alors qu‟elle couvrait la marche initiée par le Mouvement Ennahdha sur l‟avenue Habib Bourguiba à Tunis. Zemzari a déclaré qu‟alors qu‟elle était en train de filmer la manifestation au niveau de l‟Hôtel El Hana International de la capitale, un nombre de manifestants se sont dirigés vers elles, l‟ont insultée la traitant de traîtresse de la patrie appartenant aux « médias de la honte » avant que l‟un d‟eux ne la pousse violemment ; le pire serait arrivé sans l‟intervention de certains citoyens. En outre, des partisans du parti « Mouvement Ennahdha » ont agressé le correspondant de la chaîne « Al Arabyia »à l‟avenue Habib Bourguiba de la capitale. Le correspondant de la chaîne « Al Arabyia » Belgacem Karoui était en train de couvrir la manifestation de soutien de la légitimité en Egypte organisée par les sympathisants du parti quand un nombre d‟entre eux l‟ont attaqué, l‟ont empêché de filmer, l‟ont poussé pour l‟obliger de quitter l‟avenue dans laquelle avait lieu la manifestation et l‟ont insulté considérant la chaîne pour laquelle il travaillait comme 73 « sioniste » et « pratiquant la tromperie médiatique au détriment des causes des peuples arabes ». Imen Fajari, journaliste à la radio privée « Jawhara FM » a confirmé que l‟un des partisans du « Mouvement Ennahdha »lui a adressé, le 1er août 2013, une menace directe devant les agents de l‟ordre alors qu‟elle couvrait le sit-in du départ et la marche de soutien de la légitimité dans la ville de Sousse. Elle a dit que le manifestant concerné lui a déclaré « je vais te défigurer avec ce verre brisé » qu‟il tenait à la main. Fejari a confirmé que « les agents de l‟ordre ont protégé les journalistes et les ont invités à éviter les provocations de la part des manifestants sans intervenir pour autant pour arrêter le manifestant ». Le correspondant de la radio privée « Express FM » Anis Knani a confirmé que des manifestants soutenant la légitimité l‟ont insulté et l‟ont attrapé par son dossard de journaliste, ce qui a incité ses collègues à intervenir pour le secourir. Le 14 août 2013, l‟équipe de travail de la chaîne privée « Hannibal TV » a été harcelée dans son travail lors de la couverture du sit-in de protestation organisé par les partisans du « Mouvement Ennahdha » devant le siège de l‟ambassade d‟Egypte condamnant les circonstances de la levée des sit-in sur les places de Rabaa Al-Adawyia et Ennahdha en Egypte. La journaliste de la chaîne, Anissa Hajri, ainsi que le journaliste photographe Hassen Baklouti ont été insultés dès que l‟un des manifestants s‟est aperçu de leur présence devant l‟ambassade, les voix 74 se sont alors élevées traitant la chaîne d‟obédience et de falsification des réalités. L‟équipe de travail qui portait les dossards et l‟insigne de la chaîne sur le microphone a été contrainte de quitter les lieux sous protection policière et de ne pas achever son travail. Des organisations et des partis proches du pouvoir exercent ce genre de pratiques à l‟instar de ce qu‟ont commis certains partisans du courant « Al Mahabba » à l‟encontre d‟équipes journalistiques le 16 août 2013 lorsque l‟équipe journalistique de la chaîne tunisienne publique « Al watanya 1 », composée de la journaliste Najwa Bacha et du journaliste photographe Med Anouar Ghedira, a été battue et la caméra de tournage brisée et ce, lors de la couverture du sit-inde protestation organisé par ce courant devant le théâtre municipal suite à une marche de « condamnation des événements en Egypte » qui a démarré devant la mosquée Al Fath à Tunis. L‟équipe a été battue avec les bâtons portant les drapeaux et la caméra de tournage de la télévision nationale a été brisée. Les choses auraient été pires sans la solidarité des journalistes présents et l‟intervention de certains organisateurs du sit-inet des agents de l‟ordre. L‟équipe de journalistes de la télévision privée TNN, composée de la journaliste Rabaa Ghribi et de la photographe Imen Ben Abdallah, a été empêchée de filmer l‟agression de l‟équipe de la télévision nationale. Certains protestataires ont tenté de confisquer l‟appareil photographique de l‟équipe. 75 En outre, le journaliste Adem Dridi du site « Tunisie Numérique » a été battu tout comme son collègue Najeh Ben Jeddou du journal privé « Ettnousyia »auquel on a également confisqué son carnet de service et envers lesquels des slogans du genre « médias de la honte » et « vassal » ont été scandés. Les statistiques confirment également l‟implication des sympathisants de l‟opposition dans 14 violations qui ont touché, en particulier, des employés relevant d‟institutions médiatiques reconnues comme étant proches du parti du « Mouvement Ennahdha » et accusées d‟être des « moyens de propagande commandités par le pouvoir en place et incitant au dénigrement des opposants et leur provocation ». Ces violations ont également été commises à l‟encontre des employés de la chaîne qatarie Al Jazeera. L‟équipe journalistique de la chaîne TNN, composée de la journaliste Chada Haj Mbarek et du cameraman Romdhane Slimi, a été empêchée de travailler et renvoyée d‟un rassemblement qui avait lieu devant le domicile du martyr Mohamed Brahmi le 25 juillet 2013. Le même jour, le correspondant de la chaîne privée « Al moutawasset », Ahmed Sahraoui, a été agressé verbalement et battu alors qu‟il couvrait une manifestation suite à laquelle le siège du Gouvernorat de Monastir a été envahi ; des manifestants en colère l‟ont battu et empêché de filmer et l‟ont également insulté et injurié traitant la chaîne qui l‟emploie de «pro-gouvernementale et au service d‟un agenda servant uniquement les intérêts d‟un parti politique ». Lors de la même manifestation, Mosaab Ayari, correspondant de la chaîne privée « Ezzitouna », a été violenté par quelques sympathisants de l‟opposition qui désapprouvaient sa présence pour couvrir la marche 76 des partisans de la légitimité. Il a dit « ils m‟ont jeté des pierres, m‟ont battu et ont proféré les pires insultes et injures ». Mohamed Bakkali, correspondant de la chaîne qatarie « Al Jazeera » à Tunis a été victime, le 10 mai 2013, d‟une agression verbale et physique alors qu‟il couvrait un sit-in de protestation à l‟initiative des Syndicats des forces de l‟ordre devant l‟ANC au Bardo. Un groupe de manifestants de l‟opposition ont abreuvé Bakkali d‟un déluge d‟injures alors qu‟il accomplissait ses devoirs en l‟accusant de vassalité au Qatar et à Israël, d‟être « un rat » et « un porte-parole du sionisme »,l‟ont poussé violemment pour qu‟il quitte les lieux et lui ont proféré des insultes « racistes » du type « Retourne chez toi, nous n‟avons pas besoin de tes semblables ». *La polarisation politique aigüe occulte le spectre des violations commises par le commun des citoyens : La polarisation politique aigüe en Tunisie, constatée, notamment suite à l‟assassinat de Brahmi, n‟est plus un secret pour personne et ce, outre la division de la scène politique entre « une troïka » au pouvoir et « un front du salut »populaire dont la presse a été l‟un des principales orbites. Le pouvoir en place qui se plaint de l‟absence d‟une instance médiatique qui défend ses choix sociaux et atténue le coût élevé de ses politiques dans divers domaines est devenu éparpillé entre plus d‟une stratégie de traitement avec les médias :continuer à les diaboliser et à leur faire supporter la responsabilité de la dégradation de la situation dans l‟espoir de neutraliser leur pouvoir d‟influence, ou essayer de les rendre plus neutres et de les amadouer, ou redoubler d‟efforts pour mettre en place une presse parallèle. 77 Quant à l‟opposition, combien même elle revendique la défense des libertés de la presse et rejette toutes les tentatives pour les faire retourner à la case de la dictature et soutient tous les mouvements et initiatives rejetant les politiques de leur apprivoisement et de leur utilisation, voit en cette défense un secours d‟une grande valeur susceptible de soutenir son projet social et de contribuer à faire basculer la balance des forces politiques en sa faveur. Ainsi, si le pouvoir en place feint de dénier les violations qu‟il commet contre les journalistes, lui et ses partisans et alliés, fort des slogans de « mouvements sociaux et politiques » et « faiblesse du professionnalisme et de la crédibilité », l‟opposition feint, souvent, d‟ignorer les violations commises par ses partisans à l‟encontre des journalistes relevant de certains médias alliés au pouvoir et ce, en dépit de ses déclarations publiques rejetant toutes les violations quelle qu‟en soit la source. Néanmoins, les deux gardent le silence sur les violations commises par le commun des citoyens, agissant individuellement ou en groupe, et trouvent des justificatifs aux raisons qui poussent une jeunesse marginalisée, des habitants des régions intérieures, des demandeurs d‟emploi non organisés, des agriculteurs, des chauffeurs de taxis, des marchands précaires, des familles de personnes hospitalisées, des publics sportifs, etc. à agresser des équipes de journalistes en les injuriant, en les battant, en confisquant leur matériel de travail et en les obligeant à réaliser des entretiens avec eux. Ces agissements sont pour la plupart justifiés par une réaction inconsciente à l‟implication des médias dans le soutien des politiques d‟appauvrissement, de la discrimination régionale et de la marginalisation sous l‟ère dictatoriale, le ressentiment face à la faiblesse 78 de la présence des problèmes des régions intérieures du pays dans les couvertures médiatiques et le recours à la focalisation sur ces violations en vue de détourner l‟attention et de servir leurs propres intérêts ainsi que par l‟escalade sur les situations de frustration, d‟épuisement et de colère et le rejet de l‟utilisation de leurs causes pour servir certains intérêts et leur réduction à un simple spectacle. Néanmoins, dans ce contexte, ce type de violations se classe à la seconde position (avec 32 cas répertoriés) après les violations commises par les agents de l‟ordre ; lesquelles violations ont touché la plupart des villes tunisiennes sans aucune distinction entre les institutions médiatiques et les employés qui en relèvent. Des exemples de ces violations sont présentés dans ce qui suit : Jamel Akremi, correspondant de la chaîne privée « Hannibal TV » a fait l‟objet, en compagnie du photographe Hakim Zitouni, d‟une agression perpétrée par des citoyens le vendredi 16 novembre 2012. Akremi a confirmé qu‟alors qu‟il sortait du siège du Gouvernorat de Gafsa avec son collègue, après avoir achevé une rencontre pour le journal télévisé, ils ont été encerclés par des jeunes manifestants qui leur ont demandé de les filmer mais quand Akremi les a informé que toutes les missions journalistiques qu‟il accomplissait doivent avoir été au préalable portées à la connaissance de la chaîne, ils se sont mis en colère contre lui et deux jeunes d‟entre eux leur ont proféré des insultes qui ont failli dégénérer en violence risquant de dégénérer en violence en les accusant, lui et son collègue, de complicité avec la police et d'appartenance aux médias de la honte. L‟équipe de la chaîne satellitaire associative « Al Hiwar Ettounsi », composée du journaliste Riadh Hidouri et du cameraman Omar Kilani, 79 qui se trouvait à Gafsa a été empêchée, le 22 janvier 2013, de couvrir un sit-in devant le bureau de poste d‟Oum Laarayes. Kilani a affirmé que l‟un des sit-inneurs s‟est adressé à lui en haussant le ton et l‟a empêché de filmer en criant « Les chaînes Al Hiwar et Nessma n‟ont pas le droit de couvrir nos mouvements parce qu‟elles trahissent nos causes ».Kilani a confirmé que le pire se serait produit sans l‟intervention de certains manifestants. En outre, le journaliste Helmi Hammmai, correspondant du site « Jadal », a subi, dans l‟après-midi du mardi 16 avril 2013, une agression physique et psychologique de la part des manifestants protestant contre une décision sportive émanant de la Ligue Nationale de Football alors qu‟il accomplissait son devoir professionnel en transmettant et en filmant les événements. Le collègue Hammami, qui portait un dossard de journaliste, a été agressé au centre-ville de Bizerte par une barre de fer sur la tête, ce qui a lui causé des blessures graves et un évanouissement, les agresseurs lui ont également confisqué son appareil photographique et son téléphone portable. Des citoyens sont intervenus, l‟ont éloigné des lieux et l‟ont transporté à l‟hôpital. Des dizaines de manifestants s‟étaient attroupés autour de lui et lui avaient proféré un déluge d‟injures en l‟accusant de complicité avec l‟appareil sécuritaire et qu‟il allait présenter les photos prises aux agents de l‟ordre pour qu‟ils puissent arrêter les manifestants. Nidhal Hamdi, correspondant de la chaîne privée « Al moutawasset » a été violenté dans le Gouvernorat de Bizerte, le mardi 28 mai 2013, par des manifestants lors des affrontements entre ces manifestants et les forces de l‟ordre dans la région. 80 Nidhal Hamdi s‟était déplacé à « Souk El Bayass » dans le centre-ville de Bizerte pour accomplir son devoir professionnel dans la couverture des événements et des affrontements entre les forces de l‟ordre et les marchands ambulants. Hamdi a été la cible de jets de bouteilles et de pierres par les manifestants qui ont tenté, en vain, de confisquer sa caméra. Certains agresseurs l‟ont battu avec une barre de fer, l‟ont mis à terre, l‟ont battu violemment, ont déchiré ses vêtements et lui ont retiré la caméra de tournage en sa possession. Le déni de ce type d‟agressions, soit par complaisance avec l‟humeur générale caractérisée par le ressentiment chez la plupart de ces classes ou pour gagner leur ralliement à des fins politiques et électorales en raison de leur hésitation et de l‟aisance de leur maîtrise et de leur manipulation, fera payer à la liberté de la presse un coût élevé et inestimable étant donné qu‟il renforcera l‟impunité et transformera ces pratiques « spontanées et non organisées » en une pratique « de milices » propice à l‟émergence des bandes du crime organisé et des groupes de violence collective qui serviront de moyen de règlement de compte avec la presse. * Un traitement déséquilibré des affaires des journalistes par la justice: Dans les meilleures expériences, l‟institution judiciaire a été fondée sur le principe de protection des libertés individuelles et publiques, la promotion de leur climat, l‟alignement sur leur esprit et sur leurs illustrations et le freinage de toutes les forces, les mécanismes et les pratiques pouvant les menacer. 81 Ce sujet revêt plus d‟importance en Tunisie du fait que cette institution fait face à un auto-défi afin de se transcender d‟un simple dispositif rallié à la police visant à avilir les médias et à les humilier par le recours à un arsenal de lois répressives pour les dissuader de jouer leur rôle pionnier, au cours de la période dictatoriale, en une force avancée de protection des libertés de la presse et de consécration de la liberté de la presse, de l‟imprimerie et de l‟édition en cette période de transition démocratique que nous visons. Cependant, la prise de conscience des difficultés de transition d‟une situation à l‟autre ne justifie pas l‟irrégularité dans le traitement des affaires des journalistes par la justice qui lui a valu, de ce fait, d‟être accusée de complicité dans la répression des libertés de presse. Le recensement de 47 poursuites judiciaires sur une année ; soit 4 poursuites par mois, demeure incompréhensible et injustifiable surtout dans une période qui requiert le renforcement du climat général des libertés de la presse et l‟évitement au maximum de menaces pesant sur elles, même si elles se fondent sur la force de la loi et sa suprématie, d‟autant plus qu‟il s‟agit là, d‟un sujet lié à une production intellectuelle que la plupart des expériences sociales s‟efforcent de préserver des controverses et des critiques dans les espaces publics et dans les médias tout en la tenant autant que possible à l‟écart des plaidoiries. L‟observateur de étapes de la procédure en ce qui concerne les procès des journalistes, sur cette année, relève la célérité dans la convocation des journalistes. On en est ainsi arrivé à leur téléphoner un jour seulement avant le démarrage de l‟enquête préliminaire et de l‟instruction sur des sujets ne concernant pas des affaires dangereuses ou urgentes pouvant déstabiliser l‟ordre public ou individuel. 82 Ce sujet soulève davantage d‟interrogations lorsque l‟on sait que la plupart des dossiers journalistiques sont relatifs à la diffusion d‟affaires liées au lourd héritage de la dictature et à l‟affrontement des dangers émergents tel que les affaires des martyrs et des blessés de la révolution, la torture dans les prisons et dans les postes de police, la corruption administrative et politique, l‟abus de pouvoir…ce qui a renforcé les craintes quant au recours à la justice à des fins politiques et autoritaires et son utilisation afin de limiter l‟enquête et l‟investigation dans ce genre d‟affaires. Le décret-loi n° 115relatif à la liberté de la presse, de l‟imprimerie et de l‟édition a tenté de contribuer au redressement de ce processus judiciaire, sauf que plusieurs tribunaux refusent d‟y recourir dans leur travail ; ce qui est de nature à restreindre davantage la liberté de la presse et d‟entraver son exercice d‟une façon naturelle et à laisser le champ libre au mauvais usage de plusieurs réglementations à caractère général défiant le décret-loi lui-même et le traité international spécifique aux droits civiques et politiques, notamment, son article 19 qui contraint l‟Etat tunisien à préserver les droits et les libertés stipulés dans ledit traité. Toutes ces craintes sont accompagnées de l‟impuissance de la justice, jusqu‟à présent, à activer les lois à sa disposition dans les poursuites contre les agresseurs des journalistes et leur sanction d‟autant plus que cette année justifiait de trancher dans au moins 74 cas d‟agression physique, 53 cas d‟interdiction de travail, 18 cas de menace de mort et 13 cas de séquestration, dont plusieurs d‟entre eux impliquent des peines d‟emprisonnement, sauf que seul un jugement d‟emprisonnement d‟une durée de 3 mois a été porté à notre connaissance et a concerné l‟agresseur du journaliste Adnane Chaouachi travaillant pour le compte 83 de RTCI alors que des dizaines d‟autres agresseurs échappent encore à tout questionnement. Ce qui est étonnant, à cet égard, c‟est que la justice qui n‟a pas activé les mécanismes et les moyens dont elle dispose pour faire face aux violations graves perpétrées contre les journalistes et qui n‟a rien fait pour arrêter des agresseurs dont l‟identité et le lieu de résidence sont connus, a vite fait d‟emprisonner les trois journalistes Mourad Meherzi, Zied El Héni et Slim Bagga en l‟espace de deux mois seulement, au moment où la presse tunisienne continue à souffrir des répercussions symboliques et éthiques de l‟emprisonnement, au cours du mois de février 2012, de M. Ben Saida, le directeur du journal « Ettounsyia ». Recommandations : Les principales statistiques relatives à la situation de la liberté de la presse en Tunisie, sur une année, et la mise en évidence des principales orientations de ces violations et leur analyse, dévoilent le degré d‟enchevêtrement et de complexité des composantes de ce paysage ainsi que la pluralité de ses intervenants ; ce qui rend nécessaire la formulation d‟une série de recommandations concernant certains dossiers spécifiques tels que le cadre réglementaire de la presse tunisienne, la situation des poursuites judiciaires à l‟encontre des journalistes, le volet des menaces de mort, la relation au sein des salles de rédaction avec les institutions de presse publique et une approche des violations fondée sur la notion de genre. D‟une façon générale, le Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse revendique à ce sujet : - que l‟Etat prenne à sa charge, à travers ses appareils et ses mécanismes d‟intervention, la protection des journalistes et la garantie de leur sécurité lors de l‟exercice de leur travail, notamment, à l‟occasion 84 de la couverture des protestations populaires, des agitations politiques et des catastrophes naturelles qui leur infligent, bien souvent, des violations graves. Aucun prétexte ne sera toléré, dans ce domaine, pour soustraire l‟Etat à son entière responsabilité telles que la complication de la situation sécuritaire et politique, la dispersion et la pluralité des agresseurs dont certains deviennent difficilement maîtrisables et la faiblesse du rendement professionnel ; - de mettre fin à l‟impunité et à l‟absence de questionnement dont jouit la majorité des bourreaux de la liberté de presse en Tunisie et l‟activation de la volonté et des garantissant la poursuite immédiate de tous les agresseurs quelle que soit leur positionnement matériel ou politique ainsi que l‟ouverture d‟enquêtes sérieuses et transparentes sur toutes les violations passées et actuelles dont les conclusions doivent être publiées le plus tôt possible ; - de mettre fin au recours à la justice dans une tentative de terroriser les journalistes et à la nonchalance dans l‟ouverture d‟enquêtes judiciaires basées sur des contenus médiatiques du simple fait qu‟ils dérangent certains individus et certains groupes en raison de certaines positions, opinions ou enquêtes ainsi que la suspension immédiate des amendes excessives et de l‟emprisonnement dans les affaires de publication; - d‟assurer la neutralité des médias publics et leur indépendance de tous les domaines d‟ingérence administrative et politique, notamment, la révision de l‟ensemble des désignations à leur tête et le recours à la concertation obligatoire avec l‟instance audio-visuelle à ce sujet dans le but d‟éviter toute tentative de mettre la chose publique au service d‟agendas politiques et électoraux et ce, outre l‟assurance de couvertures justes et professionnelles ; 85 - de criminaliser fermement toutes les campagnes d‟incitation menées contre les journalistes et leur expiation dans les tribunes politiques, religieuses et médiatiques ; - de mettre fin à toutes les pratiques de banditisme et de sauvagerie à l‟encontre des journalistes menées par des groupes violents qui ont recours à des référents éthique, religieux et révolutionnaire pour justifier la mainmise sur la liberté de la presse et causer les pires dommages physiques et psychologiques aux journaliste ; - d‟édifier de véritables coopérations entre les journalistes, leurs employeurs, les juges, les avocats et les forces de la société civile en vue de renforcer les acquis en matière des libertés de la presse, de mettre en place le climat nécessaire à leur consolidation et affronter collectivement toute tentative de leur avortement ; - d‟arrêter le retour en force des pratiques de censure « modérées » au sein des institutions médiatiques à l‟instar du contrôle préalable des contenus médiatiques et la répartition inégale des plages publicitaires en privilégiant la transparence et stopper le trucage des contrats de travail et des mécanismes contractuels ; - de faire face à la fièvre de tentatives de mainmise sur les médias, de leur accaparation et de l‟utilisation de l‟argent sale à cette fin et de réviser les formes de propriété des médias en vue de promouvoir un paysage journalistique varié et pluriel. 86 DES JOURNALISTES MENACES DE MORT Suite aux évènements du 14 janvier 2011, la Tunisie a connu une instabilité politique et sécuritaire et des tractations politiques et sociales intenses qui ont laissé leurs séquelles sur la scène médiatique et avec le terrorisme montant dans la sphère politique et l‟intensification de la pression exercée par les groupes religieux extrémistes, le terrible scénario de la décennie noire traversée par l‟Algérie en rapport avec l‟assassinat de journalistes et celui du Liban à la suite de la guerre des années 80 est revenu aux esprits. L‟assassinat du leader de gauche Chokri Belaid est l‟évènement majeur qui a marqué la situation politique et la réalité du travail médiatique en Tunisie amenant certains journalistes à enquêter sur les affaires relatives à la violence, au terrorisme, aux armes et à un éventuel corps sécuritaire parallèle.Les journalistes d‟investigation sont donc devenus à leur tour les cibles de la violence et les enquêtes menées par des journalistes sur les évènements du Mont Chaambi et sur l‟assassinat de Mohamed Brahmi et Chokri Belaïd ont donné lieu à des menaces sérieuses contre des journalistes tunisiens. I- Expériences marquantes 1. Le Liban au bord de l’embrasement Le triste feuilleton des assassinats de journalistes pendant la guerre du Liban ne s‟est pas arrêté. Le corps de Sélim Laouzi a été retrouvé en mars 1980 près de « Aarmoun » 8 jours après le braquage de sa 87 voiture par un groupe armé sur la route de l‟aéroport. S.Laouzi, connu pour ses critiques acerbes, a été tué par une balle dans la tête et sa main a été brûlée à l‟acide. Cet assassinat n‟a été qu‟un épisode dans une longue série d‟attentats ciblant les journalistes au Liban pendant la guerre et même après. Le 23 juillet 1980, RiadhTaha, doyen des journalistes, a été tué par 6 balles. Six ans après et plus précisément le 24 février 1986, SouhirTawila, rédacteur en chef de « Al Nida », directeur du magazine « Al Tarik » et figure nationale connue par son appartenance au parti communiste libanais fut assassiné par des inconnus. Pour le premier anniversaire de son assassinat, Hassine Mroua, un autre journalise appartenant à son parti a été également tué dans son lit par trois balles tirées par trois inconnus. Les assassinats des journalistes ont continué au Liban et ont touché 8 journalistes travaillant pour divers médias. Le 15 janvier 1992, trois personnes armées ont tiré sur la voiture de Mustapha Jha, auteurchercheur et partisan des Phalanges libanaises, près de son domicile à Sabteeh. En 1993, Israël a lancé une opération aérienne baptisée « Règlement de compte » contre la résistance au Sud du Liban faisant plusieurs victimes dont Ahmed Haydar, envoyé de la chaîne « El Manar ». Le 2 juin 2005, Samir Kassir journaliste à « Ennahar » a été assassiné dans sa voiture à Achrafiyeh. Le 12 décembre de la même année, « Ennahar » a également perdu le président de son conseil d‟administration, JabraneTouini, après l‟explosion de sa voiture dans la zone industrielle « Mkalless ». Touini a été tué sur le coup avec André Mourad et Nicholas Falouti, deux autres journalistes qui l‟accompagnaient ce jour là. Le 22 juillet 2006, lors de l‟attaque israélienne sur le Liban, Soliman Chediak, directeur d‟une station de diffusion à « Fetkah » a perdu la 88 vie lors de l‟offensive israélienne sur les antennes de la radiotélévision nationale. Le lendemain, la jeune photographe au journal « El Jaras » Layal Nejib a également été tuée sur la route vers la ville de Khana. Assef Bourhal, envoyé du journal « Al Akhbar » a succombé aussi à des balles israéliennes en couvrant, le 3 août 2010, l‟offensive d‟Israël sur « Adassia » et la bataille avec l‟armée libanaise. Le 9 avril 2012, une équipe de la chaîne « Al Jadid » a été victime d‟une rafale de balles alors qu‟elle couvrait la zone frontalière qui avait à l‟époque enregistré une bataille entre l‟armée syrienne et l‟opposition causant la mort du photographe Ali Chaabane. 2. L’Algérie et les années de sang L‟expérience algérienne a été de loin la plus sanglante en matière d‟assassinats de journalistes faisant, entre 1993 et 1997, plus de 60 victimes par les mains de groupes fondamentalistes. La série noire a commencé le 26 mai 1993 par l‟assassinat de Tahar Djaout, fondateur de l‟hebdomadaire « Ruptures » et éminent auteur algérien, alors qu‟il quittait son domicile à Baynam, banlieue Est d‟Alger. Son assassinant a été commandité suite à ses articles dans lesquels il avait critiqué le pouvoir en place et les islamistes. Le mois de juin a connu le début d‟une longue vague d‟assassinats des journalistes qui a commencé par Rabeh Zenati en août 1993 et a coûté la vie à Amor Ourtilane, rédacteur en chef du journal « El Khabar », SaidMokbel et Naïma Hammouda de l‟hebdomadaire « Révolution Africaine » et Yasmine Drissi correctrice au « Le Soir d‟Algérie »... Certains sièges de journaux ont également été la cible de bombes ce qui a causé la mort de Ayet Mbarek et Mohamed 89 Dharbane. Plusieurs journalises ont été forcés de quitter leur domicile tels que Rachida Hamadi qui a été amener à revenir s‟installer chez ses parents mais a été assassinée avec sa soeur par des islamistes armés le 20 mars 1995. 3. Hémorragie du corps médiatique Le 22 février 2013, le journaliste Wajdi Chaabi a été tué chez lui à Aden dans des circonstances troubles. Il s‟agit du premier assassinat de journalise dans l‟histoire du Yemen après la vague d‟incitation et d‟animosité entamée par le gouvernement à l‟encontre des journalistes en les accusant de s‟allier à l‟opposition. En Libye, EzzedineKousad qui travaillait pour la chaîne « Libya El Horra » a été tué en sortant de la mosquée à Ben Ghazi le 9 août 2013 après plusieurs menaces de mort proférées contre les journalistes. En Egypte, la série d‟assassinats qui a touché les journalistes a atteint son apogée le 14 août lorsque les forces de l‟ordre ont évacué la place Rabia Al –Adawya en tuant au passage 4 journalistes : Habiba Abdelaziz, envoyée et photographe du journal émirati « Golf News » avec une balle dans la tête, Michael Dean, photographe britannique de la chaîne « Sky News », Ahmed Abdeljaoued, journaliste de « Misr 25 » et Mosaab Chami, photographe du Réseau « Rasd ». II- Expérience tunisienne : étape qui précède l’exécution Plusieurs campagnes d‟incitation contre les journalistes ont été lancées sous différents étendards et avec l‟avènement des groupes extrémistes, 90 le journaliste est devenu « laïque et apostat » dans le cadre de l‟approche d‟accusation d‟apostasie adoptée par lesdits groupes. Entre octobre 2012 et septembre 2013, il a été enregistré 18 menaces de morts contre des journalistes, des professionnels des médias et suite à la publication d‟articles dans des journaux, des magazines ou des blogs ou des productions audiovisuelles . Ces menaces ont touché 18 hommes et 1 femme. 1. Séquence des cas enregistrés Déclenchement de l’hémorragie Le cas Ali Karboussi constitue la première menace de mort en Tunisie en rapport avec la couverture de la crise syrienne. Ce journaliste indépendant qui travaille au journal saoudien « Echourouk » a reçu une menace le 19 décembre 2012 de la part de parties internes en Syrie qui lui promettent l‟élimination physique dans les plus brefs délais. Ensuite, il a reçu plusieurs appels téléphoniques provenant de numéros tunisiens inconnus proférant les mêmes menaces. Il a fait également l‟objet d‟une campagne de menaces sur les pages des réseaux sociaux et depuis il vit dans un effroi continu. Le 31 décembre 2013 à Douar Hicher- Gouvernorat de la Manouba, un membre d‟un groupe extrémiste a brandi un couteau au visage de Boukhdra Hajji, journaliste à la chaîne « Al Hiwar Ettounsi » après l‟avoir séquestré avec son collègue photographe et l‟a menacé de l‟égorger à cause de son apostasie et de son athéisme. Néji Bghouri, ancien président du syndicat des journalistes tunisiens, journaliste au journal public « La Presse » et chargé du bureau tunisien du réseau « Mourasiloun » a été menacé de mort le 14 janvier 2014 par un membre de la ligue de protection de la révolution (LPR) lorsqu‟il se 91 trouvait à l‟avenue Habib Bourguiba pour couvrir les manifestations organisées à l‟occasion du 14 janvier. Les journalistes paient le prix de l’assassinat politique et de l’instabilité sécuritaire Les journalistes tunisiens ont été les premiers à payer le prix de la crise sécuritaire qui a suivi l‟assassinat de l‟ancien secrétaire général du parti des patriotes démocrates et ont vu les menaces de mort à leur encontre se multiplier. En effet, le 11 février 2013, la radio privée « Mosaïque FM » a reçu plusieurs appels téléphoniques menaçant de tuer ses journalistes Naoufel Ouertani et Haythem Mekki ce qui a amené la direction de la radio à contacter le ministère de l‟intérieur pour demander une protection pour ses journalistes et à porter plainte auprès de la brigade criminelle d‟El Gorjani. Les menaces de mort se sont depuis poursuivies. Sofiène Chourabi, rédacteur en chef adjoint du site « Jadal » a reçu une menace d‟élimination physique à cause de ses articles critiques envers le système et le parti au pouvoir et ce, à travers des messages électroniques avérés. Ramzi Bettibi, ancien journaliste au site « Nawaat » a également reçu, au début du mois de février 2013, des informations de diverses sources militaires, sécuritaires et judiciaires qui confirment qu‟il est ciblé à cause de ses articles portant sur le corps sécuritaire secret du parti Ennahda et la publication de données sur l‟homme d‟affaires Fethi Dammak. Les groupes religieux extrémistes exacerbent la crise 92 L‟activité des groupes religieux extrémistes a commencé en Tunisie vers la fin de 2012 lors des évènements de la faculté des lettres de la Manouba et a été consolidée par l‟organisation de rencontres et de conférences religieuses et s‟est propagée à l‟intérieur du pays. Les médias tunisiens ont joué un rôle central dans la mise à nu des activités de la mouvance qui incite à la violence dans les régions chose qui explique le fait que les envoyés régionaux soient plus exposés à la menace de la part des groupes extrémistes parallèlement à l‟intensification du discours qui s‟oppose à l‟accusation d‟apostasie tenu par les journalistes et les médias. En effet, Ali Laabidi, envoyé du site électronique « Jadal » , a reçu le 27 février 2013 lors de la couverture d‟une conférence à la Mosquée Errahma à Sidi Bouzid une menace de mort directe de la part de certaines personnes qui assistaient à la conférence. La menace venait en réponse à un article publié par Ali Laabidi sur le drapeau tunisien qui a été baissé à Regueb pour brandir à sa place l‟étendard noir, et depuis ce journaliste est interdit de travailler dans la région de peur que les auteurs de la menace ne la mettent à exécution. La crise politique jette son ombre sur les journalistes En Tunisie, les journalistes sont souvent accusés de prendre le parti de l‟opposition et de ne pas observer la neutralité. Lotfi Zitoun, conseillé en communication de la présidence du gouvernement dans le gouvernement de Hamadi Jebali, n‟a cessé durant tout son mandat, de critiquer les journalistes et leurs structures en les accusant d‟obédience à l‟ancien régime et de continuer à déformer les réalités. La campagne 93 virulente menée par Lotfi Zitoun contre la presse a atteint son summum en août 2012. La campagne « ikbis » menée par les partisans du gouvernement en août 2012 a focalisé certains de ses slogans sur la « purification de la scène médiatique pour la débarrasser des symboles de la corruption » en faisant de la pression et en incitant le public contre les professionnels des médias. Le vendredi 7 septembre 2012, Habib Louz membre de l‟Assemblée Nationale Constituante et leader au parti Ennahda a exhorté le gouvernement à « frapper les médias d‟une main de fer » franchissant encore un autre seuil dans l‟incitation contre les journalistes. De telles campagnes ont constitué un terreau fertile pour la croissance des appels et des incitations contre les professionnels des médias et le gouvernement tunisien s‟est attelé à renvoyer ses échecs et son incapacité à traiter les problèmes économiques et sociaux vers les médias et la mission de certains membres du gouvernement tels que Ali Ellafi, conseiller en communication du ministre des affaires religieuses, s‟est limitée à attaquer les journalistes et à les accuser de se liguer avec l‟opposition contre le gouvernement pour l‟ébranler. Le discours de certains responsables dans le gouvernement et certains leaders du parti Ennahda a été utilisé comme une plateforme pour inciter leurs partisans à menacer les journalistes de mort et d‟élimination physique. En février 2013, Walid Bennani, membre de l‟Assemblée Nationale Constituante appartenant au parti Ennahda a taxé Sofiène Ben Frahat, journaliste à Nessma TV, de mensonge et de bassesse après que ce dernier ait commenté une altercation entre les élues d‟Ennahda à l‟ANC 94 et depuis le journaliste fait l‟objet d‟une campagne virulente qui appelle à son élimination physique. La menace de mort s‟est étendue aux collègues de Sofiène Ben Farhat dans la même chaîne pour toucher Hamza Balloumi qui a reçu le 1 er mars 2013 une lettre écrite menaçant de brûler le siège de la chaîne et citant d‟autres noms de journalistes : Sofiène Ben Hamida, Sofiène Ben Farhat, Naoufel Ouertani et Néziha Réjiba. Hamza Balloumi a porté plainte le même jour auprès de la brigade criminelle d‟El Gorjani. Dans ce même contexte, Taoufik Ben Brik, journaliste et propriétaire du journal « Dhedd Essolta » (Contre le pouvoir) a été alerté le 1er mars 2013 par le gardien de son immeuble de la présence de personnes qui rodent autour de son domicile et posent des questions sur son lieu d‟habitation en plus de la présence d‟une personne armée. Taoufik Ben brik a également été victime d‟une campagne sur les réseaux sociaux qui appelle à son assassinat ce qui l‟a amené à porter plainte auprès du poste de police de la cité Ennasr. Le 3 avril 2013, Mehdi Houas, journaliste et animateur à la radio privée « Shems FM » a trouvé une dans sa boite aux lettres qui contient des menaces de mort et qui le somme d‟éviter de parler politique. Mehdi Houas a jugé les menaces sérieuses et que son auteur « pouvait, à tout moment, passer à l‟étape de l‟exécution surtout qu‟il dit connaître le siège de la radio « Shems FM » et de la chaîne « Tounessna » et qu‟il est prêt à lui faire du mal » Les investigations et les enquêtes...un pas vers la mort 95 Le harcèlement et les menaces contre les journalistes du site « Nawaat » à cause des investigations qu‟ils mènent ont continué. Walid Mejri a été menacé de mort vers la fin du mois de mars 2013 à travers des appels téléphoniques anonymes et ce, suite à l‟enquête publiée le 26 mars 2013 sur l‟existence d‟un système de sécurité parallèle à l‟aéroport de Tunis-Carthage. L‟un des appels affirmait que « les journalistes comme Mejri ne méritent que la potence ...nous ne lâcherons pas prise» faisant ainsi des sièges des médias, des voitures et des biens privés des journalistes une cible potentielle. Le 7 juillet 2013, Jamel Arfaoui, journaliste au quotidien public « Essahafa » a reçu des menaces de mort anonymes après avoir parlé des poursuites judiciaires engagées par les autorités libyennes contre une société américaine et contre l‟homme d‟affaires tunisien Slim Riahi. Les auteurs des menaces ont exigé que le journaliste présente des excuses à Riahi. Depuis le 29 juin 2013, la vie de Faouzi Arbi Snoussi, journaliste au journal privé « Dhedd Essolta » est menacée après avoir été victime d‟une tentative de kidnapping à 11H00 du soir et après avoir subi des violences au Kram Ouest et certains commerçants de la région lui ont affirmé qu‟une fatwa a été prononcée appelant à son élimination physique. Les auteurs des menaces contre les journalistes ne se sont pas limités aux appels téléphoniques, SMS, lettres sur les lieux du travail, les domiciles ou envoyées par voie postale mais sont passés à un seuil supérieur en s‟introduisant dans le domicile de Zied Heni , journaliste au quotidien public « Essahafa » qui a trouvé le 3 août 2013 une lettre manuscrite placée sur sa voiture alors qu‟elle était parquée chez lui. Le message disait « Lettre à Zied Heni : arrête tes incitations sinon prépare 96 toi à mourir ». Le journaliste n‟a remarqué, ce jour là, aucune trace d‟effraction ce qui implique que les intrus ont escaladé sa barrière. La menace venait à la suite d‟une intervention faite par le journaliste la soirée précédente sur la chaîne « Hannibal » à l‟occasion de laquelle il a demandé au gouvernement et au chef de gouvernement Ali Laarayedh de se destituer et de préserver son honneur. Menaces continues pour les envoyés régionaux En jouant un rôle de plus en plus central dans la mise à nu de la mauvaise performance du gouvernement dans les régions et les revendications de réforme, les envoyés régionaux sont devenus une cible privilégiée. Maher Ghidaoui, envoyé du journal privé « Akher Khabar » à Bouhejla- Gouvernorat de Kairouan, a en effet été menacé de mort le 22 septembre 2013 dans un appel téléphonique suite à une enquête qu‟il avait entamé dans la région. Cette menace est venue après plusieurs actes d‟intimidation commis contre le journaliste et son travail par des partisans du parti Ennahda au pouvoir. Comme il est également probable que Ghidaoui soit ciblé parce que son nom est associé à un journal connu pour ses enquêtes et ses investigations sur la corruption dans la sphère politique et administrative. Fin septembre 2013, Houssem Ben Ahmed, journaliste au journal privé « El Mijhar » a reçu une menace de mort et a été victime d‟une tentative d‟agression par des barbus devant la mosquée El Fath à Tunis qui lui ont scandé : « Vous les journalistes impies, il est totalement admis et halal de faire couler votre sang et de vous tuer ». Certains citoyens et deux agents de police ont dû intervenir pour mettre fin à l‟altercation sans arrêter l‟agresseur ni l‟auditionner. L‟un des 4 barbus qui ont agressé 97 Ben Ahmed avait, quelques jours avant cet incident, tenu une discussion houleuse avec le journaliste suite à la publication dans « El Mijhar » le 13 août 2013 de son article sur le mariage homosexuel et l‟a accusé d‟être un « apostat et ennemi de Dieu ». 2. Enquêtes non concluantes Laxisme de la part de la police dans le traitement des plaintes 7 journalistes menacés de mort ont porté plainte auprès des postes de police à la Manouba, à Tunis et à El Gorjani mais les accusés restent jusque là inconnus. Le suivi de ces plaintes est faible et les efforts consentis pour identifier les auteurs des menaces proférées sont limités. Sur un total de 6 plaintes, seule celle portée par Taoufik Ben Brik, propriétaire du journal « Dhedd Essolta » en mars 2013 a abouti sur l‟identification de l‟auteur de l‟acte. Le 14 janvier 2013, Néji Bghouri s‟est présenté au poste de police de Tunis pour porter plainte suite à une menace qui lui a été faite par un membre des LPR. Après l‟avoir auditionné et avoir ouvert une enquête dans ce sens, la plainte a été classée avec tant d‟autres chose qui a découragé NéjiBghouri de porter encore plainte malgré l‟existence d‟une autre menace en date du 12 février 2013 lorsqu‟un inconnu, accompagné de deux autres personnes, était venu le chercher dans son bureau après l‟avoir surveillé pendant des heures. L‟enquête à ce sujet n‟a pas avancé. Boukhadra Hajji, journaliste à la chaîne « Al HiwarEttounsi » s‟est également présenté au poste de police de la Manouba pour porter plainte contre un salafiste qui l‟a menacé en brandissant une arme le 31 98 décembre 2012. Une enquête a été ouverte mais le journaliste n‟a eu aucune réponse à ce sujet. Hamza Balloumi, journaliste à « Nessma TV » est passé par là aussi et n‟a reçu aucune réponse concernant la plainte qu‟il avait porté en février 2013 au poste de police de Tunis avec toutes les preuves qui corroborent les menaces de mort qui lui ont été faites. La police banalise des fois ces menaces comme dans le cas de Mehdi Houas, journaliste à « Shems FM» dont le dossier n‟a pas été pris au sérieux. Un policier de la brigade criminelle d‟El Gorjani lui a même dit : « S‟ils voulaient te tuer ils ne t‟auraient pas adressé des menaces ». Même lorsque la plainte est acceptée par la brigade criminelle, son sort reste complètement inconnu comme pour le cas de la plainte portée par la radio « Mosaïque FM » à cause des menaces adressées début février 2013 à ses deux journalistes Naoufel Ouertani et Haythem Mekki. Toutefois, certaines plaintes portées par des journalistes sont rapidement prises en charge par la police comme dans le cas de Taoufik Ben Brik qui a porté plainte auprès du poste de police de la cité Ennasr en mars 2013. Le journaliste relate ces faits : « deux jours après avoir porté plainte, je suis revenu au poste de police et j‟ai trouvé que la personne arrêtée ne correspondait pas à la description donnée par le gardien de l‟immeuble, sa barbe était naissante et cette personne portait une carabine et un pigeon dont la chasse remontait à 2 heures à peine». Ben Brik n‟a plus porté plainte même après que 4 barbus sont venus ratisser son voisinage parce qu‟il a commencé à s‟habituer à l‟idée d‟avoir des ennemis dans sa vie professionnelle. 99 Plaintes ensevelies dans les dossiers du procureur de la République La relation de certains journalistes avec la police est quelque peu tendue notamment après les agressions répétées contre eux chose qui a amené des journalistes à se diriger directement vers le procureur de la République en cas de menace. C‟est ce qu‟a fait Ali Karboussi fin décembre 2013 et il a joint à sa plainte la liste des numéros de téléphone qui l‟ont appelé et lui ont adressé des SMS ainsi que des photos des menaces qu‟il avait reçu à travers des pages et des profils sur Facebook ; et pourtant sa plainte est restée en suspens. Dans ce même cadre, Mehdi Houas, journaliste à « Shems FM », s‟est adressé en avril 2013 au procureur de la République après avoir été rabroué par les agents de la brigade criminelle d‟El Gorjani. L‟enquête est en cours puisque la plainte a été portée contre un inconnu. Walid Mejri, journaliste à « Nawaat », a également porté plainte le 11 avril auprès du procureur de la République deux jours après avoir reçu des menaces de mort. Il a joint à sa plainte une liste nominative et des documents qui corroborent ses dires. Son dossier n‟a pas été transmis à la justice et selon Mejri « il ne servira qu‟à des fins de documentation ». Toutes les plaintes pour menaces portées auprès du procureur de la République n‟ont pas abouti et les enquêtes sont en cours sur certaines d‟entre elles comme celle de l‟affaire Jamel Arfaoui qui a porté plainte depuis juillet 2013. Certains journalistes, comme Faouzi Arbi Snoussi qui travaille pour le journal privé « Dhedd Essolta » et qui a été victime d‟une tentative de kidnapping en juin 2013, sont psychologiquement impactés par l‟insouciance et la légèreté que la police montre vis-à-vis de leurs plaintes. 100 3. Absence d’un cadre juridique spécifique qui impose des poursuites dans tous les cas de menace de mort Dans l‟absence d‟un texte de loi spécifique qui impose des poursuites dans tous les cas de menace de mort, les menaces proférées à l‟encontre des journalistes tunisiens sont régies par le code pénal tunisien. Sort des plaintes portées auprès du procureur de la République Le procureur de la République ordonne l‟ouverture d‟une enquête et peut requérir les services de sécurité spécialisés au ministère de l‟intérieur d‟assurer pour la personne menacée de mort une protection notamment lorsque la police conclut au sérieux des menaces et qu‟elle transmet son rapport au parquet. L‟article 31 du code de procédure pénale stipule que : « le procureur de la République, en présence d‟une plainte insuffisamment motivée ou insuffisamment justifiée, peut requérir du juge d‟instruction qu‟il soit provisoirement informé contre inconnu, et ce, jusqu‟au moment où peuvent intervenir des inculpations ou, s‟il y a lieu, de nouvelles réquisitions contre personne dénommée ». Il n‟existe aucun cadre juridique spécifique pour les affaires de menace de mort contre les journalistes ou pour leur assurer une protection et sont soumis comme tous les autres citoyens aux dispositions du code pénal et par conséquent les plaintes portées par les journalistes auprès des postes de police ou auprès du procureur de la République sont tributaires de l‟appréciation de ce dernier comme l‟indique l‟article 30 du code de procédure pénale : « Le procureur de la République, apprécie la 101 suite à donner aux plaintes et dénonciations qu‟il reçoit ou qui lui sont transmises ». Possibilité de constitution de partie civile en cas de classement de l’affaire par le procureur de la République Conformément à l‟article 36 du code de procédure pénale, le « classement de l‟affaire par le procureur de la République ne fait pas obstacle au droit qu‟a la partie lésée de mettre en mouvement l‟action publique sous sa propre responsabilité. Dans ce cas, elle peut, en se constituant partie civile, soit demander l‟ouverture d‟une information soit citer directement le prévenu devant le tribunal ». Le journaliste peut comme tout citoyen se constituer partie civile pour poursuivre toute personne impliquée dans une affaire de menace de mort. Ministère de l’intérieur, portail des poursuites judiciaires pour menace de mort Le journaliste peut porter plainte auprès du ministre de l‟intérieur qui est tenu d‟en informer le procureur de la République et le ministère public comme dans l‟affaire de Taoufik Ben Brik qui a adressé, fin mars 2013, une correspondance au ministre de l‟intérieur lui demandant une protection suite à la menace de mort qu‟il avait reçu. Néji Bghouri a également demandé au ministre de l‟intérieur une protection après avoir été poursuivi par des inconnus. Ce même mois, la radio « Mosaïque FM » a demandé une protection pour ses journalistes Naoufel Ouertani et Haythem Mekki. Une telle protection ne peut être accordée que sous contrôle judiciaire sur ordonnance du procureur de la République chargeant une brigade spécialisée de cette mission (souvent la Direction de protection des personnalités et des institutions). 102 La protection n‟est pas uniquement accordée suite aux demandes adressées au ministère de l‟intérieur. Il arrive, en effet, qu‟une institution dispose de renseignements qui indiquent qu‟un crime risque probablement d‟avoir lieu. Dans ce cas, le ministère public est saisi pour ouvrir une information judiciaire en la matière. Une enquête peut également être ouverte pour menace de mort lorsque ce fait est avéré à travers une instruction judiciaire dans une autre affaire comme dans le cas de Sofiène Ben Frahat lors de l‟enquête sur l‟assassinat de Chokri Belaïd. Mais dans la plupart des cas recensés entre octobre 2012 et septembre 2013, le journaliste n‟assure généralement pas le suivi des plaintes qu‟il porte et certains journalistes omettent même de porter plainte comme dans le cas d‟Ali Laabidi, ancien journaliste au site « Jadal ». Négligence de la part des journalistes dans le suivi des affaires de menace de mort Cette année, il a été recensé 6 plaintes portées auprès du poste de police de la Manouba, de Tunis et d‟El Gorjani qui n‟ont pas été traitées avec le sérieux et la rigueur qui s‟imposent. Il s‟agit des plaintes portées par NéjiBghouri du quotidien public « Essahafa », par Boukhadra Hajji de la chaîne « Al Hiwar Ettounsi », par Hamza Balloumi de « Nessma TV », par Mehdi Houas de « Shems FM », par Taoufik Ben Brik, journaliste et propriétaire de « Dhed Essolta » et par « Mosaïque FM» pour les menaces de morts proférées contres ses journalistes Haythem Mekki et Naoufel Ouertani. 103 On a également recensé 5 plaintes portées auprès du procureur de la République. Il s‟agit des plaintes portées par le journaliste indépendant Ali Karboussi, par Mehdi Houas de la radio « Shems FM », par Walid Mejri du site « Nawaat », par Jamel Arfaoui du quotidien public « Essahafa » et par Faouzi Arbi Snoussi du journal privé « Dhedd Essolta ». Une protection policière est assurée pour 3 journalistes suite à des menaces de mort avérées dans le cadre de l‟instruction d‟affaires d‟assassinat politique en Tunisie. Il s‟agit de Zied El Hani, journaliste au quotidien public « Essahafa », de Sofiène Ben Hamida, journaliste à « Nessma TV » et de Sofiène Ben Farhat, journaliste au quotidien public « La Presse ». 7 journalistes n‟ont pas poursuivi ceux qui les ont menacés de mort. Les poursuites judiciaires engagées par les journalistes ne sont pas correctement suivies par les journalistes concernés et sont mises également en difficulté par le manque de connaissances en matière de lois régissant les affaires de menace de mort. 4. La protection des personnes menacées de mort: une nécessité sécuritaire * Protection sous couverture judiciaire Ramzi Bettibi, journaliste à « Nawaat » a reçu en février 2013 des informations de sources policières et militaires selon lesquelles il est une cible potentielle suite à quoi il a bénéficié d‟une protection à travers des rondes de sécurité assurées par le poste de police de Bab Bnet et celui du Kram autour de son domicile et de son lieu de travail. Selon Ramzi 104 Bettibi, cette protection a été déployée sur décision du ministère de l‟intérieur sans l‟autorisation du juge d‟instruction et malgré le fait que le journaliste ait été cité en tant que témoin dans l‟affaire Chokri Belaïd sur la base des investigations menées par Bettibi en la matière. Néanmoins, la protection n‟a pas duré plus de deux semaines pour être retirée sans aucune explication. Il va sans dire que les unités spécialisées en protection et particulièrement la direction de protection des personnalités et des institutions rattachée aux unités d‟intervention au ministère de l‟intérieur ne procèdent à la protection de quiconque qu‟après avoir mené une enquête. Quant à la protection assurée pour le journaliste Zied El Heni, elle a été décidée suite aux aveux de l‟homme d‟affaires Fethi Dammak en avril 2013 qui a affirmé que le nom du journaliste figure dans la liste des assassinats prévus. La protection d‟El Hani a été suspendue depuis le déplacement de ce dernier en Syrie en juin 2013 mais a repris immédiatement après l‟assassinat de l‟opposant Mohamed Brahmi le 25 juillet 2013 sans aucune explication. La protection accordée à Zied El Heni a été au début une protection à distance assurée par une équipe spéciale qui surveille son domicile et les lieux dans lesquels il se trouvait pour devenir ensuite une protection rapprochée après qu‟un inconnu ait pénétré chez pour y placer un message de menace de mort. En avril 2013 et suite aux aveux de Fethi Dammak, une protection à distance a été assurée pour Sofiène Ben Farhat et une protection rapprochée a été décidée pour Sofiène Ben Hamida. Les deux journalistes avaient auparavant, bénéficié d‟une protection à distance ainsi que leur collègue Hamza Balloumi qui n‟a, pourtant, pas demandé de protection après avoir porté plainte pour menace de mort lorsque 105 Nessma TV a reçu en février 2013 une lettre menaçant tous ses journalistes. Hamza Balloumi a bénéficié alors d‟une protection à distance sous forme d‟accompagnement et depuis août 2013 date à laquelle le ministère de l‟intérieur a divulgué la liste des menacés de mort, la protection assurée pour Sofiène Ben Farhat a été renforcée. Taoufik Ben Brik bénéficie également d‟une protection continue assurée par une brigade spécialisée qui se trouve près de son domicile et l‟accompagne dans ses déplacements depuis qu‟il a reçu en mars 2013 des menaces de mort. NaoufelOuertani et Haythem Mekki, journalistes à la radio « Mosaïque FM » sont aussi protégés depuis février 2013 suite à la demande présentée par la radio au ministère de l‟intérieur. En mars 2013 une protection a été accordée à l‟ancien président du syndicat des journalistes Néji Bghouri mais elle a été retirée peu de temps après sans aucune explication. 9 journalistes sous protection 9 journalistes ont été placés sous protection suite à des plaintes portées pour menace de mort ou à des informations selon lesquelles certains noms font partie d‟une liste de menacés de mort. La direction de la protection des personnalités et des institutions rattachée aux unités d‟intervention œuvre pour assurer une protection aux journalistes menacés de mort tout comme les autres citoyens menacés parmi les politiques et les activistes de la société civile. La protection assurée par cette direction se fait sous forme de protection continue ou momentanée jusqu‟à disparition du danger. La levée de la protection est du ressort des services spécialisés. 106 La protection assurée par les services sécuritaires est de trois types : Une protection rapprochée comme dans le cas actuel de Sofiène Ben Hamida, de Zied Heni et de Sofiène Ben Farhat. Un accompagnement comme dans le cas de Haythem Mekki, Naoufel Ouertani, Hamza Balloumi et Taoufik Ben Brik et de Néji Bghouri avant sa suspension. Des rondes de sécurité comme dans le cas auparavant de Ramzi Bettibi. Refus de protection Walid Mejri, ancien journaliste à « Nawaat » considère que la menace de mort qui lui est parvenue fait partie des risques du métier de journaliste, et par conséquent, il refuse de demander à une quelconque partie, ni le ministère de l‟intérieur ni la justice, de lui accorder une protection. Walid Mejri pense également que « la protection rapprochée n‟est pas compatible avec la nature du travail journalistique qui nécessite beaucoup de souplesse et des déplacements fréquents. Le journaliste est également tenu de protéger ses sources et il risque de les exposer à travers la protection ». Jamel Arfaoui, journaliste au journal public « Essahafa » , ne croit pas non plus en l‟utilité de la protection : « s‟ils veulent me protéger ils n‟ont qu‟à m‟enfermer chez moi et m‟empêcher de travailler ». Perte de confiance dans la police Certains journalistes ne font plus confiance aux policiers à cause des agressions répétées qu‟ils ont subies pendant les jours qui ont suivi la révolution et la mouvance populaire que le pays a connue. Le capital confiance continue de s‟effriter avec chaque commission constituée pour 107 enquêter sur la violence exercée par les forces de l‟ordre comme la commission des évènements du 9 avril 2011. Ali Karboussi, par exemple, affirme ne plus faire confiance ni aux forces de la sécurité ni au ministère de l‟intérieur pour leur confier sa protection après la menace de mort qui lui est parvenue en décembre 2012. Négligence de la protection Le journaliste Ali Laabidi a reçu le 27 février 2013 une menace directe de mort à cause de la publication, ce même jour, par le site «Al Jadal » de son article sur le retrait du drapeau tunisien pour le remplacer par l‟étendard salafiste à Regueb –Sidi Bouzid. Ce jour là, il a été empêché de couvrir la conférence qui se tenait dans une mosquée de Sidi Bouzid et a été entouré par un groupe de salafistes pour le forcer à quitter les lieux et depuis Ali Laabidi ne peut plus couvrir aucun évènement dans la région de Regueb où se trouve son domicile. Ali Laabidi n‟a pas poursuivi ses agresseurs ni n‟a demandé une protection jugeant que la menace fait partie des risques de son métier. Malgré les diverses formes de menaces qui lui sont parvenues, Ali Laabidi n‟a pas pensé à porter plainte contre les auteurs des menaces continues contre sa personne et s‟est contenté de s‟installer en mars 2013 à Tunis pour son travail et de s‟éloigner du l‟œil du cyclone. Ali Laabidi n‟a envisagé sérieusement de demander une protection qu‟en août 2013 lorsqu‟il a reçu un projectile en verre sur la tête lui causant une blessure au niveau de l‟oreille à l‟aube du jeudi 22 août alors qu‟il se trouvait chez des proches à Regueb, mais ne maîtrisant pas les procédures judiciaires et le mécanisme de plainte ni les textes relatifs à la demande de protection, il s‟est résigné à ne pas le faire. 108 Ali Laabidi considère que « les poursuites judiciaires et la protection accordée aux journalistes se limitent aux plus célèbres parmi eux parce que leurs affaires touchent l‟opinion publique ». La non protection influe sur la vie du journaliste Le 20 août 2O13, Faouzi Arbi Snoussi journaliste à « Dhedd Essolta » a dû quitter son domicile au Kram, banlieue de Tunis connue pour son grand nombre de salafistes et d‟extrémistes religieux. Avant cela, le journaliste a été depuis début juillet amené à ne plus quitter son domicile depuis qu‟il a appris qu‟il est la cible d‟une élimination physique. Il avait, en effet, été victime d‟une agression en juin 2012 et avait reçu plusieurs appels téléphoniques de menace et certains commerçants de la région l‟ont informé que des éléments des LPR ont appelé à faire couler son sang. Le 29 juin 2013 à 11:30 du soir, 3 personnes ont essayé de le kidnapper et de le faire monter de force dans un véhicule mais quand il a montré de la résistance, elles l‟ont agressé physiquement. Depuis, Faouzi Arbi Snoussi continue de travailler dans le même journal mais il est psychologiquement affecté et vit un épisode de stress intense et il cherche à se faire traiter en dehors d‟un encadrement médical approprié. Recommandations : Le Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse souligne le danger de l‟augmentation des menaces de morts contre les journalistes et attire 109 l‟attention sur l‟impact négatif d‟un tel phénomène qui ne fait que retarder la naissance d‟une scène médiatique libre et indépendante qui cherche la vérité et s‟acquitte de son rôle primordial dans la transition démocratique. A cet effet, le CTLP émet les recommendations suivantes : - décréter des textes législatifs portant spécifiquement sur la menace de mort adressée aux journalistes sous quelque forme que ce soit et ne plus se limiter à l‟article 222 du code de procédure pénale qui traite de ce sujet de manière générale surtout que la menace contre les journalistes devient un phénomène structuré et méthodique - alourdir la peine réservée au crime de menace de mort notamment lorsqu‟il s‟avère que la menace est sérieuse - amener le ministère public à ouvrir rapidement une enquête approfondie dans tous les cas de menace de mort contre les journalistes sans exception que le plaignant soit célèbre ou inconnu du public - assurer une protection policière pour les journalistes victimes de menace de mort dès que les parties compétentes sont saisies de l‟affaire et ne pas suspendre la protection de manière unilatérale et brusque - les journalistes doivent suivre les plaintes déposées pour menace de mort soit auprès du poste de police ou auprès du procureur de la République pour qu‟elles aboutissent - encourager et inciter le corps sécuritaire à arrêter les auteurs des menaces de mort pour mettre fin à ce phénomène 110 Le Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse exhorte également les politiques à cesser leurs incitations contre les journalistes pour que ces derniers ne soient plus ciblés par de telles menaces. 111 L’ÉPÉE DE LA LOI TOUJOURS SUSPENDUE AU-DESSUS DE LA TÊTE DES JOURNALISTES TUNISIENS Introduction : La période séparant les mois octobre 2012 et septembre 2013 était sombre pour les journalistes et les blogueurs tunisiens dans la mesure où une moyenne mensuelle avoisinant 4 journalistes qui sont poursuivis durant une année sur des questions liées à l'édition. La plupart des procédures judiciaires sont entamées en vertu des articles du code pénal, du code des télécommunications et du code des plaidoyers militaires. D'ailleurs, en l'intervalle d'une année 47 enquêtes sécuritaires et judiciaires sont intentées contre 62 journalistes et blogueurs. Le mois de septembre 2013 a connu le taux le plus élevé à propos de la poursuite judiciaire des journalistes à raison de 10 plaintes intentées contre 5 journalistes. Ces plaintes peuvent être déposées par des citoyens ou directement parles pouvoirs publics tels que le ministère public et le chargé du contentieux de l'Etat. La qualité du plaignant que l'Etat s'attribue constitue un élément de pression sur le pouvoir juridique. I. Recensement des plaintes intentées à l'encontre les journalistes : Les procès recensés, dans ce cas, regroupent des affaires en cours d'investigation en première instance, d'autres transférés à l'instruction alors que d'autres ont abouti au jugement de journalistes. 12 affaires étaient transférées, en vertu du décret-loi 115 qui organise la presse, l'imprimerie et l'édition parmi 47 poursuites judiciaires à 112 l'encontre de journalistes. Alors que 19 autres procès sont transférés conformément à des articles faisant référence à divers codes tel que le code pénal, le code des télécommunications et le code des plaidoyers militaires. Pour 12 affaires, il a été question de fusion entre les deux modalités citées ci dessus. 03 autres affaires n'ont pas pu être qualifiées alors que 02 concernent les sources d'information des journalistes. 1. Affaires en cours d’enquête préliminaire : 9 enquêtes judiciaires sont intentées contre 25 journalistes et blogueurs. Ces dernières se répartissent comme suit: Convocation de 5 journalistes et syndicalistes du journal Dar AsSabah le 03 Octobre 2012 au poste de sécurité nationale de Menzah1 qui sont Sana Farhat (journaliste), Soifene ben Rajab (journaliste), Jamaleddine Bouriga (journaliste), Hamdi Mezhoud (caricaturiste), Mona Ben Gamra (journaliste), et Montassar Ayari (technicien et syndicaliste). Cette convocation a été faite dans le contexte d'une plainte déposée par l'ancien directeur général de "Dar Al-Sabah" Lotfi Touati, dans le cadre des mouvements de l'institution exigeant l'indépendance de la ligne éditoriale du journal et le rejet des nominations à caractère politique. Les journalistes et les syndicalistes mentionnés n‟ont pas été convoques à nouveau. La direction sectorielle pour la recherche économique et financière convoque, le 25 décembre 2012, la journalise Monia Arfaoui du journal As-Sabah pour l‟interroger sur le contenu d‟un article. Le Ministère publique avait auparavant suscité une telle convocation suite à un article publié au journal « As-Sabah Al Ousbouï », en date du 26 mars et intitulé « Le Syndicat révèle des faits anormaux dans la prison tunisienne d‟Abou Ghrib ». Arfaoui 113 avait, également, comparu, à une autre occasion devant la même brigade le 02 janvier 2013 à propos du même dossier. Aucune accusation n‟a été faite contre elle mais elle a été auditionnée sur les sources de ses informations présentées dans son article. Aucune autre convocation ne lui a été notifiée. Mouna Bouazizi, journaliste à « Ech-chourouk » est convoquée, le mercredi 16 Janvier 2013 par la brigade criminelle d‟El Gorjani, suite à une plainte déposée par le président de l‟Union de l‟Agriculture et de la Pêche, Ahmed Hnider Jarallah. Bouazizi avait publié un article dans lequel elle évoque l‟incendie survenu dans une entreprise appartenant à l‟ancien président de l‟UTAP ChekibTriki, avec comme légende sous sa photo, « Le président légitime de l‟Union », en allusion au conflit qui l‟oppose à Jarallah, pour la présidence de L‟Union, ce qui a suscité l‟ire de ce dernier, au point qu‟il décide de porter plainte contre la journaliste qui fait remarquer que l‟affaire était anodine et qu‟elle ne méritait pas tout ce tapage et qu‟un « droit de réponse » aurait suffi. Mohamed Saidi, secrétaire général du syndicat de base des agents administratifs et du personnel de production et des techniciens à la télévision nationale, a été convoqué, le 31 janvier 2013, par brigade judiciaire d'El Ouina pour l'auditionner dans une accusation d'agression déposée à son encontre par certaines personnes ayant observé un sit-in de plus de deux mois devant le local de la télévision tunisienne réclamant la purification du secteur de l'information. Saidi a reçu une convocation pour interrogatoire accompagné parles journalistes et les agents de la télévision nationale qui sont respectivement Amira Arfaoui (Journaliste), Walid Abdallah (Journaliste), Abdel Waheb Abdelghani ( technicien ), Faycel Nasfi (Chef de service), Achraf 114 Mejri ( Chauffeur ) , AbderrazakToumi ( Chauffeur ), Mohamed Ali Bouzgarrou (Journaliste), Bechir Abdelghaffar (Technicien), MakramHasnaoui ( chef de service ) et Slim Misawi ( chef de service) . Les personnes citées ci-dessus n'ont pas été à nouveau convoquées. Certains partisans progouvernementaux ont observé un sit-in de plusieurs jours devant le local de la télévision nationale pour réclamer de purifier l'institution sauf qu'ils étaient accusés d'agir pour le pouvoir en mettant la pression sur un établissement public afin de l'utiliser au service du nouveau pouvoir ainsi que le port de slogans insultant les journalistes exerçant diverses pressions Boutheina Gouiaa, journaliste à la Radio Nationale, était convoquée au poste de police rue Cologne à Tunis; à la suite d'une plainte déposée par le Président Directeur Général de la Radio Nationale auprès du procureur de la république du tribunal de première instance de Tunis. Gouiaa était auditionnée sur la base d'écrits et de déclarations critiquant ce qu'elle considérait comme dépassements au sein de la radio tunisienne. L'action, à son encontre, est intentée pour "Diffamation" selon les dispositions de l'article 55 du décret-loi 115 et "quiconque par discours publics, presse ou tous autres moyens de publicité, impute à un fonctionnaire public ou assimilé des faits illégaux en rapport avec ses fonctions, sans en établir la véracité" conformément à l'article 128 du code pénal et par référence à l'article 86 du code des télécommunications " quiconque sciemment nuit aux tiers ou perturbe leur quiétude à travers les réseaux publics des télécommunications". Aucune autre convocation ne lui a été adressée. 115 Azza El Korbi, journaliste à l'hebdomadaire "Essour" s'est présentée devant le brigade des recherches et de l'instruction de l'Ouina sur la base d'une plainte déposée par la société chinoise "Sunsize" à cause de la publication de son article dans l'édition du 13 mars 2013, intitulé "A l'Office de l'Aviation Civile et des Aéroports: Corruption et offres douteuses à la hauteur de 15 milliards". Ladite journaliste est poursuivie selon l'article 248 du code pénal pour "Dénonciation calomnieuse" et selon l'article 54 du décret-loi 115 relatif à la liberté de la presse, de l'imprimerie et de l'édition pour publication "de fausses nouvelles qui sont de nature à porter atteinte à la quiétude de l‟ordre public.". Les investigations se sont arrêtées à ce stade et Azza El Korbi n' a pas fait l'objet d'une nouvelle convocation Le 24 avril 2013, un agent de la brigade de la recherche et des renseignements de Menzel Temime me contacte, depuis un téléphone fixe, de la Garde nationale de la ville, pour me convoquer à un interrogatoire. Au début de la conversation, l‟agent ne m‟avait pas précisé le motif de cette convocation. Devant mon insistance il finit par m‟informer, qu‟un groupe d‟habitants de Hammam Ghezaz a déposé plainte à mon encontre depuis un mois, suite à un article que j‟avais publié dans « Akher Khabar », journal que j‟ai rejoint au début du mois d‟avril 2013.vérification faite, il s‟avère qu‟aucune convocation officielle ne m‟a été adressée, ni par le biais de la famille ni le journal, mais qu‟on s‟est contenté de me le signifier par téléphone. L‟article incriminé, date du 19 février 2013 de l‟édition n°31 du journal Akher Khabar, intitulé « des 116 familles en peine à cause du départ de leurs enfants en Syrie, au nom du jihad ». Le 22 mai 2013, la brigade des recherches douanières de Tunis a auditionné individuellement, le journaliste et rédacteur en chef du site "Jadal", Sofiane Chourabi, le journaliste photographe Lasaad Ben Achour et le journaliste Mohamed Mdalla. Cette audition intervient à la suite d'une vidéo réalisée sur la contrebande au sud tunisien et parue sur la chaine privée "Ettounissia" dans l'émission "Attassia Masan"le 16 mai 2013. Ils étaient, par ailleurs auditionnés, par la "Faction de la garde et de l'inspection douanière" de Kebili qui les a confrontés avec les contrebandiers et l'intermédiaire ayant facilité l'enquête journalistique. Le photographe, Lassaad Ben Achour, est traité comme un criminel de la part de l'un des enquêteurs, selon ses propos, qui lui a adressé la parole sur un ton acerbe à plusieurs reprises. L'interrogatoire a duré plus de six heures et l'affaire est toujours en étape d'investigation. Le journaliste à "Essahwa", Hafedh Souari, est interrogé le 25 juillet 2013, au poste de police de Bouchoucha, après avoir été conduit au poste de police de la rue Ibn Khaldoun à la suite de la couverture, à la capitale, des protestations populaires dénonçant l'assassinat du politicien Brahmi. L'interrogatoire de Souari a duré jusqu'à cinq heures du matin du jour suivant ayant pour accusation d'attroupement non autorisé selon la loi °1969-4 relatif aux réunions publiques, des défilés et des manifestations. Souari n' a reçu aucune nouvelle convocation. 2. Affaires au cours d'instruction: 117 21 enquêtes judiciaires sont ouvertes contre 19 journalistes et blogueurs comme suit: Le 06 Novembre 2012, le juge d'instruction au tribunal de première instance de Mahdia a entendu le journaliste indépendant Ghazi Mabrouk pour "diffamation, publication de fausses nouvelles et propagande" conformément aux dispositions de l'article 86 du code des télécommunications qui stipule que " Est puni d'un emprisonnement de un (1) an à deux (2) ans et d'une amende de cent (100) à mille (1000) dinars quiconque sciemment nuit aux tiers ou perturbe leur quiétude à travers les réseaux publics des télécommunications." L'enquête avec Mabrouk est basée sur une plainte déposée par le propriétaire d'une usine de tissage à cause d'un article publié sur le site "La Tunisie vote" et intitulé "Les ouvriers de Boumerdes souffrent dans les usines de tissage" le 26 aout 2013. Et ce en dépit du fait que le propriétaire de l'usine ait bénéficié de son droit de réponse le 06 septembre 2013. Ghazi Mabrouk avait déjà comparu le 01 février 2013 devant la garde nationale du gouvernorat de Mahdia afin de l'interroger à propos dudit reportage. Aucune autre convocation ne lui a été notifiée Le ministère public publie, le 04 janvier, une décision d‟interdire la bloggeuse et journaliste Olfa Riahi de voyages, suite à l‟ouverture d‟une enquête judiciaire sur le contenu de documents qu‟elle avait publiés concernant des soupçons de dilapidations de l‟argent public par le ministre des affaires étrangères tunisien. Riahi, a dû affronter des accusations pour «outrage à un fonctionnaire public » conformément aux dispositions de l‟article 125 du code pénale, « 118 pour avoir imputé à un fonctionnaire public ou assimilé des faits illégaux en rapport avec ses fonctions, sans en établir la véracité », conformément à l‟article 128 et de « calomnie » sur la base des articles 245 et 247, du même code, outre des accusations pour « atteintes à des données personnelles » conformément à la loi de 2004 et pour avoir « nuit à un tiers à travers les réseaux publics des télécommunications » conformément à l‟article 86 du code des télécommunications. Riahi s‟est présentée à l‟instruction le 15 janvier 2012, cependant, en tant que témoin, dans l‟attente du début de l‟investigation pour les accusations qui lui sont attribuées. La bloggeuse Riahi a ajouté que le juge d'instruction a transféré l'affaire courant Mai 2013 au doyen des juges d'instruction qui a demandé d'enquêter sur l'affaire de corruption à laquelle Riahi en a fait référence dans son blog. Le pôle judiciaire et financier examine l'affaire pour transférer, ensuite, les résultats d'investigation, au juge d'instruction du 12ème bureau du tribunal de première instance de Tunis qui a interrompu l'audience de Riahi en attendant de prouver l'affaire de corruption. Le pôle judiciaire et financier ne s'est pas encore prononcé. Le 04 mars 2013, la décision est de classer l'affaire contre Saber Mkacher, journaliste au quotidien "Essabah", qui est accusé par le ministère public de " publier des documents relatifs à l‟instruction avant de les avoir exposés en audience publique" et " traitement de données personnelles relatives aux crimes, de leur constat, de poursuites criminelles et l‟intention de communiquer des données à caractère personnel pour réaliser un profit pour son compte personnel ou le compte d‟autrui ou pour causer un préjudice à la 119 personne concernée "en vertu des articles 32 du code pénal et 61 du décret-loi 115 relatif à la liberté de la presse, de l'imprimerie et de l'édition ainsi que les articles 13, 87 et 89 de la loi organique n°2004-63 portant sur la protection des données à caractère personnel; et ce à la suite d'un article qu'il a publié le 10 janvier 2013 à propos de l'homme d'affaire "Fethi Dammak". Mkacher avait comparu le 25 janvier 2013 devant le juge d'instruction du bureau n°20 auprès du tribunal de première instance de Tunis où il a été question de différer l'interrogatoire au 21 février 2013 selon la demande des avocats de la défense. Lundi 11 mars, la journaliste du quotidien Ech-Chourouq, khadijaYahyaoui, reçoit une convocation du ministère publique du tribunal de première instance de Tunis pour se présenter devant le procureur adjoint chargé de la Diffusion et de la Presse. Yahyaoui avait publié, dimanche 10 mars 2013, un article dans lequel elle traite de nouvelles données sur l‟arrestation de l‟assassin de Chokri Belaïd. Yahyaoui s‟étonne, dans un entretien avec l‟Observatoire du Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse, de la rapidité avec laquelle le ministère publique a réagi pour la convoquer, considérant cette attitude comme étant l‟illustration du contrôle exercé sur le contenu médiatique dans notre pays. Le 23 avril 2013, "Tahar Ben Hassine", le directeur de la chaine associative "El Hiwar Ettounsi", se présente devant le juge d'instruction n°18 du tribunal de première instance de Tunis pour a voir imputé ,"par discours publics, presse ou tous autres moyens de publicité, à un fonctionnaire public ou assimilé des faits illégaux en rapport avec ses fonctions, sans en établir la véracité" conformément aux dispositions de l'article 128 du code pénal et pour avoir publié " de fausses nouvelles qui sont de nature à porter 120 atteinte à la quiétude de l‟ordre public" selon les préconisations de l'article 54 du décret-loi n°115 relatif au média. Et ce, à la suite d'une déclaration, faite sur la chaine privée "Ettounisia" le 20 février 2013, indiquant qu'un haut responsable de sécurité reçoit des instructions de la part du président du parti "Mouvement d'Ennahdha".Le juge d'instruction a ordonné, le 30 septembre 2013,à le laisser en état de libération. D'ailleurs "Mehrez Zouari", ancien directeur des services spéciaux au ministère de l'intérieur, a déposé cette plainte contre Ben Hassine dans l'affaire n°26772. Le bloggeur "Jamil Fadhel", a été traduit devant le procureur de la république au tribunal de première instance de Sidi Bouzid, le 15 mai 2013, afin de l'interroger à propos de l'obtention de l'autorisation de filmer et s'il possédait ou non une carte de presse. La décision étant sa libération et le classement de l'accusation à son encontre. En effet, les forces de l'ordre de Sidi Bouzid avaient procédé à l'arrestation du bloggeur, le 12 mai de la même année, au moment où il filmait le sit- in des demandeurs d'emploi à Menzel Bouzaiane. Le bloggeur est resté durant 3 jours en état d'arrestation au poste de police de Menzel Bouzaiane où il a été interrogé sur son activité de bloggeur par le biais de laquelle il archivait tous les mouvements sociaux à Sidi Bouzid Le journaliste, à ESSAHAFA, " Mohamed Bououd" et le rédacteur en chef Lotfi El Arbi Snoussi, ont reçu, le 24 mai 2013, une convocation pour se présenter devant le tribunal de première instance de Tunis le 14 juin 2013, et ce à la suite d'une plainte déposée à leur encontre par l'homme d'affaire Slim Riahi sur la base d'un article publié au journal Essahafa le 19 avril 2013 ayant 121 pour titre " Le gouvernement lybien charge un cabinet d'avocats pour la restitution d'avoir en possession de Slim Riahi". Bououd et Snoussi sont accusés pour "diffamation" en vertu de l'article 55 du décret-loi 115 relatif à la liberté de la presse, de l'imprimerie et de l'édition. Il convient de préciser que Bououda infirmé être l'auteur de l'article en question. Slim Riahi revendique la somme de 100 mille dinars à titre de compensation du dommage qu'il aurait subi. Bououd et Snoussi étaient supposés se présenter , le 18 septembre 2013, davant le juge d'instruction sauf qu'ils n'ont pas assisté à la séance d'audition. ImenDjebbi, journaliste au quotidien privé "Essour" a comparu, avec le rédacteur en chef Ezzeddine Zbidi, devant le 12ème juge d'instruction auprès du tribunal de première instance de tunis. Et ce, à la suite d'une action intentée, par le ministère de l'intérieur à leur encontre, à cause d'un article paru, le 17 mai 2013, comportant une déclaration du porte parole officiel de "Ansar Echariaâ", Seifeddine Rais, dans laquelle il affirme que "des membres de forces de l'ordre ont prétendu la maladie pour éviter l'affrontement avec Ansar Chariâ et que certains d'entre eux les ont contactés pour leur exprimer leur solidarité" Djebbi est poursuivie pour avoir imputé, par voie de discours publics, presse ou tous autres moyens de publicité "à un fonctionnaire public ou assimilé des faits illégaux en rapport avec ses fonctions, sans en établir la véracité" conformément à l'article 128 du code pénal; et selon les dispositions du 3ème paragraphe de l'article 32 du même code qui l'accuse d'avoir "aidé l'auteur de l‟infraction dans les faits qui l'ont préparée ou facilitée" et pour la publication "de fausses nouvelles qui sont de nature à porter atteinte à la quiétude de l'ordre public" selon l'article 51 du décret122 loi 115 relatif à la liberté de la presse, de l'imprimerie et de l'édition. L'affaire est toujours en cours d'investigation sans que Djebbi ni Zbidi ne soient auditionnés à nouveau. La journaliste franco tunisienne et indépendante Hend Meddeb est traduite le 17 juin 2013 devant le juge d'instruction du tribunal de première instance de Ben Arous pour agression contre un agent de l'ordre et perturbation de l'ordre publique sauf qu'elle ne s'est pas présentée à la séance d'instruction parce qu'elle n'avait pas confiance dans le processus juridique selon ses dires. L'affaire est reportée au 07 octobre 2013 ensuite au 25 novembre de la même année. Meddeb a fait l'objet d'une arrestation durant 3 heures de la part des forces de sécurité le 13 juin 2013 lors de la couverture du procès du rappeur "weld 15". Le journaliste, à la chaine satellitaire Nessma , Sofien Ben Farhat est traduit le 24 juin 2013 devant le juge d'instruction du 10ème bureau du tribunal de première instance de Tunis; à la suite d'une action en justice intentée par 4 députées de l'Assemblée Nationale Constituante du groupe de la mouvance Ennahdhaà cause de ses déclarations sur la chaine "Nessma" le 06 mars 2013 en rapport avec la chute d'une camera de la télévision nationale après une dispute survenue à l'assemblée nationale constituante entre des députés du parti Ennahdha. Ben Farhat est auditionnée de nouveau devant le juge d'instruction le 27 juin 2013 où in a été procédé à son identification anthropométrique et la présentation des éléments de la défense. Ben Farhat est accusé pour publication de "fausses nouvelles qui sont de nature à porter atteinte à la quiétude de l'ordre public" 123 conformément à l'article 54 du décret-loi 115 relatif à la liberté de la presse. Chokri Chihi, rédacteur en chef du site "El Hasri", est traduit devant le juge d'instruction du 5ème bureau le 27 juin 2013,sur la base des dispositions de l'article 86 du code des télécommunications qui accuse "quiconque qui nuit sciemment aux tiers ou perturbe leur quiétude à travers les réseaux publics des télécommunications" ainsi que pour "outrage" conformément aux articles 245 et 247 du code pénal; à cause d'un article paru sur le site courant 2011 et qui traite d'un meurtre survenu dans le gouvernorat de Ben Arous. Chihi était convoqué, le 26 juin 2013, par voie de téléphone. Il a refusé de s'y rendre demandant au juge d'instruction de lui adresser une convocation conformes aux normes légales. Le juge a répondu positivement à sa demande et lui a notifié une convocation pour comparaitre le 27 juin 2013. L'audience a duré 3 heures et Chihi a réfuté tout rapport avec l'article de près ou de loin. Chihi a quitté le bureau du juge d'instruction sans qu'aucune suite à cette affaire ne soit déterminée ni par une décision de transfert ni par classement définitif. Une plainte est déposée contre slimbagga, rédacteur en chef du journal "L'Audace", par une ex-ambassadrice en vertu de l'article 128 du code pénal "quiconque par discours publics, presse ou tous autres moyens de publicité, impute à un fonctionnaire public ou assimilé des faits illégaux en rapport avec ses fonctions, sans en établir la véracité " et " publie de fausses nouvelles qui sont de nature à porter atteinte à la quiétude de l‟ordre public" selon les dispositions de l'article 54 du décret-loi 115. Suite à cette plainte, Slim Bagga a comparu le 02septembre 2013 devant le bureau d'instruction n°5 du tribunal de première instance de Tunis dans le 124 cadre de l'affaire n°27954 motivée par la parution d'un article dans l'édition n°23 de "L'audace" en date du 25 juin 2013. Le juge d'instruction, après avoir auditionné Bagga, a émis un mandat de dépôt de prison à son encontre pour lui accorder, ensuite, une mise en liberté provisoire le 06 septembre 2013 selon les souhaits de son avocat. Les journalistes, du site associatif "Nawaat",Walid Mejri et Kais Zribaont comparu devant le juge d'instruction du bureau n°12 du tribunal de première instance de Tunis le 06 septembre 2013 après avoir reçu une convocation à cet effet le 25 septembre 2013 en qualité de témoins. Cette convocation s'inscrit dans le cadre de la diffusion d'une vidéo, sur le site, relatant une interview de membres de "Ansar Chariaa", dont Riadh Ouertani faisant l'objet d'une arrestation le 02 août 2013. Mejri déclare que le juge d'instruction lui a demandé des informations à propos des interviewés comme il lui a demandé de lui remettre la vidéo originale sur laquelle apparaissent clairement les visages des personnes qu'il a interviewée. Mejri a tenu à ne pas divulguer ses sources et s'est limité à répondre à quelques questions et éclairé certaines informations contenues dans l'interview. Le juge d'instruction s'est contenté d'écouter Mejri sans la présence de son collègue KaisZriba. Slim Bagga, directeur de l'hebdomadaire "L'Audace" s'est présenté le 09 septembre 2013 devant le troisième bureau du tribunal de première instance de Tunis dans le cadre de l'affaire n°27955 à la suite d'une procédure judicaire intentée à son encontre par une juge pour "outarge" et " quiconque par discours publics, presse ou tous autres moyens de publicité, impute à un fonctionnaire public 125 ou assimilé des faits illégaux en rapport avec ses fonctions, sans en établir la véracité" selon les préconisations des articles 245 et 128 du code pénal. D'ailleurs, la juge a déposé la plainte après la parution d'un article sur les colonnes de "L'Audace " le 05 juin 2013. Le journaliste à "Radio Express Fm",Zouhair El Jiss, a comparu devant le juge d'instruction du bureau n°14 auprès du tribunal de première instance de Tunis ,le 13 septembre 2013, à la suite d'une plainte déposée par le chef du contentieux de l'Etat à son encontre et qui l'accuse, par le biais de discours publics, presse ou tous autres moyens de publicité, d'imputer "à un fonctionnaire public ou assimilé des faits illégaux en rapport avec ses fonctions, sans en établir la véracité" ainsi que pour "outrage" et publication de "fausses nouvelles qui sont de nature à porter atteinte à la quiétude de l'ordre public" au sens des articles 128 et 245 du code pénal et l'article 54 du décret-loi 115. Les accusations portées contre EL Jiss interviennent suite à la déclaration du journaliste Salem Zahran sur son émission du 09 mars 2013 évoquant les émoluments perçus par Marzouki de la chaine qatari "Al-jazeera" . Le juge d'instruction a abandonné les accusations portées contre El-Jiss lors de son audition. Le juge d'instruction du 10ème bureau du tribunal de première instance deTunis, a émis le 13 septembre 2013, un mandat de dépôt de prison à l'encontre du journaliste à "Essahafa",Zied El Heni. Ce dernier est jugé pour "Diffamation" conformément au décret-loi 115 dans son article 57 et " quiconque par discours publics, presse ou tous autres moyens de publicité, impute à un fonctionnaire public ou assimilé des faits illégaux en rapport avec ses fonctions, sans en établir la véracité" par référence à l'article 126 128 du code pénal. Sauf que la chambre d'accusation de la cour d'appel de Tunis a décidé d'accepter la demande des avocats de la défense d'accorder une liberté provisoire à El Heni. Le report de l'instruction est prévu pour le 25 sepembre 2013 où il est question de transférer l'affaire à la ville de Sousse selon la décision de la cour de cassation. Tahar Ben Hassine a comparu devant le juge d'instruction du bureau n°18 auprès du tribunal de première instance de Tunis le 13 septembre 2013 pour l'auditionner dans l'affaire n°27285 à la suite d'une plainte déposée à son encontre par le procureur général de la cour d'appel pour " complot contre la sureté de l'Etat" et incitation à la désobéissance civile en vertu des articles 63,64,72 et 72 du code pénal ainsi que les articles 50 et 51 du décret-loi 115. En effet, il a appelé, via la chaine "El Hiwar Ettounsi", le 24 juillet 2013 à la mobilisation de groupes civiles pour lutter contre les ligues de protection de la révolution. Comme il a appelé les forces de l'ordre à désobéir aux instructions. Ben Hassine est interrogé le 30 septembre 2013 dans la même affaire. Le juge d'instruction ayant décidé de maintenir Ben Hassin en état de libération. Tahar Ben Hassine a comparu le 14 septembre 2013 devant le juge d'instruction du bureau n°12 auprès du tribunal de première instance de Tunis pour " complot contre la sureté intérieure de l'Etat" et "l'attentat ayant pour but de changer la forme du gouvernement" dans l'affaire n°28506 selon les articles 63,64 et 70 du code pénal et ce après que Ben Hassine ait appelé, à travers la chaine "El Hiwar Ettounsi", le 15 aout 2013, les citoyens à ne pas payer les impôts. 127 Le juge d'instruction du deuxième bureau auprès du tribunal de première instance de Tunis a auditionné le18 septembre 2013 le journaliste et directeur du journal "Essafir", Ramzi Jabbari. En effet, la ministre des affaires de la femme a déposé une plainte à son encontre suite à la publication d'un article le 08 aout 2013 à propos des nominations au sein du ministère de la femme. Jabbari a reçu un appel téléphonique, le 17 septembre 2013, le convoquant à comparaitre le lendemain pour audition; et ce à la suite d'une action en justice intentée à son encontre par le chef du contentieux de l'Etat pour le compte de la ministre de la femme Sihem Badi au sens de l'article 128 du code pénal selon lequel Ramzi Jabbari est accusé d'avoir imputé, à un fonctionnaire public ou assimilé des faits illégaux en rapport avec ses fonctions, sans en établir la véracité, par discours publics, presse ou tous autres moyens de publicité. Jabbari est aussi interrogé pour " outrage" en vertu de l'article 245 du code pénal et pour "diffamation" au sens de l'article 55 du décret-loi 115 portant organisation du secteur de l'information. Tahar Ben Hassine a comparu, le 19 septembre 2013,devant le juge d'instruction du bureau n°12 du tribunal de première instance de Tunis, après que 20 avocats aient intenté une action en justice à son encontre dans l'affaire n° 28207 pour complot contre la sureté intérieure de l'Etat au sens des articles 70 et 72 du code pénal. En effet, Ben Hassine, lors de l'émission "El kalem El Mamnoû" diffusée sur la chaine "El Hiwar Ettounsi" le 27 juillet 2013, avait évoqué la fin de la légitimité et il a appelé les forces de l'ordre à ne pas exécuter les instructions pour dissuader les mouvements de protestations appelant au départ du gouvernement. 128 Tahar Ben Hassine a comparu, le 20 septembre 2013,devant le juge d'instruction du bureau n°12 auprès du tribunal de première instance de Tunis, après qu'une requête pour instruction soit déposée, à son encontre, par le directeur du cabinet du ministre de la justice motivée par le "complot contre la sureté intérieure de l'Etat", "agression dans le but de changer l'institution de l'Etat" et aussi pour "exprimer une opinion dont le but est de former un complot" ,dans l'affaire n°28269, selon les dispositions des articles 63, 64 et 70 du code pénal. Ben Hassine, avait procédé à des déclarations sur la chaine "El Hiwar Ettounsi" le 06 aout 2013, au cours desquelles il a appelé à ne pas payer les impôts ni les factures de la Steg et de la Sonede. Il a par ailleurs, soutenu, le mouvement "Dégage" dans tous les gouvernorats comme il a sollicité les juges à différer les affaires dans lesquelles l'Etat est partie prenante. 3. Procès en cours : On a observé durant la période séparant octobre 2012 et septembre 2013, 17 procès à l'encontre 19 journalistes et directeurs de journaux en plus d'une institution médiatique privée et qui se répartissent comme suit: Le tribunal cantonal de la délégation de Menzel Temima condamné, le 30 octobre 2012, les deux journalistes Mehdi Jlassi et Soufiene Chourabi, d'une amende de 104 dinars à cause de leur accusation "d'outrage public à la pudeur" au sens de l'article 226 du code pénal. Le 10 juin 2013, le tribunal de première instance de Nabeul a soutenu cette décision. La police a procédé à l'arrestation de Chourabi et Jlassi le 05 aout 2012 en compagnie d'une fille sur 129 la plage de Mansoura, gouvernorat de Nabeul avant de les relâcher le 07 aout 2012 où le ministère public avait ordonné leur arrestation auprès du poste de police de Menzel Temim où ils ont enregistré leurs propos avant de les transférer au ministère public auprès du tribunal de première instance de Nabeul qui les a libérés et acquitté la fille. La séance d'audience, prévue le 18 septembre 2012, est reportée pour le 09 octobre de la même année. Cette affaire survient après qu'un habitant de la ville de Kelibia ait intenté une action à leur encontre après avoir prétendu qu'il était moralement affecté suite à l'incident attribué aux deux journalistes et leur compagne. Les deux journalistes pensent que ce procès intervient suite aux publications de Chourabi dans le journal libanais "Al Akhbar". Ghassen Ksibi, journaliste à"Echâb", a comparu, le 13 décembre 2012,devant la cour d'appel de Tunis, en vertu de l'article 86 du code des télécommunications et l'article 245 du code pénal. L'affaire est différée pour le 07 novembre 2012 après que la justice ait rendu son verdict ,le 05 janvier 2012 en première instance, en l'acquittant. Le conseiller juridique du ministère de l'éducation a fait appel mais la cour de cassation l'a rejeté en mars 2013 au profit de Ksibi. L'affaire est la conséquence d'une plainte déposée par le conseiller juridique du ministère de l'éducation à cause de la publication d'un article de Ksibi contenant des données, déjà publiées, dans un communiqué du syndicat général de l'enseignement secondaire à propos de dossiers de corruption au sein dudit ministère. Le journaliste au quotidien "Sawt Echaab" Yassine Nabli est auditionné le 27 décembre 2013 par l'une des chambres 130 criminelles auprès du tribunal de première instance de Tunis sur la base d'une investigation journalistique. Yessine Nabli est jugé suite à une plainte déposée par la directrice générale d'une société ,agricole pour "diffamation" en vertu de l'article 54 du décret-loi 115 et motivée par un article, traitant des soupçons de corruption dans l'investissement des terres domaniales, paru dans le journal le 15 novembre 2012. Un non-lieu est prononcé pour invalidité des procédures. Le tribunal de première instance de l'Ariana a ordonné, le 29 janvier 2013, un non-lieu dans l'affaire déposée par Mohamed Ali Bouaziz pour diffamation et insultes selon les dispositions des articles 55 et 57 du décret-loi 115, à l'encontre de Lotfi Laamari et Walid Zaraa, journalistes à la chaine privée Hannibal. En effet, Laamari a procédé à des déclarations, le dimanche 17 juin 2013, en relation avec les faits ayant accompagné l'exposition du palais Elebdellia. Laamari et Zaraa ont comparu devant la cour compétente le 08 juin 2013 après avoir reçu une convocation, dans ce sens, le 13 décembre 2012 concernant la même affaire. Nadia Zaïer et Mohamed Hamrouni, journalistes à « Adhamir » se sont présentés devant le tribunal de première instance de Tunis, pour diffamation et insultes. Un ex président de l‟Union nationale de l‟Industrie et du Commerce avait accusé Nadia Zaïer de l‟avoir diffamé dans un article paru dans le numéro 41 du journal, dans lequel elle parle de soupçons de corruption au sein de l‟Union. Mohamed Hamrouni était aussi impliqué dans l‟affaire. Le tribunal a décidé un non-lieu dans cette affaire en faveur de la consœur pour défauts de procédures. Rappelons que le plaignant avait déjà bénéficié de son droit de réponse sur les colonnes du même journal dans son édition n° 42. 131 Le 28 décembre 2012, le ministère public a décidé de clore l'enquête à l'égard du journaliste à "Attariq Al Jadid", Adel Hajji, qui a été accusé pour "diffamation" et avoir imputé par " discours publics, presse ou tous autres moyens de publicité, à un fonctionnaire public ou assimilé des faits illégaux en rapport avec ses fonctions, sans en établir la véracité." au sens des articles 57 du décret-loi 115 et 128 du code pénal, suite à un article intitulé "Après le traitement des dossiers universitaires, le ministre de l'enseignement supérieur règle ses comptesavec un journaliste" et paru le 16 juin 2012, là ou il a critiqué le rendement du ministre de l'enseignement supérieur qui, à son tour, a porté plainte, le 18 juin 2012. Le juge d'instruction a transféré l'affaire à la chambre d'accusation qui a procédé à clore le procès. Le 27 juin 2013, la cour de cassation a refusé la demande de l'avocat du ministre pour réouverture du procès et a soutenu le verdict de clore l'enquête. Mouna Bouazizi, journaliste à « Ech-chourouk » est convoquée, le 31 janvier par le juge d‟instruction auprès du tribunal de première instance de Tunis, suite à une plainte déposée par « Hajji Kalbouti », en sa qualité de président du conseil d‟administration de la Mutuelle des Accidents Scolaires et Universitaires, suite à un article publié par la consœur dans l‟édition d‟Ach-Chourouq en date du 7 septembre 2012, dans lequel elle traite de certains problèmes et manquements constatés au sein de la Mutuelle. Rappelons que le plaignant avait déjà bénéficié de son droit de réponse sur les colonnes du même journal, conformément à la règlementation en vigueur. La consœur a dû affronter les conséquences d‟accusations en « diffamation » et « publication de fausses nouvelles », conformément aux articles 54 et 55 du décretloi n°115 et pour « outrage à un fonctionnaire public », 132 conformément à l‟article 126 du code pénal. Bouazizi a bénéficié, le 31 janvier, d‟un non-lieu en sa faveur pour défauts de procédures. Le ministère public a, cependant, poursuivi le jugement dans l‟affaire, le 02 février 2013, ce que les avocats considèrent comme une procédure non justifiée Le tribunal de première instance de l'Ariana a condamné, le 08 janvier 2013, Nizar Bahloul, directeur du site web "Business News", à quatre mois de prison par cotumace ,à la suite de l'action intentée en justice par l'ancien ambassadeur, de Tunisie à Abou Dhabi, Ahmed Ben Mostapha; et ce pour avoir imputéà un fonctionnaire public ou assimilé des faits illégaux en rapport avec ses fonctions, sans en établir la véracité par discours publics, presse ou tous autresmoyens de publicité en vertu de l'article 128 du code pénal. L'ex-ambassadeur, Ahmed Ben Mostapha, avait porté plainte contre Nizar Bahloul, en 2010, pour diffamation sauf que la justice ne l'avait pas prise en considération. Ben Mostapha a de nouveau porté plainte après la révolution. Le tribunal de première instance de Tunis a décidé un non-lieu au profit de Bahloul le 07 mai 2013. Le juge d'instruction du troisième bureau auprès du tribunal de première instance de Tunis a émis, le 04 février 2013, une ordonnance, au sens de l'article 99 du codes des procédures pénales, interdisant la chaine privée "Mosaique FM" de diffuser une interview avec le leader de "AnsarChariâ" Seif Allah Ben Hassine alias Abou Yadh. Le juge motive sa décision, à travers une correspondance officielle le même jour adressée à la direction de la radio, par le fait que Abou Iyadh est recherché par la justice en tant qu'accusé d'assassinat d'une personne, de trouble contre la sécurité intérieure et d'avoir commis un acte terroriste lors des 133 événements de l'ambassade américaine courant septembre 2012 et qu'un mandat d'amené est lancé à son encontre. Le juge d'instruction considère que la transmission de cette interview pourrait influencer le cours de la justice comme elle pourrait comporter des propos codés qu'Abou Iyadh adressera à ses adeptes. La radio a eu recours auprès du juge d'instruction du tribunal de première instance de Tunis le 05 février 2013 sauf qu'il l'a rejeté. Une des chambres criminelles auprès du tribunal de première instance de Tunis a prononcé un non lieu, courant février 2013, dans l'affaire pour diffamation opposant la mutuelle des accidents des écoliers et universitaires et Ramzi Jabbari, directeur de l'hebdomadaire "Essafir". La plainte, pour "diffamation" au sens de l'article 55 du décret-loi 115, déposée à l'encontre de ce dernier est motivée par la publication d'articles relatant de probables affaires de corruption dans ladite mutuelle. Dans cette affaire, Jabbari est entendu de la part du procureur de la république auprès du tribunal de première instance de Tunis le 26 septembre 2013 et qui a décidé de transférer l'affaire Jabbariauprès de la justice. Taoufik El Ouni, journaliste à "Essour", est appelé à se présenter, le 04 mars 2013, devant le tribunal de première instance de Tunis pour "Diffamation" et "Publication de fausses nouvelles" conformément aux dispositions des articles 54 et 55 du décret-loi n°115; et ce après que le président de l'association "Ennesser Erriadhi" et le dirigeant de "Ennahdha" Fraj El Jami aient entamé une procédure judiciaire à son encontre à cause d'un article qu'il a publié le 12 septembre 2012. Cet article précise que le plaignant a agressé des journalistes présents au festival d'été d'El Mnihla en 134 les qualifiant de "Presse de caniveau" et des "Orphelins de Ben Ali". L'article fait aussi état d'informations signifiant que le plaignant a agressé un juge et un capitaine de la garde nationale. La dernière séance d'audience a eu lieu le 12 juin 2013 et l'affaire est toujours en cours. La 8ème chambre criminelle du tribunal de première instance de Tunis a ordonné le 11 avril 2013 un non-lieu dans l'affaire intentée par 6 directeurs généraux exerçant au ministère de la formation professionnelle et de l'emploi à l'encontre de Ramzi Jabbari, directeur du journal "Essafir", inculpé de "diffamation" en vertu de l'article 55du décret-loi 55 et ce à la suite d'articles publiés sur les colonnes dudit journal et relatifs aux dossiers de corruption au sein du ministère et évoquent des promotions et des avantages au profit de personnes reconnues par leur appartenance à l'ancien régime. Jabbari étant traduit devant la 8ème chambre criminelle du tribunal de première instance de Tunis le 22 novembre 2012 où il a été question de différer l'affaire au 26 décembre 2012 ensuite au 28 mars 2013 pour prononcer un non-lieu à la date du 11 avril 2013. Le tribunal de première instance de Tunis a ordonné un non lieu, le 24 avril 2013,dans l'affaire opposant le rédacteur en chef de "Réalités", Lotfi Laamari, et l'huissier notaire Mohamed Ali Bouaziz après que le premier ait publié un article sur les colonnes de l'hebdomadaire dans son édition n°201 à la date du 22 juin 2012 à propos des incidents d'Elebdellia. Il est accusé pour "Outrages" et "Diffamations" conformément aux articles 55 et 57 du décret-loi 115. Laamari a reçu une convocation le 18 septembre 2012 pour comparaitre le 09 janvier 2013. 135 Le tribunal de première instance de Kairouan condamne, le 02 mai 2013,Najeh Zaghdoudi, correspondant du journal "Echourouk",à une amende ayant la valeur de 200 dinars. Ce verdict intervient à la suite de son accusation, en vertu de l'article 125 du code pénal, qui stipule "quiconque, par paroles, gestes ou menaces se rend coupable d‟outrage à un fonctionnaire public ou assimilé dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions". En effet, un agent exerçant à l'agence de restauration de Kairouan avait intenté une action contre Zaghdoudi pour "insultes". L'incident est survenu, le 23 octobre 2012, lorsque le journaliste était entrain d'exercer son travail au marabout de "Sidi Sahbi" et qu'un agent l'en a empêché et lui a confisqué sa caméra bien que Zaghdoudi lui a montré sa carte de presse. A cet effet, le journaliste a déposé une plainte auprès de la police et a pu restituer sa caméra après qu'une déposition soit faite dans ce sens. Zaghdoudi était surpris de découvrir qu'il figure parmi les accusés lors d'une séance tenue auprès du tribunal de première instance de Kairouan. Il a intenté un appel à la cour de Sousse où la première séance est fixée pour le 10 octobre 2013. Letribunal militaire de Sfax, condamne, le 03 juillet 2013, à une amende de 240 dinars le bloggeur Hakim Ghanmi ayant le blog "Warakat Tounissia"; et ce dans le cadre d'une action intentée à son encontre par le directeur de l'hôpital militaire de Gabes à cause de la publication, sur son blog le 10 avril 2013, d'un article intitulé "Lettre ouverte au ministre de la défense nationale : le directeur de l'hôpital militaire de Gabes menace l'épouse d'un militaire qui revendique son droit aux soins".Ghanmi est accusé, conformément à l'article 91 du code des plaidoyers et des sanctions militaires, pour "outrage à l'armée et atteinte au prestige 136 de l'institution militaire" et " pour avoir sciemment nuit ou perturbé la quiétude des tiers à travers les réseaux publics des télécommunications" selon l'article 86 du code des télécommunications et pour avoir imputé, par discours publics, presse ou tous autres moyens de publicité, à un fonctionnaire public ou assimilé des faits illégaux en rapport avec ses fonctions, sans en établir la véracité" au sens de l'article 128 du code pénal. Ghanmi était auditionné, le 30 avril 2013, par le parquet auprès du tribunal militaire de Sfax, en qualité de témoin avant d'être interrogé en tant qu'accusé. Le ministère public a eu recours contre ce verdict et par la suite l'affaire est transférée à la cour d'appel militaire de Tunis. Sabah Chebbi, journaliste du site "Essabah News",a comparu le 11 juillet 2013 devant l'une des chambres criminelles auprès du tribunal de première instance de Tunis pour "Diffamation" en vertu de l'article 57 du décret-loi 115; à la suite d'une action intentée par un ensemble d'avocats à cause de son article paru le 08 juin 2013. L'accusation a, également concerné le rédacteur en chef du site, Hafedh Ghribi, en sa qualité de responsable juridique de "Essabah News". Les deux journalistes attendent toujours l'issue de ce procès le 17 septembre 2013, le journaliste Mouldi Zouabi et directeur du bureau de la chaine associative "El Hiwar Ettounsi" au nord ouest, a comparu devant la cour d'appel du Kef pour le juger dans une affaire pour laquelle il avait été déjà condamné à une amende le 08 novembre 2010. Il est accusé pour agression conformément aux articles 218 et 219 du code pénal et outrage selon les dispositions de l'article 245 du même code. 137 Les faits de cette affaire reviennent au mois d'avril 2010 quand un avocat stagiaire, appartenant au parti au pouvoir avait porté plainte à l'encontre de Zouabi pour les accusations précitées. Des organisations locales et internationales avaient suivi ce dossier et ont affirmé qu'il est politisé par excellence. Et il revient à des articles rédigés par Zouabi sur le site "Kalima" où il avait critiqué l'organisation de la scout. Zouabi se présente de nouveau devant la justice le 30 octobre 2013. Le journaliste photographe d'Astrolab TV, Mourad Mehrzi, a comparu devant le tribunal de première instance de Tunis le 23 septembre 2013 dans l'affaire n°15634/2013, intentée par le ministre de la culture à son encontre ainsi qu'à l'encontre du metteur en scène NasreddineShili pour "complot formé pour commettre des violences contres un fonctionnaire accompagné d‟acte préparatoire" en vertu de l'article 120 du code pénal qui stipule que "Le complot formé pour commettre des violences contre les fonctionnaires est puni de trois ans de prison s'il n'a été accompagné d'aucun acte préparatoire. S'il a été accompagné d'actes préparatoires, la peine est de 5 ans"; et ce pour avoir filmé l'incident du jet d'œuf sur le ministre de la culture par Shili lors de la cérémonie du 40ème jour du défunt Azouz Chenaoui. L'affaire est différée pour le 10 octobre 2013 pour rendre le verdict. Il est à préciser que les forces de l'ordre ont procédé à une intrusion musclée du domicile du photographe Mourad Mehrzi le 18 aout 2013 à 23 h et l'ont arrêté. Le domicile a été fouillé en exécution du mandat de perquisition émis par le procureur de la république. Mehrzi a été transféré à la brigade de lutte contre le crime de Gorjani où il était maintenu en garde à vue avant de comparaitre le 02 septembre 2013 devant le juge d'instruction du tribunal de 138 première instance de Tunis qui a ordonné sa libération le 06 septembre 2013. II .Dysfonctionnements procéduraux en matière de poursuite de journalistes : 1. Auprès des Postes de police: Le maintien des premières procédures d'enquête avec les journalistes par des équipes sécuritaires non spécialisés dans le domaine de la presse, de l'imprimerie et de l'édition sachant que sous le règne de Ben Ali l'audition des journalistes est faite par un représentant du ministère public spécialisé dans le code de la presse. Arrestation de journalistes lors de l'exercice de leur fonction de la part des forces de sécurité et leur acheminement aux postes de police pour interrogatoires avant de les libérer; sans leur adresser des convocations écrites conformément aux dispositions du code des procédures pénales et sans en préciser les contraventions qui leur sont attribuées. Convocation des journalistes par communication téléphonique de la part des services sécuritaires pour audition dans les affaires pénales intentées à leur encontre. Arrestation des journalistes, pour une certaine période, lors de l'exercice de leur fonction; ce qui est considéré comme une arrestation arbitraire Les journalistes, déposant des plaintes, peuvent parfois devenir des accusés sans le savoir et sans avoir aucune idée sur les accusations portées à leur égard. 139 La confiscation d'outils de travail des journalistes ce qui est considérée comme une infraction expresse du deuxième paragraphe de l'article 11 du décret-loi 115 2. Auprès du Juge d'instruction: Le maintien de la poursuite des journalistes conformément aux dispositions du code pénal, du code des procédures et des peines militaires et du code des télécommunications malgré la promulgation du décret-loi relatif à la liberté de la presse, de l'imprimerie et de l'édition qui relate, à son tour, nombreux crimes et peines relatifs à la presse. Il convient de rappeler que les normes internationales exigent que les infractions journalistiques soient classées en tant qu'erreurs civiles passibles de compensations et non en tant que crimes passibles de peines pénales. Le non respect du délai séparant la date de convocation et l'audience qui est parfois de seulement quelques heures ce qui ne permet pas au journaliste de préparer sa défense et de désigner un avocat. En plus du prolongement voulu de la période d'audience, ce qui est un moyen d'épuisement de l'accusé. Traduction de journalistes selon l'article 54 du décret-loi 115 qui stipule que "Est puni d‟une amende de deux mille dinars à cinq mille dinars quiconque sciemment et par les moyens mentionnés àl‟article 50 du présent décret- loi, publie de fausses nouvelles qui sont de nature à porter atteinte à la quiétude de l‟ordre public" suite à la publication d'informations ne représentant aucun danger sur l'ordre public ni sur la sécurité. 140 La traduction devant la justice de la part du ministère public est en relation avec les plaignants qui sont généralement des représentants du pouvoir public. Le non respect de la confidentialité des sources garanties par l'article 11 du décret-loi 115 qui stipule que "Sont protégées les sources du journaliste dans l‟exercice de ses fonctions, ainsi que les sources de toute personne qui contribue à la confection de la matière journalistique. Il ne peut être procéder à la violation du secret de ces sources directement ou indirectement que pour un motif impérieux de sûreté de l‟Etat ou de défense nationale et sous le contrôle de l‟autorité juridictionnelle. Est considérée comme violation du secret des sources, toutes enquêtes, tous actes de recherche et d‟investigation, toutes écoutes de correspondances ou de communications, effectuées par l‟autorité publique à l‟encontre du journaliste pour découvrir ses sources ou à l‟encontre de toute personne entretenant avec lui des relations particulières" La traduction, devant la justice, pour crimes passibles de 5ans de prison ferme. Ce qui représente un message très dangereux et une menace directe des libertés de presse et le droit à l'information Arrestation des journalistes à cause des affaires relatives à l'imprimerie et à l'édition Incriminer les journalistes à cause de la diffusion de déclarations critiquant le pouvoir Evocation de la poursuite des journalistes suite à une plainte du procureur de la république de Tunis, l'ouverture d'une investigation à leur égard, le choix du juge d'instruction suite à une décision du ministère public auprès du même tribunal ne correspondent pas aux conditions du jugement équitable. 141 Arrestation des journalistes à cause de contenus médiatiques et qui constitue un acte arbitraire s'opposant à l'article 85 du code des procédures judiciaires. Jugement des journaliste suite à la déclaration de leurs points de vue sur les plateaux de télévision alors que les pouvoirs publics pourraient se contenter de porter plainte devant la Haute Instance Indépendante de la Communication audio visuelle suite au décretloi 116 qui est paru pour réguler le paysage audio visuel en Tunisie et l'élaboration des procédures professionnelles et comportementales auxquelles ils devraient s'incliner. 3. Au tribunaux: L'absence de convocation écrite et officielle conformément à la loi pour certains journalistes pour assister à leurs audiences ce qui leur prive d'avoir recours à un avocat pour entamer les procédures nécessaires à leur défense. La traduction, des bloggeur, en justice conformément au codes des télécommunications qui n'a aucun fondement juridique dans la mesure où les blogs font partie du journalisme électronique et non pas dans les réseaux de télécommunications publics III. Recommandations : Le Centre de Tunis pour la Liberté de Presse recommande: La nécessité de respecter les formalités de convocation des journalistes, pour interrogatoires et instructions, en veillant qu'elles soient écrites et adressées dans un délai suffisant permettant de préparer les outils de la défense. La convocation doit inclure l'invitant, la date et l'heure de 142 l'instruction et de l'interrogatoire ainsi que l'objet de la plainte ou de l'enquête. Mettre fin au ministère public d'ouvrir des procès directement de sa part à l'encontre des journaliste sur la base de leur travail La nécessité de mettre fin au recours des services du chargé des contentieux par les parties officielles, pour intenter des affaires à l'encontre les journalistes à cause de leur travail médiatique La non traduction en justice des plaintes portées par le ministère public relatives au contenu médiatique surtout si ce dernier respecte l'éthique du métier du journaliste Mettre fin à la traduction des journalistes devant la justice sur la base des codes pénaux dans la mesure où le décret-loi 115 est considéré comme étant le texte de référence dans ce domaine. Un représentant du ministère public, spécialiste dans les affaires du journalisme et l'édition, devrait se substituer aux équipes sécuritaires dans la conduite de l'investigation primaire Mettre fin aux arrestations des journalistes sur la base de leur travail journalistique Cesser d'émettre des mandats de dépôts de prison que ce soient de la part du ministère public, des juges d'instructions ou des tribunaux Cesser d'émettre des décisions d'emprisonnement à l'encontre des journalistes à propos des procès de presse, de l'imprimerie et de l'édition 143 Cesser de juger les journalistes, devant la justice militaire, pour leur travail journalistique Cesser de procéder à l'interdiction de voyage à l'égard des journalistes Accorder aux journalistes le droit de se défendre devant les tribunaux Ne pas prendre en compte la qualité du plaignant lorsqu'il est question de traitement des plaintes contre les journalistes. L'accélération des procédures de jugement des affaires des journalistes surtout durant l'étape de l'investigation et de l'instruction et ce en prenant des décisions dans les meilleurs délais afin que les dossiers juridiques ne restent pas ouverts et peuvent être exploités par le pouvoir politique comme étant une carte de pression 144 Cadre législatif général de la poursuite des journalistes Jusqu‟à la date de la révolution du 17 décembre 2010 – 14 janvier 2011, la presse tunisienne a été régie par la Loi du 28 avril 1975 relative à publication du code de la presse annulant l‟arrêt beylical du 9 février 1956 relatif à l‟impression et la vente des livres et la presse. Toutes les parties concernées par le domaine de la presse et la liberté d‟expression en Tunisie comme les avocats, les journalistes, juristes, politiques et autres, se sont convenus sur le fait que le code susmentionné représentait une loi punitive par excellence. Il comprend des dizaines de délits et sanctions dans presque chacun de ses articles. Ces délits et sanctions incluent des procédures de publication, gestion, contenu des journaux et une énumération des personnes visées par la criminalisation. En conséquence, le code mentionné a été utilisé comme un outil de répression de la part de l'administration et de la justice pour bâillonner les voix et anéantir la liberté de la presse. Des dizaines de journalistes libres ont enduré les poursuites judiciaires, les procès inéquitables et les sanctions sévères. L'ancien régime ne reconnaissait ni les normes internationales ni les conventions ratifiées par l'Etat tunisien en matière de liberté d'expression. La justicene reconnaissait quela législation locale qui consacre la criminalisation de la libre opinion ; une approche utilisée par tous les régimes totalitaires et les gouvernements dictatoriaux. En plus de l'adoption du Code de la presse, les journalistes sont poursuivis en justice pour des crimes prévus dans le Code pénal, le Code des télécommunications et autres textes de lois. La chose la plus drôle est que les poursuites judiciaires à l‟encontre des journalistes ne sont pas limitées 145 aux crimes de la presse ; on faisait souvent recours à des textes juridiques relatifs aux infractions de violence, d‟ivresse publique, de bruit ou tapage, d‟atteinte contre les biens et les propriétés des autres, etc. pour fabriquer des chefs d‟accusations et prononcer des jugements injustes contre les journalistes. Après la révolution, le Décret-loi 115 relatif à la liberté de la presse, de l‟imprimerie et de l‟édition a été publié annulant tous les textes précédents y compris particulièrement le Code de la presse. Le Décret-loi 116 relatif à la liberté de communication audiovisuelle et la création d'une Haute autorité indépendance de la communication audiovisuelle (HAICA)a également été publié annulant ainsi tous les textes juridiques antérieurs et en contradiction avec ses dispositions. Le cadre législatif dans lequel on est supposé pratiquer la liberté de la presse dans le sens le plus large comprend des traités et conventions internationaux, soit ratifiés par l'Etat tunisien, ou représentant des déclarations de droits avec une autorité morale ou des normes internationales reconnues à l‟échelle universelle. Ce cadre législatif comprend également le système juridique local. I. Les Conventions et les instruments internationaux 1. La Déclaration universelle des droits de l'homme La Déclaration universelle des droits de l'homme adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1948 est un texte de référence dans le domaine des droits de l'homme en général et de la liberté d'opinion et d'expression, plus précisément. Cette Déclaration ne constitue pas une convention internationale ; c‟est une charte de caractère moral important surtout que les tribunaux et les gouvernements du monde entier citent toujours ses articles, et les inclus dans les décisions gouvernementales ou des jugements. 146 L‟article 19 de la Déclaration dispose que « Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit. » 2. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques En plus de la Déclaration universelle des droits de l‟homme, the Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié par la République tunisienne, organise le droit à la liberté d‟expression d‟une manière plus détaillée par son article 19 comme suit : « 1.Nul ne peut être inquiété pour ses opinions. 2.Toute personne a droit à la liberté d'expression; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix. 3.L'exercice des libertés prévues au paragraphe 2 du présent article comporte des devoirs spéciaux et des responsabilités spéciales. Il peut en conséquence être soumis à certaines restrictions qui doivent toutefois être expressément fixées par la loi et qui sont nécessaires: a)Au respect des droits ou de la réputation d'autrui; b)A la sauvegarde de la sécurité nationale, de l'ordre public, de la santé ou de la moralité publiques. » L‟article 20 de ce Pacte a émis une restriction sur la liberté d‟exprimer son opinion dans des situations spécifiques préjudiciables à la communauté internationale et l‟excluant du cercle de la liberté d'expression: « Toute propagande en faveur de la guerre est interdite par la loi. 147 Tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l'hostilité ou à la violence est interdit par la loi. » 3. La Convention des Nations Unies contre la corruption Le Décret n° 2008 - 763 du 24 mars 2008, l‟Etat tunisien a ratifié la Convention des Nations Unies contre la corruption, adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 31 octobre 2003. Selon l‟article 10, « Compte tenu de la nécessité de lutter contre la corruption, chaque Etat Partie prend, conformément aux principes fondamentaux de son droit interne, les mesures nécessaires pour accroître la transparence de son administration publique, y compris en ce qui concerne son organisation, son fonctionnement et ses processus décisionnels s‟il y a lieu. Ces mesures peuvent inclure notamment: - L‟adoption de procédures ou de règlements permettant aux usagers d‟obtenir, s‟il y a lieu, des informations sur l‟organisation, le fonctionnement et les processus décisionnels de l‟administration publique, ainsi que, compte dûment tenu de la protection de la vie privée et des données personnelles, sur les décisions et actes juridiques qui les concernent; - La simplification, s‟il y a lieu, des procédures administratives afin de faciliter l‟accès des usagers aux autorités de décision compétentes; et - La publication d‟informations, y compris éventuellement de rapports périodiques sur les risques de corruption au sein de l‟administration publique. » Le Décret-loi relatif à l‟accès aux documents administratifs et la ratification de la Convention internationale contre la corruption par la 148 Tunisie appuie le droit du grand public, y compris les journalistes, à l‟accès à l'information dans le secteur public, et le devoir de ce dernier à profiter au maximum des dispositions du Décret n°2011 -41 et de la Convention pour permettre au public d‟accéder aux données et aux informations à partir des sources originales et avec un degré considérable de crédibilité . En outre, l'accès à ce type de documentation et la diffusion des informations à ce sujet donne aux médias un rôle important dans la lutte contre la corruption. 4. Les Décisions des instances onusiennes et internationales L‟Assemblée générale de l‟ONU a adopté plusieurs résolutions et dispositions relatives à la liberté d'opinion et d'expression. La résolution la plus importante est celle de l‟Assemblée générale N° 59/1 du 14 décembre 1946, qui a affirmé que la liberté de l'information est « un droit fondamental de l‟Homme et la pierre de touche de toutes les libertés». La Résolution 76/45 de l'Assemblée générale du 11 décembre 1990 a également souligné le rôle des médias au service de l'humanité. La décision rendue par la Conférence générale de l'UNESCO 25/104 de l'année 1989 a souligné l‟importance de promouvoir « de la libre circulation des idées par le mot et l'image » à travers les nations et au sein de chaque nation ». L'UNESCO a adopté aussi une déclaration en 1978 sur la contribution des médias dans la promotion de la paix mondiale et la compréhension internationale, conformément à l'article 2/1en affirmant que « L‟exercice de la liberté d‟opinion, de la liberté d‟expression et de la liberté de l‟information, reconnu comme partie intégrante des droits de l‟homme et 149 des libertés fondamentales, est un facteur essentiel du renforcement de la paix et de la compréhension internationale». L‟article 3de cette déclaration dispose que « Les organes d‟information ont une contribution importante à apporter au renforcement de la paix et de la compréhension internationale et dans la lutte contre le racisme, l‟apartheid et l‟incitation à la guerre». Selon les dispositions du Principe 7, Paragraphe (b) des Principes de Johannesbourg, Sécurité Nationale, Liberté d‟Expression et Accès à l‟Information, « Nul ne peut être puni pour avoir critiqué ou insulté la nation, l'Etat ou ses symboles, le gouvernement, ses institutions ou ses fonctionnaires, ou une nation étrangère, un Etat étranger ou ses symboles, son gouvernement, ses institutions ou ses fonctionnaires à moins que la critique ou l'insulte ne soit destinée à inciter à la violence imminente.» Le Comité des droits de l'homme de l'ONU a invoqué que « les lois de la diffamation doivent être rédigées attentivement ... et ne pas être utilisées dans la pratique pour étouffer la liberté d'expression et toutes ces lois, en particulier les lois sur la diffamation criminelle, doivent inclure des dispositions relatives à la défense, tels que la défense de la vérité, et ne pas être appliquées dans le cas de formes d'expression qui sont par nature soumises à la vérification. On doit prendre en compte les commentaires sur des personnalités publiques pour éviter la punition sur la base des données incorrectes publiées sans mauvaise intention ou rendre cette punition illégale ». Les conventions et déclarations internationales consolident les principes bienveillants de la protection de la liberté de l'expression et de la presse, et l‟obligation des Etats et des Gouvernements est de les adapter et les 150 consacrer à travers la législation nationale afin d'éviter des formulations vagues et tordues qui conduisent à l'étouffement et le bâillonnement des libertés. Selon l‟article 32 (4) de la Constitution de 1959 annulée, « Les traités ratifiés par le Président de la République et approuvés par la Chambre des députés ont une autorité supérieure à celle des lois.” En attendant la promulgation de la nouvelle constitution par l‟ANC, on ne sait pas encore la situation des instruments internationaux ratifiés par l'Etat tunisien dans la hiérarchie des lois, et s‟ils auront aussi une suprématie sur les lois comme dans la Constitution précédente ou non. II. La Législation locale 1. L’Organisation provisoire des pouvoirs publics Après l‟élection de l‟ANC le 23 octobre 2011, l‟organisation provisoire des pouvoirs publics ou « la petite constitution » a été promulguée pour remplacer le Décret-loi n° 2011-14. La promulgation de cette organisation annule la première constitution de juin 1959 et organise les pouvoirs publics, y compris les pouvoirs de l‟ANC, jusqu‟à l‟élaboration d‟une constitution permanente. Le Préambule de cette petite constitution prévoit que les membres de l‟ANC déclarent leur intention de « concrétiser les principes de la révolution glorieuse, de réaliser ses objectifs, par fidélité aux martyrs et aux sacrifices des tunisiens à travers les générations, afin de faire aboutir le processus constituant démocratique avec succès et garantir les libertés et les droits de l‟homme ». 151 Cette annonce ne constitue pas une garantie réelle et tangible des droits et libertés autant qu'elle comprend une déclaration d'intention et d‟engagement à consacrer les droits et libertés. 1. Le Quatrième projet de la constitution La Constitution de 1959 qui a été abrogée prévoit dans son huitième article que « Les libertés d'opinion, d'expression, de presse, de publication, de réunion et d'association sont garanties et exercées dans les conditions définies par la loi. » L‟article susmentionné ne prévoit pas des garanties fortes et claires concernant les droits couverts, surtout qu‟il a été contourné par les lois punitives telles que Code de la presse de 1975 et certaines dispositions du Code pénal relatives aux infractions de la presse dont l‟application a continué malgré les dispositions de l‟article 80 du Code de la presse qui prévoient que « Sont abrogées toutes dispositions antérieures contraires au présent Code ». La Constitution de 1959 n'a pas prévu expressément l‟interdiction de la législation qui pourrait limiter la liberté d'expression, qui a conduit à la mise en place d‟un système punitif qui a duré pendant des décennies. D'autre part, l'expression « conformément à la loi » a été utilisée pour consacrer des législations contraire aux libertés prévues dans la l‟article mentionné, y compris la liberté de la presse. Les modifications successives du Code de la presse ont été appropriées pour consacrer encore plus la suppression de la liberté d'expression. Par conséquent, le régime a placé sous contrôle la publication et la création des radios et des télévisions satellitaires, et a réussi mettre en place un système de restriction infranchissable à tel point que le citoyen tunisien ne peut pas avoir accès à ce qui se passe dans son pays qu‟à travers les médias 152 étrangers. En outre, les organisations internationales concernées par la liberté d'expression ont classé la Tunisie parmi les pays les plus hostiles à la liberté de la presse. Avec la chute de la dictature, le niveau de la liberté de la presse a augmenté d'une manière sans précédent grâce aux journalistes qui luttent chaque jour pour la développer et pour qu‟elle devienne un acquis irréversible. On peut dire que le Décret-loi n° 2011-41 relatif à l'accès aux documents administratifs des organismes publics, le Décret n° 2011-115 relatif à la liberté de la presse, de l‟imprimerie et de l‟édition et le Décret n° 2011116 relatif à la liberté de communication audiovisuelle et la création d'une instance supérieure indépendante de la communication forment ensemble un triangle remarquable dans le domaine de la législation relative au journalisme et à la communication et au droit d'accès à l'information car ils sont fondés sur des normes internationales en dépit de quelques réserves à un nombre de ses dispositions. On avait espéré que la Constitution de la révolution consacre la liberté d'expression et de la presse et maintient les principes énoncés dans les Décrets-lois n° 41, 115 et 116, mais suite au suivi du travail de l‟ANC et l‟examen des différentes formulations et des ébauches successives du projet de la constitution, on peut constater une hésitation et une réticence par rapport à l‟adoption des dispositions claires consacrant la liberté d‟expression et de la presse. Au contraire, la volonté de la majorité dans la Constituante qui s‟est dirigée vers le bâillonnement de ces libertés par des concepts et des formulations tordues. 153 (Voir l'étude sur les chapitres sur la liberté d'expression et l'accès à l'information dans le dernier projet de la Constitution). 2. La Loi réglementant l'état d'urgence Depuis le déclenchement de la révolution et la chute de l'ancien régime l'état d'urgence a été déclaré dans le pays tout en étant renouvelé tous les trois mois selon les dispositions du Décret n°78-50 du 26 janvier 1978, réglementant l'état d'urgence. Son article premier prévit que «L'état d'urgence peut être déclaré sur tout ou partie du territoire de la République, soit en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public, soit en cas d‟événements présentant par leur gravité le caractère de calamité publique. » Selon son article 8, « Dans les zones soumises à l'application de l'état d'urgence, les autorités visées (le ministre de l‟intérieur pour tout le territoire tunisien et le gouverneur pour le gouvernorat) à l‟article précédent (article 7) peuvent ordonner des perquisitions à domicile de jour et de nuit et prendre toutes mesures pour assurer le contrôle de la presse et des publications de toute nature ainsi que celui des émissions radiophoniques, des projections cinématographiques et des représentations théâtrales ». Selon l‟article 4 du pacte international relatif aux droits civiles et politiques, « Dans le cas où un danger public exceptionnel menace l'existence de la nation et est proclamé par un acte officiel, les Etats parties au présent Pacte peuvent prendre, dans la stricte mesure où la situation l'exige, des mesures dérogeant aux obligations prévues dans le présent Pacte, sous réserve que ces mesures ne soient pas incompatibles avec les autres obligations que leur impose le droit international … ». 154 En se référant aux observations du Comité des droits de l'homme de l‟ONU, deux conditions doivent se réunir pour déclarer l'état d'urgence: - la situation doit représenter un danger public exceptionnel qui menace l‟existence de la nation ; c‟est-à-dire, il faut qu‟il y soit une crise exceptionnelle impliquant un risque réel affectant l'ensemble de la population. - le danger doit menacer la vie de la société de laquelle l'Etat est constitué. Pendant l'état d'urgence, le droit international des droits de l'homme met des restrictions précises pour protéger les droits de l'homme si un danger public exceptionnel menace l'existence de la nation. Il doit y avoir des restrictions sur les libertés dans les limites strictes exigées par la situation et qui ne sont pas en contradiction avec les autres obligations de l'Etat en vertu du droit international. Alors que les autorités tunisiennes ne prennent pas des procédures normales pour contrôler les médias et les publications, la prolongation continue de l'état d'urgence crée un état de menace constante pour la liberté de la presse. Ces craintes ont incité de nombreuses organisations des droits de l'homme en Tunisie à revendiquer l‟annulation de l'état d'urgence et son non renouvellement pour mettre fin à ses obligations considérant qu‟elle dépassé la durée admise au niveau international qui est de six mois (sauf en cas de guerre). 5. Le Code des télécommunications Dans de nombreux procès de l‟édition et de la presse, le ministère public fait recours au Code des télécommunications pour poursuivre les journalistes en justice au sens de l‟article 86 stipulant, « Est puni d‟un emprisonnement de un (1) an à deux (2) ans et d‟une amende de cent 155 (100) à mille (1000) dinars quiconque sciemment nuit aux tiers ou perturbe leur quiétude à travers les réseaux publics des télécommunications ». L‟article 2 du Code des télécommunications définie quelques concepts comme celui de télécommunications qui veut dire « tout procédé de transmission, diffusion ou réception de signaux au moyen de supports métalliques, optiques ou radioélectriques ». Il définit le réseau des télécommunications « l‟ensemble des équipements et des systèmes assurant les télécommunications » etle réseau public des télécommunications « le réseau des télécommunications ouvert au public ». En l'absence de lois régissant le cyberespace, on fait recours à l‟article 86 susmentionné quand il s'agit de matériel d'information publié sur Internet ou dans des sites de médias sociaux. Et par référence aux dispositions du présent Code, il est à souligner qu'il réglemente le secteur des télécommunications au sens technique étroit étant donné que le ministère public fait recours à l'application de l‟article 86 dans les cas ou quiconque nuit aux tiers ou perturbe leur quiétude à travers le téléphone ou en cas de l'envoi de messages ayant un contenu qui est en violation de la loi à travers des téléphones mobiles. Il est clair que le ministère public fait recours au Code des télécommunications en raison de l‟existence d'un vide juridique dans l'organisation de la publication sur Internet. Et les irrégularités qui peuvent découler de l'utilisation des médias électroniques représentent des crimes de la presse par excellence. Il semble que le flux de travail est devenu plus puissant que le fameux principe juridique « il n'y a pas de crime, il n'y a pas de peine sans une loi qui les prévoie ». 156 Le législateur aurait dû intervenir pour réguler le secteur de la publication sur Internet par un régime juridique particulier. Pour rappel, des dizaines de blogueurs et de journalistes ont été trainés en justice en vertu de l‟article 86 susmentionné et ont été condamnés parfois à des peines de prison. 6. La Loi règlementant l'accès aux documents administratifs Selon le Décret-loi n°41du 26 mai 2011, le texte règlementant l'accès aux documents administratifs des organismes publics a été publié. Au sens de son article 2, on entend par « documents administratifs »« les documents produits ou reçus par les organismes publics dans le cadre de leur mission de service public quels que soient leur date, leur forme et leur support. » Selon son article 3, « Toute personne physique ou morale a le droit d'accéder aux documents administratifs tels que définis par la loi ». Son article 16 dispose qu‟ « Un organisme public peut refuser de communiquer un document administratif protégé par la législation en vigueur et notamment la loi relative à la protection des données à caractère personnel et à celle relative à la protection de la propriété littéraire et artistique, ou une décision juridictionnelle ». L‟article 17 du Décret soulève de principales problématiques et viole le principe libéral sur lequel le Décret a été fondé, tel que prévu dans le présent article : « L'organisme public peut refuser de communiquer un document quand cela pourrait être préjudiciable : - aux relations entre Etats ou organisations Internationales, 157 - à la formation ou au développement d'une politique gouvernementale efficace, - à la sécurité ou la défense nationale, - à la détection, prévention ou enquête criminelle, - à l'arrestation et le procès en justice des accusés, - à l'administration de la justice, au respect des règles de l'équité, et à la transparence des procédures de passation des marchés publics, - au processus de délibération, d'échange d'avis et point de vue, d'examen ou d'essai, ou aux intérêts légitimes commerciaux ou financiers de l'organisme public concerné. » Selon le droit international, il existe trois conditions pour limiter le droit d'accès à l'information, à savoir: - L‟exception garantie un intérêt légitime. - Elle est prévue par la loi. - La diffusion des informations provoque un préjudice à des intérêts légitimes à un degré pouvant dépasser celui des préjudices qui pourraient résulter si ces informations n'ont pas été publiées. Avec une administration qui n‟est pas neutre et inefficace, les responsables pourraient se référer à une liste d'exceptions et de restrictions pour priver le grand public ainsi que les journalistes de leur droit d'accès aux documents administratifs, surtout que le Décret ne prévoit pas la création d‟un poste de « courtier ou délégué d‟informations »auquel on peut avoir recours si les autorités publics se sont abstenus de donner des informations sous demande juridique. 7. La Loi portant sur la protection des données à caractère personnel 158 Cette loi organique n° 2004-63 a été adoptée le 27 juillet 2004. Selon son article 2, « la présente loi s'applique au traitement automatisé ainsi qu'au traitement non automatisé des données à caractère personnel mis en œuvre par des personnes physiques ou par des personnes morales. » Selon l‟article 4, « Au sens de la présente loi, on entend par données à caractère personnel toutes les informations quelle que soit leur origine ou leur forme et qui permettent directement ou indirectement d'identifier une personne physique ou la rendent identifiable, à l'exception des informations liées à la vie publique ou considérées comme telles par la loi ». Son article 6 prévoit qu‟on entend par le traitement des données à caractère personnel « les opérations réalisées … et qui ont pour but notamment la collecte, l'enregistrement, la conservation, l'organisation, la modification, l'exploitation, l'utilisation, l'expédition, la distribution, la diffusion … ». Selon les dispositions des deux articles 13 et 14, il “est interdit le traitement des données à caractère personnel relatives aux infractions…, »et « à l'origine raciale ou génétique, les convictions religieuses, les opinions politiques, philosophiques ou syndicales, ou la santé ». L‟article 47 de la présente loi organique a une importance spécifique par rapport au secteur de la presse et des médias puisqu‟il prévoit qu‟il «est interdit de communiquer des données à caractère personnel aux tiers sans le consentement exprès donné par n'importe quel moyen laissant une trace écrite, de la personne concernée, de ses héritiers ou de son tuteur sauf si ces données sont nécessaires à l'exercice des missions confiées aux autorités publiques dans le cadre de la sécurité publique ou 159 de la défense nationale, ou s'avèrent nécessaires à la mise en œuvre des poursuites pénales ou à l'exécution des missions dont elles sont investies conformément aux lois et règlements en vigueur. L'Instance peut autoriser la communication des données à caractère personnel en cas du refus, écrit et explicite, de la personne concernée, de ses héritiers ou de son tuteur lorsqu'une telle communication s'avère nécessaire pour la réalisation de leurs intérêts vitaux, ou pour l'accomplissement des recherches et études historiques ou scientifiques, ou encore en vue de l'exécution d'un contrat auquel la personne concernée est partie, et ce, à condition que la personne à qui les données à caractère personnel sont communiquées s'engage à mettre en œuvre toutes les garanties nécessaires à la protection des données et des droits qui s'y rattachent conformément aux directives de l'Instance, et d'assurer qu'elles ne seront pas utilisées à des fins autres que celles pour lesquelles elles ont été communiquées ». Ce texte exclut le droit des journalistes de traitement des données personnelles, même si elles s‟avèrent nécessaires pour leur travail journalistique, alors que les historiens et les chercheurs jouissent de ce droit mais avec des conditions. L‟article 86 prévoit qu‟il « est puni d'un emprisonnement de deux à cinq ans et d'une amende de cinq mille dinars à cinquante mille dinars, quiconque viole les dispositions de l'article 50 de la présente loi ». L‟article 50 susmentionné prévoit qu‟« Il est interdit, dans tous les cas, de communiquer ou de transférer des données à caractère personnel vers un pays étranger lorsque ceci est susceptible de porter atteinte à la sécurité publique ou aux intérêts vitaux de la Tunisie ». 160 Ensemble, ces deux derniers articles de la loi sont très dangereux pour le travail journalistique considérant que la définition du concept de « données personnelles »dépend du juge qui peut être influencé par les données politiques et interpréter les dispositions du présent article 50 d‟une manière qui pourrait nuire, en profondeur, le travail journalistique. Contrairement à la loi tunisienne, les lois européennes permettent aux journalistes de traiter les données à caractère personnel dans le cadre de leur activité professionnelle, comme l‟article 9 de la Directive européenne 95/46 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données qui prévoit que « les Etats membres (Etats européens) prévoient pour les traitements de données à caractère personnel effectués aux seules fins de journalisme ou d'expression artistique ou littéraire, … dans la seule mesure où elles s'avèrent nécessaires pour concilier le droit à la vie privée avec les règles régissant la liberté d'expression ». 8. Le Code des plaidoiries et sanctions militaires L‟article 91du Code de justice militaire dispose ce qui suit : « Est puni de deux mois à deux ans d'emprisonnement, quiconque, militaire ou civil, sciemment et en temps de paix publie, communique ou divulgue toutes informations concernant les incidents militaires survenus à l'intérieur ou à l'extérieur des casernes ou les mesures prises par l'autorité militaire à l'égard de l'un de ses membres ou les ordres et décisions prises par cette autorité ou toutes informations concernant les déplacements des corps et détachements militaires et de toutes opérations menées par les forces armées de l'Etat. 161 Font exception, les communiqués de presse ou à la radio que l'autorité compétente ordonne de publier. Si l'infraction a lieu en temps de guerre ou d'état de guerre, la peine est portée au double ». Il est à noter que cet article ouvre la porte à la criminalisation de divers types de journalisme. Il prévoit des crimes ouverts à l'interprétation pour frapper la liberté de la presse dans toutes les questions relatives aux activités militaires et en contradiction avec le principe de l'interprétation étroite des dispositions pénales. Ce sans perdre de vue que l'examen des délits de presse dans ce chapitre est due à la justice militaire et non pas à la justice pénale. Le blogueur Hakim Ghanmi en 2013a été déféré devant la justice militaire en vertu des dispositions de l‟article 91 susmentionné suite à la publication d‟un article dans son blog dans lequel il critiquait la performance du directeur d‟un hôpital militaire. 9. Le Code penal Le code pénal tunisien a compris plusieurs articles et dispositions criminalisant le travail journalistique et engendrant la liberté de la presse. Les tribunaux tunisiens appliquent encore les articles de ce code malgré que le Code de la presse de 1975 ait inclus dans son article 80 que « Sont abrogées toutes dispositions antérieures contraires au présent Code ». En vertu des dispositions du Code, des dizaines de journalistes et blogueurs et certains d'entre eux ont reçu des peines de prison ferme, malgré le fait que la criminalisation du travail journalistique est actuellement considéré comme une violation des normes internationales qui ont tendance à considérer les délits de la presse en tant qu‟erreurs d‟ordre civile passibles d'une compensation financière en cas de preuve 162 du préjudice. Les dispositions du Code donnent également aux juges de larges pouvoirs discrétionnaires relatifs à la criminalisation et la condamnation puisqu‟elles prévoient des crimes ouverts et sujets à l‟interprétation, en plus de la soumission du ministère public au contrôle du pouvoir exécutif. En ce qui concerne l'application, le Code pénal prévoit la criminalisation du travail journalistique et médiatique dans plusieurs de ses articles. Selon ses dispositions, la criminalisation vise soit la protection de l'ordre public, des institutions et des organismes publics ou des personnes. a. La Protection de l'ordre public L‟article 121 du Code pénal prévoit qu‟ « Est puni comme s'il avait participé à la rébellion quiconque l'a provoquée soit par des discours tenus dans des lieux ou réunions publics, soit par placards, affiches ou écrits imprimés. Si la rébellion n'a pas eu lieu, le provocateur est puni de l'emprisonnement pendant un an ». L‟article 121 bis dispose que « Lorsqu'elles sont faites sciemment, la mise en vente, la distribution ou la reproduction des œuvres interdite, la publication ou la diffusion sous un titre différent d'une œuvre interdite, sont punies d‟un emprisonnement de seize jours à un an et d‟une amende de 60 à 600 dinars. Le ministère de l‟intérieur procède à la saisie administrative des exemplaires et des reproductions des œuvres interdites ». L‟article 121 ter dispose que « Sont interdites la distribution, la mise en vente, l‟exposition aux regards du public et la détention en vue de la de la distribution, de la vente, de l‟exposition dans un but de propagande, 163 de tracts, bulletins et papillons d‟origine étrangère ou nom, de nature à nuire à l‟ordre public ou aux bonnes mœurs. Toute infraction à l‟interdiction édictée par l‟alinéa précédent pourra entraîner, outre la saisie immédiate, un emprisonnement de 6 mois à 5 ans et une amende de 120 à 1.200 dinars ». Il est à noter que les articles 121 bis et 121 ter ont été abrogésdu Code de la presse annulé et incorporé le Code pénale selon la Loi organique n° 2001-43 du 3 Mai 2001 (c‟est-à-dire à l'occasion de la journée internationale de la liberté de la presse) . Il est à noter que le directeur du quotidien « Attounissia » Noureddine Ben Saida a été arrêté le 15 février 2012 et emprisonné pour « atteinte aux bonnes mœurs »selon les dispositions de l‟article 121 ter du Code pénal. La poursuite judiciaire a été suite à la publication d'une photo d'un joueur de football avec sa fiancée que le ministère public a considéré scandaleuse. Le procureur a rendu une décision de détention provisoire à son encontre, et Ben Saida n‟a été libéré qu‟après une grève de la faim qu‟il a entamée. Le 8 mars 2012, le tribunal de première instance a statué sur son affaire une amende de mille dinars. Conformément à l'article 226 bis du Code, qui a été ajouté par la loi n° 73 du 2 août 2004, il « Est puni de six mois d'emprisonnement et d'une amende de mille dinars quiconque porte publiquement atteinte aux bonnes mœurs ou à la morale publique par le geste ou la parole ou gène intentionnellement autrui d'une façon qui porte atteinte à la pudeur. Est passible des mêmes peines prévues au paragraphe précédent quiconque attire publiquement l'attention sur une occasion de commettre 164 la débauche, par des écrits, des enregistrements, des messages audio ou visuels, électroniques ou optiques ». Les dispositions de cet article ont été appliquées dans l‟affaire du directeur de Nessma TV qui a diffusé le film de dessin animé « Persépolis » le 7 octobre 2011, et qui a été considéré par la justice portant atteinte « aux bonnes mœurs ou à la morale publique ». Le 3 mai 2012, coïncidant avec la Journée internationale pour la liberté de la presse, le patron de la chaîne a été condamné à payer une amende. L‟entreprise qui a fait la traduction du film a également été condamnée à payer une amende. b. La Protection des instances et des représentants de l’Etat La criminalisation dans ce chapitre vise à protéger les institutions de l'Etat et leurs représentants, y compris les employés et autres, contre ce qui est publié dans les médias et quiconque se rend coupable d‟outrage à eux. Selon les dispositions de l‟article 128 du Code pénale, « Est puni de deux ans d‟emprisonnement et de cent vingt dinars d‟amende, quiconque par discours publics, presse ou tous autres moyens de publicité, impute à un fonctionnaire public ou assimilé des faits illégaux en rapport avec ses fonctions, sans en établir la véracité ». Selon les dispositions de cet article, plusieurs journalistes ont été poursuivis en justice suite à des plaintes déposées par des fonctionnaires publics ayant considéré que certains des articles et des écrits ont porté atteinte à leurs personnes. En plus, ce crime avec ses éléments juridiques est plus proche au crime de la diffamation prévu par les articles 55 et 59 du Décret-loi 115, mais la différence est que la cible est un fonctionnaire public ou assimilé et non pas quelqu'un du grand 165 public. Le législateur a autorisé à l'auteur du crime prévu par l‟article 128 pénalla possibilité d‟impunité si la véracité de ses dits a été établie. L‟article 142 dispose que “Est puni de trois mois à un an d'emprisonnement et de vingt à deux cent quarante dinars d'amende ou de l'une de ces deux peines seulement quiconque qui, aura dénoncé aux autorités publiques une infraction qu'il sait ne pas avoir existé ou fabriqué une fausse preuve relative à une infraction imaginaire … ». En vertu de cet article, le journaliste Sofiane Chourabi a été déféré devant la justice pour avoir produit une vidéo sur la contrebande sur la frontière occidentale en 2013. L‟article 245du Code pénal prévoit qu‟ « Il y a diffamation dans toute allégation ou imputation publique d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération d'une personne ou d'un corps constitué ». c. La Protection des personnes L‟article 245 pénal dispose qu‟ « Il y a diffamation dans toute allégation ou imputation publique d'un fait qui porteatteinte à l'honneur ou à la considération d'une personne … ». La preuve du fait diffamatoire est autorisée dans les cas prévus à l'article 57 du code de la presse (annulé) ». Cet article donne de larges pouvoirs aux juges pour déterminer le concept de l‟atteinte à l‟honneur ou à la considération d'une personne. Ce pouvoir discrétionnaire a conduit à des grands abus judicaires à l‟encontre des journalistes. Selon les dispositions de l‟article 246 pénal, « Il y a calomnie : 1. Lorsque le fait diffamatoire a été judiciairement déclaré non établi ; 166 2. Lorsque le prévenu ne peut rapporter la preuve du dit fait dans le cas où la loi l'y autorise ; La calomnie est punissable même si les imputations ont été faites par écrits non rendus publics, mais adressés ou communiqués à deux ou plusieurs personnes. » Selon l‟article 247 pénal, « Est puni de six mois d‟emprisonnement et de deux cent quarante dinars d‟amende, quiconque, se sera rendu coupable de diffamation. Est puni d'un an d‟emprisonnement et de deux cent quarante dinars d‟amende, quiconque, se sera rendu coupable de calomnie ». Selon les dispositions de l‟article 245 pénal, on comprend que la diffamation ou la calomnie pourrait inclure les déclarations correctes fausses ou les deux, tant que le texte n'exclut pas de discrimination entre les deux types de déclaration, surtout après l'annulation du dernier alinéa de l‟article mentionné suite à l'abrogation du Code de la presse, qui a été remplacé par le Décret-loi 115. Et cela donne de larges pouvoirs discrétionnaires à criminaliser et à condamneret surtout dans un système judiciaire qui n‟a pas encore atteint le niveau requis d‟indépendance. Selon le Code de la presse, c‟est au défenseur d‟assumer le fardeau de prouver la vérité du fait diffamatoire établie par les voies ordinaires dans le cas où l'imputation concerne les corps constitués, l‟Armée, les administrations publiques, les membres du gouvernement, les députés les directeurs ou administrateurs de toute entreprise industrielle, commerciale ou financière ». 167 En plus, on ne peut pas établir la vérité du fait diffamatoire lorsque l'imputation concerne la vie privée de la personne, des faits qui remontent à plus de dix années, ou un fait constituant une infraction amnistiée ou prescrite, ou qui a donné lieu à une condamnation effacées par la réhabilitation. Même si le Code de la presse différentie entre le fait diffamatoire contre des personnalités publiques et celui contre le grand public, l‟application juridique sous l‟ancien régime a ajouté une autre distinction entre les opposants au régime et ceux qui le soutiennent. Et même si le Décret-loi 115 a criminalisé la diffamation, les tribunaux se réfèrent toujours aux dispositions du Code pénal surtout que ces derniers prévoient des peines de privation de liberté alors que le Décretloi 115 se contente d‟une amende. On peut dire que l‟article 247 représente encore une épée sur le cou des journalistes. 10. Décret-loi 115 Le Décret-loi n°2011-115 relatif à la liberté de la presse, de l‟imprimerie et de l‟édition a été publié le 2 novembre 2011.Son contenu a été préparé et discuté par la Haute autorité indépendance de la communication audiovisuelle (HAICA) mise en place par le Décret-loi du 2 mars 2011. Suite à la proposition Haute instance pour la réalisation des objectifs de la réforme politique et de la transition de la la révolution, de démocratique, un Décretprésidentiel a été publié à l‟époque. Avec la publication du dit Décret, les dispositions du Code de la presse promulgué par la loi n°75-32 du 28 avril 1975 ont été abrogées. L‟article 79 de ce Décret prévoit que « sont abrogés tous les textes antérieurs contraires et notamment le code de la presse ». 168 En lisant cet article, on peut conclure facilement à travers l'expression « tous les textes antérieurs contraires » pour y inclure toutes les législations antérieures contraires aux dispositions du dit Décret-loi, y compris les dispositions pénales relative au domaine de la liberté de la presse contenues dans le Code de la presse, le Code des télécommunications et Code des plaidoiries et sanctions militaires. La formulation qui a été utilisé dans le Décret mentionnant d‟une manière spécifique le Code de la presse soutient l'idée disant que le Décret 115 est devenu le seul texte qui s'applique dans les domaines de la presse, de l‟imprimerie et de l‟édition. On pourrait dire que le Décret 115 est considéré comme un texte juridique pionnier dans le monde arabe et islamique en termes de garantie de la liberté d'expression, la circulation et la diffusion des informations, opinions et idées, en dépit des réserves sur certains de ses articles et chapitres. Cependant, et malgré son caractère de loi de l‟Etat en vigueur, les gouvernements issus des élections du 23 octobre 2011 sont encore réticents à activer les dispositions du Décret qui protègent les journalistes et permettent la libre circulation de et le droit d'accès à l'information, la protection des sources, et le droit du journaliste à ne pas être soumis à des pressions, atteintes à sa dignité, agressions, ou remise en cause de ses opinions et ses idées. Par contre, ses articles punitifs ont été activés et en vertu de leurs dispositions, des poursuites judiciaires ont été lancées contre des dizaines de journalistes. Au début de 2012,il y eu des tentatives vigoureuses par le Ministère de la Justice pour justifier le gel du Décret en critiquant certaines de ses dispositions dans le but de l‟abroger, mais ces tentatives ont été résistées par les 169 médias et les milieux universitaires, obligeant le gouvernement à reconsidérer ses tentatives. Il reste que ce Décret a besoin aujourd'hui d‟une volonté politique qui réellement défend et met en valeur la liberté d'expression et de la presse. A cette date, « une commission d‟octroi des cartes nationales de journaliste professionnel » figurant au Chapitre VIII du Décret n‟a pas encore été créée, malgré les demandes incessantes des structures de défense des journalistes de créer cette commission offrant les garanties de l'indépendance de la presse dès que possible. Et regardant le Décret, on trouve qu‟il comprend, d‟une part, un grand nombre de droits et de garanties au profit des journalistes, mais d'autre part, il contient des dispositions punitives contraires aux standards internationaux et à la jurisprudence internationale libérale qui décriminalisent de plus en plus ce qui peut être considéré comme des irrégularités ou des erreurs de presse. Selon les dispositions de l‟article premier de ce Décret-loi, “Le droit à la liberté d‟expression est garanti et s‟exerce conformément aux stipulations du pacte international sur les droits civils et politiques, des autres traités y relatifs ratifiés par la République Tunisienne et aux dispositions du présent Décret-loi. Le droit à la liberté d‟expression comprend la libre circulation des idées, des opinions et des informations de toutes natures, leur publication, leur réception et leur échange. La liberté d‟expression ne peut être restreinte qu‟en vertu d‟un texte de nature législative et sous réserve : 170 - Qu‟il ait pour but la poursuite d‟un intérêt légitime consistant dans le respect des droits et la dignité d‟autrui, la préservation de l‟ordre public ou la protection de la défense et de la sûreté nationales. - Et qu‟il soit nécessaire et proportionné aux mesures qui doivent être adoptées dans une société démocratique, sans qu‟il puisse constituer un risque d‟atteinte au droit substantiel de la liberté d‟expression et de l‟information. » Son article 9 s‟est contenté de dire qu‟ « Il est interdit d‟imposer des restrictions à la libre circulation des informations ... ». L‟article 10 dispose que « Le journaliste, au même titre que tout citoyen, a un droit d‟accès aux informations, nouvelles données, et statistiques ; il a le droit d‟en obtenir communication auprès de leurs différentes sources … Le journaliste peut demander aux différentes sources précitées toutes informations, nouvelles, et statistiques en leur possession, à moins que ces matières ne soient couvertes par le secret en vertu de la loi ». Selon l‟article 11, « Sont protégées les sources du journaliste dans l‟exercice de ses fonctions, ainsi que les sources de toute personne qui contribue à la confection de la matière journalistique. Il ne peut être procéder à la violation du secret de ces sources directement ou indirectement …. Est considérée comme violation du secret des sources, toutes enquêtes, tous actes de recherche et d‟investigation, toutes écoutes de correspondances ou de communications, effectuées par l‟autorité publique à l‟encontre du journaliste pour découvrir ses sources ou à l‟encontre de toute personne entretenant avec lui des relations particulières. Le journaliste ne peut faire l‟objet d‟aucune pression, de n‟importe quelle autorité et il ne peut être également exigé d‟un quelconque journaliste ou 171 d‟une quelconque personne participant à la confection de la matière journalistique de révéler ses sources d‟information ... ». L‟article 12 dispose que « Les opinions émises par le journaliste et les informations qu‟il est amené à publier ne peuvent, constituer un prétexte pour porter atteinte à sa dignité ou à son intégrité physique ou morale ». Selon l‟article 13, « Le journaliste ne peut, être tenu pour responsable d‟une opinion, idée ou information qu‟il aura publiée conformément aux usages et déontologie de la profession … ». L‟article 14 pénalise « Quiconque viole les articles 11, 12 et 13 du présent Décret-loi, offense, insulte un journaliste ou l‟agresse, par paroles, gestes, actes ou menaces, dans l‟exercice de ses fonctions, sera puni de la peine d‟outrage à fonctionnaire public ou assimilé, prévue à l‟article 123 du code pénal ». a. Des infractions contre les personnes En échange de dispositions qui protègent la liberté de la presse et la personne du journaliste, le Décret comprenait de nombreux éléments punitifs qui ont été critiqués par le milieu des médias et celui des droits de l'homme, y compris le fait de continuer à criminaliser des délits de presse et entraîner des peines de privation de liberté et les amendes à l‟encontre desauteurs. Le Chapitre V du Décreta été accablé par un grand nombre de dispositions pénales. L‟article 50 reconnait que « Sont punis comme complices … ceux qui incitent directement une ou plusieurs personnes à commettre ce dont il s‟agit, de ce qui peut être suivi d‟un acte (l'incitation à commettre un homicide, une agression à l'intégrité physique de l'être humain, un viol ou vol), soit par voie de discours, paroles ou menaces dans les lieux 172 publics, soit au moyen d‟imprimés, photos, sculptures, signes …, soit au moyen d‟affiches et d‟annonces exposées à la vue publique ou par tout autre moyen d‟information audiovisuelle ou électronique… ». Selon les dispositions de l‟article 52, « Est puni de l‟emprisonnement d‟un an à trois ans et d‟une amende de mille à deux mille dinars quiconque appelle directement, en utilisant l‟un des moyens indiqués à l‟article50 du présent Décret- loi, à la haine entre les races, les religions, ou les populations … ». Et selon celles de l‟article 54, « Est puni d‟une amende de deux mille dinars à cinq mille dinars quiconque sciemment et par les moyens mentionnés à l‟article 50 du présent Décret- loi, publie de fausses nouvelles qui sont de nature à porter atteinte à la quiétude de l‟ordre public ». Selon l‟article 56, « l‟auteur de la diffamation, par l‟un des moyens indiqués à l‟article 50 du présent Décret-loi, est puni d‟une amende … », et l‟article 55 définit l‟acte diffamatoire « toute accusation ou imputation de quelque chose d‟inexacte d‟une manière publique, et qui est de nature à porter atteinte à l‟honneur et à la considération d‟une personne en particulier, à condition qu‟il s‟en suit un préjudice personnel et direct à la personne visée ». En le comparant à l‟article 245 pénal, l‟article 55 du Décret-loi ne prévoit pas la diffamation concernant les instances officielles, et exige également de prouver le préjudice personnel et direct à la personne visée suite à l‟acte diffamatoire comme une condition de l‟existence des éléments constitutifs de l‟accusation. Selon les dispositions de l‟article 59 (3), « la preuve contraire peut être apportée dans les infractions de diffamation et d‟injure ... » et « les 173 poursuites sont arrêtées en matière de diffamation si l‟accusation ou l‟imputation de la chose concerne les affaires publiques ». Si la diffamation concerne la vie privée ou une infraction éteinte par une grâce ou par la prescription ou d‟une peine couverte par le recouvrement des droits, l‟article 73 permet au journaliste de « prouver l‟absence de l‟infraction de diffamation …, il doit présenter au ministère public par voie de déclaration au greffe du tribunal ou au requérant … un exposé des faits reprochés … copie des documents et éléments de preuve y relatifs. Troisièmement : les noms des témoins, des témoignages …. » Selon les dispositions de l‟article 57,« l‟auteur de l‟agression d‟injure, par les moyens indiqués à l‟article 50 du présent Décret-loi, est puni d‟une amende ». Selon cet article, « Est considérée injure toute expression portant atteinte à la dignité,terme de mépris ou insulte ne comportant pas l‟imputation de quelque chose de précis ». b. De la publication interdite La Section 3 du Chapitre V du Décret 115 a énuméré les interdictions relatives à la publication concernant les procès qui sont devant les tribunaux, ce qui limite le travail journalistique et prive le destinataire de son droit d'accès à l'information en relation avec les actions introduites auprès les tribunaux, en particulier au cours de la période de transition démocratique et tout ce qu‟elle exige en terme de transparence et de vérité et de couper les liens avec les pratiques du passé. L‟article 61 dispose qu‟ « il est interdit de publier des documents relatifs à l‟instruction avant de les avoir exposés en audience publique. Le contrevenant est puni d‟une amende de mille à deux mille dinars ». 174 Le présent article a soulevé des larges controverses dans les milieux des médias en raison de l'ambiguïté qui entoure son contenu. L‟interdiction de la publication de documents relatifs à l‟instruction comme les copies des rapports, les éléments matériels et autres documents peut être compris à cause du principe de la confidentialité de l'enquête. Cependant, cette interdiction pourrait s‟amplifier, à la discrétion du juge, pour inclure la criminalisation de la diffusion d‟information sur les dossiers en cours de traitement par les bureau d‟investigation, malgré l'importance de certaines de ces dossiers par rapport à l'opinion publique, y compris les questions de corruption et de violations des droits de l'homme. L‟alinéa (2) de l‟article susmentionné dispose que « La même peine est encoure par celui qui publie sans autorisation de la juridiction compétente par voie de retransmission, quelque soient les moyens utilisés et particulièrement par téléphone mobile, photographie, enregistrement sonore ou audiovisuel ou tout autre moyen, tout ou partie des circonstances entourant les procès relatifs aux crimes et délits indiqués aux articles de 201 à 240 du code pénal ». Le texte de loi n‟a pas expliqué ce que le législateur voulait dire par «les circonstances entourant le procès » et si elles comprennent les faits qui se produisent dans la salle d‟audience ou dans le hall du tribunal ou ce qui pourrait se dérouler lors des manifestations et des rassemblements dans la rue à l‟occasion de l‟examen de ces procès. Cette ambiguïté donne des pouvoirs étendus aux services de sécurité pour empêcher le transfert de tout ce qui entoure le procès. L‟article 62 interdit « de traiter dans les informations des affaires relatives àla diffamation dans les cas indiqués aux alinéas(a) et (b) de l‟article 59 du présent Décret-loi ». 175 Selon les dispositions des deux alinéas susmentionnés, la publication est interdite « Si le fait imputé concerne la vie privée la personne » ou « Si le fait imputé concerne une infraction éteinte par une grâce ou par la prescription ou d‟une peine couverte par le recouvrement des droits ». Selon les dispositions de l‟alinéa (3) de l‟article 62, « les chambres et conseils peuvent interdire la publication des détails des affaires. Est également interdite la publication des secrets des délibérations des chambres et tribunaux ». Selon l‟alinéa 4, « Il est interdit lors des plaidoiries et dans les salles d‟audience d‟utiliser des appareils de photographie, des téléphones mobiles, des appareils d‟enregistrement sonore ou audiovisuel ou tout autre moyen, sauf autorisation des autorités juridictionnelles compétentes… ». Cet alinéa ne précise pas clairement l‟autorité juridictionnelle compétente attribuant l‟autorisation ; est-ce le procureur de la République ou le président de la cour dans laquelle le procès est examiné. L‟aliné a susmentionné donne le pouvoir absolu à l'autorité juridictionnelle compétente d‟attribuer les autorisations de filmer ou de les refuser sans préciser les normes qui peuvent être adoptées pour rendre une décision de refus. Cet alinéa ouvre aussi la porte à la possibilité de distinguer entre les médias dans l'attribution des autorisations de filmer selon des critères politiques et le degré de satisfaction du Pouvoir de la ligne éditoriale ou pas. c. Les Poursuites judiciaires selon le Décret-loi 115 L‟article 76 du Décret-loi dispose, « Le droit à l‟action publique et à l‟action civile se prescrit pour les délits et les contraventions indiqués au présent Décret-loi, dans les six mois accomplis à compter de la date de 176 leur survenance ou du jour du dernier acte de procédure des actes de poursuite ». Ce délai est considéré long en comparaison avec l‟article 78 du Code de la presse annulé stipulant un délai de trois mois seulement. La longueur du délai de l‟ordonnance de non-lieu est considérée l'épée placée sur le cou des journalistes les menaçant de lancer des poursuites judiciaires à leur sujet en cas où la donne politique change. Le Décret divise les méthodes de poursuites judiciaires en deux types : - Le premier est traité par le procureur de la République si la diffamation ou l‟insulte vise une catégorie de personnes d‟origine, race ou religion particulière. Les poursuites par le ministère public de l'auteur de la diffamation ou l‟outrage contre un témoin sauf en vertu d'une plainte émise par ce dernier. - Le second est géré par la personne victime de la diffamation prévu dans l‟article 55 du Décret ou de l‟insulte prévu dans l‟article 57 du présent Décret-loi. La notification de la citation et la comparution devant le tribunal sont faite à travers un huissier de justice. Cette notification doit comprendre l‟objet de l‟infraction et le texte juridique applicable. La notification est envoyée également au ministère public. d. Les Parties concernées par la poursuite L‟article 65 du Décret-loi dispose que « Sont punis comme auteurs principaux, des peines prévues pour les infractions indiquées dans le présent Décret-loi : - Premièrement : Les directeurs des périodiques ou les éditeurs quelque soient leurs professions ou leur qualités. - Deuxièment: A défaut de ceux-ci, les auteurs. - Troisièment : A défaut des auteurs, les imprimeurs ou les fabricants, 177 - Quatrièmement: A défaut des imprimeurs ou des fabricants, les vendeurs, les distributeurs et les afficheurs. » Et l‟article 66 que « Lorsque les directeurs des périodiques ou les éditeurs sont en cause, les auteurs sont poursuivis comme complices… ». Ces deux articles ont été critiqués par les médias qui ont vu qu'on devait être limité dans la poursuite judiciaire aux auteurs sans inclure le reste des parties et surtout les institutions de médias ; Ceci pourrait conduire à l'influence de la ligne éditoriale des médias cibles. Et vu l'existence de cette pyramide composée des parties concernées par la poursuite judiciaire, et en raison de la présence des propriétaires des établissements figurant sur la liste, elles (les parties) vont se transformer en autorités de contrôle des journalistes en craignant des condamnations contre leurs personnes, malgré le fait que le contenu médiatique n'a pas été délivré pour eux-mêmes. La liste exhaustive des personnes qui peuvent être impliquées dans les poursuites judiciaires selon le Décret représente une menace supplémentaire à la liberté de la presse ce qui nécessite son examen à cet égard. Le Décret 115, bien qu‟il contient des droits et des garanties relatifs au travail journalistique, il continue à criminaliser les journalistes et les institutions médiatiques vu les poursuites judiciaires qu‟il prévoit. Toutes ces caractéristiques ne favorisent pas le développement de médias libres qui sert la transition démocratique de la Tunisie et la fondation d‟un Etat qui consacre les droits de l‟homme et les libertés. L'indépendance du pouvoir judiciaire, au moinsà ce stade, représente une condition préalable à l'évolution de la liberté des médias dans le but de consacrer une jurisprudence libérale qui comprend la spécificité du travail journalistique et protège les journalistes des violations qui y sont 178 exposés venant des différentes parties y compris les autorités, les partis politiques, les groupes de pression, les décideurs soit politiques ou économiques. 11. Décret-loi 116 Ce Décret-loi a été publié le 2 novembre 2011 et qui concerne la liberté de la communication audiovisuelle et la création d‟une Haute autorité indépendance de la communication audiovisuelle » (HAICA). Il a été préparé et rédigé de la même façon que la préparation et la rédaction du Décret-loi 115 émis à la même date de ce dernier. Selon les experts, ce Décret-loi représente un véritable acquis pour les deux secteurs audio et visuel surtout par rapport aux garanties juridiques et institutionnelles pour les deux secteurs qu‟il organise. Selon son Article premier, le Décret-loi « garantit la liberté de la communication audiovisuelle, et organise l‟exercice de cette liberté et crée une instance de régulation indépendante de la communication audiovisuelle». Selon son article 3, « La liberté de communication audiovisuelle est garantie, conformément aux conventions et pactes internationaux ratifiés par la Tunisie et aux dispositions du présent Décret-loi ». Son article 4 mentionne que « Tout citoyen a le droit d‟accès à l‟information et à la communication audiovisuelle ». L‟article 5 énumère les principes qui constituent une base de l‟exercice des droits et libertés prévus dans les articles 3 et 4 du présent Décret-loi et qui sont comme suit : - le respect des conventions et pactes internationaux relatifs aux droits de l‟Homme et aux libertés publiques, - la liberté d‟expression, 179 - l‟égalité, - le pluralisme d‟expression des idées et opinions, - l‟objectivité et la transparence. L‟application de ces principes est soumise aux règles relatives au respect des droits d‟autrui ou leur réputation et notamment : - le respect de la dignité de l‟individu et de la vie privée, - le respect de la liberté de croyance, - la protection de l‟enfant, - la protection de la sécurité nationale et de l‟ordre public, - la protection de la santé publique, - l‟encouragement de la culture et de la production en matière d‟information et de communication nationale ». Concernant les dimensions institutionnelles, le Décret-loi dispose dans son article 6 que la création d‟une instance publique indépendante appelée « Haute autorité indépendance de la communication audiovisuelle » qui est « chargée de garantir la liberté et le pluralisme de la communication audiovisuelle » et qui est « composée de neuf (9) personnalités indépendantes, reconnues pour leur expérience, leur compétence et leur intégrité dans le secteur de l‟information et de la communication ». Le Décret-loi a définit la manière de nommer ces membres qui doivent exercer « leurs fonctions en toute indépendance et neutralité, au service exclusif de l‟intérêt général … » (article 8). Selon les dispositions de l‟article 15, La HAICA veille à l‟organisation et à la régulation de la communication audiovisuelle conformément aux principes du renforcement de la démocratie et des droits de l‟Homme et la consécration de la suprématie de la loi, du renforcement et la protection de la liberté d‟expression, et du renforcement du droit du 180 public à l‟information et au savoir, à travers la garantie du pluralisme et de la diversité dans les programmes se rapportant à la vie publique. L‟article 27 représente une sorte de protection contre les poursuites judiciaires directes en permettant à la HAICA d‟intervenir, par autosaisine sur demande préalable, pour contrôler le degré de respect des principes généraux d‟exercice des activités de communication audiovisuelle. Selon l‟article 28, au cas où des faits constituant une infraction aux textes en vigueur sont portés à la connaissance des contrôleurs, tels que les pratiques contraires au respect dû à la personne humaine et sa dignité, à la protection des enfants, à la déontologie de la profession, la HAICA doit prendre les mesures appropriées. Ceci est le rôle de la Haute autorité qui peut empêcher de trainer ces infractions en justice, qui est une importante protection pour les médias audiovisuel. L‟article 30 a une importance spécifique surtout que, selon ses dispositions, la HAICA peut décider la suspension immédiate d‟un programme qu‟elle considère avoir constitué une violation des dispositions de l‟article 5 du présent Décret-loi. En général, le Décret-loi 116 est considéré comme un pionnier dans la législation relative au domaine de l'audiovisuel, surtout que la Haute autorité prévue par l'article 6 est composée de compétences médiatiques connues. III. Les Recommandations : Après avoir examiné le système juridique concerné par les médias et la liberté de la presse en Tunisie avec les lacunes et les faiblesses qui ont été enregistrées, le Centre de Tunis pour la liberté de la presse présente aux autorités officielles les recommandations suivantes : 181 1. La Promulgation d‟une Constitution en concordance avec les normes internationales et les conventions et instruments ratifiés par l'Etat tunisien en matière de liberté d'expression et de la presse et le droit à l'accès à l'information. 2. Prévoir dans la prochaine constitution que les conventions internationales ratifiées ont une primauté sur les lois internes. 3. La mise en œuvre des conventions internationales ratifiées par l'Etat tunisien par les autorités officielles et leur application par les tribunaux comme une partie intégrante du système juridique tunisien. 4. Modifier l‟arrêté relatif à l'état d'urgence en conformité avec l'article 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques en matière de liberté de la presse lors de circonstances exceptionnelles menaçant le pays . 5. Abolir les sanctions pénales en relation avec le contenu médiatique de toutes les lois, y compris les Décrets lois 115 et 116, et considérer les délits de presse des délits civils passibles d'une compensation financière en cas ou le requérant établi la véracité du préjudice commis sur sa personne, et ce à travers une action introduite auprès un tribunal civil ordinaire. En attendant d'atteindre cette étape, le Centre recommande ce qui suit : a. Ne pas adopter les dispositions du Code pénal, Code des télécommunications, Code des plaidoiries et sanctions militaires dans la poursuite judiciaire contre les journalistes vu que les dispositions relatives à leur poursuite selon les lois mentionnées ont été abrogées par la promulgation du Décret-loi 115 étant devenu l‟unique texte applicable à leur encontre. b. Ne pas renvoyer les journalistes devant les tribunaux militaires dans des affaires liées au contenu médiatique. 182 c. Ne pas poursuivre les journalistes directement par le ministère public ou suite à une requête de l'Etat en charge des litiges publics. d. Ne pas recourir à l'arrestation, la détention préventive ou des peines de privation de liberté contre de journalistes dans le cadre de leur activité professionnelle ou le contenu médiatique. e. Raccourcir le délai des procès publics et civils selon le Décret-loi 115 de six mois à trois mois seulement. f. Modifier le Décret-loi 115 pour le but de limiter les poursuites pénales contre les rédacteurs des médias et pas d'autres, selon le principe de crimes contre la personne et la peine. g. Modifier les dispositions du Décret-loi 116 en citant expressément que les poursuites pénales par le procureur de la République ne peuvent être faites qu'après une décision de s‟y référer par la HAICA en tout ce qui concerne le contenu médiatique. 6. La modification de la loi sur l'accès aux documents, en limitant les pouvoirs de l'administration pour permettre aux journalistes d‟avoir accès à ces documents, et l'adoption de normes internationales en ce qui concerne les modalités de restriction du droit d'accès à ces documents. 7. Activation de la Convention des Nations Unies de lutte contre la corruption concernant l‟obtention par les journalistes des informations et des rapports émis par les autorités officielles en matière de transparence et de bonne gouvernance et les risques de corruption dans l'administration publique et la simplification des procédures administratives pour communiquer avec les autorités compétentes. 8. Accorder aux journalistes et employés dans médias les mêmes droits accordés aux historiens et aux chercheurs scientifiques concernant le traitement des données personnelles. 183 9. Citer les sanctions et pénalités en cas d‟attaque sur les droits et les garanties accordées au travail des journalistes en vertu du Décret-loi 115. 10. Limiter la liste des procès judiciaires interdits de publication dans la presse et prévoir cela avec des dispositions juridiques claires et ne pas laisser la décision d'interdire la publication aux chefs de districts ou aux juges traitant ces affaires. 11. Mettre des cadres juridiques clairs concernant l‟édition des affaires et procès au niveau d‟investigation primaire ou d‟enquête judiciaire. 12. L'abolition du principe d'autorisation préalable de tournage et de la transmission des procès par des moyens audio ou visuels et se suffire à un préavis au président du tribunal avant la date du procès d‟une durée raisonnable. 184 LA LIBERTE DE LA PRESSE ET D’EXPRESSION DANS LA NOUVELLE CONSTITUTION TUNISIENNE L'Unité d'observation et de documentation des violations contre la presse tunisienne suit avec intérêt les différentes réactions par rapport à la dernière version du projet de la Constitution tunisienne que l‟Assemblée nationale constituante (ANC) prépare. La Constitution dans son ensemble la concerne, non seulement en tant que texte fondateur des assises de l'Etat qui préserve les principes de la citoyenneté et de la démocratie, mais aussi particulièrement en tant que garant de la liberté de la presse et des journalistes. A travers ce projet, il existe quatre thèmes importants qui exigent la discussion et le débat. Le premier thème concerne le Préambule de la Constitution qui a négligé de mentionner la liberté d'expression et de presse ; le deuxième concerne la manière avec laquelle on a cité le principe de la liberté de la presse ; le troisième concerne la liberté d'accès à l‟information ; et le quatrième, la mise en place d'une instance indépendante de l‟information. Préambule : Le Préambule n‟a pas cité clairement l‟obligation de protéger le droit d'expression et de presse. Dans ce contexte, on aurait pu garantir expressément le droit d'expression conformément à l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié par l'Etat tunisien au mois de mars 1969. L'article 19 déclare que: « Nul ne peut être inquiété pour ses opinions. 185 Toute personne a droit à la liberté d'expression; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix. L'exercice des libertés prévues au paragraphe 2 du présent article comporte des devoirs spéciaux et des responsabilités spéciales. Il peut en conséquence être soumis à certaines restrictions qui doivent toutefois être expressément fixées par la loi et qui sont nécessaires: a) Au respect des droits ou de la réputation d'autrui; b) A la sauvegarde de la sécurité nationale, de l'ordre public, de la santé ou de la moralité publiques. » L'adoption de l'article 19 évite l'utilisation de restrictions supplémentaires visant le droit d‟expression et ferme définitivement la porte en face de tous les efforts pouvant imposer des restrictions qui nous rappellent celles prévues par la Constitution tunisienne de 1959. Liberté de la presse : L‟article 30 du brouillon de la Constitution stipule que : « Les libertés d‟opinion, de pensée, d‟expression, d‟information et de publication sont garanties. Les libertés d'expression, d‟information et de publication ne peuvent être limitées que par une loi qui protège les droits des tiers, leur réputation, leur sécurité et leur santé. Il est interdit de soumettre ces libertés à un contrôle préalable. » 186 Ce qu‟on peut observer dans l'article 30 susmentionné, c'est qu‟on aurait dû reproduire le texte intégral de l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques en raison de ses garanties de la liberté d'expression, du renforcement de sa consécration et l‟identification des domaines et conditions de sa restriction. L‟article 19 invoque que la liberté d'expression comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, par les différents moyens. L'article 19 stipule également qu‟il est possible de mettre certaines restrictions qui doivent être définies explicitement et précisément par la loi, et que de telles restrictions sont nécessaires en ce qui concerne les droits des autres et leur réputation, la sécurité nationale, l'ordre public, la santé et la moralité publique. Le texte de l'article 30 du projet, par ailleurs, n‟énonce pas les restrictions qui pourraient être placées sur la liberté d'expression, comme si la restriction, selon les termes du texte, tient dans tous les cas, même si ce n'est pas nécessaire. Droit d'accès à l’information : L‟article 31 du brouillon de la Constitution stipule que « Le droit d‟accès à l‟information est garanti à condition de ne pas compromettre la sécurité nationale ou des droits garantis par la Constitution. » On peut dire que l'article 31 du projet de texte final ne répond pas à l'objectif concernant le droit des individus à accéder à l'information. On aurait dû reproduire l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui comprend dans son deuxième paragraphe la liberté de toute personne d‟accéder à l'information et aux idées de toute espèce, sans considération de frontières. 187 Selon les termes de l'article 31 du projet, la restriction de l'accès à l'information est automatique si elle porte sur des questions de sécurité nationale ou les droits inclus dans la Constitution. L‟article susmentionné ne réclame pas que les restrictions soient nécessaires. De plus, les restrictions au droit d'accès aux informations est appliqué automatiquement si le préjudice des droits inclus dans la Constitution, ces droits ne sont pas définis, selon les termes du texte, et restent vagues et sans précision. Instance de l’information : L‟article 124 stipule que : « L'instancedel'informationestchargéedelarégulationetdudéveloppementd usecteurdel‟information,elleveilleàgarantir la liberté d‟expressionetd‟information,ledroitd‟accèsàl‟informationetl‟instaurationd‟u npaysagemédiatiquepluralisteetintègre. L'instance est obligatoirement consultée pour les projets de lois relatifs à son domaine de compétence. L‟instancesecomposedeneufmembresindépendants,neutres,compétents, expérimentés et intègres qui effectuent leur mission pour un mandat unique de six ans avec renouvellement du tiers de ses membres tous les deux ans. » Selon le texte de l'article 124, l‟instance de l‟information comprend tous les secteurs de presse audio-visuelle, écrite et électronique. Si la création d'une autorité indépendante de la communication audiovisuelle est nécessaire, l'inclusion de cette Autorité dans le projet de constitution de la presse écrite et électronique est une adulation 188 inégalée dans tout système démocratique. Par conséquent, l‟article 124 devrait être révisé pour expliquer explicitement que l‟autorité mentionné est relative à la communication audiovisuelle sans plus, et qu‟elle doit respecter les traités et conventions internationales sur la liberté d'expression et le droit à l'accès à l'information. Cette instance constitutionnelle selon l‟article 122 du projet est dotée « de la personnalité juridique et de l'autonomie financière et administrative » et « élue par l'Assemblée du peuple à laquelle elle présente son rapport annuel et devant laquelle elle est responsable. » L‟instance de l‟information proposée est une structure politique qui serait un gardien sur la presse rappelant le Ministère de l'Information sous les rubriques de régulation et développement et le garant de la pluralité et l'intégrité. Selon le projet, l'Autorité sera soumise à la logique des quotas politique et partisan lors de l'élection de ses membres par le Parlement. Le projet de la constitution n‟a pas mis de conditions particulières concernant l'affiliation professionnelle des membres et simplement s‟est contenté des termes « membres indépendants, neutres, compétents, expérimentés et intègres. " Les termes utilisés dans le cadre de la composition de l‟Autorité gardent les portes ouvertes à toutes les possibilités et conduira à l'exclusion des professionnels du domaine qui n‟auront pas un mot à dire dans la gestion et le développement de leur secteur et la promotion de la liberté d'expression et de presse. Le meilleurs moyen pour assurer l'indépendance de l‟Autorité de la communication audiovisuelle, et l'efficacité de son rôle dans la régulation et le développement du secteur et la protection de la liberté d'expression et de presse, est d‟avoir une composition ouverte aux journalistes, aux propriétaires des médias, aux représentants de syndicats ayant une 189 base largement représentative, ainsi qu‟aux représentants des pouvoirs judiciaire, législatif et exécutif. Cette diversité dans la représentation assure l'équilibre et protège l‟Autorité contre toute déviation. Le Centre de Tunis pour la liberté de la presse estimant tous les efforts réalisés par les membres de l'Assemblée constituante en vue de parvenir à une constitution démocratique pour une Tunisie moderne, considère qu'il existe de graves lacunes dans le dernier projet de la Constitution tunisienne, y compris en matière de liberté de la presse et d'expression, qui risquent de vider la Constitution de son contenu. Le Centre, en conséquence, s‟intéresse à soumettre les recommandations suivantes en vue de parvenir à des dispositions constitutionnelles en conformité avec les normes et les conventions internationales: Enoncer dans le préambule la liberté d'expression comme l'une des garanties d‟un système démocratique Enoncer le contenu de l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques au lieu de l'article 30 du projet de la constitution proposé Garantir le droit à l'information et définir les restrictions qui doivent être en accord avec celles prévues dans l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politique et définies par la loi d‟une manière précise et elles doivent être nécessaires, et Définir le champ d‟intervention de l‟Autorité de l‟information dans les domaines audio et visuel seulement, et assurer une composition équilibrée qui comprend des journalistes, des propriétaires des médias, des syndicalistes et des représentants des pouvoirs législatif, judiciaire, exécutif loin des quotas partisans et politiques. Tunis, le 29 juin 2013 190 191 COMITES DE REDACTION DANS LA PRESSE PUBLIQUE TUNISIENNE EXPERIENCES ET DEFIS Ce rapport est élaboré par : Najla Ben Salah Fahem Boukaddous Introduction : La dictature tunisienne s‟est comportée avec les médias publics en tant que « butin » politique qui devait être instrumentalisé, pour servir les politiques autoritaires ainsi que ses concepteurs et bénéficiaires, et être utilisées pour justifier toutes les pratiques d‟oppression, exploitation et pillage. Ce régime a essayé de trouver plusieurs mécanismes pour transformer le service public médiatique en un appareil de propagande partisanoautoritaire et le déposséder de ses rôles présupposés : informer, éduquer et superviser, celles-ci ont été fondées sur la mentalité de l‟accaparement administratif et la marginalisation de l‟acte journalistique. De larges champs de liberté d‟expression imposés par la révolution tunisienne ont contribué à lancer des débats sur la presse publique en période de transition démocratique, de même que la société ouverte y a contribué avec enthousiasme qu‟ils soient employés dans des établissements de presse publique, experts tunisiens et étrangers ou des organismes concernés par la liberté de presse. 192 Cependant, ceux qui ont travaillé sur ce dossier étaient préalablement conscients qu‟ils étaient face à un dossier complexe dans lequel viennent se croiser le juridique avec le structurel et l‟administratif et où l‟héritage du délabrement médiatique a une forte influence sur tous les processus de réforme dans le secteur. Et devant le fait qu‟ils n‟étaient pas en mesure d‟attendre des années avant la réalisation effective d‟une feuille de route supposée pour le sauvetage, ils ont essayé de se livrer à des opérations d‟immersion dans des établissements de presse pour barrer le chemin devant la continuité de l‟emprise administrative dans la rédaction et la mise en œuvre des rôles journalistiques, ainsi les comités de rédaction qui dirigent le travail éditorial quotidien sont une manifestation de cette immersion. Alors comment on a pu aborder ce cadre dans la presse publique tunisienne ? et quelles étaient les difficultés qui peuvent y surgir ? et quelles sont les limites de son action en vue d‟atteindre l‟indépendance de la rédaction ? 1. L’expérience des comités de rédaction dans les radios publiques tunisiennes - L’expérience de la radio culturelle La radio culturelle a mené une expérience d‟une formation d‟un comité de rédaction auprès du service des informations qui se compose des journalistes suivants : Naima Dsouri Asma Baccouche Zakia Mansouri Soumaya Ferjani Rahma Hemadi 193 Faouzia Ghiloufi Houda Hadj Kacem Sallouha Boukéri Nessrine Smida Leïla Medjahed Ahmed Oueslati Néji Ben Jannet Taïeb Chelbi Fatma Rezgui Le choix a été fait sur Mohamed Lassaâd Dahech comme rédacteur en chef et ce par un commun accord. La journaliste Naïma Dsouri dit que les journalistes ont proposé le nom de Dahech suite à la vacance du poste de rédacteur en chef. Cette proposition a été approuvée. Elle souligne que tous les journalistes du service des informations dans la radio culturelle opèrent dans le cadre d‟un seul groupe et se réunissent avec le rédacteur en chef pour la distribution des missions sans que ce groupe ne soit présidé par qui que ce soit. - L’expérience de la Radio Nationale Les journalistes et les animateurs de la radio nationale ont revendiqué depuis le mois de février 2011 un comité de rédaction, celui-ci a été élu le 18 mai 2012 et se compose des journalistes suivants : Ali Brahem Boutheïna Gouia Hatem Ghariani Lilia Housseini Walid Tlili 194 Ce comité a été annulé par le président directeur général de la Radio Nationale le 20 mai 2012 pour les motifs ci-après et conformément à un communiqué fait à cet effet : son illégitimité et son illégalité ayant été considéré comme une administration parallèle à la radio nationale et une alternative à l‟administration issue du gouvernement légitime élu. ayant basé ses élections sur un décret non validé à savoir le décret-loi 115. Considéré comme ayant causé un dérèglement au travail administratif et il est des prérogatives du directeur général de l‟interdire. Le comité de rédaction dissous avait pour mission de préparer la programmation dans la radio et la sélection des invités ainsi que de définir les missions des équipes de travail. - L’expérience de la Radio Jeunes Le 17 janvier 2011 un premier comité de rédaction a été formé composé de : Mohamed Ali Marzouk (service des sports) Lilia Housseini Amira Zaidi Arbi Batini Malek Trabelsi Mais les élections de ce comité n‟étaient pas valides vu qu‟elles n‟ont pas respecté le principe de l‟anonymat et que ceux qui y ont accédé n‟ont pas déposé leurs candidatures mais ils ont été proposés comme tels par leurs collègues. 195 Ce comité était censé œuvrer à fixer les lignes de programmation et priver l‟administration de s‟en emparer et la défense de la ligne éditoriale de l‟Etablissement, mais des tiraillements administratifs et politiques ont fait entrave à ce dessein. Cette expérience a pris fin au terme de six mois en vertu d‟un accord préalable. Le deuxième comité s‟est formé de : Karim Zoghbi Arbi Batini Wissal Zouari Le service des sports n‟a présenté aucun candidat pour ce deuxième comité qui s‟est limité au service d‟animation. Cette expérience a été interrompue par la direction de la radio. Le directeur de la radio Ammar Chikhi l‟ex-directeur de la radio jeune affirme que cette décision était centrale et concerne tous les services d‟animation des radios tunisiennes avec l‟appui de l‟ex-Président directeur général monsieur Habib Belaid qui a laissé libre cours aux comités qui ont prouvé leurs capacités et leurs efficacités à l‟instar du cas de la Radio Nationale. Chikhi a considéré que cette décision était fondée sur : Un ensemble de réunions de travail avec des experts de la BBClors desquelles ils ont confirmé que les conseils de rédaction dans le domaine de l‟animation est une lubie qui ne peut être concédée. Dérive du travail du comité censé veiller à l‟instauration d‟une ligne éditoriale et l‟élaboration d‟un projet d‟un code de conduite et l‟organisation des relations professionnelles avec les différents corps en un pur travail syndical qui se trouve presque limité à la défense des droits des animateurs, la distribution des heures de 196 travail et la répartition des programmes et où le rôle de chacun n‟est pas clarifié. La difficulté de discussion avec le comité lors de l‟élaboration de la grille des programmes. Chikhi affirme que durant toutes les étapes où il traitait avec ces comités « il a tenté de pousser vers l‟institution en leur faveur suivant un règlement intérieur » tout en tenant leurs membres pour responsable de ne pas avoir proposé un texte fondateur pour ce travail. Et en octobre 2011, le service des informations a connu une expérience d‟élection d‟un comité de rédaction et qui s‟est composé de : Malek Riahi Béchir Sahani Emna Ghezal Mabrouk Kaib Malek Riahi a été désigné président du comité élu pour remplir les missions de chef de service des informations. La journaliste Amel Chakchouk qui occupait ce même poste à cette période dit qu‟en principe il a fallu coordonner entre le comité de rédaction élu et la direction de la rédaction afin de répartir les missions conférées à l‟équipe des informations mais elle a choisi de démissionner à cause de multiples pressions exercées sur elle.Le travail de ce comité a continué normalement mais avec le départ de trois de ses membres de la Radio pour différents motifs ; il finit par disparaître malgré le remplacement de Riahi par la journaliste Fatima Ben Ahmed le 2 juillet 2012. - L’expérience de la Radio Tunis Internationale 197 Au mois de mars 2011 on entame la discussion au sein de la radio Internationale « au sujet de la nécessité de formation d‟un comité de rédaction mais un désaccord au sujet de sa définition et de ses missions survient, d‟après une déclaration du rédacteur en chef de la Radio Sonia Attar. Cette discussion à propos du comité de rédaction est interrompue faute de présentation de candidatures pour ce comité, mais cette situation a été vite dépassée et un comité de rédaction est élu composé de Ines Jelassi et Fairouz Khairallah, et qui coordonne ses travaux avec Attar, mais ce comité n‟a pas été rendu opérationnel, son existence était formelle à cause de la non disposition des journalistes à se présenter aux réunions quotidiennes. La journaliste Nadia Haddaoui rattache le non déroulement des audiences quotidiennement à plusieurs raisons : Premièrement, à la méthode de travail adoptée dans la Radio, une méthode qui se base sur la répartition des journalistes en groupes qui se relayent quotidiennement en trois séances, ce qui rend la réunion des journalistes et le comité de rédaction chose impossible contrairement à l‟usage connu dans d‟autres radios internationales. Deuxièmement, au-delà du fait que cette répartition est due partiellement au manque de journalistes travaillant dans la Radio, il en reste pas moins que la salle de rédaction occupe un espace réduit ne lui permettant pas à la base d‟accueillir des conseils de rédaction élargis. Troisièmement, et à l‟instar d‟autres radios nationales, le rédacteur en chef de la Radio Tunis Internationale s‟est appuyé sur des chefs d‟éditions qui gèrent les trois espaces d‟information, alors que l‟un ou l‟autre des répartitions ne peut aboutir à un apport qualificatif de la matière des informations ni enrichir l‟édition par la multiplicité des formes 198 journalistiques radiophoniques car ceci nécessite de sérieuses réunions pour répartir le travail, choisir les sujets et diversifier les modes d‟approche de la matière des informations, pour cela il aurait été plus efficace par exemple d‟adopter une méthode de travail qui répartit les groupes de façon à ce que chacun travaille trois jours d‟affilée. Quatrièmement, il existe un dérèglement fondamental que la radio a hérité, il s‟agit de la distinction fictive de ses employés entre journalistes se contentant de rédiger les informations et de les lire et d‟animateurs qui animent des émissions de variétés et autres programmes, y compris les émissions de débats qui sont au fond un travail journalistique requièrant des aptitudes qui ne se trouvent pas forcément chez les animateurs qui sont en majeure partie des collaborateurs externes. Enfin, au sein des programmes, il y a une séparation ferme entre ce qui est animation assurée par les animateurs et ce qui présente d‟autres genres de presse tels que le reportage, le débat, le commentaire des informations et les interviews, etc. en fait on n‟apprécie pas le travail du journaliste à sa juste valeur dans les programmes d‟animation, il n‟existe même pas de possibilité d‟interaction entre les journalistes et les animateurs. Tout compte fait, quelques émissions proposées par des journalistes tel que « Café noir » sont considérées aux yeux de l‟administration comme animation et non comme un travail journalistique tout en sachant qu‟en préparant cette émission matinale « Café noir » , j‟ai demandé à mes collègues journalistes (femmes) au service des informations de participer à cette émission et de proposer un angle d‟information afin de l‟enrichir et la réponse de l‟une d‟elle était que ce serait un travail supplémentaire non rémunéré et c‟est là où se situe le paradoxe, car on ne peut 199 demander à un journaliste sous payé de faire un travail qu‟il juge supplémentaire et non rémunéré ». - L’expérience de la Radio Sfax On a commencé à réfléchir sur la formation d‟un comité de rédaction dans « la radio Sfax » depuis le 16 février 2011 à l‟issue d‟un débat tenu entre les journalistes et les chefs de service au sein de la radio. Le 8 mars 2011 des réunions périodiques ont débuté pour réfléchir au sujet de la forme de ce comité, pour qu‟ensuite une date a été fixée qui est le 27 mars 2011 pour les élections du comité et la majorité des journalistes y ont participé. Ces élections ont abouti aux élus suivants : Houda Hadj Kacem Thouraya Miladi Fatma Makni Mohamed Ben Jemâa Outre deux membres suppléants qui sont Houda cherif et Abir Chakroun. La journaliste Houda Hadj Kacem dit, « Il a été convenu que le rôle du comité sera consultatif à condition que les chefs de service de la Radio ne seront pas exclus, les travaux de ce comité n‟ont à peine duré quelques jours, que tous ses membres ont été renvoyés d‟une réunion périodique avec l‟administration par le biais de l‟accusation portée sur une partie de ces membres d‟être liés à l‟ancien régime ». - L’expérience de la Radio Gafsa Le comité de rédaction au service des informations dans la Radio de Gafsa n‟a duré que six mois, les journalistes de la Radio ont élu en juin 2011 quatre journalistes qui sont : Najet Shili 200 Thouraya Ben Mohamed Ridha Othmani Makram Henchiri Et il a été convenu que le nouveau comité exercera pour un court mandat (six mois) puis il n‟a pas eu de réélection d‟un nouveau comité de rédaction. Béchir Tanberi, rédacteur en chef du service des informations à la Radio dit que la majorité des journalistes de la radio régionale n‟ont pas montré d‟enthousiasme pour renouveler l‟expérience du comité de rédaction qui, selon lui, était une pratique non courante. Les statuts de la Radio n‟ont pas prévu de telles pratiques. Tanberi ajoute qu‟il n‟existe pas dans le monde d‟expériences de comité de rédaction notamment dans le secteur audiovisuel et affirme que les conseils de rédaction quotidiens sont suffisants dans la radio régionale.Dans le même mois à savoir juin 2011 un comité de rédaction propre à la production a été élu, auquel ont participé des journalistes, des animateurs ainsi que ceux qui sont concernés par l‟exécution des contenus et leurs productions.Ces élections ont débouché sur le succès de Rim Mohamed (productrice exécutive) et Soumaya Rejeb (animatrice) auxquelles viennent s‟ajouter deux agents administratifs.Rim Rejeb disait que le comité chargé de la préparation d‟une grille de programmes et l‟exécution des contenus radiophoniques est devenue analogue à un conseil d‟administration ou la présence de Rim Mohamed et Soumaya Rejeb était formelle, et elles n‟ont dû assister qu‟a deux réunions seulement, et ce après avoir contribué à la préparation de la grille radiophonique pour la saison estivale 2011 et la grille transitoire, et qu‟ensuite l‟invitation n‟a pas été adressée à Rim Mohamed et Soumaya Rejeb, ce comité n‟a pas ressuscité surtout que « la sphère de la consultation dans la Radio de Gafsa est étendue par le moyen de 201 réunions avec les chefs de services et les responsables de l‟exécution des contenus »,selon Soumaya Rejeb. - L’expérience de la Radio Tataouine On a constitué au sein de la Radio Tataouine ce qu‟on appelle « un conseil d‟administration » qui se réunit de façon hebdomadaire. Ce conseil est composé d‟un représentant de l‟administration, un représentant de la programmation, un élément qui représente les informations et un autre membre technicien. Un conseil au cours duquel on fixe la politique de programmation de la Radio dans les différents services et où se tient le débat sur tout ce qui survient durant le travail radiophonique dans les différents services ainsi que la relation entre ces services. La journaliste de la Radio Mabrouka Sdiri dit que « cette expérience n‟a pas duré longtemps pour de nombreuses raisons, notamment avec le changement des directeurs de la Radio Tataouine dans une période courte ; on a par la suite vécu une période durant laquelle se tenaient deux réunions de rédaction quotidiennement et simultanément, la première se rapporte aux informations et la deuxième est relative à la programmation qui fixe le programme d‟une journée entière ainsi que les informations. Cette dernière réunion définit le travail quotidien dans les deux services en question et la coordination entre ces services. Pendant ces deux réunions, le débat porte sur le choix des sujets à couvrir et les modes opératoires à travers de différentes formes journalistiques courantes. Le recours à cette réunion est interrompu quant à la programmation et continue à se dérouler d‟une manière interrompue dans le service des informations et nous œuvrons à sa relance une fois la situation sera stabilisée à la Radio ». 202 Nabil Sadraoui, responsable de la programmation et l‟ex-directeur de la Radio, disait que la Radio n‟a pas connu l‟expérience d‟élection de comités de rédactions contrairement aux autres radios publiques, mais plutôt l‟expérience des conseils de rédaction au début de l‟année 2012 suite à un accord entre la majorité des journalistes devant le fait que la situation à cette période n‟était pas propice à la tenue d‟élections. Nabil Sadraoui a endossé la responsabilité de la direction de programmation et Fethi Chroudi est maintenu dans son poste de rédacteur en chef. Mabrouka Sdiri souligne que « le changement successif des directeurs de la Radio de Tataouine n‟a pas permis à la radio et encore moins aux deux collègues Nabil Sadraoui et Thameur Zoghlami de finaliser le travail qu‟ils ont entamé concernant les réunions de rédaction et des conseils d‟administration et tout ce qu‟ils ont entrepris pour la réforme des rouages de la gestion de la Radio sur les plans administratif et journalistique. L‟instabilité à la tête de l‟administration de la Radio nous a empêchés d‟achever aucun des programmes pour pouvoir évaluer le travail selon l‟usage courant dans les plus enracinées des démocraties et ce malgré notre connaissance du travail dans de nombreuses grandes institutions médiatiques tels que Radio Monte Carlo ou Deusche Welle ou la suisse Hirondelle dont de nombreux de ses représentants ont effectué des stages avec nous ». - L’expérience de la Radio du Kef Après la révolution et au mois de mai 2012, quatorze (14) journalistes sur un nombre total de 20 approximativement ont élu un comité de rédaction au sein du service des informations et qui s‟est composé de : Mohamed Balti Fethi Raies 203 Dhouha Boubakri Le journaliste Mohamed Balti dit que « un certain nombre de journalistes ont choisi de boycotter ce comité chose qui a rendu son travail boiteux, face au non-respect de tous les collègues de ses recommandations, à ceci vient s‟ajouter le fait que les membres élus n‟avaient pas la connaissance des fonctions du comité de rédaction qui se voit très souvent interférer avec le rôle des conseils de rédaction. Je me suis porté candidat tout en ayant à l‟esprit que les attributions du comité de rédaction seraient de définir une ligne éditoriale claire pour la Radio, sa sauvegarde ainsi que le maintien de l‟impartialité du contenu radiophonique. Balti ajoute « qu‟il n‟aurait pas pu envisager que le comité de rédaction pouvait avoir la tutelle sur les conseils de rédaction », et dit que « le comité de rédaction, suite à son élection, et avec la coordinatrice des informations Akila Harbaoui qui remplissait une fonction qui ne lui a pas été attribuée, supervisait les réunions de rédaction quotidiennes », et il met l‟accent sur le fait que cette confusion dans les attributions du comité de rédaction a précipité son échec et qu‟elle n‟a pu durer plus que trois semaines. - L’expérience de la Radio Monastir Un comité de rédaction a été créé à la radio Monastir sous la direction de Jamil Ben Ali et qui est formé de six employés de l‟établissement dont deux techniciens et qui sont : Samia Ghazouani Abid Walid Boukhris Selim Hizem Thouraya Allègue 204 Hayet Krimi Le journaliste à la Radio Hafedh Laârif dit, « Le comité était essentiellement un comité de production, il a essayé de remplir son rôle mais il n‟a pas duré longtemps, ses membres, ayant démissionné après que le Président directeur général a remis en question son rôle et il a dissous le comité de production qui s‟est constitué à la radio centrale malgré qu‟il soit élu ». Laârif affirme que « en l‟absence de ce comité et d‟une ligne éditoriale à caractères bien définis, la Radio Monastir fonctionne à l‟aide de compétences qui visent à éviter le tiraillement politique et les instructions partisanes provenant de certains responsables politiques et décideurs dans la région. On trouve alors certains qui se soumettent aux instructions et d‟autres qui les combattent dans le cadre de l‟impartialité et l‟indépendance ». 2. L’expérience de la Télévision nationale tunisienne La Télévision nationale tunisienne a mené l‟expérience d‟élection d‟un comité de rédaction auprès des services des informations après la révolution et précisément au mois de février 2011 et ce suite à un sit-in fait par les journalistes de la Télévision nationale le 25 février 2011, des élections ont eu lieu pour permettre l‟ascension des journalistes suivants : Fatine Hafsia Fateh Felhi Khadija Soua Moufida Hachani Hamadi Ghidaoui Abderrazak Tabib 205 Ce comité a travaillé quatre mois seulement, c'est-à-dire jusqu‟au mois de mai 2011, sauf que son travail est interrompu à cause de ce qui appelait le journaliste Fatine Hafsia « des tiraillements politiques » à l‟intérieur de l‟établissement de la Télévision nationale. Le journaliste Said Khezami s‟est opposé au travail avec ce comité et ce après sa désignation comme rédacteur en chef du service des informations le 24 mars 2012. Le comité de rédaction a été dissous à cause de la négligence de l‟administration de son rôle, les deux journalistes Fatine Ben Hafsia et Abderrazak Tabib se sont retirés du comité de rédaction en signe de protestation contre cette négligence. Un deuxième comité de rédaction se voit élire le 20 septembre 2012. Toutefois l‟administration ne l‟a pas reconnu d‟après la déclaration d‟après la déclaration du journaliste Fatin Hafsa, la direction générale de la télévision a attaqué ces élections et le deuxième comité est dissous. Les journalistes ont revendiqué la formation d‟un comité d‟experts pour proposer un nouveau rédacteur en chef qui ne sera pas désigné par l‟administration, le choix est fait sur la journaliste Chédia Khedhir au mois de mars 2013 par cette commission d‟experts présidée par le Professeur Abdelkarim Hizaoui directeur du Centre Africain de perfectionnement des journalistes et communicateurs (CAPJC)et dont les membres sont : le Professeur Fatma Azzouz, le Directeur de l'Institut de presse et des sciences de l'information (IPSI) Taoufik Yaâcoub, l‟expert Kamel Essamari, la journaliste Aitidel Mejbri et la journaliste à la Télévision tunisienne Chedia Khdiri, qu‟elle n‟a pas encore obtenu une copie du rapport du comité d‟experts qui a statué sur les projets de candidature pour le poste de rédacteur en chef des informations à l‟issu duquel la journaliste a obtenu le premier rang dans le dit concours au mois de mars 2013. 206 Mais ce résultat n‟a pas été honoré, et on a nommé Moufida Hachani qui a obtenu la deuxième place dans les résultats du comité comme rédacteur en chef des informations son adjoint, étant Fateh Felhi, qui n‟a même pas présenté sa candidature pour ce poste selon la déclaration de Khdir. Et elle dit, qu‟en revanche, elle se voit proposer le poste de rédacteur en chef adjoint chargé du suivi de la ligne éditoriale, l‟évaluation et la formation à l‟administration des informations. Ce poste est un poste administratif incompatible avec la nature du concours auquel la candidature s‟est présentée. Et Moufida Hachani a été nommée rédacteur en chef du service des informations malgré que la commission d‟experts lui a attribué la deuxième note et Younes Felhi a été nommé adjoint de Hachani pourtant celui-ci n‟a pas présenté sa candidature auprès de la commission. La journaliste Chédia Khédhir ajoute qu‟elle a été objet d‟harcèlement en raison de sa présence aux réunions de rédaction en sa qualité de chef de service à la télévision et qu‟elle s‟est destituée de ce poste à cause de l‟accaparement du rédacteur en chef des informations du choix des angles des sujets à traiter, selon ses dires. 3. L’expérience du journal « Essahafa » Les journalistes du journal public « Essahafa » ont élu le premier comité de rédaction le 18 février 2011, et Lotfi Arbi Essnoussi a été élu rédacteur en chef et Khemaies Arfaoui comme rédacteur en chef adjoint en janvier 2012. Ce comité de rédaction élu est composé de : Ibrahim Khlifi Najet Mlaiki Naïma Kadour 207 Mourad Allala Adel Brisni Salem Boulifa Ce comité de rédaction élu fonctionne pour un mandat de deux ans ayant que de nouvelles élection seront organisées pour élire le rédacteur en chef et son adjoint ainsi qu‟un nouveau comité et ce en janvier 2014. Le comité veille à garantir la préservation de la ligne éditoriale du journal, reçoit les allégations des journalistes dans les cas où leurs travaux seraient censurés et œuvre au suivi du respect des journalistes de la déontologie du métier journalistique. 4. L’expérience du journal « la Presse » Le journal en langue française « la presse » a élu un premier comité de rédaction le 14 janvier 2012 et monsieur Mongi Gharbi a été élu rédacteur en chef le jour même et Lassâad Ben Ahmed en tant que rédacteur en chef adjoint. Ce comité est composé de : Nizar Hhajbi Rafika Hargem Sofiane Ben Farhat Raouf Seddik Olfa Ben Hassine Il a été convenu à ce que ce comité de rédaction élu ; et qui avait pour attributions de garantir la préservation d‟une ligne éditoriale du journal, présenter les propositions des sujets quotidiens et développer la charte de rédaction de l‟établissement ; fonctionne pour une durée de deux ans mais d‟autres parties ont mis la pression sur le rédacteur en chef qui a 208 été contraint à démissionner au mois d‟août dernier, selon la déclaration du journaliste Nizar Hajbi. Hajbi a dit, suite la démission du rédacteur en chef Mongi Gharbi, le Directeur général de l‟établissement a désigné un rédacteur en chef provisoire, Slaheddine Ghrichi, mais cette désignation s‟est heurtée à un refus de la part des journalistes. Ensuite, le comité de rédaction a abouti sur une décision : tenir des élections anticipées pour un nouveau comité de rédaction un rédacteur en chef et son adjoint et ce pour le 11 octobre 2013. 5. L’expérience de la Agence Tunis Afrique Presse (TAP) La décision de créer un conseil de rédaction au sein de l‟Agence Tunis Afrique Presse (TAP) a été prise lors de l‟assemblée générale de la chambre de rédaction organisée le 9 mars 2011 avec l‟objectif d‟évaluer le rendement de l‟Agence pendant la période qui a suivi la révolution du 14 janvier. Il a été suggéré d‟avoir un conseil qui comprend des représentants des différents départements de rédaction au sein de l‟Agence et qui sera chargé de mettre en place une ligne éditoriale indépendante tout en ôtant son caractère « officiel » et sa « loyauté envers le gouvernement » à l'établissement, comme a été indiqué dans le procès-verbal de l‟assemblée. Ce cadre a été composé de ce qui suit : Mouna Mtibaa Houda Hammami Sana Kliche Ichraf Essid Basma Chetaoui Sarra Belghith 209 Imen Haddad Ainsi que les membres suppléants : Moufida Touati, Abdelkarim Jaouadi, Olfa Habbouba, Kalthoum Belalgiah et Hajer Touiti. La journaliste de la TAP, Moufida Touati, a dit que le travail du comité de rédaction n‟a duré que 6 mois et s‟est arrêté en novembre 2011 à cause des problèmes procéduraux et des obstacles juridiques imposés par les statuts de l‟Agence qui ne mentionnent pas la création d‟un comité de rédaction élu par les journalistes. Elle a noté que les statuts nécessitent plusieurs révisions reflétant les exigences du travail journalistique dans l'Agence aujourd'hui, et en étant compatible avec le processus démocratique en Tunisie, surtout que la liberté de la presse est devenue un pilier fondamental de ce processus. La journaliste de l‟Agence, Mouna Mtibaa, considère que « la problématique pour le fonctionnement du Conseil ne réside pas dans les textes juridiques qui régulent le fonctionnement de l‟Agence, mais dans la précipitation avec laquelle on l‟a créé et le manque de clarté par rapport à ses fonctions. En plus, les exigences de cette étape et le dégagement de l'administration publique de toute responsabilité vis-à-vis ce sujet ont laissé dans l‟ambiguïté le travail du comité qui se trouve forcé d'intervenir, en coordination avec les cadres syndicaux de l‟établissement, dans de nombreux dossiers à caractère administratif qui concerne la rédaction et les journalistes ». Touati a expliqué l‟échec de la première expérience aussi par le manque de familiarité avec les tâches réelles attribuées au comité de rédaction eu égard que l‟expérience qui est apparue directement après la révolution et qui est complètement nouvelle non seulement pour l‟Agence mais aussi pour tous les organes de presse en Tunisie. La 210 journaliste a aussi souligné la nécessité d'une plus grande sensibilisation à l'importance du rôle à jouer par le comité de rédaction pour contrôler la ligne éditoriale et obliger les journalistes à être strictement fidèles aux principes de la neutralité, l'objectivité et la crédibilité, d'autant plus que cela concerne les médias publics. Touati a aussi souligné la nécessité de partir d‟une base légale et procédurale claire pour pouvoir créer un comité de rédaction constitué par les collègues qui s‟y relayent d‟une manière démocratique et transparente, avec une mission liée exclusivement autravail journalistique et loin du travail administratif de manière à ne pas confondre la gestion avec la rédaction. Elle a également souligné la nécessité de l‟engagement de tous les journalistes à se soumettre aux recommandations du comité de rédaction bien qu‟elles soient consultatives et à ses décisions impératives à condition qu‟il respecte la neutralité et qu‟il travaille selon des standards définis et préalablement convenus entre tous les journalistes, en mettant l‟accent sur l‟importance de fait que les fonctions du comité de rédaction ne se limitent pas aux seuls contrôle de la ligne éditoriale et l‟amélioration du télégramme, mais également d‟assurer une protection légale et morale des journalistes. Touati a ajouté que de nouveaux projets ont été présentés par ses collègues et aussi par les deux syndicats des journalistes et de la culture et de l‟information avec l‟objectif de relancer l‟expérience et mettre en place un comité de rédaction au sein de l‟Agence. Ces projets sont à l'étude, notamment en ce qui concerne le caractère contraignant ou consultatif du comité, ainsi que sa relation professionnelle avec la direction de la rédaction, les journalistes et la direction générale. L'Agence se prépare également à lancer un code de conduite. 211 6. Vision de l'intérieur des comités de rédaction: Ammar Chikhi : Les comités de rédaction n’étaient qu’une reproduction diversifiée de l’existant Ammar Chikhi, qui a occupé le poste du directeur de la Radio Jeunes du 20 février 2011 jusqu‟au 20 avril 2012 avant d‟être nommé à la tête de la Radio Gafsa du 1eraoût 2012 jusqu‟au 1erseptembre 2013, nous a parlé de son expérience avec les comités et conseils de rédaction au sein de l‟Etablissement de la radiodiffusion-télévision tunisienne (ERTT) en tant que directeur de la Radio Jeunes. Chikhi dit : « Le rapport général de l‟Instance Nationale pour la Réforme de l‟Information et de la Communication de l‟année 2012 représente une des références les plus importantes puisqu‟il a défini le degré de dégâts subis par la presse et par les entreprise de l‟information et la déontologie journalistique. Et en dépit de la littérature énorme qui a discuté un tel sujet, nous voyons qu'il est possible de se limiter à ce qui a été stipulé dans le présent rapport concernant la situation de délabrement du secteur audiovisuel avant la révolution. » Le rapport a mentionné dans le premier paragraphe de l‟introduction générale ce qui suit : « Les pages de ce rapport comportent une description et une analyse des dégâts de l‟hostilité contre la presse pendant le temps du Général Zine El-Abidine Ben Ali (1987-2011) et des recommandations pour la réforme de la presse et pour se débarrasser des séquelles que cette l‟hostilité avait laissées dans les organes de presse, ainsi que les atteintes contre la profession et la déontologie du journalisme. » 212 Cette déclaration des spécialistes décrit la réalité ardue qui a accompagné le journalisme. Cependant, et pour être objectif, il ne faut pas nier l‟existence d‟autres facteurs internes et essentiels auprès des professionnels qui ont préparé le terrain pour cette situation et ont justifié l‟hostilité durant vingt-trois années. Cette situation a poussé l‟instance, et depuis les premiers mois de la révolution tunisienne, à suivre une approche participative ouverte pour nourrir le secteur avec des expériences internationales, et organiser des ateliers de travail et des séminaires pour contribuer à la réhabilitation des journalistes et les encourager à redresser le processus et produire un cadre professionnel saint et moderne. » Chikhi a confirmé, « Cet effort a été accompagné par et a coïncidé avec d‟autres efforts et tentatives de réparation des établissements de médias publics y compris, l'expérience relative à l‟élection des comités et conseils de rédaction dans les départements de production et de diffusion au sein de la Radio Jeunes de l‟Etablissement de la radiodiffusion tunisienne. » A propos de cette expérience, Chikhi a dit : « La Radio tunisienne a connu lors des premières heures après la fuite du président déchu un processus accéléré d‟événements et d‟actions comme une tentative de capter la chaleur de la révolution et en réponse au mouvement populaire qui a dépassé le seuil de la peur et a libéré les gens de sa prison. » Ces mouvements populaires ont incité à lancer le mot de la Révolution « Dégage » en face d‟un groupe de directeurs, fonctionnaires, journalistes et animateurs à cause de leur affiliation à l‟ancien régime. Ce mouvement et ce torrent d'ébullition dans les rangs des journalistes, producteurs et autres, a créé au sein de la Radio Jeunes un espace 213 énorme de libertés et de chaos, ce qui causé le départ du premier responsable de la direction, Olfa Chergui, et le refus de certains journalistes de reconnaître le responsable du département des informations, Amal Chakchouk. Les animateurs ont ensuite gelé l'activité du responsable de la programmation, Basma Soltani, ce qui a permis de laisser l‟espace ouvert et vide en face des personnes laborieuses comme les opportunistes pour imposer leurs visions et leurs conditions de travail sous la bannière de « La radio est un service public et la voix de la révolution. » Après un seul mois de la révolution, le Premier ministère a nommé Habib Belaid à la tête de l‟Etablissement de la radiodiffusion tunisienne qui, luimême, étant à la quête de l‟impartialité et souhaitant assurer la continuité de du service public, a nommé un groupe de nouveaux directeurs qui n‟ont rien à voir avec l‟établissement médiatique. Cette nouvelle situation a incité les journalistes et les animateurs à proposer l‟idée d‟élire des comités et conseils de rédaction pour : - Une première garantie et une fortification impénétrable contre le retour des instructions administratives imposées et projetées. - Exercer leur droit professionnel de choisir un rédacteur en chef. - Exercer leur droit d'élire un comité de rédaction en tant qu‟une autorité régulatrice interne. - Identifier les contenus et les formes médiatiques et leurs méthodes de production. - Exclure tous le personnel laxiste et affilié à l'ancien régime. - Consacrer l'indépendance de la rédaction d‟une manière définitive de l‟administration. - Définir le rôle de l‟administration dans la mise à disposition des besoins logistiques et le règlement des situations professionnelles ». 214 Chikhi confirme que, « à la lumière des facteurs susmentionnés et qui sont discutables, un groupe de journalistes et animateurs ont adopté la méthode du mouvement et ont adopté un ensemble de mécanismes pour faire pression sur l'administration afin de la forcer à accepter le principe de l'élection du comité de rédaction, et pendant ce temps, l‟Etablissement a vécu des perturbations au niveau de la performance et une absence inquiétante de la coordination entre les départements des informations et de la production, les voix, les invités, les programmes et les dérapages se sont répétés, le micro a été grand ouvert au public, et il y a eu un flux abondant d‟informations incitant les journalistes à revendiquer leur droit de dominer le studio et se sont entrés en conflit au sujet de la quantité de travail et la répartition des ressources humaines afin de couvrir les événements au cours de la révolution ». Chikhi a dit, « Cela n‟a pas été facile pour n‟importe quel responsable de diriger pendant cette période. La mission fondamentale que la direction de l‟établissement nous a chargé d‟accomplir était d‟accompagner tous les employés, d‟éviter les confrontations, faciliter le travail, ouvrir la porte aux plaintes et dialoguer avec eux avec beaucoup de patience et de compréhension tout en les rappelant la déontologie de la profession en trois mots : liberté, responsabilité et neutralité. Et ainsi, on accepter d‟organiser des élections au sein du Département des informations et du Département de la production à la Radio Jeunes ». Chikhi a ajouté, « Et après, les premiers signes d‟amélioration sont apparus ainsi que les signes de satisfaction et de convenance car les deux départements ont pu créer un comité élu obtenantle consentement de la majorité ». Et on s‟attendait à ce qu‟il y ait à l‟intérieur de la Radio Jeunes un genre de convenance au sein du Département des informations et ce après 215 l‟engagement du comité élu à coopérer avec l‟ancien rédacteur en chef. Mais les conditions ont empiré et la situation s‟est compliquée ce qui a conduit à la démission du président de le rédacteur en chef et la désignation du président du comité élu pour lui succéder. Seulement quelques jours après, le rôle du comité et avec lui sa raison d‟être ont disparu ; et donc il n‟était pas le mécanisme par lequel nous pensions qu'il allait contribuer à la sensibilisation des journalistes, fonder une nouvelle approche de travail et contribuer au développement du code de conduite ; il n‟était qu‟une manœuvre électorale pour la présidence??? ». Et dans le même cadre, Chikhi a ajouté : « Le département de la production a connu le même destin puisque le comité de rédaction a connu toute forme de coopération avec le chef service de la programmation en dépit de toutes des tentatives à briser la glace ; il s‟est apparu pour nous que le but des élections a été l‟exclusion et non pas l‟apprentissage à la démocratie. » Chikhi a dit, « Ces pratiques ont contribué à la complexité de la situation au sein de l‟entreprise médiatique, et le processus démocratique s‟est transformé en une situation non loin de ce qui prévalait avant, mais avec de nouveaux visages. Malgré tous les efforts qui ont été investis par la direction de l‟établissement sous forme de réunions, séminaires et ateliers de formation, l'expérience des comités élus a dévié pour produire un groupe qui ne défend que ses privilèges personnels, tandis que l'intérêt de l‟établissement et de la profession reste toujours secondaire: Alors, comment expliquez-vous l‟incapacité de centaines de journalistes et d‟animateurs de développer un code de conduite? Comment peut-on expliquer l‟absence d‟un texte organisant les horaires du travail des animateurs, et fixant leurs obligations envers leur 216 établissement avant de courir derrière le gain facile dans d‟autres institutions ? Et comment peut-on expliquer l‟état lamentable du siège de la Radio tunisienne et son acceptation par les employés qu‟on n‟a jamais vus protester? » Ammar Chikhi conclut en disant que « la formation des employés au sein de l‟établissement médiatique sur les pratiques démocratiques, comme le vote, la production d'un code de conduite, l'initiative de développer ou le sacrifice pour le bien commun doit être précédée par une réhabilitation intellectuelle, cognitive et professionnelle des employés avec la quête permanente pour améliorer leur situation financière, moderniser leurs outils de travail et les obliger à respecter les règles et les codes de travail ». Said Khezami: La télévision tunisienne n'était pas prête pour les comités de rédaction: Said Khezami, qui a été nommé rédacteur en chef du journal des informations de la Télévision Nationale tunisienne entre le 23 mars et le 23 novembre 2012, considère que « la demande de la formation des comités de rédaction dans les établissements de médias publics est venue après l‟état de „hystérie‟ connu par la scène médiatique après la révolution ». Il voit que « la mise en place des comités de rédaction dans les établissements de médias publics „la paille‟ à laquelle s'accrochait les professionnels des médias qui étaient obsédés par la création d‟un mécanisme pour l'indépendance des établissements de médias publics du pouvoir, et l'idée était de former un comité de rédaction au sein de ces établissements qui garantit l‟indépendance de la rédaction ». 217 A propos de l'échec du travail du comité de rédaction au département des informations à la Télévision Nationale, Khezami a dit, « Il n'ya pas de prise de conscience parmi les journalistes de l'importance du travail professionnel de sorte qu'ils se sont ralliés à la demande du comité de rédaction pour acquérir des postes. Le mécanisme d'élection dans la formation du groupe qui va coordonner le travail a été rejeté parce que, à ce stade particulier, les journalistes ne se sont libérés du principe de la loyauté et de tentations au détriment des intérêts de l‟établissement ». Il a ajouté que « l'échec s‟est poursuit même après la formation d'un comité pour choisir un nouveau rédacteur en chef, puisque le Président Directeur Général de l‟Etablissement m‟a limogé et nommé quelqu‟un d‟autre à ma place et a complètement ignoré la décision du comité qui a opté pour la journaliste Chadia Khedhir. Cela signifie que c‟est elle qui décide ». Khezami également tient le comité de sélection du rédacteur en chef du journal télévisé pour responsable de l‟échec « pour avoir accepté la décision de Bahroun relative au renversement du pouvoir qui était sous prétexte que la journaliste Moufida Hachani allait prochainement partir à la retraite, et cette justification était tout à fait injuste ». Et concernant les motifs du rejet de l'idée de la formation d‟un comité de rédaction au sein des établissements médiatiques, en particulier dans la Télévision nationale, Khezami a dit, « J‟ai résisté à l'idée de la formation d‟un comité de rédaction à la Télévision nationale pour une raison objective : il n'existe en aucune chaîne de télévision de renommée et plus précisément dans le département des informations un comité de rédaction élu. Le principe d‟élection n‟existe pas dans les chaines britanniques, françaises ou arabes ». 218 Il a ajouté, « Je ne suis pas par principe contre l'idée en général, mais contre sa mise en œuvre en ce moment et contre la façon dont elle a été présentée. La raison est que le climat de travail au sein de la Télévision Nationale n'est pas approprié pour la mise en place d‟une autorité qui décide sur la ligne éditoriale placée entre les mains de groupes affiliés dans le passé au régime corrompu et qui ne sont pas indépendants et impartiaux, surtout si les élections représentent la voie vers la formation d'un tel comité ; ceci en plus du fardeau d‟un héritage d„opportunisme et d‟exploitation qui pèse sur l‟Etablissement ». Il estime que les comités de rédaction ne peuvent réussir que dans des chaines de renommée comme la BBC et France 24. Khezami voit que la vraie solution réside dans le remplacement des comités de rédaction par un groupe de travail qui assure la coordination et la coopération dans la réunion journalière de la rédaction destinée à la planification de la couverture des événements. Ce groupe peut être composé de journalistes selon leur compétence et leur capacité de coordonner un travail d'équipe, et d‟un rédacteur en chef du groupe sélectionné par un comité d'experts après la présentation de projets de travail ». Il voit aussi que le groupe de travail n‟a pas à décider de la ligne éditoriale de l‟établissement médiatique, ce qui signifie l'équilibre entre la présence du gouvernement et de l'opposition dans la couverture médiatique et l‟harmonie avec la réalité géographique et historique de la Tunisie ainsi que le principe d‟impartialité et d'objectivité. Thameur Zoghlami : Des obstacles importants à la mise en place des comités de rédaction : Le journaliste et l‟ancien directeur de la Radio Tataouine, Thameur Zoghlami, considère que le concept de « comités de rédaction » a été fortement défendu en Tunisie postrévolutionnaire au sein des 219 établissements de médias publics pour plusieurs raisons y compris, en particulier, la responsabilité des rédacteurs en chef en à cette époque dans la subordination et l‟orientation des médias pour servir le pouvoir. Zoghlami voit aussi que malgré les faux pas et l‟ambigüité du concept, certains comités ont réussi à sécuriser cette période avec un niveau élevé de professionnalisme, « mais ils se sont heurtés à des obstacles nombreux parmi lesquels surtout leur manque d‟adaptation aux lois réglementant le fonctionnement de l‟établissement et le manque de compatibilité avec les méthodes traditionnelles de travail utilisées par les médias connus par leur professionnalisme». Zoghlami confirme que « cette expérience n'a pas pu continuer mais a été remplacée dans d‟autres établissements par un mécanisme connu qui est celui du „séminaire de rédaction‟ et, jusqu‟à ce jour, a connu un grand succès dans certains établissements, et ce avec l'aide de quelques experts étrangers spécialisés dans la couverture professionnelle des informations et des sujets ». 7. Les désignations arbitraires : Un obstacle principal aux comités de rédaction : Tous les organes concernés par la liberté de la presse en Tunisie sont unanimes que le développement de la rédaction, en tant que structure et ligne éditoriale, est confronté à un véritable défi qui est une pierre d'achoppement à toutes les tentatives de l‟écarter des tentatives qui essayent de l‟instrumentaliser et l‟utiliser, et qui sont les désignations imposées, parachutées et politisées de personnes à la tête des établissements de médias publics. Mohamed Dhaouadi, Président du Centre de Tunis pour la liberté de la presse, considère que l‟administration a une influence sur la rédaction dans les établissements de médias publics qui l‟avaient hérité de l‟ancien 220 régime. Il explique que la monopolisation des gouvernements de l‟aprèsrévolution de désigner les directeurs des établissements de médias publics par le vide institutionnel connu par le secteur des médias qui n'est pas supervisé par une structure indépendante. Dhaouadi dit que « la manière avec laquelle le dossier des médias a été traité depuis le premier gouvernement de Ghannouchi a été fausse, ce qui avait simplement transféré la dépendance du Palais de Carthage à la Kasba ». Il ajoute, « Je considère que les journalistes auraient dû saisir cette opportunité et exiger la formation d‟une structure décisionnelle responsable et indépendante composée de représentants de la société civile et des organisations professionnelles ainsi que des représentants du gouvernement pour superviser le secteur des médias, plutôt que la formation d'un organe consultatif qui ne prend pas de décisions, en l‟occurrence, l‟Instance nationale pour la réforme de l‟information et de la communication (INRIC) qui a travaillé dur, mais, et comme plusieurs autres acteurs dans le secteur des médias, avait agi sur les décombres, et si elle avait de l‟influence, elle aurait pu se débarrasser de la dépendance du gouvernement » . Dhawadi voit que la désignation des dirigeants à la tête des établissements de médias publics ne doit pas être faite par le gouvernement qui pourrait contrôler 90 % du contenu médiatique. Le gouvernement ne doit pas avoir la main mise sur la désignation, mais on peut adopter d'autres mécanismes tels que la consultation ou la formation de conseils d'administration au sein des établissements de médias publics chargés des désignations, ou configurer un organisme public composé de représentants de la société civile et les organisations professionnelles et le gouvernement ». Dhaouadi ajoute que « malgré l'échec de nombreuses expériences, la plupart d'entre eux, je pense que la gestation connue par les établissements publics dans cette période de transition et qui s‟est 221 transformé en une confrontation horizontale et verticale est considéré un résultat normal et attendu. La révolution a surpris les acteurs du secteur, ainsi que les décideurs qui ont maintenu leurs positions jusqu'à la veille de la révolution, en vertu du vide et le manque de clarté de la vision politique. Et aujourd'hui, après que le mouvement a commencé à se calmer dans les salles de rédaction, le sujet des comités peut être présenté d‟une manière rationnelle et loin des contractions, même si le point de vue des administrations et autorités publiques qui supervisent les médias publics concernant le rôle de ces organismes a été récemment affrontée avec sensibilité, qui est une réaction naturelle de la part de journalistes qui ont souffert de la domination pendant des décennies. L'expérience des autres et l‟assistance des universitaires sont aujourd‟hui nécessaires pour surmonter la confusion. Nous devons assimiler ce qu'ils proposent, et même s‟ils ont dit que l'élection du rédacteur en chef est une pratique non courantes dans les institutions médiatiques les plus connues et que les élections ne donnent pas toujours le meilleur, c‟est aux universitaires d‟assumer la responsabilité professionnelle et législative et de fournir une alternative qui est compatible avec le cas tunisien surtout à ce stade extraordinaire auquel nous parions sur la réforme de la presse. Dans ces établissements médiatiques, la tâche de désignation du rédacteur en chef pourrait être attribuée à l‟administration ou à un autre organe, mais leur salles de rédaction ont acquis de l'immunité contre toute domination et sa décision est devenue méthodique et participative ». Nebil Jmour, Secrétaire général du syndicat général de la culture et de l’information relevant de l’UGTT, considère que toutes les nominations relèvent de la tutelle. C‟est pourquoi « la crise » qui existe entre le gouvernement et les journalistes des établissements de médias 222 publics, depuis 2012, fait suite à une décision unilatérale prise par la présidence du gouvernement de nommer des directeur généraux à la tête des médias publics, sans en référer aux structures professionnelles. Jmour dit que « depuis, les parties syndicales de la presse publiques, rejettent toute nomination parachutée adoptée par le gouvernement étant à l‟origine du chaos constaté dans les rédactions ». Il juge nécessaires des comités de rédactions, du fait qu‟ils sont en mesure d‟empêcher les directeurs d‟intervenir dans la rédaction, d‟écarter les pouvoirs financier et politique des salles de rédaction et de fabriquer l‟information ». Jmour considère que le travail de l‟HAICA, fera en sorte qu‟on s‟épargne de la politique des nominations unilatérales et saura instaurer la méthode participative pour la supervision de ces établissements ». Quant à Nejiba Hamrouni, Présidente du Syndicat national des journalistes tunisiens, la responsabilité est celle des gouvernements post-révolution à travers les nominations anarchiques à la tête des établissements de médias publics ayant comme finalité l‟intention de combler un vide et/ou de servir des objectifs politiques et électoraux. Hamrouni ajoute « notre revendication principale est de dépasser le mécanisme de nomination à la tête des entreprises et le remplacer par l‟instauration de critères et de normes objectifs, sur la base de quoi les candidatures sont présentées à travers l‟HAICA pour l‟examen de la conformité des dossiers à ces normes qu‟elle aura fixées préalablement, avant de se diriger vers le gouvernement qui procèdera, à son tour, à la nomination des candidats dont les dossiers ont été retenus ». Hamrouni affirme que les nominations gouvernementales parachutées ont favorisé la présence de personnes, à la tête des entreprises de presse publiques, qui n‟ont aucun rapport avec la presse et que, par conséquent, ils ne 223 sont pas en mesure de saisir le rôle des comités de rédactions. Hamrouni ajoute qu‟ « en dépit du rejet par le SNJT de ces méthodes de nominations parachutées, le syndicat, a tout de même composé avec les directeurs généraux désignés et leur a exposé la problématique des comités de rédactions, mais que ces responsables n‟ont pas assimilé le rôle de cesstructures, justifiant leur incompréhension par le fait qu‟elles ne constituent pas une priorité ». Pour la Présidente du SNJT, la médiocrité du contenu de la radio nationale, à titre d‟exemple, qu‟elle qualifie de «flagrant» au niveau de la gestion de la radio est l‟issue des nominations parachutées, effectuées par le gouvernement. Hamrouni considère que la HAICA peut résoudre ce problème, à condition de lui consacrer les conditions et les moyens logistiques d‟autant, ajoute-t-elle, que cette autorité est habilitée à jouer un rôle historique dans la réforme de l‟information. 8. Différentes approches des comités de rédactions dans la presse publique tunisienne - Sadok Hammami : Observations sur les comités de rédactions : Organisation et principes de travail Dr. Sadok Hammami, Enseignant à l‟Institut de Presse et des Sciences de l‟Information et fondateur et rédacteur en chef du site arabe des sciences de l‟information et de la communication, insiste sur l‟impératif de discuter de la question des comités de rédactions dans les entreprises de presse publiques (télévision, radio, presse) dans son cadre organisationnel global. La question des comités de rédactions et leur organisation constitue, de son point de vue, un des niveaux de l‟organisation des entreprises de presse publiques et la réflexion peut sortir cette question hors contexte 224 organisationnel global vers des conséquences désastreuses qui risquent d‟exacerber l‟état de perturbation que connaissent ces établissements. Selon le Dr. Hammami « les expériences mondiales montrent que l‟organisation des entreprises de presse publiques est basée sur plusieurs fondements, parmi eux : L‟élaboration d‟un cahier des charges entre les établissements de médias publics et l‟Etat, renouvelable à intervalles périodiques spécifiques. Ce contrat devrait articuler, d‟une façon détaillée, la mission de ces entreprises qui jouissent d‟un financement public et leurs fonctions dont, essentiellement, celles relatives aux informations, comme condition, afin d‟illustrer la diversité politique. Ce contrat doit bénéficier de l‟accord du parlement, en tant que pouvoir représentatif du public, source de bien public, dont bénéficient les établissements de médias publics. Le parlement interroge, également, les établissements de médias publics lorsque celles-ci ne respectent pas l‟exécution des rôles qui lui sont confiés dans ledit contrat. Ce document constitue, également, une protection des journalistes qui travaillent dans les établissements de médias publics, en tant que référentiel auquel ils ont recours pendant l‟exercice de leurs fonctions. Dans ce contexte nous pouvons signaler deux exemples : - « Royal Charter » qui constitue le cadre général dans lequel travaille la BBC et qui s‟étale de 2007 à 20161 - « Le Contrat d‟objectifs et de moyens » qui lie l‟entreprise de la télévision publique française à l‟Etat2 1 http://www.bbc.co.uk/bbctrust/assets/files/pdf/about/how_we_govern/charter.pdf Voir le Rapport du comité parlementaire sur le Contrat d’objectifs et de Moyens : http://www.assemblee-nationale.fr/13/rap-info/i3789.asp 2 225 A un second degré, l‟établissement de médias public met en place une charte rédactionnelle dont les principes sont inspirés du contrat auquel nous avons fait référence. Cette charte est très précise et détaillée pour ce qui concerne les grandes valeurs et principes sur lesquels se base le journaliste dans l‟exécution de ses fonctions. Et il est possible, également, au public d‟interroger les journalistes sur la base de cette même charte rédactionnelle qui contraint le journaliste». Dans ce cadre le Pr. Hammami cite deux exemples : - la charte rédactionnelle de la BBC «BBC Editorial guidelines 3» - La charte des antennes de l‟entreprise de télévisions publiques (France Télévisions), qui délimite, d‟une façon détaillée, les principes sur lesquels se base le traitement journalistique des événements (ex. les principes qui règlementent la classification des informations 4) Il affirme, également, qu‟il est possible, à l‟entreprise de presse, de mettre en place d‟autres chartes sectorielles en rapport, par ex. avec l‟utilisation des réseaux sociaux qui définie la responsabilité des journalistes, ses devoir et ses droits. Dans ce sens, Pr. Hammami considère «que la ligne éditoriale de l‟Entreprises est définie en fonction du contrat qui lie l‟entreprise à l‟Etatet à la charte rédactionnelle et qu‟il ne s‟agit pas d‟une pure invention de l‟administration de l‟entreprise ou d‟une quelconque imagination des journalistes qui y exercent, car l‟entreprise de presse publique n‟est pas la propriété des employés, qu‟ils soient journalistes ou techniciens ou encore administratifs, mais qu‟elle est la propriété de la société et du public. 3http://www.bbc.co.uk/editorialguidelines/guidelines/ 4http://www.francetelevisions.fr/downloads/charte_des_antennes_web.pdf 226 Quand l‟entreprise de presse ne respecte pas, -administration ou journalistes-, les principes rédactionnels généraux ainsi que les fonctions qui lui sont confiées, elle est soumise à l‟interrogatoire de l‟Instance indépendante, qui supervise le secteur de l‟information audiovisuelle, à titre d‟exemple, ou par le parlement, au moment du renouvellement du contrat qui la lie l‟entreprise à l‟Etat». Hammami fait remarquer que les expériences mondiales montrent que les journalistes obéissent, en fonction de différents mécanismes, à l‟interrogatoire du public et cite dans ce sens, l‟exemple du régime mis en place par la BBC, pour recevoir les doléances publiques, pour tout ce qui a rapport à toutes sortes de programmes, y compris les programmes d‟informations »5. Il rappelle, également, que l‟entreprise de presse publique peut créer la fonction de médiateur ou d‟un «Ombudsman» dont le rôle est de faire parvenir les avis du public aux instances journalistiques. Hammami juge que «ces mécanismes représentent la plateforme organisatrice, dans laquelle travaillent les instances journalistiques, comme le prouvent les expériences internationales. Dans ce sens, une approche saine suppose la création de ces mécanismes pour la mise en place d‟une stratégie intégrée et complémentaire, avant de traiter de la création de mécanismes de gestion de comités de rédactions, afin d‟éviter le piège de l‟approche fragmentaire et arbitraire» Toujours dans le même sens, Hammami relève la nécessité de rappeler également, l‟existence de ce qui est communément connu par « conseil de rédaction » (qui est une organisation différente du conseil de presse, 5 http://www.bbc.co.uk/complaints/ 227 considéré comme un des mécanismes d‟autorégulation dans le secteur de la presse écrite). Le conseil de rédaction (en France appelé « sociétés de journalistes6) n‟est pas un syndicat, dont le champ d‟intervention est la défense des droits moraux et matériels des journalistes et n‟intervient pas dans la marche quotidienne de l‟établissement. Il s‟agit, plutôt, précise-t-il, d‟une structure créée par les journalistes euxmêmes au sein de l‟entreprise et qui contribue à la recherche des solutions aux difficultés pouvant survenir dans la relation avec l‟administration. Le conseil, veille également, à défendre l‟éthique et la déontologie rédactionnelles lorsque celles-ci ne sont pas respectées, tant par l‟administration que par les journalistes. Le principal défi pour Hammami en définitive, «demeure la protection de L‟institution publique de toutes stratégies de manipulation. Les dangers qui menacent l‟Institution publique, peuvent provenir de la direction de l‟entreprise de presse, lorsque celle-ci exerce des pressions sur les journalistes. Le journaliste peut, également, à son tour, constituer un danger sur l„indépendance de l‟Institution publique. L‟indépendance de l‟Institution publique ne veut pas dire que les journalistes peuvent se comporter à leur guise, sans frein ni «garde-fou», au nom de la liberté (le journaliste n‟a pas le droit d‟utiliser l‟institution publique en faveur de ses opinons politiques). L‟indépendance de l‟Institution publique, veut dire, tout d‟abord : neutralité, pour être au service des citoyens ; autrement dit, d‟être en mesure de les informer d‟une manière professionnelle et neutre». 6 Voir les forums des conseils de rédaction en France:http://forumsdj.free.fr 228 «Les mécanismes cités, essentiellement le contrat (cahier des charges) ainsi que la charte rédactionnelle, protègent le droit du public à une information publique impartiale, équilibrée et digne de confiance et dissuadent, également, toutes les parties, d‟autre part (direction et journalistes). De ce fait, la gestion du comité de rédaction, dans l‟entreprise de presse publique, devient une question secondaire, puisque le responsable, de ce comité, n‟est plus en mesure d‟exécuter un agenda personnel ou de composer avec l‟Institution publique selon son point de vue propre, mais bien au contraire, Celui-ci est désormais, tributaire de plus d‟une limite, qu‟il ne peut, en aucun cas dépasser. A savoir, les limites d‟un code qui cerne les responsabilités de l‟Institution publique avec précision». Dans ce sens, Hammami fait remarquer que les expériences mondiales démontrent également que l‟administration, procède, généralement, à la nomination du directeur de l‟Information, qui veille à l‟application de la politique de l‟établissement. Raison pour laquelle, il existe dans l‟entreprise de la télévision publique française, un directeur général, chargé des informations7, comme c‟est le cas à la BBC, dont le directeur des informations relève de la direction générale (Executive Board). Pour ce qui est de la supervision des comités de rédaction dans les différentes chaînes de radios et de télévisions ou dans les différents desks des agences de presse, Hammami rappelle que «les usages établissent que le mieux est d‟adopter le principe de candidature (qui diffère du principe de l‟élection). Le candidat doit répondre à de nombreuses conditions dont, principalement, l‟expérience, l‟expertise, l‟intégrité et la bonne réputation (la neutralité surtout). Les journalistes peuvent élire un collègue ou une 7 http://www.francetelevisions.fr/groupe/comite-executif.php 229 consœur qui obéissent à ces critères. Ensuite l‟administration procède au choix d‟un journaliste dans cette catégorie pour exécuter les fonctions qui lui incombent, sur lesquels il y eu accord et qui sont contenues dans le «contrat» des objectifs ainsi que dans la charte rédactionnelle. Le rôle du superviseur, du comité de rédaction, est de ce fait, la gestion du travail quotidien des journalistes et non pas la conception d‟une ligne éditoriale. Le principe de jumelage entre la candidature et la nomination, permet pour sa part, la responsabilisation et l‟interrogatoire. Quand le responsable du comité de rédaction ne joue pas son rôle, c‟est l„Administration qui y répond (l‟Instance indépendance qui supervise le secteur de l‟audiovisuel pour ce qui concerne les chaînes de radio et de télévisions). Nous devons nous interroger, également, sur la partie qui aura à demander des comptes au responsable du comité de rédaction quand il est élu ! Est-ce par ses collègues ou par un comité externe? Le principe d‟élection par les collègues, peut, aussi, déboucher sur des conséquences désastreuses, comme lorsqu‟une majorité élit un superviseur selon les appartenances idéologiques et politiques ». A la lumière de tout ce qui précède, et au regard de la situation tunisienne, pour Hammami «le système, dans sa globalité, qui gère l‟information publique est, à peu près, absent», à l‟exception de l‟HAICA. Et en l‟absence de ce système, toutes les réformes semblent fragmentaires, sans aucune importance. 230 Nous sommes, également déficitaires, dit-il, en Tunisie d‟une culture ancrée dans le domaine de l‟organisation de l‟institution publique dans le secteur de l‟Information. La mission urgente qu‟il faut mener sans tarder, à notre avis, est la mise en place de cette stratégie qui se doit d‟être complémentaire dans le secteur de l‟information publique» En parallèle, pour Hammami il est impératif de mettre en place et de toute urgence les mécanismes de protection de cet Institution publique, afin de contrecarrer toute stratégie de domination et de manipulation exercées par toutes les parties, y compris par certains journalistes non tenus par les principes de neutralité et d‟impartialité, dans le contexte de la polarisation politique actuelle. A cet effet, il considère que la solution la plus adéquate consiste en l‟élaboration d‟un cahier des charges relatif, principalement, au candidat ou la candidate à la tête du comité de rédaction. Ce cahier des charges doit comporter : Les principes de base de la ligne éditoriale de l‟établissement (inspirés de la philosophie de l‟Institution publique, communément connue, dans le secteur de l‟information, tel que la neutralité, l‟objectivité et l‟équité.) Les principes sur lesquels est basée la politique du service des informations dans l‟établissement concerné et les prérogatives qui relèvent de ses compétences. Les prérogatives qui incombent au rédacteur en chef (la politique des informations dans une radio régionale publique diffère, théoriquement et logiquement, de la politique des informations 231 dans une radio culturelle, tant du côté du public que sur le plan des priorités.) Les conditions auxquelles doit obéir le/la candidat(e) (expérience – nombre d‟années- diplômes (maîtrise et plus). Une commission mixte composée de représentants des journalistes et de la direction générale doit élaborer le cahier des charges, pour affirmer le principe de la responsabilité de tous et renforcer le principe de la responsabilisation. Cette commission a pour rôle de choisir le candidat parmi ceux qui répondent aux critères. Hammami considère qu‟il est possible, également, d‟imaginer un mécanisme d‟évaluation du degré d‟engagement du rédacteur en chef, en fonction des principes contenus dans le cahier des charges, tel que la présentation d‟un rapport périodique. - Arbi Chouikha: De sérieux obstacles à l’encontre de l’instauration des comités de rédaction dans les établissements de médias publics en Tunisie Arbi Chouikha, Professeur de médias et de communication à l‟Institut Supérieur de Presse et Sciences d‟Informations à l‟Université Tunisienne, insiste sur la nécessité d‟instaurer des comités de rédaction dans les établissements médiatiques audiovisuelles et écrits et dit : « Il est indispensable de mettre un cloison entre l‟administration et la rédaction et tous ce qui se relève directement de la rédaction est du ressort des comités de rédaction qui représente tous les journalistes de l‟établissement médiatique » Il appartient aux journalistes de créer les mécanismes qui les protègent et c‟est eux qui font la décision au sein de leurs établissement 232 médiatique : Chouikha pense que les comités des rédactions font partie des mécanismes qui protègent le journaliste. Ainsi que l‟établissement médiatique contre l‟ingérence de l‟administration dans le contenu médiatique mais aussi contre l‟autorité de l‟argent de la politique dans ce contenu, ces mécanismes « sont des garanties de la liberté d‟expression et constitue un cadre pour débattre des sujets d‟actualités que le journaliste peut imposer au cours du conseil de rédaction ». Chouikha parle de l‟expérience française et précisément le journal « Le monde » où les chefs de services au sein du quotidien tiennent un conseil de rédaction quotidien, deux réunions l‟une consacrée à déterminer les principaux sujets et les angles des articles de presse, tandis que la deuxième est consacrée à déterminer les « unes ». Le professeur Chouikha pense que parmi les missions des comités de rédaction est le choix des titres et de l‟édition des sujets et des angles des articles de presse, ils planifient leur travail dans le cadre d‟une ligue éditoriale de l‟établissement médiatique. Il ajoute que « l‟endossement des comités de rédaction de cette responsabilité protège les journalistes contre les interventions de l‟administration dans la rédaction, c‟est pour cela qu‟il est indispensable qu‟il y ait une charte de rédaction dans chaque établissement médiatique portant la signature de tous les journalistes et comporte des principes impératifs à l‟égard du journaliste au sein de établissement ». Le professeur Chouikha considère que le mécanisme de création des comités de rédaction peuvent faire l‟objet d‟un compromis ou sur la base d‟élections. Cela varie selon l‟envergure de l‟établissement médiatique. Chouikha affirme qu‟on ne peut pas parler d‟un modèle particulier d‟expérience pour le comité de rédaction qui peut s‟appliquer dans les 233 établissements médiatiques tunisiennes, sauf qu‟il fait allusion au comité de réforme de la presse et de la communication qui a été dissous, présidé par le journaliste Kamel Laabidi, et qui a fait appel à des experts de la chaîne Britannique « BBC » afin de découvrir l‟expérience des comités de rédaction dans la dite chaine pour l‟adopter dans la chaine nationale, Chouikha ajoute « la BBC est une chaine et une école au niveau international dans le domaine médiatique mais on n‟avait pas l‟intention de transposer cette expérience dans la chaine nationale car la situation est différente ». Le professeur Arbi Chouikha considère que la difficulté d‟instaurer des comités de rédaction dans les établissements médiatiques publique en Tunisie revient à plusieurs raison qui sont « l‟absence de conscience de l‟importance des comités de rédaction notamment chez les journalistes. Cette conscience peut à long terme se former et là on peut évoquer le rôle de l‟institut de presse qui peut sensibiliser les journalistes. Quant au deuxième obstacle il est psychologique en fait le journaliste en Tunisie ne possède pas l‟esprit d‟appartenance à l‟établissement médiatique parce que le principe d‟intimité y est absent, le journaliste a le droit par exemple de savoir le montant des recettes de son établissement médiatiques où il travaille pour se sentir à l‟aise. Le professeur Chouikha donne un exemple de l‟efficacité des comités de rédaction dans la protection de la ligne éditoriale de l‟établissement médiatique, qui doit être clarifié dans tous les établissements médiatiques. Cette ligne éditoriale fait fonction de boussole selon lui, cet exemple est celui de l‟expérience du journal français « le monde » dont le comité de rédaction a décidé de refuser toutes les offres de publicité ou d‟annonces qui seraient en opposition avec la ligue éditoriale du journal. 234 - Professeur Riadh Ferjani : Les comités de rédaction et les mécanismes de rupture avec l’héritage de la dictature médiatique : Dr. Riadh Ferjani, Professeur de sciences des médias et de communication à l‟Université de Manouba et membre du Comité indépendant de la communication audiovisuelle remarque que la formation des comités de rédaction se situe dans un contexte historique ayant pour fondement la rationalisation du travail à travers la répartition des rôles et la fixation des rôles sous la contrainte du facteur temps qui présente l‟un des plus importants des pressions des exigences de production des produits médiatiques. Et si aujourd‟hui on parle beaucoup des « expériences des pays démocratiques », qui laisse entendre les pays de l‟Amérique du nord et l‟Europe occidentale, le professeur Ferjani prévient de se laisser emporter avec ce discours dominant à cause de l‟impossibilité de transposer les expériences les plus réussies en raison de son incompatibilité avec les différents contextes (discours dominant) la question que se pose alors consiste à la possibilité de rationalisation du travail journalistique et le pousser vers le professionnalisme tout en prenant en considération les spécificités du champs médiatique tunisien. Et selon son évaluation des tentatives faites pour instaurer des comités de rédaction dans les établissements médiatiques tunisiens, le professeur Ferjani met en garde des jugements radicaux sur des expérience naissantes et pense que les conclusion les plus importantes relatives à cette étape résident dans la formation de rapports de forces non équilibrées entre des tentatives individuelles ou celles émanant de petits groupes qui a cru en la nécessité du changement ou la rupture avec le passé et entre système médiatique autoritaire secoué après la révolution, mais elle fonctionne toujours selon les mêmes mécanismes. 235 Ferjani pense que parmi les causes de la fragilité des expériences de formation des comités de rédaction et l‟échec de certaines d‟entre elles est la confusion conceptuelle parfois volontaire entre « média gouvernemental » et « média publique » ainsi le recours excessif aux expressions « ligne éditoriale » « code de conduite » et « charte d‟honneur »… a conduit à la perte de l‟efficacité des comités de rédaction et nous entendons par cela le professionnalisme de la production médiatique et l‟égarement dans des cercles vicieux. Ferjani considère que si la mission principale du rédacteur en chef consiste à adapter le produit médiatique à la ligne éditoriale de l‟établissement (et non pas la soumission à tous les genres de pressions et de consignes venant de l‟extérieur de l‟établissement). Cette mission devient difficile en l‟absence de codes de conduite ou suite à la hâte dans la production et la retouche de codes détachés de la réalité tunisienne. Et en relation avec la question d‟élection de comités de rédaction dans laquelle se sont engagés certains établissements médiatiques publiques, le professeur Ferjani pense que ce mécanisme est un ancrage dans le populisme et s‟exclut pas que les bénéficiaires de l‟adoption du principe d‟élection sont ceux qui ont le plus souvent une connaissance des rapports de forces à l‟intérieur de leur établissements médiatiques. Et dans tous les cas, il pense que l‟élection ne pouvant garantir deux conditions essentielles dans la mission de rédacteur en chef à savoir la compétence et la crédibilité. La compétence n‟est pas seulement l‟aptitude à organiser le travail et diriger l‟équipe des journalistes mais aussi et surtout donner un plus qualitatif au processus de la production de la matière médiatique et de 236 diminuer la marge d‟erreurs professionnelles. Quant à la condition de crédibilité, elle est la condition la plus difficile à remplir en Tunisie aujourd‟hui, car le champ médiatique et notamment son secteur gouvernemental /publique est très influencé par le bipolarisme aigu du champs politique, en plus du retard dans l‟ouverture des dossiers anciens qui pourrait consolider le sens de la crédibilité et sa consécration effective par le moyen d‟un tri entre ceux qui ont pratiqué le métier du journalisme et l‟ont défendu et ceux qui se sont laissés emporter et ont tiré profit de la dictature / du système de corruption médiatique. - Le journaliste Thameur Zoghlami : Il existe d’autres mécanismes pour garantir la séparation entre l’administration et la rédaction Le journaliste Thameur Zoghlami, ex directeur de Radio Tataouine, voit que la terminologie «comité de rédaction» utilisée dans les organes de presse audiovisuels a été adoptée pour définir ou pour qualifier un groupe de journalistes qui assurent la production de l‟information d‟une quelconque entreprise de presse. Ce groupe est généralement constitué du directeur de la rédaction, du rédacteur en chef et des responsables de l‟édition des informations, ainsi que des journalistes. A peu de choses près, le même modèle est valable pour production des programmes avec un changement au niveau des appellations entre une expérience et une autre. Il affirme que par « comité de rédaction » il n‟est pas sous-entendu le mécanisme adopté pour déterminer la production de la programmation et de l‟information, mais il s‟agit, plutôt, d‟une formule qui regroupe les responsables de cette production. 237 Zoghlami précise que le mécanisme adopté pour définir les contenus et leur classification ainsi que la manière de les couvrir est appelé « conférence de rédaction » à laquelle prennent part, tous les journalistes, pour exprimer les points de vue et faire des propositions sur des sujets à couvrir et la manière de les traiter. Il considère que c‟est au rédacteur en chef que revient la décision finale en cas de désaccord, en tant que garant de l‟indépendance et de la neutralité et de l‟exhaustivité de la couverture. C‟est également lui le responsable de tous ces critères devant le directeur de la rédaction : il défini la stratégie générale de l‟exercice journalistique en rapport avec les sujets ou les informations et assume la responsabilité juridique devant la loi et celle professionnelle devant l‟Autorité indépendante de l‟audiovisuel. Zoghlami pense que la création d‟une commission indépendante de l‟audiovisuel en tant qu‟Autorité de contrôle des contenus, peut aider à réguler le champ médiatique audiovisuel, d‟une façon générale, et à proposer des méthodes de travail au gouvernement pour ce qui concerne des entreprises de presse audiovisuelles. A ce propos, Zoghlami, suggère, une représentativité d‟experts et des professionnelles au sein des conseils d‟administrations de ces entreprises, comme solution régulatrice, à laquelle on ajoute un code de conduite ou une charte journalistique, qui sera en quelque sorte la « constitution » des journalistes. - Le Professeur Habib Belaid : L’importance du mécanisme relatif au choix du rédacteur en chef dans la garantie de l’indépendance du service public : Le professeur Habib Belaid, l‟ex Président Directeur Général de l‟Etablissement de la radio tunisienne et membre du Comité indépendant 238 de communication audiovisuelle considère que le rédacteur en chef ne doit pas être élu mais désigné par le directeur de l‟établissement médiatique publique, il ajoute qu‟il ne faut pas lier l‟indépendance du rédacteur en chef, et du coup le contenu médiatique, se passer du mécanisme de désignation de personnes à la tête de la rédaction, et que dans les plus enracinées des démocraties n‟existe guère le mécanisme d‟élection de rédacteur en chef, mais plutôt la garantie de l‟indépendance du rédacteur en chef et le protection de la ligne éditoriale de l‟établissement médiatique publique sont liés à d‟autres anneaux dans une chaine garantissant la préservation du professionnalisme, ces anneaux sont l‟impartialité du directeur de l‟établissement médiatique qui est en lui-même et forcément une garantie de l‟impartialité du rédacteur en chef, en plus de l‟existence d‟un code de conduite qui détermine les règles de travail pour tous les employés de l‟établissement médiatique y compris le directeur de l‟établissement et le rédacteur en chef ». Belaid pense qu‟il faut suivre cette démarche en Tunisie, aussi faut-il adopter de nouveaux statuts pour l‟établissement ainsi que la formation d‟un conseil d‟administration diversifié, dont les membres ne se limitent pas aux ministères, mais qu‟il soit ouvert à la société civile. Il considère que cette démarche est nécessaire afin de constituer pour un avenir sérieux pour les médias publics en Tunisie, car les choses ne vont pas s‟arranger avec des solutions-bricolage, il faut plutôt penser à la réforme profonde. Il est du devoir des tous la ceux qui travaillent dans l‟établissement de médias publiques d‟ôter la casquette politique durant l‟accomplissement de leurs travail ». Conclusion : Le Centre de Tunis pour la liberté de la presse, qui traite les dossiers des comités de rédaction dans les établissements de médias publics, a 239 été certain qu‟il travaille dans un espace dans lequel les intérêts se croisent, les pressions le tiraillent, les compétences et les connaissances varient, et l'enthousiasme de ceux qui œuvrent pour le développement de la rédaction et pour sa défense à l‟encontre de l‟interférence administrative / politique ne sont pas harmonieuses. Il a été aussi certain qu‟il est en train de traiter une affaire centrale dans un domaine au a été en délabrement ahurissant pendant les décennies de la dictature qui l‟a complètement déformé, ce qui a poussé certains à proposer des traitements extrêmes à l‟instar de « l‟assainissement global » à la manière romaine dans la télévision publique ou la privatisation. Sauf, il s‟est avéré pour le centre que « les déceptions » dans l‟évolution dans ce sujet ne résultent pas seulement des difficultés objectives et subjectives qui entourent le service public médiatique, mais également de l‟intérieur des traitements que ce soit à travers l‟exigence d‟un paquet de réformes stratégiques au seins de ces établissements structurel, légal et codes de conduite, ceci peut réduire l‟importance de toutes les avancées partielles, ou à travers « le harcèlement » au moyen d‟un arsenal d‟ordres conceptuels tirés d‟expériences internationales et de contextes sociaux différents pour servir de référence dans le sujet . Lorsque le Centre a décidé de traiter avec le sujet des comités de rédaction dans les médias publiques, c‟était dans le cadre de la protection des journalistes en premier lieu et fondamentalement de toute violation dans les salles de rédaction dans le cadre d‟un service public qui soutient la transition démocratique et consacre le professionnalisme indifféremment du nom attribué à ce cadre, comptant en cela sur la secousse psychologique provoquée par la révolution tunisienne parmi ceux qui travaillent dans le domaine et qui les a poussé à se précipiter à soumettre le sujet pour discussion et créer des « cadres »de protection 240 de la rédaction qu‟on ne peut pas lier uniquement à « l‟intention » de la prémonition et du soutien professionnel et syndical de certains. La réalité d‟une opinion publique qui fait pression afin d‟éloigner la rédaction de tout tiraillement ou interférence et la multitude des approches inspirées des valeurs des droits de l‟homme et qui sont protectrices des journalistes, loin de détours qui peuvent empoisonner l‟éthique professionnelle, étant la résultante d‟un long processus et non pas une réalisation en soi, sont autant de facteurs qui incitent aujourd‟hui, aussi, à remettre la question des comités de rédactions sur la table. En revenant sur cette question, le Centre compte, essentiellement sur les journalistes exerçant dans les entreprises de presse publiques, en tant que détenteurs de la décision finale et fabricants du contenu médiatiqueet, surtout, en tant que principaux bénéficiaires/victimes de l‟évolution de la réalité des salles de rédactions A condition que la démarche soit basée sur une révision critique des anciennes expériences, de l‟acquisition d‟une connaissance globale des différentes formes de contrôle sur le contenu et le non-retour à ces pratiques et leur assimilation, et ce, par la création de mécanismes garants, dont les méthodes de désignation du rédacteur en chef occupent une place de choix. Il est possible à l‟HAICA, de jouer un rôle fondamental dans ce cadre, du fait que sa mission régulatrice suppose, également, la proposition de formes de gouvernance dans les salles de rédactions, en tant que rempart de l‟indépendance de la décision journalistique et en tant que stimulant des capacités auto protectrices contre toutes tentatives de pression. 241 Quant aux experts du secteur, ceux-ci ont le devoir de hâter le débat sur les comités de rédactions dans les cadres publics et éducatifs, à travers les recherches et la tenue de congrès, ainsi qu‟à travers la présentation d‟expériences comparatives et une démonstration précise de la situation tunisienne, grâce à une communication soutenue avec les entreprises de presse publiques et ceux qui y exercent. Il est attendu, également, des structures et des instances professionnelles et syndicales ainsi que des organisation des droits humains et les acteurs du secteur de l‟information d‟offrir toutes les opportunités rendant possible la mise en place des comités de rédactions dans la presse publique et d‟œuvrer à pallier aux difficultés administratives et techniques pouvant survenir à cet effet, de façon àéviter à ces comités, le risque de s‟ériger sur des mécanismes qui peuvent étouffer les libertés journalistiques sous diverses bannières. Cependant, une grande partie ayant motiver l‟intérêt d‟aborder cette question dans le sens de la réactivation des comités de rédactions, sera portée par les organes de presse, qui ont la charge de garantir les espaces nécessaires pour la sensibilisation de l‟importance de ce dossier et d‟en discuter les détails, ce qui reflètera, à son tour, le degré de sensibilisation des journalistes à ce sujet et leur enthousiasme pour sa défense. 242 243 RAPPORT SUR LES VIOLATIONS COMMISES SUR LES FEMMES JOURNALISTES Octobre 2012/ Avril 2013 Ce rapport est élaboré par : Mohammed Yassine Jelassi Fahem Boukaddous I. Préambule : La révolution tunisienne a triomphé de l‟un des plus importants slogans: La liberté. Elle a donc imposé les libertés médiatiques, éradiqué les résidus de la peur chez les journalistes et les receveurs de l‟information, permis la multiplication et la pluralité des supports médiatiques, évacué les interdits de leur contenu et nombreux sont ceux qui ont rejoint le secteur pour ce qu‟il représente, désormais, comme garantie pour la défense des libertés publiques et individuelles ainsi que pour le renforcement du développement politique et social. Néanmoins, la sphère professionnelle a connu, le contrecoup, d‟une escalade des agressions sur le secteur et sur ceux qui y travaillent, au point de susciter de sérieuses inquiétudes quant à un possible retour aux anciennes pratiques dans le champ des libertés. 244 L‟Observatoire du Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse a procédé, depuis le mois d‟octobre 2012, à la publication de communiqués et de rapports périodiques qui recensent les différentes violations et leurs natures, avec à chaque fois, les recommandations nécessaires pour y mettre fin et s‟y opposer d‟une manière efficiente. Après tant de mois, le Centre a voulu, cette fois, traiter ces violations selon la notion du genre pour ce qui concerne les femmes journalistes. II.Lecture exhaustive des violations commises sur les journalistes femmes, octobre 2012 -avril 2013 : . Les méthodes de communications avec les victimes des violations L‟Observatoire du Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse a enregistré 38 agressions commises sur des femmes, qui exercent dans le secteur de la Presse, selon les méthodes suivantes : -La réception de plaintes et de témoignages adressées directement par les ; agressées elles-mêmes, au Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse ; -La réception de courriels ; -La prise de contact avec un certain nombre d‟agressées ; dont le cas a été relaté dans différents supports médiatiques ou par le biais de relais sociaux 245 -Sur la base de faits rapportés par des activistes des droits humains ; -Sur la base de déclarations faites aux entreprises de presse ou celles de l‟agresseur lui-même. Paysage statistique : *Durant la période d‟observation ci-dessous indiquée, on constate que 28 violations contre 38 femmes travaillant dans le secteur de l‟information ont été enregistrées. Le graphique ci-dessous localise les zones géographiques où ont eu lieu des violations sur toute la République tunisienne. Comme on le voit en évidence, le plus grand nombre de journalistes ayant subi des agressions est enregistré dans la capitale Tunis, à cause de la concentration du champ médiatique, d‟une part, et en raison de la difficulté de l‟observation des violations dans les régions intérieures ainsi qu‟au nombre, plutôt, réduit de l‟effectif de la presse régionale en comparaison avec celui centrale. *Le graphique suivant démontre le rythme, depuis le mois d‟octobre à ce jour. On constate que les violations ayant touché les journalistes femmes ont connu leur point culminant au mois de janvier 2013, avec un nombre 246 qui atteint 15 violations sur un total de 56 violations contre les journalistes en Tunisie et qui coïncide avec la tenue de manifestations, marches, grands rassemblements populaires, à caractère social et politique oui il y a intervention de la Sécurité, plutôt, avec un acharnement exagéré. *Dans le graphique ci-dessous, on peut relever la nature des violations que rencontrent les journalistes femmes et qui se distingue, tant à travers l‟interdiction de mener sa mission, qu‟aux poursuites judiciaires en passant par la confiscation du matériel de travail. On remarque, également, que la majorité des violations que nous avons observées relèvent de l‟interdiction de travailler, au nombre de 24 agressions, suivies, d‟agressions verbales au nombre de 22. 247 Une structure mentale générale alimente les agressions contre les journalistes femmes : Quatre journalistes femmes sur un total de 38 ont fait l‟objet d‟agressions à caractère sexuel, qui vont de l‟atteinte à la pudeur jusqu‟au mépris du sexe féminin et l‟atteinte à la dignité. Cependant, ce chiffre ne reflète pas la réalité, dès lors où la majorité des agressions du genre et celles qui gravitent tout autour, ne sont pas systématiquement déclarées à la presse ni aux organisations concernées. Et si cette abstention, relève, en grande partie de l‟appréhension des agressées quant à la réaction de leurs agresseurs, surtout si ces derniers étaient des patrons de presse ou font partie de l‟environnement professionnel, cette abstention, est la résultante, en définitive, d‟une mentalité générale bien ancrée qui consacre l‟infériorité des femmes dans les faits et les présente, la plupart du temps, comme étant partie prenante de n‟importe quelle violence à caractère sexuel dont elle ne sont, pourtant, que victimes. Une situation institutionnelle médiatique qui favorise les agressions contre les journalistes femmes : Les observateurs du champ médiatique s‟accordent sur le fait que si le nombre des journalistes femmes dépassent celui des hommes dans le secteur, celles-ci n‟ont pas pour autant accès aux postes de responsabilités dans les directions et les rédactions, ce qui est, par conséquent, loin de refléter la réalité de leur présence dans les entreprises de presse. Nous avons, en effet, remarqué, en observant cinq entreprises de presse tunisiennes (5 chaînes de télévision : –« Al Watanya 1 », « Nesma », « 248 Hannibal », « El Hiwar Ettounissi » et « Tounesna »)-( 5 journaux : – « Ech-Chourouq », « As-sabah », « Al-Fejr », « As-Sahafa », et « Ekher Khabar »)-(5 radios : – « El Watanya », « Shems FM », « Radio 6 », « Mozaïque FM » et « Radio kalimat », (5 sites électroniques : – « Jadal », Tanit Press », « Nawat » et « Busness News »), que seul 15% des postes dans les directions de ces entreprises sont tenues par des femmes et que 20% parmi elles occupent le poste de directrice générale. Toutefois, cette représentation n‟obéit pas, la plupart du temps, aux critères de compétences professionnelles et aux diplômes scientifiques, tant elle reflète une domination machiste classique, dans la gestion du paysage médiatique tunisien. Souvent, des journalistes femmes sont recrutées ou nommées, non pas seulement pour tenir un rôle professionnel, comme le dictent les règles objectives et scientifiques, mais sur la base d‟autres critères liés à la constitution physique et de beauté tel que le dicte une certaine mentalité rongée par la convoitise et le marchandage, réduisant de fait, l‟importance des femmes journalistes et facilitant leur exploitation tant matérielle que professionnelle, favorisant par là même, largement, le champ aux agressions à caractère, essentiellement, sexuel. III. Evaluation détaillée des agressions sur les journalistes femmes: 01/12/2012 Le directeur général imposé de Dar As-Sabah, Lotfi Touati, a interdit à la consœur Monia Arfaoui d‟entrer à l‟Entreprise, au prétexte que son contrat était venu à échéance. Touati s‟est fait aidé dans son entreprise par les agents de gardiennage, au nombre de trois, à qui il avait « offert 249 » des contrats de travail, le jour même où il avait procédé à l‟intimidation des employés de l‟Institution. La consœur a été insultée et injuriée à cause de son combat pour l‟indépendance de la ligne éditoriale d‟AsSabah. 03/102012 Le directeur général de Dar As-sabah a porté plainte contre les journalistes Mouna Ben Gamra et Sana Farhat pour « obstruction à la marche du travail et incitation ». Les deux consœur s ont été convoquées au poste de police d‟El Menzah. Elles ont déclaré, par la suite, que ces accusations sont infondées et qu‟il ne s‟agit que d‟un procédé d‟un autre genre, pour intimider les journalistes et les obliger à revenir sur leur droit de revendiquer la démission du directeur général « parachuté ». 17/11/2012 Ibtissem Abdelkader, journaliste à la chaîne « Al Hiwar Ettounissi », a été victime, le 17 novembre 2012 d‟une agression verbale manifestée par des insultes proférées par nombreux citoyens à Jradou, dans le gouvernorat de Zaghouan, alors qu‟elle était en train de couvrir la cérémonie des obsèques de jeunes appartenant au mouvement salafistes combattant. Ibtissem Abdelkader, qui était accompagnée du caméraman Oussama AbdelKader, affirme, « qu‟un nombre important de médias locaux et internationaux étaient présents, mais l‟agression était dirigée vers nous, précisément, ce qui veut dire qu‟il s‟agit d‟une agression planifiée envers la chaîne elle-même ». Elle ajoute : « Nous 250 avons été qualifiés de média de la honte, de hâtés, de mécréants et de laïcs ». 18/11/2012 Sihem Ammar, journaliste au site « Jadal » a fait l‟objet d‟un harcèlement et d‟interdiction de travailler à la gare des chemins de fer de la ville de Nfidha, dans le gouvernorat de Sousse. Le chauffeur du train lui a intimé l‟ordre de cesser de filmer au moment elle était en train d‟effectuer un reportage sur l‟état des voyageurs, l‟accusant de vouloir « pêcher dans des eaux troubles, comme tous les journalistes ». De plus, quand elle est montée dans le train, le receveur lui a demandé d‟acheter un autre ticket de voyage, alors qu‟elle avait déjà acheté un billet au tarif réduit dont bénéficient les journalistes, preuve que la consœur était particulièrement ciblée parmi le lot des voyageurs. A son arrivée à la Capitale, Sihem Ammar fut surprise de constater, qu‟à peu près une vingtaine d‟employés des chemins de fer l‟attendaient, pour lui demander de leur céder la caméra ou à la limite de supprimer tout ce qu‟elle avait filmé, ce qu‟elle a refusé, surpassant toute la pression et les accusations qui lui étaient dirigées, dont l‟incitation. 28/11/2012 Des consœur s de différents organes de presse ont fait l‟objet d‟agressions matérielles et morales, le 28 novembre 2012, dans la ville de Siliana, par des agents de l‟ordre, au moment où elles étaient en train d‟effectuer leur devoir professionnelle, en couvrant des protestations populaires survenues dans cette ville. Elles ont été empêchées de travailler et de filmer et ont dû lutter contre des tentatives de confiscation de matériels. Il s‟agit de Sihem Ammar du site « Jadal », Naïma Charmiti du site « Arabesque TV », Soufia Hammami, correspondante du journal 251 international «Al Hodhod » et Hend Jebali, du journal électronique« Al Massira ». 30/11/2012 Le 30 novembre 2012, la journaliste photographe de « Sawt Ech-Chaâb », Meriem Zemzari, a été agressée par utilisation de gaz lacrymogène. La journaliste déclare à l‟Observatoire du Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse, qu‟au moment où elle s‟apprêtait à prendre en photos une marche dans la ville de Siliana, les forces de luttes contre les troubles l‟ont visée en lui lançant une bombe lacrymogène, ce qui lui a provoqué un étouffement suivi d‟évanouissement. Zemzmi affirme qu‟elle était à l‟écart des manifestants au moment où elle fut ciblée et portait le gilet « Presse » qui la distinguait bien des autres citoyens, sauf que l‟agent qui a lancé la bombe savait bien ce qu‟il faisait, selon sa version. Zemzmi a été transportée à l‟hôpital régional de Siliana, suite à cette agression pour obtenir les soins nécessaires. 08/12/2012 Saïda Trabelsi, journaliste de la chaîne « El Hiwar Ettounoussi » a été sujette à des insultes et toutes sortes d‟injures, le 8 décembre 2012, alors qu‟elle couvrait une manifestation organisée à l‟Avenue Mohamed V. la consœur déclare à l‟Observatoire de Tunis pour la Liberté de la Presse qu‟elle en avait compati quand elle essayait de couvrir l‟événement et que sa chaîne a été qualifiée du pire, soulignant que des dizaines de manifestants lui ont demandé de ne pas couvrir le mouvement et de quitter les lieux où ils étaient rassemblés. D‟autres l‟ont traitée, carrément, de « chienne ». 14/12/2012 252 Journaliste au site « Arabesque TV », Naïma Charmiti, est empêchée d‟obtenir des déclarations de Mr. Hamadi Jebali, alors chef du gouvernement provisoire, suite à sa participation à un colloque sur l‟argent tunisien dilapidé. Les gardes du corps du premier ministre qui ont décidé de la fin du point de presse avant terme, ont bousculé violemment Charmiti. 25/12/2012 La direction sectorielle pour la recherche économique et financière convoque, le 25 décembre 2012, la journalise Monia Arfaoui du journal As-Sabah pour l‟interroger sur le contenu d‟un article. Le Ministère publique avait auparavant suscité une telle convocation suite à un article publié au journal « As-Sabah Al Ousbouï », en date du 26 mars et intitulé « Le Syndicat révèle des faits anormaux dans la prison tunisienne d‟Abou ghraïeb ». Arfaoui avait, également, comparu, à une autre occasion devant la même brigade le 02 janvier 2013 à propos du même dossier. 27/12/2012 . Nadia Zaïer, journaliste à « Adhamir » s‟est présentée devant le tribunal de première instance de Tunis, pour diffamation et insultes. Un ex président de l‟Union nationale de l‟Industrie et du Commerce avait accusé Nadia Zaïer de l‟avoir diffamé dans un article paru dans le numéro 41 du journal, dans lequel elle parle de soupçons de corruption au sein de l‟Union. Le tribunal a décidé un non lieu dans cette affaire en faveur de la consœur pour défauts de procédures. Rappelons que le plaignant avait déjà bénéficié de son droit de réponse sur les colonnes du même journal dans son édition n° 42. 253 03/01/2013 Le 03 janvier, la consœur Amina Zayani de la radio privée « Kalimat » a fait l‟objet de harcèlement et d‟injures de la part de membres de l‟Assemblée nationale constituante, suite à un reportage qu‟elle avait réalisé sur le mouvement de certains Constituants entre les partis politiques. Zayani avait saisi, le jour suivant, le président de l‟Assemblée, pour qu‟il prenne les mesures nécessaires à ce sujet. 04/01/2013 Le ministère public publie, le 04 janvier, une décision d‟interdire la bloggeuse et journaliste Olfa Riahi de voyages, suite à l‟ouverture d‟une enquête judiciaire sur le contenu de documents qu‟elle avait publiés concernant des soupçons de dilapidations de l‟argent public par le ministre des affaires étrangères tunisien. Riahi, a du affronter des accusations pour «outrage à un fonctionnaire public » conformément aux dispositions de l‟article 125 du code pénale, « pour avoir imputé à un fonctionnaire public ou assimilé des faits illégaux en rapport avec ses fonctions, sans en établir la véracité », conformément à l‟article 128 et de « calomnie » sur la base des articles 245 et 247, du même code, outre des accusations pour « atteintes à des données personnelles » conformément à la loi de 2004 et pour avoir « nuit à un tiers à travers les réseaux publics des télécommunications » conformément à l‟article 86 du code des télécommunications. Riahi s‟est présentée à l‟instruction le 15 janvier 2012, cependant, en tant que témoin, dans l‟attente du début de l‟investigation pour les accusations qui lui sont attribuées. 254 05/01/2013 Amel Chahed, journalise de la télévision tunisienne déclare, le 05 janvier, qu‟elle « subi des pratiques de harcèlement dans son travail de journaliste, dans la tentative de freiner ses efforts quand il s‟agit de donner des informations aux Tunisiennes et aux tunisiens sur ce qui se passe autour d‟eux ». Cette déclaration fait suite aux changements unilatéraux effectués par la direction de la télévision ayant touché à la plage horaire ainsi qu‟au timing du programme présenté par la consœur et intitulé « A l‟heure de la Une » (Bi tawqit Al Ôula), procédures que Chahed met sur le compte du malaise ressenti par les responsables gouvernementaux quant au contenu de son émission, ce qu‟ils ont exprimé clairement. 31/01/2013 Mouna Bouazizi, journaliste à « Ech-chourouk » est convoquée, le 31 janvier par le juge d‟instruction auprès du tribunal de première instance de Tunis, suite à une plainte déposée par « Hajji Kalbouti », en sa qualité de président du conseil d‟administration de la Mutuelle des Accidents Scolaires et Universitaires, suite à un article publié par la consœur dans l‟édition d‟Ach-Chourouq en date du 7 septembre 2012, dans lequel elle traite de certains problèmes et manquements constatés au sein de la Mutuelle. Rappelons que le plaignant avait déjà bénéficié de son droit de réponse sur les colonnes du même journal, conformément à la règlementation en vigueur. La consœur a du affronter les conséquences d‟accusations en « diffamation » et « publication de fausses nouvelles », conformément aux articles 54 et 55 du décret loi n°115 et pour « outrage à un fonctionnaire public », conformément à 255 l‟article 126 du code pénal. Bouazizi a bénéficié, le 31 janvier, d‟un non lieu en sa faveur pour défauts de procédures. Le ministère public a, cependant, poursuivi le jugement dans l‟affaire, le 02 février 2013, ce que les avocats considèrent comme une procédure non justifié. Dans un autre cadre, Bouazizi affirme, à l‟Observatoire de Tunis pour la Liberté de la Presse, qu‟elle a été convoquée, le mercredi 26 janvier, par la brigade criminelle d‟El Gorjani, suite à une plainte déposée par le président de l‟Union de l‟Agriculture et de la Pêche, Ahmed Hnider Jarallah. Bouazizi avait publié un article dans lequel elle évoque l‟incendie survenu dans une entreprise appartenant à l‟ancien président de l‟UTAP ChekibTriki, avec comme légende sous sa photo, « Le président légitime de l‟Union », en allusion au conflit qui l‟oppose à Jarallah, pour la présidence de L‟Union, ce qui a suscité l‟ire de ce dernier, au point qu‟il décide de porter plainte contre la journaliste qui fait remarquer que l‟affaire était anodine et qu‟elle ne méritait pas tout ce tapage et qu‟un « droit de réponse » aurait suffi. 22/01/2013 Le 22 janvier, nombreuses journalistes se plaignent de mesures surprenantes prises à leur égard par la présidente adjointe du président de l‟Assemblée nationale constituante, en leur interdisant d‟interagir dans les coulisses de l‟Assemblée et de vouloir les cloîtrer dans un espace exigu délimité en verre et en fer. Des journalistes affirment que ce procédé porte atteinte à la liberté d‟accès à l‟information et est une tentative d‟orienter les journalistes vers la couverture des seules plénière, et qu‟il s‟agit de restrictions contraires à la réglementation régissant le fonctionnement de l‟Assemblée. Ces mesures ont concerné 256 Nesrine Allouche de radio « Jawhara FM », Ahlem Ben Abdelli de radio « Chems FM »,Sayda Hammami de radio « Mozaïque FM », Sihem Mhamdi de la chaîne « Al Hiwar Ettounoussi », Amina Zayati de radio « Kalimat », Hajer Mtiri de radio « Twensa » et Sihem Ben Ammar du site « Jadal ». 24/01/2013 La bloggeuse et camerawoman, Rym Thabti a fait l‟objet, le jeudi 24 janvier, sur le site du marabout Abu Loubaba Al Ansari, dans la ville de Gabès, d‟une agression par des citoyens, au moment où elle s‟apprêtait à filmer la célébration rituelle de la naissance du prophète. Un participant à la manifestation religieuse s‟est dirigé vers Thabti et lui a demandé de quitter le lieu, considérant « que l‟endroit étant sacré, il n‟était donc pas permis d‟y filmer ». La scène s‟est passée devant tous les présents. Thabti refusant d‟obtempérer, la même personne la tire par le bras pour l‟ «évacuer », au point de la faire tomber en la bousculant. 06/02/2013 Le 06 février 2013 Meriem Nasri du site « Jadal » et Saïda Trabelsi, de la satellitaire associative « Al Hiwar Ettounissi » ainsi que la photographe indépendante Sabrine Belkhouja ont été battues par les forces de sécurité pendant qu‟elles couvraient une manifestation à l‟Avenue Habib Bourguiba, dans la Capitale, en signe de dénonciation de l‟assassinat de l‟opposant politique Chokri Belaïd. 07/02/2013 257 Ferida Mabrouki, correspondante de l‟Agence Tunis Afrique Presse pour le gouvernorat de Gafsa, a été sujette à une violente agression verbale par un agent de police, portant l‟uniforme, au moment où elle était en train d‟effectuer son devoir professionnel, en couvrant les affrontements entre des forces de sécurité et des manifestants, suite à l‟assassinat de Chokri Belaïd. Un agent l‟a insultée et lui a adressé des propos obscènes et humiliants au vu et au su des citoyens. Chiraz Khnissi, correspondante de la chaîne électronique « Tounes El Ikhbarya » a pour sa part, fait l‟objet de violences, le même jour, dans le centre de Gafsa, quand un agent de la sécurité l‟a expressément bousculée, avant de la traîner par terre. Abir Sidaoui, correspondante de la chaîne « Tounes Al Ikhbarya » à Sfax a, également, été agressée par un individu en civil qui s‟est présenté comme étant un agent de sécurité. Ce dernier a dessaisi par la force, la journaliste de sa caméra et l‟a fait tombée par terre quand elle était concentrée à faire son travail en couvrant des manifestations de dénonciation de l‟assassinat de Chokri Belaïd. L‟agresseur, a, également, adressé un tas d‟insultes et autres propos humiliants en direction de la journaliste. 16/02/2013 Dans l‟après midi du 16 février 2013, Meriem Zamzari, qui exerce à l‟hebdomadaire partisan « SawtEch-chaâb », a été victime d‟une agression matérielle et verbale quant elle était en train de couvrir la marche, à laquelle a appelé le mouvement Nahdha, à l‟Avenue Habib Bourguiba dans la Capitale. Zamzari déclare, qu‟au moment où elle filmait la manifestation au niveau de l‟hôtel Al Hana international, nombreux manifestants, se sont dirigés vers elle pour l‟insulter et l‟injurier, la qualifiant de traitresse envers la Nation et l‟accusant 258 d‟appartenir aux « médias de la honte », avant que l‟un d‟entre eux la bouscule violemment. Le prie a été évité grâce à l‟intervention de quelques citoyens au bon moment. 26/02/2013 Les services du ministère de l‟Intérieur ont interdit, le 26 février 2013, cinq journalistes de couvrir une conférence de presse donnée par le ministre de l‟Intérieur à propos d‟informations relatives à l‟assassinat de ChokriBelaïd. Cette interdiction a été justifiée par l‟exigüité de la salle qui ne pouvait contenir tous les journalistes venus couvrir l‟activité. Les journalistes concernées par cette mesure sont Naïma Mansour Charmiti du site « Arabesque TV », Sihem Mhamdi de la chaîne « El Hiwar Ettounissi », Khawla Chabbeh du site « Jadel », Olfa Gharbi de radio « Sabra FM » et Asma Ben Massoud du site « Al Jarida ». 10/03/2013 Samira Soury, journaliste du bureau de la chaîne associative « Al Hiwar Ettounoussi » pour le Sud-ouest a fait objet d‟une agression ciblée par un motard. Souri qui couvrait au moment où l‟incident est survenu, la visite de Mme Besma Khalfaoui, veuve du martyre Belaïd qu‟elle avait effectuée à la délégation d‟El Ktar du gouvernorat de Gafsa. Une moto arrive et percute Samira Soury, son conducteur l‟insulte et l‟injurie, expressément, avant de prendre la fuite. Cette agression lui a causé une profonde blessure au niveau de la cheville droite. Souri a fait savoir à l‟Observatoire du Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse qu‟elle a porté plainte à ce sujet. 259 11/03/2013 Lundi 11 mars, la journaliste du quotidien Ech-Chourouq, khadijaYahyaoui, reçoit une convocation du ministère publique du tribunal de première instance de Tunis pour se présenter devant le procureur adjoint chargé de la Diffusion et de la Presse. Yahyaoui avait publié, dimanche 10 mars 2013, un article dans lequel elle traite de nouvelles données sur l‟arrestation de l‟assassin de Chokri Belaïd. Yahyaoui s‟étonne, dans un entretien avec l‟Observatoire du Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse, de la rapidité avec laquelle le ministère publique a réagi pour la convoquer, considérant cette attitude comme étant l‟illustration du contrôle exercé sur le contenu médiatique dans notre pays. 13/03/2013 Houda Kchaou déclare, à l‟Observatoire du Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse, que depuis un moment, elle vit sous pression et terreur tant à son arrivée qu‟à sa sortie de la radio. Elle ajoute que « des pages douteuses de Facebbok sont en train de la souiller et d‟inciter à son encontre », accusant la Ligue de protection de la révolution de la région d‟être derrière ces actes. Sa consœur ,Abir Chakroun, affirme, de son côté, qu‟ « un nombre de prédicateurs comptant pour le parti Nahdha, l‟avaient nommément citée dans leurs prêches, l‟accusant d‟apostasie, parce qu‟elle refuse de faire partie de ces porte-voix gouvernementaux, fidèle à l‟indépendance et à la neutralité de la ligne éditoriale de son entreprise ». Les confrères et consœur s contacté-e-s par l‟Observatoire, accusent un de leurs collègues de cibler les 260 journalistes femmes de la radio, allant jusqu‟à les qualifier de filles de mauvaises moeurs, au cours d‟un séminaire organisé dans la région. 24/04/2013 Des inconnus se sont opposés à une équipe de télévision conduite par la journaliste et productrice Mouna Hidri, à son retour de la ville de Mahrès, après y avoir effectué une mission journalistique. Le groupe d‟individus, d‟à peu près une vingtaine de jeunes, leur a barré la route quand ils roulaient en voiture, usant de barrières en ciment et en bois et les forçant à s‟arrêter. Ces jeunes individus étaient munis de couteaux et autres armes blanches. Ils ont également, confisqué par la force, la caméra et l‟ordre de mission en possession de l‟équipe. Après avoir contacté les forces de sécurité de la région, la caméra a pu être restituée, mais débarrassée de la batterie. Cependant, Hidri exclue qu‟il s‟agisse d‟une agression à caractère purement criminel, d‟autant que les agresseurs n‟ont pas tenté de se saisir d‟autres objets qui étaient, pourtant, à leur portée. Naïma Khlissa, correspondante de la radio régionale privée « Sabra FM », a été l‟objet d‟une agression matérielle et morale pendant son travail, alors qu‟elle couvrait un mouvement de protestation organisé par des chauffeurs de taxis, devant le siège du gouvernorat de Medenine. Nombreux manifestants l‟ont insulté et l‟ont renvoyée, l‟empêchant d‟effectuer sa mission en menaçant de l‟agresser avec violence et de lui confisquer sa caméra, si jamais elle s‟aventurait à continuer de filmer le 261 mouvement, l‟accusant de diffuser la sédition et le chaos. La consœur fait remarquer que la Sécurité était présente sur place « sans se déranger » pour la protéger. Témoignages : SafaMtaâllah, journliste à « Ekher Khabar » : Quand le vent de la révolution a soufflé alors que j‟étais encore étudiante, j‟ai osé croire, comme tout tunisien-ne libre, que l‟aube allait se lever et que nous allions, enfin, assister à la naissance de la Tunisie dont nous avions longtemps rêvée. Passées les élections, voilà que les déceptions se succèdent. Ce sentiment est encore exacerbé, surtout quand j‟ai intégré la bataille de la vie quand j‟ai choisi le métier de journaliste, qui m‟a fait découvrir que les gens du métier sont les plus exposés aux violations. Je ne parlerai pas des violences que j‟ai subies personnellement, l‟année passée. Je me contenterais de l‟année 2013. Le début fut un 13 janvier, quand j‟étais en train de couvrir les festivités en commémoration de la révolution, à l‟avenue Habib Bourguiba, dans la Capitale, pour le compte du journal « Sawt Echaâb ». Ce jour là était réservé aux ligues de protection de la révolution qui avaient pris la relève aux manifestations musicales et autres discours. L‟après midi de ce même jour, une ambiance plutôt électrique commençait à se faire sentir au milieu des protestations, quand un groupe de jeunes est venu protester contre ces festivités « ostentatoires », au moment où le gouvernement n‟avait pas encore reconnu le statut des martyres de Redeyf. C‟est à ce moment là que les forces de sécurité avaient intervenu pour imposer l‟ordre et interdire tout risque de confrontation pouvant survenir, en se positionnant 262 en ceinture de façon à séparer les protestataires et les ligues de protection de la révolution. J‟étais en plein milieu, lorsqu‟un agent me pousse pour me « jeter » du côté où étaient rassemblés les jeunes des ligues de protection de la révolution. De prime abord, j‟ai eu un peu peur de me retrouver à cet endroit, car connaissant la nature des agressions dont ces groupes ont fait preuve envers certains journalistes. Toutefois, j‟ai pris courage et décidé de continuer mon travail. Mais il n‟en fallait pas pour longtemps, pour que je sois abordée par un individu, au moment même où je m‟apprêtais à commencer l‟enregistrement d‟une vidéo exhaustive sur le déroulement des événements, sachant que peu de temps avant, cet individu était en train d‟insulter, d‟humilier et de maudire la partie d‟en face des autres protestataires. Les pires qualificatifs ont été utilisés pour ce faire. Cette personne est venue m‟interroger sur ce que je faisais et j‟avais répondu que je ne faisais que mon travail en couvrant les événements. A la vue de ma carte de presse où il est fait mention de « Sawt Echâab », cet individu s‟est agité et a commencé à m‟injurier et à proférer en ma direction les pires attributs, tel que « prostituée » et autres qualificatifs du genre, bafouant ma dignité en tant que femme tunisienne, d‟abord, et en tant que journaliste, ensuite. J‟ai tenté de le mettre en garde devant la gravité de ses propos, d‟autant que je ne le connaissais pas et que je n‟ai jamais eu affaire à lui, raison de plus pour laquelle il n‟avait pas à s‟adresser à moi de la sorte. Sauf qu‟il a considéré que j‟étais en train d‟enregistrer des vidéos pour dénoncer ce qu‟il avait exprimé sur la Presse, pour, ensuite continuer à me calomnier usant d‟expressions humiliantes du registre « La Presse de la honte », « pourrie », « sans honneur »…Il a été jusqu‟à me saisir et me violenter. Je portais ma propre caméra, chère payée, après tant de patience et d‟effort, lorsqu‟il a commencé à m‟asséner des coups, sur mon tout mon 263 corps. Le tout s‟est passé au vu et au su des forces de sécurité qui ne se sont aucunement dérangés. Pire encore, les agents qui observaient la scène, se sont tout simplement retirés, laissant une journaliste subir, « naturellement » la violence. J‟étais, donc, obligée de me défendre toute seule. Quelques personnes présentes sur les lieux ont intervenu pour me protéger. Mon agresseur était encore en train de proférer ses insultes et de crier quand je suis partie chercher mes deux collègues que j‟ai perdus de vue au moment où les force de sécurité ont commencé à séparer les protestataires. Cet épisode m‟a particulièrement fait souffrir. C‟est que j‟ai été seule à lutter au moment où je subissais toutes formes de tiraillement, alors que mon agresseur était soutenu par ses amis. D‟aucune manière je n‟ai rétorqué, alors que lui, n‟a eu aucun scrupule, ne serait ce qu‟à l‟égard de l‟attitude civilisée avec laquelle j‟ai réagi. Quand j‟ai repris mes forces, -c‟est que j‟étais complètement abattue après l‟incident -je me suis dirigée vers le poste de police de la rue de Yougoslavie, et sur mon passage, dans une pharmacie pour obtenir quelques calmants, afin d‟apaiser des douleurs dues aux coups de j‟ai reçus, tant au niveau du bras droit et de l‟épaule gauche que de la jambe gauche et au niveau de l‟oreille. J‟arrive au poste de police vers 20h et j‟expose mon cas. On me demande d‟attendre. Une heure passe. Je me dirigé de nouveau vers un agent et je lui fais savoir que j‟habitais à la banlieue Sud et qu‟il ne me serait pas possible de rentrer chez moi, si on m‟aide pas à déposer plainte de suite. L‟agent ne daigne même pas me répondre. Une demi heure, après, on me signifie de revenir le lendemain. Je quitte le poste, avec dans la ma tête une seule idée « il paraît clair, désormais, que chaque journaliste se doit 264 de se protéger lui-même. Les forces de sécurité, m‟ont sciemment laissée en plaine rue, sujette aux violences. D‟autres ne sont pas empressés d‟effectuer les procédures nécessaires de la plainte, faisant fi de ma personne et me traitant sans un soupçon d‟importance. Quoi de plus évident ! Un mois après, j‟apprends que mon agresseur, n‟était autre, que le fameux dénommé « Rikoba » qui fait partie des ligues de protection de la révolution. J‟étais en train de visualiser une série de photos de la manifestation de ces ligues, prises à l‟avenue Habib Bourguiba, au mois de février, suite à l‟assassinat de Chokri belaïd. Mes amis que j‟interroge sur cet individu me répondent que c‟était « Rikoba », que je ne connaissais pas jusqu‟à cet instant. Non, je ne connaissais pas Rikoba, celui qui est devenu glorieux, après avoir été l‟hôte du président de la république. Mais il semble que je faisais partie de ceux et de celles qui n‟ont pas été atteints par l‟aura et le « rayonnement » de Rikoba jusqu‟à ce fameux 13 janvier. Mon ressentiment a grossi quand j‟ai vu la sollicitude avec laquelle l‟entoure le président de la république et quelques membres de l‟Assemblée nationale constituante. Car cela veut dire que lorsque ce monsieur s‟est comporté comme il l‟a fait, il savait qu‟il pouvait se le permettre, étant soutenu par des personnes protégées elles-mêmes grâce à la révolution, quand elles se sont installées sur leurs sièges. Et puis qui nous dit qu‟il, lui-même et ses semblables, « ce bras » que certains tendent pour taper sur la Presse ? 265 Le 24 avril 2013, un agent de la brigade de la recherche et des renseignements de Menzel Temime me contacte, depuis un téléphone fixe, de la Garde nationale de la ville, pour me convoquer à un interrogatoire. Au début de la conversation, l‟agent ne m‟avait pas précisé le motif de cette convocation. Devant mon insistance il fini par m‟ informer, qu‟un groupe d‟habitants de Hammam Ghezaz a déposé plainte à mon encontre depuis un mois, suite à un article que j‟avais publié dans « AkherKhabar », journal que j‟ai rejoint au début du mois d‟avril 2013.vérification faite, il s‟avère qu‟aucune convocation officielle ne m‟a été adressée, ni par le biais de la famille ni le journal, mais qu‟on s‟est contenté de me le signifier par téléphone. L‟article incriminé, date du 19 février 2013 de l‟édition n°31 du journal Akher Khabar, intitulé « des familles en peine à cause du départ de leurs enfants en Syrie, au nom du jihad ». Dans cet article j‟ai parlé des jeunes de la ville de Hammam Ghezaz, qui ont rejoint l‟enfer syrien. J‟y ai également révélé des détails sur la méthode de leur recrutement et sur leur relation avec l‟Organisation de la Qaida, ainsi que sur l‟itinéraire parcouru, qui passe par la Lybie. Le problème, ici, réside dans le fait que les habitants m‟ont contactée par le biais d‟un intermédiaire, originaire de hammam Ghezaz, un dimanche 21 avril 2013, pour me signifier leur disposition à me parler et à m‟informer sur ceux qui ont fait pression sur eux pour garder silence concernant leurs enfants et sur celui qui a destiné leurs enfants à cet enfer, outre bien d‟autres détails aussi importants, qui allaient faire découvrir totalement cette partie impliquée. Nous nous étions mis d‟accord sur un rendez vous, un mercredi, le jour même qui coïncide avec l‟appel que j‟ai reçu par la garde nationale de Menzel Temim ! A ce moment là, plein de questions me sont venues à l‟esprit ! D‟abord, quel sens fallait il donner à une convocation à un interrogatoire en ce moment, précisément, surtout que l‟émission « Fi Samim », dans son 266 édition « spéciale Syrie », diffusée par l‟une des chaînes tunisiennes privées, le 23 avril, a conforté, ce qui est venu dans mon article. En effet, il s‟est avéré que deux des personnes que j‟ai citées dans mon article, se trouvent dans les prisons syriennes. Ensuite, pourquoi m‟avoir convoquée le jour même où je devais rencontrer les familles de ces jeunes ? Sachant que la convocation que j‟ai reçue est datée du 29 avril 2013, à 09h du matin, à l‟adresse du journal, outre une deuxième convocation adressée au représentant juridique du même journal. A noter également, que le premier intermédiaire a subi un harcèlement, pour sa part. Il s‟agit de la personne qui s‟est chargée d‟arranger la rencontre entre les familles et moi-même, avant même que je n‟écrive l‟article, pour que les familles se désistent tout juste une heure avant le RDV, au mois de février et, en plus tout, porter plainte, de leur côté, contre cet intermédiaire. Au vu de ces faits, une sensation d‟étouffement me prend et je m‟interroge sur ce pays qui prétend vouloir construire une démocratie alors qu‟il ne fait qu‟entraver, et par tous les moyens, le travail des journalistes ? sur ce pays qui juge toutes les voix qui osent mettre à nue ne serait-ce qu‟un aspect de certaines réalités, parce qu‟elles risquent d‟être sources de malaise pour le gouvernement? Et l‟on se demande, aussi, dans quelle mesure est-il possible à une-journaliste de pouvoir travailler et continuer sa mission, aujourd‟hui, sous le joug d‟un système qui n‟hésite pas à bafouer l‟intégrité des femmes et des hommes de médias, tant sur le plan psychologique que physique ?. Souvent, ce sentiment d‟angoisse m‟habite par appréhension d‟un futur incertain. Hier, encore, c‟était des agressions verbales, ensuite physiques. Aujourd‟hui on évolue vers le jugement, comme si nous vivions, encore, aux jours les plus sombres de Ben Ali, quand la 267 destination de tous ceux qui osaient dénoncer le système du dictateur, était la prison, les filatures étroites et les pires formes de répression…Et demain…a quoi faut-il s‟attendre ? Monia Arfaoui : Journaliste à Dar As-Sabah: Le 29 août 2012 est un jour à marquer d‟une pierre blanche dans l‟histoire de la presse tunisienne. C‟est aussi un rendez-vous, particulier, de l‟Entreprise « Assabah », « icône » de la presse tunisienne, étant le plus ancien média à avoir édité une publication en papier en Tunisie. Ce jour-là, les enfants de la « maison » se sont soulevés pour défendre l‟indépendance de leur Entreprise et la liberté d‟expression, suite à la nomination d‟un directeur général connu pour son allégeance au parti au pouvoir et venu comme chargé de la mission d‟assujettissement au sein de l‟entreprise. Quand « la révolte » de Dar As-Sabah s‟est déclenchée, je n‟ai pas hésité, de concert avec mes collègues, à défendre la liberté d‟expression amenée par la révolution à un secteur longtemps écrasé, sous le poids de la puissante machine de la répression systématique. Un peu plus d‟un mois et grâce à notre acharnement à vouloir éloigner le directeur, j‟ai été surprise, au matin du 1er octobre 2012, que ce même directeur, refuse de régulariser ma situation professionnelle par le renouvellement de mon contrat. C‟était de sa part une revanche à prendre en réaction au mouvement que nous avons mené, d‟autant que deux jours auparavant, nous avions annoncé le début du déclenchement de « la guerre des ventres vides » contre le pouvoir. Le lendemain, grande fut ma consternation, quand j‟apprends par des collègues, tôt le matin, que ce responsable avait donné l‟ordre aux gardiens de m‟interdire l‟accès à l‟Entreprise tout autant qu‟à mon collègue HamdiMazhoudi. Mais cette décision ne m‟a pas perturbée, tant que 268 cela, comme pouvait, certainement, l‟imaginer le nouveau responsable qui a voulu usé, à mon égard, de ces pratiques qui consistent à affamer et à assujettir. En route vers l‟Entreprise, je me suis sentie plus que jamais déterminée et j‟avais le sentiment qu‟aucune ne force dans le monde, quelle que soit sa puissance, ne pouvait me faire plier à rejoindre Dar As-Sabah. Je pu, en effet, avoir accès à l‟entreprise malgré l‟opposition des agents de garde, grâce à l‟aide de tous les collègues, dans un élan de défi évident lancé au directeur avant d‟annoncer, par la suite, le début d‟une grève de la faim illimitée. Passées ces péripéties et après que Dar As-sabah l‟ait emporté, haut et fort, dans sa bataille médiatique contre le pouvoir, quelques semaines après, je reçois, curieusement, une convocation adressée par la brigade des recherches économiques et financières, suite à un article publié au début de l‟année 2012, sur les dépassements et autres violations continues, avant et après la révolution, constatées dans les prisons tunisiennes. L‟interrogatoire s‟apprêtait plus à des demandes de renseignements qu‟à des questions en rapport avec le contenu de l‟article, censé déranger. Quelques jours après, et concernant toujours la même affaire, la division de la recherche et de l‟inspection de la Garde nationale me convoque, en tant que témoin, cette fois ci, pour m‟interroger sur des sujets en rapport avec la torture dans les prisons et pour vérifier mes sources. En vérité, tant au cours du premier interrogatoire qu‟au cours du deuxième, je n‟ai eu, à aucun moment, l‟impression d‟éclairer la justice, comme on le prétend à ces occasions. Le but de ma présence était, plutôt, une façon de m‟intimider et de me pousser à plus de réflexion avant d‟écrire un article sur n‟importe quel sujet. Autrement dit, il 269 s‟agissait de faire pression sur moi pour m‟inciter à pratiquer l‟autocensure. -Naïma charmiti : journaliste et responsable du site « Arabesque TV » Je croyais que l‟environnement de la liberté d‟expression allait s‟épanouir, pour nous offrir ce dont nous avions rêvé, des décennies entières et c‟est pour cela que j‟ai fait partie des tous premiers à monter un projet électronique indépendant, loin de tous les tiraillements politiques, grâce à un prêt bancaire que j‟ai tout fait pour obtenir, étant passionnée de journalisme. Depuis le lancement du site « Arabesque TV », au mois de février 2012, j‟ai, souvent, fait l‟objet d‟agressions, accompagnées parfois, de coups, par des partisans du mouvement salafistes. La première fois a eu lieu à l‟occasion du sit-in des étudiants salafistes, organisé à la faculté des lettres de La Manouba, tout autant qu‟une autre collègue qui a fait l‟objet, pour sa part, d‟une agression policière au cours des regrettables événements du 9 avril 2012, qu‟à connu Tunis. J‟ai été, également, ciblée au cours de certaines manifestations pendant que je couvrais le déroulement. Ces agressions se manifestaient sous plusieurs formes, dont les insultes, les injures, les coups, l‟interdiction de travailler et les menaces de confiscation du matériel de travail et leur démolition dans le seul but de m‟intimider. En voici quelques exemples des agressions que j‟ai subies au cours des sept derniers mois: 270 *les événements de Siliana où des armes de chevrotines ont été utilisées, en novembre 2012 : Comme il est d‟usage et motivée par l‟amour de la profession, je monte une voiture de louage et je me dirige vers la ville de Siliana pour couvrir les manifestations. A mon arrivée sur les lieux, je remarque que l‟atmosphère était plutôt lourde et que la tension entre les manifestants et les forces de l‟ordre sur place était évidente. J‟ai été cernée et la police a tenté de me confisquer ma caméra. Faisant semblant de ne pas avoir l‟intention de filmer ne serait-ce qu‟une scène de la manifestation, je commence à discuter avec eux. Voilà qu‟ils se mettent à accuser la Presse de monter contre eux, l‟opinion publique. J‟ai été, également, séquestrée avec un groupe de journalistes dans le domicile d‟un citoyen où nous avons été la cible de gaz lacrymogène lancé en notre direction, empêchés de parvenir jusqu‟à la scène des événements. *février 2013 En violation flagrante de la loi j‟ai été, à titre personnel, interdite en compagnie d‟autres collègues de rejoindre une conférence de presse donnée par le ministre de l‟Intérieur, au sujet de l‟assassinat de Chokri Belaïd. L‟alibi était que mon « nom ne figurait pas sur la liste ». Au même moment, nombreux étaient les journalistes locaux et étrangers présents, connus pour avoir composé avec le régime de Ben Ali, qui ont été bien accueillis. C‟était l‟un des pires traitements auxquels j‟ai eu droit, dès lors où, j‟étais dans mon pays ; la Tunisie post révolution et j‟étais munie d‟une carte de presse professionnelle. Sauf que le ministère s‟est comporté avec moi 271 sur la base d‟une logique raciste et ségrégationniste qui consiste à différencier entre les journalistes. Ce jour-là j‟attendais avec impatience d‟obtenir des données sans plus. Mais mon ambition s‟est transformée en une tristesse telle, que j‟ai pleuré prise par un fort sentiment d‟injustice et de frustration. C‟est à ce moment-là, aussi, que j‟ai eu l‟impression que mon pays, après la révolution, n‟était pas le lieu indiqué aux jeunes créateurs ni aux laborieux mais qu‟il est devenu le fief des corrompus. Cependant, et en dépit de toutes les difficultés et souffrances que je continue de subir, qu‟elles soient matérielles, verbales ou encore morales, je demeure toute déterminée et plus que jamais conduite à poursuivre le travail, abstraction faite de toutes intimidations et autres menaces. Amel Chahed : Journaliste à la télévision tunisienne : La première remarque avant de venir aux restrictions, est que l‟attitude et la mentalité n‟ont pas beaucoup changé, depuis le 14 janvier 2011 et ce que je vais exposer, n‟est autre que l‟illustration du maintien d‟une même situation et pratiques. La diffusion de l‟émission, « Bi taouqit Al Ôula », que je prépare et présente sur la première chaîne, depuis le mois d‟octobre 2012, a démarré avec une moyenne de quatre jours par semaine, de 19h à 20h et a été ainsi maintenu jusqu‟à la fin du mois de décembre de la même année. 272 Pendant cette période, et essentiellement pendant les premières semaines, tant la direction générale que la direction de la Chaîne m‟ont adressé des remarques en guise de conseils, du genre « se tenir à la neutralité » (remarques adressées, essentiellement, pour ce qui concerne l‟émission qui a été réservée aux événements survenus, suite aux tirs à la chevrotine à Siliana) ; ou bien des propositions qui consistent à l‟invitation d‟un responsable politique précis, afin de lui permettre de donner son point de vue sur certains sujets. (Lotfi Zitoun, ex-conseiller politique du chef du gouvernement, chargé de l‟Information. Ceci est arrivé, au moins, à deux reprises) ; ou encore, une tentative d‟imposer la présence d‟une personnalité politique précise, dans la même émission programmée avec un autre invité, au prétexte du droit de réponse ou au nom de la précaution à prendre, pour répondre au cas où cette même personne serait citée ou au cas où on lui aurait attribué quelques déclarations (ex. le jour de l‟attaque du siège de l‟UGTT, on a fait pression pour que soit présent le représentant du Parti Nahdha, afin qu‟il puisse répondre et diffuser une image envoyée par courrier électronique à un responsable de la direction générale de la télévision). Rappelons que l‟émission, sous sa forme informationnelle est une sorte de revue qui s‟intéresse à la synthèse des événements inhérents et à les commenter et non une émission de débat dans le genre, l‟opinion et l‟opinion contraire. Dans une deuxième étape, certains responsables politiques, proches de certaines parties gouvernementales, ont fini par signifier franchement leur ressentiment quant à la ligne éditoriale de l‟émission, lançant, publiquement, des accusations de partialité et de manque de professionnalisme. C‟est arrivé, au moins, à deux reprises. Une fois, sur le plateau de l‟émission et une autre, dans une émission de débat, sur la même 273 première chaîne nationale, (le ministre Hassine Jaziri et l‟ex-conseiller chargé de l‟information auprès du chef du gouvernement, Ridha Kazdaghli). En réaction à toutes ces pressions, révélées ou pas, on a procédé au changement de la diffusion de l‟émission par la réduction des jours de programmation à deux et au changement de l‟horaire de diffusion, prévu désormais, à 18h20 au lieu de 19h, à partir du mois de janviers 2013. Au cours de la dernière période, depuis les péripéties de ces changements, de janvier à avril, des pratiques d‟ingérence ont été enregistrées, sur le contenu de l‟émission, par la direction qui a formulé des remarques au sujet des personnes interrogées sur certains sujets (ex. pression pour que soit invité un représentant de la police dans l‟affaire de la violente agression commise sur le journaliste Mohamed Ali Ltifi, qui était présent à l‟émission avec des traces visibles sur les yeux et le visage), et des commentaires qui expriment que telle consœur ou tel confrère invité-e-s à l‟émission pour commenter le déroulement de l‟actualité et participer au débat, n‟étaient pas désirables, au prétexte de leur appartenance politique connue (Youssef Oueslati, TawfikAyachi…) ou encore du fait qu‟ils ne soient pas journalistes ou du moins, non spécialisés sauf dans des domaines particuliers dans leur écriture journalistique, (Soufia Hamami, Amel Belhaj Ali…). A d‟autres occasions, il s‟agit de demandes qui consistent à revenir sur l‟invitation de certaines personnes, pour « manque de crédibilité ou d‟intégrité (Saïd Khazémi, Mohsen Zarkouni). Un harcèlement d‟un genre nouveau était ressenti, également, au mois d‟avril 2013, qui consiste, cette fois, à demander le plan de l‟émission, 24 274 heures à l‟avance, en dépit de son caractère immédiat, qui traite des événements du jour même, de la diffusion. Il a été, aussi, procédé à l‟annulation de la diffusion, pure et simple, de l‟émission à deux reprises et la raison avancée n‟était autre que le manque de moyens techniques (Le bus numérique) et la multitude de la matière télévisée (les matches de football, le tribunal militaire, les festivités de la fête nationale au palais présidentiel). Deux émissions ont été annulées, de ce fait, les 17 et 24 avril 2013. En dépit des efforts fournis par l‟équipe de l‟émission et son acharnement pour son maintien dans un élan défiant les conditions de travail précaires et l‟absence de nouveaux moyens ou au moins l‟entretien de ce qui était disponible, au tout début. (réduction du nombre des personnes chargées de superviser l‟exécution du programme, à cause de leur mutation pour la production de feuilletons télévisés ; le retour sur la promesse de mettre à disposition le décor adéquat de l‟émission qui a démarré avec un décor provisoire ; l‟interruption d‟internet sur la télévision les dernières semaines, essentiellement, de la page facebook, exploitée pour certaines tâches, surtout pour la récupération de caricatures ou quelques extraits de vidéos, à même de faciliter le travail, pour une grande partie et l‟échange de la matière entre les journalistes de l‟émission….) Cette perturbation dans la diffusion et le changement de la plage horaire qui lui était réservée a eu des répercussions négatives sur le taux de l‟audimat, puisqu‟une grande partie des téléspectateurs ne peut être présente chez elle, à la nouvelle heure de diffusion. Le feuilleton turc programmé par la direction générale de la télévision tunisienne, à l‟heure initiale de l‟émission, 19h 20h, dans le but de générer des bénéfices de la publicité, n‟a pas bénéficié d‟un taux 275 d‟audimat respectable et n‟a pas connu le succès attendu. Il est, d‟ailleurs, possible de le vérifier et d‟en faire la comparaison avec les chaînes de télévision concurrentes, à la même plage horaire. Ferida Mabrouki : Directrice du bureau de l’Agence Tunis Afrique Presse à Gafsa: Le 7 février et pendant que je couvrais une marche de protestation organisée suite à l‟assassinat du Secrétaire général du Parti des nationalistes démocrates unis et chef de file du Front populaire, Chokri Belaïd, la manifestation a tourné en violents affrontements, entre les manifestants et les forces de l‟ordre et j‟ai fait l‟objet d‟une agression verbale de la part d‟un officier de la Sécurité nationale de Gafsa. Près de la recette des finances régionale, limitrophe du poste de la région, où ont survenu les affrontements, des agents de la brigade d‟intervention qui procédaient à l‟évacuation d‟un groupe de manifestant ont arrêté un protestataire, que d‟autres agents ont commencé à battre et à le traîner jusqu‟à une voiture en leur possession. Ensuite, il lui asséner des coups de pieds. Je m‟étais approchée de la scène pour prendre quelques photos et les interroger sur les mobiles de cette violence sur un manifestant, d‟autant que j‟avais relevé, que la victime n‟a fait aucun effort pour lutter contre son arrestation Je portais un gilet « presse » et je n‟avais pour arme que ma plume et mon téléphone portable, dont je ne me suis servi que rarement pour prendre des photos. Je m‟étais approchée, en dépit de la densité du gaz lacrymogène et les pierres lancées de partout par les manifestants, voulant atteindre le groupe des forces de l‟ordre en question, me dirigeant vers un officier avec rang de capitaine, pour l‟interroger sur les raisons d‟autant de violence à l‟encontre de ce manifestant qui n‟a montré aucun signe de résistance. 276 Je n‟avais pas encore achevé ma question, que mon interlocuteur, s‟adresse à moi en en ces termes, «va-t‟en, espèce de « P…». Laisse nous travailler…» Pour quelques secondes, il m‟a semblé que ces paroles proférées, ne m‟étaient pas adressée, à moi, personnellement. J‟ai même oublié, pour quelques instants, que j‟étais la seule femme à cet endroit avant de rétorquer, dans une tentative de dissiper un voile et démentir ce que mon ouïe a capté, en disant : Regardez le «gilet », je suis journaliste et en ce moment je travaille. Tout en s‟approchant de moi, il me ressasse « je t‟ai déjà dit de partir, espèce de P…de P…et laisse nous travailler…». Blessée dans l‟âme, des larmes d‟impuissance et d‟humiliation se sont mêlées à celles du gaz lacrymogène. Mais elles étaient de loin beaucoup plus brûlantes. Mes mains qui ont commencé à trembler avaient exprimé, en fait, avant même que mon esprit le conçoive clairement, que j‟étais bel et bien cette journaliste visée par ces propos. Les mots de réconfort exprimés par trois citoyens, jusque là abrités à l‟entrée de la Recette des finances et qui étaient suffisamment proches du « spectacle » pour le voir dans ses détails les plus infâmes et que je n‟avais même pas remarqués quand ils étaient venus vers moi, m‟ont grandement aidée à éviter l‟effondrement. C‟est que c‟est la première fois de ma vie que je fus traitée de « P…»… Une personne m‟a prise par la main. Pendant quelques instants, j‟ai eu l‟impression d‟être incapable de faire un pas en avant pour la suivre. J‟ai laissé faire et cette personne a pris la peine de m‟accompagner dans le but clair de me protéger de cet officier, tout comme elle me l‟a expliqué en me poussant vers la chaussée. Sans lutter, j‟ai continué mon chemin en compagnie de ces citoyens qui n‟ont épargné aucun effort pour alléger le poids de toutes ces 277 proférations qui me pesaient lourdement, d‟autant que je n‟arrivais pas à faire cesser des larmes qui, à leur tour, n‟ont pu empêcher une forte sensation d‟étouffement intérieure de grossir au fur et à mesure, que cela a failli, enchaîner ma capacité à continuer mon travail et couvrir ces événements. Sans détour ni complexe, j‟avoue que j‟ai énormément souffert ce jour-là. Par la suite aussi, d‟ailleurs. Au point qu‟à chaque fois où on m‟interroge sur les détails de ce que j‟ai subi, les larmes m‟étouffent, sans parler du fait que je demeure toujours incapable de prononcer le terme, dont m‟a qualifiée l‟officier. Néanmoins et dans mon for intérieur, je ne cesse de me dire que, ce jour-là, j‟ai, tout de même gagné. En effet, je l‟ai emporté, en fin de compte, sur cet officier puisqu‟en définitive, j‟ai pu, malgré tout, poursuivre mon travail en effectuant la couverture de ces mêmes événements, ce jour-là, avec le professionnalisme qui se doit et sans qu‟aucun effet de ce qui m‟a personnellement touchée, ne soit ressenti dans cette couverture. Samira Soury : Journaliste au bureau de Gafsa de la chaîne Al Hiwar Ettounissi: le journalisme est un métier éprouvant et les violences répétées sur les journalistes empêchent l‟aboutissement d‟une certaine jouissance. J‟ai subi personnellement toutes sortes d‟agressions verbales et morales. La dernière en date a eu lieu le 10 mars 2013, quand j‟ai fait l‟objet d‟une agression ciblée par un motard, au moment où j‟étais en train de couvrir la visite de Mme BesmaKhalfaoui, veuve du martyre ChokriBelaïd, dans 278 la localité d‟El Ktar, du gouvernorat de Gafsa. L‟agresseur m‟a percutée avec sa moto atteignant la cheville droite, ce qui a nécessité un repos de plus de 25 jours. Et comme si cela ne suffisait pas, il m‟a, aussi, traitées des pires qualificatifs avant de prendre la fuite. A noter qu‟au moment des faits, je portais le gilet « presse » et un matériel sur lequel était mentionné, d‟une façon très visible « chaîne Al Hiwar Ettounissi ». J‟ai intenté un procès en justice à cet effet. Cette agression fait suite à une autre, en date du 24 novembre 2012, exprimée à travers une communication téléphonique, provenant d‟un individu originaire de la municipalité de Ksar-Gafsa, quand il a appris que j‟étais dans l‟impossibilité de couvrir un sit- in. La personne en question tenait absolument à ma présence pour couvrir la manifestation qui coïncidait au même moment que d‟autres événements plus importants que nous devions couvrir. J‟ai, également, porté plainte, à cet effet. N‟omettons pas la manière avec laquelle composent les responsables de l‟administration régionale avec l‟équipe de la chaîne Al Hiwar, dans le Sud-ouest et avec moi personnellement, à chaque fois où j‟ai des difficultés à obtenir une information ou une quelconque déclaration d‟un responsable. Souvent, le véritable argument est le fait que je travaille pour une chaîne, dont la ligne éditoriale « s‟oppose » au pouvoir et à ses composantes et en est sans cesse, critique. Parfois on me signifie clairement, que notre travail dans la manière de transmettre les souffrances, par l‟image, des gens et de leurs problèmes, constitue une sorte d‟incitation à l‟insurrection, aux manifestations et au blocage des routes. Il va sans dire que la pratique de ces intimidations me laisse tout le temps dans l‟attente du pire et me fait sentir l‟absence de protection. Ces 279 méthodes réduisent, aussi, ma volonté, quand il s‟agit de présenter objectivement et d‟une matière vivante, ce qui reflète la réalité sous toutes ses facettes. Souvent aussi, j‟ai l‟impression de m‟investir en vain au profit de ce métier, pourtant, noble. Mais dans le fond et presqu‟à mon insu, tout ceci ne fait que renforcer ma détermination pour continuer mon travail, avec le même effort et la même fierté d‟obéir et de m‟attacher aux valeurs que j‟ai apprises par mes professeurs à l‟Institut de Presse. La solidarité de mes confrères et consœur s dans différents organes de presse, qui m‟est exprimée quand je suis sujette à des violations, y est aussi pour quelque chose, car elle ranime, à chaque fois, mon courage à m‟attacher à l‟essence de mon métier et à continuer mon parcours professionnel en toute confiance, me basant pour ce faire, sur plus de professionnalisme et une neutralité toujours plus affirmée. HoudaKchaou : Journaliste à Radio-Sfax: Les agressions planifiées en tant que moyen pour dissimuler la vérité : c‟est ce à quoi œuvrent les adeptes du Parti au pouvoir, aujourd‟hui, nous poussant à déduire qu‟il n‟y a pas de liberté de presse, autant il y a le courage des journalistes. C‟est, en tout cas, notre sentiment devant les violations que nous subissons par les ligues de protection de la révolution, à chaque fois où nous critiquons le rendement du gouvernement ou nous donnons l‟occasion à ceux qui ont un avis contraire de s‟exprimer au nom du pluralisme au sein de la radio. Tout au long des derniers mois, j‟ai été l‟objet d‟une série d‟agressions verbales et autres accusations de diffamations, orchestrées par des membres des ligues de protection de la révolution, alliées du Parti au 280 pouvoir. Cela va jusqu‟à la délation et l‟atteinte aux mœurs, outre les insultes et les injures ainsi que les menaces de violence. Ces tentatives d‟intimidation ne se limitent pas uniquement aux communications téléphoniques, à la diffamation dans les pages électroniques, mais certains trouvent le cran d‟aller jusqu‟à protester auprès de la direction et demander mon exclusion sous prétexte de l‟absence d‟impartialité m‟accusant d‟œuvrer en faveur d‟un quelconque agenda politique. Ils ont usé de différents moyens pour restreindre le champ de la liberté d‟expression dans l‟Entreprise où je travaille, parce qu‟ils ne croient pas à la nature du travail journalistique que nous effectuons et qui nécessite l‟ouverture de l‟espace à toute forme d‟expression sociétale afin qu‟elle puisse se faire entendre, en toute liberté et quelle que soit son positionnement par rapport au processus politique, aux enjeux économique et sociaux et les valeurs qui sont défendues. C‟est ce qui les a poussé à organiser plusieurs sit- in de protestation devant radioSfax, avec comme slogan « Dégage » à l‟adresse des voix qui ne leur sont pas acquises. Ils considèrent que ma place est au foyer, loin du travail dans lequel j‟ai été élevée et que j‟ai assumé conformément aux normes professionnelles et scientifiques. Le chemin séparant mon lieu de travail de mon domicile est devenue miné de dangers au point que, désormais, je me dois de prendre plus d‟une précaution, à chaque pas que je fais. Ceci concerne, même, ma vie privée, car j‟ai toujours considéré que les menaces peuvent me nuire, également, en dehors de mon cadre professionnel et que je pouvais être visée tout autant que les membres de ma famille. Ces pressions peuvent avoir, également, des répercussions sur la valeur de mon rendement ainsi que sur la relation que j‟entretiens avec mes collègues. Cet environnement marqué par l‟animosité, tant envers moi 281 qu‟envers les collègues, s‟édifie, essentiellement sur la base des campagnes tendancieuses qui nous visent, sous le slogan mercuriale et trompeur « la Presse de la honte ». C‟est qu‟on cherche à instaurer une presse sur mesure, qui reproduit l‟ancienne expérience, avec tous ses inconvénients et ses erreurs, Centre de Tunis pour la liberté de la presse mettant fin à la créativité de ceux et de celles qui travaillent dans le secteur. Aujourd‟hui, je suis plus que jamais déterminée à revendiquer la nécessité d‟une protection tant pour moi que pour mes collègues, contre toutes formes de violations. Je tiens, également, à mettre devant leurs responsabilités, tous les agresseurs qui nous guettent nous-mêmes et notre métier. Pour ce faire, il est, cependant, nécessaire de procéder à la conscientisation du large publique quant à l‟importance du rôle joué par les journalistes quand ils sont à l‟écart de toute forme de pression quelle que soit sa provenance et loin de toute ingérence ou autres ordres. Auquel cas, les journalistes ne seraient pas en mesure d‟aller vers l‟information ni de persévérer dans leur mission afin de révéler les vérités et les présenter à l‟opinion publique sans fard ni retouches. IV. RECOMMANDATIONS: Le Centre de Tunis pour la liberté de la Presse considère que s‟opposer aux violations contre les femmes journalistes, demeure tributaire, dans une large mesure, d‟une modification voire d‟un bouleversement, de l‟environnement social, dont la dimension culturelle et spirituelle est influencée d‟une mentalité bien ancrée et qui consiste à voir la femme 282 et/journaliste comme étant un être inférieur. Le Centre d‟une appelle, clairement à: -Une représentation égalitaire dans les responsabilités professionnelles, en cohérence avec la présence des femmes journalistes dans le secteur ainsi qu‟avec leur compétence et professionnalisme ; -Une opposition à l‟image stéréotypée de la femme journalise dans les médias tunisiens ; -Une prise en compte particulière des femmes journalistes dans les régions intérieures, où l‟environnement y est plus appauvri et plus marginalisé, favorisant, par conséquent, les violences et l‟exploitation à leur encontre. Il est, également, impératif de mettre à disposition, suffisamment de mécanismes de protection en leur faveur. -Une mise en place d‟espaces informationnels permanents pour traiter des questions spécifiques aux femmes journalistes -Un renforcement des sanctions administratives et judiciaires contre les agresseurs des journalistes femmes ; -L‟encouragement des femmes journalistes à faire parvenir tous les cas d‟agressions à leur encontre, y compris celles à caractère sexuel, à toutes les parties concernées, allant jusqu‟à la justice. 283 284