Types de violation Concentration des violations

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Types de violation Concentration des violations
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Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse
Adresse : 4 rue du Mexique – Tunis
Tel et Fax : +0216 71882556
Site :www.ctlj.org
Mail : [email protected]
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EQUIPE DU RAPPORT :
Coordinateur de l’Unité du monitoring : FahemBoukaddous
Conseiller juridique: Mondher Cherni
Superviseur technique: Tarek Alghourani
Assistante de coordination: Ahlem Bousserouel
Chercheurs :
Khaoula Chabbeh
Nejla Ben Saleh
Mohammed Yassine Jelassi
Samir Jarray
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Sommaire
 Introduction : Vigilance, rien que la vigilance
 Méthodologie
 Lecture des violations contre les journalistes durant une
année
 Des journalistes menacés de mort
 L’épée de la loi toujours suspendue au-dessus de la tête des
journalistes
 Cadre législatif général de la poursuite des journalistes
 La liberté de la presse dans la nouvelle constitution Tunisienne
 Les comités de rédaction
 Les violations commises sur les femmes journalistes
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Introduction
Vigilance, rien que la vigilance
La presse tunisienne a vécu au cours des cinq dernières décennies ses
jours les plus tristes durant lesquels le régime dictatorial a délibérément
étouffé sa voix éditorialiste et professionnelle et l‟a transformée
lentement à un serviteur politique obséquieux.
De grands efforts ont été fait, des stratégies ont été élaborées et
beaucoup d‟argent a été dépensé afin de convertir la vocation de cette
profession la plus ancienne à l‟échelle de l‟Afrique et du monde arabe
d‟une autorité d‟information, d'éducation et de contrôle en un moyen de
divertissement et de justification qui contribue à remodeler la mentalité
collective, à accepter l'autoritarisme, la tyrannie et la misère, et
d‟accepter d'échanger leurs destins, rêves et aspirations en contre partie
d‟une poignée d‟argent et une fausse sécurité.
Pendant des décennies, des générations entières de journalistes ont été
privés d‟exercer cette profession librement et loin de toutes exigences
autoritaire et idéologique, à l‟instar de leurs collègues de la région arabe
et à l‟échelle internationale. La profession a ainsi perdu la crédibilité, la
précision, la rigueur et le sens d'appartenance aux problèmes réels de
leur communauté, ainsi qu‟a l‟appartenance aux acquis de libertés et des
droits universels qui incarnent la nouvelle génération de l'éthique de la
profession.
Au moment où on assassinait les journalistes en Algérie, au Yémen et
au Liban, on assassinait la profession de journaliste en Tunisie.
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Toutefois, à la lumière de la dévastation systématique et destructrice qui
avait été imposée sur le secteur des médias, l‟esprit de résistance ne
s‟est pas tu, des têtes se sont érigées ici et là pour aigrir les espoirs de
maintien du dictateur à son trône et ouvert des grandes brèches dans le
mur de l'opacité et de la censure qu‟il a dressé. Ceci a contribué à
donner de l'espoir à toute une nouvelle génération de journalistes et
blogueurs qui étaient un des majeurs symboles
du changement
révolutionnaire que notre pays a connu en Décembre 2010 / Janvier
2011.
Ce qui s'est passé pendant la révolution tunisienne, beaucoup de
journalistes y étaient pour quelque chose. Ce qui a été acquis après la
révolution des réalisations au profit de la liberté de la presse et de
l'expression doit bénéficier à tous les journalistes parce que nous
sommes face à une quiddité qui n'accepte ni la discrimination, ni
l‟appointement, ni la fragmentation, et en particulier ceux qui ont reçu le
souffle de la liberté en cadeau après de longues décennies de privation
n'accepterons jamais à y renoncer, quelle que soit les tentations, les
obstacles et les échecs: ceci s‟est fait au prix fort : des corps de
centaines de martyrs, des milliers de blessures et de nombreuses
histoires de tragédie, de souffrance et de blessures.
Cependant, ce qui est construit sur des mares de sang et a généré des
institutions et du contenu risquent de perdre en importance par
l‟emportement du pouvoir, la prédominance de l'argent politique et les
tentatives pour simuler les anciennes tactiques répressives, ce qui
pousse constamment à doubler de vigilance dans le but de préserver ce
qui a été acquis et le renforcer.
L‟unité de surveillance et de documentation des violations a l‟encontre
des journalistes tunisiens au Centre de Tunis pour la Liberté de la
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Presse a essayé d‟être l‟un des gardiens de la liberté de la presse. le
présent rapport annuel de l'état de la liberté de la presse dans notre pays
tente d‟être l'un des mécanismes de contrôle sur la manière de traiter de
la question de la liberté de la presse au niveau du comportement, des
politiques, des lois et des structures dans le but de renforcer cet acquis
et afin de ne pas donner l‟occasion à ses détracteurs et aux perdants de
sa réussite de profiter de sa fragilité.
Fahem Boukaddous
Coordinateur de l’Unité du monitoring du CTLP
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METHODOLOGIE DU CENTRE DE TUNIS POUR LA LIBERTE DE LA
PRESSE DANS L’OBSERVATION ET LA DOCUMENTATION DES
VIOLATIONS CONTRE LA PRESSE
Une unité spécialisée dans l‟observation et la documentation des
violations contre la presse et les journalistes en Tunisie a été créée en
octobre 2012 en Tunisie dans le Centre de Tunis pour la liberté de la
presse, qui est la première unité scientifique spécialisée dans ce
domaine dans notre pays.
L‟équipe de l‟Unité, accompagnée par l‟expert international Jean-Paul
Marthoz , a pu développer une stratégie de travail composée de 50,
après tout un mois de discussions Intitulée « Manuel d’enquête », cette
stratégie a été conçue pour être fidèle aux besoins de la Tunisie dans ce
secteur sans se détacher des acquis internationaux dans le domaine
d‟investigation et de documentation.
1. La spécificité tunisienne dans l’observation et la documentation :
Cette spécificité se manifeste dans quatre domaines en particulier :
- Définition d’un journaliste :
En prenant connaissance de la plupart des expériences dans le domaine
des violations commises sur les journalistes, le Centre a enregistré une
divergence dans la définition du journaliste ; même si, dans sa définition
classique, est connu par sa propriété de la carte de journaliste
professionnel qu‟une autorité, un organisme spécialisé (comité de la
carte du journaliste professionnel), un syndicat ou un organe de presse
lui accorde.
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Cependant, le Centre a considéré cette définition n'est pas en mesure de
s'adapter aux évolutions technologiques et sociétales, surtout que la
Révolution tunisienne, qui a réalisé des gains réels pour le presse
tunisienne, a été marquée par la naissance de la presse citoyenne
contre une baisse de la presse traditionnelle. Il y a eu de nombreux
blogueurs et journalistes citoyens qui ont excellé dans la transmission
des informations sur le mouvement populaire et se sont imposés en tant
que nouvelle génération de producteurs d‟information qu‟on ne peut ni
marginaliser ni exclure.
En conséquence, le Centre a décidé d'inclure le travail de l‟Unité
d‟observation et de documentation de toutes les parties suivantes :
- Les journalistes professionnels qui travaillent dans des organes de
presse classiques
- Les blogueurs qui se présentent et qui sont actifs en tant que
journalistes mais ils ne sont pas liés à un établissement de presse ou un
comité de rédaction spécifique
- Les producteurs d‟information tels que les « journalistes de vidéo » et
les photographes amateurs qui travaillent à titre volontaire pour collecter
et diffuser des informations, et exposés, par conséquent, aux attaques
- Assistants journalistes comme les fixeurs de caméras, les traducteurs
et les chauffeurs des équipes journalistiques
- Les autres citoyens qui sont exposés à de divers rebonds suite à leur
interventions dans les médias, à la fois dans les espaces libres ou les
débats
- Les familles et les proches des journalistes qui sont exposés à des
rebonds sur fond du contenu médiatique présenté par les derniers
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Compte tenu de tous ces cas, la profession de journaliste ne sera pas la
base de notre travail qui sera axé sur le contenu médiatique
occasionnant l'attaque contre son auteur.
Bien que cette formule pourrait inclure plus d‟acteurs (qu‟on a l‟habitude
de voir) dans le domaine des médias, elle peut permettre la remise en
cause en particulier par les autorités qui peuvent enlever la fonction de
journaliste à certains d'entre eux, sous prétexte d'activités politiques en
dehors du cadre journalistique (en matière de terrorisme et discours
incitant à la violence et à la haine) ou d'autres arguments comme
l'attaque contre les agents de sécurité, l'évasion fiscale, etc. Elle peut
aussi créer d‟autres défis comme l‟orientation politique et l‟affiliation
partisane.
Toutefois, il convient de noter que l'Unité d‟observation n‟intervient pas à
moins que la violation ait eu lieu au cours de la performance du travail
journalistique du journaliste. Par exemple, on ne pas intervenir dans le
sujet d'un journaliste impliqué dans un accident de la route si on n‟a pas
de preuve qu‟il avait été ciblé en tant que journaliste. Ou par exemple, le
cas d‟un journaliste, étant en vacances et ayant été attaqué par des
malfaiteurs, ne peut pas être considéré si la violation n‟est pas liée à sa
fonction de journaliste ou à l'exercice de sa profession.
Ceci peut également inclure le cas du journaliste professionnel
soupçonné d'évasion fiscale qui n'est pas considéré comme une
violation sauf avec des preuves irréfutables démontrant que la procédure
fiscale a été utilisée d‟une manière discriminatoire et arbitraire par les
autorités pour faire taire le journaliste gênant.
- La
multiplicité
des
acteurs
dans
l’observation
et
la
documentation:
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Le Centre de Tunis pour la liberté de la presse ne se considère pas la
seule partie concernée par la protection des professionnels de la presse
tunisiens. Il reconnaît l‟importance du partenariat dans ce domaine avec
d‟autres parties nationales (le Syndicat national des journalistes
tunisiens - SNJT, le Syndicat général pour la culture et l‟information, etc.)
et internationales (Le réseau international pour la liberté d'expression IFEX, Reporters sans frontières - RSF, Article 19, Comité pour la
protection des journalistes, etc.).
La nature de ce partenariat a fait que l‟Unité d‟observation exclue les
violations à caractère professionnel et syndical traitées par le Syndicat
national des journalistes tunisiens.
- L’émergence des nouvelles législations dans le domaine
médiatique :
Le centre de Tunis pour la liberté de la presse considère Décret-loi
n°2011-115 du 2 novembre 2011 relatif à la liberté de la presse, de
l‟imprimerie et de l‟édition un pas en avant dans la protection des droits
de la presse, même s‟il a des réserves sur certains chapitres, et y
adhère surtout par rapport à l‟identification de toutes les poursuites
judiciaires qu‟on engage sur fond du contenu médiatique.
Le Centre de Tunis pour la liberté de la presse, considère comme une
violation, dans l‟absolue, toute saisine de la justice selon les dispositions
des articles du Code pénal pour le motif que le Code de la presse de
1975 avait aboli toutes les dispositions contraires à ses textes, comme
l'indique le décret-loi n°115,pour éliminer le Code de la presse et
accueillir l'abolition des dispositions du Code pénal pour les journalistes
(les dispositions de la diffamation selon le Code pénal s'applique au
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grand public par contre les dispositions de la diffamation énoncées dans
le décret-loi n°115 s‟appliquent spécialement au secteur journalistique).
D‟une manière détaillée, le Centre de Tunis considère comme un
procès inéquitable si le procès manque d'éléments matériels et moraux
d‟un certain acte en tant que délit de presse ; si les procédures n‟ont pas
été respectée d‟une manière flagrante aux niveaux d‟investigation,
d‟interrogation et du procès, si la saisine de la justice est faite en
conformité avec le reste des dispositions pénales prononcées dans
d'autres lois (Code de procédures et de sanctions militaires, Code de
télécommunications, Décret n°78-50 du 26 janvier 1978 réglementant
l'état d'urgence, la loi antiterroriste, etc.).
Le Centre également considère comme une violation toute détention
arbitraire qui peut durer des heures à la suite de laquelle un journaliste
est soit libéré sans explication, ou renvoyé en état d‟arrestation devant le
tribunal pour délit de presse au motif que cette procédure est
exceptionnelle et appliquée pour éviter d'autres crimes.
Le Centre de Tunis refuse catégoriquement l‟arrestation des journalistes
par les forces de sécurité sur fond du contenu médiatique, et le
considère comme une violation sur la base de ce qui suit :
- Le manque de respect des procédures administratives de convocation
pour comparution devant la police judiciaire surtout par rapport au délai
de l‟envoie de la convocation, et son contenu qui, dans la plupart des
cas, ne comprend pas d‟objet de convocation,
- Mauvais traitement des journalistes par la police judiciaire chargée de
l‟enquête préliminaire durant le processus d'interrogation et le Centre a
été saisi à mainte reprises dans ce sens.
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En cas de poursuites ouvertes par le Parquet sur le décret n°115, le
Centre fait appel à ce que la convocation soit issue du bureau du
Procureur de la République en personne et par écrit, soit adressée au
lieu de travail du journaliste, et comprenne la date exacte – jour et heure
–et l‟objet de l‟interrogatoire. Il demande aussi que le journaliste soit
entendu par un Procureur de la République adjoint spécialisé dans les
affaires de l'édition et en présence d'un avocat, et qu‟on donne au
journaliste assez de temps entre la date de l‟envoie de la convocation et
la date de l'interrogatoire pour qu‟il puisse, avec l'aide de son avocat,
préparer les moyens de sa défense.
- L'émergence de nouveaux contrevenants de la liberté de la
presse:
La plupart des violations à l‟encontre de la presse et des journalistes en
Tunisie sous la dictature sont commises de la part du pouvoir et de son
appareil sécuritaire. Cependant après la révolution, de nouveaux
contrevenants sont apparus comme les partisans des partis politiques et
des syndicats, les milices, les groupes armés, les groupes religieux
extrémistes, et les gangs criminels liés à la mafia de l‟argent et de la
politique, ainsi que les propriétaires des organes de médias et les
citoyens ordinaires.
Tous ces partis, ayant bénéficié de la situation de la liberté d‟expression,
veulent préserver leurs positions et positionnements loin de toutes
formes de contrôle sociétal. Considérant la presse comme une grande
menace sur leur trône, ils essayent de la coopter et la contenir, et s‟ils
échouent, ils essayent de l‟abattre ou la faire taire.
La forte polarisation politique que notre pays avait connu après
l'assassinat de Belaid et Brahmi a aidé à mettre les journalistes entre le
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marteau des partis au pouvoir voulant les utiliser dans la bataille de la
« légitimité » des fois, et de les tenir pour responsable de l'échec de
leurs choix politique, sociale et sécuritaire des fois, et entre l'enclume de
l'opposition qui les considère une réserve traditionnelle pour le succès de
ses orientations sociétales et ses programmes électoraux.
En plus, l'impunité a contribué à l'escalade des attaques non classiques
sur les journalistes dont les auteurs imaginent qu‟en adoptant des
clichés de « mercure »,comme « les médias de la honte » et « les
médias révolutionnaires »,peuvent jouir d’impunité surtout que leurs
justifications qui trouvent un grand écho auprès de plusieurs parties se
transforment avec le temps en immunité.
2. Types de violations commises sur la presse et les journalistes :
En général, l‟Unité d‟observation et de documentation du Centre de
Tunis pour la liberté de la presse a identifié 11 types de violations qu‟elle
considère les plus importantes dans la scène médiatique en Tunisie et
dans le monde :
- L’assassinat :
L‟assassinat des journalistes est la violation la plus grave qui pourrait
être commise sur la liberté de la presse, et la forme de contrôle la plus
extrême.
La plupart des journalistes qui ont été tués dans les différent pays dans
le monde au cours des dernières années, ont été soit victimes d'une
action systématique de certaines forces au pouvoir ou en dehors du
pouvoir après avoir utilisé avec eux des moyens pour les faire taire mais
en vain, ou tout simplement parce qu'ils sont des journalistes.
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S‟il est facile de prouver l'assassinat du journaliste si l'auteur l‟avait
commis
ouvertement
comme
dans
les
exécutions
lors
des
manifestations devant les caméras, cela devient difficile et nécessite des
mécanismes complexes de monitoring et d‟investigation si l‟assassin
ayant admis avoir commis le crime a mentit pour soit impliquer ou
écarter certaines parties.
Cependant, et au cours de la recherche sur les cas de meurtres des
journalistes, on doit prendre en considération que plusieurs d‟entre eux
sont tués sans être l‟objet de poursuite ou de ciblage ; ils ont été tout
simplement au mauvais endroit et au mauvais moment, victimes
d‟échange de tirs ou d‟explosion de mine, etc.
Dans la plupart des cas, on doit passer par une série de circonstances
qu‟on doit prendre toutes en considération : si l‟assassinat s‟est déroulé
lors d‟une manifestation, il est donc nécessaire d‟identifier la cible : Estce les manifestants ? Les forces de l‟ordre ? Ou les militaires. Si le sujet
est définitivement réglé, il faut vérifier si l‟assassin sait l‟avance qu‟il cible
un journaliste, et ceci aussi qu‟on se demande si les vêtements portés
par le journaliste son similaires à ceux portés par les forces de l‟ordre ou
les manifestants, si son équipement est identifiable par rapport aux
armes à feu, et son comportement est plus proche de celui d‟un
participant ou d‟un observateur. Et dans le cas où un ordre a été donné à
un des policiers ou militaires de prendre le journaliste pour cible, celui
qui a émis l‟ordre devrait porter la plus grande responsabilité.
- L’assaut:
C‟est le type le plus répandu des violations contre les journalistes. Il peut
être verbal ou physique, il peut aussi prendre des formes diverses et à
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risque variable y compris les insultes et les blessures, les coups de
poing et de pied, les brûlures, etc.
On peut prouver une telle violation en suivant les traces de l‟assaut à
travers l‟emplacement, la taille, la forme, la couleur, et en identifiant les
types de plaies, de contusions, de brûlures, etc. On peut aussi le prouver
par des certificats médicaux.
Toutefois, si l‟assaut visait un organe de presse, on doit décrire l'objet de
l‟attaque et les outils utilisés.
L‟investigateur de telles violations doit répondre à un certain nombre de
questions pertinentes à l'existence de signes identifiant le journaliste
comme le gilet et la carte professionnelle ; si le journaliste portait un
uniforme militaire ou un badges et une bannière d‟un parti politique ; s‟il
avait commis des actes qui font croire qu‟il est un manifestant ; ou s‟il
n‟était pas prudent en s‟enfuyant par la provenance des balles ou en se
mélangeant avec les manifestants pendant les confrontations avec les
forces de l‟ordre ; ou si les agents de sécurité avaient précipités pour le
secourir après l'attaque par la police anti-émeute, etc.
- L’enlèvement:
Les types les plus difficiles d‟investigation sont en relation avec les
questions d'enlèvement, en particulier lorsqu‟on manque d'informations
précises sur l'heure, le lieu, l'identité du ravisseur et les circonstances
environnant l‟acte, ou lorsque les rumeurs circulent sur le sujet, ou
lorsque certains escrocs offrent de jouer le rôle de médiateurs.
Tout traitement déplacé du dossier peut conduire à la mort de la
personne enlevée. C‟est pour cette raison que l‟investigateur ne doit pas
se précipiter à déclarer l'enlèvement sans coordination avec la famille de
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l'enlevé, l'établissement dans lequel il travaille et les autorités, ceci en
cas où il n‟y a pas eu de divulgations ou de nouvelles sur l‟enlèvement.
En plus, il doit être en contact continu avec les médiateurs et s'abstenir
de publier des données sur la personne enlevée en relation avec ses
affiliations politique et religieuse, son identité sexuelle et la nature de sa
révolution et sa position par rapport à certaines questions qui pourraient
être mal-utilisées par les ravisseurs.
- La disparition:
Les disparitions demandent qu‟on se précipite d'informer sans délai les
autorités et les proches de la personne disparue afin de rater aucun
moment pendant lequel il pourrait être sauvé. En plus, l'enquête sur
l'événement devrait se concentrer sur les dernières personnes qui ont
rencontré ou vu la personne enlevée.
- La menace :
L‟investigateur des menaces sur les journalistes doit être précis dans la
formulation du caractère et de la forme des menaces (courriel, appel
téléphonique, un tombeau en miniature, un chat mort, etc.), doit
convaincre la personne concernée par la menace de saisir officiellement
les autorités compétentes si nécessaire, doit expliquer à ses collègues et
ses chefs de travail la gravité du sujet, et doit engager les autorités à
prendre en charge l‟investigation de la menace et fournir la protection
nécessaire.
L‟investigateur, en coordination avec la victime, peut informer sur ces
menaces et leurs auteurs en cas où il est en possession de preuves
suffisantes.
- L’expulsion et l’extradition :
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Dans le cas d‟une extradition d‟un journaliste tunisien d‟un autre pays ou
une extradition du journaliste étranger de la Tunisie, on doit rapidement
contacter le journaliste concerné, son organe de presse et l‟ambassade
de son pays.
L‟investigateur de cette violation doit préciser clairement la cause de
l‟extradition surtout que plusieurs journalistes sont expulsés vers leurs
pays d‟origine puisqu‟ils ne possèdent ni de carte de résidence ni de
visa. Mais l‟investigateur ne doit omettre le fait que certaines autorités
pourraient utiliser ces preuves légales pour dissimuler des objectifs réels
de pénaliser un contenu médiatique ou essayer d‟interrompre une
investigation sur des affaires graves.
- L’arrestation:
Dans le cas d‟arrestation, l‟investigateur doit décrire ses circonstances
avec précision, identifier l‟unité sécuritaire qui l‟avait faite (Unité de lutte
contre les crimes, unité de lutte contre le terrorisme, les unités
spécialisées, etc.), examiner le respect des procédures légales
pertinentes et le type d‟inculpations, et vérifier si la personne arrêtée
avait subi de menaces, d‟agressions, d‟actes de torture au cours de
l‟arrestation ou de l‟interrogatoire.
- L’incarcération ou l’emprisonnement :
Le Centre de Tunis pour la liberté de la presse refuse d‟incriminer le
travail journalistique surtout que le Décret-loi n°115 ne propose pas de
sanctions physiques sur « le crime de presse ». Mais en cas
d‟incarcération, l‟investigateur doit examiner les procédures légales
engagées ayant causé la détention du journaliste ; doit essayer de
inspecter la situation du journaliste à l‟intérieur de la prison y compris sa
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sécurité, son hygiène, sa nourriture, sa santé, et ses visites ; et doit
chercher les moyens qui pourraient accélérer sa remise en liberté.
- La surveillance:
La surveillance ne comprend pas seulement les législations qui
constituent pour le phénomène mais aussi toutes les procédures qui
empêchent l‟exercice libre et indépendant de la liberté de la presse. Cela
peut comprendre l‟ingérence dans le contenu médiatique soit par l‟ajout
ou par l‟omission avant sa publication, le filtrage ou la coupure de
l‟Internet, l‟installation de programme avec virus dans les réseaux
intranet des ordinateurs ciblés, etc.
- Le harcèlement et la persécution :
Ces concepts indiquent les obstacles empêchent l‟exercice libre de la
liberté de la presse et comprennent les restrictions imposées
arbitrairement sur la liberté du mouvement des journalistes (les zones
rouges) ou sur la libre circulation d‟informations sur Internet, l‟obligation
d‟octroyer des autorisations de filmer, la destruction ou le cambriolage
d‟équipement de travail, le harcèlement de la famille et des amis,
l‟observation et l‟écoute, changement de lieu de travail ou le
licenciement, la privation des ressources publiques, etc.
- Les poursuites judiciaires :
Le Centre de Tunis pour la liberté de la presse considère que la
discussion ou la critique du contenu médiatique doit se dérouler dans les
médias et dans l‟espace public et non pas dans les tribunaux, mais
stipule que les autorités et les autres acteurs non-gouvernementaux
utilisent la justice pour faire peur à la presse.
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Dans le cas de poursuite judiciaire contre un journaliste ou un organe de
presse, l‟investigateur doit identifier avec grande précision les raisons
ainsi que la nature du procès et les dispositions juridiques appliquées et
les irrégularités procédurales qui peuvent y être à titre exceptionnel. Il
doit aussi vérifier que les éléments de preuve soumis sont proportionnels
aux chefs d'inculpation. Par exemple, si quelqu'un a été accusé de
terrorisme, il faut vérifier si le dossier du procès contient une preuve
réelle de collusion ou juste de la matière médiatique.
A cours de l‟investigation des violations, on peut rencontrer d‟autres
types comme ce qui suit :
- L’infiltration et la manipulation:
Les autorités peuvent recourir dans plusieurs cas à « transplanter » des
journalistes fictifs dans les organes de presses et peuvent même forcer
certains journalistes à être ses yeux et ses oreilles dans leurs
institutions. Les pratiques similaires constituent une violation grave de la
liberté de presse parce qu'ils ont manipulé le métier et créé de sérieux
obstacles dans le domaine.
- L’utilisation publique des médias publics :
L‟établissement médiatique public est obligé de fournir des services
sociaux dans le contexte de l'indépendance et du pluralisme loin de
l'intervention
du
pouvoir.
Par
conséquent,
la
direction
de
cet
établissement doit être neutre. Il est considéré comme violation de la
liberté de presse quand le pouvoir prend en charge exclusivement la
nomination des responsables de ces établissements et intervient dans le
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développement de la ligne éditoriale et dans le changement du contenu
médiatique.
- L'utilisation inéquitable et transparente des aides publiques et
les revenues de la publicité:
La disposition des aides, des subventions et de la publicité publique est
une violation de la liberté de presse si elle est utilisée afin de sanctionner
ou récompenser des organes de presse.
Toutefois, la preuve de la corruption dans ce domaine nécessite une
recherche approfondie visant à identifier l'ensemble des fonds alloués, la
méthode de distribution et la mesure de l'interdépendance de contenu
multimédia destiné aux organes de presse concernés.
- Le licenciement ou la mise à l’écart:
Ces mesures, qui entrent habituellement dans le cadre des relations
professionnelles, doivent préférablement être traitées par les syndicats
et les organismes professionnels. Cependant, le Centre de Tunis pour la
liberté de la presse doit intervenir si des soupçons confirmés que le
licenciement ou la mise à l‟écarta été motivé par un désir de censurer ou
de se débarrasser d‟une voix ennuyeuse, et non pas à cause d‟une
négligence journalistique grave ou un manque de professionnalisme
certain.
Il convient de noter qu'il est important que le Centre de Tunis pour la
liberté de la presse décide d‟appliquer ce concept lié aux établissements
médiatiques publics à leurs homologues privés. Comme, par exemple,
décider de considérer comme une violation tout licenciement par un
organe de presse privé d‟un journaliste qui refuse de travailler ou
continuer de travailler sur une mission journalistique qui pourrait
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constituer une menace ou une violation de la déontologie de la
profession. Cependant, le cas de la mise à l‟écart ou du licenciement
suite à des instructions de l'autorité politique dans ce cadre devient une
violation de la liberté de presse.
- Faiblesse ou absence de responsabilité administrative ou
éditoriale:
Parfois les éditeurs en chef ou les directeurs des organes de presse
obligent leurs journalistes à effectuer des missions journalistiques
dangereuses sans avoir les compétences et l‟expertise nécessaire, ou
les équipements suffisants. Toutefois, on doit, en aucun cas, obliger un
journaliste à conduire une mission pareille malgré lui ou les dangers qui
pourraient mettre sa vie en danger.
3. Les étapes essentielles relatives à l’observation et la
documentation:
Le processus d‟investigation des violations commises sur le droit à la
liberté de la presse touche à plusieurs domaines qui diffèrent du celui du
monitoring des autres droits de l‟homme surtout que la question
concerne le domaine le plus lié à la connaissance et à la politique. C‟est
pour cette raison, il faut faire attention au début à un certain nombre des
questions clés :
- La crédibilité :
L'impact du Centre de Tunis pour la liberté de presse et l'unité
d‟observation et de la documentation y afférent dépend essentiellement
de la crédibilité, et ce, à son tour dépend de la qualité et de l'intégrité des
informations.
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La norme de précision donc occupe une position clé dans l‟investigation
surtout qu‟on est censé faire tous les efforts pour s'assurer que
l'information répond aux plus hauts standards de la profession du
journalisme.
En dépit du fait qu‟on est parfois pas en mesure de confirmer certains
faits, cela
pourrait
donner l'impression chez l‟interlocuteur
que
l‟observation et la documentation sont moins efficaces. Il est donc
important d‟interdire l‟interprétation, l'arrondissement et l‟allusion pour
éviter cela, au motif que la crédibilité est construite sur une longue
période, mais peut être détruite en un seul instant.
La réputation générale du Centre de Tunis pour la liberté de la presse
influence certainement la réception des travaux de l‟Unité d‟observation.
Les opinions politiques et partisanes qui sont loin de soutenir la
démocratie et les droits de l‟homme, les conflits d'intérêt, la contradiction
entre les objectifs fixés par le Centre, et les déclarations et les pratiques
de certains de ses membres pourraient nuire à la crédibilité du Centre,
mais aussi aider à jeter le doute sur les travaux d‟investigateurs au sein
de l‟Unité d‟observation.
- La liberté de la presse et la déontologie de la profession :
L‟éthique journalistique est au cœur de la profession de la presse, son
intégrité et sa crédibilité. Cependant, à plusieurs reprises, on l‟utilise
pour restreindre la liberté de la presse et préparer le terrain pour des
violations sous le prétexte de défendre les valeurs nobles telles que la
morale, la religion et la nation, ou les personnes et les instances.
Tout journaliste accusé de violation de la déontologie de la profession, et
par conséquent, assujetti à des poursuites judiciaires ou par une
instance régulatrice doit bénéficier du soutien de l‟Unité d‟observation
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pour identifier si les accusations sont réelles ou cachent un désir de
contrôler ou de se venger d'un journaliste courageux et controversé.
Le Centre de Tunis doit également préparer une position spécifique visà-vis aux instances régulatrices et aux centres d‟observation du contenu
médiatique surtout par rapport à leurs compositions, les durées de leurs
mandats, leurs prérogatives, leurs institutions disciplinaires pour être des
outils pour la défense de la liberté d'expression et non de consolider le
contrôle.
Ce qui est sûr, l‟Unité d‟observation est obligé au premier lieu de
respecter l‟éthique de la profession dans la collecte et l‟analyse des
informations sur lesquelles sa crédibilité pose.
- Le contenu médiatique :
L'Unité d‟observation ne prend pas position sur la ligne éditoriale ou
politique d‟un organe de presse, ni sur son contenu avant de procéder à
une enquête ou une vérification de données.
Son rôle est de garantir les droits fondamentaux du journaliste,
principalement le droit à la vie et à l'intégrité physique et psychologique.
L‟investigateur ne se prononce pas sur la ligne éditoriale, qu‟elle soit
socialiste, libéral ou islamiste, ni sur la qualité du contenu, que ce soit
bonne ou mauvaise, car ceci pourrait conduire à une l‟analyse partiale
de la violation et justifier une violation en raison de la description d‟un
organe de presse en tant qu‟extrémiste ou d'offrir des excuses aux
auteurs des violations.
Les organisations qui défendent la liberté de la presse ou d'expression
n'assume pas la défense d‟un journaliste ayant commis un interdit et
appelé, par exemple, à la haine ou au meurtre. Mais cela ne les
26
empêche pas à intervenir auprès des autorités pour les inciter à
respecter les garanties fondamentales d'un procès équitable. Dans ce
cadre, le Centre doit être vigilant pour que la loi ne soit pas manipulée
par le pouvoir en fonction de ses besoins et désirs.
- Le principe de la neutralité :
L‟investigation des violations de la liberté de la presse est en accord
avec les standards fondamentaux du journalisme. Ceci veut dire qu‟il
faut chercher la vérité d‟une manière indépendante et intègre sans
négliger
l‟impact
de
sa
publication
sur
les
personnes
et
les
communautés concernées par ces informations. L‟investigation ne
pourra jamais être efficace si elle n‟est pas basée sur une méthodologie
claire et ferme. Cela signifie une discipline stricte, une feuille de route, ou
"un processus de confection" qui vise à appliquer une approche quasiscientifique dans l‟investigation des faits, même si nous savons que la
presse et la vérité sont réalisées étape par étape.
Cette approche est « clinique » et froide même si l‟acte qu‟on est en train
d‟enquêter est flagrant et choquant. L‟investigateur doit donc prendre
une distance émotionnelle, politique et personnelle quand il commence à
identifier les faits. Il doit aussi se rappeler que parfois il est vraiment le
« badguy » (méchant).
Toutefois, on se prononce sur la question de la neutralité non seulement
au cas par cas mais aussi en tenant compte de tous les cas étudiés par
l'Unité d‟observation qui, dans la mesure du possible, doit couvrir tous
les cas de violation de la liberté de la presse.
Cette détermination exige de la discipline dans l‟observation et la
recherche, mais assure également la condition de la neutralité. Oublier
27
un cas peut être le résultat de de négligence ou de minimisation, mais il
peut être vu comme un cas de partialité.
Ce désir d'être aussi parfait que possible ne veut pas dire qu‟on doit
donner la même attention à tous les cas. L‟identification des priorités
dans l‟observation des violations de la liberté de la presse est inévitable
et se fait selon la gravité de chacune. Mais ce principe signifie également
l'enregistrement de toutes les violations.
La neutralité est synonyme de l‟intégrité. Même si cela signifie
l‟existence d‟inégalité morale entre la victime et l‟auteur du crime,
l‟investigateur doit essayer aussi de connaître le point de vue de l‟auteur
présumé. Et si ce dernier a refusé de donner une déclaration ou a été
impossible à accéder, l‟investigateur devrait mentionner cela dans la
documentation de sa recherche.
- La précision :
La vérité doit toujours être le moteur qui guide les déclarations. On peut
déclarer que « dix journalistes ont été assassinés cette année » pour
dire qu‟il y‟a eu des décès, ou que « dix journalistes ont été assassinés
cette année » pour parler des décès causés par la violence, mais il faut
toujours clarifier la cause de ces décès car ces deux déclarations ne
pouvaient pas s‟appliquer au fait que la mort ou l‟assassinat s‟est
déroulé.
Dans tous les cas, on devrait jamais, sous n‟importe quel prétexte, se
livrer à la tentation de gonfler les chiffres pour souligner l'extrême danger
auquel le journalisme est exposé, pour donner à un certain pouvoir la
caractéristique de « rigueur », ou pour pousser l'opinion publique à
assumer ses responsabilités dans la défense des libertés.
28
L‟exagération dans les statistiques des assassinats des journalistes y
compris les cas qui se déroulent en dehors de l‟exercice de la profession
est une erreur journalistique qui n‟a aucune relation avec le devoir de la
vérité. Il constitue aussi une humiliation à tous les journalistes qui sont
vraiment exposés aux violations à cause de leur devoir journalistique.
La vérification de telles donnés et la seule garantie de mettre en place
des stratégies sérieuses pour combattre la violence contre les
journalistes.
La précision est l‟arme la plus efficace pour combattre la précipitation.
Dans certains cas, signaler la violation peut être désastreux quand les
nouvelles concernant ses circonstances et ses motivations sont
contradictoires. Il est vrai que l'action rapide en cas de violation peut être
cruciale pour aider à l‟arrêter mais ceci ne garantit pas que l'Unité
d‟observation soit la première à aviser car cela nécessite d‟abord et
avant tout que toutes les données soient stables et complètes.
Par conséquent, l‟investigateur doit être calme face à la pression et
capable de résister aux demandes d‟abréger la préparation d‟une
déclaration ou d‟un rapport sur les violations dans la presse. Toute
déclaration doit être construite sur des faits concrets, et même si l'Unité
d‟observation d'avoir terminé une étude de cas ou un groupe de cas, il
doit prendre les précautions nécessaires pour s'assurer que le public est
au courant de la nature temporaire de l'accès à l'information et sa
diffusion.
4. La mission de l’Unité d’observation et de documentation au
Centre de Tunis de la liberté de la presse
Le travail pénible de l'équipe de l‟Unité d‟observation au Centre de Tunis
de la liberté de la presse dans l‟investigation et la documentation des
29
violations commises sur la presse tunisienne et la publication des
données, des rapports et des recherches spécialisées, les rapports
annuels consolidés par les campagnes de sensibilisation ciblant
principalement le public ordinaire et spécialiste comme des journalistes,
les avocats et les organisations tunisiennes et internationales de défense
des droits de l‟homme, les partis politiques, les organisations de la
société civile, les syndicats, ainsi que les institutions de l'Etat concernés
par la question. Cependant, l‟Unité se concentre principalement sur les
organes judiciaires surtout qu‟elle recueille des informations afin de
prendre des mesures légales contre les auteurs présumés.
Si l'exactitude de l'information est le principe qui s'applique dans tous les
cas, la "charge de la preuve" est moins lourde si l‟objectif est d‟informer
le public et non pas de préparer un dossier judiciaire. Parfois, il suffit
d‟avoir des données préliminaires suffisantes pour envoyer un message
de type "expression de préoccupation" aux autorités, mais un rapport
visant à aider l'avocat de déposer une plainte formelle nécessite des
matières solides et précises.
Conclusion :
La mise en place d‟une méthodologie précise et scientifique pour
observer et documenter les violations commises sur la presse tunisienne
vise à présenter des informations exactes et correctes. La crédibilité sur
laquelle cette méthodologie est fondée participe à inviter plusieurs forces
sociétales au carré de la défense des libertés en tant qu‟affaire publique,
et aider les défenseurs des droits humains à mettre la main sur des
dossiers avec des preuves complètes pour lancer des poursuites
judiciaires contre les bourreaux de la presse libre et répondre de leurs
actes d‟une manière stricte.
30
Cependant, une méthodologie pareille dans un espace transitionnel
mobile pourrait ne pas mener vers des résultats attendus et concrets.
Les contrevenants pourraient remettre en question son utilité et la
capacité de changer la réalité et essayer de faire face aux violations en
cours, même au détriment du niveau de l'audace et de la valeur du
produit médiatique.
C‟est pour cette raison, il faut que cet effort soit accompagner par des
partenariats et du réseautage pour imposer un discours autoritaire
reflétant la position que la révolution tunisienne avait donné au pouvoir
des médias ; couper avec les tentatives d‟introspection des anciennes
pratiques dictatoriales qui varient entre le confinement, la domestication,
la
manipulation
désengagement
et
la
répression ;
dépasser
la
mentalité
de ses responsabilités dans la protection
du
des
journalistes avec la justification du brouillage politique et sociale, et le
manque de qualification des pouvoirs exécutif et judiciaire à jouer de
nouveaux rôles adaptés aux changements post-14 Janvier 2011.
Alors que les derniers acquis en terme de liberté d'expression et les
réalisations législatives ne peuvent pas fortifier la presse tunisienne
contre la possibilité du retour de la dictature sans avoir une volonté
politique qui relie le chemin de la réussite de la démocratie avec
l‟instigation d‟une révolution dans les cadres et le contenu de l‟acte
journalistique, et la régression de la perception de l'image des médias
dans une société démocratique, et sans résister aux discours d'incitation
à agir contre la liberté de la presse en la diabolisant dans les plateformes
autoritaire, constituante, religieuse et partisane .
Toutefois, une volonté politique espérée, toute seule, ne sera pas
cruciale sans que les professionnels concernés – les journalistes – ne
jouent pas leur rôle en fortifiant leur secteur, soit par la consolidation de
31
leur unité et solidarité, soit en adaptant leurs plumes, caméras et voix à
la défense de la liberté de la presse et dénonçant toutes les violations à
leur encontre et à l‟encontre de leurs collègues, femmes et hommes. Il
faut croire qu‟une presse professionnelle ne grandira que dans un jardin
chantant la liberté.
32
LECTURE DES VIOLATIONS CONTRE LES JOURNALISTES
DURANT UNE ANNEE
L‟équipe de l‟Unité d‟observation et de documentation des violations
contre la presse tunisienne relevant du Centre de Tunis pour la liberté de
la presse (l‟Observatoire)a travaillé tout au long de la période qui s‟étale
d‟octobre 2012 à septembre 2013 sur le suivi de la situation des libertés
de la presse dans notre pays et a œuvré à cerner l‟ensemble des
violations, à les diagnostiquer, à les analyser et à les classifier afin de les
publier dans des communiqués urgents et dans des rapports mensuels
ainsi que dans des rapports spécialisés et à dénoncer leurs auteurs et
revendiquer leur pénalisation.
L‟Observatoire a œuvré à travers cela à rendre un service d‟information
à tous les tunisiens et à toutes les tunisiennes sur les dangers et les
difficultés que rencontrent les professionnels du métier dans leur quête
des informations et leur diffusion au public en vue de les impliquer dans
la défense de la liberté de la presse en tant qu‟acquis collectif à
préserver, pas seulement dans les salles de rédaction et avec la volonté
des professionnels du domaine. Il s‟est également attelé à généraliser ce
service à toutes les forces sociales au pouvoir ou de l‟opposition ainsi
qu‟à toutes les instances nationales et internationales concernées par le
sujet.
Etant donné que le dossier dépasse l‟information sur ces violations,
l‟Observatoire a cherché à fournir, à travers son effort de documentation,
le maximum de données sur les bourreaux de la liberté de la presse afin
de servir de matière de base pour poursuivre les violeurs et les présenter
à la justice, non seulement dans le cadre d‟une approche criminelle
33
pénale, mais également à travers une prise de conscience du rôle des
lois dans la protection de la profession et le développement de son
climat.
L‟Observatoire est, par ailleurs, conscient du fait que sa précision et sa
persévérance dans la poursuite de ces violations et leur documentation
d‟une façon méthodique et scientifique aideront également à détecter les
orientations des violations prévalentes et le degré de conformité des
méthodes
de
leur
affrontement
avec
le
respect
des
normes
internationales en matière de protection des libertés de la presse et de
consolidation des droits des journalistes.
Néanmoins, toute œuvre de ce genre serait insuffisantes elle ne plaçait
pas au cœur des priorités la sensibilisation des journalistes eux-mêmes
quant à la nécessité de faire face à toutes les violations commises à leur
encontre et leur diffamation en les divulguant et en les dénonçant en tant
qu‟actes répréhensibles.
L‟Observatoire n‟était nullement inconscient, lors de l‟accomplissement
de son travail quotidien, des changements intervenus dans notre pays :
ce qui s‟est passé depuis l‟avènement du 14 janvier2011 n‟était pas
uniquement un rebond ou des réformes politiques passagères mais une
transition qualitative et quantitative dont l‟une des caractéristiques a été
l‟imposition des libertés de la presse et l‟éradication de la crainte chez
les journalistes et les récepteurs qui se sont manifestée, en particulier, à
travers la diversification et la multiplication des médias et la levée des
tabous entourant le produit médiatique ainsi que l‟adhésion aux
institutions médiatiques d‟un nombre important des jeunes de la
révolution, soucieux du changement et de ses conditions.
34
Aussi, les professionnels du domaine ont-ils été, pour la première fois,
fermement convaincus de leur responsabilité et de leur pouvoir à
moduler une opinion publique nouvelle selon les slogans de la liberté, de
la dignité et de la justice sociale partant du fait qu‟ils représentent le
partenaire principal dans la préservation des libertés publiques et
individuelles et dans la promotion du progrès politique et social.
Toute dévalorisation tendancieuse de cet acquis fera perdre un bon
nombre d‟objectifs à notre travail d‟observation et de documentation des
violations commises sur la presse.
1) Paysage statistique :
L‟Observatoire du Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse a
consigné, sur une année et durant la période qui s‟étale d‟octobre 2012 à
septembre 2013, 306 violations à l‟encontre de la sphère médiatique qui
ont
touché
325 personnes du domaine (237 hommes et 88 femmes) ainsi que 22
institutions médiatiques.
Le nombre des violations annuelles ne peut occulter le fait que certains
professionnels des médias ont fait l‟objet de plus d‟une agression. Nous
avons, en effet, recensé, dans ce cadre, 494 cas qui ont touché 354
hommes et 140 femmes ; soit plus d‟un cas en moyenne par jour.
Les violations mensuelles se sont réparties comme suit :
- Octobre 2012 : 7 violations à l‟encontre de 11 journalistes(8
hommes et 3 femmes)
-Novembre 2012 : 16 violations à l‟encontre de 45 journalistes
(28 hommes et 17 femmes)
35
-Décembre 2012 : 23 violations à l‟encontre de 38 journalistes
(27 hommes et 11 femmes)
- Janvier 2013 : 29 violations à l‟encontre de 49 journalistes (34
hommes et 15 femmes)
-Février 2013 : 27 violations à l‟encontre de 41 journalistes (32
hommes et 9 femmes)
- Mars 2013 : 16 violations à l‟encontre de 23 journalistes (18
hommes et 5 femmes)
-Avril 2013 : 21 violations à l‟encontre de 30 journalistes (27
hommes et 3 femmes)
- Mai 2013 : 31 violations à l‟encontre de 65 journalistes (45
hommes et 20 femmes)
-Juin 2013 : 21 violations à l‟encontre de 35 journalistes (22
hommes et 13 femmes)
-Juillet 2013 : 43 violations à l‟encontre de 63 journalistes (50
hommes et 13 femmes)
- Août 2013 : 35 violations à l‟encontre de 51 journalistes (36
hommes et 15 femmes)
-Septembre 2013 : 37 violations à l‟encontre de 43 journalistes
(27hommes et 16 femmes)
36
Septembre
Août
Juillet
Juin
Mai
Avril
Mars
Février
Janvier
Décembre
Novembre
Octobre
37
35
16
11
7
21
23
20
63
43
65
Journalistes
49
45
30
27
Violations
41
16
10
51
31
30
27
29
25
23
0
Septembre
Août
Juillet
Juin
Mai
Avril
Mars
Février
Janvier
Décembre
Novembre
Octobre
35
21
43
40
50
15
50
22
13
13
45
27
20
3
18
Hommes
5
32
34
15
Femmes
9
15
10
30
0
70
16
36
8
60
15
3
10
20
30
40
50
60
70
Si le Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT) a recensé sur
la période entre mai 2012 et mai 2013 des agressions à l‟encontre de
196 journalistes ; soit une agression sur 9 journalistes par semaine en
moyenne, et si l‟organisation „Reporters sans frontières‟ a dévoilé qu‟une
agression
était
commise
à
l‟encontre
de
3
journalistes
hebdomadairement au cours de l‟année 2012, le rythme d‟évolution des
agressions confirme son accroissement au quotidien et envoie des
signaux négatifs quant à l‟avenir des libertés de la presse en Tunisie,
d‟autant plus que l‟Observatoire qui a estimé à 25 la moyenne mensuelle
37
des violations a relevé que la moyenne de ces violations qui a été de 15
sur les trois
premiers mois s‟est accrue à 38 au titre des
3 derniers mois ; soit une augmentation de 40%. (je l‟ai traduit tel quel
mais en fait c‟est un accroissement de 153%)
Accroissement du rythme d'évolution des violations
50
45
40
35
30
25
20
15
10
5
0
Juillet 43
Septembre 37
Mai 31
Janvier 29
Août 35
Février 27
Décembre 23
Avril 21
Novembre 16
Juin 21
Mars 16
Octobre 7
0
2
4
Violations
6
8
10
12
14
Rythme d'évolution des violations
Les forces de l‟ordre se classent en tête de liste des agresseurs des
journalistes, sur une année, avec 69 violations à leur actif, suivies par les
citoyens
(32 violations), le Parquet (31 violations), les fonctionnaires publics (24
violations), des inconnus (23 violations), la direction d‟institutions
médiatiques(22 violations), les pro-gouvernementaux (21 violations), les
ligues de protection de la révolution (17 violations), les groupes
salafistes
(15 violations), les sympathisants de l‟opposition (14 violations), les
syndicalistes (6 violations), la magistrature assise (5 violations) et les
juges d‟instruction (4 violations) alors que 23 violations ont été réparties
entre des agresseurs divers.
38
Auteurs des agressions sur les journalistes
80
70
69
60
50
40
32
30
20
10
31
24
23
22
21
17
23
15
14
6
5
4
0
Sur une année, ont été recensés : 74 cas d‟agression physique, 53 cas
d‟interdiction de travail, 47 cas de poursuite judiciaire, 32 cas d‟agression
verbale, 28 cas de harcèlement, 18 cas de menace de mort, 13 cas de
séquestration, 9 cas de censure, 6 cas de piratage, 5 cas d‟ingérence
politique, 5 cas de violation à l‟encontre d‟institutions médiatiques, 4 cas
d‟ingérence administrative et 3 cas d‟emprisonnement et ce, outre 9
autres cas divers.
39
Types de violation
80
70
60
50
40
30
20
10
0
74
53
47
32
28
18
13
9
6
5
5
4
3
9
La majorité de ces violations s‟est concentrée sur le grand Tunis (192
cas), suivi de Gafsa (25 cas), Kairouan (24 cas), Sfax, Gabès et
Tataouine (8 cas pour chaque ville), Nabeul (7 cas), Médenine (6 cas),
Sousse et Sidi Bouzid (5 cas pour chaque ville), Monastir, le Kef et
Siliana (4 cas pour chaque ville), Bizerte et Kasserine (3 cas pour
chaque ville) et Zaghouan, Mahdia et Jendouba (2 cas pour chaque
ville).
Concentration des violations
le reste des régions
123
Grand Tunis 192
40
Répartition des violations sur les régions
Mahdia 2
Kasserine 3
Jendouba 2
Zaghouan 2
Bizerte 3
Siliana 4
Le Kef 4
Monastir 4
Gafsa 25
Sidi Bouzid 5
Sousse 5
Kairouan 24
Médenine 6
Nabeul 7
Tataouine 8
Sfax 8
Gabes 8
Ces
abus
ont
touché
106
supports
médiatiques(institutions
médiatiques) ; soit 17 chaînes de télévision, 22 radios, 23 journaux, 24
sites et journaux électroniques, 6 agences de presse, 2 magazines, une
chaîne de télévision et deux radios électroniques et 9 blogs.
Les violations selon le type de support médiatique
Radio électronique
2
Blog 9
Agence de presse 6
Chaîne de
télévision 17
Site/ journal
électronique 24
Journal 23
Magazine 2
Radio 22
Chaîne de
télévision
électronique 1
Ces supports médiatiques ont été répartis comme suit :
41
* Chaînes de télévision :
-El hiwar Ettounsi
-La Télévision Tunisienne
-Nessma TV
-Hannibal TV
-Al janoubia TV
-Zitouna TV
- Al Qalam TV
- Tunisia News Network (TNN)
- Al Moutawasset TV
-Ettounsiya TV
- Alahad TV (irakienne)
- Al jazeera
- Al alam
-Al mayadeen
- BBC
-France 24
-Al Arabiya TV
* Radios :
- Radio Tataouine
- Radio Monastir
- Radio Gafsa
- Radio Sfax
- Radio Culture
- Radio Jeunes
- La Radio Nationale
- Radio Tunis Chaîne Internationale (RTCI)
42
- Sawt el Manajem
- Shems FM
- Sabra FM
- Express FM
- Cap FM
- Ulysse FM
- Radio Kalima
- Jawhara FM
- Mahdia FM
- Mosaique FM
- Oxygène FM
- IFM
- Oasis FM
- Chaambi FM
* Journaux :
- La presse
- Assabah
- Essour
- Attounissia
- Alchourouk
- Assafir
- Akher khabar
- Al-Mijhar
- L‟audace
- 30 minutes
- Dhid Essolta
- Akhbar al jomhouria
- Al Moussawer
43
- Essahwa
- Le Temps
- Le Quotidien
- Le Maghreb
- Edhamir
- Assabah al ousboui
- Echaab
- Sawt Echaab
- Attariq al jadid
- Al Hayat (londonien)
* Sites et journaux électroniques :
- Jadal
- Assabah news
- Nawat
- Arabesque TV
- Attounissia
- Réalités online
- Tanit Press
- Tunisie Numérique
- African Manager
- Assarih
- Al-hasri
- Aljarida
- Al atouf
- Tunisie Bondy blog
- Businessnews
- Almassira
- Site du Syndicat National des Journalistes Tunisiens
44
- Site du Centre de Tunis pour la liberté de la presse
- Al-moudon
- Houkouk
- La Tunisie vote
- Mourassiloun
- Al Hodhod
- Elaph
* Agences de presse :
- Agence Tunis Afrique Presse (TAP)
- Binaa News
- Images de Tunisie
- Agence France Presse (AFP)
- Reuters
- Wostok-Press
* Magazines :
- Réalités
- Ain magazine
* Chaînes de télévision électroniques
- Astrolabe TV
* Radios électroniques :
- Radio Tounesna
- AM Music
* Blogs des blogueurs ci-après :
- Hassen Mcharek
- Zied Jhinaoui
45
- Okba Jhinaoui
- Noureddine Kantri
- Firas Nasfi
- Lina Ben Mhenni
- Hakim Ghanmi
- Rim Thebti
- Olfa Riahi
Par ailleurs, la chaîne „Al hiwar Ettounsi‟ est classée en première
position parmi les institutions médiatiques ayant subi le plus de
violations, avec 37 abus recensés. Elle est suivie des institutions
suivantes :
- la télévision nationale (19 violations)
- le journal Alchourouk (19 violations)
- le site Jadal (17 violations)
- Tunisia News Network TV (16 violations)
- Ettounsiya TV (14 violations)
- Radio Shems FM (13 violations)
- Nessma TV (13 violations)
- Radio Mosaïque FM (13 violations)
- Le site Nawat (11 violations)
46
Institutions médiatiques ayant subi le plus de violations
40
35
30
25
20
15
10
5
0
37
19
19
17
16
14
13
13
13
11
2) Caractéristiques générales des violations à l’encontre des
journalistes en Tunisie :
Le nombre alarmant des violations exercées contre les journalistes en
Tunisie, pendant une année, par comparaison au nombre total des
journalistes, au nombre des institutions médiatiques, à la population du
pays et à l‟importance des acquis en matière de libertés, met ,bien
souvent, en évidence un caractère méthodique et organisé des violations
obéissant à des bases, des théories, des visions et des stratégies qui
organisent ces violations, les préservent et leur préparent le terrain ; ce
qui nous pousse à discerner des caractéristiques communes et des
orientations générales dans ce domaine.
* Des violations collectives et à grande échelle de la part des agents
de l’ordre :
Les différentes brigades de sécurité sont impliquées dans 69 violations à
l‟encontre des journalistes.
En dépit des mises en garde émanant de plusieurs organisations
concernées par le sujet et de la redondance du discours du pouvoir en
47
place sur la réhabilitation du système sécuritaire et l‟accomplissement de
plusieurs sessions de formation sur le comportement envers les médias
à l‟intention des agents de l‟ordre et l‟avancement des discussions avec
les agents des forces de sécurité intérieure en vue de formaliser une
procédure organisant « l‟opération relationnelle et complémentaire entre
eux et les différents représentants des médias lors de l‟accomplissement
par
chacun
d‟eux
de
son
travail
sur
le
terrain »
et
qui
« approuve l‟engagement de l‟institution sécuritaire à respecter les
références internationales et nationales en matière de protection des
droits de l‟Homme et des libertés fondamentales » et qui fixe « un
ensemble de principes à respecter par les forces de sécurité intérieure
en vue d‟adopter la méthode de travail à suivre envers tous les
représentants des médias lors de leur couverture des événements, dont
leur protection conformément à des règles compatibles avec les objectifs
du travail sécuritaire et ses spécificités visant à instaurer la sécurité et à
garantir les droits de toutes les parties », l‟Observatoire n‟a pas relevé,
sur une année, d‟amélioration au niveau du comportement des forces de
sécurité vis-à-vis des couvertures médiatiques ; le rythme des violations
à l‟encontre des journalistes s‟étant accru d‟un mois à l‟autre.
En effet, deux violations ont été recensées en octobre 2012, 6 cas en
novembre 2012, un seul cas en décembre 2012, 3 cas en janvier 2013,
10 cas en février 2013, 7cas en avril 2013, 4 cas en mai 2013, 7 cas en
juin 2013, 20 cas en juillet 2013, 5 cas en août 2013 et 4 cas en
septembre 2013.
Les violations commises par les agents de l‟ordre se sont notamment
accentuées lors des agitations politiques et sociales aigües aussi bien
suite à l‟assassinat de Belaid et Brahmi qu‟à l‟occasion des
48
revendications sociales à Siliana ou lors du « sit-in du départ »
revendiquant la chute du Gouvernement.
Tout au long de ces événements, il est clairement apparu une grande
implication des agents de l‟ordre dans l‟agression des journalistes par les
matraques, les bombes lacrymogènes et même avec les mains et les
pieds et ce, en dépit de la régularité du positionnement des journalistes
et le port de leur dossard de journaliste et de leur matériel ; ce qui laisse
supposer que ces agressions étaient préméditées.
Le mercredi 28 novembre 2012, des journalistes et des équipes
médiatiques ont fait l‟objet, lors de la couverture des protestations
sociales à Siliana, d‟agressions commises par les forces de l‟ordre bien
que ces dernières aient été préalablement informées de leur qualité de
journalistes. L‟Observatoire a eu la confirmation, de sources conformes
et sûres, qu‟il y avait eu des agressions par recours aux matraques et
aux pierres ou aux cocktails molotov de la part des brigades anti-émeute
à l‟encontre des collègues : Abdessalem Somrani, directeur du bureau
« Dar El Anwar » à Siliana, Bassem Sendi et Chokri Abrougui de la
chaîne « Hannibal TV » ainsi que Said Zouari et Khabab Ben Salah de la
chaîne « Ettounsiya ».
L‟Observatoire a également recensé des cas d‟interdiction de couverture
et des tentatives de confiscation de matériel photographique ainsi que
des menaces et des insultes à l‟encontre des collègues Sihem Ammar
du site « Jadal », Naima Charmiti du site « Arabesque TV », Wajih El
Wafi et Nizar Dridi de « Dar Essabah » ; Chaker Besbes de la radio
« Express FM », Anis Daghari de la chaîne „TNN‟, Sofia Hammami du
site international « Al hodhod » et Hind Jebali du journal électronique
« Al Massira ».
49
L‟Observatoire a également eu la confirmation, de sources diverses, que
le correspondant de France 24, David Thomson, a été victime d‟un coup
de feuà bout portant ayant visé sa jambe droite et ayant laissé un
ensemble de perforations et causé une forte hémorragie rappelant
l‟assassinat de son collègue, Lucas Mebrouk Dolega, le 13 janvier 2011.
Le 6 février 2013, les journalistes Hichem Guesmi et Mariem Nasri du
site
électronique
« Jadal»,
le
journaliste
Med
Yacine
Jelassi,
correspondant du journal londonien « Al Hayat », Saida Trabelsi de la
chaîne satellitaire associative « Al hiwar Ettounsi », Lassaad Mahmoudi,
journaliste à la radio électronique « Twensa‟ et la photographe
indépendante Sabrine Belkhouja ont été battus par les forces de l‟ordre
lors de la dispersion d‟une manifestation sur l‟avenue Habib Bourguiba à
Tunis condamnant l‟assassinat de l‟opposant politique Chokri Belaid.
Dans le même contexte, le siège du site électronique „Tanit Press‟ situé
à Place de Barcelone à Tunis a été attaqué par les agents de l‟ordre qui
ont jeté des pierres et du gaz lacrymogène sur le balcon.
Ahmed Nedhif, journaliste à ce site, a confirmé qu‟alors qu‟il était, en
compagnie de ses collègues, en train de filmer l‟agression des
manifestants par les forces de police, ces dernières leur ont jeté des
pierres et deux bombes de gaz lacrymogène et les ont insultés en
menaçant de les punir.
Le journaliste Zied Ben Amor de la radio régionale associative „Sawt el
Manajem‟ a été agressé lors de la couverture des marches ayant eu lieu
dans la ville de Gafsa suite à l‟assassinat de Belaid et ce, directement
après avoir filmé l‟agression d‟un citoyen par des agents de l‟ordre au
centre-ville. Cette même brigade de sécurité l‟a agressé tout en
l‟accusant de la filmer au lieu de filmer les événements, lui a proféré des
50
obscénités, l‟a tiré par le bras et a essayé de lui confisquer son appareil
photographique en l‟accusant de partialité et de semer le chaos et la
confusion ; mais comme elle y a échoué, elle lui a demandé de quitter
les lieux. Le journaliste Fethi Rhimi de la même radio a également été
agressé.
Le 8 avril 2013, le journaliste Karim Makni, correspondant de la chaîne
privée „Hannibal TV‟ à Sfax, a fait l‟objet d‟une agression physique et
verbale de la part des agents de l‟ordre lors de la dispersion de
manifestants qui avaient bloqué la route nationale n° 13 pour protester
contre l‟isolement de la région Sidi Khalifa Tayari en raison des fortes
précipitations.
L‟un des agents s‟est dirigé vers lui et l‟a insulté en dépit de sa
connaissance de sa qualité de journaliste et malgré le fait qu‟il ait
présenté sa carte professionnelle. Cet agent n‟a laissé à Makni aucune
chance de s‟exprimer et l‟a battu ; ce qui a fait tomber ses lunettes qui se
sont brisées. Il a également été battu par un grand nombre d‟agents à
coups de bottes et de matraques, ce qui a endommagé sa cuisse et
engendré des blessures au niveau de la jambe.
Suite à l‟assassinat de Brahmi, le 25 juillet 2013, une équipe de la
télévision électronique « Astrolabe TV », composée du journaliste Issam
Ouni, de la journaliste Imen Ghzaiel et du cameraman Ahmed Essid, a
été prise pour cible par les forces de l‟ordre lors de la couverture des
manifestations populaires sur l‟avenue Habib Bourguiba ; les agents les
ayant sciemment bloqués dans un coin de l‟avenue et lancé une série de
bombes lacrymogènes dans leur direction et ce, malgré le fait qu‟ils
portaient des dossards de journalistes ; ce qui a induit chez les agressés
des difficultés respiratoires suivies d‟évanouissement.
51
Par ailleurs, le journaliste Khaled Souari du journal « Essahwa » a subi
une agression violente de la part des agents de l‟ordre lors de la
couverture du même événement. Il a annoncé, « ils m‟ont frappé
violemment dans divers endroits de mon corps, ce qui m‟a causé
plusieurs douleurs et m‟ont traîné par terre, bien que je les aie informés
que j‟étais journaliste et que je faisais mon travail, et ont confisqué mon
appareil photographique que je n‟ai pas pu récupérer ». Souari a
également confirmé qu‟il a été conduit au poste de police de la rue Ibn
Khaldoun et de là, vers Bouchoucha où il a été soumis à un
interrogatoire jusqu‟à cinq heures du matin du lendemain et a été accusé
d‟attroupement non autorisé.
Bassem Sendi, correspondant de la chaîne privée « Hannibal TV » au
Kef a été agressé, en compagnie du cameraman de la chaîne Anis
Gueddich et ce, au lendemain de l‟assassinat de Brahmi ; les agents de
l‟ordre ayant essayé de confisquer leur caméra après les avoir insultés
lors de la couverture d‟une manifestation condamnant l‟assassinat.
Le 27 juillet 2013, un nombre de journalistes ont été agressés par les
agents de l‟ordre devant l‟Assemblée Nationale Constituante (ANC) alors
qu‟ils couvraient le sit-in organisé à l‟initiative des forces de l‟opposition
depuis les funérailles de Brahmi.
Les forces de l‟ordre ont eu un recours intensif aux bombes
lacrymogènes en vue de disperser les sit-inneurs, ce qui a provoqué des
cas d‟évanouissement et d‟étouffement dans les rangs des journalistes
qui étaient en train de couvrir l‟événement. Les forces de sécurité n‟ont
pas épargné les journalistes lors de l‟attaque des sit-inneurs mais les ont
visés en les battant et en les violentant, d‟après les confirmations d‟un
grand nombre d‟entre eux.
52
Des observateurs de ces événements et d‟autres événements ont
expliqué ces pratiques policières par l‟existence d‟instructions visant à
limiter la couverture des agitations ou à interdire aux journalistes de
filmer les agressions qui les ont touchés et ont touché leurs collègues et
ce, bien qu‟il soit largement admis que ce genre de pratiques va à
l‟encontre du droit d‟exercice du métier de journaliste en toute liberté et
transgresse toutes les lois locales et les traités internationaux
garantissant l‟intégrité physique des journalistes dans l‟accomplissement
de leur travail.
* Les bourreaux de la presse demeurent assurés de l’impunité :
Le nombre de violations à l‟encontre des journalistes tout au long de
cette année implique, aux termes du décret-loi n°115 relatif à la liberté
de la presse, de l‟imprimerie et de l‟édition et selon le code pénal, des
sanctions à l‟encontre de leurs auteurs ; cependant, le parquet a
rarement ordonné l‟ouverture d‟enquêtes relatives à certaines violations.
Dans la plupart des cas, les plaintes des journalistes demeurent sans
suite dans les tiroirs des tribunaux ou des postes de police bien qu‟elles
soient accompagnées de certificats médicaux et de témoignages et en
dépit de la persistance des traces d‟agression sur le corps de certains.
Le parquet ne cesse de faire l‟objet d‟un déluge d‟accusations émanant
des milieux médiatique, judiciaire, de défense des droits de l‟Homme et
politique qui l‟accusent de complicité et de complaisance dans le suivi
des dossiers d‟agression des journalistes. Aussi, sa dépendance du
pouvoir du Ministre de la Justice fait-elle craindre davantage son
utilisation pour réprimer les journalistes et ignorer le principe de leur
protection, ce qui a renforcé encore plus les craintes des journalistes
violentés de la perte d‟un appui principal pour la protection des libertés
53
de la presse et le secours des journalistes réprimés et dont les rôles sont
supposés gagner en importance en période de transition démocratique.
Parallèlement, les accusations sont dirigées contreles appareils
sécuritaires qui reçoivent souvent les plaintes des journalistes ou sont
supposésarrêter les agresseurs en flagrant délit. Plusieurs analystes
pensent qu‟un appareil qui commet le plus de violations contre les
journalistes ne sera théoriquement pas fidèle au principe de leur
protection et ce, à supposer qu‟il ne soit pas également complice dans
l‟incitation ou la protection des « milices »qui agressent les journalistes
tel que cela avait été le cas le 9 avril 2013 à l‟avenue Habib Bourguiba
dans la capitale.
Dans plusieurs régions, des éléments sont connus pour leur implication
volontaire dans la poursuite des journalistes lors de la couverture des
agitations populaires et ce, au vu et au su des forces de sécurité ;
lesquels éléments sont protégés ou craints par les agents de l‟ordre. A
titre d‟exemple, lors de la célébration de l‟anniversaire de la révolution, le
14 janvier 2013, Néji Baghouri, ex Président du SNJT et directeur du
bureau de Tunis du site allemand « Correspondants », a déclaré qu‟il a
été agressé verbalement par des éléments des ligues de protection de la
révolution alors qu‟il passait par l‟avenue Habib Bourguiba à Tunis.
Baghouri a déclaré que « l‟un des éléments connus et appartenant à la
même organisation m‟a menacé de mort en présence d‟agents de l‟ordre
qui m‟ont affirmé qu‟on ne peut toucher aux agresseurs ».
Le cameraman Saber Sboui de la chaîne « Al Hiwar Ettounsi » à Sidi
Bouzid a fait l‟objet de 4 agressions en l‟espace d‟une année suite
auxquelles il déposait, à chaque fois, une plainte documentée en vidéo
et en image. Cependant, aucune mesure réglementaire n‟a été prise à
54
l‟encontre des agresseurs, dont une personne qui l‟avait approché à
maintes reprises et lui a plusieurs fois exprimé cyniquement son défi.
Les journalistes eux-mêmes endossent une partie de la responsabilité
quant à l‟impunité dont bénéficient les agresseurs au vu de la faible prise
de conscience de la question qui demeure liée à l‟introspection de la
situation de la presse tout au long de la période dictatoriale ou au fait de
considérer la violation comme un acte passager auquel s‟expose tout
travail journalistique ; alors que d‟autres pensent que la justice n‟est pas
à même de les protéger en arguant que la justice ne peut s‟adapter aux
exigences de la période transitionnelle et en présentant des exemples
d‟échec de plusieurs de leurs collègues dans la poursuite de leurs
agresseurs. Aussi, certains journalistes renoncent-ils à porter plainte,
soit par crainte des représailles de la part de leurs bourreaux ou des
amis de ces derniers, soit parce qu‟ils croient que la poursuite relève
uniquement des pouvoirs exécutif et judiciaire partant du devoir du
pouvoir de les protéger.
Les propriétaires des institutions médiatiques contribuent à consacrer
cette réalité lorsqu‟ils n‟accordent aucune importance aux agressions qui
touchent leurs subordonnés et ne chargent un avocat de suivre le sujet
que dans de rares cas. Ils voient également en ces agressions une
affaire strictement personnelle sans aucun lien avec la profession et
dans le meilleur des cas, ils considèrent que le suivi du dossier relève
des organisations professionnelles et de défense des droits de l‟Homme.
En outre, les avocats eux-mêmes sont négligents, se contentant
d‟intervenir au stade de la procédure judiciaire alors que le sujet
nécessite beaucoup d‟efforts lors de l‟enquête préliminaire afin
d‟empêcher le classement des dossiers de plainte ou une négligence
lors de l‟enquête.
55
* Retour des formes de censure des médias :
Plusieurs personnes n‟appartenant pas à la sphère médiatique croient
que le temps des ingérences administratives, politiques et judiciaires
dans les contenus médiatiques est révolu depuis l‟avènement de la
révolution tunisienne et que le secteur fait face à de nouveaux défis. Si
cette vision a été vérifiée tout au long des premiers mois, l‟année
dernière a, en revanche, confirmé le retour des anciennes méthodes de
censure sous diverses formes.
L‟une des failles ayant permis ce retour a consisté en la politique de
désignation à la tête des institutions médiatiques publiques à laquelle le
décret-loi n°116 a essayé de remédier en rendant obligatoire la
concertation avec l‟instance audio-visuelle pour la désignation des
présidents directeurs généraux ; les mêmes procédures s‟appliquant
également, selon l‟esprit de ce décret-loi, à la désignation des directeurs.
Ces craintes se sont renforcées suite aux désignations décidées par le
Directeur Général de la Radio Tunisienne, en date du 16 août 2013, à la
tête de Radio Jeunes, Radio Culture, Radio Tataouine et Radio Gafsa,
après avoir concerné Radio le Kef auparavant ; lesquelles décisions ont
été considérées, dans le domaine médiatique, comme parachutées, à
connotation politique et visant à moduler la ligne éditoriale de la radio
tunisienne.
Une partie de ces craintes s‟est confirmée lorsqu‟a été occultée l‟arrivée
d‟un fax de la part de l‟association „pour Tataouine‟ qui soutient la
protestation des employés de la radio régionale publique „Tataouine‟
contre la désignation du nouveau directeur. Fethi Charouandi, chef du
service de l‟information de la radio publique « Tataouine », a confirmé le
22 août 2013 que le président de l‟association « Pour Tataouine » :
56
« m‟a contacté à 13 heures précises pour protester contre le fait de ne
pas avoir fait allusion à un communiqué soutenant les protestataires
contre la désignation du nouveau directeur à la radio. Sa déclaration a
été diffusée immédiatement ».
Charaouandi a clarifié que « toutes les données qui sont destinées à la
radio passent par le secrétariat de son directeur » et a insisté, dans ce
cadre, sur le fait que « le communiqué n‟a pas été transmis au service
de la programmation et de l‟information ». Les journalistes travaillant au
sein de la radio ont considéré que « la non transmission du communiqué
qui est parvenu à l‟institution le mardi 20 août 2013 précisément à 12
heures 17 minutes constitue un nouveau départ pour un blackout
médiatique au sein de l‟institution suite à la désignation du nouveau
directeur ».
Le retour de la censure sur les contenus médiatiques dans le secteur
public tient au fait que les directeurs croient que leur fonction les
autorise à orienter les journalistes et à s’immiscer dans leur travail
quotidien, y compris dans les salles de rédaction. Les journalistes et les
techniciens de radio publique „Radio Monastir‟ ont désapprouvé dans
une pétition dûment signée ce qui s‟est produit le dimanche 17 mars
2013 au sein de l‟institution, le Président Directeur Général de la radio
tunisienne s‟étant ingéré pour passer une interview en direct avec son
invité le Chef du parti « Mouvement Ennahdha », Rached Ghanouchi, et
ce, sans coordination préalable ; ce qui a, alors, introduit un désordre au
niveau de l‟équipe technique et journalistique ; selon les termes de la
pétition.
Une journaliste de « Radio Monastir » s‟était déplacée, à la demande du
Directeur Général de la Radio tunisienne pour assurer la transmission en
duplex d‟une interview avec le Chef du parti « Mouvement Ennahdha »
57
dont la diffusion était prévue pour 13 heures du même dimanche sur la
Radio „Mahdia FM‟. La collègue n‟a pas pu accomplir cette mission pour
des raisons purement techniques et est retournée sur son lieu de travail
après avoir concerté le directeur de la radio, selon les dires de ce
dernier.
Les employés de la radio ont refusé cet agissement qu‟ils ont considéré
comme une ingérence vile dans la ligne éditoriale de „Radio Monastir‟.
L‟ex Directeur de la radio nationale tunisienne, Amor Barrima, était
intervenu le mercredi 31 juillet 2013 pour imposer des aménagements à
un programme radiophonique en cours de diffusion.
L‟animatrice et présentatrice de programmes à la radio, Saida Zaghbi, a
déclaré qu‟alors qu‟elle était en train de présenter son émission
radiophonique périodique « Avec les gens »(Maa Ennes) et qui était
supposée s‟étendre de
11 heures à 14 heures, elle a été surprise, 50 minutes après le début de
l‟émission, de l‟intervention de Barrima qui l‟a nerveusement blâmée
d‟avoir passé une déclaration de Mustapha Touati, professeur en
civilisation islamique à la faculté de la Manouba, dans laquelle « il fait
supporter à l‟Etat la responsabilité dans les incidents de violence et de
terrorisme que connaît le pays suite à l‟assassinat de Brahmi ».
Barrima a imposé à Zaghbi de modifier les rubriques de son programme
et de les remplacer par un programme enregistré d‟une quarantaine de
minutes et une série de chansons toute une heure durant.
Jamel Zran, Directeur de Radio Culture a donné la preuve de son
indépendance face à l‟ingérence administrative dans la ligne éditoriale
quand il a présenté sa démission de son poste de Directeur de la radio
en date du 21 décembre 2012.
58
Zran a accusé le Président Directeur Général de la radio nationale
d‟ingérence dans la ligne éditoriale de l‟institution et l‟imposition d‟une
censure sur certains contenus radiophoniques.
Zran a affirmé que le responsable direct a essayé de le pousser à
rédiger des rapports relatifs aux opinions des hommes de culture et des
journalistes en guise d‟introduction à un procès intellectuel au sein des
médias.
Cependant, l’ingérence administrative n‟est pas propre aux institutions
médiatiques publiques mais touche également d‟autres catégories
d‟institutions. En effet, le 3 avril 2013, Fethi Bhouri, Directeur Général de
Shems FM (confisquée au profit de l‟Etat) a procédé au retrait (censure)
d‟un article du site électronique de la radio sans avoir concerté le Comité
de rédaction ou les administrateurs du site.
Hamza Balloumi, journaliste et présentateur de programmes à la radio, a
affirmé que le Directeur de la radio s‟est ingéré dans les affaires de la
rédaction en retirant un article du site web relatif au voyage effectué par
le Président provisoire de la République Moncef Marzouki entre
l‟Allemagne, Tunis et Doha arguant que l‟information « affecte le prestige
des institutions de l‟Etat et de la Présidence de la République ».
Chokri Bassoumin journaliste au quotidien privé « Al chourouk » a
confirmé que la direction du journal a censuré son article supposé être
publié dans le numéro du 16 juillet 2013.
Bassoumi a déclaré qu‟il avait envoyé au journal un article intitulé « C‟est
arrivé à Sbeitla : la vulgarité de Med Ali Nahdi derrière l‟interruption de la
représentation d‟Ezzmegri » dans lequel il relate les circonstances de
l‟interruption d‟une représentation théâtrale à Sbeitla du Gouvernorat de
59
Kasserine mais il a été surpris par le retrait de l‟article sans aucune
justification ou critique comme il est de coutume dans la profession.
Il a déclaré « Certaines personnes parmi les responsables de la
rédaction n‟ont pas apprécié l‟article et lui ont préféré un autre donnant
une version visiblement orientée et tout à fait différente des faits ».
Bassoumi avait fait l‟objet d‟une pratique similaire en décembre 2012
lorsque le journal « Al Chourouk » lui a interdit de publier une information
sur la censure d‟un roman tunisien en Arabie Saoudite.
Bassoumi a affirmé avoir envoyé trois rappels à ce sujet au rédacteur en
chef du journal mais sans réponse.
L‟ingérence sur le plan éditorial peut parfois revêtir un aspect judiciaire,
l‟une des chambres en référé auprès du tribunal de première instance de
Tunis s‟est prononcée tardivement, en date du 22 novembre 2012, sur
une demande de pétition présentée par le Chargé des litiges de l‟Etat
visant à empêcher la diffusion d‟une interview avec l‟un des gendres du
président déchu et qui allait être diffusée dans la soirée dans l‟un des
programmes de la chaîne privée « Ettounsyia ».
La justice a justifié cette censure par le fait que le produit médiatique
suscite des controverses de nature à troubler l‟ordre public, à provoquer
les citoyens et à les pousser à s‟entretuer ; ce qui constitue un argument
faible d‟autant plus que la diffusion d‟un spot publicitaire sur l‟interview
n‟a pas confirmé ces craintes ; ce qui a poussé les observateurs à
affirmer que la décision de censure laissera le champ libre au contrôle
des contenus médiatiques avant leur diffusion.
La justice tunisienne a remédié à la situation et a rejeté l‟action en justice
d‟interdiction de la diffusion ; ce qui a été considéré par le SNJT comme
« une victoire de la liberté d‟expression, de la presse et de la création et
60
un refus de la limitation des libertés et de la consécration du contrôle
apriori sur le produit médiatique ». Le syndicat avait condamné « toute
tentative d‟interruption de n‟importe quel programme avant sa diffusion
qui est considérée comme un contrôle apriori et une criminalisation de
faits n‟ayant pas eu lieu, ce qui préparera le terrain au contrôle préalable
de n‟importe quel produit médiatique avant sa présentation au public ».
Le même fait s‟est reproduit quand le premier juge d‟instruction du
troisième bureau auprès du tribunal de première instance de Tunis a
émis, le lundi 4 février 2013, un ordre judiciaire interdisant à la radio
privée « Mosaique FM » de diffuser une interview avec le chef de
l‟organisation « Ansar Al Chariaa », Seif Allah Ben Hassine alias Abou
Iyadh. Le juge a justifié sa décision, dans une correspondance officielle
adressée, le lundi, à la Direction de la radio, par le fait que Abou Iyadh
est recherché par la justice et est accusé de l‟assassinat d‟une personne
et d‟atteinte à la sûreté intérieure de l‟Etat et d‟avoir commis un acte de
terrorisme suite aux évènements de l‟ambassade américaine en
septembre dernier et qu‟il fait l‟objet d‟un mandat d‟amener.
Le juge d‟instruction a considéré que la diffusion de cette interview
troublerait le fonctionnement de la justice et contiendrait des messages
codés destinés par Abou Iyadh à ses partisans.
Par ailleurs, l‟ingérence dans la rédaction peut prendre une orientation
policière à l‟instar de ce qui s‟est passé le 5 septembre 2013 quand la
police a ordonné à Omar Nagazi, Directeur de la radio régionale privée
« Sabra FM », d‟interdire la diffusion du programme « Gloires de
Kairouan » préparé par l‟Association Charaïque des Serviteurs du Coran
et de la Sunna sans la présentation d‟une notification écrite et ce, en
raison de l‟appartenance de certains éléments qui présentent le
61
programme à « Ansar Al-Chariaa » classée comme organisation
terroriste.
La pire des censures est celle provenant du corps politique et qui
implique un recours à l‟autorité symbolique ou réelle afin d‟orienter le
contenu rédactionnel ou de l‟aménager ou d‟imposer des contenus
médiatiques précis. Après que cette censure eut été concentrée au
Palais de Carthage, sous Ben Ali, où les instructions guidaient la plupart
des médias, elle est devenue aujourd‟hui répandue dans plus d‟un
palais, plus d‟un ministère et plus d‟un appareil. Un nombre important de
journalistes se plaignent de la multiplication des appels téléphoniques
des bureaux des grands responsables au pouvoir leur demandant de
passer des couvertures de certaines activités ou les critiquant sur le
contenu de certains programmes ; la première chaîne de télévision
publique a ainsi diffusé dans la soirée du 29 mai 2013 une interview
menée par l‟expert en droit constitutionnel Iyadh Ben Achour dans
laquelle il interrogeait le Président provisoire de la République Moncef
Marzouki. La société de télévision a été contrainte de diffuser
l‟enregistrement d‟une interview qu‟elle n‟a ni programmée ni produite.
Le pouvoir pourrait également être utilisé pour faire peur à certains
journalistes en raison de la ligne éditoriale de leurs institutions ou de
divergences dans l‟appréciation de certains contenus médiatiques. Ainsi,
Boukhedhra Hajji, le journaliste de la chaîne associative « Al Hiwar
Ettounsi », a été harcelé par le Chef du Gouvernement provisoire Ali
Larayedh au cours de la conférence de presse qui s‟est tenue, le 25
juillet 2013, au siège de la Présidence du Gouvernement à la Kasbah
suite à l‟assassinat de Mohamed Brahmi. Boukhedhra avait posé une
question au Chef du Gouvernement sur l‟appel à la désobéissance civile,
sur quoi le Ministre lui a rétorqué avant de répondre « Votre chaîne incite
62
et appelle à la violence et nous allons prendre des mesures contre la
chaîne Al Hiwar ».
Mme Meherzia Labidi, première vice-présidente de l‟ANC a exprimé, le
1er août 2013, à une équipe de la télévision nationale tunisienne son
mécontentement quant à la couverture par la télévision nationale de
l‟activité des députés qui ne se sont pas retirés de l‟ANC la considérant
comme « putschiste et consacre plus de temps à l‟opposition » selon ses
dires, et a demandé de filmer toute la séance consultative tenue par les
députés bien que l‟équipe journalistique ait rassemblé toute la matière
nécessaire à la préparation de son rapport d‟information.
Labidi est intervenue même dans la façon d‟exploiter le matériel audio
par l‟équipe journalistique et est allée jusqu‟à déclarer sur un ton
menaçant « Assumez votre responsabilité parce que nous comptons
réviser le budget de la télévision ». La députée à l‟ANC Yamina
Zoghlami, représentante du parti « Mouvement Ennahdha », a soutenu
sa collègue Labidi dans l‟attaque de l‟équipe de télévision menaçant
d‟exposer les dossiers de la télévision à l‟ANC en disant « Nous allons
nous intéresser à votre cas, maintenant ».
Cette ingérence alarmante est l‟œuvre même de certains responsables
régionaux tel que le Gouverneur de Tataouine. Thameur Zoghlami, ex
directeur de la radio publique régionale « Tataouine » a, en effet, reçu, le
13 juin 2013, une copie d‟une lettre adressée par le Gouverneur de la
région au Président Directeur Général de la radio tunisienne dans
laquelle il accuse les journalistes de « Radio Tataouine »de partialité
dans le traitement des affaires de la région prétendant qu‟ils transmettent
les informations d‟une façon qui manque de transparence et d‟objectivité
sans remonter à la source de l‟information, selon sa lettre. Cela a été
63
considéré comme une ingérence politique dans les affaires éditoriales de
la radio.
Le phénomène concerne divers partis politiques ; Iheb Chaouch,
journaliste et présentateur à la première chaîne publique tunisienne s‟est
plaint, le 30 mars 2013, d‟une série de pressions exercées par Faouzi
Ben Jannet le Chef du parti « Mouvement de la Jeunesse Libre de
Tunisie » qui a demandé au collègue Chaouch de le faire participer à
son talk-show et a menacé de contacter la direction de l‟institution pour
imposer sa présence dans ce programme.
Et bien que Chaouch lui ait expliqué la nature du travail et la nécessité
de coordination entre l‟équipe du programme et les différents autres
services ainsi que les conditions du choix des invités, M. Ben Jannet a
continué à le harceler sans arrêt et à lui mettre la pression.
A la fin, Ben Jannet a contacté le collègue Chaouch et l‟a informé qu‟il
allait
demander
au
Président
Directeur
Général
de
l‟institution
d‟intervenir auprès de la rédaction pour l‟imposer au présentateur du
programme en menaçant dépasser à « un cran supérieur » de pression.
Il lui a également annoncé, lors d‟une conversation téléphonique, qu‟il
peut considérer ce qu‟il a dit comme une menace directe.
En outre, Imed Daimi, Secrétaire Général du parti « Congrès pour la
République » (CPR) a menacé, le 11 septembre 2013, la journaliste
Moufida Touati du service d‟information nationale à l‟Agence Tunis
Afrique Presse (TAP) de poursuite judiciaire suite à sa publication en
deux parties d‟une interview ayant eu lieu avec lui le mardi 10
septembre. Il lui a, en effet, téléphoné et l‟a accusée de mauvaise foi et
d‟avoir falsifié ses déclarations dont elle a gardé un enregistrement. Et
bien que Daimi ait bénéficié du droit de réponse, il a demandé à ce qu‟on
64
passe l‟interview en entier ; ce que ne permettent pas les normes
internationales en matière de formulation des dépêches des agences de
presse qui sont limitées par un nombre donné de mots.
L‟ingérence
politique
peut
également
influencer
la
situation
professionnelle de certains journalistes tel que cela a été le cas pour
l‟animatrice à la télévision tunisienne, Amel Chahed, qui a déclaré
samedi 5 janvier 2013, qu‟elle « vit des tentatives pour gêner son travail
de journaliste et anéantir les efforts qu‟elle fournit pour présenter des
informations justes aux tunisiens et aux tunisiennes sur ce qui se passe
autour d‟eux ».
Cette
déclaration
intervient
suite
aux
aménagements
décidés
unilatéralement et intentionnellement par la direction de la télévision et
qui ont concerné le timing et la durée allouée à son programme « A
l‟heure de la Une » (Bi taoukit al oula) et que Chahed attribue au
désagrément causé par le contenu de son programme à certains
responsables gouvernementaux et qui l‟ont annoncé publiquement dans
des programmes télévisés.
* La violence parallèle terrorise les journalistes :
Les gens sont habitués à ce que la violence envers les journalistes soit
accaparée par les forces de l‟ordre, cependant dans l‟expérience
tunisienne récente, sont apparus des groupes qui exercent la violence à
l‟encontre des journalistes dans les lieux publics et privés ; laquelle
violence dépasse l‟intimidation, l‟agression verbale et l‟interdiction de
travail pour s‟étendre à la violence physique et la confiscation du
matériel de travail.
« Les ligues de protection de la révolution » se sont illustrées dans ce
domaine avec 17 violations à leur actif. Malgré le fait qu‟elles soient une
65
entité légale, et de ce fait libres d‟exprimer leurs opinions d‟une façon
pacifique quant à l‟évolution de la situation médiatique, ces ligues sont
souvent accusées de poursuivre les journalistes et de les terroriser en se
basant sur un vocabulaire « purificateur »et « révolutionnaire » qui
prétend « purifier les médias de la honte » et consacrer les médias à la
réalisation des objectifs de la révolution.
Les ligues sont connues par l‟entrée de certains de leur membres, le 2
mars 2012, dans un sit-in ouvert et de longue durée devant le siège de la
télévision tunisienne pour revendiquer « la neutralité des médias et leur
positionnement à égale distance entre les différentes parties dans le
cadre du professionnalisme, de la crédibilité et de la transparence et la
purification de l‟institution des symboles de l‟ancien régime et de ceux
qui se sont enrichis et profité de sa politique ».
Les employés de l‟institution ont désapprouvé la transformation du
mouvement, avec le temps, en un « espace d‟insulte, de diffamation, de
calomnie et de dénigrement » où on en est arrivés à des affrontements
avec les employés de l‟institution qui se sont soldés par l‟atteinte de 4
d‟entre eux dont le journaliste Walid Hamraoui qui a été agressé par un
objet tranchant au niveau de la main. Sauf que, visiblement, cela n‟a été
que le début d‟une série de violations caractérisant le comportement de
ces ligues avec les journalistes. En effet, plusieurs journalistes ont été
insultés et battus, le 4 décembre 2012, lors de la couverture de la
commémoration du 60e anniversaire de l‟assassinat du leader Farhat
Hached sur la place Mohamed Ali dans la capitale.
Les journalistes de radio « Kalima » et du site électronique « Tanit »,
Mohamed Nedhif et Mohanned Zaier, ont accusé les « ligues de
protection de la révolution », proches du Gouvernement, d‟avoir eu
recours aux bâtons et au gaz paralysant lors de leur agression, bien
66
qu‟ils se tenaient loin des fêtards et portaient des dossards de
journalistes. Cette agression a d‟ailleurs laissé des traces visibles sur les
corps des journalistes suscités.
Zied El Héni, journaliste au quotidien étatique « La Presse » et ex
membre du bureau exécutif du SNJT a déclaré qu‟alors qu‟il était, dans
la matinée du 14 janvier 2014, en train d‟exercer son travail de
couverture
des
rassemblements
populaires
sur
l‟avenue
Habib
Bourguiba à Tunis, des éléments appartenant aux « ligues de protection
de la révolution » l‟ont insulté et traité comme étant « un représentant
des médias de la honte qui falsifie les réalités et diffuse de fausses
informations, qui répand le chaos et le désordre dans le pays et œuvre à
l‟incendier et à entraver le travail du Gouvernement ».
El Héni a ajouté que les agresseurs n‟y sont pas allés de main morte en
le battant et en lui donnant des coups de pied par derrière alors qu‟il
quittait les lieux après que certaines personnes présentes soient
intervenues pour le défendre.
Adnane Chaouachi, journaliste à la radio publique émettant en langue
française (RTCI),a fait l‟objet le 27 mai 2013 d‟une agression ; il a été
battu et son matériel de travail brisé par un groupe appartenant à la ligue
de protection de la révolution qui manifestait devant le siège de l‟ANC au
Bardo.
Chaouachi a été détourné par plus d‟une dizaine de personnes qui l‟ont
traîné vers une tente de la ligue de protection de la révolution où il a été
agressé, piétiné et battu sur tout le corps, lui et son collègue le
photographe Sofiane Ben Hdada. La caméra qui était en leur possession
a également été brisée.
67
Le journaliste Faouzi El Arbi Snoussi employé par le journal indépendant
et dirigé par Taoufik Ben Brik « Contre le pouvoir »(Dhid Essolta) ne
quitte plus son domicile que rarement depuis que la conjugaison de
plusieurs facteurs indique qu‟il est menacé d‟élimination physique. Outre
une grave agression physique, au cours du mois de juin 2013, il a fait
l‟objet de menaces téléphoniques. Il a également été informé par
certains commerçants de la région du Kram où il réside que des
membres des ligues de protection de la révolution ont autorisé son
assassinat.
Ce groupe a été accusé d‟empêcher plusieurs journalistes de couvrir les
manifestations populaires. Ainsi, la journaliste Asma Ben Massoud du
site privé « Al jarida » a été agressée verbalement le 1er mai 2013 et a
été empêchée de travailler alors qu‟elle couvrait une manifestation de la
ligue de protection de la révolution sur l‟avenue Habib Bourguiba à
Tunis.
La collègue Ben Massoud était en train de réaliser un enregistrement
avec l‟un des chefs de la ligue quand l‟un des membres l‟a agressée
prétendant qu‟il la connaît et l‟a accusée « d‟obédience et de trahison de
la révolution ».
Ben Massoud n‟a pas pu exercer son devoir professionnel et a été
contrainte de quitter les lieux après que des dizaines de manifestants
l‟eurent entourée, harcelée et empêchée de travailler scandant
publiquement des expressions du genre « médias de la honte, trahison
de la révolution et obédience » et n‟ont laissé la collègue en paix
qu‟après qu‟elle n‟eut quitté les lieux définitivement.
En outre, le journaliste Tijani Boudidah, correspondant de la chaîne
privée « Hannibal TV » a fait l‟objet, le 1er février 2013, d‟une agression
68
verbale et de tentatives pour l‟empêcher de couvrir un mouvement
protestataire des ligues de protection de la révolution à l‟encontre de la
tenue d‟une réunion populaire du parti républicain « Al jomhouri ». Un
nombre de manifestants se sont attroupés autour de lui, l‟ont accusé de
partialité et lui ont demandé de quitter les lieux puis l‟ont poussé et ont
également empêché le cameraman de la chaîne « Hannibal TV » Adel
Nagati de filmer ce qui se passait devant le lieu de la réunion.
Majdi Ouerfelli, le correspondant du site électronique « Elaph » a accusé
des éléments appartenant aux « ligues de protection de la révolution »
de l‟avoir insulté et injurié sans le connaître au préalable ou avoir
dialogué avec lui. Ils l‟ont également empêché de filmer et ont essayé de
confisquer son appareil photographique alors qu‟il couvrait une
manifestation organisée par les ligues dans l‟avenue Habib Bourguiba de
la capitale, le samedi 12 janvier 2013, à l‟occasion de la célébration du
deuxième anniversaire de la révolution.
Aussi, Safa Mtaallah, journaliste à l‟hebdomadaire « Sawt al chaab » a
affirmé qu‟alors qu‟elle couvrait ladite manifestation, l‟un des présents l‟a
traitée de « communiste athée » faisant partie des « médias de la
honte » avant de la battre et de lui tirer les cheveux. Mtaallah a déclaré
que l‟événement s‟était produit à quelques mètres des agents de l‟ordre
qui n‟ont pas réagi et se sont contentés d‟observer la scène puis ont
quitté les lieux sans intervenir ou arrêter l‟agresseur.
Sur l‟année, certains groupes salafistes ont commis 15 violations à
l‟encontre des journalistes ; lesquelles violations ont été qualifiées des
plus agressives à l‟encontre les journalistes. Ces groupent ont recours à
un discours éthique et religieux au sein des lieux de culte où les discours
tournent autour d‟une profonde haine envers les journalistes. Ils exercent
69
également sur eux les pires agressions dans les lieux publics et le
discours d‟expiation passe très rapidement à l‟exécution.
Le photographe de la chaîne « al Hiwar Ettounsi », Oussama
Abdelkader, a déclaré qu‟il a été agressé et que son appareil
photographique a été confisqué alors qu‟il couvrait les obsèques de l‟un
des jeunes salafistes dans le village de Jradou du Gouvernorat de
Zaghouan. La journaliste Ibtissem Abdelkader qui l‟accompagnait a
confirmé qu‟un « nombre important des médias locaux et internationaux
étaient présents alors que l‟agression n‟a touché que nous ; ce qui laisse
supposer
qu‟elle
était
planifiée
et
qu‟elle
visait
la
chaîne
elle-même ». Puis elle a rajouté « on nous a traités de journalistes de la
honte, d‟athées, de mécréants, de laïcs, etc.».
De son côté, Oussama Abdelkader a déclaré que le jour de l‟incident, il a
été entouré par un groupe de citoyens appartement au courant salafiste
qui l‟ont battu et piétiné et lui ont confisqué son appareil photographique
après l‟avoir séquestré dans l‟une des chambres du domicile du défunt
d‟où il n‟a pu s‟échapper qu‟avec l‟aide de l‟un des présents.
Les journalistes de la chaîne « Al hiwar Ettounsi », Boukhedhra Hajji et
Hichem Abed Essayed, ont été violemment agressés le 31 décembre et
ont été menacés d‟égorgement alors qu‟ils réalisaient un reportage à
Douar Hicher.
Les mains d‟Abd Essayed ont été liées et il a été battu violemment au
visage et au ventre ainsi que Boukhedhra qui a été battu. Les
agresseurs ont également abîmé la caméra de tournage.
Les journalistes ont déclaré que l‟un des agresseurs a brandi un couteau
et a menacé de les égorger n‟eut été l‟intervention des citoyens.
70
Les agresseurs ont traité Boukhedhra et Abd Essayed de « mécréants et
athées ». Les journalistes ont affirmé que c‟est un groupe appartenant
au courant salafiste qui les a agressés.
Par ailleurs, un nombre de salafistes ont, en date du 27 février 2013,
harcelé le journaliste et blogueur Ali Abidi le correspondant du site
« Jadal » alors qu‟il couvrait une conférence intellectuelle dans l‟une des
mosquées de Sidi Bouzid. Certains d‟entre eux l‟ont fait sortir de la
mosquée à deux reprises et ont confisqué son téléphone portable ; l‟un
d‟entre eux a également essayé de le frapper. Abidi a été menacé de
mort par plus d‟une personne.
Le mois de mai 2013 a enregistré, à lui seul, 7 violations commises par
des salafistes à l‟encontre de journalistes alors qu‟ils couvraient les
évènements liés à l‟interdiction de la tenue du troisième congrès de
« Ansar Al Chariaa »à Kairouan. Dans ce cadre, le journaliste à la radio
nationale, Ammar Jebali, a été battu violemment alors qu‟il préparait une
correspondance à la radio pour transmettre la situation à la Cité
Ettadhamen. Et alors qu‟il interrogeait les citoyens sur la situation dans
le quartier, une autre personne s‟est approchée de lui et lui a dit
textuellement « tu es un indicateur de la police » bien qu‟il portait un
dossard sur lequel était marqué « journaliste », puis deux personnes
l‟ont rejoint et lui ont demandé son identité, ce à quoi il répondit qu‟il était
journaliste et qu‟il était venu faire son travail.
Jebali a déclaré que deux personnes l‟ont traîné et l‟ont battu malgré ses
supplications pour qu‟ils le relâchent ajoutant qu‟il y avait parmi les
agresseurs un groupe de personnes barbues et vêtues à l‟afghane.
Le journaliste Ammar Jebali a confirmé qu‟il n‟a pas pu cerner le nombre
de ses agresseurs mais qu‟il est certain qu‟ils étaient plus de 10
71
individus qui lui ont piétiné tout le corps et a dit que certains habitants du
quartier qui le connaissaient ont pu difficilement le relâcher et l‟ont
transporté au dispensaire de la Cité Ettadhamen puis à l‟hôpital de la
Rabta où il a reçu les soins d‟urgence et où on lui a remis un certificat
médical avec 17 jours de convalescence et qui fait état de fractures au
niveau du nez suite à des coups violents portés au visage.
Les pro-gouvernementaux occupent une place de premier plan dans
l‟agression des journalistes avec 21 violations à leur actif, la plupart des
manifestations populaires notamment celles organisées par le parti du
« Mouvement
Ennahdha »
sont
devenues
une
opportunité
de
provocation des journalistes et de leur attaque, ces derniers étant
accusés « d‟incitation au désordre, à la désobéissance et au sabotage »
ainsi que de « ternir l‟image du pouvoir et du pays aussi bien à l‟intérieur
qu‟à l‟étranger » et « d‟obéissance aux instructions de l‟opposition ».
Plusieurs partisans de la Troïka au pouvoir pensent que le fait que leurs
partis soient au pouvoir leur confère le pouvoir de « blâmer les
journalistes et de les éduquer» et les soustrait au devoirde rendre
compte de leurs faits, le sujet revêtant chez eux un caractère de
« légitimité révolutionnaire ».
Les déclarations hostiles aux journalistes émanant de certains symboles
du pouvoir, de leurs partis et de leurs leaders donnent souvent carte
blanche aux partisans pour agresser les journalistes dont certains ont
peur de porter des insignes renseignant sur leur qualité professionnelle
lors de la couverture des manifestations des partis au pouvoir.
Fethi Rehimi, journaliste à la radio régionale associative « Sawt El
Manajem » a été empêché, le vendredi 25 janvier 2013, d‟accéder au
siège du Gouvernorat de Gafsa pour obtenir des déclarations sur la
72
protestation organisée par des ouvriers travaillant dans le cadre du
mécanisme 16.
Rehimi a déclaré que des éléments proches du Gouvernement qui se
tenaient à quelques mètres du siège du Gouvernorat ont incité les
agents de l‟ordre à le renvoyer en l‟accusant de « semer le désordre et le
trouble ».
Rehimi a déclaré que ces mêmes éléments l‟avaient menacé et lui
avaient ordonné de ne pas couvrir un mouvement protestataire dans le
centre-ville de Gafsa le 17 janvier de la même année.
La journaliste Mariem Zemzari employée par l‟hebdomadaire „Sawt Al
Chaab‟ a été victime d‟une agression matérielle et verbale dans la soirée
du 16 février 2013 alors qu‟elle couvrait la marche initiée par le
Mouvement Ennahdha sur l‟avenue Habib Bourguiba à Tunis.
Zemzari a déclaré qu‟alors qu‟elle était en train de filmer la manifestation
au niveau de l‟Hôtel El Hana International de la capitale, un nombre de
manifestants se sont dirigés vers elles, l‟ont insultée la traitant de
traîtresse de la patrie appartenant aux « médias de la honte » avant que
l‟un d‟eux ne la pousse violemment ; le pire serait arrivé sans
l‟intervention de certains citoyens.
En outre, des partisans du parti « Mouvement Ennahdha » ont agressé
le correspondant de la chaîne « Al Arabyia »à l‟avenue Habib Bourguiba
de la capitale. Le correspondant de la chaîne « Al Arabyia » Belgacem
Karoui était en train de couvrir la manifestation de soutien de la légitimité
en Egypte organisée par les sympathisants du parti quand un nombre
d‟entre eux l‟ont attaqué, l‟ont empêché de filmer, l‟ont poussé pour
l‟obliger de quitter l‟avenue dans laquelle avait lieu la manifestation et
l‟ont insulté considérant la chaîne pour laquelle il travaillait comme
73
« sioniste » et « pratiquant la tromperie médiatique au détriment des
causes des peuples arabes ».
Imen Fajari, journaliste à la radio privée « Jawhara FM » a confirmé
que l‟un des partisans du « Mouvement Ennahdha »lui a adressé, le 1er
août 2013, une menace directe devant les agents de l‟ordre alors qu‟elle
couvrait le sit-in du départ et la marche de soutien de la légitimité dans la
ville de Sousse.
Elle a dit que le manifestant concerné lui a déclaré « je vais te défigurer
avec ce verre brisé » qu‟il tenait à la main.
Fejari a confirmé que « les agents de l‟ordre ont protégé les journalistes
et les ont invités à éviter les provocations de la part des manifestants
sans intervenir pour autant pour arrêter le manifestant ».
Le correspondant de la radio privée « Express FM » Anis Knani a
confirmé que des manifestants soutenant la légitimité l‟ont insulté et l‟ont
attrapé par son dossard de journaliste, ce qui a incité ses collègues à
intervenir pour le secourir.
Le 14 août 2013, l‟équipe de travail de la chaîne privée « Hannibal TV »
a été harcelée dans son travail lors de la couverture du sit-in de
protestation organisé par les partisans du « Mouvement Ennahdha »
devant le siège de l‟ambassade d‟Egypte condamnant les circonstances
de la levée des sit-in sur les places de Rabaa Al-Adawyia et Ennahdha
en Egypte.
La journaliste de la chaîne, Anissa Hajri, ainsi que le journaliste
photographe Hassen Baklouti ont été insultés dès que l‟un des
manifestants s‟est aperçu de leur présence devant l‟ambassade, les voix
74
se sont alors élevées traitant la chaîne d‟obédience et de falsification des
réalités.
L‟équipe de travail qui portait les dossards et l‟insigne de la chaîne sur le
microphone a été contrainte de quitter les lieux sous protection policière
et de ne pas achever son travail.
Des organisations et des partis proches du pouvoir exercent ce genre de
pratiques à l‟instar de ce qu‟ont commis certains partisans du courant
« Al Mahabba » à l‟encontre d‟équipes journalistiques le 16 août 2013
lorsque l‟équipe journalistique de la chaîne tunisienne publique « Al
watanya 1 », composée de la journaliste Najwa Bacha et du journaliste
photographe Med Anouar Ghedira, a été battue et la caméra de
tournage brisée et ce, lors de la couverture du sit-inde protestation
organisé par ce courant devant le théâtre municipal suite à une marche
de « condamnation des événements en Egypte » qui a démarré devant
la mosquée Al Fath à Tunis.
L‟équipe a été battue avec les bâtons portant les drapeaux et la caméra
de tournage de la télévision nationale a été brisée.
Les choses auraient été pires sans la solidarité des journalistes présents
et l‟intervention de certains organisateurs du sit-inet des agents de
l‟ordre.
L‟équipe de journalistes de la télévision privée TNN, composée de la
journaliste Rabaa Ghribi et de la photographe Imen Ben Abdallah, a été
empêchée de filmer l‟agression de l‟équipe de la télévision nationale.
Certains protestataires ont tenté de confisquer l‟appareil photographique
de l‟équipe.
75
En outre, le journaliste Adem Dridi du site « Tunisie Numérique » a été
battu tout comme son collègue Najeh Ben Jeddou du journal privé
« Ettnousyia »auquel on a également confisqué son carnet de service et
envers lesquels des slogans du genre « médias de la honte » et
« vassal » ont été scandés.
Les statistiques confirment également l‟implication des sympathisants de
l‟opposition dans 14 violations qui ont touché, en particulier, des
employés relevant d‟institutions médiatiques reconnues comme étant
proches du parti du « Mouvement Ennahdha » et accusées d‟être des
« moyens de propagande commandités par le pouvoir en place et
incitant au dénigrement des opposants et leur provocation ». Ces
violations ont également été commises à l‟encontre des employés de la
chaîne qatarie Al Jazeera.
L‟équipe journalistique de la chaîne TNN, composée de la journaliste
Chada Haj Mbarek et du cameraman Romdhane Slimi, a été empêchée
de travailler et renvoyée d‟un rassemblement qui avait lieu devant le
domicile du martyr Mohamed Brahmi le 25 juillet 2013.
Le même jour, le correspondant de la chaîne privée « Al moutawasset »,
Ahmed Sahraoui, a été agressé verbalement et battu alors qu‟il couvrait
une manifestation suite à laquelle le siège du Gouvernorat de Monastir a
été envahi ; des manifestants en colère l‟ont battu et empêché de filmer
et l‟ont également insulté et injurié traitant la chaîne qui l‟emploie de
«pro-gouvernementale et au service d‟un agenda servant uniquement
les intérêts d‟un parti politique ».
Lors de la même manifestation, Mosaab Ayari, correspondant de la
chaîne privée « Ezzitouna », a été violenté par quelques sympathisants
de l‟opposition qui désapprouvaient sa présence pour couvrir la marche
76
des partisans de la légitimité. Il a dit « ils m‟ont jeté des pierres, m‟ont
battu et ont proféré les pires insultes et injures ».
Mohamed Bakkali, correspondant de la chaîne qatarie « Al Jazeera » à
Tunis a été victime, le 10 mai 2013, d‟une agression verbale et physique
alors qu‟il couvrait un sit-in de protestation à l‟initiative des Syndicats des
forces de l‟ordre devant l‟ANC au Bardo.
Un groupe de manifestants de l‟opposition ont abreuvé Bakkali d‟un
déluge d‟injures alors qu‟il accomplissait ses devoirs en l‟accusant de
vassalité au Qatar et à Israël, d‟être « un rat » et « un porte-parole du
sionisme »,l‟ont poussé violemment pour qu‟il quitte les lieux et lui ont
proféré des insultes « racistes » du type « Retourne chez toi, nous
n‟avons pas besoin de tes semblables ».
*La polarisation politique aigüe occulte le spectre des violations
commises par le commun des citoyens :
La polarisation politique aigüe en Tunisie, constatée, notamment suite à
l‟assassinat de Brahmi, n‟est plus un secret pour personne et ce, outre la
division de la scène politique entre « une troïka » au pouvoir et « un front
du salut »populaire dont la presse a été l‟un des principales orbites.
Le pouvoir en place qui se plaint de l‟absence d‟une instance médiatique
qui défend ses choix sociaux et atténue le coût élevé de ses politiques
dans divers domaines est devenu éparpillé entre plus d‟une stratégie de
traitement avec les médias :continuer à les diaboliser et à leur faire
supporter la responsabilité de la dégradation de la situation dans l‟espoir
de neutraliser leur pouvoir d‟influence, ou essayer de les rendre plus
neutres et de les amadouer, ou redoubler d‟efforts pour mettre en place
une presse parallèle.
77
Quant à l‟opposition, combien même elle revendique la défense des
libertés de la presse et rejette toutes les tentatives pour les faire
retourner à la case de la dictature et soutient tous les mouvements et
initiatives rejetant les politiques de leur apprivoisement et de leur
utilisation, voit en cette défense un secours d‟une grande valeur
susceptible de soutenir son projet social et de contribuer à faire basculer
la balance des forces politiques en sa faveur.
Ainsi, si le pouvoir en place feint de dénier les violations qu‟il commet
contre les journalistes, lui et ses partisans et alliés, fort des slogans de
« mouvements sociaux et politiques » et « faiblesse du
professionnalisme et de la crédibilité », l‟opposition feint, souvent,
d‟ignorer les violations commises par ses partisans à l‟encontre des
journalistes relevant de certains médias alliés au pouvoir et ce, en dépit
de ses déclarations publiques rejetant toutes les violations quelle qu‟en
soit la source.
Néanmoins, les deux gardent le silence sur les violations commises par
le commun des citoyens, agissant individuellement ou en groupe, et
trouvent des justificatifs aux raisons qui poussent une jeunesse
marginalisée, des habitants des régions intérieures, des demandeurs
d‟emploi non organisés, des agriculteurs, des chauffeurs de taxis, des
marchands précaires, des familles de personnes hospitalisées, des
publics sportifs, etc. à agresser des équipes de journalistes en les
injuriant, en les battant, en confisquant leur matériel de travail et en les
obligeant à réaliser des entretiens avec eux.
Ces agissements sont pour la plupart justifiés par une réaction
inconsciente à l‟implication des médias dans le soutien des politiques
d‟appauvrissement, de la discrimination régionale et de la
marginalisation sous l‟ère dictatoriale, le ressentiment face à la faiblesse
78
de la présence des problèmes des régions intérieures du pays dans les
couvertures médiatiques et le recours à la focalisation sur ces violations
en vue de détourner l‟attention et de servir leurs propres intérêts ainsi
que par l‟escalade sur les situations de frustration, d‟épuisement et de
colère et le rejet de l‟utilisation de leurs causes pour servir certains
intérêts et leur réduction à un simple spectacle.
Néanmoins, dans ce contexte, ce type de violations se classe à la
seconde position (avec 32 cas répertoriés) après les violations
commises par les agents de l‟ordre ; lesquelles violations ont touché la
plupart des villes tunisiennes sans aucune distinction entre les
institutions médiatiques et les employés qui en relèvent. Des exemples
de ces violations sont présentés dans ce qui suit :
Jamel Akremi, correspondant de la chaîne privée « Hannibal TV » a fait
l‟objet, en compagnie du photographe Hakim Zitouni, d‟une agression
perpétrée par des citoyens le vendredi 16 novembre 2012. Akremi a
confirmé qu‟alors qu‟il sortait du siège du Gouvernorat de Gafsa avec
son collègue, après avoir achevé une rencontre pour le journal télévisé,
ils ont été encerclés par des jeunes manifestants qui leur ont demandé
de les filmer mais quand Akremi les a informé que toutes les missions
journalistiques qu‟il accomplissait doivent avoir été au préalable portées
à la connaissance de la chaîne, ils se sont mis en colère contre lui et
deux jeunes d‟entre eux leur ont proféré des insultes qui ont failli
dégénérer en violence risquant de dégénérer en violence en les
accusant, lui et son collègue, de complicité avec la police et
d'appartenance aux médias de la honte.
L‟équipe de la chaîne satellitaire associative « Al Hiwar Ettounsi »,
composée du journaliste Riadh Hidouri et du cameraman Omar Kilani,
79
qui se trouvait à Gafsa a été empêchée, le 22 janvier 2013, de couvrir un
sit-in devant le bureau de poste d‟Oum Laarayes.
Kilani a affirmé que l‟un des sit-inneurs s‟est adressé à lui en haussant le
ton et l‟a empêché de filmer en criant « Les chaînes Al Hiwar et Nessma
n‟ont pas le droit de couvrir nos mouvements parce qu‟elles trahissent
nos causes ».Kilani a confirmé que le pire se serait produit sans
l‟intervention de certains manifestants.
En outre, le journaliste Helmi Hammmai, correspondant du site
« Jadal », a subi, dans l‟après-midi du mardi 16 avril 2013, une
agression physique et psychologique de la part des manifestants
protestant contre une décision sportive émanant de la Ligue Nationale
de Football alors qu‟il accomplissait son devoir professionnel en
transmettant et en filmant les événements.
Le collègue Hammami, qui portait un dossard de journaliste, a été
agressé au centre-ville de Bizerte par une barre de fer sur la tête, ce qui
a lui causé des blessures graves et un évanouissement, les agresseurs
lui ont également confisqué son appareil photographique et son
téléphone portable. Des citoyens sont intervenus, l‟ont éloigné des lieux
et l‟ont transporté à l‟hôpital.
Des dizaines de manifestants s‟étaient attroupés autour de lui et lui
avaient proféré un déluge d‟injures en l‟accusant de complicité avec
l‟appareil sécuritaire et qu‟il allait présenter les photos prises aux agents
de l‟ordre pour qu‟ils puissent arrêter les manifestants.
Nidhal Hamdi, correspondant de la chaîne privée « Al moutawasset » a
été violenté dans le Gouvernorat de Bizerte, le mardi 28 mai 2013, par
des manifestants lors des affrontements entre ces manifestants et les
forces de l‟ordre dans la région.
80
Nidhal Hamdi s‟était déplacé à « Souk El Bayass » dans le centre-ville
de Bizerte pour accomplir son devoir professionnel dans la couverture
des événements et des affrontements entre les forces de l‟ordre et les
marchands ambulants.
Hamdi a été la cible de jets de bouteilles et de pierres par les
manifestants qui ont tenté, en vain, de confisquer sa caméra. Certains
agresseurs l‟ont battu avec une barre de fer, l‟ont mis à terre, l‟ont battu
violemment, ont déchiré ses vêtements et lui ont retiré la caméra de
tournage en sa possession.
Le déni de ce type d‟agressions, soit par complaisance avec l‟humeur
générale caractérisée par le ressentiment chez la plupart de ces classes
ou pour gagner leur ralliement à des fins politiques et électorales en
raison de leur hésitation et de l‟aisance de leur maîtrise et de leur
manipulation, fera payer à la liberté de la presse un coût élevé et
inestimable étant donné qu‟il renforcera l‟impunité et transformera ces
pratiques « spontanées et non organisées » en une pratique « de
milices » propice à l‟émergence des bandes du crime organisé et des
groupes de violence collective qui serviront de moyen de règlement de
compte avec la presse.
* Un traitement déséquilibré des affaires des journalistes par la
justice:
Dans les meilleures expériences, l‟institution judiciaire a été fondée sur
le principe de protection des libertés individuelles et publiques, la
promotion de leur climat, l‟alignement sur leur esprit et sur leurs
illustrations et le freinage de toutes les forces, les mécanismes et les
pratiques pouvant les menacer.
81
Ce sujet revêt plus d‟importance en Tunisie du fait que cette institution
fait face à un auto-défi afin de se transcender d‟un simple dispositif rallié
à la police visant à avilir les médias et à les humilier par le recours à un
arsenal de lois répressives pour les dissuader de jouer leur rôle pionnier,
au cours de la période dictatoriale, en une force avancée de protection
des libertés de la presse et de consécration de la liberté de la presse, de
l‟imprimerie et de l‟édition en cette période de transition démocratique
que nous visons.
Cependant, la prise de conscience des difficultés de transition d‟une
situation à l‟autre ne justifie pas l‟irrégularité dans le traitement des
affaires des journalistes par la justice qui lui a valu, de ce fait, d‟être
accusée de complicité dans la répression des libertés de presse.
Le recensement de 47 poursuites judiciaires sur une année ; soit 4
poursuites par mois, demeure incompréhensible et injustifiable surtout
dans une période qui requiert le renforcement du climat général des
libertés de la presse et l‟évitement au maximum de menaces pesant sur
elles, même si elles se fondent sur la force de la loi et sa suprématie,
d‟autant plus qu‟il s‟agit là, d‟un sujet lié à une production intellectuelle
que la plupart des expériences sociales s‟efforcent de préserver des
controverses et des critiques dans les espaces publics et dans les
médias tout en la tenant autant que possible à l‟écart des plaidoiries.
L‟observateur de étapes de la procédure en ce qui concerne les procès
des journalistes, sur cette année, relève la célérité dans la convocation
des journalistes. On en est ainsi arrivé à leur téléphoner un jour
seulement avant le démarrage de l‟enquête préliminaire et de
l‟instruction sur des sujets ne concernant pas des affaires dangereuses
ou urgentes pouvant déstabiliser l‟ordre public ou individuel.
82
Ce sujet soulève davantage d‟interrogations lorsque l‟on sait que la
plupart des dossiers journalistiques sont relatifs à la diffusion d‟affaires
liées au lourd héritage de la dictature et à l‟affrontement des dangers
émergents tel que les affaires des martyrs et des blessés de la
révolution, la torture dans les prisons et dans les postes de police, la
corruption administrative et politique, l‟abus de pouvoir…ce qui a
renforcé les craintes quant au recours à la justice à des fins politiques et
autoritaires et son utilisation afin de limiter l‟enquête et l‟investigation
dans ce genre d‟affaires.
Le décret-loi n° 115relatif à la liberté de la presse, de l‟imprimerie et de
l‟édition a tenté de contribuer au redressement de ce processus
judiciaire, sauf que plusieurs tribunaux refusent d‟y recourir dans leur
travail ; ce qui est de nature à restreindre davantage la liberté de la
presse et d‟entraver son exercice d‟une façon naturelle et à laisser le
champ libre au mauvais usage de plusieurs réglementations à caractère
général défiant le décret-loi lui-même et le traité international spécifique
aux droits civiques et politiques, notamment, son article 19 qui contraint
l‟Etat tunisien à préserver les droits et les libertés stipulés dans ledit
traité.
Toutes ces craintes sont accompagnées de l‟impuissance de la justice,
jusqu‟à présent, à activer les lois à sa disposition dans les poursuites
contre les agresseurs des journalistes et leur sanction d‟autant plus que
cette année justifiait de trancher dans au moins 74 cas d‟agression
physique, 53 cas d‟interdiction de travail, 18 cas de menace de mort et
13 cas de séquestration, dont plusieurs d‟entre eux impliquent des
peines d‟emprisonnement, sauf que seul un jugement d‟emprisonnement
d‟une durée de 3 mois a été porté à notre connaissance et a concerné
l‟agresseur du journaliste Adnane Chaouachi travaillant pour le compte
83
de RTCI alors que des dizaines d‟autres agresseurs échappent encore à
tout questionnement.
Ce qui est étonnant, à cet égard, c‟est que la justice qui n‟a pas activé
les mécanismes et les moyens dont elle dispose pour faire face aux
violations graves perpétrées contre les journalistes et qui n‟a rien fait
pour arrêter des agresseurs dont l‟identité et le lieu de résidence sont
connus, a vite fait d‟emprisonner les trois journalistes Mourad Meherzi,
Zied El Héni et Slim Bagga en l‟espace de deux mois seulement, au
moment où la presse tunisienne continue à souffrir des répercussions
symboliques et éthiques de l‟emprisonnement, au cours du mois de
février 2012, de M. Ben Saida, le directeur du journal « Ettounsyia ».
Recommandations :
Les principales statistiques relatives à la situation de la liberté de la
presse en Tunisie, sur une année, et la mise en évidence des principales
orientations de ces violations et leur analyse, dévoilent le degré
d‟enchevêtrement et de complexité des composantes de ce paysage
ainsi que la pluralité de ses intervenants ; ce qui rend nécessaire la
formulation d‟une série de recommandations concernant certains
dossiers spécifiques tels que le cadre réglementaire de la presse
tunisienne, la situation des poursuites judiciaires à l‟encontre des
journalistes, le volet des menaces de mort, la relation au sein des salles
de rédaction avec les institutions de presse publique et une approche
des violations fondée sur la notion de genre.
D‟une façon générale, le Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse
revendique à ce sujet :
- que l‟Etat prenne à sa charge, à travers ses appareils et ses
mécanismes d‟intervention, la protection des journalistes et la garantie
de leur sécurité lors de l‟exercice de leur travail, notamment, à l‟occasion
84
de la couverture des protestations populaires, des agitations politiques et
des catastrophes naturelles qui leur infligent, bien souvent, des violations
graves.
Aucun prétexte ne sera toléré, dans ce domaine, pour soustraire l‟Etat à
son entière responsabilité telles que la complication de la situation
sécuritaire et politique, la dispersion et la pluralité des agresseurs dont
certains deviennent difficilement maîtrisables et la faiblesse du
rendement professionnel ;
- de mettre fin à l‟impunité et à l‟absence de questionnement dont jouit la
majorité des bourreaux de la liberté de presse en Tunisie et l‟activation
de la volonté et des garantissant la poursuite immédiate de tous les
agresseurs quelle que soit leur positionnement matériel ou politique ainsi
que l‟ouverture d‟enquêtes sérieuses et transparentes sur toutes les
violations passées et actuelles dont les conclusions doivent être publiées
le plus tôt possible ;
- de mettre fin au recours à la justice dans une tentative de terroriser les
journalistes et à la nonchalance dans l‟ouverture d‟enquêtes judiciaires
basées sur des contenus médiatiques du simple fait qu‟ils dérangent
certains individus et certains groupes en raison de certaines positions,
opinions ou enquêtes ainsi que la suspension immédiate des amendes
excessives et de l‟emprisonnement dans les affaires de publication;
- d‟assurer la neutralité des médias publics et leur indépendance de tous
les domaines d‟ingérence administrative et politique, notamment, la
révision de l‟ensemble des désignations à leur tête et le recours à la
concertation obligatoire avec l‟instance audio-visuelle à ce sujet dans le
but d‟éviter toute tentative de mettre la chose publique au service
d‟agendas politiques et électoraux et ce, outre l‟assurance de
couvertures justes et professionnelles ;
85
- de criminaliser fermement toutes les campagnes d‟incitation menées
contre les journalistes et leur expiation dans les tribunes politiques,
religieuses et médiatiques ;
- de mettre fin à toutes les pratiques de banditisme et de sauvagerie à
l‟encontre des journalistes menées par des groupes violents qui ont
recours à des référents éthique, religieux et révolutionnaire pour justifier
la mainmise sur la liberté de la presse et causer les pires dommages
physiques et psychologiques aux journaliste ;
- d‟édifier de véritables coopérations entre les journalistes, leurs
employeurs, les juges, les avocats et les forces de la société civile en
vue de renforcer les acquis en matière des libertés de la presse, de
mettre en place le climat nécessaire à leur consolidation et affronter
collectivement toute tentative de leur avortement ;
- d‟arrêter le retour en force des pratiques de censure « modérées » au
sein des institutions médiatiques à l‟instar du contrôle préalable des
contenus médiatiques et la répartition inégale des plages publicitaires en
privilégiant la transparence et stopper le trucage des contrats de travail
et des mécanismes contractuels ;
- de faire face à la fièvre de tentatives de mainmise sur les médias, de
leur accaparation et de l‟utilisation de l‟argent sale à cette fin et de
réviser les formes de propriété des médias en vue de promouvoir un
paysage journalistique varié et pluriel.
86
DES JOURNALISTES MENACES DE MORT
Suite aux évènements du 14 janvier 2011, la Tunisie a connu une
instabilité politique et sécuritaire et des tractations politiques et sociales
intenses qui ont laissé leurs séquelles sur la scène médiatique et avec le
terrorisme montant dans la sphère politique et l‟intensification de la
pression exercée par les groupes religieux extrémistes, le terrible
scénario de la décennie noire traversée par l‟Algérie en rapport avec
l‟assassinat de journalistes et celui du Liban à la suite de la guerre des
années 80 est revenu aux esprits.
L‟assassinat du leader de gauche Chokri Belaid est l‟évènement majeur
qui a marqué la situation politique et la réalité du travail médiatique en
Tunisie amenant certains journalistes à enquêter sur les affaires relatives
à la violence, au terrorisme, aux armes et à un éventuel corps sécuritaire
parallèle.Les journalistes d‟investigation sont donc devenus à leur tour
les cibles de la violence et les enquêtes menées par des journalistes sur
les évènements du Mont Chaambi et sur l‟assassinat de Mohamed
Brahmi et Chokri Belaïd ont donné lieu à des menaces sérieuses contre
des journalistes tunisiens.
I-
Expériences marquantes
1. Le Liban au bord de l’embrasement
Le triste feuilleton des assassinats de journalistes pendant la guerre
du Liban ne s‟est pas arrêté. Le corps de Sélim Laouzi a été retrouvé
en mars 1980 près de « Aarmoun » 8 jours après le braquage de sa
87
voiture par un groupe armé sur la route de l‟aéroport. S.Laouzi, connu
pour ses critiques acerbes, a été tué par une balle dans la tête et sa
main a été brûlée à l‟acide. Cet assassinat n‟a été qu‟un épisode dans
une longue série d‟attentats ciblant les journalistes au Liban pendant
la guerre et même après. Le 23 juillet 1980, RiadhTaha, doyen des
journalistes, a été tué par 6 balles. Six ans après et plus précisément
le 24 février 1986, SouhirTawila, rédacteur en chef de « Al Nida »,
directeur du magazine « Al Tarik » et figure nationale connue par son
appartenance au parti communiste libanais fut assassiné par des
inconnus. Pour le premier anniversaire de son assassinat, Hassine
Mroua, un autre journalise appartenant à son parti a été également
tué dans son lit par trois balles tirées par trois inconnus.
Les assassinats des journalistes ont continué au Liban et ont touché 8
journalistes travaillant pour divers médias. Le 15 janvier 1992, trois
personnes armées ont tiré sur la voiture de Mustapha Jha, auteurchercheur et partisan des Phalanges libanaises, près de son domicile
à Sabteeh. En 1993, Israël a lancé une opération aérienne baptisée
« Règlement de compte » contre la résistance au Sud du Liban
faisant plusieurs victimes dont Ahmed Haydar, envoyé de la chaîne
« El Manar ». Le 2 juin 2005, Samir Kassir journaliste à « Ennahar » a
été assassiné dans sa voiture à Achrafiyeh. Le 12 décembre de la
même année, « Ennahar » a également perdu le président de son
conseil d‟administration, JabraneTouini,
après l‟explosion de sa
voiture dans la zone industrielle « Mkalless ». Touini a été tué sur le
coup avec André Mourad et Nicholas Falouti, deux autres journalistes
qui l‟accompagnaient ce jour là.
Le 22 juillet 2006, lors de l‟attaque israélienne sur le Liban, Soliman
Chediak, directeur d‟une station de diffusion à « Fetkah » a perdu la
88
vie lors de l‟offensive israélienne sur les antennes de la radiotélévision nationale. Le lendemain, la jeune photographe au journal
« El Jaras » Layal Nejib a également été tuée sur la route vers la ville
de Khana. Assef Bourhal, envoyé du journal « Al Akhbar » a
succombé aussi à des balles israéliennes en couvrant, le 3 août 2010,
l‟offensive d‟Israël sur « Adassia » et la bataille avec l‟armée
libanaise. Le 9 avril 2012, une équipe de la chaîne « Al Jadid » a été
victime d‟une rafale de balles alors qu‟elle couvrait la zone frontalière
qui avait à l‟époque enregistré une bataille entre l‟armée syrienne et
l‟opposition causant la mort du photographe Ali Chaabane.
2. L’Algérie et les années de sang
L‟expérience algérienne a été de loin la plus sanglante en matière
d‟assassinats de journalistes faisant, entre 1993 et 1997, plus de 60
victimes par les mains de groupes fondamentalistes.
La série noire a commencé le 26 mai 1993 par l‟assassinat de Tahar
Djaout, fondateur de l‟hebdomadaire « Ruptures » et éminent auteur
algérien, alors qu‟il quittait son domicile à Baynam, banlieue Est
d‟Alger. Son assassinant a été commandité suite à ses articles dans
lesquels il avait critiqué le pouvoir en place et les islamistes. Le mois
de juin a connu le début d‟une longue vague d‟assassinats des
journalistes qui a commencé par Rabeh Zenati en août 1993 et a
coûté la vie à Amor Ourtilane, rédacteur en chef du journal « El
Khabar », SaidMokbel et Naïma Hammouda de l‟hebdomadaire
« Révolution Africaine » et Yasmine Drissi correctrice au « Le Soir
d‟Algérie »... Certains sièges de journaux ont également été la cible
de bombes ce qui a causé la mort de Ayet Mbarek et Mohamed
89
Dharbane. Plusieurs journalises ont été forcés de quitter leur domicile
tels que Rachida Hamadi qui a été amener à revenir s‟installer chez
ses parents mais a été assassinée avec sa soeur par des islamistes
armés le 20 mars 1995.
3. Hémorragie du corps médiatique
Le 22 février 2013, le journaliste Wajdi Chaabi a été tué chez lui à
Aden dans des circonstances troubles. Il s‟agit du premier assassinat
de journalise dans l‟histoire du Yemen après la vague d‟incitation et
d‟animosité
entamée
par
le
gouvernement
à
l‟encontre
des
journalistes en les accusant de s‟allier à l‟opposition.
En Libye, EzzedineKousad qui travaillait pour la chaîne « Libya El
Horra » a été tué en sortant de la mosquée à Ben Ghazi le 9 août
2013 après plusieurs
menaces de mort proférées contre les
journalistes.
En Egypte, la série d‟assassinats qui a touché les journalistes a
atteint son apogée le 14 août lorsque les forces de l‟ordre ont évacué
la place Rabia Al –Adawya
en tuant au passage 4 journalistes :
Habiba Abdelaziz, envoyée et photographe du journal émirati « Golf
News » avec une balle dans la tête, Michael Dean, photographe
britannique de la chaîne « Sky News », Ahmed Abdeljaoued,
journaliste de « Misr 25 » et Mosaab Chami, photographe du Réseau
« Rasd ».
II-
Expérience tunisienne : étape qui précède l’exécution
Plusieurs campagnes d‟incitation contre les journalistes ont été lancées
sous différents étendards et avec l‟avènement des groupes extrémistes,
90
le journaliste est devenu « laïque et apostat » dans le cadre de
l‟approche d‟accusation d‟apostasie adoptée par lesdits groupes.
Entre octobre 2012 et septembre 2013, il a été enregistré 18 menaces
de morts contre des journalistes, des professionnels des médias et suite
à la publication d‟articles dans des journaux, des magazines ou des
blogs ou des productions audiovisuelles . Ces menaces ont touché 18
hommes et 1 femme.
1. Séquence des cas enregistrés
 Déclenchement de l’hémorragie
Le cas Ali Karboussi constitue la première menace de mort en Tunisie
en rapport avec la couverture de la crise syrienne. Ce journaliste
indépendant qui travaille au journal saoudien « Echourouk » a reçu une
menace le 19 décembre 2012 de la part de parties internes en Syrie qui
lui promettent l‟élimination physique dans les plus brefs délais. Ensuite, il
a reçu plusieurs appels téléphoniques provenant de numéros tunisiens
inconnus proférant les mêmes menaces. Il a fait également l‟objet d‟une
campagne de menaces sur les pages des réseaux sociaux et depuis il vit
dans un effroi continu.
Le 31 décembre 2013 à Douar Hicher- Gouvernorat de la Manouba, un
membre d‟un groupe extrémiste a brandi un couteau au visage de
Boukhdra Hajji, journaliste à la chaîne « Al Hiwar Ettounsi » après l‟avoir
séquestré avec son collègue photographe et l‟a menacé de l‟égorger à
cause de son apostasie et de son athéisme.
Néji Bghouri, ancien président du syndicat des journalistes tunisiens,
journaliste au journal public « La Presse » et chargé du bureau tunisien
du réseau « Mourasiloun » a été menacé de mort le 14 janvier 2014 par
un membre de la ligue de protection de la révolution (LPR) lorsqu‟il se
91
trouvait à l‟avenue Habib Bourguiba pour couvrir les manifestations
organisées à l‟occasion du 14 janvier.
 Les journalistes paient le prix de l’assassinat politique et de
l’instabilité sécuritaire
Les journalistes tunisiens ont été les premiers à payer le prix de la crise
sécuritaire qui a suivi l‟assassinat de l‟ancien secrétaire général du parti
des patriotes démocrates et ont vu les menaces de mort à leur encontre
se multiplier. En effet, le 11 février 2013, la radio privée « Mosaïque
FM » a reçu plusieurs appels téléphoniques menaçant de tuer ses
journalistes Naoufel Ouertani et Haythem Mekki ce qui a amené la
direction de la radio à contacter le ministère de l‟intérieur pour demander
une protection pour ses journalistes et à porter plainte auprès de la
brigade criminelle d‟El Gorjani.
Les menaces de mort se sont depuis poursuivies. Sofiène Chourabi,
rédacteur en chef adjoint du site « Jadal » a reçu une menace
d‟élimination physique à cause de ses articles critiques envers le
système et le parti au pouvoir et ce, à travers des messages
électroniques avérés.
Ramzi Bettibi, ancien journaliste au site « Nawaat » a également reçu,
au début du mois de février 2013, des informations de diverses sources
militaires, sécuritaires et judiciaires qui confirment qu‟il est ciblé à cause
de ses articles portant sur le corps sécuritaire secret du parti Ennahda
et la publication de données sur l‟homme d‟affaires Fethi Dammak.
 Les groupes religieux extrémistes exacerbent la crise
92
L‟activité des groupes religieux extrémistes a commencé en Tunisie vers
la fin de 2012 lors des évènements de la
faculté des lettres de la
Manouba et a été consolidée par l‟organisation de rencontres et de
conférences religieuses et s‟est propagée à l‟intérieur du pays. Les
médias tunisiens ont joué un rôle central dans la mise à nu des activités
de la mouvance qui incite à la violence dans les régions chose qui
explique le fait que les envoyés régionaux soient plus exposés à la
menace
de
la
part
des
groupes
extrémistes
parallèlement
à
l‟intensification du discours qui s‟oppose à l‟accusation d‟apostasie tenu
par les journalistes et les médias.
En effet, Ali Laabidi, envoyé du site électronique « Jadal » , a reçu le 27
février 2013 lors de la couverture d‟une conférence à la Mosquée
Errahma à Sidi Bouzid une menace de mort directe de la part de
certaines personnes qui assistaient à la conférence. La menace venait
en réponse à un article publié par Ali Laabidi sur le drapeau tunisien qui
a été baissé à Regueb pour brandir à sa place l‟étendard noir, et depuis
ce journaliste est interdit de travailler dans la région de peur que les
auteurs de la menace ne la mettent à exécution.
 La crise politique jette son ombre sur les journalistes
En Tunisie, les journalistes sont souvent accusés de prendre le parti de
l‟opposition et de ne pas observer la neutralité. Lotfi Zitoun, conseillé en
communication
de
la
présidence
du
gouvernement
dans
le
gouvernement de Hamadi Jebali, n‟a cessé durant tout son mandat, de
critiquer les journalistes et leurs structures en les accusant d‟obédience
à l‟ancien régime et de continuer à déformer les réalités. La campagne
93
virulente menée par Lotfi Zitoun contre la presse a atteint son summum
en août 2012.
La campagne « ikbis » menée par les partisans du gouvernement en
août 2012 a focalisé certains de ses slogans sur la « purification de la
scène médiatique pour la débarrasser des symboles de la corruption »
en faisant de la pression et en incitant le public contre les professionnels
des médias.
Le vendredi 7 septembre 2012, Habib Louz membre de l‟Assemblée
Nationale Constituante et leader au parti Ennahda a exhorté le
gouvernement à « frapper les médias d‟une main de fer » franchissant
encore un autre seuil dans l‟incitation contre les journalistes.
De telles campagnes ont constitué un terreau fertile pour la croissance
des appels et des incitations contre les professionnels des médias et le
gouvernement
tunisien s‟est attelé à renvoyer ses échecs et son
incapacité à traiter les problèmes économiques et sociaux vers les
médias et la mission de certains membres du gouvernement tels que Ali
Ellafi, conseiller en communication du ministre des affaires religieuses,
s‟est limitée à attaquer les journalistes et à les accuser de se liguer avec
l‟opposition contre le gouvernement pour l‟ébranler. Le discours de
certains responsables dans le gouvernement et certains leaders du parti
Ennahda a été utilisé comme une plateforme pour inciter leurs partisans
à menacer les journalistes de mort et d‟élimination physique.
En février 2013, Walid Bennani, membre de l‟Assemblée Nationale
Constituante appartenant au parti Ennahda a taxé Sofiène Ben Frahat,
journaliste à Nessma TV, de mensonge et de bassesse après que ce
dernier ait commenté une altercation entre les élues d‟Ennahda à l‟ANC
94
et depuis le journaliste fait l‟objet d‟une campagne virulente qui appelle à
son élimination physique.
La menace de mort s‟est étendue aux collègues de Sofiène Ben Farhat
dans la même chaîne pour toucher Hamza Balloumi qui a reçu le 1 er
mars 2013 une lettre écrite menaçant de brûler le siège de la chaîne et
citant d‟autres noms de journalistes : Sofiène Ben Hamida, Sofiène Ben
Farhat, Naoufel Ouertani et Néziha Réjiba. Hamza Balloumi a porté
plainte le même jour auprès de la brigade criminelle d‟El Gorjani.
Dans ce même contexte, Taoufik Ben Brik, journaliste et propriétaire du
journal « Dhedd Essolta » (Contre le pouvoir) a été alerté le 1er mars
2013 par le gardien de son immeuble de la présence de personnes qui
rodent autour de son domicile et posent des questions sur son lieu
d‟habitation en plus de la présence d‟une personne armée. Taoufik Ben
brik a également été victime d‟une campagne sur les réseaux sociaux
qui appelle à son assassinat ce qui l‟a amené à porter plainte auprès du
poste de police de la cité Ennasr.
Le 3 avril 2013, Mehdi Houas, journaliste et animateur à la radio privée
« Shems FM » a trouvé une dans sa boite aux lettres qui contient des
menaces de mort et qui le somme d‟éviter de parler politique. Mehdi
Houas a jugé les menaces sérieuses et que son auteur « pouvait, à tout
moment, passer à l‟étape de l‟exécution surtout qu‟il dit connaître le
siège de la radio « Shems FM » et de la chaîne « Tounessna » et qu‟il
est prêt à lui faire du mal »
 Les investigations et les enquêtes...un pas vers la mort
95
Le harcèlement
et les menaces contre les journalistes du site
« Nawaat » à cause des investigations qu‟ils mènent ont continué. Walid
Mejri a été menacé de mort vers la fin du mois de mars 2013 à travers
des appels téléphoniques anonymes et ce, suite à l‟enquête publiée le
26 mars 2013 sur l‟existence d‟un système de sécurité parallèle à
l‟aéroport de Tunis-Carthage. L‟un des appels affirmait que « les
journalistes comme Mejri ne méritent que la potence ...nous ne
lâcherons pas prise» faisant ainsi des sièges des médias, des voitures et
des biens privés des journalistes une cible potentielle.
Le 7 juillet 2013, Jamel Arfaoui, journaliste au quotidien public
« Essahafa » a reçu des menaces de mort anonymes après avoir parlé
des poursuites judiciaires engagées par les autorités libyennes contre
une société américaine et contre l‟homme d‟affaires tunisien Slim Riahi.
Les auteurs des menaces ont exigé que le journaliste présente des
excuses à Riahi.
Depuis le 29 juin 2013, la vie de Faouzi Arbi Snoussi, journaliste au
journal privé « Dhedd Essolta » est menacée après avoir été victime
d‟une tentative de kidnapping à 11H00 du soir et après avoir subi des
violences au Kram Ouest et certains commerçants de la région lui ont
affirmé qu‟une fatwa a été prononcée appelant à son élimination
physique.
Les auteurs des menaces contre les journalistes ne se sont pas limités
aux appels téléphoniques, SMS, lettres sur les lieux du travail, les
domiciles ou envoyées par voie postale mais sont passés à un seuil
supérieur en s‟introduisant dans le domicile de Zied Heni , journaliste au
quotidien public « Essahafa » qui a trouvé le 3 août 2013 une lettre
manuscrite placée sur sa voiture alors qu‟elle était parquée chez lui. Le
message disait « Lettre à Zied Heni : arrête tes incitations sinon prépare
96
toi à mourir ». Le journaliste n‟a remarqué, ce jour là,
aucune trace
d‟effraction ce qui implique que les intrus ont escaladé sa barrière. La
menace venait à la suite d‟une intervention faite par le journaliste la
soirée précédente sur la chaîne « Hannibal » à l‟occasion de laquelle il a
demandé au gouvernement et au chef de gouvernement Ali Laarayedh
de se destituer et de préserver son honneur.
 Menaces continues pour les envoyés régionaux
En jouant un rôle de plus en plus central dans la mise à nu de la
mauvaise performance
du gouvernement dans les régions et les
revendications de réforme, les envoyés régionaux sont devenus une
cible privilégiée. Maher Ghidaoui, envoyé du journal privé « Akher
Khabar » à Bouhejla- Gouvernorat de Kairouan, a en effet été menacé
de mort le 22 septembre 2013 dans un appel téléphonique suite à une
enquête qu‟il avait entamé dans la région. Cette menace est venue
après plusieurs actes d‟intimidation commis contre le journaliste et son
travail par des partisans du parti Ennahda au pouvoir. Comme il est
également probable que Ghidaoui soit ciblé parce que son nom est
associé à un journal connu pour ses enquêtes et ses investigations sur
la corruption dans la sphère politique et administrative.
Fin septembre 2013, Houssem Ben Ahmed, journaliste au journal privé
« El Mijhar » a reçu une menace de mort et a été victime d‟une tentative
d‟agression par des barbus devant la mosquée El Fath à Tunis qui lui ont
scandé : « Vous les journalistes impies, il est totalement admis et halal
de faire couler votre sang et de vous tuer ». Certains citoyens et deux
agents de police ont dû intervenir pour mettre fin à l‟altercation sans
arrêter l‟agresseur ni l‟auditionner. L‟un des 4 barbus qui ont agressé
97
Ben
Ahmed avait, quelques jours avant cet incident, tenu une
discussion houleuse avec le journaliste suite à la publication dans « El
Mijhar » le 13 août 2013 de son article sur le mariage homosexuel et l‟a
accusé d‟être un « apostat et ennemi de Dieu ».
2. Enquêtes non concluantes
 Laxisme de la part de la police dans le traitement des plaintes
7 journalistes menacés de mort ont porté plainte auprès des postes de
police à la Manouba, à Tunis et à El Gorjani mais les accusés restent
jusque là inconnus. Le suivi de ces
plaintes est faible et les efforts
consentis pour identifier les auteurs des menaces proférées sont limités.
Sur un total de 6 plaintes, seule celle portée par Taoufik Ben Brik,
propriétaire du journal « Dhedd Essolta » en mars 2013 a abouti sur
l‟identification de l‟auteur de l‟acte.
Le 14 janvier 2013, Néji Bghouri s‟est présenté au poste de police de
Tunis pour porter plainte suite à une menace qui lui a été faite par un
membre des LPR. Après l‟avoir auditionné et avoir ouvert une enquête
dans ce sens, la plainte a été classée avec tant d‟autres chose qui a
découragé NéjiBghouri de porter encore plainte malgré l‟existence d‟une
autre menace en date du 12 février 2013 lorsqu‟un inconnu,
accompagné de deux autres personnes, était venu le chercher dans son
bureau après l‟avoir surveillé pendant des heures. L‟enquête à ce sujet
n‟a pas avancé.
Boukhadra Hajji, journaliste à la chaîne « Al HiwarEttounsi »
s‟est
également présenté au poste de police de la Manouba pour porter
plainte contre un salafiste qui l‟a menacé en brandissant une arme le 31
98
décembre 2012. Une enquête a été ouverte mais le journaliste n‟a eu
aucune réponse à ce sujet.
Hamza Balloumi, journaliste à « Nessma TV » est passé par là aussi et
n‟a reçu aucune réponse concernant la plainte qu‟il avait porté en février
2013 au poste de police de Tunis avec toutes les preuves qui
corroborent les menaces de mort qui lui ont été faites.
La police banalise des fois ces menaces comme dans le cas de Mehdi
Houas, journaliste à « Shems FM» dont le dossier n‟a pas été pris au
sérieux. Un policier de la brigade criminelle d‟El Gorjani lui a même dit :
« S‟ils voulaient te tuer ils ne t‟auraient pas adressé des menaces ».
Même lorsque la plainte est acceptée par la brigade criminelle, son sort
reste complètement inconnu comme pour le cas de la plainte portée par
la radio « Mosaïque FM » à cause des menaces adressées début février
2013 à ses deux journalistes Naoufel Ouertani et Haythem Mekki.
Toutefois,
certaines
plaintes
portées
par
des
journalistes
sont
rapidement prises en charge par la police comme dans le cas de Taoufik
Ben Brik qui a porté plainte auprès du poste de police de la cité Ennasr
en mars 2013. Le journaliste relate ces faits : « deux jours après avoir
porté plainte, je suis revenu au poste de police et j‟ai trouvé que la
personne arrêtée ne correspondait pas à la description donnée par le
gardien de l‟immeuble, sa barbe était naissante et cette personne portait
une carabine et un pigeon dont la chasse remontait à 2 heures à peine».
Ben Brik n‟a plus porté plainte même après que 4 barbus sont venus
ratisser son voisinage parce qu‟il a commencé à s‟habituer à l‟idée
d‟avoir des ennemis dans sa vie professionnelle.
99
 Plaintes ensevelies dans les dossiers du procureur de la
République
La relation de certains journalistes avec la police est quelque peu tendue
notamment après les agressions répétées contre eux chose qui a amené
des journalistes à se diriger directement vers le procureur de la
République en cas de menace. C‟est ce qu‟a fait Ali Karboussi fin
décembre 2013 et il a joint à sa plainte la liste des numéros de téléphone
qui l‟ont appelé et lui ont adressé des SMS ainsi que des photos des
menaces qu‟il avait reçu à travers des pages et des profils sur
Facebook ; et pourtant sa plainte est restée en suspens.
Dans ce même cadre, Mehdi Houas, journaliste à « Shems FM », s‟est
adressé en avril 2013 au procureur de la République après avoir été
rabroué par les agents de la brigade criminelle d‟El Gorjani. L‟enquête
est en cours puisque la plainte a été portée contre un inconnu.
Walid Mejri, journaliste à « Nawaat », a également porté plainte le 11
avril auprès du procureur de la République deux jours après avoir reçu
des menaces de mort. Il a joint à sa plainte une liste nominative et des
documents qui corroborent ses dires. Son dossier n‟a pas été transmis à
la justice et selon Mejri « il ne servira qu‟à des fins de documentation ».
Toutes les plaintes pour menaces portées auprès du procureur de la
République n‟ont pas abouti et les enquêtes sont en cours sur certaines
d‟entre elles comme celle de l‟affaire Jamel Arfaoui qui a porté plainte
depuis juillet 2013. Certains journalistes, comme Faouzi Arbi Snoussi qui
travaille pour le journal privé « Dhedd Essolta » et qui a été victime d‟une
tentative de kidnapping en juin 2013, sont psychologiquement impactés
par l‟insouciance et la légèreté que la police montre vis-à-vis de leurs
plaintes.
100
3. Absence d’un cadre juridique spécifique qui impose des
poursuites dans tous les cas de menace de mort
Dans l‟absence d‟un texte de loi spécifique qui impose des poursuites
dans tous les cas de menace de mort, les menaces proférées à
l‟encontre des journalistes tunisiens sont régies par le code pénal
tunisien.
 Sort des plaintes portées auprès du procureur de la
République
Le procureur de la République ordonne l‟ouverture d‟une enquête et peut
requérir les services de sécurité spécialisés au ministère de l‟intérieur
d‟assurer pour la personne menacée de mort une protection notamment
lorsque la police conclut au sérieux des menaces et qu‟elle transmet son
rapport au parquet.
L‟article 31 du code de procédure pénale stipule que : « le procureur de
la République, en présence d‟une plainte insuffisamment motivée ou
insuffisamment justifiée, peut requérir du juge d‟instruction qu‟il soit
provisoirement informé contre inconnu, et ce, jusqu‟au moment où
peuvent intervenir des inculpations ou, s‟il y a lieu, de nouvelles
réquisitions contre personne dénommée ».
Il n‟existe aucun cadre juridique spécifique pour les affaires de menace
de mort contre les journalistes ou pour leur assurer une protection et
sont soumis comme tous les autres citoyens aux dispositions du code
pénal et par conséquent les plaintes portées par les journalistes auprès
des postes de police ou auprès du procureur de la République sont
tributaires de l‟appréciation de ce dernier comme l‟indique l‟article 30 du
code de procédure pénale : « Le procureur de la République, apprécie la
101
suite à donner aux plaintes et dénonciations qu‟il reçoit ou qui lui sont
transmises ».
 Possibilité de constitution de partie civile en cas de
classement de l’affaire par le procureur de la République
Conformément à l‟article 36 du code de procédure pénale, le
« classement de l‟affaire par le procureur de la République ne fait pas
obstacle au droit qu‟a la partie lésée de mettre en mouvement l‟action
publique sous sa propre responsabilité. Dans ce cas, elle peut, en se
constituant partie civile, soit demander l‟ouverture d‟une information soit
citer directement le prévenu devant le tribunal ». Le journaliste peut
comme tout citoyen se constituer partie civile pour poursuivre toute
personne impliquée dans une affaire de menace de mort.
 Ministère de l’intérieur, portail des poursuites judiciaires pour
menace de mort
Le journaliste peut porter plainte auprès du ministre de l‟intérieur qui est
tenu d‟en informer le procureur de la République et le ministère public
comme dans l‟affaire de Taoufik Ben Brik qui a adressé, fin mars 2013,
une correspondance au ministre de l‟intérieur lui demandant une
protection suite à la menace de mort qu‟il avait reçu. Néji Bghouri a
également demandé au ministre de l‟intérieur une protection après avoir
été poursuivi par des inconnus. Ce même mois, la radio « Mosaïque
FM » a demandé une protection pour ses journalistes Naoufel Ouertani
et Haythem Mekki.
Une telle protection ne peut être accordée que sous contrôle judiciaire
sur ordonnance du procureur de la République chargeant une brigade
spécialisée de cette mission (souvent la Direction de protection des
personnalités et des institutions).
102
La protection n‟est pas uniquement accordée suite aux demandes
adressées au ministère de l‟intérieur. Il arrive, en effet, qu‟une institution
dispose
de
renseignements
qui
indiquent
qu‟un
crime
risque
probablement d‟avoir lieu. Dans ce cas, le ministère public est saisi pour
ouvrir une information judiciaire en la matière.
Une enquête peut également être ouverte pour menace de mort lorsque
ce fait est avéré à travers une instruction judiciaire dans une autre affaire
comme dans le cas de Sofiène Ben Frahat lors de l‟enquête sur
l‟assassinat de Chokri Belaïd.
Mais dans la plupart des cas recensés entre octobre 2012 et septembre
2013, le journaliste n‟assure généralement pas le suivi des plaintes qu‟il
porte et certains journalistes omettent même de porter plainte comme
dans le cas d‟Ali Laabidi, ancien journaliste au site « Jadal ».
 Négligence de la part des journalistes dans le suivi des
affaires de menace de mort
Cette année, il a été recensé 6 plaintes portées auprès du poste de
police de la Manouba, de Tunis et d‟El Gorjani qui n‟ont pas été traitées
avec le sérieux et la rigueur qui s‟imposent. Il s‟agit des plaintes portées
par NéjiBghouri du quotidien public « Essahafa », par Boukhadra Hajji de
la chaîne « Al Hiwar Ettounsi », par Hamza Balloumi de « Nessma TV »,
par Mehdi Houas de « Shems FM », par Taoufik Ben Brik, journaliste et
propriétaire de « Dhed Essolta » et par « Mosaïque FM» pour les
menaces de morts proférées contres ses journalistes Haythem Mekki et
Naoufel Ouertani.
103
On a également recensé 5 plaintes portées auprès du procureur de la
République. Il s‟agit des plaintes portées par le journaliste indépendant
Ali Karboussi, par Mehdi Houas de la radio « Shems FM », par Walid
Mejri du site « Nawaat », par Jamel Arfaoui du quotidien public
« Essahafa » et par Faouzi Arbi Snoussi du journal privé « Dhedd
Essolta ».
Une protection policière est assurée pour 3 journalistes suite à des
menaces de mort avérées dans le cadre de l‟instruction d‟affaires
d‟assassinat politique en Tunisie. Il s‟agit de Zied El Hani, journaliste au
quotidien public « Essahafa », de Sofiène Ben Hamida, journaliste à
« Nessma TV » et de Sofiène Ben Farhat, journaliste au quotidien public
« La Presse ».
7 journalistes n‟ont pas poursuivi ceux qui les ont menacés de mort.
Les poursuites judiciaires engagées par les journalistes ne sont pas
correctement suivies par les journalistes concernés et sont mises
également en difficulté par le manque de connaissances en matière de
lois régissant les affaires de menace de mort.
4. La protection des personnes menacées de mort: une nécessité
sécuritaire
* Protection sous couverture judiciaire
Ramzi Bettibi, journaliste à « Nawaat » a reçu en février 2013 des
informations de sources policières et militaires selon lesquelles il est une
cible potentielle suite à quoi il a bénéficié d‟une protection à travers des
rondes de sécurité assurées par le poste de police de Bab Bnet et celui
du Kram autour de son domicile et de son lieu de travail. Selon Ramzi
104
Bettibi, cette protection a été déployée sur décision du ministère de
l‟intérieur sans l‟autorisation du juge d‟instruction et malgré le fait que le
journaliste ait été cité en tant que témoin dans l‟affaire Chokri Belaïd sur
la base des investigations menées par Bettibi en la matière. Néanmoins,
la protection n‟a pas duré plus de deux semaines pour être retirée sans
aucune explication.
Il va sans dire que les unités spécialisées en protection et
particulièrement la direction de protection des personnalités et des
institutions rattachée aux unités d‟intervention au ministère de l‟intérieur
ne procèdent à la protection de quiconque qu‟après avoir mené une
enquête.
Quant à la protection assurée pour le journaliste Zied El Heni, elle a été
décidée suite aux aveux de l‟homme d‟affaires Fethi Dammak en avril
2013 qui a affirmé que le nom du journaliste figure dans la liste des
assassinats prévus. La protection d‟El Hani a été suspendue depuis le
déplacement de ce dernier en Syrie en juin 2013 mais a repris
immédiatement après l‟assassinat de l‟opposant Mohamed Brahmi le 25
juillet 2013 sans aucune explication. La protection accordée à Zied El
Heni a été au début une protection à distance assurée par une équipe
spéciale qui surveille son domicile et les lieux dans lesquels il se trouvait
pour devenir ensuite une protection rapprochée après qu‟un inconnu ait
pénétré chez pour y placer un message de menace de mort.
En avril 2013 et suite aux aveux de Fethi Dammak, une protection à
distance a été assurée pour Sofiène Ben Farhat et une protection
rapprochée a été décidée pour Sofiène Ben Hamida. Les deux
journalistes avaient auparavant, bénéficié d‟une protection à distance
ainsi que leur collègue Hamza Balloumi qui n‟a, pourtant, pas demandé
de protection après avoir porté plainte pour menace de mort lorsque
105
Nessma TV a reçu en février 2013 une lettre menaçant tous ses
journalistes. Hamza Balloumi a bénéficié alors d‟une protection à
distance sous forme d‟accompagnement et depuis août 2013 date à
laquelle le ministère de l‟intérieur a divulgué la liste des menacés de
mort, la protection assurée pour Sofiène Ben Farhat a été renforcée.
Taoufik Ben Brik bénéficie également d‟une protection continue assurée
par une brigade spécialisée qui se trouve près de son domicile et
l‟accompagne dans ses déplacements depuis qu‟il a reçu en mars 2013
des menaces de mort.
NaoufelOuertani et Haythem Mekki, journalistes à la radio « Mosaïque
FM » sont aussi protégés depuis février 2013 suite à la demande
présentée par la radio au ministère de l‟intérieur. En mars 2013 une
protection a été accordée à l‟ancien président du syndicat des
journalistes Néji Bghouri mais elle a été retirée peu de temps après sans
aucune explication.
 9 journalistes sous protection
9 journalistes ont été placés sous protection suite à des plaintes portées
pour menace de mort ou à des informations selon lesquelles certains
noms font partie d‟une liste de menacés de mort.
La direction de la protection des personnalités et des institutions
rattachée aux unités d‟intervention œuvre pour assurer une protection
aux journalistes menacés de mort tout comme les autres citoyens
menacés parmi les politiques et les activistes de la société civile. La
protection assurée par cette direction se fait sous forme de protection
continue ou momentanée jusqu‟à disparition du danger. La levée de la
protection est du ressort des services spécialisés.
106
La protection assurée par les services sécuritaires est de trois types :
Une protection rapprochée comme dans le cas actuel de Sofiène Ben
Hamida, de Zied Heni et de Sofiène Ben Farhat.
Un accompagnement comme dans le cas de Haythem Mekki, Naoufel
Ouertani, Hamza Balloumi et Taoufik Ben Brik et de Néji Bghouri avant
sa suspension.
Des rondes de sécurité comme dans le cas auparavant de Ramzi Bettibi.
 Refus de protection
Walid Mejri, ancien journaliste à « Nawaat » considère que la menace de
mort qui lui est parvenue fait partie des risques du métier de journaliste,
et par conséquent, il refuse de demander à une quelconque partie, ni le
ministère de l‟intérieur ni la justice, de lui accorder une protection. Walid
Mejri pense également que « la protection rapprochée n‟est pas
compatible avec la nature du travail journalistique qui nécessite
beaucoup de souplesse et des déplacements fréquents. Le journaliste
est également tenu de protéger ses sources et il risque de les exposer à
travers la protection ».
Jamel Arfaoui, journaliste au journal public « Essahafa » , ne croit pas
non plus en l‟utilité de la protection : « s‟ils veulent me protéger ils n‟ont
qu‟à m‟enfermer chez moi et m‟empêcher de travailler ».
 Perte de confiance dans la police
Certains journalistes ne font plus confiance aux policiers à cause des
agressions répétées qu‟ils ont subies pendant les jours qui ont suivi la
révolution et la mouvance populaire que le pays a connue. Le capital
confiance continue de s‟effriter avec chaque commission constituée pour
107
enquêter sur la violence exercée par les forces de l‟ordre comme la
commission des évènements du 9 avril 2011. Ali Karboussi, par
exemple, affirme ne plus faire confiance ni aux forces de la sécurité ni au
ministère de l‟intérieur pour leur confier sa protection après la menace de
mort qui lui est parvenue en décembre 2012.
 Négligence de la protection
Le journaliste Ali Laabidi a reçu le 27 février 2013 une menace directe de
mort à cause de la publication, ce même jour, par le site «Al Jadal » de
son article sur le retrait du drapeau tunisien pour le remplacer par
l‟étendard salafiste à Regueb –Sidi Bouzid. Ce jour là, il a été empêché
de couvrir la conférence qui se tenait dans une mosquée de Sidi Bouzid
et a été entouré par un groupe de salafistes pour le forcer à quitter les
lieux et depuis Ali Laabidi ne peut plus couvrir aucun évènement dans la
région de Regueb où se trouve son domicile.
Ali Laabidi n‟a pas poursuivi ses agresseurs ni n‟a demandé une
protection jugeant que la menace fait partie des risques de son métier.
Malgré les diverses formes de menaces qui lui sont parvenues, Ali
Laabidi n‟a pas pensé à porter plainte contre les auteurs des menaces
continues contre sa personne et s‟est contenté de s‟installer en mars
2013 à Tunis pour son travail et de s‟éloigner du l‟œil du cyclone.
Ali Laabidi n‟a envisagé sérieusement de demander une protection qu‟en
août 2013 lorsqu‟il a reçu un projectile en verre sur la tête lui causant
une blessure au niveau de l‟oreille à l‟aube du jeudi 22 août alors qu‟il se
trouvait chez des proches à Regueb, mais ne maîtrisant pas les
procédures judiciaires et le mécanisme de plainte ni les textes relatifs à
la demande de protection, il s‟est résigné à ne pas le faire.
108
Ali Laabidi considère que « les poursuites judiciaires et la protection
accordée aux journalistes se limitent aux plus célèbres parmi eux parce
que leurs affaires touchent l‟opinion publique ».
 La non protection influe sur la vie du journaliste
Le 20 août 2O13, Faouzi Arbi Snoussi journaliste à « Dhedd Essolta »
a dû quitter son domicile au Kram, banlieue de Tunis connue pour son
grand nombre de salafistes et d‟extrémistes religieux. Avant cela, le
journaliste a été depuis début juillet amené à ne plus quitter son domicile
depuis qu‟il a appris qu‟il est la cible d‟une élimination physique. Il avait,
en effet, été victime d‟une agression en juin 2012 et avait reçu plusieurs
appels téléphoniques de menace et certains commerçants de la région
l‟ont informé que des éléments des LPR ont appelé à faire couler son
sang.
Le 29 juin 2013 à 11:30 du soir, 3 personnes ont essayé de le kidnapper
et de le faire monter de force dans un véhicule mais quand il a montré de
la résistance, elles l‟ont agressé physiquement.
Depuis, Faouzi Arbi Snoussi continue de travailler dans le même journal
mais il est psychologiquement affecté et vit un épisode de stress intense
et il cherche à se faire traiter en dehors d‟un encadrement médical
approprié.
Recommandations :
Le Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse souligne le danger de
l‟augmentation des menaces de morts contre les journalistes et attire
109
l‟attention sur l‟impact négatif d‟un tel phénomène qui ne fait que retarder
la naissance d‟une scène médiatique libre et indépendante qui cherche
la vérité et s‟acquitte de son rôle primordial dans la transition
démocratique. A cet effet, le CTLP émet les recommendations
suivantes :
- décréter des textes législatifs portant spécifiquement sur la
menace de mort adressée aux journalistes sous quelque forme
que ce soit et ne plus se limiter à l‟article 222 du code de
procédure pénale qui traite de ce sujet de manière générale surtout
que la menace contre les journalistes devient un phénomène
structuré et méthodique
- alourdir la peine réservée au crime de menace de mort notamment
lorsqu‟il s‟avère que la menace est sérieuse
- amener le ministère public à ouvrir rapidement une enquête
approfondie dans tous les cas de menace de mort contre les
journalistes sans exception que le plaignant soit célèbre ou
inconnu du public
- assurer une protection policière pour les journalistes victimes de
menace de mort dès que les parties compétentes sont saisies de
l‟affaire et ne pas suspendre la protection de manière unilatérale et
brusque
- les journalistes doivent suivre les plaintes déposées pour menace
de mort soit auprès du poste de police ou auprès du procureur de
la République pour qu‟elles aboutissent
- encourager et inciter le corps sécuritaire à arrêter les auteurs des
menaces de mort pour mettre fin à ce phénomène
110
Le Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse exhorte également les
politiques à cesser leurs incitations contre les journalistes pour que ces
derniers ne soient plus ciblés par de telles menaces.
111
L’ÉPÉE DE LA LOI TOUJOURS SUSPENDUE AU-DESSUS DE LA
TÊTE DES JOURNALISTES TUNISIENS
Introduction :
La période séparant les mois octobre 2012 et septembre 2013 était
sombre pour les journalistes et les blogueurs tunisiens dans la mesure
où une moyenne mensuelle avoisinant 4 journalistes qui sont poursuivis
durant une année sur des questions liées à l'édition. La plupart des
procédures judiciaires sont entamées en vertu des articles du code
pénal, du code des télécommunications et du code des plaidoyers
militaires.
D'ailleurs, en l'intervalle d'une année 47 enquêtes sécuritaires et
judiciaires sont intentées contre 62 journalistes et blogueurs. Le mois de
septembre 2013 a connu le taux le plus élevé à propos de la poursuite
judiciaire des journalistes à raison de 10 plaintes intentées contre 5
journalistes.
Ces plaintes peuvent être déposées par des citoyens ou directement
parles pouvoirs publics tels que le ministère public et le chargé du
contentieux de l'Etat. La qualité du plaignant que l'Etat s'attribue
constitue un élément de pression sur le pouvoir juridique.
I. Recensement des plaintes intentées à l'encontre les journalistes :
Les procès recensés, dans ce cas, regroupent des affaires en cours
d'investigation en première instance, d'autres transférés à l'instruction
alors que d'autres ont abouti au jugement de journalistes.
12 affaires étaient transférées, en vertu du décret-loi 115 qui organise la
presse, l'imprimerie et l'édition parmi 47 poursuites judiciaires à
112
l'encontre de journalistes. Alors que 19 autres procès sont transférés
conformément à des articles faisant référence à divers codes tel que le
code pénal, le code des télécommunications et le code des plaidoyers
militaires. Pour 12 affaires, il a été question de fusion entre les deux
modalités citées ci dessus. 03 autres affaires n'ont pas pu être qualifiées
alors que 02 concernent les sources d'information des journalistes.
1. Affaires en cours d’enquête préliminaire :
9 enquêtes judiciaires sont intentées contre 25 journalistes et blogueurs.
Ces dernières se répartissent comme suit:
 Convocation de 5 journalistes et syndicalistes du journal Dar AsSabah le 03 Octobre 2012 au poste de sécurité nationale de
Menzah1 qui sont Sana Farhat (journaliste), Soifene ben Rajab
(journaliste), Jamaleddine Bouriga (journaliste), Hamdi Mezhoud
(caricaturiste), Mona Ben Gamra (journaliste), et Montassar Ayari
(technicien et syndicaliste). Cette convocation a été faite dans le
contexte d'une plainte déposée par l'ancien directeur général de
"Dar Al-Sabah" Lotfi Touati, dans le cadre des mouvements de
l'institution exigeant l'indépendance de la ligne éditoriale du
journal et le rejet des nominations à caractère politique. Les
journalistes et les syndicalistes mentionnés n‟ont pas été
convoques à nouveau.
 La direction sectorielle pour la recherche économique et
financière convoque, le 25 décembre 2012, la journalise Monia
Arfaoui du journal As-Sabah pour l‟interroger sur le contenu d‟un
article. Le Ministère publique avait auparavant suscité une telle
convocation suite à un article publié au journal « As-Sabah Al
Ousbouï », en date du 26 mars et intitulé « Le Syndicat révèle des
faits anormaux dans la prison tunisienne d‟Abou Ghrib ». Arfaoui
113
avait, également, comparu, à une autre occasion devant la même
brigade le 02 janvier 2013 à propos du même dossier. Aucune
accusation n‟a été faite contre elle mais elle a été auditionnée sur
les sources de ses informations présentées dans son article.
Aucune autre convocation ne lui a été notifiée.
 Mouna Bouazizi, journaliste à « Ech-chourouk » est convoquée, le
mercredi 16 Janvier 2013 par la brigade criminelle d‟El Gorjani,
suite à une plainte déposée par le président de l‟Union de
l‟Agriculture et de la Pêche, Ahmed Hnider Jarallah. Bouazizi avait
publié un article dans lequel elle évoque l‟incendie survenu dans
une entreprise appartenant à l‟ancien président de l‟UTAP
ChekibTriki, avec comme légende sous sa photo, « Le président
légitime de l‟Union », en allusion au conflit qui l‟oppose à Jarallah,
pour la présidence de L‟Union, ce qui a suscité l‟ire de ce dernier,
au point qu‟il décide de porter plainte contre la journaliste qui fait
remarquer que l‟affaire était anodine et qu‟elle ne méritait pas tout
ce tapage et qu‟un « droit de réponse » aurait suffi.
 Mohamed Saidi, secrétaire général du syndicat de base des
agents administratifs et du personnel de production et des
techniciens à la télévision nationale, a été convoqué, le 31 janvier
2013, par brigade judiciaire d'El Ouina pour l'auditionner dans une
accusation d'agression déposée à son encontre par certaines
personnes ayant observé un sit-in de plus de deux mois devant le
local de la télévision tunisienne réclamant la purification du
secteur de l'information. Saidi a reçu une convocation pour
interrogatoire accompagné parles journalistes et les agents de la
télévision nationale qui sont respectivement Amira Arfaoui
(Journaliste), Walid Abdallah (Journaliste), Abdel Waheb
Abdelghani ( technicien ), Faycel Nasfi (Chef de service), Achraf
114
Mejri ( Chauffeur ) , AbderrazakToumi ( Chauffeur ), Mohamed Ali
Bouzgarrou (Journaliste), Bechir Abdelghaffar (Technicien),
MakramHasnaoui ( chef de service ) et Slim Misawi ( chef de
service) . Les personnes citées ci-dessus n'ont pas été à nouveau
convoquées. Certains partisans progouvernementaux ont observé
un sit-in de plusieurs jours devant le local de la télévision
nationale pour réclamer de purifier l'institution sauf qu'ils étaient
accusés d'agir pour le pouvoir en mettant la pression sur un
établissement public afin de l'utiliser au service du nouveau
pouvoir ainsi que le port de slogans insultant les journalistes
exerçant diverses pressions
 Boutheina Gouiaa, journaliste à la Radio Nationale, était
convoquée au poste de police rue Cologne à Tunis; à la suite
d'une plainte déposée par le Président Directeur Général de la
Radio Nationale auprès du procureur de la république du tribunal
de première instance de Tunis. Gouiaa était auditionnée sur la
base d'écrits et de déclarations critiquant ce qu'elle considérait
comme dépassements au sein de la radio tunisienne. L'action, à
son
encontre,
est
intentée
pour
"Diffamation"
selon
les
dispositions de l'article 55 du décret-loi 115 et "quiconque par
discours publics, presse ou tous autres moyens de publicité,
impute à un fonctionnaire public ou assimilé des faits illégaux en
rapport avec ses fonctions, sans en établir la véracité"
conformément à l'article 128 du code pénal et par référence à
l'article 86 du code des télécommunications " quiconque
sciemment nuit aux tiers ou perturbe leur quiétude à travers les
réseaux
publics
des
télécommunications".
Aucune
autre
convocation ne lui a été adressée.
115
 Azza El Korbi, journaliste à l'hebdomadaire "Essour" s'est
présentée devant le brigade des recherches et de l'instruction de
l'Ouina sur la base d'une plainte déposée par la société chinoise
"Sunsize" à cause de la publication de son article dans l'édition du
13 mars 2013, intitulé "A l'Office de l'Aviation Civile et des
Aéroports: Corruption et offres douteuses à la hauteur de 15
milliards". Ladite journaliste est poursuivie selon l'article 248 du
code pénal pour "Dénonciation calomnieuse" et selon l'article 54
du décret-loi 115 relatif à la liberté de la presse, de l'imprimerie et
de l'édition pour publication "de fausses nouvelles qui sont de
nature à porter atteinte à la quiétude de l‟ordre public.". Les
investigations se sont arrêtées à ce stade et Azza El Korbi n' a
pas fait l'objet d'une nouvelle convocation
 Le 24 avril 2013, un agent de la brigade de la recherche et des
renseignements de Menzel Temime me contacte, depuis un
téléphone fixe, de la Garde nationale de la ville, pour me
convoquer à un interrogatoire. Au début de la conversation,
l‟agent ne m‟avait pas précisé le motif de cette convocation.
Devant mon insistance il finit par m‟informer, qu‟un groupe
d‟habitants de Hammam Ghezaz a déposé plainte à mon
encontre depuis un mois, suite à un article que j‟avais publié
dans « Akher Khabar », journal que j‟ai rejoint au début du
mois d‟avril 2013.vérification faite, il s‟avère qu‟aucune
convocation officielle ne m‟a été adressée, ni par le biais de la
famille ni le journal, mais qu‟on s‟est contenté de me le
signifier par téléphone. L‟article incriminé, date du 19 février
2013 de l‟édition n°31 du journal Akher Khabar, intitulé « des
116
familles en peine à cause du départ de leurs enfants en Syrie,
au nom du jihad ».
 Le 22 mai 2013, la brigade des recherches douanières de
Tunis a auditionné individuellement, le journaliste et rédacteur
en chef du site "Jadal", Sofiane Chourabi, le journaliste
photographe Lasaad Ben Achour et le journaliste Mohamed
Mdalla. Cette audition intervient à la suite d'une vidéo réalisée
sur la contrebande au sud tunisien et parue sur la chaine
privée "Ettounissia" dans l'émission "Attassia Masan"le 16
mai 2013. Ils étaient, par ailleurs auditionnés, par la "Faction
de la garde et de l'inspection douanière" de Kebili qui les a
confrontés avec les contrebandiers et l'intermédiaire ayant
facilité l'enquête journalistique. Le photographe, Lassaad Ben
Achour, est traité comme un criminel de la part de l'un des
enquêteurs, selon ses propos, qui lui a adressé la parole sur
un ton acerbe à plusieurs reprises. L'interrogatoire a duré plus
de six heures et l'affaire est toujours en étape d'investigation.
 Le journaliste à "Essahwa", Hafedh Souari, est interrogé le 25
juillet 2013, au poste de police de Bouchoucha, après avoir
été conduit au poste de police de la rue Ibn Khaldoun à la
suite de la couverture, à la capitale, des protestations
populaires dénonçant l'assassinat du politicien Brahmi.
L'interrogatoire de Souari a duré jusqu'à cinq heures du matin
du jour suivant ayant pour accusation d'attroupement non
autorisé selon la loi °1969-4 relatif aux réunions publiques,
des défilés et des manifestations. Souari n' a reçu aucune
nouvelle convocation.
2. Affaires au cours d'instruction:
117
21 enquêtes judiciaires sont ouvertes contre 19 journalistes et blogueurs
comme suit:
 Le 06 Novembre 2012, le juge d'instruction au tribunal de première
instance de Mahdia a entendu le journaliste indépendant Ghazi
Mabrouk pour "diffamation, publication de fausses nouvelles et
propagande" conformément aux dispositions de l'article 86 du code
des télécommunications qui stipule que " Est puni d'un
emprisonnement de un (1) an à deux (2) ans et d'une amende de
cent (100) à mille (1000) dinars quiconque sciemment nuit aux tiers
ou perturbe leur quiétude à travers les réseaux publics des
télécommunications." L'enquête avec Mabrouk est basée sur une
plainte déposée par le propriétaire d'une usine de tissage à cause
d'un article publié sur le site "La Tunisie vote" et intitulé "Les
ouvriers de Boumerdes souffrent dans les usines de tissage" le 26
aout 2013. Et ce en dépit du fait que le propriétaire de l'usine ait
bénéficié de son droit de réponse le 06 septembre 2013. Ghazi
Mabrouk avait déjà comparu le 01 février 2013 devant la garde
nationale du gouvernorat de Mahdia afin de l'interroger à propos
dudit reportage. Aucune autre convocation ne lui a été notifiée
 Le ministère public publie, le 04 janvier, une décision d‟interdire la
bloggeuse et journaliste Olfa Riahi de voyages, suite à l‟ouverture
d‟une enquête judiciaire sur le contenu de documents qu‟elle avait
publiés concernant des soupçons de dilapidations de l‟argent
public par le ministre des affaires étrangères tunisien. Riahi, a dû
affronter des accusations pour «outrage à un fonctionnaire public »
conformément aux dispositions de l‟article 125 du code pénale, «
118
pour avoir imputé à un fonctionnaire public ou assimilé des faits
illégaux en rapport avec ses fonctions, sans en établir la véracité »,
conformément à l‟article 128 et de « calomnie » sur la base des
articles 245 et 247, du même code, outre des accusations pour «
atteintes à des données personnelles » conformément à la loi de
2004 et pour avoir « nuit à un tiers à travers les réseaux publics
des télécommunications » conformément à l‟article 86 du code des
télécommunications. Riahi s‟est présentée à l‟instruction le 15
janvier 2012, cependant, en tant que témoin, dans l‟attente du
début de l‟investigation pour les accusations qui lui sont attribuées.
La bloggeuse Riahi a ajouté que le juge d'instruction a transféré
l'affaire courant Mai 2013 au doyen des juges d'instruction qui a
demandé d'enquêter sur l'affaire de corruption à laquelle Riahi en a
fait référence dans son blog.
Le pôle judiciaire et financier examine l'affaire pour transférer,
ensuite, les résultats d'investigation, au juge d'instruction du
12ème bureau du tribunal de première instance de Tunis qui a
interrompu l'audience de Riahi en attendant de prouver l'affaire de
corruption. Le pôle judiciaire et financier ne s'est pas encore
prononcé.
 Le 04 mars 2013, la décision est de classer l'affaire contre Saber
Mkacher, journaliste au quotidien "Essabah", qui est accusé par le
ministère public de " publier des documents relatifs à l‟instruction
avant de les avoir exposés en audience publique" et " traitement
de données personnelles relatives aux crimes, de leur constat, de
poursuites criminelles et l‟intention de communiquer des données à
caractère personnel pour réaliser un profit pour son compte
personnel ou le compte d‟autrui ou pour causer un préjudice à la
119
personne concernée "en vertu des articles 32 du code pénal et 61
du décret-loi 115 relatif à la liberté de la presse, de l'imprimerie et
de l'édition ainsi que les articles 13, 87 et 89 de la loi organique
n°2004-63 portant sur la protection des données à caractère
personnel; et ce à la suite d'un article qu'il a publié le 10 janvier
2013 à propos de l'homme d'affaire "Fethi Dammak". Mkacher
avait comparu le 25 janvier 2013 devant le juge d'instruction du
bureau n°20 auprès du tribunal de première instance de Tunis où il
a été question de différer l'interrogatoire au 21 février 2013 selon la
demande des avocats de la défense.
 Lundi 11 mars, la journaliste du quotidien Ech-Chourouq,
khadijaYahyaoui, reçoit une convocation du ministère publique du
tribunal de première instance de Tunis pour se présenter devant le
procureur adjoint chargé de la Diffusion et de la Presse. Yahyaoui
avait publié, dimanche 10 mars 2013, un article dans lequel elle
traite de nouvelles données sur l‟arrestation de l‟assassin de
Chokri Belaïd. Yahyaoui s‟étonne, dans un entretien avec
l‟Observatoire du Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse, de
la rapidité avec laquelle le ministère publique a réagi pour la
convoquer, considérant cette attitude comme étant l‟illustration du
contrôle exercé sur le contenu médiatique dans notre pays.
 Le 23 avril 2013, "Tahar Ben Hassine", le directeur de la chaine
associative "El Hiwar Ettounsi", se présente devant le juge
d'instruction n°18 du tribunal de première instance de Tunis pour a
voir imputé ,"par discours publics, presse ou tous autres moyens
de publicité, à un fonctionnaire public ou assimilé des faits illégaux
en rapport avec ses fonctions, sans en établir la véracité"
conformément aux dispositions de l'article 128 du code pénal et
pour avoir publié " de fausses nouvelles qui sont de nature à porter
120
atteinte à la quiétude de l‟ordre public" selon les préconisations de
l'article 54 du décret-loi n°115 relatif au média. Et ce, à la suite
d'une déclaration, faite sur la chaine privée "Ettounisia" le 20
février 2013, indiquant qu'un haut responsable de sécurité reçoit
des instructions de la part du président du parti "Mouvement
d'Ennahdha".Le juge d'instruction a ordonné, le 30 septembre
2013,à le laisser en état de libération. D'ailleurs "Mehrez
Zouari", ancien directeur des services spéciaux au ministère de
l'intérieur, a déposé cette plainte contre Ben Hassine dans l'affaire
n°26772.
 Le bloggeur "Jamil Fadhel", a été traduit devant le procureur de la
république au tribunal de première instance de Sidi Bouzid, le 15
mai 2013, afin de l'interroger à propos de l'obtention de
l'autorisation de filmer et s'il possédait ou non une carte de presse.
La décision étant sa libération et le classement de l'accusation à
son encontre. En effet, les forces de l'ordre de Sidi Bouzid avaient
procédé à l'arrestation du bloggeur, le 12 mai de la même année,
au moment où il filmait le sit- in des demandeurs d'emploi à Menzel
Bouzaiane. Le bloggeur est resté durant 3 jours en état
d'arrestation au poste de police de Menzel Bouzaiane où il a été
interrogé sur son activité de bloggeur par le biais de laquelle il
archivait tous les mouvements sociaux à Sidi Bouzid
 Le journaliste, à ESSAHAFA, " Mohamed Bououd" et le rédacteur
en chef Lotfi El Arbi Snoussi, ont reçu, le 24 mai 2013, une
convocation pour se présenter devant le tribunal de première
instance de Tunis le 14 juin 2013, et ce à la suite d'une plainte
déposée à leur encontre par l'homme d'affaire Slim Riahi sur la
base d'un article publié au journal Essahafa le 19 avril 2013 ayant
121
pour titre " Le gouvernement lybien charge un cabinet d'avocats
pour la restitution d'avoir en possession de Slim Riahi".
Bououd et Snoussi sont accusés pour "diffamation" en vertu de
l'article 55 du décret-loi 115 relatif à la liberté de la presse, de
l'imprimerie et de l'édition. Il convient de préciser que Bououda
infirmé être l'auteur de l'article en question. Slim Riahi revendique
la somme de 100 mille dinars à titre de compensation du dommage
qu'il aurait subi. Bououd et Snoussi étaient supposés se présenter ,
le 18 septembre 2013, davant le juge d'instruction sauf qu'ils n'ont
pas assisté à la séance d'audition.
 ImenDjebbi, journaliste au quotidien privé "Essour" a comparu,
avec le rédacteur en chef Ezzeddine Zbidi, devant le 12ème juge
d'instruction auprès du tribunal de première instance de tunis. Et
ce, à la suite d'une action intentée, par le ministère de l'intérieur à
leur encontre, à cause d'un article paru, le 17 mai 2013,
comportant une déclaration du porte parole officiel de "Ansar
Echariaâ", Seifeddine Rais, dans laquelle il affirme que "des
membres de forces de l'ordre ont prétendu la maladie pour éviter
l'affrontement avec Ansar Chariâ et que certains d'entre eux les ont
contactés pour leur exprimer leur solidarité"
Djebbi est poursuivie pour avoir imputé, par voie de discours
publics, presse ou tous autres moyens de publicité "à un
fonctionnaire public ou assimilé des faits illégaux en rapport avec
ses fonctions, sans en établir la véracité" conformément à l'article
128 du code pénal; et selon les dispositions du 3ème paragraphe
de l'article 32 du même code qui l'accuse d'avoir "aidé l'auteur de
l‟infraction dans les faits qui l'ont préparée ou facilitée" et pour la
publication "de fausses nouvelles qui sont de nature à porter
atteinte à la quiétude de l'ordre public" selon l'article 51 du décret122
loi 115 relatif à la liberté de la presse, de l'imprimerie et de l'édition.
L'affaire est toujours en cours d'investigation sans que Djebbi ni
Zbidi ne soient auditionnés à nouveau.
 La journaliste franco tunisienne et indépendante Hend Meddeb est
traduite le 17 juin 2013 devant le juge d'instruction du tribunal de
première instance de Ben Arous pour agression contre un agent de
l'ordre et perturbation de l'ordre publique sauf qu'elle ne s'est pas
présentée à la séance d'instruction parce qu'elle n'avait pas
confiance dans le processus juridique selon ses dires. L'affaire est
reportée au 07 octobre 2013 ensuite au 25 novembre de la même
année. Meddeb a fait l'objet d'une arrestation durant 3 heures de la
part des forces de sécurité le 13 juin 2013 lors de la couverture du
procès du rappeur "weld 15".
 Le journaliste, à la chaine satellitaire Nessma , Sofien Ben Farhat
est traduit le 24 juin 2013 devant le juge d'instruction du 10ème
bureau du tribunal de première instance de Tunis; à la suite d'une
action en justice intentée par 4 députées de l'Assemblée Nationale
Constituante du groupe de la mouvance Ennahdhaà cause de ses
déclarations sur la chaine "Nessma" le 06 mars 2013 en rapport
avec la chute d'une camera de la télévision nationale après une
dispute survenue à l'assemblée nationale constituante entre des
députés du parti Ennahdha.
Ben Farhat est auditionnée de nouveau devant le juge d'instruction
le 27 juin 2013 où in a été procédé à son identification
anthropométrique et la présentation des éléments de la défense.
Ben Farhat est accusé pour publication de "fausses nouvelles qui
sont de nature à porter atteinte à la quiétude de l'ordre public"
123
conformément à l'article 54 du décret-loi 115 relatif à la liberté de la
presse.
 Chokri Chihi, rédacteur en chef du site "El Hasri", est traduit devant
le juge d'instruction du 5ème bureau le 27 juin 2013,sur la base
des dispositions de l'article 86 du code des télécommunications qui
accuse "quiconque qui nuit sciemment aux tiers ou perturbe leur
quiétude à travers les réseaux publics des télécommunications"
ainsi que pour "outrage" conformément aux articles 245 et 247 du
code pénal; à cause d'un article paru sur le site courant 2011 et qui
traite d'un meurtre survenu dans le gouvernorat de Ben Arous.
Chihi était convoqué, le 26 juin 2013, par voie de téléphone. Il a
refusé de s'y rendre demandant au juge d'instruction de lui
adresser une convocation conformes aux normes légales. Le juge
a répondu positivement à sa demande et lui a notifié une
convocation pour comparaitre le 27 juin 2013. L'audience a duré 3
heures et Chihi a réfuté tout rapport avec l'article de près ou de
loin. Chihi a quitté le bureau du juge d'instruction sans qu'aucune
suite à cette affaire ne soit déterminée ni par une décision de
transfert ni par classement définitif.
 Une plainte est déposée contre slimbagga, rédacteur en chef du
journal "L'Audace", par une ex-ambassadrice en vertu de l'article
128 du code pénal "quiconque par discours publics, presse ou tous
autres moyens de publicité, impute à un fonctionnaire public ou
assimilé des faits illégaux en rapport avec ses fonctions, sans en
établir la véracité " et " publie de fausses nouvelles qui sont de
nature à porter atteinte à la quiétude de l‟ordre public" selon les
dispositions de l'article 54 du décret-loi 115. Suite à cette plainte,
Slim Bagga a comparu le 02septembre 2013 devant le bureau
d'instruction n°5 du tribunal de première instance de Tunis dans le
124
cadre de l'affaire n°27954 motivée par la parution d'un article dans
l'édition n°23 de "L'audace" en date du 25 juin 2013. Le juge
d'instruction, après avoir auditionné Bagga, a émis un mandat de
dépôt de prison à son encontre pour lui accorder, ensuite, une
mise en liberté provisoire le 06 septembre 2013 selon les souhaits
de son avocat.
 Les journalistes, du site associatif "Nawaat",Walid Mejri et Kais
Zribaont comparu devant le juge d'instruction du bureau n°12 du
tribunal de première instance de Tunis le 06 septembre 2013 après
avoir reçu une convocation à cet effet le 25 septembre 2013 en
qualité de témoins. Cette convocation s'inscrit dans le cadre de la
diffusion d'une vidéo, sur le site, relatant une interview de membres
de "Ansar Chariaa", dont Riadh Ouertani faisant l'objet d'une
arrestation le 02 août 2013. Mejri déclare que le juge d'instruction
lui a demandé des informations à propos des interviewés comme il
lui a demandé de lui remettre la vidéo originale sur laquelle
apparaissent clairement les visages des personnes qu'il a
interviewée. Mejri a tenu à ne pas divulguer ses sources et s'est
limité à répondre à quelques questions et éclairé certaines
informations contenues dans l'interview. Le juge d'instruction s'est
contenté d'écouter Mejri sans la présence de son collègue
KaisZriba.
 Slim Bagga, directeur de l'hebdomadaire "L'Audace" s'est présenté
le 09 septembre 2013 devant le troisième bureau du tribunal de
première instance de Tunis dans le cadre de l'affaire n°27955 à la
suite d'une procédure judicaire intentée à son encontre par une
juge pour "outarge" et " quiconque par discours publics, presse ou
tous autres moyens de publicité, impute à un fonctionnaire public
125
ou assimilé des faits illégaux en rapport avec ses fonctions, sans
en établir la véracité" selon les préconisations des articles 245 et
128 du code pénal. D'ailleurs, la juge a déposé la plainte après la
parution d'un article sur les colonnes de "L'Audace " le 05 juin
2013.
 Le journaliste à "Radio Express Fm",Zouhair El Jiss, a comparu
devant le juge d'instruction du bureau n°14 auprès du tribunal de
première instance de Tunis ,le 13 septembre 2013, à la suite d'une
plainte déposée par le chef du contentieux de l'Etat à son encontre
et qui l'accuse, par le biais de discours publics, presse ou tous
autres moyens de publicité, d'imputer "à un fonctionnaire public ou
assimilé des faits illégaux en rapport avec ses fonctions, sans en
établir la véracité" ainsi que pour "outrage" et publication de
"fausses nouvelles qui sont de nature à porter atteinte à la
quiétude de l'ordre public" au sens des articles 128 et 245 du code
pénal et l'article 54 du décret-loi 115.
Les accusations portées contre EL Jiss interviennent suite à la
déclaration du journaliste Salem Zahran sur son émission du 09
mars 2013 évoquant les émoluments perçus par Marzouki de la
chaine qatari "Al-jazeera" . Le juge d'instruction a abandonné les
accusations portées contre El-Jiss lors de son audition.
 Le juge d'instruction du 10ème bureau du tribunal de première
instance deTunis, a émis le 13 septembre 2013, un mandat de
dépôt de prison à l'encontre du journaliste à "Essahafa",Zied El
Heni. Ce dernier est jugé pour "Diffamation" conformément au
décret-loi 115 dans son article 57 et " quiconque par discours
publics, presse ou tous autres moyens de publicité, impute à un
fonctionnaire public ou assimilé des faits illégaux en rapport avec
ses fonctions, sans en établir la véracité" par référence à l'article
126
128 du code pénal. Sauf que la chambre d'accusation de la cour
d'appel de Tunis a décidé d'accepter la demande des avocats de la
défense d'accorder une liberté provisoire à El Heni. Le report de
l'instruction est prévu pour le 25 sepembre 2013 où il est question
de transférer l'affaire à la ville de Sousse selon la décision de la
cour de cassation.
 Tahar Ben Hassine a comparu devant le juge d'instruction du
bureau n°18 auprès du tribunal de première instance de Tunis le
13 septembre 2013 pour l'auditionner dans l'affaire n°27285 à la
suite d'une plainte déposée à son encontre par le procureur
général de la cour d'appel pour " complot contre la sureté de l'Etat"
et incitation à la désobéissance civile en vertu des articles 63,64,72
et 72 du code pénal ainsi que les articles 50 et 51 du décret-loi
115. En effet, il a appelé, via la chaine "El Hiwar Ettounsi", le 24
juillet 2013 à la mobilisation de groupes civiles pour lutter contre
les ligues de protection de la révolution. Comme il a appelé les
forces de l'ordre à désobéir aux instructions. Ben Hassine est
interrogé le 30 septembre 2013 dans la même affaire. Le juge
d'instruction ayant décidé de maintenir Ben Hassin en état de
libération.
 Tahar Ben Hassine a comparu le 14 septembre 2013 devant le
juge d'instruction du bureau n°12 auprès du tribunal de première
instance de Tunis pour " complot contre la sureté intérieure de
l'Etat" et "l'attentat ayant pour but de changer la forme du
gouvernement" dans l'affaire n°28506 selon les articles 63,64 et 70
du code pénal et ce après que Ben Hassine ait appelé, à travers la
chaine "El Hiwar Ettounsi", le 15 aout 2013, les citoyens à ne pas
payer les impôts.
127
 Le juge d'instruction du deuxième bureau auprès du tribunal de
première instance de Tunis a auditionné le18 septembre 2013 le
journaliste et directeur du journal "Essafir", Ramzi Jabbari. En effet,
la ministre des affaires de la femme a déposé une plainte à son
encontre suite à la publication d'un article le 08 aout 2013 à propos
des nominations au sein du ministère de la femme. Jabbari a reçu
un appel téléphonique, le 17 septembre 2013, le convoquant à
comparaitre le lendemain pour audition; et ce à la suite d'une
action en justice intentée à son encontre par le chef du contentieux
de l'Etat pour le compte de la ministre de la femme Sihem Badi au
sens de l'article 128 du code pénal selon lequel Ramzi Jabbari est
accusé d'avoir imputé, à un fonctionnaire public ou assimilé des
faits illégaux en rapport avec ses fonctions, sans en établir la
véracité, par discours publics, presse ou tous autres moyens de
publicité. Jabbari est aussi interrogé pour " outrage" en vertu de
l'article 245 du code pénal et pour "diffamation" au sens de l'article
55 du décret-loi 115 portant organisation du secteur de
l'information.
 Tahar Ben Hassine a comparu, le 19 septembre 2013,devant le
juge d'instruction du bureau n°12 du tribunal de première instance
de Tunis, après que 20 avocats aient intenté une action en justice
à son encontre dans l'affaire n° 28207 pour complot contre la
sureté intérieure de l'Etat au sens des articles 70 et 72 du code
pénal. En effet, Ben Hassine, lors de l'émission "El kalem El
Mamnoû" diffusée sur la chaine "El Hiwar Ettounsi" le 27 juillet
2013, avait évoqué la fin de la légitimité et il a appelé les forces de
l'ordre à ne pas exécuter les instructions pour dissuader les
mouvements de protestations appelant au départ du
gouvernement.
128
 Tahar Ben Hassine a comparu, le 20 septembre 2013,devant le
juge d'instruction du bureau n°12 auprès du tribunal de première
instance de Tunis, après qu'une requête pour instruction soit
déposée, à son encontre, par le directeur du cabinet du ministre de
la justice motivée par le "complot contre la sureté intérieure de
l'Etat", "agression dans le but de changer l'institution de l'Etat" et
aussi pour "exprimer une opinion dont le but est de former un
complot" ,dans l'affaire n°28269, selon les dispositions des articles
63, 64 et 70 du code pénal. Ben Hassine, avait procédé à des
déclarations sur la chaine "El Hiwar Ettounsi" le 06 aout 2013, au
cours desquelles il a appelé à ne pas payer les impôts ni les
factures de la Steg et de la Sonede. Il a par ailleurs, soutenu, le
mouvement "Dégage" dans tous les gouvernorats comme il a
sollicité les juges à différer les affaires dans lesquelles l'Etat est
partie prenante.
3. Procès en cours :
On a observé durant la période séparant octobre 2012 et septembre
2013, 17 procès à l'encontre 19 journalistes et directeurs de journaux en
plus d'une institution médiatique privée et qui se répartissent comme
suit:
 Le tribunal cantonal de la délégation de Menzel Temima
condamné, le 30 octobre 2012, les deux journalistes Mehdi Jlassi
et Soufiene Chourabi, d'une amende de 104 dinars à cause de leur
accusation "d'outrage public à la pudeur" au sens de l'article 226
du code pénal. Le 10 juin 2013, le tribunal de première instance de
Nabeul a soutenu cette décision. La police a procédé à l'arrestation
de Chourabi et Jlassi le 05 aout 2012 en compagnie d'une fille sur
129
la plage de Mansoura, gouvernorat de Nabeul avant de les
relâcher le 07 aout 2012 où le ministère public avait ordonné leur
arrestation auprès du poste de police de Menzel Temim où ils ont
enregistré leurs propos avant de les transférer au ministère public
auprès du tribunal de première instance de Nabeul qui les a libérés
et acquitté la fille.
La séance d'audience, prévue le 18 septembre 2012, est reportée
pour le 09 octobre de la même année. Cette affaire survient après
qu'un habitant de la ville de Kelibia ait intenté une action à leur
encontre après avoir prétendu qu'il était moralement affecté suite à
l'incident attribué aux deux journalistes et leur compagne.
Les deux journalistes pensent que ce procès intervient suite aux
publications de Chourabi dans le journal libanais "Al Akhbar".
 Ghassen Ksibi, journaliste à"Echâb", a comparu, le 13 décembre
2012,devant la cour d'appel de Tunis, en vertu de l'article 86 du
code des télécommunications et l'article 245 du code pénal.
L'affaire est différée pour le 07 novembre 2012 après que la justice
ait rendu son verdict ,le 05 janvier 2012 en première instance, en
l'acquittant. Le conseiller juridique du ministère de l'éducation a fait
appel mais la cour de cassation l'a rejeté en mars 2013 au profit de
Ksibi.
L'affaire est la conséquence d'une plainte déposée par le conseiller
juridique du ministère de l'éducation à cause de la publication d'un
article de Ksibi contenant des données, déjà publiées, dans un
communiqué du syndicat général de l'enseignement secondaire à
propos de dossiers de corruption au sein dudit ministère.
 Le journaliste au quotidien "Sawt Echaab" Yassine Nabli est
auditionné le 27 décembre 2013 par l'une des chambres
130
criminelles auprès du tribunal de première instance de Tunis sur la
base d'une investigation journalistique. Yessine Nabli est jugé suite
à une plainte déposée par la directrice générale d'une société
,agricole pour "diffamation" en vertu de l'article 54 du décret-loi 115
et motivée par un article, traitant des soupçons de corruption dans
l'investissement des terres domaniales, paru dans le journal le 15
novembre 2012. Un non-lieu est prononcé pour invalidité des
procédures.
 Le tribunal de première instance de l'Ariana a ordonné, le 29
janvier 2013, un non-lieu dans l'affaire déposée par Mohamed Ali
Bouaziz pour diffamation et insultes selon les dispositions des
articles 55 et 57 du décret-loi 115, à l'encontre de Lotfi Laamari et
Walid Zaraa, journalistes à la chaine privée Hannibal. En effet,
Laamari a procédé à des déclarations, le dimanche 17 juin 2013,
en relation avec les faits ayant accompagné l'exposition du palais
Elebdellia. Laamari et Zaraa ont comparu devant la cour
compétente le 08 juin 2013 après avoir reçu une convocation, dans
ce sens, le 13 décembre 2012 concernant la même affaire.
 Nadia Zaïer et Mohamed Hamrouni, journalistes à « Adhamir » se
sont présentés devant le tribunal de première instance de Tunis,
pour diffamation et insultes. Un ex président de l‟Union nationale
de l‟Industrie et du Commerce avait accusé Nadia Zaïer de l‟avoir
diffamé dans un article paru dans le numéro 41 du journal, dans
lequel elle parle de soupçons de corruption au sein de l‟Union.
Mohamed Hamrouni était aussi impliqué dans l‟affaire. Le tribunal
a décidé un non-lieu dans cette affaire en faveur de la consœur
pour défauts de procédures. Rappelons que le plaignant avait déjà
bénéficié de son droit de réponse sur les colonnes du même
journal dans son édition n° 42.
131
 Le 28 décembre 2012, le ministère public a décidé de clore
l'enquête à l'égard du journaliste à "Attariq Al Jadid", Adel Hajji, qui
a été accusé pour "diffamation" et avoir imputé par " discours
publics, presse ou tous autres moyens de publicité, à un
fonctionnaire public ou assimilé des faits illégaux en rapport avec
ses fonctions, sans en établir la véracité." au sens des articles 57
du décret-loi 115 et 128 du code pénal, suite à un article intitulé
"Après le traitement des dossiers universitaires, le ministre de
l'enseignement supérieur règle ses comptesavec un journaliste" et
paru le 16 juin 2012, là ou il a critiqué le rendement du ministre de
l'enseignement supérieur qui, à son tour, a porté plainte, le 18 juin
2012. Le juge d'instruction a transféré l'affaire à la chambre
d'accusation qui a procédé à clore le procès. Le 27 juin 2013, la
cour de cassation a refusé la demande de l'avocat du ministre pour
réouverture du procès et a soutenu le verdict de clore l'enquête.
 Mouna Bouazizi, journaliste à « Ech-chourouk » est convoquée, le
31 janvier par le juge d‟instruction auprès du tribunal de première
instance de Tunis, suite à une plainte déposée par « Hajji Kalbouti
», en sa qualité de président du conseil d‟administration de la
Mutuelle des Accidents Scolaires et Universitaires, suite à un
article publié par la consœur dans l‟édition d‟Ach-Chourouq en
date du 7 septembre 2012, dans lequel elle traite de certains
problèmes et manquements constatés au sein de la Mutuelle.
Rappelons que le plaignant avait déjà bénéficié de son droit de
réponse sur les colonnes du même journal, conformément à la
règlementation en vigueur. La consœur a dû affronter les
conséquences d‟accusations en « diffamation » et « publication de
fausses nouvelles », conformément aux articles 54 et 55 du décretloi n°115 et pour « outrage à un fonctionnaire public »,
132
conformément à l‟article 126 du code pénal. Bouazizi a bénéficié,
le 31 janvier, d‟un non-lieu en sa faveur pour défauts de
procédures. Le ministère public a, cependant, poursuivi le
jugement dans l‟affaire, le 02 février 2013, ce que les avocats
considèrent comme une procédure non justifiée
 Le tribunal de première instance de l'Ariana a condamné, le 08
janvier 2013, Nizar Bahloul, directeur du site web "Business
News", à quatre mois de prison par cotumace ,à la suite de l'action
intentée en justice par l'ancien ambassadeur, de Tunisie à Abou
Dhabi, Ahmed Ben Mostapha; et ce pour avoir imputéà un
fonctionnaire public ou assimilé des faits illégaux en rapport avec
ses fonctions, sans en établir la véracité par discours publics,
presse ou tous autresmoyens de publicité en vertu de l'article 128
du code pénal. L'ex-ambassadeur, Ahmed Ben Mostapha, avait
porté plainte contre Nizar Bahloul, en 2010, pour diffamation sauf
que la justice ne l'avait pas prise en considération. Ben Mostapha a
de nouveau porté plainte après la révolution. Le tribunal de
première instance de Tunis a décidé un non-lieu au profit de
Bahloul le 07 mai 2013.
 Le juge d'instruction du troisième bureau auprès du tribunal de
première instance de Tunis a émis, le 04 février 2013, une
ordonnance, au sens de l'article 99 du codes des procédures
pénales, interdisant la chaine privée "Mosaique FM" de diffuser
une interview avec le leader de "AnsarChariâ" Seif Allah Ben
Hassine alias Abou Yadh. Le juge motive sa décision, à travers
une correspondance officielle le même jour adressée à la direction
de la radio, par le fait que Abou Iyadh est recherché par la justice
en tant qu'accusé d'assassinat d'une personne, de trouble contre la
sécurité intérieure et d'avoir commis un acte terroriste lors des
133
événements de l'ambassade américaine courant septembre 2012
et qu'un mandat d'amené est lancé à son encontre. Le juge
d'instruction considère que la transmission de cette interview
pourrait influencer le cours de la justice comme elle pourrait
comporter des propos codés qu'Abou Iyadh adressera à ses
adeptes. La radio a eu recours auprès du juge d'instruction du
tribunal de première instance de Tunis le 05 février 2013 sauf qu'il
l'a rejeté.
 Une des chambres criminelles auprès du tribunal de première
instance de Tunis a prononcé un non lieu, courant février 2013,
dans l'affaire pour diffamation opposant la mutuelle des accidents
des écoliers et universitaires et Ramzi Jabbari, directeur de
l'hebdomadaire "Essafir". La plainte, pour "diffamation" au sens de
l'article 55 du décret-loi 115, déposée à l'encontre de ce dernier est
motivée par la publication d'articles relatant de probables affaires
de corruption dans ladite mutuelle. Dans cette affaire, Jabbari est
entendu de la part du procureur de la république auprès du tribunal
de première instance de Tunis le 26 septembre 2013 et qui a
décidé de transférer l'affaire Jabbariauprès de la justice.
 Taoufik El Ouni, journaliste à "Essour", est appelé à se présenter,
le 04 mars 2013, devant le tribunal de première instance de Tunis
pour "Diffamation" et "Publication de fausses nouvelles"
conformément aux dispositions des articles 54 et 55 du décret-loi
n°115; et ce après que le président de l'association "Ennesser
Erriadhi" et le dirigeant de "Ennahdha" Fraj El Jami aient entamé
une procédure judiciaire à son encontre à cause d'un article qu'il a
publié le 12 septembre 2012. Cet article précise que le plaignant a
agressé des journalistes présents au festival d'été d'El Mnihla en
134
les qualifiant de "Presse de caniveau" et des "Orphelins de Ben
Ali". L'article fait aussi état d'informations signifiant que le plaignant
a agressé un juge et un capitaine de la garde nationale. La
dernière séance d'audience a eu lieu le 12 juin 2013 et l'affaire est
toujours en cours.
 La 8ème chambre criminelle du tribunal de première instance de
Tunis a ordonné le 11 avril 2013 un non-lieu dans l'affaire intentée
par 6 directeurs généraux exerçant au ministère de la formation
professionnelle et de l'emploi à l'encontre de Ramzi Jabbari,
directeur du journal "Essafir", inculpé de "diffamation" en vertu de
l'article 55du décret-loi 55 et ce à la suite d'articles publiés sur les
colonnes dudit journal et relatifs aux dossiers de corruption au sein
du ministère et évoquent des promotions et des avantages au
profit de personnes reconnues par leur appartenance à l'ancien
régime. Jabbari étant traduit devant la 8ème chambre criminelle du
tribunal de première instance de Tunis le 22 novembre 2012 où il a
été question de différer l'affaire au 26 décembre 2012 ensuite au
28 mars 2013 pour prononcer un non-lieu à la date du 11 avril
2013.
 Le tribunal de première instance de Tunis a ordonné un non lieu, le
24 avril 2013,dans l'affaire opposant le rédacteur en chef de
"Réalités", Lotfi Laamari, et l'huissier notaire Mohamed Ali Bouaziz
après que le premier ait publié un article sur les colonnes de
l'hebdomadaire dans son édition n°201 à la date du 22 juin 2012 à
propos des incidents d'Elebdellia. Il est accusé pour "Outrages" et
"Diffamations" conformément aux articles 55 et 57 du décret-loi
115. Laamari a reçu une convocation le 18 septembre 2012 pour
comparaitre le 09 janvier 2013.
135
 Le tribunal de première instance de Kairouan condamne, le 02 mai
2013,Najeh Zaghdoudi, correspondant du journal "Echourouk",à
une amende ayant la valeur de 200 dinars. Ce verdict intervient à
la suite de son accusation, en vertu de l'article 125 du code pénal,
qui stipule "quiconque, par paroles, gestes ou menaces se rend
coupable d‟outrage à un fonctionnaire public ou assimilé dans
l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions". En effet,
un agent exerçant à l'agence de restauration de Kairouan avait
intenté une action contre Zaghdoudi pour "insultes". L'incident est
survenu, le 23 octobre 2012, lorsque le journaliste était entrain
d'exercer son travail au marabout de "Sidi Sahbi" et qu'un agent
l'en a empêché et lui a confisqué sa caméra bien que Zaghdoudi
lui a montré sa carte de presse. A cet effet, le journaliste a déposé
une plainte auprès de la police et a pu restituer sa caméra après
qu'une déposition soit faite dans ce sens. Zaghdoudi était surpris
de découvrir qu'il figure parmi les accusés lors d'une séance tenue
auprès du tribunal de première instance de Kairouan. Il a intenté
un appel à la cour de Sousse où la première séance est fixée pour
le 10 octobre 2013.
 Letribunal militaire de Sfax, condamne, le 03 juillet 2013, à une
amende de 240 dinars le bloggeur Hakim Ghanmi ayant le blog
"Warakat Tounissia"; et ce dans le cadre d'une action intentée à
son encontre par le directeur de l'hôpital militaire de Gabes à
cause de la publication, sur son blog le 10 avril 2013, d'un article
intitulé "Lettre ouverte au ministre de la défense nationale : le
directeur de l'hôpital militaire de Gabes menace l'épouse d'un
militaire qui revendique son droit aux soins".Ghanmi est accusé,
conformément à l'article 91 du code des plaidoyers et des
sanctions militaires, pour "outrage à l'armée et atteinte au prestige
136
de l'institution militaire" et " pour avoir sciemment nuit ou perturbé
la quiétude des tiers à travers les réseaux publics des
télécommunications" selon l'article 86 du code des
télécommunications et pour avoir imputé, par discours publics,
presse ou tous autres moyens de publicité, à un fonctionnaire
public ou assimilé des faits illégaux en rapport avec ses fonctions,
sans en établir la véracité" au sens de l'article 128 du code pénal.
Ghanmi était auditionné, le 30 avril 2013, par le parquet auprès du
tribunal militaire de Sfax, en qualité de témoin avant d'être
interrogé en tant qu'accusé. Le ministère public a eu recours contre
ce verdict et par la suite l'affaire est transférée à la cour d'appel
militaire de Tunis.
 Sabah Chebbi, journaliste du site "Essabah News",a comparu le 11
juillet 2013 devant l'une des chambres criminelles auprès du
tribunal de première instance de Tunis pour "Diffamation" en vertu
de l'article 57 du décret-loi 115; à la suite d'une action intentée par
un ensemble d'avocats à cause de son article paru le 08 juin 2013.
L'accusation a, également concerné le rédacteur en chef du site,
Hafedh Ghribi, en sa qualité de responsable juridique de "Essabah
News". Les deux journalistes attendent toujours l'issue de ce
procès
 le 17 septembre 2013, le journaliste Mouldi Zouabi et directeur du
bureau de la chaine associative "El Hiwar Ettounsi" au nord ouest,
a comparu devant la cour d'appel du Kef pour le juger dans une
affaire pour laquelle il avait été déjà condamné à une amende le 08
novembre 2010. Il est accusé pour agression conformément aux
articles 218 et 219 du code pénal et outrage selon les dispositions
de l'article 245 du même code.
137
Les faits de cette affaire reviennent au mois d'avril 2010 quand un
avocat stagiaire, appartenant au parti au pouvoir avait porté plainte
à l'encontre de Zouabi pour les accusations précitées. Des
organisations locales et internationales avaient suivi ce dossier et
ont affirmé qu'il est politisé par excellence. Et il revient à des
articles rédigés par Zouabi sur le site "Kalima" où il avait critiqué
l'organisation de la scout. Zouabi se présente de nouveau devant
la justice le 30 octobre 2013.
 Le journaliste photographe d'Astrolab TV, Mourad Mehrzi, a
comparu devant le tribunal de première instance de Tunis le 23
septembre 2013 dans l'affaire n°15634/2013, intentée par le
ministre de la culture à son encontre ainsi qu'à l'encontre du
metteur en scène NasreddineShili pour "complot formé pour
commettre des violences contres un fonctionnaire accompagné
d‟acte préparatoire" en vertu de l'article 120 du code pénal qui
stipule que "Le complot formé pour commettre des violences
contre les fonctionnaires est puni de trois ans de prison s'il n'a été
accompagné d'aucun acte préparatoire. S'il a été accompagné
d'actes préparatoires, la peine est de 5 ans"; et ce pour avoir filmé
l'incident du jet d'œuf sur le ministre de la culture par Shili lors de
la cérémonie du 40ème jour du défunt Azouz Chenaoui. L'affaire
est différée pour le 10 octobre 2013 pour rendre le verdict. Il est à
préciser que les forces de l'ordre ont procédé à une intrusion
musclée du domicile du photographe Mourad Mehrzi le 18 aout
2013 à 23 h et l'ont arrêté. Le domicile a été fouillé en exécution du
mandat de perquisition émis par le procureur de la république.
Mehrzi a été transféré à la brigade de lutte contre le crime de
Gorjani où il était maintenu en garde à vue avant de comparaitre le
02 septembre 2013 devant le juge d'instruction du tribunal de
138
première instance de Tunis qui a ordonné sa libération le 06
septembre 2013.
II .Dysfonctionnements procéduraux en matière de poursuite de
journalistes :
1. Auprès des Postes de police:
 Le maintien des premières procédures d'enquête avec les
journalistes par des équipes sécuritaires non spécialisés dans le
domaine de la presse, de l'imprimerie et de l'édition sachant que
sous le règne de Ben Ali l'audition des journalistes est faite par un
représentant du ministère public spécialisé dans le code de la
presse.
 Arrestation de journalistes lors de l'exercice de leur fonction de la
part des forces de sécurité et leur acheminement aux postes de
police pour interrogatoires avant de les libérer; sans leur adresser
des convocations écrites conformément aux dispositions du code
des procédures pénales et sans en préciser les contraventions qui
leur sont attribuées.
 Convocation des journalistes par communication téléphonique de
la part des services sécuritaires pour audition dans les affaires
pénales intentées à leur encontre.
 Arrestation des journalistes, pour une certaine période, lors de
l'exercice de leur fonction; ce qui est considéré comme une
arrestation arbitraire
 Les journalistes, déposant des plaintes, peuvent parfois devenir
des accusés sans le savoir et sans avoir aucune idée sur les
accusations portées à leur égard.
139
 La confiscation d'outils de travail des journalistes ce qui est
considérée comme une infraction expresse du deuxième
paragraphe de l'article 11 du décret-loi 115
2. Auprès du Juge d'instruction:
 Le maintien de la poursuite des journalistes conformément aux
dispositions du code pénal, du code des procédures et des peines
militaires
et
du
code
des
télécommunications
malgré
la
promulgation du décret-loi relatif à la liberté de la presse, de
l'imprimerie et de l'édition qui relate, à son tour, nombreux crimes
et peines relatifs à la presse. Il convient de rappeler que les
normes internationales exigent que les infractions journalistiques
soient
classées
en
tant
qu'erreurs
civiles
passibles
de
compensations et non en tant que crimes passibles de peines
pénales.
 Le non respect du délai séparant la date de convocation et
l'audience qui est parfois de seulement quelques heures ce qui ne
permet pas au journaliste de préparer sa défense et de désigner
un avocat. En plus du prolongement voulu de la période
d'audience, ce qui est un moyen d'épuisement de l'accusé.
 Traduction de journalistes selon l'article 54 du décret-loi 115 qui
stipule que "Est puni d‟une amende de deux mille dinars à cinq
mille dinars quiconque sciemment et par les moyens mentionnés
àl‟article 50 du présent décret- loi, publie de fausses nouvelles qui
sont de nature à porter atteinte à la quiétude de l‟ordre public" suite
à la publication d'informations ne représentant aucun danger sur
l'ordre public ni sur la sécurité.
140
 La traduction devant la justice de la part du ministère public est en
relation
avec
les
plaignants
qui
sont
généralement
des
représentants du pouvoir public.
 Le non respect de la confidentialité des sources garanties par
l'article 11 du décret-loi 115 qui stipule que "Sont protégées les
sources du journaliste dans l‟exercice de ses fonctions, ainsi que
les sources de toute personne qui contribue à la confection de la
matière journalistique. Il ne peut être procéder à la violation du
secret de ces sources directement ou indirectement que pour un
motif impérieux de sûreté de l‟Etat ou de défense nationale et sous
le contrôle de l‟autorité juridictionnelle. Est considérée comme
violation du secret des sources, toutes enquêtes, tous actes de
recherche et d‟investigation, toutes écoutes de correspondances
ou de communications, effectuées par l‟autorité publique à
l‟encontre du journaliste pour découvrir ses sources ou à l‟encontre
de toute personne entretenant avec lui des relations particulières"
 La traduction, devant la justice, pour crimes passibles de 5ans de
prison ferme. Ce qui représente un message très dangereux et une
menace directe des libertés de presse et le droit à l'information
 Arrestation des journalistes à cause des affaires relatives à
l'imprimerie et à l'édition
 Incriminer les journalistes à cause de la diffusion de déclarations
critiquant le pouvoir
 Evocation de la poursuite des journalistes suite à une plainte du
procureur de la république de Tunis, l'ouverture d'une investigation
à leur égard, le choix du juge d'instruction suite à une décision du
ministère public auprès du même tribunal ne correspondent pas
aux conditions du jugement équitable.
141
 Arrestation des journalistes à cause de contenus médiatiques et
qui constitue un acte arbitraire s'opposant à l'article 85 du code des
procédures judiciaires.
 Jugement des journaliste suite à la déclaration de leurs points de
vue sur les plateaux de télévision alors que les pouvoirs publics
pourraient se contenter de porter plainte devant la Haute Instance
Indépendante de la Communication audio visuelle suite au décretloi 116 qui est paru pour réguler le paysage audio visuel en Tunisie
et l'élaboration des procédures professionnelles et
comportementales auxquelles ils devraient s'incliner.
3. Au tribunaux:
 L'absence de convocation écrite et officielle conformément à la loi
pour certains journalistes pour assister à leurs audiences ce qui
leur prive d'avoir recours à un avocat pour entamer les procédures
nécessaires à leur défense.
 La traduction, des bloggeur, en justice conformément au codes des
télécommunications qui n'a aucun fondement juridique dans la
mesure où les blogs font partie du journalisme électronique et non
pas dans les réseaux de télécommunications publics
III. Recommandations :
Le Centre de Tunis pour la Liberté de Presse recommande:
 La nécessité de respecter les formalités de convocation des
journalistes, pour interrogatoires et instructions, en veillant
qu'elles soient écrites et adressées dans un délai suffisant
permettant de préparer les outils de la défense. La
convocation doit inclure l'invitant, la date et l'heure de
142
l'instruction et de l'interrogatoire ainsi que l'objet de la plainte
ou de l'enquête.
 Mettre fin au ministère public d'ouvrir des procès directement
de sa part à l'encontre des journaliste sur la base de leur
travail
 La nécessité de mettre fin au recours des services du chargé
des contentieux par les parties officielles, pour intenter des
affaires à l'encontre les journalistes à cause de leur travail
médiatique
 La non traduction en justice des plaintes portées par le
ministère public relatives au contenu médiatique surtout si ce
dernier respecte l'éthique du métier du journaliste
 Mettre fin à la traduction des journalistes devant la justice sur
la base des codes pénaux dans la mesure où le décret-loi 115
est considéré comme étant le texte de référence dans ce
domaine.
 Un représentant du ministère public, spécialiste dans les
affaires du journalisme et l'édition, devrait se substituer aux
équipes sécuritaires dans la conduite de l'investigation
primaire
 Mettre fin aux arrestations des journalistes sur la base de leur
travail journalistique
 Cesser d'émettre des mandats de dépôts de prison que ce
soient de la part du ministère public, des juges d'instructions
ou des tribunaux
 Cesser
d'émettre
des
décisions
d'emprisonnement
à
l'encontre des journalistes à propos des procès de presse, de
l'imprimerie et de l'édition
143
 Cesser de juger les journalistes, devant la justice militaire,
pour leur travail journalistique
 Cesser de procéder à l'interdiction de voyage à l'égard des
journalistes
 Accorder aux journalistes le droit de se défendre devant les
tribunaux
 Ne pas prendre en compte la qualité du plaignant lorsqu'il est
question de traitement des plaintes contre les journalistes.
 L'accélération des procédures de jugement des affaires des
journalistes surtout durant l'étape de l'investigation et de
l'instruction et ce en prenant des décisions dans les meilleurs
délais afin que les dossiers juridiques ne restent pas ouverts
et peuvent être exploités par le pouvoir politique comme étant
une carte de pression
144
Cadre législatif général de la poursuite des journalistes
Jusqu‟à la date de la révolution du 17 décembre 2010 – 14 janvier 2011, la
presse tunisienne a été régie par la Loi du 28 avril 1975 relative à
publication du code de la presse annulant l‟arrêt beylical du 9 février 1956
relatif à l‟impression et la vente des livres et la presse.
Toutes les parties concernées par le domaine de la presse et la liberté
d‟expression en Tunisie comme les avocats, les journalistes, juristes,
politiques et autres, se sont convenus sur le fait que le code susmentionné
représentait une loi punitive par excellence. Il comprend des dizaines de
délits et sanctions dans presque chacun de ses articles. Ces délits et
sanctions incluent des procédures de publication, gestion, contenu des
journaux et une énumération des personnes visées par la criminalisation. En
conséquence, le code mentionné a été utilisé comme un outil de répression
de la part de l'administration et de la justice pour bâillonner les voix et
anéantir la liberté de la presse. Des dizaines de journalistes libres ont
enduré les poursuites judiciaires, les procès inéquitables et les sanctions
sévères.
L'ancien régime ne reconnaissait ni les normes internationales ni les
conventions ratifiées par l'Etat tunisien en matière de liberté d'expression.
La justicene reconnaissait quela législation locale qui consacre la
criminalisation de la libre opinion ; une approche utilisée par tous les
régimes totalitaires et les gouvernements dictatoriaux.
En plus de l'adoption du Code de la presse, les journalistes sont poursuivis
en justice pour des crimes prévus dans le Code pénal, le Code des
télécommunications et autres textes de lois. La chose la plus drôle est que
les poursuites judiciaires à l‟encontre des journalistes ne sont pas limitées
145
aux crimes de la presse ; on faisait souvent recours à des textes juridiques
relatifs aux infractions de violence, d‟ivresse publique, de bruit ou tapage,
d‟atteinte contre les biens et les propriétés des autres, etc. pour fabriquer
des chefs d‟accusations et prononcer des jugements injustes contre les
journalistes.
Après la révolution, le Décret-loi 115 relatif à la liberté de la presse, de
l‟imprimerie et de l‟édition a été publié annulant tous les textes précédents y
compris particulièrement le Code de la presse. Le Décret-loi 116 relatif à la
liberté de communication audiovisuelle et la création d'une Haute autorité
indépendance de la communication audiovisuelle (HAICA)a également été
publié annulant ainsi tous les textes juridiques antérieurs et en contradiction
avec ses dispositions.
Le cadre législatif dans lequel on est supposé pratiquer la liberté de la
presse dans le sens le plus large comprend des traités et conventions
internationaux, soit ratifiés par l'Etat tunisien, ou représentant des
déclarations de droits avec une autorité morale ou des normes
internationales reconnues à l‟échelle universelle. Ce cadre législatif
comprend également le système juridique local.
I.
Les Conventions et les instruments internationaux
1. La Déclaration universelle des droits de l'homme
La Déclaration universelle des droits de l'homme adoptée par l'Assemblée
générale des Nations Unies le 10 décembre 1948 est un texte de référence
dans le domaine des droits de l'homme en général et de la liberté d'opinion
et d'expression, plus précisément. Cette Déclaration ne constitue pas une
convention internationale ; c‟est une charte de caractère moral important
surtout que les tribunaux et les gouvernements du monde entier citent
toujours ses articles, et les inclus dans les décisions gouvernementales ou
des jugements.
146
L‟article 19 de la Déclaration dispose que « Tout individu a droit à la liberté
d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété
pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans
considérations de frontières, les informations et les idées par quelque
moyen d'expression que ce soit. »
2. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques
En plus de la Déclaration universelle des droits de l‟homme, the Pacte
international relatif aux droits civils et politiques, ratifié par la République
tunisienne, organise le droit à la liberté d‟expression d‟une manière plus
détaillée par son article 19 comme suit :
« 1.Nul ne peut être inquiété pour ses opinions.
2.Toute personne a droit à la liberté d'expression; ce droit comprend la
liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des
idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme
orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son
choix.
3.L'exercice des libertés prévues au paragraphe 2 du présent article
comporte des devoirs spéciaux et des responsabilités spéciales. Il peut
en conséquence être soumis à certaines restrictions qui doivent toutefois
être expressément fixées par la loi et qui sont nécessaires:
a)Au respect des droits ou de la réputation d'autrui;
b)A la sauvegarde de la sécurité nationale, de l'ordre public, de la
santé ou de la moralité publiques. »
L‟article 20 de ce Pacte a émis une restriction sur la liberté d‟exprimer
son opinion dans des situations spécifiques préjudiciables à la
communauté internationale et l‟excluant du cercle de la liberté
d'expression:
« Toute propagande en faveur de la guerre est interdite par la loi.
147
Tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une
incitation à la discrimination, à l'hostilité ou à la violence est interdit par la
loi. »
3. La Convention des Nations Unies contre la corruption
Le Décret n° 2008 - 763 du 24 mars 2008, l‟Etat tunisien a ratifié la
Convention des Nations Unies contre la corruption, adoptée par
l'Assemblée générale des Nations Unies le 31 octobre 2003. Selon
l‟article 10, « Compte tenu de la nécessité de lutter contre la corruption,
chaque Etat Partie prend, conformément aux principes fondamentaux de
son droit interne, les mesures nécessaires pour accroître la transparence
de son administration publique, y compris en ce qui concerne son
organisation, son fonctionnement et ses processus décisionnels s‟il y a
lieu. Ces mesures peuvent inclure notamment:
- L‟adoption de procédures ou de règlements permettant aux usagers
d‟obtenir, s‟il
y a lieu, des informations sur l‟organisation, le
fonctionnement et les processus décisionnels de l‟administration
publique, ainsi que, compte dûment tenu de la protection de la vie privée
et des données personnelles, sur les décisions et actes juridiques qui les
concernent;
- La simplification, s‟il y a lieu, des procédures administratives afin de
faciliter l‟accès des usagers aux autorités de décision compétentes; et
- La publication d‟informations, y compris éventuellement de rapports
périodiques sur les risques de corruption au sein de l‟administration
publique. »
Le Décret-loi relatif à l‟accès aux documents administratifs et la
ratification de la Convention internationale contre la corruption par la
148
Tunisie appuie le droit du grand public, y compris les journalistes, à
l‟accès à l'information dans le secteur public, et le devoir de ce dernier à
profiter au maximum des dispositions du Décret n°2011 -41 et de la
Convention pour permettre au public d‟accéder aux données et aux
informations à partir des sources originales et avec un degré
considérable de crédibilité . En outre, l'accès à ce type de documentation
et la diffusion des informations à ce sujet donne aux médias un rôle
important dans la lutte contre la corruption.
4. Les Décisions des instances onusiennes et internationales
L‟Assemblée générale de l‟ONU a adopté plusieurs résolutions et
dispositions relatives à la liberté d'opinion et d'expression. La résolution
la plus importante est celle de l‟Assemblée générale N° 59/1 du 14
décembre 1946, qui a affirmé que la liberté de l'information est « un droit
fondamental de l‟Homme et la pierre de touche de toutes les libertés».
La Résolution 76/45 de l'Assemblée générale du 11 décembre 1990 a
également souligné le rôle des médias au service de l'humanité.
La décision rendue par la Conférence générale de l'UNESCO 25/104 de
l'année 1989 a souligné l‟importance de promouvoir « de la libre
circulation des idées par le mot et l'image » à travers les nations et au
sein de chaque nation ».
L'UNESCO a adopté aussi une déclaration en 1978 sur la contribution
des médias dans la promotion de la paix mondiale et la compréhension
internationale, conformément à l'article 2/1en affirmant que « L‟exercice
de la liberté d‟opinion, de la liberté d‟expression et de la liberté de
l‟information, reconnu comme partie intégrante des droits de l‟homme et
149
des libertés fondamentales, est un facteur essentiel du renforcement de
la paix et de la compréhension internationale».
L‟article 3de cette déclaration dispose que « Les organes d‟information
ont une contribution importante à apporter au renforcement de la paix et
de la compréhension internationale et dans la lutte contre le racisme,
l‟apartheid et l‟incitation à la guerre».
Selon les dispositions du Principe 7, Paragraphe (b) des Principes de
Johannesbourg, Sécurité Nationale, Liberté d‟Expression et Accès à
l‟Information, « Nul ne peut être puni pour avoir critiqué ou insulté la
nation, l'Etat ou ses symboles, le gouvernement, ses institutions ou ses
fonctionnaires, ou une nation étrangère, un Etat étranger ou ses
symboles, son gouvernement, ses institutions ou ses fonctionnaires à
moins que la critique ou l'insulte ne soit destinée à inciter à la violence
imminente.»
Le Comité des droits de l'homme de l'ONU a invoqué que « les lois de la
diffamation doivent être rédigées attentivement ... et ne pas être utilisées
dans la pratique pour étouffer la liberté d'expression et toutes ces lois, en
particulier les lois sur la diffamation criminelle, doivent inclure des
dispositions relatives à la défense, tels que la défense de la vérité, et ne
pas être appliquées dans le cas de formes d'expression qui sont par
nature soumises à la vérification. On doit prendre en compte les
commentaires sur des personnalités publiques pour éviter la punition sur
la base des données incorrectes publiées sans mauvaise intention ou
rendre cette punition illégale ».
Les conventions et déclarations internationales consolident les principes
bienveillants de la protection de la liberté de l'expression et de la presse,
et l‟obligation des Etats et des Gouvernements est de les adapter et les
150
consacrer à travers la législation nationale afin d'éviter des formulations
vagues et tordues qui conduisent à l'étouffement et le bâillonnement des
libertés.
Selon l‟article 32 (4) de la Constitution de 1959 annulée, « Les traités
ratifiés par le Président de la République et approuvés par la Chambre
des députés ont une autorité supérieure à celle des lois.”
En attendant la promulgation de la nouvelle constitution par l‟ANC, on ne
sait pas encore la situation des instruments internationaux ratifiés par
l'Etat tunisien dans la hiérarchie des lois, et s‟ils auront aussi une
suprématie sur les lois comme dans la Constitution précédente ou non.
II.
La Législation locale
1. L’Organisation provisoire des pouvoirs publics
Après l‟élection de l‟ANC le 23 octobre 2011, l‟organisation provisoire
des pouvoirs publics ou « la petite constitution » a été promulguée pour
remplacer le Décret-loi n° 2011-14. La promulgation de cette
organisation annule la première constitution de juin 1959 et organise les
pouvoirs publics, y compris les pouvoirs de l‟ANC, jusqu‟à l‟élaboration
d‟une constitution permanente.
Le Préambule de cette petite constitution prévoit que les membres de
l‟ANC déclarent leur intention de « concrétiser les principes de la
révolution glorieuse, de réaliser ses objectifs, par fidélité aux martyrs et
aux sacrifices des tunisiens à travers les générations, afin de faire
aboutir le processus constituant démocratique avec succès et garantir
les libertés et les droits de l‟homme ».
151
Cette annonce ne constitue pas une garantie réelle et tangible des droits
et libertés autant qu'elle comprend une déclaration d'intention et
d‟engagement à consacrer les droits et libertés.
1. Le Quatrième projet de la constitution
La Constitution de 1959 qui a été abrogée prévoit dans son huitième
article que « Les libertés d'opinion, d'expression, de presse, de
publication, de réunion et d'association sont garanties et exercées dans
les conditions définies par la loi. »
L‟article susmentionné ne prévoit pas des garanties fortes et claires
concernant les droits couverts, surtout qu‟il a été contourné par les lois
punitives telles que Code de la presse de 1975 et certaines dispositions
du Code pénal relatives aux infractions de la presse dont l‟application a
continué malgré les dispositions de l‟article 80 du Code de la presse qui
prévoient que « Sont abrogées toutes dispositions antérieures contraires
au présent Code ». La Constitution de 1959 n'a pas prévu expressément
l‟interdiction de la législation qui pourrait limiter la liberté d'expression,
qui a conduit à la mise en place d‟un système punitif qui a duré pendant
des décennies.
D'autre part, l'expression « conformément à la loi » a été utilisée pour
consacrer des législations contraire aux libertés prévues dans la l‟article
mentionné, y compris la liberté de la presse. Les modifications
successives du Code de la presse ont été appropriées pour consacrer
encore plus la suppression de la liberté d'expression. Par conséquent, le
régime a placé sous contrôle la publication et la création des radios et
des télévisions satellitaires, et a réussi mettre en place un système de
restriction infranchissable à tel point que le citoyen tunisien ne peut pas
avoir accès à ce qui se passe dans son pays qu‟à travers les médias
152
étrangers. En outre, les organisations internationales concernées par la
liberté d'expression ont classé la Tunisie parmi les pays les plus hostiles
à la liberté de la presse.
Avec la chute de la dictature, le niveau de la liberté de la presse a
augmenté d'une manière sans précédent grâce aux journalistes qui
luttent chaque jour pour la développer et pour qu‟elle devienne un acquis
irréversible.
On peut dire que le Décret-loi n° 2011-41 relatif à l'accès aux documents
administratifs des organismes publics, le Décret n° 2011-115 relatif à la
liberté de la presse, de l‟imprimerie et de l‟édition et le Décret n° 2011116 relatif à la liberté de communication audiovisuelle et la création
d'une instance supérieure indépendante de la communication forment
ensemble un triangle remarquable dans le domaine de la législation
relative au journalisme et à la communication et au droit d'accès à
l'information car ils sont fondés sur des normes internationales en dépit
de quelques réserves à un nombre de ses dispositions.
On avait espéré que la Constitution de la révolution consacre la liberté
d'expression et de la presse et maintient les principes énoncés dans les
Décrets-lois n° 41, 115 et 116, mais suite au suivi du travail de l‟ANC et
l‟examen des différentes formulations et des ébauches successives du
projet de la constitution, on peut constater une hésitation et une
réticence par rapport à l‟adoption des dispositions claires consacrant la
liberté d‟expression et de la presse.
Au contraire, la volonté de la majorité dans la Constituante qui s‟est
dirigée vers le bâillonnement de ces libertés par des concepts et des
formulations tordues.
153
(Voir l'étude sur les chapitres sur la liberté d'expression et l'accès à
l'information dans le dernier projet de la Constitution).
2. La Loi réglementant l'état d'urgence
Depuis le déclenchement de la révolution et la chute de l'ancien régime
l'état d'urgence a été déclaré dans le pays tout en étant renouvelé tous
les trois mois selon les dispositions du Décret n°78-50 du 26 janvier
1978, réglementant l'état d'urgence. Son article premier prévit que
«L'état d'urgence peut être déclaré sur tout ou partie du territoire de la
République, soit en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à
l'ordre public, soit en cas d‟événements présentant par leur gravité le
caractère de calamité publique. »
Selon son article 8, « Dans les zones soumises à l'application de l'état
d'urgence, les autorités visées (le ministre de l‟intérieur pour tout le
territoire tunisien et le gouverneur pour le gouvernorat) à l‟article
précédent (article 7) peuvent ordonner des perquisitions à domicile de
jour et de nuit et prendre toutes mesures pour assurer le contrôle de la
presse et des publications de toute nature ainsi que celui des émissions
radiophoniques,
des
projections
cinématographiques
et
des
représentations théâtrales ».
Selon l‟article 4 du pacte international relatif aux droits civiles et
politiques, « Dans le cas où un danger public exceptionnel menace
l'existence de la nation et est proclamé par un acte officiel, les Etats
parties au présent Pacte peuvent prendre, dans la stricte mesure où la
situation l'exige, des mesures dérogeant aux obligations prévues dans le
présent Pacte, sous réserve que ces mesures ne soient pas
incompatibles avec les autres obligations que leur impose le droit
international … ».
154
En se référant aux observations du Comité des droits de l'homme de
l‟ONU, deux conditions doivent se réunir pour déclarer l'état d'urgence:
- la situation doit représenter un danger public exceptionnel qui menace
l‟existence de la nation ; c‟est-à-dire, il faut qu‟il y soit une crise
exceptionnelle impliquant un risque réel affectant l'ensemble de la
population.
- le danger doit menacer la vie de la société de laquelle l'Etat est
constitué.
Pendant l'état d'urgence, le droit international des droits de l'homme met
des restrictions précises pour protéger les droits de l'homme si un
danger public exceptionnel menace l'existence de la nation. Il doit y avoir
des restrictions sur les libertés dans les limites strictes exigées par la
situation et qui ne sont pas en contradiction avec les autres obligations
de l'Etat en vertu du droit international.
Alors que les autorités tunisiennes ne prennent pas des procédures
normales pour contrôler les médias et les publications, la prolongation
continue de l'état d'urgence crée un état de menace constante pour la
liberté de la presse. Ces craintes ont incité de nombreuses organisations
des droits de l'homme en Tunisie à revendiquer l‟annulation de l'état
d'urgence et son non renouvellement pour mettre fin à ses obligations
considérant qu‟elle dépassé la durée admise au niveau international qui
est de six mois (sauf en cas de guerre).
5. Le Code des télécommunications
Dans de nombreux procès de l‟édition et de la presse, le ministère public
fait recours au Code des télécommunications pour poursuivre les
journalistes en justice au sens de l‟article 86 stipulant, « Est puni d‟un
emprisonnement de un (1) an à deux (2) ans et d‟une amende de cent
155
(100) à mille (1000) dinars quiconque sciemment nuit aux tiers ou
perturbe
leur
quiétude
à
travers
les
réseaux
publics
des
télécommunications ».
L‟article 2 du Code des télécommunications définie quelques concepts
comme celui de télécommunications qui veut dire « tout procédé de
transmission, diffusion ou réception de signaux au moyen de supports
métalliques, optiques ou radioélectriques ».
Il
définit
le
réseau
des
télécommunications
« l‟ensemble
des
équipements et des systèmes assurant les télécommunications » etle
réseau
public
des
télécommunications
« le
réseau
des
télécommunications ouvert au public ».
En l'absence de lois régissant le cyberespace, on fait recours à l‟article
86 susmentionné quand il s'agit de matériel d'information publié sur
Internet ou dans des sites de médias sociaux. Et par référence aux
dispositions du présent Code, il est à souligner qu'il réglemente le
secteur des télécommunications au sens technique étroit étant donné
que le ministère public fait recours à l'application de l‟article 86 dans les
cas ou quiconque nuit aux tiers ou perturbe leur quiétude à travers le
téléphone ou en cas de l'envoi de messages ayant un contenu qui est en
violation de la loi à travers des téléphones mobiles.
Il est clair que le ministère public fait recours au Code des
télécommunications en raison de l‟existence d'un vide juridique dans
l'organisation de la publication sur Internet. Et les irrégularités qui
peuvent découler de l'utilisation des médias électroniques représentent
des crimes de la presse par excellence. Il semble que le flux de travail
est devenu plus puissant que le fameux principe juridique « il n'y
a pas de crime, il n'y a pas de peine sans une loi qui les prévoie ».
156
Le législateur aurait dû intervenir pour réguler le secteur de la publication
sur Internet par un régime juridique particulier.
Pour rappel, des dizaines de blogueurs et de journalistes ont été trainés
en justice en vertu de l‟article 86 susmentionné et ont été condamnés
parfois à des peines de prison.
6. La Loi règlementant l'accès aux documents administratifs
Selon
le
Décret-loi n°41du 26
mai
2011,
le
texte
règlementant
l'accès aux documents administratifs des organismes publics a été
publié.
Au
sens
de
son
article
2,
on
entend
par
« documents
administratifs »« les documents produits ou reçus par les organismes
publics dans le cadre de leur mission de service public quels que soient
leur date, leur forme et leur support. »
Selon son article 3, « Toute personne physique ou morale a le droit
d'accéder aux documents administratifs tels que définis par la loi ».
Son article 16 dispose qu‟ « Un organisme public peut refuser de
communiquer un document administratif protégé par la législation en
vigueur et notamment la loi relative à la protection des données à
caractère personnel et à celle relative à la protection de la propriété
littéraire et artistique, ou une décision juridictionnelle ».
L‟article 17 du Décret soulève de principales problématiques et viole le
principe libéral sur lequel le Décret a été fondé, tel que prévu dans le
présent article : « L'organisme public peut refuser de communiquer un
document quand cela pourrait être préjudiciable :
- aux relations entre Etats ou organisations Internationales,
157
- à la formation ou au développement d'une politique gouvernementale
efficace,
- à la sécurité ou la défense nationale,
- à la détection, prévention ou enquête criminelle,
- à l'arrestation et le procès en justice des accusés,
- à l'administration de la justice, au respect des règles de l'équité, et à la
transparence des procédures de passation des marchés publics,
- au processus de délibération, d'échange d'avis et point de vue,
d'examen ou d'essai, ou aux intérêts légitimes commerciaux ou
financiers de l'organisme public concerné. »
Selon le droit international, il existe trois conditions pour limiter le droit
d'accès à l'information, à savoir:
- L‟exception garantie un intérêt légitime.
- Elle est prévue par la loi.
- La diffusion des informations provoque un préjudice à des intérêts
légitimes à un degré pouvant dépasser celui des préjudices qui
pourraient résulter si ces informations n'ont pas été publiées.
Avec une administration qui n‟est pas neutre et inefficace, les
responsables pourraient se référer à une liste d'exceptions et de
restrictions pour priver le grand public ainsi que les journalistes de leur
droit d'accès aux documents administratifs, surtout que le Décret ne
prévoit
pas
la
création
d‟un
poste
de
« courtier
ou
délégué
d‟informations »auquel on peut avoir recours si les autorités publics se
sont abstenus de donner des informations sous demande juridique.
7. La
Loi
portant
sur
la protection
des données
à caractère personnel
158
Cette loi organique n° 2004-63 a été adoptée le 27 juillet 2004. Selon
son article 2, « la présente loi s'applique au traitement automatisé ainsi
qu'au traitement non automatisé des données à caractère personnel mis
en œuvre par des personnes physiques ou par des personnes
morales. » Selon l‟article 4, « Au sens de la présente loi, on entend par
données à caractère personnel toutes les informations quelle que soit
leur origine ou leur forme et qui permettent directement ou indirectement
d'identifier une personne physique ou la rendent identifiable, à
l'exception des informations liées à la vie publique ou considérées
comme telles par la loi ».
Son article 6 prévoit qu‟on entend par le traitement des données à
caractère personnel « les opérations réalisées … et qui ont pour but
notamment la collecte, l'enregistrement, la conservation, l'organisation, la
modification, l'exploitation, l'utilisation, l'expédition, la distribution, la
diffusion … ».
Selon les dispositions des deux articles 13 et 14, il “est interdit le
traitement
des
données
à
caractère
personnel
relatives
aux
infractions…, »et « à l'origine raciale ou génétique, les convictions
religieuses, les opinions politiques, philosophiques ou syndicales, ou la
santé ».
L‟article 47 de la présente loi organique a une importance spécifique par
rapport au secteur de la presse et des médias puisqu‟il prévoit qu‟il «est
interdit de communiquer des données à caractère personnel aux tiers
sans le consentement exprès donné par n'importe quel moyen laissant
une trace écrite, de la personne concernée, de ses héritiers ou de son
tuteur sauf si ces données sont nécessaires à l'exercice des missions
confiées aux autorités publiques dans le cadre de la sécurité publique ou
159
de la défense nationale, ou s'avèrent nécessaires à la mise en œuvre
des poursuites pénales ou à l'exécution des missions dont elles sont
investies conformément aux lois et règlements en vigueur.
L'Instance peut autoriser la communication des données à caractère
personnel en cas du refus, écrit et explicite, de la personne concernée,
de ses héritiers ou de son tuteur lorsqu'une telle communication s'avère
nécessaire pour la réalisation de leurs intérêts vitaux, ou pour
l'accomplissement des recherches et études historiques ou scientifiques,
ou encore en vue de l'exécution d'un contrat auquel la personne
concernée est partie, et ce, à condition que la personne à qui les
données à caractère personnel sont communiquées s'engage à mettre
en œuvre toutes les garanties nécessaires à la protection des données
et des droits qui s'y rattachent conformément aux directives de
l'Instance, et d'assurer qu'elles ne seront pas utilisées à des fins autres
que celles pour lesquelles elles ont été communiquées ».
Ce texte exclut le droit des journalistes de traitement des données
personnelles, même si elles s‟avèrent nécessaires pour leur travail
journalistique, alors que les historiens et les chercheurs jouissent de ce
droit mais avec des conditions.
L‟article 86 prévoit qu‟il « est puni d'un emprisonnement de deux à cinq
ans et d'une amende de cinq mille dinars à cinquante mille dinars,
quiconque viole les dispositions de l'article 50 de la présente loi ».
L‟article 50 susmentionné prévoit qu‟« Il est interdit, dans tous les cas,
de communiquer ou de transférer des données à caractère personnel
vers un pays étranger lorsque ceci est susceptible de porter atteinte à la
sécurité publique ou aux intérêts vitaux de la Tunisie ».
160
Ensemble, ces deux derniers articles de la loi sont très dangereux pour
le travail journalistique considérant que la définition du concept de
« données personnelles »dépend du juge qui peut être influencé par les
données politiques et interpréter les dispositions du présent article 50
d‟une manière qui pourrait nuire, en profondeur, le travail journalistique.
Contrairement à la loi tunisienne, les lois européennes permettent aux
journalistes de traiter les données à caractère personnel dans le cadre
de leur activité professionnelle, comme l‟article 9 de la Directive
européenne 95/46 relative à la protection des personnes physiques à
l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre
circulation de ces données qui prévoit que « les Etats membres (Etats
européens) prévoient pour les traitements de données à caractère
personnel effectués aux seules fins de journalisme ou d'expression
artistique ou littéraire, … dans la seule mesure où elles s'avèrent
nécessaires pour concilier le droit à la vie privée avec les règles
régissant la liberté d'expression ».
8. Le Code des plaidoiries et sanctions militaires
L‟article 91du Code de justice militaire dispose ce qui suit :
« Est puni de deux mois à deux ans d'emprisonnement, quiconque,
militaire ou civil, sciemment et en temps de paix publie, communique ou
divulgue toutes informations concernant les incidents militaires survenus
à l'intérieur ou à l'extérieur des casernes ou les mesures prises par
l'autorité militaire à l'égard de l'un de ses membres ou les ordres et
décisions prises par cette autorité ou toutes informations concernant les
déplacements des corps et détachements
militaires et de toutes
opérations menées par les forces armées de l'Etat.
161
Font exception, les communiqués de presse ou à la radio que l'autorité
compétente ordonne de publier.
Si l'infraction a lieu en temps de guerre ou d'état de guerre, la peine est
portée au double ».
Il est à noter que cet article ouvre la porte à la criminalisation de divers
types de journalisme. Il prévoit des crimes ouverts à l'interprétation pour
frapper la liberté de la presse dans toutes les questions relatives aux
activités militaires et en contradiction avec le principe de l'interprétation
étroite des dispositions pénales. Ce sans perdre de vue que l'examen
des délits de presse dans ce chapitre est due à la justice militaire et non
pas à la justice pénale.
Le blogueur Hakim Ghanmi en 2013a été déféré devant la justice
militaire en vertu des dispositions de l‟article 91 susmentionné suite à la
publication d‟un article dans son blog dans lequel il critiquait la
performance du directeur d‟un hôpital militaire.
9. Le Code penal
Le code pénal tunisien a compris plusieurs articles et dispositions
criminalisant le travail journalistique et engendrant la liberté de la presse.
Les tribunaux tunisiens appliquent encore les articles de ce code malgré
que le Code de la presse de 1975 ait inclus dans son article 80 que
« Sont abrogées toutes dispositions antérieures contraires au présent
Code ». En vertu des dispositions du Code, des dizaines de journalistes
et blogueurs et certains d'entre eux ont reçu des peines de prison ferme,
malgré le fait que la criminalisation du travail journalistique est
actuellement considéré comme une violation des normes internationales
qui ont tendance à considérer les délits de la presse en tant qu‟erreurs
d‟ordre civile passibles d'une compensation financière en cas de preuve
162
du préjudice. Les dispositions du Code donnent également aux juges de
larges pouvoirs discrétionnaires relatifs à la criminalisation et la
condamnation puisqu‟elles prévoient des crimes ouverts et sujets à
l‟interprétation, en plus de la soumission du ministère public au contrôle
du pouvoir exécutif.
En ce qui concerne l'application, le Code pénal prévoit la criminalisation
du travail journalistique et médiatique dans plusieurs de ses articles.
Selon ses dispositions, la criminalisation vise soit la protection de l'ordre
public, des institutions et des organismes publics ou des personnes.
a. La Protection de l'ordre public
L‟article 121 du Code pénal prévoit qu‟ « Est puni comme s'il avait
participé à la rébellion quiconque l'a provoquée soit par des discours
tenus dans des lieux ou réunions publics, soit par placards, affiches ou
écrits imprimés.
Si la rébellion n'a pas eu lieu, le provocateur est puni de
l'emprisonnement pendant un an ».
L‟article 121 bis dispose que « Lorsqu'elles sont faites sciemment, la
mise en vente, la distribution ou la reproduction des œuvres interdite, la
publication ou la diffusion sous un titre différent d'une œuvre interdite,
sont punies d‟un emprisonnement de seize jours à un an et d‟une
amende de 60 à 600 dinars.
Le ministère de l‟intérieur procède à la saisie administrative des
exemplaires et des reproductions des œuvres interdites ».
L‟article 121 ter dispose que « Sont interdites la distribution, la mise en
vente, l‟exposition aux regards du public et la détention en vue de la de
la distribution, de la vente, de l‟exposition dans un but de propagande,
163
de tracts, bulletins et papillons d‟origine étrangère ou nom, de nature à
nuire à l‟ordre public ou aux bonnes mœurs.
Toute infraction à l‟interdiction édictée par l‟alinéa précédent pourra
entraîner, outre la saisie immédiate, un emprisonnement de 6 mois à 5
ans et une amende de 120 à 1.200 dinars ».
Il est à noter que les articles 121 bis et 121 ter ont été abrogésdu Code
de la presse annulé et incorporé le Code pénale selon la Loi organique
n° 2001-43 du 3 Mai 2001 (c‟est-à-dire à l'occasion de la journée
internationale de la liberté de la presse) .
Il est à noter que le directeur du quotidien « Attounissia » Noureddine
Ben Saida a été arrêté le 15 février 2012 et emprisonné pour « atteinte
aux bonnes mœurs »selon les dispositions de l‟article 121 ter du Code
pénal. La poursuite judiciaire a été suite à la publication d'une photo d'un
joueur de football avec sa fiancée que le ministère public a considéré
scandaleuse. Le procureur a rendu une décision de détention provisoire
à son encontre, et Ben Saida n‟a été libéré qu‟après une grève de la faim
qu‟il a entamée. Le 8 mars 2012, le tribunal de première instance a
statué sur son affaire une amende de mille dinars.
Conformément à l'article 226 bis du Code, qui a été ajouté par la loi n°
73 du 2 août 2004, il « Est puni de six mois d'emprisonnement et d'une
amende de mille dinars quiconque porte publiquement atteinte aux
bonnes mœurs ou à la morale publique par le geste ou la parole ou gène
intentionnellement autrui d'une façon qui porte atteinte à la pudeur.
Est passible des mêmes peines prévues au paragraphe précédent
quiconque attire publiquement l'attention sur une occasion de commettre
164
la débauche, par des écrits, des enregistrements, des messages audio
ou visuels, électroniques ou optiques ».
Les dispositions de cet article ont été appliquées dans l‟affaire du
directeur de Nessma TV qui a diffusé le film de dessin animé
« Persépolis » le 7 octobre 2011, et qui a été considéré par la justice
portant atteinte « aux bonnes mœurs ou à la morale publique ». Le 3 mai
2012, coïncidant avec la Journée internationale pour la liberté de la
presse, le patron de la chaîne a été condamné à payer une amende.
L‟entreprise qui a fait la traduction du film a également été condamnée à
payer une amende.
b. La Protection des instances et des représentants de l’Etat
La criminalisation dans ce chapitre vise à protéger les institutions de
l'Etat et leurs représentants, y compris les employés et autres, contre ce
qui est publié dans les médias et quiconque se rend coupable d‟outrage
à eux.
Selon les dispositions de l‟article 128 du Code pénale, « Est puni de
deux ans d‟emprisonnement et de cent vingt dinars d‟amende,
quiconque par discours publics, presse ou tous autres moyens de
publicité, impute à un fonctionnaire public ou assimilé des faits illégaux
en rapport avec ses fonctions, sans en établir la véracité ».
Selon les dispositions de cet article, plusieurs journalistes ont été
poursuivis en justice suite à des plaintes déposées par des
fonctionnaires publics ayant considéré que certains des articles et des
écrits ont porté atteinte à leurs personnes. En plus, ce crime avec ses
éléments juridiques est plus proche au crime de la diffamation prévu par
les articles 55 et 59 du Décret-loi 115, mais la différence est que la cible
est un fonctionnaire public ou assimilé et non pas quelqu'un du grand
165
public. Le législateur a autorisé à l'auteur du crime prévu par l‟article 128
pénalla possibilité d‟impunité si la véracité de ses dits a été établie.
L‟article 142 dispose que “Est puni de trois mois à un an
d'emprisonnement et de vingt à deux cent quarante dinars d'amende ou
de l'une de ces deux peines seulement quiconque qui, aura dénoncé aux
autorités publiques une infraction qu'il sait ne pas avoir existé ou
fabriqué une fausse preuve relative à une infraction imaginaire … ».
En vertu de cet article, le journaliste Sofiane Chourabi a été déféré
devant la justice pour avoir produit une vidéo sur la contrebande sur la
frontière occidentale en 2013.
L‟article 245du Code pénal prévoit qu‟ « Il y a diffamation dans toute
allégation ou imputation publique d'un fait qui porte atteinte à l'honneur
ou à la considération d'une personne ou d'un corps constitué ».
c. La Protection des personnes
L‟article 245 pénal dispose qu‟ « Il y a diffamation dans toute allégation
ou imputation publique d'un fait qui porteatteinte à l'honneur ou à la
considération d'une personne … ».
La preuve du fait diffamatoire est autorisée dans les cas prévus à l'article
57 du code de la presse (annulé) ».
Cet article donne de larges pouvoirs aux juges pour déterminer le
concept de l‟atteinte à l‟honneur ou à la considération d'une personne.
Ce pouvoir discrétionnaire a conduit à des grands abus judicaires à
l‟encontre des journalistes.
Selon les dispositions de l‟article 246 pénal, « Il y a calomnie :
1. Lorsque le fait diffamatoire a été judiciairement déclaré non établi ;
166
2. Lorsque le prévenu ne peut rapporter la preuve du dit fait dans le cas
où la loi l'y autorise ;
La calomnie est punissable même si les imputations ont été faites par
écrits non rendus publics, mais adressés ou communiqués à deux ou
plusieurs personnes. »
Selon l‟article 247 pénal, « Est puni de six mois d‟emprisonnement et de
deux cent quarante dinars d‟amende, quiconque, se sera rendu
coupable de diffamation.
Est puni d'un an d‟emprisonnement et de deux cent quarante dinars
d‟amende, quiconque, se sera rendu coupable de calomnie ».
Selon les dispositions de l‟article 245 pénal, on comprend que la
diffamation ou la calomnie pourrait inclure les déclarations correctes
fausses ou les deux, tant que le texte n'exclut pas de discrimination entre
les deux types de déclaration, surtout après l'annulation du dernier alinéa
de l‟article mentionné suite à l'abrogation du Code de la presse, qui a été
remplacé par le Décret-loi 115. Et cela donne de larges pouvoirs
discrétionnaires à criminaliser et à condamneret surtout dans un
système judiciaire qui n‟a pas encore atteint le niveau requis
d‟indépendance.
Selon le Code de la presse, c‟est au défenseur d‟assumer le fardeau de
prouver la vérité du fait diffamatoire établie par les voies ordinaires dans
le cas où l'imputation concerne les corps constitués, l‟Armée, les
administrations publiques, les membres du gouvernement, les députés
les directeurs ou administrateurs de toute entreprise industrielle,
commerciale ou financière ».
167
En plus, on ne peut pas établir la vérité du fait diffamatoire lorsque
l'imputation concerne la vie privée de la personne, des faits qui
remontent à plus de dix années, ou un fait constituant une infraction
amnistiée ou prescrite, ou qui a donné lieu à une condamnation effacées
par la réhabilitation.
Même si le Code de la presse différentie entre le fait diffamatoire contre
des personnalités publiques et celui contre le grand public, l‟application
juridique sous l‟ancien régime a ajouté une autre distinction entre les
opposants au régime et ceux qui le soutiennent.
Et même si le Décret-loi 115 a criminalisé la diffamation, les tribunaux se
réfèrent toujours aux dispositions du Code pénal surtout que ces
derniers prévoient des peines de privation de liberté alors que le Décretloi 115 se contente d‟une amende. On peut dire que l‟article 247
représente encore une épée sur le cou des journalistes.
10.
Décret-loi 115
Le Décret-loi n°2011-115 relatif à la liberté de la presse, de l‟imprimerie
et de l‟édition a été publié le 2 novembre 2011.Son contenu a été
préparé et discuté par la Haute autorité indépendance de la
communication audiovisuelle (HAICA) mise en place par le Décret-loi du
2
mars
2011.
Suite
à
la
proposition
Haute instance pour la réalisation des objectifs de
la réforme
politique et
de
la transition
de
la
la révolution,
de
démocratique,
un
Décretprésidentiel a été publié à l‟époque.
Avec la publication du dit Décret, les dispositions du Code de la presse
promulgué par la loi n°75-32 du 28 avril 1975 ont été abrogées. L‟article
79 de ce Décret prévoit que « sont abrogés tous les textes antérieurs
contraires et notamment le code de la presse ».
168
En lisant cet article, on peut conclure facilement à travers l'expression
« tous les textes antérieurs contraires » pour y inclure toutes les
législations antérieures contraires aux dispositions du dit Décret-loi, y
compris les dispositions pénales relative au domaine de la liberté de la
presse contenues dans le Code de la presse, le Code des
télécommunications et Code des plaidoiries et sanctions militaires. La
formulation qui a été utilisé dans le Décret mentionnant d‟une manière
spécifique le Code de la presse soutient l'idée disant que le Décret 115
est devenu le seul texte qui s'applique dans les domaines de la presse,
de l‟imprimerie et de l‟édition.
On pourrait dire que le Décret 115 est considéré comme un texte
juridique pionnier dans le monde arabe et islamique en termes de
garantie de la liberté d'expression, la circulation et la diffusion des
informations, opinions et idées, en dépit des réserves sur certains de ses
articles et chapitres.
Cependant, et malgré son caractère de loi de l‟Etat en vigueur, les
gouvernements issus des élections du 23 octobre 2011 sont encore
réticents à activer les dispositions du Décret qui protègent les
journalistes et permettent la libre circulation de et le droit d'accès à
l'information, la protection des sources, et le droit du journaliste à ne pas
être soumis à des pressions, atteintes à sa dignité, agressions, ou
remise en cause de ses opinions et ses idées. Par contre, ses articles
punitifs ont été activés et en vertu de leurs dispositions, des poursuites
judiciaires ont été lancées contre des dizaines de journalistes. Au début
de 2012,il y eu des tentatives vigoureuses par le Ministère de la Justice
pour justifier le gel du Décret en critiquant certaines de ses dispositions
dans le but de l‟abroger, mais ces tentatives ont été résistées par les
169
médias et les milieux universitaires, obligeant le gouvernement à
reconsidérer ses tentatives.
Il reste que ce Décret a besoin aujourd'hui d‟une volonté politique qui
réellement défend et met en valeur la liberté d'expression et de la
presse. A cette date, « une commission d‟octroi des cartes nationales de
journaliste professionnel » figurant au Chapitre VIII du Décret n‟a pas
encore été créée, malgré les demandes incessantes des structures de
défense des journalistes de créer cette commission offrant les garanties
de l'indépendance de la presse dès que possible.
Et regardant le Décret, on trouve qu‟il comprend, d‟une part, un grand
nombre de droits et de garanties au profit des journalistes, mais d'autre
part, il contient des dispositions punitives contraires aux standards
internationaux
et
à
la
jurisprudence
internationale
libérale
qui
décriminalisent de plus en plus ce qui peut être considéré comme des
irrégularités ou des erreurs de presse.
Selon les dispositions de l‟article premier de ce Décret-loi, “Le droit à la
liberté
d‟expression
est
garanti
et
s‟exerce
conformément
aux
stipulations du pacte international sur les droits civils et politiques, des
autres traités y relatifs ratifiés par la République Tunisienne et aux
dispositions du présent Décret-loi.
Le droit à la liberté d‟expression comprend la libre circulation des idées,
des opinions et des informations de toutes natures, leur publication, leur
réception et leur échange.
La liberté d‟expression ne peut être restreinte qu‟en vertu d‟un texte de
nature législative et sous réserve :
170
- Qu‟il ait pour but la poursuite d‟un intérêt légitime consistant dans le
respect des droits et la dignité d‟autrui, la préservation de l‟ordre public
ou la protection de la défense et de la sûreté nationales.
- Et qu‟il soit nécessaire et proportionné aux mesures qui doivent être
adoptées dans une société démocratique, sans qu‟il puisse constituer un
risque d‟atteinte au droit substantiel de la liberté d‟expression et de
l‟information. »
Son article 9 s‟est contenté de dire qu‟ « Il est interdit d‟imposer des
restrictions à la libre circulation des informations ... ».
L‟article 10 dispose que « Le journaliste, au même titre que tout citoyen,
a un droit d‟accès aux informations, nouvelles données, et statistiques ; il
a le droit d‟en obtenir communication auprès de leurs différentes sources
… Le journaliste peut demander aux différentes sources précitées toutes
informations, nouvelles, et statistiques en leur possession, à moins que
ces matières ne soient couvertes par le secret en vertu de la loi ».
Selon l‟article 11, « Sont protégées les sources du journaliste dans
l‟exercice de ses fonctions, ainsi que les sources de toute personne qui
contribue à la confection de la matière journalistique. Il ne peut être
procéder à la violation du secret de ces sources directement ou
indirectement …. Est considérée comme violation du secret des sources,
toutes enquêtes, tous actes de recherche et d‟investigation, toutes
écoutes de correspondances ou de communications, effectuées par
l‟autorité publique à l‟encontre du journaliste pour découvrir ses sources
ou à l‟encontre de toute personne entretenant avec lui des relations
particulières.
Le journaliste ne peut faire l‟objet d‟aucune pression, de n‟importe quelle
autorité et il ne peut être également exigé d‟un quelconque journaliste ou
171
d‟une quelconque personne participant à la confection de la matière
journalistique de révéler ses sources d‟information ... ».
L‟article 12 dispose que « Les opinions émises par le journaliste et les
informations qu‟il est amené à publier ne peuvent, constituer un prétexte
pour porter atteinte à sa dignité ou à son intégrité physique ou morale ».
Selon l‟article 13, « Le journaliste ne peut, être tenu pour responsable
d‟une opinion, idée ou information qu‟il aura publiée conformément aux
usages et déontologie de la profession … ».
L‟article 14 pénalise « Quiconque viole les articles 11, 12 et 13 du
présent Décret-loi, offense, insulte un journaliste ou l‟agresse, par
paroles, gestes, actes ou menaces, dans l‟exercice de ses fonctions,
sera puni de la peine d‟outrage à fonctionnaire public ou assimilé, prévue
à l‟article 123 du code pénal ».
a. Des infractions contre les personnes
En échange de dispositions qui protègent la liberté de la presse et la
personne du journaliste, le Décret comprenait de nombreux éléments
punitifs qui ont été critiqués par le milieu des médias et celui des droits
de l'homme, y compris le fait de continuer à criminaliser des délits de
presse et entraîner des peines de privation de liberté et les amendes à
l‟encontre desauteurs. Le Chapitre V du Décreta été accablé par un
grand nombre de dispositions pénales.
L‟article 50 reconnait que « Sont punis comme complices … ceux qui
incitent directement une ou plusieurs personnes à commettre ce dont il
s‟agit, de ce qui peut être suivi d‟un acte (l'incitation à commettre un
homicide, une agression à l'intégrité physique de l'être humain, un viol
ou vol), soit par voie de discours, paroles ou menaces dans les lieux
172
publics, soit au moyen d‟imprimés, photos, sculptures, signes …, soit au
moyen d‟affiches et d‟annonces exposées à la vue publique ou par tout
autre moyen d‟information audiovisuelle ou électronique… ».
Selon les dispositions de l‟article 52, « Est puni de l‟emprisonnement
d‟un an à trois ans et d‟une amende de mille à deux mille dinars
quiconque appelle directement, en utilisant l‟un des moyens indiqués à
l‟article50 du présent Décret- loi, à la haine entre les races, les religions,
ou les populations … ».
Et selon celles de l‟article 54, « Est puni d‟une amende de deux mille
dinars à cinq mille dinars quiconque sciemment et par les moyens
mentionnés à l‟article 50 du présent Décret- loi, publie de fausses
nouvelles qui sont de nature à porter atteinte à la quiétude de l‟ordre
public ».
Selon l‟article 56, « l‟auteur de la diffamation, par l‟un des moyens
indiqués à l‟article 50 du présent Décret-loi, est puni d‟une amende … »,
et l‟article 55 définit l‟acte diffamatoire « toute accusation ou imputation
de quelque chose d‟inexacte d‟une manière publique, et qui est de
nature à porter atteinte à l‟honneur et à la considération d‟une personne
en particulier, à condition qu‟il s‟en suit un préjudice personnel et direct à
la personne visée ».
En le comparant à l‟article 245 pénal, l‟article 55 du Décret-loi ne prévoit
pas la diffamation concernant les instances officielles, et exige
également de prouver le préjudice personnel et direct à la personne
visée suite à l‟acte diffamatoire comme une condition de l‟existence des
éléments constitutifs de l‟accusation.
Selon les dispositions de l‟article 59 (3), « la preuve contraire peut être
apportée dans les infractions de diffamation et d‟injure ... » et « les
173
poursuites sont arrêtées en matière de diffamation si l‟accusation ou
l‟imputation de la chose concerne les affaires publiques ».
Si la diffamation concerne la vie privée ou une infraction éteinte par une
grâce ou par la prescription ou d‟une peine couverte par le recouvrement
des droits, l‟article 73 permet au journaliste de « prouver l‟absence de
l‟infraction de diffamation …, il doit présenter au ministère public par voie
de déclaration au greffe du tribunal ou au requérant … un exposé des
faits reprochés … copie des documents et éléments de preuve y relatifs.
Troisièmement : les noms des témoins, des témoignages …. »
Selon les dispositions de l‟article 57,« l‟auteur de l‟agression d‟injure, par
les moyens indiqués à l‟article 50 du présent Décret-loi, est puni d‟une
amende ». Selon cet article, « Est considérée injure toute expression
portant atteinte à la dignité,terme de mépris ou insulte ne comportant
pas l‟imputation de quelque chose de précis ».
b. De la publication interdite
La Section 3 du Chapitre V du Décret 115 a énuméré les interdictions
relatives à la publication concernant les procès qui sont devant les
tribunaux, ce qui limite le travail journalistique et prive le destinataire de
son droit d'accès à l'information en relation avec les actions introduites
auprès les tribunaux, en particulier au cours de la période de transition
démocratique et tout ce qu‟elle exige en terme de transparence et de
vérité et de couper les liens avec les pratiques du passé.
L‟article 61 dispose qu‟ « il est interdit de publier des documents relatifs
à l‟instruction avant de les avoir exposés en audience publique. Le
contrevenant est puni d‟une amende de mille à deux mille dinars ».
174
Le présent article a soulevé des larges controverses dans les milieux
des médias en raison de l'ambiguïté qui entoure son contenu.
L‟interdiction de la publication de documents relatifs à l‟instruction
comme les copies des rapports, les éléments matériels et autres
documents peut être compris à cause du principe de la confidentialité de
l'enquête. Cependant, cette interdiction pourrait s‟amplifier, à la
discrétion du juge, pour inclure la criminalisation de la diffusion
d‟information sur les dossiers en cours de traitement par les bureau
d‟investigation, malgré l'importance de certaines de ces dossiers par
rapport à l'opinion publique, y compris les questions de corruption et de
violations des droits de l'homme.
L‟alinéa (2) de l‟article susmentionné dispose que « La même peine est
encoure par celui qui publie sans autorisation de la juridiction
compétente par voie de retransmission, quelque soient les moyens
utilisés
et
particulièrement
par
téléphone
mobile,
photographie,
enregistrement sonore ou audiovisuel ou tout autre moyen, tout ou partie
des circonstances entourant les procès relatifs aux crimes et délits
indiqués aux articles de 201 à 240 du code pénal ».
Le texte de loi n‟a pas expliqué ce que le législateur voulait dire par «les
circonstances entourant le procès » et si elles comprennent les faits qui
se produisent dans la salle d‟audience ou dans le hall du tribunal ou ce
qui pourrait se dérouler lors des manifestations et des rassemblements
dans la rue à l‟occasion de l‟examen de ces procès. Cette ambiguïté
donne des pouvoirs étendus aux services de sécurité pour empêcher le
transfert de tout ce qui entoure le procès.
L‟article 62 interdit « de traiter dans les informations des affaires relatives
àla diffamation dans les cas indiqués aux alinéas(a) et (b) de l‟article 59
du présent Décret-loi ».
175
Selon les dispositions des deux alinéas susmentionnés, la publication
est interdite « Si le fait imputé concerne la vie privée la personne » ou
« Si le fait imputé concerne une infraction éteinte par une grâce ou par la
prescription ou d‟une peine couverte par le recouvrement des droits ».
Selon les dispositions de l‟alinéa (3) de l‟article 62, « les chambres et
conseils peuvent interdire la publication des détails des affaires. Est
également interdite la publication des secrets des délibérations des
chambres et tribunaux ».
Selon l‟alinéa 4, « Il est interdit lors des plaidoiries et dans les salles
d‟audience d‟utiliser des appareils de photographie, des téléphones
mobiles, des appareils d‟enregistrement sonore ou audiovisuel ou tout
autre
moyen,
sauf
autorisation
des
autorités
juridictionnelles
compétentes… ».
Cet alinéa ne précise pas clairement l‟autorité juridictionnelle compétente
attribuant l‟autorisation ; est-ce le procureur de la République ou le
président de la cour dans laquelle le procès est examiné. L‟aliné a
susmentionné donne le pouvoir absolu à l'autorité juridictionnelle
compétente d‟attribuer les autorisations de filmer ou de les refuser sans
préciser les normes qui peuvent être adoptées pour rendre une décision
de refus. Cet alinéa ouvre aussi la porte à la possibilité de distinguer
entre les médias dans l'attribution des autorisations de filmer selon des
critères politiques et le degré de satisfaction du Pouvoir de la ligne
éditoriale ou pas.
c. Les Poursuites judiciaires selon le Décret-loi 115
L‟article 76 du Décret-loi dispose, « Le droit à l‟action publique et à
l‟action civile se prescrit pour les délits et les contraventions indiqués au
présent Décret-loi, dans les six mois accomplis à compter de la date de
176
leur survenance ou du jour du dernier acte de procédure des actes de
poursuite ». Ce délai est considéré long en comparaison avec l‟article 78
du Code de la presse annulé stipulant un délai de trois mois seulement.
La longueur du délai de l‟ordonnance de non-lieu est considérée l'épée
placée sur le cou des journalistes les menaçant de lancer des poursuites
judiciaires à leur sujet en cas où la donne politique change.
Le Décret divise les méthodes de poursuites judiciaires en deux types :
- Le premier est traité par le procureur de la République si la diffamation
ou l‟insulte vise une catégorie de personnes d‟origine, race ou religion
particulière. Les poursuites par le ministère public de l'auteur de la
diffamation ou l‟outrage contre un témoin sauf en vertu d'une plainte
émise par ce dernier.
- Le second est géré par la personne victime de la diffamation prévu
dans l‟article 55 du Décret ou de l‟insulte prévu dans l‟article 57 du
présent Décret-loi. La notification de la citation et la comparution devant
le tribunal sont faite à travers un huissier de justice. Cette notification doit
comprendre l‟objet de l‟infraction et le texte juridique applicable. La
notification est envoyée également au ministère public.
d. Les Parties concernées par la poursuite
L‟article 65 du Décret-loi dispose que « Sont punis comme auteurs
principaux, des peines prévues pour les infractions indiquées dans le
présent Décret-loi :
- Premièrement : Les directeurs des périodiques ou les éditeurs
quelque soient leurs professions ou leur qualités.
- Deuxièment: A défaut de ceux-ci, les auteurs.
- Troisièment : A défaut des auteurs, les imprimeurs ou les fabricants,
177
- Quatrièmement: A défaut des imprimeurs ou des fabricants, les
vendeurs, les distributeurs et les afficheurs. »
Et l‟article 66 que « Lorsque les directeurs des périodiques ou les
éditeurs
sont
en
cause,
les
auteurs
sont
poursuivis
comme
complices… ».
Ces deux articles ont été critiqués par les médias qui ont vu qu'on devait
être limité dans la poursuite judiciaire aux auteurs sans inclure le reste
des parties et surtout les institutions de médias ; Ceci pourrait conduire à
l'influence de la ligne éditoriale des médias cibles. Et vu l'existence de
cette pyramide composée des parties concernées par la poursuite
judiciaire, et en raison de la présence des propriétaires des
établissements figurant sur la liste, elles (les parties) vont se transformer
en
autorités
de
contrôle
des
journalistes
en
craignant
des
condamnations contre leurs personnes, malgré le fait que le contenu
médiatique n'a pas été délivré pour eux-mêmes. La liste exhaustive des
personnes qui peuvent être impliquées dans les poursuites judiciaires
selon le Décret représente une menace supplémentaire à la liberté de la
presse ce qui nécessite son examen à cet égard.
Le Décret 115, bien qu‟il contient des droits et des garanties relatifs au
travail journalistique, il continue à criminaliser les journalistes et les
institutions médiatiques vu les poursuites judiciaires qu‟il prévoit. Toutes
ces caractéristiques ne favorisent pas le développement de médias
libres qui sert la transition démocratique de la Tunisie et la fondation d‟un
Etat qui consacre les droits de l‟homme et les libertés.
L'indépendance du pouvoir judiciaire, au moinsà ce stade, représente
une condition préalable à l'évolution de la liberté des médias dans le but
de consacrer une jurisprudence libérale qui comprend la spécificité du
travail journalistique et protège les journalistes des violations qui y sont
178
exposés venant des différentes parties y compris les autorités, les partis
politiques, les groupes de pression, les décideurs soit politiques ou
économiques.
11.
Décret-loi 116
Ce Décret-loi a été publié le 2 novembre 2011 et qui concerne la liberté
de la communication audiovisuelle et la création d‟une Haute autorité
indépendance de la communication audiovisuelle » (HAICA). Il a été
préparé et rédigé de la même façon que la préparation et la rédaction du
Décret-loi 115 émis à la même date de ce dernier. Selon les experts, ce
Décret-loi représente un véritable acquis pour les deux secteurs audio et
visuel surtout par rapport aux garanties juridiques et institutionnelles
pour les deux secteurs qu‟il organise.
Selon son Article premier, le Décret-loi « garantit la liberté de la
communication audiovisuelle, et organise l‟exercice de cette liberté et
crée une instance de régulation indépendante de la communication
audiovisuelle».
Selon son article 3, « La liberté de communication audiovisuelle est
garantie, conformément aux conventions et pactes internationaux ratifiés
par la Tunisie et aux dispositions du présent Décret-loi ». Son article 4
mentionne que « Tout citoyen a le droit d‟accès à l‟information et à la
communication audiovisuelle ».
L‟article 5 énumère les principes qui constituent une base de l‟exercice
des droits et libertés prévus dans les articles 3 et 4 du présent Décret-loi
et qui sont comme suit :
- le respect des conventions et pactes internationaux relatifs aux droits
de l‟Homme et aux libertés publiques,
- la liberté d‟expression,
179
- l‟égalité,
- le pluralisme d‟expression des idées et opinions,
- l‟objectivité et la transparence.
L‟application de ces principes est soumise aux règles relatives au
respect des droits d‟autrui ou leur réputation et notamment :
- le respect de la dignité de l‟individu et de la vie privée,
- le respect de la liberté de croyance,
- la protection de l‟enfant,
- la protection de la sécurité nationale et de l‟ordre public,
- la protection de la santé publique,
- l‟encouragement de la culture et de la production en matière
d‟information et de communication nationale ».
Concernant les dimensions institutionnelles, le Décret-loi dispose dans
son article 6 que la création d‟une instance publique indépendante
appelée
«
Haute
autorité
indépendance
de
la
communication
audiovisuelle » qui est « chargée de garantir la liberté et le pluralisme de
la communication audiovisuelle » et qui est « composée de neuf (9)
personnalités indépendantes, reconnues pour leur expérience, leur
compétence et leur intégrité dans le secteur de l‟information et de la
communication ». Le Décret-loi a définit la manière de nommer ces
membres qui doivent exercer « leurs fonctions en toute indépendance et
neutralité, au service exclusif de l‟intérêt général … » (article 8).
Selon les dispositions de l‟article 15, La HAICA veille à l‟organisation et à
la régulation de la communication audiovisuelle conformément aux
principes du renforcement de la démocratie et des droits de l‟Homme et
la consécration de la suprématie de la loi, du renforcement et la
protection de la liberté d‟expression, et du renforcement du droit du
180
public à l‟information et au savoir, à travers la garantie du pluralisme et
de la diversité dans les programmes se rapportant à la vie publique.
L‟article 27 représente une sorte de protection contre les poursuites
judiciaires directes en permettant à la HAICA d‟intervenir, par autosaisine sur demande préalable, pour contrôler le degré de respect des
principes
généraux
d‟exercice
des
activités
de
communication
audiovisuelle. Selon l‟article 28, au cas où des faits constituant une
infraction aux textes en vigueur sont portés à la connaissance des
contrôleurs, tels que les pratiques contraires au respect dû à la personne
humaine et sa dignité, à la protection des enfants, à la déontologie de la
profession, la HAICA doit prendre les mesures appropriées. Ceci est le
rôle de la Haute autorité qui peut empêcher de trainer ces infractions en
justice, qui est une importante protection pour les médias audiovisuel.
L‟article 30 a une importance spécifique surtout que, selon ses
dispositions, la HAICA peut décider la suspension immédiate d‟un
programme qu‟elle considère
avoir
constitué
une violation des
dispositions de l‟article 5 du présent Décret-loi.
En général, le Décret-loi 116 est considéré comme un pionnier dans la
législation relative au domaine de l'audiovisuel, surtout que la Haute
autorité prévue par l'article 6 est composée de compétences médiatiques
connues.
III.
Les Recommandations :
Après avoir examiné le système juridique concerné par les médias et la
liberté de la presse en Tunisie avec les lacunes et les faiblesses qui ont
été enregistrées, le Centre de Tunis pour la liberté de la presse présente
aux autorités officielles les recommandations suivantes :
181
1. La Promulgation d‟une Constitution en concordance avec les normes
internationales et les conventions et instruments ratifiés par l'Etat
tunisien en matière de liberté d'expression et de la presse et le droit à
l'accès à l'information.
2. Prévoir
dans
la
prochaine
constitution
que
les
conventions
internationales ratifiées ont une primauté sur les lois internes.
3. La mise en œuvre des conventions internationales ratifiées par l'Etat
tunisien par les autorités officielles et leur application par les tribunaux
comme une partie intégrante du système juridique tunisien.
4. Modifier l‟arrêté relatif à l'état d'urgence en conformité avec l'article 4
du Pacte international relatif aux droits civils et politiques en matière de
liberté de la presse lors de circonstances exceptionnelles menaçant le
pays .
5. Abolir les sanctions pénales en relation avec le contenu médiatique de
toutes les lois, y compris les Décrets lois 115 et 116, et considérer les
délits de presse des délits civils passibles d'une compensation financière
en cas ou le requérant établi la véracité du préjudice commis sur sa
personne, et ce à travers une action introduite auprès un tribunal civil
ordinaire.
En attendant d'atteindre cette étape, le Centre recommande ce qui suit :
a. Ne pas adopter les dispositions du Code pénal, Code des
télécommunications, Code des plaidoiries et sanctions militaires
dans la poursuite judiciaire contre les journalistes vu que les
dispositions relatives à leur poursuite selon les lois mentionnées
ont été abrogées par la promulgation du Décret-loi 115 étant
devenu l‟unique texte applicable à leur encontre.
b. Ne pas renvoyer les journalistes devant les tribunaux militaires
dans des affaires liées au contenu médiatique.
182
c. Ne pas poursuivre les journalistes directement par le ministère
public ou suite à une requête de l'Etat en charge des litiges publics.
d. Ne pas recourir à l'arrestation, la détention préventive ou des
peines de privation de liberté contre de journalistes dans le cadre
de leur activité professionnelle ou le contenu médiatique.
e. Raccourcir le délai des procès publics et civils selon le Décret-loi
115 de six mois à trois mois seulement.
f. Modifier le Décret-loi 115 pour le but de limiter les poursuites
pénales contre les rédacteurs des médias et pas d'autres, selon le
principe de crimes contre la personne et la peine.
g. Modifier les dispositions du Décret-loi 116 en citant expressément
que les poursuites pénales par le procureur de la République ne
peuvent être faites qu'après une décision de s‟y référer par la
HAICA en tout ce qui concerne le contenu médiatique.
6. La modification de la loi sur l'accès aux documents, en limitant les
pouvoirs de l'administration pour permettre aux journalistes d‟avoir accès
à ces documents, et l'adoption de normes internationales en ce qui
concerne les modalités de restriction du droit d'accès à ces documents.
7. Activation de la Convention des Nations Unies de lutte contre la
corruption concernant l‟obtention par les journalistes des informations et
des rapports émis par les autorités officielles en matière de transparence
et de bonne gouvernance et les risques de corruption dans
l'administration
publique
et
la
simplification
des
procédures
administratives pour communiquer avec les autorités compétentes.
8. Accorder aux journalistes et employés dans médias les mêmes droits
accordés aux historiens et aux chercheurs scientifiques concernant le
traitement des données personnelles.
183
9. Citer les sanctions et pénalités en cas d‟attaque sur les droits et les
garanties accordées au travail des journalistes en vertu du Décret-loi
115.
10.
Limiter la liste des procès judiciaires interdits de publication dans la
presse et prévoir cela avec des dispositions juridiques claires et ne pas
laisser la décision d'interdire la publication aux chefs de districts ou aux
juges traitant ces affaires.
11.
Mettre des cadres juridiques clairs concernant l‟édition des affaires
et procès au niveau d‟investigation primaire ou d‟enquête judiciaire.
12.
L'abolition du principe d'autorisation préalable de tournage et de la
transmission des procès par des moyens audio ou visuels et se suffire à
un préavis au président du tribunal avant la date du procès d‟une durée
raisonnable.
184
LA LIBERTE DE LA PRESSE ET D’EXPRESSION DANS LA
NOUVELLE CONSTITUTION TUNISIENNE
L'Unité d'observation et de documentation des violations contre la presse
tunisienne suit avec intérêt les différentes réactions par rapport à la
dernière version du projet de la Constitution tunisienne que l‟Assemblée
nationale constituante (ANC) prépare. La Constitution dans son
ensemble la concerne, non seulement en tant que texte fondateur des
assises de l'Etat qui préserve les principes de la citoyenneté et de la
démocratie, mais aussi particulièrement en tant que garant de la liberté
de la presse et des journalistes.
A travers ce projet, il existe quatre thèmes importants qui exigent la
discussion et le débat. Le premier thème concerne le Préambule de la
Constitution qui a négligé de mentionner la liberté d'expression et de
presse ; le deuxième concerne la manière avec laquelle on a cité le
principe de la liberté de la presse ; le troisième concerne la liberté
d'accès à l‟information ; et le quatrième, la mise en place d'une instance
indépendante de l‟information.
Préambule :
Le Préambule n‟a pas cité clairement l‟obligation de protéger le droit
d'expression et de presse. Dans ce contexte, on aurait pu garantir
expressément le droit d'expression conformément à l'article 19 du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques, ratifié par l'Etat tunisien
au mois de mars 1969. L'article 19 déclare que:
« Nul ne peut être inquiété pour ses opinions.
185
Toute personne a droit à la liberté d'expression; ce droit comprend la
liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des
idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme
orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son
choix.
L'exercice des libertés prévues au paragraphe 2 du présent article
comporte des devoirs spéciaux et des responsabilités spéciales. Il peut
en conséquence être soumis à certaines restrictions qui doivent toutefois
être expressément fixées par la loi et qui sont nécessaires:
a) Au respect des droits ou de la réputation d'autrui;
b) A la sauvegarde de la sécurité nationale, de l'ordre public, de la santé
ou de la moralité publiques. »
L'adoption de l'article 19 évite l'utilisation de restrictions supplémentaires
visant le droit d‟expression et ferme définitivement la porte en face de
tous les efforts pouvant imposer des restrictions qui nous rappellent
celles prévues par la Constitution tunisienne de 1959.
Liberté de la presse :
L‟article 30 du brouillon de la Constitution stipule que :
« Les libertés d‟opinion, de pensée, d‟expression, d‟information et de
publication sont garanties.
Les libertés d'expression, d‟information et de publication ne peuvent être
limitées que par une loi qui protège les droits des tiers, leur réputation,
leur sécurité et leur santé.
Il est interdit de soumettre ces libertés à un contrôle préalable. »
186
Ce qu‟on peut observer dans l'article 30 susmentionné, c'est qu‟on aurait
dû reproduire le texte intégral de l'article 19 du Pacte international relatif
aux droits civils et politiques en raison de ses garanties de la liberté
d'expression, du renforcement de sa consécration et l‟identification des
domaines et conditions de sa restriction. L‟article 19 invoque que la
liberté d'expression comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de
répandre des informations et des idées de toute espèce, sans
considération de frontières, par les différents moyens. L'article 19 stipule
également qu‟il est possible de mettre certaines restrictions qui doivent
être définies explicitement et précisément par la loi, et que de telles
restrictions sont nécessaires en ce qui concerne les droits des autres et
leur réputation, la sécurité nationale, l'ordre public, la santé et la moralité
publique. Le texte de l'article 30 du projet, par ailleurs, n‟énonce pas les
restrictions qui pourraient être placées sur la liberté d'expression, comme
si la restriction, selon les termes du texte, tient dans tous les cas, même
si ce n'est pas nécessaire.
Droit d'accès à l’information :
L‟article 31 du brouillon de la Constitution stipule que
« Le droit d‟accès à l‟information est garanti à condition de ne pas
compromettre la sécurité nationale ou des droits garantis par la
Constitution. »
On peut dire que l'article 31 du projet de texte final ne répond pas à
l'objectif concernant le droit des individus à accéder à l'information. On
aurait dû reproduire l'article 19 du Pacte international relatif aux droits
civils et politiques, qui comprend dans son deuxième paragraphe la
liberté de toute personne d‟accéder à l'information et aux idées de toute
espèce, sans considération de frontières.
187
Selon les termes de l'article 31 du projet, la restriction de l'accès à
l'information est automatique si elle porte sur des questions de sécurité
nationale ou les droits inclus dans la Constitution. L‟article susmentionné
ne réclame pas que les restrictions soient nécessaires. De plus, les
restrictions
au
droit
d'accès
aux
informations
est
appliqué
automatiquement si le préjudice des droits inclus dans la Constitution,
ces droits ne sont pas définis, selon les termes du texte, et restent
vagues et sans précision.
Instance de l’information :
L‟article 124 stipule que :
« L'instancedel'informationestchargéedelarégulationetdudéveloppementd
usecteurdel‟information,elleveilleàgarantir
la
liberté
d‟expressionetd‟information,ledroitd‟accèsàl‟informationetl‟instaurationd‟u
npaysagemédiatiquepluralisteetintègre.
L'instance est obligatoirement consultée pour les projets de lois relatifs à
son domaine de compétence.
L‟instancesecomposedeneufmembresindépendants,neutres,compétents,
expérimentés et intègres qui effectuent leur mission pour un mandat
unique de six ans avec renouvellement du tiers de ses membres tous les
deux ans. »
Selon le texte de l'article 124, l‟instance de l‟information comprend tous
les secteurs de presse audio-visuelle, écrite et électronique.
Si la création d'une autorité indépendante de la communication
audiovisuelle est nécessaire, l'inclusion de cette Autorité dans le projet
de constitution de la presse écrite et électronique est une adulation
188
inégalée dans tout système démocratique. Par conséquent, l‟article 124
devrait être révisé pour expliquer explicitement que l‟autorité mentionné
est relative à la communication audiovisuelle sans plus, et qu‟elle doit
respecter les traités et conventions internationales sur la liberté
d'expression et le droit à l'accès à l'information.
Cette instance constitutionnelle selon l‟article 122 du projet est dotée
« de
la
personnalité
juridique
et
de
l'autonomie
financière
et
administrative » et « élue par l'Assemblée du peuple à laquelle elle
présente son rapport annuel et devant laquelle elle est responsable. »
L‟instance de l‟information proposée est une structure politique qui serait
un gardien sur la presse rappelant le Ministère de l'Information sous les
rubriques de régulation et développement et le garant de la pluralité et
l'intégrité. Selon le projet, l'Autorité sera soumise à la logique des quotas
politique et partisan lors de l'élection de ses membres par le Parlement.
Le projet de la constitution n‟a pas mis de conditions particulières
concernant l'affiliation professionnelle des membres et simplement s‟est
contenté des termes « membres indépendants, neutres, compétents,
expérimentés et intègres. " Les termes utilisés dans le cadre de la
composition de l‟Autorité gardent les portes ouvertes à toutes les
possibilités et conduira à l'exclusion des professionnels du domaine qui
n‟auront pas un mot à dire dans la gestion et le développement de leur
secteur et la promotion de la liberté d'expression et de presse.
Le meilleurs moyen pour assurer l'indépendance de l‟Autorité de la
communication audiovisuelle, et l'efficacité de son rôle dans la régulation
et le développement du secteur et la protection de la liberté d'expression
et de presse, est d‟avoir une composition ouverte aux journalistes, aux
propriétaires des médias, aux représentants de syndicats ayant une
189
base largement représentative, ainsi qu‟aux représentants des pouvoirs
judiciaire, législatif et exécutif. Cette diversité dans la représentation
assure l'équilibre et protège l‟Autorité contre toute déviation.
Le Centre de Tunis pour la liberté de la presse estimant tous les efforts
réalisés par les membres de l'Assemblée constituante en vue de
parvenir à une constitution démocratique pour une Tunisie moderne,
considère qu'il existe de graves lacunes dans le dernier projet de la
Constitution tunisienne, y compris en matière de liberté de la presse et
d'expression, qui risquent de vider la Constitution de son contenu. Le
Centre, en conséquence, s‟intéresse à soumettre les recommandations
suivantes en vue de parvenir à des dispositions constitutionnelles en
conformité avec les normes et les conventions internationales:
 Enoncer dans le préambule la liberté d'expression comme l'une des
garanties d‟un système démocratique
 Enoncer le contenu de l'article 19 du Pacte international relatif aux
droits civils et politiques au lieu de l'article 30 du projet de la constitution
proposé
 Garantir le droit à l'information et définir les restrictions qui doivent être
en accord avec celles prévues dans l'article 19 du Pacte international
relatif aux droits civils et politique et définies par la loi d‟une manière
précise et elles doivent être nécessaires, et
 Définir le champ d‟intervention de l‟Autorité de l‟information dans les
domaines audio et visuel seulement, et assurer une composition
équilibrée qui comprend des journalistes, des propriétaires des médias,
des syndicalistes et des représentants des pouvoirs législatif, judiciaire,
exécutif loin des quotas partisans et politiques.
Tunis, le 29 juin 2013
190
191
COMITES DE REDACTION DANS LA PRESSE PUBLIQUE
TUNISIENNE
EXPERIENCES ET DEFIS
Ce rapport est élaboré par :
Najla Ben Salah
Fahem Boukaddous
Introduction :
La dictature tunisienne s‟est comportée avec les médias publics en tant
que « butin » politique qui devait être instrumentalisé, pour servir les
politiques autoritaires ainsi que ses concepteurs et bénéficiaires, et être
utilisées pour justifier toutes les pratiques d‟oppression, exploitation et
pillage.
Ce régime a essayé de trouver plusieurs mécanismes pour transformer
le service public médiatique en un appareil de propagande partisanoautoritaire et le déposséder de ses rôles présupposés : informer,
éduquer et superviser, celles-ci ont été fondées sur la mentalité de
l‟accaparement administratif et la marginalisation de l‟acte journalistique.
De larges champs de liberté d‟expression imposés par la révolution
tunisienne ont contribué à lancer des débats sur la presse publique en
période de transition démocratique, de même que la société ouverte y a
contribué avec enthousiasme qu‟ils
soient employés dans
des
établissements de presse publique, experts tunisiens et étrangers ou des
organismes concernés par la liberté de presse.
192
Cependant, ceux qui ont travaillé sur ce dossier étaient préalablement
conscients qu‟ils étaient face à un dossier complexe dans lequel
viennent se croiser le juridique avec le structurel et l‟administratif et où
l‟héritage du délabrement médiatique a une forte influence sur tous les
processus de réforme dans le secteur.
Et devant le fait qu‟ils n‟étaient pas en mesure d‟attendre des années
avant la réalisation effective d‟une feuille de route supposée pour le
sauvetage, ils ont essayé de se livrer à des opérations d‟immersion dans
des établissements de presse pour barrer le chemin devant la continuité
de l‟emprise administrative dans la rédaction et la mise en œuvre des
rôles journalistiques, ainsi les comités de rédaction qui dirigent le travail
éditorial quotidien sont une manifestation de cette immersion.
Alors comment on a pu aborder ce cadre dans la presse publique
tunisienne ? et quelles étaient les difficultés qui peuvent y surgir ? et
quelles sont les limites de son action en vue d‟atteindre l‟indépendance
de la rédaction ?
1.
L’expérience des comités de rédaction dans les radios
publiques tunisiennes
- L’expérience de la radio culturelle
La radio culturelle a mené une expérience d‟une formation d‟un comité
de rédaction auprès du service des informations qui se compose des
journalistes suivants :
 Naima Dsouri
 Asma Baccouche
 Zakia Mansouri
 Soumaya Ferjani
 Rahma Hemadi
193
 Faouzia Ghiloufi
 Houda Hadj Kacem
 Sallouha Boukéri
 Nessrine Smida
 Leïla Medjahed
 Ahmed Oueslati
 Néji Ben Jannet
 Taïeb Chelbi
 Fatma Rezgui
Le choix a été fait sur Mohamed Lassaâd Dahech comme rédacteur en
chef et ce par un commun accord.
La journaliste Naïma Dsouri dit que les journalistes ont proposé le nom
de Dahech suite à la vacance du poste de rédacteur en chef. Cette
proposition a été approuvée.
Elle souligne que tous les journalistes du service des informations dans
la radio culturelle opèrent dans le cadre d‟un seul groupe et se
réunissent avec le rédacteur en chef pour la distribution des missions
sans que ce groupe ne soit présidé par qui que ce soit.
- L’expérience de la Radio Nationale
Les journalistes et les animateurs de la radio nationale ont revendiqué
depuis le mois de février 2011 un comité de rédaction, celui-ci a été élu
le 18 mai 2012 et se compose des journalistes suivants :
 Ali Brahem
 Boutheïna Gouia
 Hatem Ghariani
 Lilia Housseini
 Walid Tlili
194
Ce comité a été annulé par le président directeur général de la Radio
Nationale le 20 mai 2012 pour les motifs ci-après et conformément à un
communiqué fait à cet effet :
 son illégitimité et son illégalité
 ayant été considéré comme une administration parallèle à la
radio nationale et une alternative à l‟administration issue du
gouvernement légitime élu.
 ayant basé ses élections sur un décret non validé à savoir le
décret-loi 115.
 Considéré comme ayant causé un dérèglement au travail
administratif et il est des prérogatives du directeur général de
l‟interdire.
Le comité de rédaction dissous avait pour mission de préparer la
programmation dans la radio et la sélection des invités ainsi que de
définir les missions des équipes de travail.
- L’expérience de la Radio Jeunes
Le 17 janvier 2011 un premier comité de rédaction a été formé composé
de :
 Mohamed Ali Marzouk (service des sports)
 Lilia Housseini
 Amira Zaidi
 Arbi Batini
 Malek Trabelsi
Mais les élections de ce comité n‟étaient pas valides vu qu‟elles n‟ont
pas respecté le principe de l‟anonymat et que ceux qui y ont accédé
n‟ont pas déposé leurs candidatures mais ils ont été proposés comme
tels par leurs collègues.
195
Ce comité était censé œuvrer à fixer les lignes de programmation et
priver l‟administration de s‟en emparer et la défense de la ligne éditoriale
de l‟Etablissement, mais des tiraillements administratifs et politiques ont
fait entrave à ce dessein. Cette expérience a pris fin au terme de six
mois en vertu d‟un accord préalable.
Le deuxième comité s‟est formé de :
 Karim Zoghbi
 Arbi Batini
 Wissal Zouari
Le service des sports n‟a présenté aucun candidat pour ce deuxième
comité qui s‟est limité au service d‟animation. Cette expérience a été
interrompue par la direction de la radio. Le directeur de la radio Ammar
Chikhi l‟ex-directeur de la radio jeune affirme que cette décision était
centrale et concerne tous les services d‟animation des radios tunisiennes
avec l‟appui de l‟ex-Président directeur général monsieur Habib Belaid
qui a laissé libre cours aux comités qui ont prouvé leurs capacités et
leurs efficacités à l‟instar du cas de la Radio Nationale.
Chikhi a considéré que cette décision était fondée sur :
 Un ensemble de réunions de travail avec des experts de la
BBClors desquelles ils ont confirmé que les conseils de rédaction
dans le domaine de l‟animation est une lubie qui ne peut être
concédée.
 Dérive du travail du comité censé veiller à l‟instauration d‟une
ligne éditoriale et l‟élaboration d‟un projet d‟un code de conduite et
l‟organisation des relations professionnelles avec les différents
corps en un pur travail syndical qui se trouve presque limité à la
défense des droits des animateurs, la distribution des heures de
196
travail et la répartition des programmes et où le rôle de chacun
n‟est pas clarifié.
 La difficulté de discussion avec le comité lors de l‟élaboration de
la grille des programmes.
Chikhi affirme que durant toutes les étapes où il traitait avec ces comités
« il a tenté de pousser vers l‟institution en leur faveur suivant un
règlement intérieur » tout en tenant leurs membres pour responsable de
ne pas avoir proposé un texte fondateur pour ce travail.
Et en octobre 2011, le service des informations a connu une expérience
d‟élection d‟un comité de rédaction et qui s‟est composé de :
 Malek Riahi
 Béchir Sahani
 Emna Ghezal
 Mabrouk Kaib
Malek Riahi a été désigné président du comité élu pour remplir les
missions de chef de service des informations.
La journaliste Amel Chakchouk qui occupait ce même poste à cette
période dit qu‟en principe il a fallu coordonner entre le comité de
rédaction élu et la direction de la rédaction afin de répartir les missions
conférées à l‟équipe des informations mais elle a choisi de démissionner
à cause de multiples pressions exercées sur elle.Le travail de ce comité
a continué normalement mais avec le départ de trois de ses membres de
la Radio pour différents motifs ; il finit par disparaître malgré le
remplacement de Riahi par la journaliste Fatima Ben Ahmed le 2 juillet
2012.
- L’expérience de la Radio Tunis Internationale
197
Au mois de mars 2011 on entame la discussion au sein de la radio
Internationale « au sujet de la nécessité de formation d‟un comité de
rédaction mais un désaccord au sujet de sa définition et de ses missions
survient, d‟après une déclaration du rédacteur en chef de la Radio Sonia
Attar. Cette discussion à propos du comité de rédaction est interrompue
faute de présentation de candidatures pour ce comité, mais cette
situation a été vite dépassée et un comité de rédaction est élu composé
de Ines Jelassi et Fairouz Khairallah, et qui coordonne ses travaux avec
Attar, mais ce comité n‟a pas été rendu opérationnel, son existence était
formelle à cause de la non disposition des journalistes à se présenter
aux réunions quotidiennes.
La journaliste Nadia Haddaoui rattache le non déroulement des
audiences quotidiennement à plusieurs raisons :
Premièrement, à la méthode de travail adoptée dans la Radio, une
méthode qui se base sur la répartition des journalistes en groupes qui se
relayent quotidiennement en trois séances, ce qui rend la réunion des
journalistes et le comité de rédaction chose impossible contrairement à
l‟usage connu dans d‟autres radios internationales.
Deuxièmement, au-delà du fait que cette répartition est due partiellement
au manque de journalistes travaillant dans la Radio, il en reste pas
moins que la salle de rédaction occupe un espace réduit ne lui
permettant pas à la base d‟accueillir des conseils de rédaction élargis.
Troisièmement, et à l‟instar d‟autres radios nationales, le rédacteur en
chef de la Radio Tunis Internationale s‟est appuyé sur des chefs
d‟éditions qui gèrent les trois espaces d‟information, alors que l‟un ou
l‟autre des répartitions ne peut aboutir à un apport qualificatif de la
matière des informations ni enrichir l‟édition par la multiplicité des formes
198
journalistiques radiophoniques car ceci nécessite de sérieuses réunions
pour répartir le travail, choisir les sujets et diversifier les modes
d‟approche de la matière des informations, pour cela il aurait été plus
efficace par exemple d‟adopter une méthode de travail qui répartit les
groupes de façon à ce que chacun travaille trois jours d‟affilée.
Quatrièmement, il existe un dérèglement fondamental que la radio a
hérité, il s‟agit de la distinction fictive de ses employés entre journalistes
se contentant de rédiger les informations et de les lire et d‟animateurs
qui animent des émissions de variétés et autres programmes, y compris
les émissions de débats qui sont au fond un travail journalistique
requièrant des aptitudes qui ne se trouvent pas forcément chez les
animateurs qui sont en majeure partie des collaborateurs externes.
Enfin, au sein des programmes, il y a une séparation ferme entre ce qui
est animation assurée par les animateurs et ce qui présente d‟autres
genres de presse tels que le reportage, le débat, le commentaire des
informations et les interviews, etc. en fait on n‟apprécie pas le travail du
journaliste à sa juste valeur dans les programmes d‟animation, il n‟existe
même pas de possibilité d‟interaction entre les journalistes et les
animateurs.
Tout compte fait, quelques émissions proposées par des journalistes tel
que « Café noir » sont considérées aux yeux de l‟administration comme
animation et non comme un travail journalistique tout en sachant qu‟en
préparant cette émission matinale « Café noir » , j‟ai demandé à mes
collègues journalistes (femmes) au service des informations de participer
à cette émission et de proposer un angle d‟information afin de l‟enrichir
et la réponse de l‟une d‟elle était que ce serait un travail supplémentaire
non rémunéré et c‟est là où se situe le paradoxe, car on ne peut
199
demander à un journaliste sous payé de faire un travail qu‟il juge
supplémentaire et non rémunéré ».
- L’expérience de la Radio Sfax
On a commencé à réfléchir sur la formation d‟un comité de rédaction
dans « la radio Sfax » depuis le 16 février 2011 à l‟issue d‟un débat tenu
entre les journalistes et les chefs de service au sein de la radio. Le 8
mars 2011 des réunions périodiques ont débuté pour réfléchir au sujet
de la forme de ce comité, pour qu‟ensuite une date a été fixée qui est le
27 mars 2011 pour les élections du comité et la majorité des journalistes
y ont participé. Ces élections ont abouti aux élus suivants :
 Houda Hadj Kacem
 Thouraya Miladi
 Fatma Makni
 Mohamed Ben Jemâa
Outre deux membres suppléants qui sont Houda cherif et Abir Chakroun.
La journaliste Houda Hadj Kacem dit, « Il a été convenu que le rôle du
comité sera consultatif à condition que les chefs de service de la Radio
ne seront pas exclus, les travaux de ce comité n‟ont à peine duré
quelques jours, que tous ses membres ont été renvoyés d‟une réunion
périodique avec l‟administration par le biais de l‟accusation portée sur
une partie de ces membres d‟être liés à l‟ancien régime ».
- L’expérience de la Radio Gafsa
Le comité de rédaction au service des informations dans la Radio de
Gafsa n‟a duré que six mois, les journalistes de la Radio ont élu en juin
2011 quatre journalistes qui sont :
 Najet Shili
200
 Thouraya Ben Mohamed
 Ridha Othmani
 Makram Henchiri
Et il a été convenu que le nouveau comité exercera pour un court
mandat (six mois) puis il n‟a pas eu de réélection d‟un nouveau comité
de rédaction. Béchir Tanberi, rédacteur en chef du service des
informations à la Radio dit que la majorité des journalistes de la radio
régionale n‟ont pas montré d‟enthousiasme pour renouveler l‟expérience
du comité de rédaction qui, selon lui, était une pratique non courante.
Les statuts de la Radio n‟ont pas prévu de telles pratiques.
Tanberi ajoute qu‟il n‟existe pas dans le monde d‟expériences de comité
de rédaction notamment dans le secteur audiovisuel et affirme que les
conseils de rédaction quotidiens sont suffisants dans la radio
régionale.Dans le même mois à savoir juin 2011 un comité de rédaction
propre à la production a été élu, auquel ont participé des journalistes,
des animateurs ainsi que ceux qui sont concernés par l‟exécution des
contenus et leurs productions.Ces élections ont débouché sur le succès
de Rim Mohamed (productrice exécutive) et Soumaya Rejeb (animatrice)
auxquelles viennent s‟ajouter deux agents administratifs.Rim Rejeb disait
que le comité chargé de la préparation d‟une grille de programmes et
l‟exécution des contenus radiophoniques est devenue analogue à un
conseil d‟administration ou la présence de Rim Mohamed et Soumaya
Rejeb était formelle, et elles n‟ont dû assister qu‟a deux réunions
seulement, et ce après avoir contribué à la préparation de la grille
radiophonique pour la saison estivale 2011 et la grille transitoire, et
qu‟ensuite l‟invitation n‟a pas été adressée à Rim Mohamed et Soumaya
Rejeb, ce comité n‟a pas ressuscité surtout que « la sphère de la
consultation dans la Radio de Gafsa est étendue par le moyen de
201
réunions avec les chefs de services et les responsables de l‟exécution
des contenus »,selon Soumaya Rejeb.
- L’expérience de la Radio Tataouine
On a constitué au sein de la Radio Tataouine ce qu‟on appelle « un
conseil d‟administration » qui se réunit de façon hebdomadaire. Ce
conseil
est
composé
d‟un
représentant
de
l‟administration,
un
représentant de la programmation, un élément qui représente les
informations et un autre membre technicien.
Un conseil au cours duquel on fixe la politique de programmation de la
Radio dans les différents services et où se tient le débat sur tout ce qui
survient durant le travail radiophonique dans les différents services ainsi
que la relation entre ces services.
La journaliste de la Radio Mabrouka Sdiri dit que « cette expérience n‟a
pas duré longtemps pour de nombreuses raisons, notamment avec le
changement des directeurs de la Radio Tataouine dans une période
courte ; on a par la suite vécu une période durant laquelle se tenaient
deux réunions de rédaction quotidiennement et simultanément, la
première se rapporte aux informations et la deuxième est relative à la
programmation qui fixe le programme d‟une journée entière ainsi que les
informations. Cette dernière réunion définit le travail quotidien dans les
deux services en question et la coordination entre ces services. Pendant
ces deux réunions, le débat porte sur le choix des sujets à couvrir et les
modes opératoires à travers de différentes formes journalistiques
courantes. Le recours à cette réunion est interrompu quant à la
programmation et continue à se dérouler d‟une manière interrompue
dans le service des informations et nous œuvrons à sa relance une fois
la situation sera stabilisée à la Radio ».
202
Nabil Sadraoui, responsable de la programmation et l‟ex-directeur de la
Radio, disait que la Radio n‟a pas connu l‟expérience d‟élection de
comités de rédactions contrairement aux autres radios publiques, mais
plutôt l‟expérience des conseils de rédaction au début de l‟année 2012
suite à un accord entre la majorité des journalistes devant le fait que la
situation à cette période n‟était pas propice à la tenue d‟élections. Nabil
Sadraoui a endossé la responsabilité de la direction de programmation
et Fethi Chroudi est maintenu dans son poste de rédacteur en chef.
Mabrouka Sdiri souligne que « le changement successif des directeurs
de la Radio de Tataouine n‟a pas permis à la radio et encore moins aux
deux collègues Nabil Sadraoui et Thameur Zoghlami de finaliser le
travail qu‟ils ont entamé concernant les réunions de rédaction et des
conseils d‟administration et tout ce qu‟ils ont entrepris pour la réforme
des rouages de la gestion de la Radio sur les plans administratif et
journalistique. L‟instabilité à la tête de l‟administration de la Radio nous a
empêchés d‟achever aucun des programmes pour pouvoir évaluer le
travail selon l‟usage courant dans les plus enracinées des démocraties
et ce malgré notre connaissance du travail dans de nombreuses grandes
institutions médiatiques tels que Radio Monte Carlo ou Deusche Welle
ou la suisse Hirondelle dont de nombreux de ses représentants ont
effectué des stages avec nous ».
- L’expérience de la Radio du Kef
Après la révolution et au mois de mai 2012, quatorze (14) journalistes
sur un nombre total de 20 approximativement ont élu un comité de
rédaction au sein du service des informations et qui s‟est composé de :
 Mohamed Balti
 Fethi Raies
203
 Dhouha Boubakri
Le journaliste Mohamed Balti dit que « un certain nombre de journalistes
ont choisi de boycotter ce comité chose qui a rendu son travail boiteux,
face au non-respect de tous les collègues de ses recommandations, à
ceci vient s‟ajouter le fait que les membres élus n‟avaient pas la
connaissance des fonctions du comité de rédaction qui se voit très
souvent interférer avec le rôle des conseils de rédaction. Je me suis
porté candidat tout en ayant à l‟esprit que les attributions du comité de
rédaction seraient de définir une ligne éditoriale claire pour la Radio, sa
sauvegarde ainsi que le maintien de l‟impartialité du contenu
radiophonique. Balti ajoute « qu‟il n‟aurait pas pu envisager que le
comité de rédaction pouvait avoir la tutelle sur les conseils de
rédaction », et dit que « le comité de rédaction, suite à son élection, et
avec la coordinatrice des informations Akila Harbaoui qui remplissait une
fonction qui ne lui a pas été attribuée, supervisait les réunions de
rédaction quotidiennes », et il met l‟accent sur le fait que cette confusion
dans les attributions du comité de rédaction a précipité son échec et
qu‟elle n‟a pu durer plus que trois semaines.
- L’expérience de la Radio Monastir
Un comité de rédaction a été créé à la radio Monastir sous la direction
de Jamil Ben Ali et qui est formé de six employés de l‟établissement dont
deux techniciens et qui sont :
 Samia Ghazouani Abid
 Walid Boukhris
 Selim Hizem
 Thouraya Allègue
204
 Hayet Krimi
Le journaliste à la Radio Hafedh Laârif dit, « Le comité était
essentiellement un comité de production, il a essayé de remplir son rôle
mais il n‟a pas duré longtemps, ses membres, ayant démissionné après
que le Président directeur général a remis en question son rôle et il a
dissous le comité de production qui s‟est constitué à la radio centrale
malgré qu‟il soit élu ». Laârif affirme que « en l‟absence de ce comité et
d‟une ligne éditoriale à caractères bien définis, la Radio Monastir
fonctionne à l‟aide de compétences qui visent à éviter le tiraillement
politique
et
les
instructions
partisanes
provenant
de
certains
responsables politiques et décideurs dans la région. On trouve alors
certains qui se soumettent aux instructions et d‟autres qui les combattent
dans le cadre de l‟impartialité et l‟indépendance ».
2.
L’expérience de la Télévision nationale tunisienne
La Télévision nationale tunisienne a mené l‟expérience d‟élection d‟un
comité de rédaction auprès des services des informations après la
révolution et précisément au mois de février 2011 et ce suite à un sit-in
fait par les journalistes de la Télévision nationale le 25 février 2011, des
élections ont eu lieu pour permettre l‟ascension des journalistes
suivants :
 Fatine Hafsia
 Fateh Felhi
 Khadija Soua
 Moufida Hachani
 Hamadi Ghidaoui
 Abderrazak Tabib
205
Ce comité a travaillé quatre mois seulement, c'est-à-dire jusqu‟au mois
de mai 2011, sauf que son travail est interrompu à cause de ce qui
appelait le journaliste Fatine Hafsia « des tiraillements politiques » à
l‟intérieur de l‟établissement de la Télévision nationale. Le journaliste
Said Khezami s‟est opposé au travail avec ce comité et ce après sa
désignation comme rédacteur en chef du service des informations le 24
mars 2012. Le comité de rédaction a été dissous à cause de la
négligence de l‟administration de son rôle, les deux journalistes Fatine
Ben Hafsia et Abderrazak Tabib se sont retirés du comité de rédaction
en signe de protestation contre cette négligence. Un deuxième comité de
rédaction se voit élire le 20 septembre 2012. Toutefois l‟administration
ne l‟a pas reconnu d‟après la déclaration d‟après la déclaration du
journaliste Fatin Hafsa, la direction générale de la télévision a attaqué
ces élections et le deuxième comité est dissous. Les journalistes ont
revendiqué la formation d‟un comité d‟experts pour proposer un nouveau
rédacteur en chef qui ne sera pas désigné par l‟administration, le choix
est fait sur la journaliste Chédia Khedhir au mois de mars 2013 par cette
commission d‟experts présidée par le Professeur Abdelkarim Hizaoui
directeur
du
Centre
Africain de
perfectionnement
des
journalistes et communicateurs (CAPJC)et dont les membres sont : le
Professeur Fatma Azzouz, le Directeur de l'Institut de presse et des
sciences de l'information (IPSI) Taoufik Yaâcoub, l‟expert Kamel
Essamari, la journaliste Aitidel Mejbri et la journaliste à la Télévision
tunisienne Chedia Khdiri, qu‟elle n‟a pas encore obtenu une copie du
rapport du comité d‟experts qui a statué sur les projets de candidature
pour le poste de rédacteur en chef des informations à l‟issu duquel la
journaliste a obtenu le premier rang dans le dit concours au mois de
mars 2013.
206
Mais ce résultat n‟a pas été honoré, et on a nommé Moufida Hachani qui
a obtenu la deuxième place dans les résultats du comité comme
rédacteur en chef des informations son adjoint, étant Fateh Felhi, qui n‟a
même pas présenté sa candidature pour ce poste selon la déclaration de
Khdir. Et elle dit, qu‟en revanche, elle se voit proposer le poste de
rédacteur en chef adjoint chargé du suivi de la ligne éditoriale,
l‟évaluation et la formation à l‟administration des informations. Ce poste
est un poste administratif incompatible avec la nature du concours
auquel la candidature s‟est présentée. Et Moufida Hachani a été
nommée rédacteur en chef du service des informations malgré que la
commission d‟experts lui a attribué la deuxième note et Younes Felhi a
été nommé adjoint de Hachani pourtant celui-ci n‟a pas présenté sa
candidature auprès de la commission. La journaliste Chédia Khédhir
ajoute qu‟elle a été objet d‟harcèlement en raison de sa présence aux
réunions de rédaction en sa qualité de chef de service à la télévision et
qu‟elle s‟est destituée de ce poste à cause de l‟accaparement du
rédacteur en chef des informations du choix des angles des sujets à
traiter, selon ses dires.
3.
L’expérience du journal « Essahafa »
Les journalistes du journal public « Essahafa » ont élu le premier comité
de rédaction le 18 février 2011, et Lotfi Arbi Essnoussi a été élu
rédacteur en chef et Khemaies Arfaoui comme rédacteur en chef adjoint
en janvier 2012.
Ce comité de rédaction élu est composé de :
 Ibrahim Khlifi
 Najet Mlaiki
 Naïma Kadour
207
 Mourad Allala
 Adel Brisni
 Salem Boulifa
Ce comité de rédaction élu fonctionne pour un mandat de deux ans
ayant que de nouvelles élection seront organisées pour élire le rédacteur
en chef et son adjoint ainsi qu‟un nouveau comité et ce en janvier 2014.
Le comité veille à garantir la préservation de la ligne éditoriale du journal,
reçoit les allégations des journalistes dans les cas où leurs travaux
seraient censurés et œuvre au suivi du respect des journalistes de la
déontologie du métier journalistique.
4.
L’expérience du journal « la Presse »
Le journal en langue française « la presse » a élu un premier comité de
rédaction le 14 janvier 2012 et monsieur Mongi Gharbi a été élu
rédacteur en chef le jour même et Lassâad Ben Ahmed en tant que
rédacteur en chef adjoint.
Ce comité est composé de :
 Nizar Hhajbi
 Rafika Hargem
 Sofiane Ben Farhat
 Raouf Seddik
 Olfa Ben Hassine
Il a été convenu à ce que ce comité de rédaction élu ; et qui avait pour
attributions de garantir la préservation d‟une ligne éditoriale du journal,
présenter les propositions des sujets quotidiens et développer la charte
de rédaction de l‟établissement ; fonctionne pour une durée de deux ans
mais d‟autres parties ont mis la pression sur le rédacteur en chef qui a
208
été contraint à démissionner au mois d‟août dernier, selon la déclaration
du journaliste Nizar Hajbi.
Hajbi a dit, suite la démission du rédacteur en chef Mongi Gharbi, le
Directeur général de l‟établissement a désigné un rédacteur en chef
provisoire, Slaheddine Ghrichi, mais cette désignation s‟est heurtée à un
refus de la part des journalistes. Ensuite, le comité de rédaction a abouti
sur une décision : tenir des élections anticipées pour un nouveau comité
de rédaction un rédacteur en chef et son adjoint et ce pour le 11 octobre
2013.
5.
L’expérience de la Agence Tunis Afrique Presse (TAP)
La décision de créer un conseil de rédaction au sein de l‟Agence Tunis
Afrique Presse (TAP) a été prise lors de l‟assemblée générale de la
chambre de rédaction organisée le 9 mars 2011 avec l‟objectif d‟évaluer
le rendement de l‟Agence pendant la période qui a suivi la révolution du
14 janvier. Il a été suggéré d‟avoir un conseil qui comprend des
représentants des différents départements de rédaction au sein de
l‟Agence et qui sera chargé de mettre en place une ligne éditoriale
indépendante tout en ôtant son caractère « officiel » et sa « loyauté
envers le gouvernement » à l'établissement, comme a été indiqué dans
le procès-verbal de l‟assemblée.
Ce cadre a été composé de ce qui suit :
 Mouna Mtibaa
 Houda Hammami
 Sana Kliche
 Ichraf Essid
 Basma Chetaoui
 Sarra Belghith
209
 Imen Haddad
Ainsi que les membres suppléants : Moufida Touati, Abdelkarim Jaouadi,
Olfa Habbouba, Kalthoum Belalgiah et Hajer Touiti.
La journaliste de la TAP, Moufida Touati, a dit que le travail du comité de
rédaction n‟a duré que 6 mois et s‟est arrêté en novembre 2011 à cause
des problèmes procéduraux et des obstacles juridiques imposés par les
statuts de l‟Agence qui ne mentionnent pas la création d‟un comité de
rédaction élu par les journalistes. Elle a noté que les statuts nécessitent
plusieurs révisions reflétant les exigences du travail journalistique dans
l'Agence aujourd'hui, et en étant compatible avec le processus
démocratique en Tunisie, surtout que la liberté de la presse est devenue
un pilier fondamental de ce processus.
La journaliste de l‟Agence, Mouna Mtibaa, considère que « la
problématique pour le fonctionnement du Conseil ne réside pas dans les
textes juridiques qui régulent le fonctionnement de l‟Agence, mais dans
la précipitation avec laquelle on l‟a créé et le manque de clarté par
rapport à ses fonctions. En plus, les exigences de cette étape et le
dégagement de l'administration publique de toute responsabilité vis-à-vis
ce sujet ont laissé dans l‟ambiguïté le travail du comité qui se trouve
forcé d'intervenir, en coordination avec les cadres syndicaux de
l‟établissement, dans de nombreux dossiers à caractère administratif qui
concerne la rédaction et les journalistes ».
Touati a expliqué l‟échec de la première expérience aussi par le manque
de familiarité avec les tâches réelles attribuées au comité de rédaction
eu égard que l‟expérience qui est apparue directement après la
révolution et qui est complètement nouvelle non seulement pour
l‟Agence mais aussi pour tous les organes de presse en Tunisie. La
210
journaliste a aussi souligné la nécessité d'une plus grande sensibilisation
à l'importance du rôle à jouer par le comité de rédaction pour contrôler la
ligne éditoriale et obliger les journalistes à être strictement fidèles aux
principes de la neutralité, l'objectivité et la crédibilité, d'autant plus que
cela concerne les médias publics.
Touati a aussi souligné la nécessité de partir d‟une base légale et
procédurale claire pour pouvoir créer un comité de rédaction constitué
par les collègues qui s‟y relayent d‟une manière démocratique et
transparente,
avec
une
mission
liée
exclusivement
autravail
journalistique et loin du travail administratif de manière à ne pas
confondre la gestion avec la rédaction.
Elle a également souligné la nécessité de l‟engagement de tous les
journalistes à se soumettre aux recommandations du comité de
rédaction bien qu‟elles soient consultatives et à ses décisions
impératives à condition qu‟il respecte la neutralité et qu‟il travaille selon
des standards définis et préalablement convenus entre tous les
journalistes, en mettant l‟accent sur l‟importance de fait que les fonctions
du comité de rédaction ne se limitent pas aux seuls contrôle de la ligne
éditoriale et l‟amélioration du télégramme, mais également d‟assurer une
protection légale et morale des journalistes.
Touati a ajouté que de nouveaux projets ont été présentés par ses
collègues et aussi par les deux syndicats des journalistes et de la culture
et de l‟information avec l‟objectif de relancer l‟expérience et mettre en
place un comité de rédaction au sein de l‟Agence. Ces projets sont à
l'étude, notamment en ce qui concerne le caractère contraignant ou
consultatif du comité, ainsi que sa relation professionnelle avec la
direction de la rédaction, les journalistes et la direction générale.
L'Agence se prépare également à lancer un code de conduite.
211
6.
Vision de l'intérieur des comités de rédaction:
Ammar Chikhi : Les comités de rédaction n’étaient qu’une
reproduction diversifiée de l’existant
Ammar Chikhi, qui a occupé le poste du directeur de la Radio Jeunes du
20 février 2011 jusqu‟au 20 avril 2012 avant d‟être nommé à la tête de la
Radio Gafsa du 1eraoût 2012 jusqu‟au 1erseptembre 2013, nous a parlé
de son expérience avec les comités et conseils de rédaction au sein de
l‟Etablissement de la radiodiffusion-télévision tunisienne (ERTT) en tant
que directeur de la Radio Jeunes.
Chikhi dit :
« Le rapport général de l‟Instance Nationale pour la Réforme de
l‟Information et de la Communication de l‟année 2012 représente une
des références les plus importantes puisqu‟il a défini le degré de dégâts
subis par la presse et par les entreprise de l‟information et la déontologie
journalistique. Et en dépit de la littérature énorme qui a discuté un tel
sujet, nous voyons qu'il est possible de se limiter à ce qui a été stipulé
dans le présent rapport concernant la situation de délabrement du
secteur audiovisuel avant la révolution. »
Le rapport a mentionné dans le premier paragraphe de l‟introduction
générale ce qui suit :
« Les pages de ce rapport comportent une description et une analyse
des dégâts de l‟hostilité contre la presse pendant le temps du Général
Zine El-Abidine Ben Ali (1987-2011) et des recommandations pour la
réforme de la presse et pour se débarrasser des séquelles que cette
l‟hostilité avait laissées dans les organes de presse, ainsi que les
atteintes contre la profession et la déontologie du journalisme. »
212
Cette déclaration des spécialistes décrit la réalité ardue qui a
accompagné le journalisme. Cependant, et pour être objectif, il ne faut
pas nier l‟existence d‟autres facteurs internes et essentiels auprès des
professionnels qui ont préparé le terrain pour cette situation et ont justifié
l‟hostilité durant vingt-trois années.
Cette situation a poussé l‟instance, et depuis les premiers mois de la
révolution tunisienne, à suivre une approche participative ouverte pour
nourrir le secteur avec des expériences internationales, et organiser des
ateliers de travail et des séminaires pour contribuer à la réhabilitation
des journalistes et les encourager à redresser le processus et produire
un cadre professionnel saint et moderne. »
Chikhi a confirmé, « Cet effort a été accompagné par et a coïncidé avec
d‟autres efforts et tentatives de réparation des établissements de médias
publics y compris, l'expérience relative à l‟élection des comités et
conseils de rédaction dans les départements de production et de
diffusion au sein de la Radio Jeunes de l‟Etablissement de la
radiodiffusion tunisienne. »
A propos de cette expérience, Chikhi a dit : « La Radio tunisienne a
connu lors des premières heures après la fuite du président déchu un
processus accéléré d‟événements et d‟actions comme une tentative de
capter la chaleur de la révolution et en réponse au mouvement populaire
qui a dépassé le seuil de la peur et a libéré les gens de sa prison. »
Ces mouvements populaires ont incité à lancer le mot de la Révolution
« Dégage » en face
d‟un
groupe
de directeurs, fonctionnaires,
journalistes et animateurs à cause de leur affiliation à l‟ancien régime.
Ce mouvement et ce torrent d'ébullition dans les rangs des journalistes,
producteurs et autres, a créé au sein de la Radio Jeunes un espace
213
énorme de libertés et de chaos, ce qui causé le départ du premier
responsable de la direction, Olfa Chergui, et le refus de certains
journalistes de reconnaître le responsable du département des
informations, Amal Chakchouk. Les animateurs ont ensuite gelé l'activité
du responsable de la programmation, Basma Soltani, ce qui a permis de
laisser l‟espace ouvert et vide en face des personnes laborieuses
comme les opportunistes pour imposer leurs visions et leurs conditions
de travail sous la bannière de « La radio est un service public et la voix
de la révolution. »
Après un seul mois de la révolution, le Premier ministère a nommé Habib
Belaid à la tête de l‟Etablissement de la radiodiffusion tunisienne qui, luimême, étant à la quête de l‟impartialité et souhaitant assurer la
continuité de du service public, a nommé un groupe de nouveaux
directeurs qui n‟ont rien à voir avec l‟établissement médiatique.
Cette nouvelle situation a incité les journalistes et les animateurs à
proposer l‟idée d‟élire des comités et conseils de rédaction pour :
- Une première garantie et une fortification impénétrable contre le retour
des instructions administratives imposées et projetées.
- Exercer leur droit professionnel de choisir un rédacteur en chef.
- Exercer leur droit d'élire un comité de rédaction en tant qu‟une autorité
régulatrice interne.
- Identifier les contenus et les formes médiatiques et leurs méthodes de
production.
- Exclure tous le personnel laxiste et affilié à l'ancien régime.
- Consacrer l'indépendance de la rédaction d‟une manière définitive de
l‟administration.
- Définir le rôle de l‟administration dans la mise à disposition des
besoins logistiques et le règlement des situations professionnelles ».
214
Chikhi confirme que, « à la lumière des facteurs susmentionnés et qui
sont discutables, un groupe de journalistes et animateurs ont adopté la
méthode du mouvement et ont adopté un ensemble de mécanismes
pour faire pression sur l'administration afin de la forcer à accepter le
principe de l'élection du comité de rédaction, et pendant ce temps,
l‟Etablissement a vécu des perturbations au niveau de la performance et
une absence inquiétante de la coordination entre les départements des
informations et de la production, les voix, les invités, les programmes et
les dérapages se sont répétés, le micro a été grand ouvert au public, et il
y a eu un flux abondant d‟informations incitant les journalistes à
revendiquer leur droit de dominer le studio et se sont entrés en conflit au
sujet de la quantité de travail et la répartition des ressources humaines
afin de couvrir les événements au cours de la révolution ».
Chikhi a dit, « Cela n‟a pas été facile pour n‟importe quel responsable de
diriger pendant cette période. La mission fondamentale que la direction
de l‟établissement nous a chargé d‟accomplir était d‟accompagner tous
les employés, d‟éviter les confrontations, faciliter le travail, ouvrir la porte
aux plaintes et dialoguer avec eux avec beaucoup de patience et de
compréhension tout en les rappelant la déontologie de la profession en
trois mots : liberté, responsabilité et neutralité. Et ainsi, on accepter
d‟organiser des élections au sein du Département des informations et du
Département de la production à la Radio Jeunes ».
Chikhi a ajouté, « Et après, les premiers signes d‟amélioration sont
apparus ainsi que les signes de satisfaction et de convenance car les
deux départements ont pu créer un comité élu obtenantle consentement
de la majorité ».
Et on s‟attendait à ce qu‟il y ait à l‟intérieur de la Radio Jeunes un genre
de convenance au sein du Département des informations et ce après
215
l‟engagement du comité élu à coopérer avec l‟ancien rédacteur en chef.
Mais les conditions ont empiré et la situation s‟est compliquée ce qui a
conduit à la démission du président de le rédacteur en chef et la
désignation du président du comité élu pour lui succéder. Seulement
quelques jours après, le rôle du comité et avec lui sa raison d‟être ont
disparu ; et donc il n‟était pas le mécanisme par lequel nous pensions
qu'il allait contribuer à la sensibilisation des journalistes, fonder une
nouvelle approche de travail et contribuer au développement du code de
conduite ; il n‟était qu‟une manœuvre électorale pour la présidence??? ».
Et dans le même cadre, Chikhi a ajouté : « Le département de la
production a connu le même destin puisque le comité de rédaction a
connu toute forme de coopération avec le chef service de la
programmation en dépit de toutes des tentatives à briser la glace ; il s‟est
apparu pour nous que le but des élections a été l‟exclusion et non pas
l‟apprentissage à la démocratie. »
Chikhi a dit, « Ces pratiques ont contribué à la complexité de la situation
au sein de l‟entreprise médiatique, et le processus démocratique s‟est
transformé en une situation non loin de ce qui prévalait avant, mais avec
de nouveaux visages. Malgré tous les efforts qui ont été investis par la
direction de l‟établissement sous forme de réunions, séminaires et
ateliers de formation, l'expérience des comités élus a dévié pour produire
un groupe qui ne défend que ses privilèges personnels, tandis que
l'intérêt de l‟établissement et de la profession reste toujours secondaire:
Alors, comment expliquez-vous l‟incapacité de centaines de journalistes
et d‟animateurs de développer un code de conduite?
Comment peut-on expliquer l‟absence d‟un texte organisant les horaires
du travail des animateurs, et fixant leurs obligations envers leur
216
établissement avant de courir derrière le gain facile dans d‟autres
institutions ?
Et comment peut-on expliquer l‟état lamentable du siège de la Radio
tunisienne et son acceptation par les employés qu‟on n‟a jamais vus
protester? »
Ammar Chikhi conclut en disant que « la formation des employés au sein
de l‟établissement médiatique sur les pratiques démocratiques, comme
le vote, la production d'un code de conduite, l'initiative de développer ou
le sacrifice pour le bien commun doit être précédée par une réhabilitation
intellectuelle, cognitive et professionnelle des employés avec la quête
permanente pour améliorer leur situation financière, moderniser leurs
outils de travail et les obliger à respecter les règles et les codes de
travail ».
Said Khezami: La télévision tunisienne n'était pas prête pour les
comités de rédaction:
Said Khezami, qui a été nommé rédacteur en chef du journal des
informations de la Télévision Nationale tunisienne entre le 23 mars et le
23 novembre 2012, considère que « la demande de la formation des
comités de rédaction dans les établissements de médias publics est
venue après l‟état de „hystérie‟ connu par la scène médiatique après la
révolution ». Il voit que « la mise en place des comités de rédaction dans
les établissements de médias publics „la paille‟ à laquelle s'accrochait les
professionnels des médias qui étaient obsédés par la création d‟un
mécanisme pour l'indépendance des établissements de médias publics
du pouvoir, et l'idée était de former un comité de rédaction au sein de
ces établissements qui garantit l‟indépendance de la rédaction ».
217
A propos de l'échec du travail du comité de rédaction au département
des informations à la Télévision Nationale, Khezami a dit, « Il n'ya pas de
prise de conscience parmi les journalistes de l'importance du travail
professionnel de sorte qu'ils se sont ralliés à la demande du comité de
rédaction pour acquérir des postes. Le mécanisme d'élection dans la
formation du groupe qui va coordonner le travail a été rejeté parce que, à
ce stade particulier, les journalistes ne se sont libérés du principe de la
loyauté et de tentations au détriment des intérêts de l‟établissement ». Il
a ajouté que « l'échec s‟est poursuit même après la formation d'un
comité pour choisir un nouveau rédacteur en chef, puisque le Président
Directeur Général de l‟Etablissement m‟a limogé et nommé quelqu‟un
d‟autre à ma place et a complètement ignoré la décision du comité qui a
opté pour la journaliste Chadia Khedhir. Cela signifie que c‟est elle qui
décide ». Khezami également tient le comité de sélection du rédacteur
en chef du journal télévisé pour responsable de l‟échec « pour avoir
accepté la décision de Bahroun relative au renversement du pouvoir qui
était
sous
prétexte
que
la
journaliste
Moufida
Hachani
allait
prochainement partir à la retraite, et cette justification était tout à fait
injuste ».
Et concernant les motifs du rejet de l'idée de la formation d‟un comité de
rédaction au sein des établissements médiatiques, en particulier dans la
Télévision nationale, Khezami a dit, « J‟ai résisté à l'idée de la formation
d‟un comité de rédaction à la Télévision nationale pour une raison
objective : il n'existe en aucune chaîne de télévision de renommée et
plus précisément dans le département des informations un comité de
rédaction élu. Le principe d‟élection n‟existe pas dans les chaines
britanniques, françaises ou arabes ».
218
Il a ajouté, « Je ne suis pas par principe contre l'idée en général, mais
contre sa mise en œuvre en ce moment et contre la façon dont elle a été
présentée. La raison est que le climat de travail au sein de la Télévision
Nationale n'est pas approprié pour la mise en place d‟une autorité qui
décide sur la ligne éditoriale placée entre les mains de groupes affiliés
dans le passé au régime corrompu et qui ne sont pas indépendants et
impartiaux, surtout si les élections représentent la voie vers la formation
d'un tel comité ; ceci en plus du fardeau d‟un héritage d„opportunisme et
d‟exploitation qui pèse sur l‟Etablissement ». Il estime que les comités de
rédaction ne peuvent réussir que dans des chaines de renommée
comme la BBC et France 24.
Khezami voit que la vraie solution réside dans le remplacement des
comités de rédaction par un groupe de travail qui assure la coordination
et la coopération dans la réunion journalière de la rédaction destinée à la
planification de la couverture des événements. Ce groupe peut être
composé de journalistes selon leur compétence et leur capacité de
coordonner un travail d'équipe, et d‟un rédacteur en chef du groupe
sélectionné par un comité d'experts après la présentation de projets de
travail ». Il voit aussi que le groupe de travail n‟a pas à décider de la
ligne éditoriale de l‟établissement médiatique, ce qui signifie l'équilibre
entre la présence du gouvernement et de l'opposition dans la couverture
médiatique et l‟harmonie avec la réalité géographique et historique de la
Tunisie ainsi que le principe d‟impartialité et d'objectivité.
Thameur Zoghlami : Des obstacles importants à la mise en place
des comités de rédaction :
Le journaliste et l‟ancien directeur de la Radio Tataouine, Thameur
Zoghlami, considère que le concept de « comités de rédaction » a été
fortement
défendu
en
Tunisie
postrévolutionnaire
au
sein
des
219
établissements de médias publics pour plusieurs raisons y compris, en
particulier, la responsabilité des rédacteurs en chef en à cette époque
dans la subordination et l‟orientation des médias pour servir le pouvoir.
Zoghlami voit aussi que malgré les faux pas et l‟ambigüité du concept,
certains comités ont réussi à sécuriser cette période avec un niveau
élevé de professionnalisme, « mais ils se sont heurtés à des obstacles
nombreux parmi lesquels surtout leur manque d‟adaptation aux lois
réglementant le fonctionnement de l‟établissement et le manque de
compatibilité avec les méthodes traditionnelles de travail utilisées par les
médias connus par leur professionnalisme». Zoghlami confirme que
« cette expérience n'a pas pu continuer mais a été remplacée dans
d‟autres établissements par un mécanisme connu qui est celui du
„séminaire de rédaction‟ et, jusqu‟à ce jour, a connu un grand succès
dans certains établissements, et ce avec l'aide de quelques experts
étrangers
spécialisés
dans
la
couverture
professionnelle
des
informations et des sujets ».
7.
Les désignations arbitraires : Un obstacle principal aux
comités de rédaction :
Tous les organes concernés par la liberté de la presse en Tunisie sont
unanimes que le développement de la rédaction, en tant que structure et
ligne éditoriale, est confronté à un véritable défi qui est une pierre
d'achoppement à toutes les tentatives de l‟écarter des tentatives qui
essayent de l‟instrumentaliser et l‟utiliser, et qui sont les désignations
imposées, parachutées et politisées de personnes à la tête des
établissements de médias publics.
Mohamed Dhaouadi, Président du Centre de Tunis pour la liberté de la
presse, considère que l‟administration a une influence sur la rédaction
dans les établissements de médias publics qui l‟avaient hérité de l‟ancien
220
régime. Il explique que la monopolisation des gouvernements de l‟aprèsrévolution de désigner les directeurs des établissements de médias
publics par le vide institutionnel connu par le secteur des médias qui
n'est pas supervisé par une structure indépendante. Dhaouadi dit que
« la manière avec laquelle le dossier des médias a été traité depuis le
premier gouvernement de Ghannouchi a été fausse, ce qui avait
simplement transféré la dépendance du Palais de Carthage à la
Kasba ». Il ajoute, « Je considère que les journalistes auraient dû saisir
cette opportunité et exiger la formation d‟une structure décisionnelle
responsable et indépendante composée de représentants de la société
civile et des organisations professionnelles ainsi que des représentants
du gouvernement pour superviser le secteur des médias, plutôt que la
formation d'un organe consultatif qui ne prend pas de décisions, en
l‟occurrence, l‟Instance nationale pour la réforme de l‟information et de la
communication (INRIC) qui a travaillé dur, mais, et comme plusieurs
autres acteurs dans le secteur des médias, avait agi sur les décombres,
et si elle avait de l‟influence, elle aurait pu se débarrasser de la
dépendance du gouvernement » . Dhawadi voit que la désignation des
dirigeants à la tête des établissements de médias publics ne doit pas
être faite par le gouvernement qui pourrait contrôler 90 % du contenu
médiatique. Le gouvernement ne doit pas avoir la main mise sur la
désignation, mais on peut adopter d'autres mécanismes tels que la
consultation ou la formation de conseils d'administration au sein des
établissements de médias publics chargés des désignations, ou
configurer un organisme public composé de représentants de la société
civile et les organisations professionnelles et le gouvernement ».
Dhaouadi ajoute que « malgré l'échec de nombreuses expériences, la
plupart d'entre eux, je pense que la gestation connue par les
établissements publics dans cette période de transition et qui s‟est
221
transformé en une confrontation horizontale et verticale est considéré un
résultat normal et attendu. La révolution a surpris les acteurs du secteur,
ainsi que les décideurs qui ont maintenu leurs positions jusqu'à la veille
de la révolution, en vertu du vide et le manque de clarté de la vision
politique. Et aujourd'hui, après que le mouvement a commencé à se
calmer dans les salles de rédaction, le sujet des comités peut être
présenté d‟une manière rationnelle et loin des contractions, même si le
point de vue des administrations et autorités publiques qui supervisent
les médias publics concernant le rôle de ces organismes a été
récemment affrontée avec sensibilité, qui est une réaction naturelle de la
part de journalistes qui ont souffert de la domination pendant des
décennies. L'expérience des autres et l‟assistance des universitaires
sont aujourd‟hui nécessaires pour surmonter la confusion. Nous devons
assimiler ce qu'ils proposent, et même s‟ils ont dit que l'élection du
rédacteur en chef est une pratique non courantes dans les institutions
médiatiques les plus connues et que les élections ne donnent pas
toujours le meilleur, c‟est aux universitaires d‟assumer la responsabilité
professionnelle et législative et de fournir une alternative qui est
compatible avec le cas tunisien surtout à ce stade extraordinaire auquel
nous parions sur la réforme de la presse. Dans ces établissements
médiatiques, la tâche de désignation du rédacteur en chef pourrait être
attribuée à l‟administration ou à un autre organe, mais leur salles de
rédaction ont acquis de l'immunité contre toute domination et sa décision
est devenue méthodique et participative ».
Nebil Jmour, Secrétaire général du syndicat général de la culture et
de l’information relevant de l’UGTT, considère que toutes les
nominations relèvent de la tutelle. C‟est pourquoi « la crise » qui existe
entre le gouvernement et les journalistes des établissements de médias
222
publics, depuis 2012, fait suite à une décision unilatérale prise par la
présidence du gouvernement de nommer des directeur généraux à la
tête des médias publics, sans en référer aux structures professionnelles.
Jmour dit que « depuis, les parties syndicales de la presse publiques,
rejettent toute nomination parachutée adoptée par le gouvernement
étant à l‟origine du chaos constaté dans les rédactions ». Il juge
nécessaires des comités de rédactions, du fait qu‟ils sont en mesure
d‟empêcher les directeurs d‟intervenir dans la rédaction, d‟écarter les
pouvoirs financier et politique des salles de rédaction et de fabriquer
l‟information ».
Jmour considère que le travail de l‟HAICA, fera en sorte qu‟on s‟épargne
de la politique des nominations unilatérales et saura instaurer la
méthode participative pour la supervision de ces établissements ».
Quant à Nejiba Hamrouni, Présidente du Syndicat national des
journalistes tunisiens, la responsabilité est celle des gouvernements
post-révolution à travers les nominations anarchiques à la tête des
établissements de médias publics ayant comme finalité l‟intention de
combler un vide et/ou de servir des objectifs politiques et électoraux.
Hamrouni ajoute « notre revendication principale est de dépasser le
mécanisme de nomination à la tête des entreprises et le remplacer par
l‟instauration de critères et de normes objectifs, sur la base de quoi les
candidatures sont présentées à travers l‟HAICA pour l‟examen de la
conformité des dossiers à ces normes qu‟elle aura fixées préalablement,
avant de se diriger vers le gouvernement qui procèdera, à son tour, à la
nomination des candidats dont les dossiers ont été retenus ». Hamrouni
affirme que les nominations gouvernementales parachutées ont favorisé
la présence de personnes, à la tête des entreprises de presse publiques,
qui n‟ont aucun rapport avec la presse et que, par conséquent, ils ne
223
sont pas en mesure de saisir le rôle des comités de rédactions.
Hamrouni ajoute qu‟ « en dépit du rejet par le SNJT de ces méthodes de
nominations parachutées, le syndicat, a tout de même composé avec les
directeurs généraux désignés et leur a exposé la problématique des
comités de rédactions, mais que ces responsables n‟ont pas assimilé le
rôle de cesstructures, justifiant leur incompréhension par le fait qu‟elles
ne constituent pas une priorité ».
Pour la Présidente du SNJT, la médiocrité du contenu de la radio
nationale, à titre d‟exemple, qu‟elle qualifie de «flagrant» au niveau de la
gestion de la radio est l‟issue des nominations parachutées, effectuées
par le gouvernement. Hamrouni considère que la HAICA peut résoudre
ce problème, à condition de lui consacrer les conditions et les moyens
logistiques d‟autant, ajoute-t-elle, que cette autorité est habilitée à jouer
un rôle historique dans la réforme de l‟information.
8.
Différentes approches des comités de rédactions dans la
presse publique tunisienne
- Sadok Hammami : Observations sur les comités de rédactions :
Organisation et principes de travail
Dr. Sadok Hammami, Enseignant à l‟Institut de Presse et des Sciences
de l‟Information et fondateur et rédacteur en chef du site arabe des
sciences de l‟information et de la communication, insiste sur l‟impératif
de discuter de la question des comités de rédactions dans les
entreprises de presse publiques (télévision, radio, presse) dans son
cadre organisationnel global.
La question des comités de rédactions et leur organisation constitue, de
son point de vue, un des niveaux de l‟organisation des entreprises de
presse publiques et la réflexion peut sortir cette question hors contexte
224
organisationnel global vers des conséquences désastreuses qui risquent
d‟exacerber l‟état de perturbation que connaissent ces établissements.
Selon le Dr. Hammami « les expériences mondiales montrent que
l‟organisation des entreprises de presse publiques est basée sur
plusieurs fondements, parmi eux :
L‟élaboration d‟un cahier des charges entre les établissements de
médias publics et l‟Etat, renouvelable à intervalles périodiques
spécifiques. Ce contrat devrait articuler, d‟une façon détaillée, la mission
de ces entreprises qui jouissent d‟un financement public et leurs
fonctions dont, essentiellement, celles relatives aux informations, comme
condition, afin d‟illustrer la diversité politique. Ce contrat doit bénéficier
de l‟accord du parlement, en tant que pouvoir représentatif du public,
source de bien public, dont bénéficient les établissements de médias
publics. Le parlement interroge, également, les établissements de
médias publics lorsque celles-ci ne respectent pas l‟exécution des rôles
qui lui sont confiés dans ledit contrat.
Ce document constitue, également, une protection des journalistes qui
travaillent dans les établissements de médias publics, en tant que
référentiel auquel ils ont recours pendant l‟exercice de leurs fonctions.
Dans ce contexte nous pouvons signaler deux exemples :
- « Royal Charter » qui constitue le cadre général dans lequel travaille la
BBC et qui s‟étale de 2007 à 20161
- « Le Contrat d‟objectifs et de moyens » qui lie l‟entreprise de la
télévision publique française à l‟Etat2
1
http://www.bbc.co.uk/bbctrust/assets/files/pdf/about/how_we_govern/charter.pdf
Voir le Rapport du comité parlementaire sur le Contrat d’objectifs et de Moyens :
http://www.assemblee-nationale.fr/13/rap-info/i3789.asp
2
225
A un second degré, l‟établissement de médias public met en place une
charte rédactionnelle dont les principes sont inspirés du contrat auquel
nous avons fait référence. Cette charte est très précise et détaillée pour
ce qui concerne les grandes valeurs et principes sur lesquels se base le
journaliste dans l‟exécution de ses fonctions.
Et il est possible, également, au public d‟interroger les journalistes sur la
base de cette même charte rédactionnelle qui contraint le journaliste».
Dans ce cadre le Pr. Hammami cite deux exemples :
- la charte rédactionnelle de la BBC «BBC Editorial guidelines 3»
- La charte des antennes de l‟entreprise de télévisions publiques (France
Télévisions), qui délimite, d‟une façon détaillée, les principes sur
lesquels se base le traitement journalistique des événements (ex. les
principes qui règlementent la classification des informations 4)
Il affirme, également, qu‟il est possible, à l‟entreprise de presse, de
mettre en place d‟autres chartes sectorielles en rapport, par ex. avec
l‟utilisation des réseaux sociaux qui définie la responsabilité des
journalistes, ses devoir et ses droits.
Dans ce sens, Pr. Hammami considère «que la ligne éditoriale de
l‟Entreprises est définie en fonction du contrat qui lie l‟entreprise à
l‟Etatet à la charte rédactionnelle et qu‟il ne s‟agit pas d‟une pure
invention de l‟administration de l‟entreprise ou d‟une quelconque
imagination des journalistes qui y exercent, car l‟entreprise de presse
publique n‟est pas la propriété des employés, qu‟ils soient journalistes ou
techniciens ou encore administratifs, mais qu‟elle est la propriété de la
société et du public.
3http://www.bbc.co.uk/editorialguidelines/guidelines/
4http://www.francetelevisions.fr/downloads/charte_des_antennes_web.pdf
226
Quand l‟entreprise de presse ne respecte pas, -administration ou
journalistes-, les principes rédactionnels généraux ainsi que les fonctions
qui lui sont confiées, elle est soumise à l‟interrogatoire de l‟Instance
indépendante, qui supervise le secteur de l‟information audiovisuelle, à
titre d‟exemple, ou par le parlement, au moment du renouvellement du
contrat qui la lie l‟entreprise à l‟Etat».
Hammami fait remarquer que les expériences mondiales montrent que
les journalistes obéissent, en fonction de différents mécanismes, à
l‟interrogatoire du public et cite dans ce sens, l‟exemple du régime mis
en place par la BBC, pour recevoir les doléances publiques, pour tout ce
qui a rapport à toutes sortes de programmes, y compris les programmes
d‟informations »5.
Il rappelle, également, que l‟entreprise de presse publique peut créer la
fonction de médiateur ou d‟un «Ombudsman» dont le rôle est de faire
parvenir les avis du public aux instances journalistiques.
Hammami juge que «ces mécanismes représentent la plateforme
organisatrice, dans laquelle travaillent les instances journalistiques,
comme le prouvent les expériences internationales.
Dans ce sens, une approche saine suppose la création de ces
mécanismes pour la mise en place d‟une stratégie intégrée et
complémentaire, avant de traiter de la création de mécanismes de
gestion de comités de rédactions, afin d‟éviter le piège de l‟approche
fragmentaire et arbitraire»
Toujours dans le même sens, Hammami relève la nécessité de rappeler
également, l‟existence de ce qui est communément connu par « conseil
de rédaction » (qui est une organisation différente du conseil de presse,
5
http://www.bbc.co.uk/complaints/
227
considéré comme un des mécanismes d‟autorégulation dans le secteur
de la presse écrite).
Le conseil de rédaction (en France appelé « sociétés de journalistes6)
n‟est pas un syndicat, dont le champ d‟intervention est la défense des
droits moraux et matériels des journalistes et n‟intervient pas dans la
marche quotidienne de l‟établissement.
Il s‟agit, plutôt, précise-t-il, d‟une structure créée par les journalistes euxmêmes au sein de l‟entreprise et qui contribue à la recherche des
solutions aux difficultés pouvant survenir dans la relation avec
l‟administration.
Le conseil, veille également, à défendre l‟éthique et la déontologie
rédactionnelles lorsque celles-ci ne sont pas respectées, tant par
l‟administration que par les journalistes.
Le principal défi pour Hammami en définitive, «demeure la protection de
L‟institution publique de toutes stratégies de manipulation. Les dangers
qui menacent l‟Institution publique, peuvent provenir de la direction de
l‟entreprise de presse, lorsque celle-ci exerce des pressions sur les
journalistes. Le journaliste peut, également, à son tour, constituer un
danger sur l„indépendance de l‟Institution publique. L‟indépendance de
l‟Institution publique ne veut pas dire que les journalistes peuvent se
comporter à leur guise, sans frein ni «garde-fou», au nom de la liberté (le
journaliste n‟a pas le droit d‟utiliser l‟institution publique en faveur de ses
opinons politiques). L‟indépendance de l‟Institution publique, veut dire,
tout d‟abord : neutralité, pour être au service des citoyens ; autrement
dit, d‟être en mesure de les informer d‟une manière professionnelle et
neutre».
6
Voir les forums des conseils de rédaction en France:http://forumsdj.free.fr
228
«Les mécanismes cités, essentiellement le contrat (cahier des charges)
ainsi que la charte rédactionnelle, protègent le droit du public à une
information publique impartiale, équilibrée et digne de confiance et
dissuadent, également, toutes les parties, d‟autre part (direction et
journalistes). De ce fait, la gestion du comité de rédaction, dans
l‟entreprise de presse publique, devient une question secondaire,
puisque le responsable, de ce comité, n‟est plus en mesure d‟exécuter
un agenda personnel ou de composer avec l‟Institution publique selon
son point de vue propre, mais bien au contraire, Celui-ci est désormais,
tributaire de plus d‟une limite, qu‟il ne peut, en aucun cas dépasser. A
savoir, les limites d‟un code qui cerne les responsabilités de l‟Institution
publique avec précision».
Dans ce sens, Hammami fait remarquer que les expériences mondiales
démontrent également que l‟administration, procède, généralement, à la
nomination du directeur de l‟Information, qui veille à l‟application de la
politique de l‟établissement. Raison pour laquelle, il existe dans
l‟entreprise de la télévision publique française, un directeur général,
chargé des informations7, comme c‟est le cas à la BBC, dont le directeur
des informations relève de la direction générale (Executive Board).
Pour ce qui est de la supervision des comités de rédaction dans les
différentes chaînes de radios et de télévisions ou dans les différents
desks des agences de presse, Hammami rappelle que «les usages
établissent que le mieux est d‟adopter le principe de candidature (qui
diffère du principe de l‟élection).
Le candidat doit
répondre à
de
nombreuses
conditions
dont,
principalement, l‟expérience, l‟expertise, l‟intégrité et la bonne réputation
(la neutralité surtout). Les journalistes peuvent élire un collègue ou une
7
http://www.francetelevisions.fr/groupe/comite-executif.php
229
consœur qui obéissent à ces critères. Ensuite l‟administration procède
au choix d‟un journaliste dans cette catégorie pour exécuter les fonctions
qui lui incombent, sur lesquels il y eu accord et qui sont contenues dans
le «contrat» des objectifs ainsi que dans la charte rédactionnelle.
Le rôle du superviseur, du comité de rédaction, est de ce fait, la gestion
du travail quotidien des journalistes et non pas la conception d‟une ligne
éditoriale.
Le principe de jumelage entre la candidature et la nomination, permet
pour sa part, la responsabilisation et l‟interrogatoire. Quand le
responsable du comité de rédaction ne joue pas son rôle, c‟est
l„Administration qui y répond (l‟Instance indépendance qui supervise le
secteur de l‟audiovisuel pour ce qui concerne les chaînes de radio et de
télévisions).
Nous devons nous interroger, également, sur la partie qui aura à
demander des comptes au responsable du comité de rédaction quand il
est élu ! Est-ce par ses collègues ou par un comité externe?
Le principe d‟élection par les collègues, peut, aussi, déboucher sur des
conséquences désastreuses, comme lorsqu‟une majorité élit un
superviseur selon les appartenances idéologiques et politiques ».
A la lumière de tout ce qui précède, et au regard de la situation
tunisienne, pour Hammami «le système, dans sa globalité, qui gère
l‟information publique est, à peu près, absent», à l‟exception de l‟HAICA.
Et en l‟absence de ce système, toutes les réformes semblent
fragmentaires, sans aucune importance.
230
Nous sommes, également déficitaires, dit-il, en Tunisie d‟une culture
ancrée dans le domaine de l‟organisation de l‟institution publique dans le
secteur de l‟Information.
La mission urgente qu‟il faut mener sans tarder, à notre avis, est la mise
en place de cette stratégie qui se doit d‟être complémentaire dans le
secteur de l‟information publique»
En parallèle, pour Hammami il est impératif de mettre en place et de
toute urgence les mécanismes de protection de cet Institution publique,
afin de contrecarrer toute stratégie de domination et de manipulation
exercées par toutes les parties, y compris par certains journalistes non
tenus par les principes de neutralité et d‟impartialité, dans le contexte de
la polarisation politique actuelle.
A cet effet, il considère que la solution la plus adéquate consiste en
l‟élaboration d‟un cahier des charges relatif, principalement, au candidat
ou la candidate à la tête du comité de rédaction.
Ce cahier des charges doit comporter :
 Les principes de base de la ligne éditoriale de l‟établissement
(inspirés de la philosophie de l‟Institution publique, communément
connue, dans le secteur de l‟information, tel que la neutralité,
l‟objectivité et l‟équité.)
 Les principes sur lesquels est basée la politique du service des
informations dans l‟établissement concerné et les prérogatives qui
relèvent de ses compétences.
 Les prérogatives qui incombent au rédacteur en chef (la politique
des informations dans une radio régionale publique diffère,
théoriquement et logiquement, de la politique des informations
231
dans une radio culturelle, tant du côté du public que sur le plan des
priorités.)
 Les conditions auxquelles doit obéir le/la candidat(e) (expérience –
nombre d‟années- diplômes (maîtrise et plus). Une commission
mixte composée de représentants des journalistes et de la
direction générale doit élaborer le cahier des charges, pour affirmer
le principe de la responsabilité de tous et renforcer le principe de la
responsabilisation.
Cette commission a pour rôle de choisir le candidat parmi ceux qui
répondent aux critères.
Hammami considère qu‟il est possible, également, d‟imaginer un
mécanisme d‟évaluation du degré d‟engagement du rédacteur en chef,
en fonction des principes contenus dans le cahier des charges, tel que la
présentation d‟un rapport périodique.
- Arbi Chouikha: De sérieux obstacles à l’encontre de l’instauration
des comités de rédaction dans les établissements de médias
publics en Tunisie
Arbi Chouikha, Professeur de médias et de communication à l‟Institut
Supérieur
de
Presse
et
Sciences
d‟Informations
à
l‟Université
Tunisienne, insiste sur la nécessité d‟instaurer des comités de rédaction
dans les établissements médiatiques audiovisuelles et écrits et dit : « Il
est indispensable de mettre un cloison entre l‟administration et la
rédaction et tous ce qui se relève directement de la rédaction est du
ressort des comités de rédaction qui représente tous les journalistes de
l‟établissement médiatique »
Il appartient aux journalistes de créer les mécanismes qui les protègent
et c‟est eux qui font la décision au sein de leurs établissement
232
médiatique : Chouikha pense que les comités des rédactions font partie
des mécanismes qui protègent le journaliste. Ainsi que l‟établissement
médiatique contre l‟ingérence de l‟administration dans le contenu
médiatique mais aussi contre l‟autorité de l‟argent de la politique dans ce
contenu, ces mécanismes « sont des garanties de la liberté d‟expression
et constitue un cadre pour débattre des sujets d‟actualités que le
journaliste peut imposer au cours du conseil de rédaction ».
Chouikha parle de l‟expérience française et précisément le journal « Le
monde » où les chefs de services au sein du quotidien tiennent un
conseil de rédaction quotidien, deux réunions l‟une consacrée à
déterminer les principaux sujets et les angles des articles de presse,
tandis que la deuxième est consacrée à déterminer les « unes ».
Le professeur Chouikha pense que parmi les missions des comités de
rédaction est le choix des titres et de l‟édition des sujets et des angles
des articles de presse, ils planifient leur travail dans le cadre d‟une ligue
éditoriale de l‟établissement médiatique. Il ajoute que « l‟endossement
des comités de rédaction de cette responsabilité protège les journalistes
contre les interventions de l‟administration dans la rédaction, c‟est pour
cela qu‟il est indispensable qu‟il y ait une charte de rédaction dans
chaque établissement médiatique portant la signature de tous les
journalistes et comporte des principes impératifs à l‟égard du journaliste
au sein de établissement ».
Le professeur Chouikha considère que le mécanisme de création des
comités de rédaction peuvent faire l‟objet d‟un compromis ou sur la base
d‟élections. Cela varie selon l‟envergure de l‟établissement médiatique.
Chouikha affirme qu‟on ne peut pas parler d‟un modèle particulier
d‟expérience pour le comité de rédaction qui peut s‟appliquer dans les
233
établissements médiatiques tunisiennes, sauf qu‟il fait allusion au comité
de réforme de la presse et de la communication qui a été dissous,
présidé par le journaliste Kamel Laabidi, et qui a fait appel à des experts
de la chaîne Britannique « BBC » afin de découvrir l‟expérience des
comités de rédaction dans la dite chaine pour l‟adopter dans la chaine
nationale, Chouikha ajoute « la BBC est une chaine et une école au
niveau international dans le domaine médiatique mais on n‟avait pas
l‟intention de transposer cette expérience dans la chaine nationale car la
situation est différente ».
Le professeur Arbi Chouikha considère que la difficulté d‟instaurer des
comités de rédaction dans les établissements médiatiques publique en
Tunisie revient à plusieurs raison qui sont « l‟absence de conscience de
l‟importance des comités de rédaction notamment chez les journalistes.
Cette conscience peut à long terme se former et là on peut évoquer le
rôle de l‟institut de presse qui peut sensibiliser les journalistes.
Quant au deuxième obstacle il est psychologique en fait le journaliste en
Tunisie ne possède pas l‟esprit d‟appartenance à l‟établissement
médiatique parce que le principe d‟intimité y est absent, le journaliste a
le droit par exemple de savoir le montant des recettes de son
établissement médiatiques où il travaille pour se sentir à l‟aise.
Le professeur Chouikha donne un exemple de l‟efficacité des comités de
rédaction dans la protection de la ligne éditoriale de l‟établissement
médiatique, qui doit être clarifié dans tous les établissements
médiatiques. Cette ligne éditoriale fait fonction de boussole selon lui, cet
exemple est celui de l‟expérience du journal français « le monde » dont
le comité de rédaction a décidé de refuser toutes les offres de publicité
ou d‟annonces qui seraient en opposition avec la ligue éditoriale du
journal.
234
- Professeur Riadh Ferjani : Les comités de rédaction et les
mécanismes de rupture avec l’héritage de la dictature médiatique :
Dr. Riadh Ferjani, Professeur de sciences des médias et de
communication à l‟Université de Manouba et membre du Comité
indépendant de la communication audiovisuelle remarque que la
formation des comités de rédaction se situe dans un contexte historique
ayant pour fondement la rationalisation du travail à travers la répartition
des rôles et la fixation des rôles sous la contrainte du facteur temps qui
présente l‟un des plus importants des pressions des exigences de
production des produits médiatiques.
Et si aujourd‟hui on parle beaucoup des « expériences des pays
démocratiques », qui laisse entendre les pays de l‟Amérique du nord et
l‟Europe occidentale, le professeur Ferjani prévient de se laisser
emporter avec ce discours dominant à cause de l‟impossibilité de
transposer les expériences les plus réussies en raison de son
incompatibilité avec les différents contextes (discours dominant) la
question que se pose alors consiste à la possibilité de rationalisation du
travail journalistique et le pousser vers le professionnalisme tout en
prenant en considération les spécificités du champs médiatique tunisien.
Et selon son évaluation des tentatives faites pour instaurer des comités
de rédaction dans les établissements médiatiques tunisiens, le
professeur Ferjani met en garde des jugements radicaux sur des
expérience naissantes et pense que les conclusion les plus importantes
relatives à cette étape résident dans la formation de rapports de forces
non équilibrées entre des tentatives individuelles ou celles émanant de
petits groupes qui a cru en la nécessité du changement ou la rupture
avec le passé et entre système médiatique autoritaire secoué après la
révolution, mais elle fonctionne toujours selon les mêmes mécanismes.
235
Ferjani pense que parmi les causes de la fragilité des expériences de
formation des comités de rédaction et l‟échec de certaines d‟entre elles
est
la
confusion
conceptuelle
parfois
volontaire
entre
« média
gouvernemental » et « média publique » ainsi le recours excessif aux
expressions « ligne éditoriale » « code de conduite » et « charte
d‟honneur »… a conduit à la perte de l‟efficacité des comités de
rédaction et nous entendons par cela le professionnalisme de la
production médiatique et l‟égarement dans des cercles vicieux.
Ferjani considère que si la mission principale du rédacteur en chef
consiste à adapter le produit médiatique à la ligne éditoriale de
l‟établissement (et non pas la soumission à tous les genres de pressions
et de consignes venant de l‟extérieur de l‟établissement).
Cette mission devient difficile en l‟absence de codes de conduite ou suite
à la hâte dans la production et la retouche de codes détachés de la
réalité tunisienne.
Et en relation avec la question d‟élection de comités de rédaction dans
laquelle se sont engagés certains établissements médiatiques publiques,
le professeur Ferjani pense que ce mécanisme est un ancrage dans le
populisme et s‟exclut pas que les bénéficiaires de l‟adoption du principe
d‟élection sont ceux qui ont le plus souvent une connaissance des
rapports de forces à l‟intérieur de leur établissements médiatiques.
Et dans tous les cas, il pense que l‟élection ne pouvant garantir deux
conditions essentielles dans la mission de rédacteur en chef à savoir la
compétence et la crédibilité.
La compétence n‟est pas seulement l‟aptitude à organiser le travail et
diriger l‟équipe des journalistes mais aussi et surtout donner un plus
qualitatif au processus de la production de la matière médiatique et de
236
diminuer la marge d‟erreurs professionnelles. Quant à la condition de
crédibilité, elle est la condition la plus difficile à remplir en Tunisie
aujourd‟hui, car le champ médiatique et notamment son secteur
gouvernemental /publique est très influencé par le bipolarisme aigu du
champs politique, en plus du retard dans l‟ouverture des dossiers
anciens qui pourrait consolider le sens de la crédibilité et sa consécration
effective par le moyen d‟un tri entre ceux qui ont pratiqué le métier du
journalisme et l‟ont défendu et ceux qui se sont laissés emporter et ont
tiré profit de la dictature / du système de corruption médiatique.
-
Le
journaliste
Thameur
Zoghlami :
Il
existe
d’autres
mécanismes pour garantir la séparation entre l’administration
et la rédaction
Le journaliste Thameur Zoghlami, ex directeur de Radio Tataouine, voit
que la terminologie «comité de rédaction» utilisée dans les organes de
presse audiovisuels a été adoptée pour définir ou pour qualifier un
groupe de journalistes qui assurent la production de l‟information d‟une
quelconque entreprise de presse. Ce groupe est généralement constitué
du directeur de la rédaction, du rédacteur en chef et des responsables
de l‟édition des informations, ainsi que des journalistes. A peu de choses
près, le même modèle est valable pour production des programmes avec
un changement au niveau des appellations entre une expérience et une
autre.
Il affirme que par « comité de rédaction » il n‟est pas sous-entendu le
mécanisme adopté pour déterminer la production de la programmation et
de l‟information, mais il s‟agit, plutôt, d‟une formule qui regroupe les
responsables de cette production.
237
Zoghlami précise que le mécanisme adopté pour définir les contenus et
leur classification ainsi que la manière de les couvrir est appelé
« conférence de rédaction » à laquelle prennent part, tous les
journalistes, pour exprimer les points de vue et faire des propositions sur
des sujets à couvrir et la manière de les traiter. Il considère que c‟est au
rédacteur en chef que revient la décision finale en cas de désaccord, en
tant que garant de l‟indépendance et de la neutralité et de l‟exhaustivité
de la couverture. C‟est également lui le responsable de tous ces critères
devant le directeur de la rédaction : il défini la stratégie générale de
l‟exercice journalistique en rapport avec les sujets ou les informations et
assume la responsabilité juridique devant la loi et celle professionnelle
devant l‟Autorité indépendante de l‟audiovisuel.
Zoghlami pense que la création d‟une commission indépendante de
l‟audiovisuel en tant qu‟Autorité de contrôle des contenus, peut aider à
réguler le champ médiatique audiovisuel, d‟une façon générale, et à
proposer des méthodes de travail au gouvernement pour ce qui
concerne des entreprises de presse audiovisuelles. A ce propos,
Zoghlami,
suggère,
une
représentativité
d‟experts
et
des
professionnelles au sein des conseils d‟administrations de ces
entreprises, comme solution régulatrice, à laquelle on ajoute un code de
conduite ou une charte journalistique, qui sera en quelque sorte la
« constitution » des journalistes.
-
Le Professeur Habib Belaid : L’importance du mécanisme
relatif au choix du rédacteur en chef dans la garantie de
l’indépendance du service public :
Le professeur Habib Belaid, l‟ex Président Directeur Général de
l‟Etablissement de la radio tunisienne et membre du Comité indépendant
238
de communication audiovisuelle considère que le rédacteur en chef ne
doit pas être élu mais désigné par le directeur de l‟établissement
médiatique publique, il ajoute qu‟il ne faut pas lier l‟indépendance du
rédacteur en chef, et du coup le contenu médiatique, se passer du
mécanisme de désignation de personnes à la tête de la rédaction, et que
dans les plus enracinées des démocraties n‟existe guère le mécanisme
d‟élection
de
rédacteur
en
chef,
mais
plutôt
la
garantie
de
l‟indépendance du rédacteur en chef et le protection de la ligne éditoriale
de l‟établissement médiatique publique sont liés à d‟autres anneaux
dans une chaine garantissant la préservation du professionnalisme, ces
anneaux sont l‟impartialité du directeur de l‟établissement médiatique qui
est en lui-même et forcément une garantie de l‟impartialité du rédacteur
en chef, en plus de l‟existence d‟un code de conduite qui détermine les
règles de travail pour tous les employés de l‟établissement médiatique y
compris le directeur de l‟établissement et le rédacteur en chef ».
Belaid pense qu‟il faut suivre cette démarche en Tunisie, aussi faut-il
adopter de nouveaux statuts pour l‟établissement ainsi que la formation
d‟un conseil d‟administration diversifié, dont les membres ne se limitent
pas aux ministères, mais qu‟il soit ouvert à la société civile. Il considère
que cette démarche est nécessaire afin de constituer pour un avenir
sérieux pour les médias publics en Tunisie, car les choses ne vont pas
s‟arranger avec des solutions-bricolage, il faut plutôt penser à la réforme
profonde. Il est du devoir des tous la ceux qui travaillent dans
l‟établissement de médias publiques d‟ôter la casquette politique durant
l‟accomplissement de leurs travail ».
Conclusion :
Le Centre de Tunis pour la liberté de la presse, qui traite les dossiers
des comités de rédaction dans les établissements de médias publics, a
239
été certain qu‟il travaille dans un espace dans lequel les intérêts se
croisent, les pressions le tiraillent, les compétences et les connaissances
varient, et l'enthousiasme de ceux qui œuvrent pour le développement
de la rédaction et pour sa défense à l‟encontre de l‟interférence
administrative / politique ne sont pas harmonieuses. Il a été aussi certain
qu‟il est en train de traiter une affaire centrale dans un domaine au a été
en délabrement ahurissant pendant les décennies de la dictature qui l‟a
complètement déformé, ce qui a poussé certains à proposer des
traitements extrêmes à l‟instar de « l‟assainissement global » à la
manière romaine dans la télévision publique ou la privatisation.
Sauf, il s‟est avéré pour le centre que « les déceptions » dans l‟évolution
dans ce sujet ne résultent pas seulement des difficultés objectives et
subjectives qui entourent le service public médiatique, mais également
de l‟intérieur des traitements que ce soit à travers l‟exigence d‟un paquet
de réformes stratégiques au seins de ces établissements structurel, légal
et codes de conduite, ceci peut réduire l‟importance de toutes les
avancées partielles, ou à travers « le harcèlement » au moyen d‟un
arsenal d‟ordres conceptuels tirés d‟expériences internationales et de
contextes sociaux différents pour servir de référence dans le sujet .
Lorsque le Centre a décidé de traiter avec le sujet des comités de
rédaction dans les médias publiques, c‟était dans le cadre de la
protection des journalistes en premier lieu et fondamentalement de toute
violation dans les salles de rédaction dans le cadre d‟un service public
qui soutient la transition démocratique et consacre le professionnalisme
indifféremment du nom attribué à ce cadre, comptant en cela sur la
secousse psychologique provoquée par la révolution tunisienne parmi
ceux qui travaillent dans le domaine et qui les a poussé à se précipiter à
soumettre le sujet pour discussion et créer des « cadres »de protection
240
de la rédaction qu‟on ne peut pas lier uniquement à « l‟intention » de la
prémonition et du soutien professionnel et syndical de certains.
La réalité d‟une opinion publique qui fait pression afin d‟éloigner la
rédaction de tout tiraillement ou interférence et la multitude des
approches inspirées des valeurs des droits de l‟homme et qui sont
protectrices des journalistes, loin de détours qui peuvent empoisonner
l‟éthique professionnelle, étant la résultante d‟un long processus et non
pas une réalisation en soi, sont autant de facteurs qui incitent
aujourd‟hui, aussi, à remettre la question des comités de rédactions sur
la table.
En revenant sur cette question, le Centre compte, essentiellement sur
les journalistes exerçant dans les entreprises de presse publiques, en
tant que détenteurs de la décision finale et fabricants du contenu
médiatiqueet, surtout, en tant que principaux bénéficiaires/victimes de
l‟évolution de la réalité des salles de rédactions A condition que la
démarche soit basée sur une révision critique des anciennes
expériences, de l‟acquisition d‟une connaissance globale des différentes
formes de contrôle sur le contenu et le non-retour à ces pratiques et leur
assimilation, et ce, par la création de mécanismes garants, dont les
méthodes de désignation du rédacteur en chef occupent une place de
choix.
Il est possible à l‟HAICA, de jouer un rôle fondamental dans ce cadre, du
fait que sa mission régulatrice suppose, également, la proposition de
formes de gouvernance dans les salles de rédactions, en tant que
rempart de l‟indépendance de la décision journalistique et en tant que
stimulant des capacités auto protectrices contre toutes tentatives de
pression.
241
Quant aux experts du secteur, ceux-ci ont le devoir de hâter le débat sur
les comités de rédactions dans les cadres publics et éducatifs, à travers
les recherches et la tenue de congrès, ainsi qu‟à travers la présentation
d‟expériences comparatives et une démonstration précise de la situation
tunisienne, grâce à une communication soutenue avec les entreprises de
presse publiques et ceux qui y exercent.
Il
est
attendu,
également,
des
structures
et
des
instances
professionnelles et syndicales ainsi que des organisation des droits
humains et les acteurs du secteur de l‟information d‟offrir toutes les
opportunités rendant possible la mise en place des comités de
rédactions dans la presse publique et d‟œuvrer à pallier aux difficultés
administratives et techniques pouvant survenir à cet effet, de façon
àéviter à ces comités, le risque de s‟ériger sur des mécanismes qui
peuvent étouffer les libertés journalistiques sous diverses bannières.
Cependant, une grande partie ayant motiver l‟intérêt d‟aborder cette
question dans le sens de la réactivation des comités de rédactions, sera
portée par les organes de presse, qui ont la charge de garantir les
espaces nécessaires pour la sensibilisation de l‟importance de ce
dossier et d‟en discuter les détails, ce qui reflètera, à son tour, le degré
de sensibilisation des journalistes à ce sujet et leur enthousiasme pour
sa défense.
242
243
RAPPORT SUR LES VIOLATIONS COMMISES SUR LES FEMMES
JOURNALISTES
Octobre 2012/ Avril 2013
Ce rapport est élaboré par :
Mohammed Yassine Jelassi
Fahem Boukaddous
I. Préambule :
La révolution tunisienne a triomphé de l‟un des plus importants slogans:
La liberté. Elle a donc imposé les libertés médiatiques, éradiqué les
résidus de la peur chez les journalistes et les receveurs de l‟information,
permis la multiplication et la pluralité des supports médiatiques, évacué
les interdits de leur contenu et nombreux sont ceux qui ont rejoint le
secteur pour ce qu‟il représente, désormais, comme garantie pour la
défense des libertés publiques et individuelles ainsi que pour le
renforcement du développement politique et social.
Néanmoins, la sphère professionnelle a connu, le contrecoup, d‟une
escalade des agressions sur le secteur et sur ceux qui y travaillent, au
point de susciter de sérieuses inquiétudes quant à un possible retour aux
anciennes pratiques dans le champ des libertés.
244
L‟Observatoire du Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse a
procédé, depuis le mois
d‟octobre 2012, à la publication de
communiqués et de rapports périodiques qui recensent les différentes
violations et leurs natures, avec à chaque fois, les recommandations
nécessaires pour y mettre fin et s‟y opposer d‟une manière efficiente.
Après tant de mois, le Centre a voulu, cette fois, traiter ces violations
selon la notion du genre pour ce qui concerne les femmes journalistes.
II.Lecture exhaustive des violations commises sur les journalistes
femmes, octobre 2012 -avril 2013 :
.
Les méthodes de communications avec les victimes des violations
L‟Observatoire du Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse a
enregistré 38 agressions commises sur des femmes, qui exercent dans
le secteur de la Presse, selon les méthodes suivantes :
-La réception de plaintes et de témoignages adressées directement par
les ; agressées elles-mêmes, au Centre de Tunis pour la Liberté de la
Presse ;
-La réception de courriels ;
-La prise de contact avec un certain nombre d‟agressées ; dont le cas a
été relaté dans différents supports médiatiques ou par le biais de relais
sociaux
245
-Sur la base de faits rapportés par des activistes des droits humains ;
-Sur la base de déclarations faites aux entreprises de presse ou celles
de l‟agresseur lui-même.
Paysage statistique :
*Durant la période d‟observation ci-dessous indiquée, on constate que
28 violations contre 38 femmes travaillant dans le secteur de
l‟information ont été enregistrées.
Le graphique ci-dessous localise les zones géographiques où ont eu lieu
des violations sur toute la République tunisienne. Comme on le voit en
évidence, le plus grand nombre de journalistes ayant subi des
agressions est enregistré dans la capitale Tunis, à cause de la
concentration du champ médiatique, d‟une part, et en raison de la
difficulté de l‟observation des violations dans les régions intérieures ainsi
qu‟au nombre, plutôt, réduit de l‟effectif de la presse régionale en
comparaison avec celui centrale.
*Le graphique suivant démontre le rythme, depuis le mois d‟octobre à ce
jour. On constate que les violations ayant touché les journalistes femmes
ont connu leur point culminant au mois de janvier 2013, avec un nombre
246
qui atteint 15 violations sur un total de 56 violations contre les
journalistes en Tunisie et qui coïncide avec la tenue de manifestations,
marches, grands rassemblements populaires, à caractère social et
politique oui il y a intervention de la Sécurité, plutôt, avec un
acharnement exagéré.
*Dans le graphique ci-dessous, on peut relever la nature des violations
que rencontrent les journalistes femmes et qui se distingue, tant à
travers l‟interdiction de mener sa mission, qu‟aux poursuites judiciaires
en passant par la confiscation du matériel de travail. On remarque,
également, que la majorité des violations que nous avons observées
relèvent de l‟interdiction de travailler, au nombre de 24 agressions,
suivies, d‟agressions verbales au nombre de 22.
247
Une structure mentale générale alimente les agressions contre les
journalistes femmes :
Quatre journalistes femmes sur un total de 38 ont fait l‟objet d‟agressions
à caractère sexuel, qui vont de l‟atteinte à la pudeur jusqu‟au mépris du
sexe féminin et l‟atteinte à la dignité. Cependant, ce chiffre ne reflète pas
la réalité, dès lors où la majorité des agressions du genre et celles qui
gravitent tout autour, ne sont pas systématiquement déclarées à la
presse ni aux organisations concernées. Et si cette abstention, relève,
en grande partie de l‟appréhension des agressées quant à la réaction de
leurs agresseurs, surtout si ces derniers étaient des patrons de presse
ou font partie de l‟environnement professionnel, cette abstention, est la
résultante, en définitive, d‟une mentalité générale bien ancrée qui
consacre l‟infériorité des femmes dans les faits et les présente, la plupart
du temps, comme étant partie prenante de n‟importe quelle violence à
caractère sexuel dont elle ne sont, pourtant, que victimes.
Une situation institutionnelle médiatique qui favorise les agressions
contre les journalistes femmes :
Les observateurs du champ médiatique s‟accordent sur le fait que si le
nombre des journalistes femmes dépassent celui des hommes dans le
secteur, celles-ci n‟ont pas pour autant accès aux postes de
responsabilités dans les directions et les rédactions, ce qui est, par
conséquent, loin de refléter la réalité de leur présence dans les
entreprises de presse.
Nous avons, en effet, remarqué, en observant cinq entreprises de presse
tunisiennes (5 chaînes de télévision : –« Al Watanya 1 », « Nesma », «
248
Hannibal », « El Hiwar Ettounissi » et « Tounesna »)-( 5 journaux : – «
Ech-Chourouq », « As-sabah », « Al-Fejr », « As-Sahafa », et « Ekher
Khabar »)-(5 radios : – « El Watanya », « Shems FM », « Radio 6 », «
Mozaïque FM » et « Radio kalimat », (5 sites électroniques : – « Jadal »,
Tanit Press », « Nawat » et « Busness News »), que seul 15% des
postes dans les directions de ces entreprises sont tenues par des
femmes et que 20% parmi elles occupent le poste de directrice générale.
Toutefois, cette représentation n‟obéit pas, la plupart du temps, aux
critères de compétences professionnelles et aux diplômes scientifiques,
tant elle reflète une domination machiste classique, dans la gestion du
paysage médiatique tunisien.
Souvent, des journalistes femmes sont recrutées ou nommées, non pas
seulement pour tenir un rôle professionnel, comme le dictent les règles
objectives et scientifiques, mais sur la base d‟autres critères liés à la
constitution physique et de beauté tel que le dicte une certaine mentalité
rongée par la convoitise et le marchandage, réduisant de fait,
l‟importance des femmes journalistes et facilitant leur exploitation tant
matérielle que professionnelle, favorisant par là même, largement, le
champ aux agressions à caractère, essentiellement, sexuel.
III. Evaluation détaillée des agressions sur les journalistes femmes:
01/12/2012
Le directeur général imposé de Dar As-Sabah, Lotfi Touati, a interdit à la
consœur
Monia Arfaoui d‟entrer à l‟Entreprise, au prétexte que son
contrat était venu à échéance. Touati s‟est fait aidé dans son entreprise
par les agents de gardiennage, au nombre de trois, à qui il avait « offert
249
» des contrats de travail, le jour même où il avait procédé à l‟intimidation
des employés de l‟Institution. La consœur a été insultée et injuriée à
cause de son combat pour l‟indépendance de la ligne éditoriale d‟AsSabah.
03/102012
Le directeur général de Dar As-sabah a porté plainte contre les
journalistes Mouna Ben Gamra et Sana Farhat pour « obstruction à la
marche du travail et incitation ». Les deux consœur s ont été
convoquées au poste de police d‟El Menzah. Elles ont déclaré, par la
suite, que ces accusations sont infondées et qu‟il ne s‟agit que d‟un
procédé d‟un autre genre, pour intimider les journalistes et les obliger à
revenir sur leur droit de revendiquer la démission du directeur général «
parachuté ».
17/11/2012
Ibtissem Abdelkader, journaliste à la chaîne « Al Hiwar Ettounissi », a
été victime, le 17 novembre 2012 d‟une agression verbale manifestée
par des insultes proférées par nombreux citoyens à Jradou, dans le
gouvernorat de Zaghouan, alors qu‟elle était en train de couvrir la
cérémonie des obsèques de jeunes appartenant au mouvement
salafistes combattant. Ibtissem Abdelkader, qui était accompagnée du
caméraman Oussama AbdelKader, affirme, « qu‟un nombre important de
médias locaux et internationaux étaient présents, mais l‟agression était
dirigée vers nous, précisément, ce qui veut dire qu‟il s‟agit d‟une
agression planifiée envers la chaîne elle-même ». Elle ajoute : « Nous
250
avons été qualifiés de média de la honte, de hâtés, de mécréants et de
laïcs ».
18/11/2012
Sihem Ammar, journaliste au site « Jadal » a fait l‟objet d‟un harcèlement
et d‟interdiction de travailler à la gare des chemins de fer de la ville de
Nfidha, dans le gouvernorat de Sousse. Le chauffeur du train lui a intimé
l‟ordre de cesser de filmer au moment elle était en train d‟effectuer un
reportage sur l‟état des voyageurs, l‟accusant de vouloir « pêcher dans
des eaux troubles, comme tous les journalistes ». De plus, quand elle est
montée dans le train, le receveur lui a demandé d‟acheter un autre ticket
de voyage, alors qu‟elle avait déjà acheté un billet au tarif réduit dont
bénéficient les journalistes, preuve que la consœur était particulièrement
ciblée parmi le lot des voyageurs.
A son arrivée à la Capitale, Sihem Ammar fut surprise de constater, qu‟à
peu près une vingtaine d‟employés des chemins de fer l‟attendaient,
pour lui demander de leur céder la caméra ou à la limite de supprimer
tout ce qu‟elle avait filmé, ce qu‟elle a refusé, surpassant toute la
pression et les accusations qui lui étaient dirigées, dont l‟incitation.
28/11/2012
Des consœur s de différents organes de presse ont fait l‟objet
d‟agressions matérielles et morales, le 28 novembre 2012, dans la ville
de Siliana, par des agents de l‟ordre, au moment où elles étaient en train
d‟effectuer leur devoir professionnelle, en couvrant des protestations
populaires survenues dans cette ville. Elles ont été empêchées de
travailler et de filmer et ont dû lutter contre des tentatives de confiscation
de matériels. Il s‟agit de Sihem Ammar du site « Jadal », Naïma Charmiti
du site « Arabesque TV », Soufia Hammami, correspondante du journal
251
international «Al Hodhod » et Hend Jebali, du journal électronique« Al
Massira ».
30/11/2012
Le 30 novembre 2012, la journaliste photographe de « Sawt Ech-Chaâb
», Meriem Zemzari, a été agressée par utilisation de gaz lacrymogène.
La journaliste déclare à l‟Observatoire du Centre de Tunis pour la Liberté
de la Presse, qu‟au moment où elle s‟apprêtait à prendre en photos une
marche dans la ville de Siliana, les forces de luttes contre les troubles
l‟ont visée en lui lançant une bombe lacrymogène, ce qui lui a provoqué
un étouffement suivi d‟évanouissement. Zemzmi affirme qu‟elle était à
l‟écart des manifestants au moment où elle fut ciblée et portait le gilet «
Presse » qui la distinguait bien des autres citoyens, sauf que l‟agent qui
a lancé la bombe savait bien ce qu‟il faisait, selon sa version. Zemzmi a
été transportée à l‟hôpital régional de Siliana, suite à cette agression
pour obtenir les soins nécessaires.
08/12/2012
Saïda Trabelsi, journaliste de la chaîne « El Hiwar Ettounoussi » a été
sujette à des insultes et toutes sortes d‟injures, le 8 décembre 2012,
alors qu‟elle couvrait une manifestation organisée à l‟Avenue Mohamed
V. la consœur
déclare à l‟Observatoire de Tunis pour la Liberté de la
Presse qu‟elle en avait compati quand elle essayait de couvrir
l‟événement et que sa chaîne a été qualifiée du pire, soulignant que des
dizaines de manifestants lui ont demandé de ne pas couvrir le
mouvement et de quitter les lieux où ils étaient rassemblés. D‟autres l‟ont
traitée, carrément, de « chienne ».
14/12/2012
252
Journaliste au site « Arabesque TV », Naïma Charmiti, est empêchée
d‟obtenir des déclarations de Mr. Hamadi Jebali, alors chef du
gouvernement provisoire, suite à sa participation à un colloque sur
l‟argent tunisien dilapidé. Les gardes du corps du premier ministre qui
ont décidé de la fin du point de presse avant terme, ont bousculé
violemment Charmiti.
25/12/2012
La direction sectorielle pour la recherche économique et financière
convoque, le 25 décembre 2012, la journalise Monia Arfaoui du journal
As-Sabah pour l‟interroger sur le contenu d‟un article. Le Ministère
publique avait auparavant suscité une telle convocation suite à un article
publié au journal « As-Sabah Al Ousbouï », en date du 26 mars et intitulé
« Le Syndicat révèle des faits anormaux dans la prison tunisienne
d‟Abou ghraïeb ». Arfaoui avait, également, comparu, à une autre
occasion devant la même brigade le 02 janvier 2013 à propos du même
dossier.
27/12/2012
.
Nadia Zaïer, journaliste à « Adhamir » s‟est présentée devant le tribunal
de première instance de Tunis, pour diffamation et insultes. Un ex
président de l‟Union nationale de l‟Industrie et du Commerce avait
accusé Nadia Zaïer de l‟avoir diffamé dans un article paru dans le
numéro 41 du journal, dans lequel elle parle de soupçons de corruption
au sein de l‟Union. Le tribunal a décidé un non lieu dans cette affaire en
faveur de la consœur
pour défauts de procédures. Rappelons que le
plaignant avait déjà bénéficié de son droit de réponse sur les colonnes
du même journal dans son édition n° 42.
253
03/01/2013
Le 03 janvier, la consœur Amina Zayani de la radio privée « Kalimat » a
fait l‟objet de harcèlement et d‟injures de la part de membres de
l‟Assemblée nationale constituante, suite à un reportage qu‟elle avait
réalisé sur le mouvement de certains Constituants entre les partis
politiques. Zayani avait saisi, le jour suivant, le président de l‟Assemblée,
pour qu‟il prenne les mesures nécessaires à ce sujet.
04/01/2013
Le ministère public publie, le 04 janvier, une décision d‟interdire la
bloggeuse et journaliste Olfa Riahi de voyages, suite à l‟ouverture d‟une
enquête judiciaire sur le contenu de documents qu‟elle avait publiés
concernant des soupçons de dilapidations de l‟argent public par le
ministre des affaires étrangères tunisien. Riahi, a du affronter des
accusations pour «outrage à un fonctionnaire public » conformément aux
dispositions de l‟article 125 du code pénale, « pour avoir imputé à un
fonctionnaire public ou assimilé des faits illégaux en rapport avec ses
fonctions, sans en établir la véracité », conformément à l‟article 128 et de
« calomnie » sur la base des articles 245 et 247, du même code, outre
des accusations pour « atteintes à des données personnelles »
conformément à la loi de 2004 et pour avoir « nuit à un tiers à travers les
réseaux publics des télécommunications » conformément à l‟article 86
du code des télécommunications. Riahi s‟est présentée à l‟instruction le
15 janvier 2012, cependant, en tant que témoin, dans l‟attente du début
de l‟investigation pour les accusations qui lui sont attribuées.
254
05/01/2013
Amel Chahed, journalise de la télévision tunisienne déclare, le 05
janvier, qu‟elle « subi des pratiques de harcèlement dans son travail de
journaliste, dans la tentative de freiner ses efforts quand il s‟agit de
donner des informations aux Tunisiennes et aux tunisiens sur ce qui se
passe autour d‟eux ». Cette déclaration fait suite aux changements
unilatéraux effectués par la direction de la télévision ayant touché à la
plage horaire ainsi qu‟au timing du programme présenté par la consœur
et intitulé « A l‟heure de la Une » (Bi tawqit Al Ôula), procédures que
Chahed met sur le compte du malaise ressenti par les responsables
gouvernementaux quant au contenu de son émission, ce qu‟ils ont
exprimé clairement.
31/01/2013
Mouna Bouazizi, journaliste à « Ech-chourouk » est convoquée, le 31
janvier par le juge d‟instruction auprès du tribunal de première instance
de Tunis, suite à une plainte déposée par « Hajji Kalbouti », en sa qualité
de président du conseil d‟administration de la Mutuelle des Accidents
Scolaires et Universitaires, suite à un article publié par la consœur dans
l‟édition d‟Ach-Chourouq en date du 7 septembre 2012, dans lequel elle
traite de certains problèmes et manquements constatés au sein de la
Mutuelle. Rappelons que le plaignant avait déjà bénéficié de son droit de
réponse sur les colonnes du même journal, conformément à la
règlementation en vigueur. La consœur
a du affronter les
conséquences d‟accusations en « diffamation » et « publication de
fausses nouvelles », conformément aux articles 54 et 55 du décret loi
n°115 et pour « outrage à un fonctionnaire public », conformément à
255
l‟article 126 du code pénal. Bouazizi a bénéficié, le 31 janvier, d‟un non
lieu en sa faveur pour défauts de procédures. Le ministère public a,
cependant, poursuivi le jugement dans l‟affaire, le 02 février 2013, ce
que les avocats considèrent comme une procédure non justifié.
Dans un autre cadre, Bouazizi affirme, à l‟Observatoire de Tunis pour la
Liberté de la Presse, qu‟elle a été convoquée, le mercredi 26 janvier, par
la brigade criminelle d‟El Gorjani, suite à une plainte déposée par le
président de l‟Union de l‟Agriculture et de la Pêche, Ahmed Hnider
Jarallah. Bouazizi avait publié un article dans lequel elle évoque
l‟incendie survenu dans une entreprise appartenant à l‟ancien président
de l‟UTAP ChekibTriki, avec comme légende sous sa photo, « Le
président légitime de l‟Union », en allusion au conflit qui l‟oppose à
Jarallah, pour la présidence de L‟Union, ce qui a suscité l‟ire de ce
dernier, au point qu‟il décide de porter plainte contre la journaliste qui fait
remarquer que l‟affaire était anodine et qu‟elle ne méritait pas tout ce
tapage et qu‟un « droit de réponse » aurait suffi.
22/01/2013
Le 22 janvier, nombreuses journalistes se plaignent de mesures
surprenantes prises à leur égard par la présidente adjointe du président
de l‟Assemblée nationale constituante, en leur interdisant d‟interagir
dans les coulisses de l‟Assemblée et de vouloir les cloîtrer dans un
espace exigu délimité en verre et en fer. Des journalistes affirment que
ce procédé porte atteinte à la liberté d‟accès à l‟information et est une
tentative d‟orienter les journalistes vers la couverture des seules
plénière, et qu‟il s‟agit de restrictions contraires à la réglementation
régissant le fonctionnement de l‟Assemblée. Ces mesures ont concerné
256
Nesrine Allouche de radio « Jawhara FM », Ahlem Ben Abdelli de radio «
Chems FM »,Sayda Hammami de radio « Mozaïque FM », Sihem
Mhamdi de la chaîne « Al Hiwar Ettounoussi », Amina Zayati de radio «
Kalimat », Hajer Mtiri de radio « Twensa » et Sihem Ben Ammar du site
« Jadal ».
24/01/2013
La bloggeuse et camerawoman, Rym Thabti a fait l‟objet, le jeudi 24
janvier, sur le site du marabout Abu Loubaba Al Ansari, dans la ville de
Gabès, d‟une agression par des citoyens, au moment où elle s‟apprêtait
à filmer la célébration rituelle de la naissance du prophète. Un participant
à la manifestation religieuse s‟est dirigé vers Thabti et lui a demandé de
quitter le lieu, considérant « que l‟endroit étant sacré, il n‟était donc pas
permis d‟y filmer ». La scène s‟est passée devant tous les présents.
Thabti refusant d‟obtempérer, la même personne la tire par le bras pour
l‟ «évacuer », au point de la faire tomber en la bousculant.
06/02/2013
Le 06 février 2013 Meriem Nasri du site « Jadal » et Saïda Trabelsi, de
la satellitaire associative « Al Hiwar Ettounissi » ainsi que la photographe
indépendante Sabrine Belkhouja ont été battues par les forces de
sécurité pendant qu‟elles couvraient une manifestation à l‟Avenue Habib
Bourguiba, dans la Capitale, en signe de dénonciation de l‟assassinat de
l‟opposant politique Chokri Belaïd.
07/02/2013
257
Ferida Mabrouki, correspondante de l‟Agence Tunis Afrique Presse pour
le gouvernorat de Gafsa, a été sujette à une violente agression verbale
par un agent de police, portant l‟uniforme, au moment où elle était en
train d‟effectuer son devoir professionnel, en couvrant les affrontements
entre des forces de sécurité et des manifestants, suite à l‟assassinat de
Chokri Belaïd. Un agent l‟a insultée et lui a adressé des propos
obscènes et humiliants au vu et au su des citoyens. Chiraz Khnissi,
correspondante de la chaîne électronique « Tounes El Ikhbarya » a pour
sa part, fait l‟objet de violences, le même jour, dans le centre de Gafsa,
quand un agent de la sécurité l‟a expressément bousculée, avant de la
traîner par terre. Abir Sidaoui, correspondante de la chaîne « Tounes Al
Ikhbarya » à Sfax a, également, été agressée par un individu en civil qui
s‟est présenté comme étant un agent de sécurité. Ce dernier a dessaisi
par la force, la journaliste de sa caméra et l‟a fait tombée par terre quand
elle était concentrée à faire son travail en couvrant des manifestations de
dénonciation
de l‟assassinat de
Chokri
Belaïd.
L‟agresseur, a,
également, adressé un tas d‟insultes et autres propos humiliants en
direction de la journaliste.
16/02/2013
Dans l‟après midi du 16 février 2013, Meriem Zamzari, qui exerce à
l‟hebdomadaire partisan « SawtEch-chaâb », a été victime d‟une
agression matérielle et verbale quant elle était en train de couvrir la
marche, à laquelle a appelé le mouvement Nahdha, à l‟Avenue Habib
Bourguiba dans la Capitale. Zamzari déclare, qu‟au moment où elle
filmait la manifestation au niveau de l‟hôtel Al Hana international,
nombreux manifestants, se sont dirigés vers elle pour l‟insulter et
l‟injurier, la qualifiant de traitresse envers la Nation et l‟accusant
258
d‟appartenir aux « médias de la honte », avant que l‟un d‟entre eux la
bouscule violemment. Le prie a été évité grâce à l‟intervention de
quelques citoyens au bon moment.
26/02/2013
Les services du ministère de l‟Intérieur ont interdit, le 26 février 2013,
cinq journalistes de couvrir une conférence de presse donnée par le
ministre de l‟Intérieur à propos d‟informations relatives à l‟assassinat de
ChokriBelaïd. Cette interdiction a été justifiée par l‟exigüité de la salle qui
ne pouvait contenir tous les journalistes venus couvrir l‟activité.
Les journalistes concernées par cette mesure sont Naïma Mansour
Charmiti du site « Arabesque TV », Sihem Mhamdi de la chaîne « El
Hiwar Ettounissi », Khawla Chabbeh du site « Jadel », Olfa Gharbi de
radio « Sabra FM » et Asma Ben Massoud du site « Al Jarida ».
10/03/2013
Samira Soury, journaliste du bureau de la chaîne associative « Al Hiwar
Ettounoussi » pour le Sud-ouest a fait objet d‟une agression ciblée par
un motard. Souri qui couvrait au moment où l‟incident est survenu, la
visite de Mme Besma Khalfaoui, veuve du martyre Belaïd qu‟elle avait
effectuée à la délégation d‟El Ktar du gouvernorat de Gafsa. Une moto
arrive et percute Samira Soury, son conducteur l‟insulte et l‟injurie,
expressément, avant de prendre la fuite. Cette agression lui a causé une
profonde blessure au niveau de la cheville droite. Souri a fait savoir à
l‟Observatoire du Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse qu‟elle a
porté plainte à ce sujet.
259
11/03/2013
Lundi
11
mars,
la
journaliste
du
quotidien
Ech-Chourouq,
khadijaYahyaoui, reçoit une convocation du ministère publique du
tribunal de première instance de Tunis pour se présenter devant le
procureur adjoint chargé de la Diffusion et de la Presse. Yahyaoui avait
publié, dimanche 10 mars 2013, un article dans lequel elle traite de
nouvelles données sur l‟arrestation de l‟assassin de Chokri Belaïd.
Yahyaoui s‟étonne, dans un entretien avec l‟Observatoire du Centre de
Tunis pour la Liberté de la Presse, de la rapidité avec laquelle le
ministère publique a réagi pour la convoquer, considérant cette attitude
comme étant l‟illustration du contrôle exercé sur le contenu médiatique
dans notre pays.
13/03/2013
Houda Kchaou déclare, à l‟Observatoire du Centre de Tunis pour la
Liberté de la Presse, que depuis un moment, elle vit sous pression et
terreur tant à son arrivée qu‟à sa sortie de la radio. Elle ajoute que « des
pages douteuses de Facebbok sont en train de la souiller et d‟inciter à
son encontre », accusant la Ligue de protection de la révolution de la
région d‟être derrière ces actes. Sa consœur ,Abir Chakroun, affirme, de
son côté, qu‟ « un nombre de prédicateurs comptant pour le parti
Nahdha, l‟avaient nommément citée dans leurs prêches, l‟accusant
d‟apostasie, parce qu‟elle refuse de faire partie de ces porte-voix
gouvernementaux, fidèle à l‟indépendance et à la neutralité de la ligne
éditoriale de son entreprise ». Les confrères et consœur s contacté-e-s
par l‟Observatoire, accusent un de leurs collègues de cibler les
260
journalistes femmes de la radio, allant jusqu‟à les qualifier de filles de
mauvaises moeurs, au cours d‟un séminaire organisé dans la région.
24/04/2013
Des inconnus se sont opposés à une équipe de télévision conduite par la
journaliste et productrice Mouna Hidri, à son retour de la ville de Mahrès,
après y avoir effectué une mission journalistique.
Le groupe d‟individus, d‟à peu près une vingtaine de jeunes, leur a barré
la route quand ils roulaient en voiture, usant de barrières en ciment et en
bois et les forçant à s‟arrêter. Ces jeunes individus étaient munis de
couteaux et autres armes blanches. Ils ont également, confisqué par la
force, la caméra et l‟ordre de mission en possession de l‟équipe.
Après avoir contacté les forces de sécurité de la région, la caméra a pu
être restituée, mais débarrassée de la batterie.
Cependant, Hidri exclue qu‟il s‟agisse d‟une agression à caractère
purement criminel, d‟autant que les agresseurs n‟ont pas tenté de se
saisir d‟autres objets qui étaient, pourtant, à leur portée.
Naïma Khlissa, correspondante de la radio régionale privée « Sabra FM
», a été l‟objet d‟une agression matérielle et morale pendant son travail,
alors qu‟elle couvrait un mouvement de protestation organisé par des
chauffeurs de taxis, devant le siège du gouvernorat de Medenine.
Nombreux manifestants l‟ont insulté et l‟ont renvoyée, l‟empêchant
d‟effectuer sa mission en menaçant de l‟agresser avec violence et de lui
confisquer sa caméra, si jamais elle s‟aventurait à continuer de filmer le
261
mouvement, l‟accusant de diffuser la sédition et le chaos. La consœur
fait remarquer que la Sécurité était présente sur place « sans se
déranger » pour la protéger.
Témoignages :
SafaMtaâllah, journliste à « Ekher Khabar » :
Quand le vent de la révolution a soufflé alors que j‟étais encore
étudiante, j‟ai osé croire, comme tout tunisien-ne libre, que l‟aube allait
se lever et que nous allions, enfin, assister à la naissance de la Tunisie
dont nous avions longtemps rêvée. Passées les élections, voilà que les
déceptions se succèdent. Ce sentiment est encore exacerbé, surtout
quand j‟ai intégré la bataille de la vie quand j‟ai choisi le métier de
journaliste, qui m‟a fait découvrir que les gens du métier sont les plus
exposés aux violations.
Je ne parlerai pas des violences que j‟ai subies personnellement, l‟année
passée. Je me contenterais de l‟année 2013. Le début fut un 13 janvier,
quand j‟étais en train de couvrir les festivités en commémoration de la
révolution, à l‟avenue Habib Bourguiba, dans la Capitale, pour le compte
du journal « Sawt Echaâb ». Ce jour là était réservé aux ligues de
protection de la révolution qui avaient pris la relève aux manifestations
musicales et autres discours. L‟après midi de ce même jour, une
ambiance plutôt électrique commençait à se faire sentir au milieu des
protestations, quand un groupe de jeunes est venu protester contre ces
festivités « ostentatoires », au moment où le gouvernement n‟avait pas
encore reconnu le statut des martyres de Redeyf. C‟est à ce moment là
que les forces de sécurité avaient intervenu pour imposer l‟ordre et
interdire tout risque de confrontation pouvant survenir, en se positionnant
262
en ceinture de façon à séparer les protestataires et les ligues de
protection de la révolution. J‟étais en plein milieu, lorsqu‟un agent me
pousse pour me « jeter » du côté où étaient rassemblés les jeunes des
ligues de protection de la révolution. De prime abord, j‟ai eu un peu peur
de me retrouver à cet endroit, car connaissant la nature des agressions
dont ces groupes ont fait preuve envers certains journalistes. Toutefois,
j‟ai pris courage et décidé de continuer mon travail. Mais il n‟en fallait pas
pour longtemps, pour que je sois abordée par un individu, au moment
même où je m‟apprêtais à commencer l‟enregistrement d‟une vidéo
exhaustive sur le déroulement des événements, sachant que peu de
temps avant, cet individu était en train d‟insulter, d‟humilier et de maudire
la partie d‟en face des autres protestataires. Les pires qualificatifs ont été
utilisés pour ce faire. Cette personne est venue m‟interroger sur ce que
je faisais et j‟avais répondu que je ne faisais que mon travail en couvrant
les événements. A la vue de ma carte de presse où il est fait mention de
« Sawt Echâab », cet individu s‟est agité et a commencé à m‟injurier et à
proférer en ma direction les pires attributs, tel que « prostituée » et
autres qualificatifs du genre, bafouant ma dignité en tant que femme
tunisienne, d‟abord, et en tant que journaliste, ensuite. J‟ai tenté de le
mettre en garde devant la gravité de ses propos, d‟autant que je ne le
connaissais pas et que je n‟ai jamais eu affaire à lui, raison de plus pour
laquelle il n‟avait pas à s‟adresser à moi de la sorte. Sauf qu‟il a
considéré que j‟étais en train d‟enregistrer des vidéos pour dénoncer ce
qu‟il avait exprimé sur la Presse, pour, ensuite continuer à me calomnier
usant d‟expressions humiliantes du registre « La Presse de la honte », «
pourrie », « sans honneur »…Il a été jusqu‟à me saisir et me violenter.
Je portais ma propre caméra, chère payée, après tant de patience et
d‟effort, lorsqu‟il a commencé à m‟asséner des coups, sur mon tout mon
263
corps. Le tout s‟est passé au vu et au su des forces de sécurité qui ne se
sont aucunement dérangés. Pire encore, les agents qui observaient la
scène, se sont tout simplement retirés, laissant une journaliste subir, «
naturellement » la violence. J‟étais, donc, obligée de me défendre toute
seule. Quelques personnes présentes sur les lieux ont intervenu pour
me protéger. Mon agresseur était encore en train de proférer ses
insultes et de crier quand je suis partie chercher mes deux collègues que
j‟ai perdus de vue au moment où les force de sécurité ont commencé à
séparer les protestataires. Cet épisode m‟a particulièrement fait souffrir.
C‟est que j‟ai été seule à lutter au moment où je subissais toutes formes
de tiraillement, alors que mon agresseur était soutenu par ses amis.
D‟aucune manière je n‟ai rétorqué, alors que lui, n‟a eu aucun scrupule,
ne serait ce qu‟à l‟égard de l‟attitude civilisée avec laquelle j‟ai réagi.
Quand j‟ai repris mes forces, -c‟est que j‟étais complètement abattue
après l‟incident -je me suis dirigée vers le poste de police de la rue de
Yougoslavie, et sur mon passage, dans une pharmacie pour obtenir
quelques calmants, afin d‟apaiser des douleurs dues aux coups de j‟ai
reçus, tant au niveau du bras droit et de l‟épaule gauche que de la jambe
gauche et au niveau de l‟oreille. J‟arrive au poste de police vers 20h et
j‟expose mon cas. On me demande d‟attendre.
Une heure passe. Je me dirigé de nouveau vers un agent et je lui fais
savoir que j‟habitais à la banlieue Sud et qu‟il ne me serait pas possible
de rentrer chez moi, si on m‟aide pas à déposer plainte de suite. L‟agent
ne daigne même pas me répondre. Une demi heure, après, on me
signifie de revenir le lendemain. Je quitte le poste, avec dans la ma tête
une seule idée « il paraît clair, désormais, que chaque journaliste se doit
264
de se protéger lui-même. Les forces de sécurité, m‟ont sciemment
laissée en plaine rue, sujette aux violences.
D‟autres ne sont pas empressés d‟effectuer les procédures nécessaires
de la plainte, faisant fi de ma personne et me traitant sans un soupçon
d‟importance. Quoi de plus évident !
Un mois après, j‟apprends que mon agresseur, n‟était autre, que le
fameux dénommé « Rikoba » qui fait partie des ligues de protection de la
révolution. J‟étais en train de visualiser une série de photos de la
manifestation de ces ligues, prises à l‟avenue Habib Bourguiba, au mois
de février, suite à l‟assassinat de Chokri belaïd. Mes amis que j‟interroge
sur cet individu me répondent que c‟était « Rikoba », que je ne
connaissais pas jusqu‟à cet instant. Non, je ne connaissais pas Rikoba,
celui qui est devenu glorieux, après avoir été l‟hôte du président de la
république. Mais il semble que je faisais partie de ceux et de celles qui
n‟ont pas été atteints par l‟aura et le « rayonnement » de Rikoba jusqu‟à
ce fameux 13 janvier.
Mon ressentiment a grossi quand j‟ai vu la sollicitude avec laquelle
l‟entoure le président de la république et quelques membres de
l‟Assemblée nationale constituante. Car cela veut dire que lorsque ce
monsieur s‟est comporté comme il l‟a fait, il savait qu‟il pouvait se le
permettre, étant soutenu par des personnes protégées elles-mêmes
grâce à la révolution, quand elles se sont installées sur leurs sièges. Et
puis qui nous dit qu‟il, lui-même et ses semblables, « ce bras » que
certains tendent pour taper sur la Presse ?
265
Le 24 avril 2013, un agent de la brigade de la recherche et des
renseignements de Menzel Temime me contacte, depuis un téléphone
fixe, de la Garde nationale de la ville, pour me convoquer à un
interrogatoire. Au début de la conversation, l‟agent ne m‟avait pas
précisé le motif de cette convocation. Devant mon insistance il fini par m‟
informer, qu‟un groupe d‟habitants de Hammam Ghezaz a déposé
plainte à mon encontre depuis un mois, suite à un article que j‟avais
publié dans « AkherKhabar », journal que j‟ai rejoint au début du mois
d‟avril 2013.vérification faite, il s‟avère qu‟aucune convocation officielle
ne m‟a été adressée, ni par le biais de la famille ni le journal, mais qu‟on
s‟est contenté de me le signifier par téléphone. L‟article incriminé, date
du 19 février 2013 de l‟édition n°31 du journal Akher Khabar, intitulé «
des familles en peine à cause du départ de leurs enfants en Syrie, au
nom du jihad ». Dans cet article j‟ai parlé des jeunes de la ville de
Hammam Ghezaz, qui ont rejoint l‟enfer syrien. J‟y ai également révélé
des détails sur la méthode de leur recrutement et sur leur relation avec
l‟Organisation de la Qaida, ainsi que sur l‟itinéraire parcouru, qui passe
par la Lybie. Le problème, ici, réside dans le fait que les habitants m‟ont
contactée par le biais d‟un intermédiaire, originaire de hammam Ghezaz,
un dimanche 21 avril 2013, pour me signifier leur disposition à me parler
et à m‟informer sur ceux qui ont fait pression sur eux pour garder silence
concernant leurs enfants et sur celui qui a destiné leurs enfants à cet
enfer, outre bien d‟autres détails aussi importants, qui allaient faire
découvrir totalement cette partie impliquée. Nous nous étions mis
d‟accord sur un rendez vous, un mercredi, le jour même qui coïncide
avec l‟appel que j‟ai reçu par la garde nationale de Menzel Temim ! A ce
moment là, plein de questions me sont venues à l‟esprit ! D‟abord, quel
sens fallait il donner à une convocation à un interrogatoire en ce
moment, précisément, surtout que l‟émission « Fi Samim », dans son
266
édition « spéciale Syrie », diffusée par l‟une des chaînes tunisiennes
privées, le 23 avril, a conforté, ce qui est venu dans mon article. En effet,
il s‟est avéré que deux des personnes que j‟ai citées dans mon article, se
trouvent dans les prisons syriennes. Ensuite, pourquoi m‟avoir
convoquée le jour même où je devais rencontrer les familles de ces
jeunes ? Sachant que la convocation que j‟ai reçue est datée du 29 avril
2013, à 09h du matin, à l‟adresse du journal, outre une deuxième
convocation adressée au représentant juridique du même journal. A
noter également, que le premier intermédiaire a subi un harcèlement,
pour sa part. Il s‟agit de la personne qui s‟est chargée d‟arranger la
rencontre entre les familles et moi-même, avant même que je n‟écrive
l‟article, pour que les familles se désistent tout juste une heure avant le
RDV, au mois de février et, en plus tout, porter plainte, de leur côté,
contre cet intermédiaire.
Au vu de ces faits, une sensation d‟étouffement me prend et je
m‟interroge sur ce pays qui prétend vouloir construire une démocratie
alors qu‟il ne fait qu‟entraver, et par tous les moyens, le travail des
journalistes ? sur ce pays qui juge toutes les voix qui osent mettre à nue
ne serait-ce qu‟un aspect de certaines réalités, parce qu‟elles risquent
d‟être sources de malaise pour le gouvernement? Et l‟on se demande,
aussi, dans quelle mesure est-il possible à une-journaliste de pouvoir
travailler et continuer sa mission, aujourd‟hui, sous le joug d‟un système
qui n‟hésite pas à bafouer l‟intégrité des femmes et des hommes de
médias, tant sur le plan psychologique que physique ?.
Souvent, ce sentiment d‟angoisse m‟habite par appréhension d‟un futur
incertain. Hier, encore, c‟était des agressions verbales, ensuite
physiques. Aujourd‟hui on évolue vers le jugement, comme si nous
vivions, encore, aux jours les plus sombres de Ben Ali, quand la
267
destination de tous ceux qui osaient dénoncer le système du dictateur,
était la prison, les filatures étroites et les pires formes de répression…Et
demain…a quoi faut-il s‟attendre ?
Monia Arfaoui : Journaliste à Dar As-Sabah:
Le 29 août 2012 est un jour à marquer d‟une pierre blanche dans
l‟histoire de la presse tunisienne. C‟est aussi un rendez-vous, particulier,
de l‟Entreprise « Assabah », « icône » de la presse tunisienne, étant le
plus ancien média à avoir édité une publication en papier en Tunisie. Ce
jour-là, les enfants de la « maison » se sont soulevés pour défendre
l‟indépendance de leur Entreprise et la liberté d‟expression, suite à la
nomination d‟un directeur général connu pour son allégeance au parti au
pouvoir et venu comme chargé de la mission d‟assujettissement au sein
de l‟entreprise. Quand « la révolte » de Dar As-Sabah s‟est déclenchée,
je n‟ai pas hésité, de concert avec mes collègues, à défendre la liberté
d‟expression amenée par la révolution à un secteur longtemps écrasé,
sous le poids de la puissante machine de la répression systématique.
Un peu plus d‟un mois et grâce à notre acharnement à vouloir éloigner le
directeur, j‟ai été surprise, au matin du 1er octobre 2012, que ce même
directeur, refuse de régulariser ma situation professionnelle par le
renouvellement de mon contrat. C‟était de sa part une revanche à
prendre en réaction au mouvement que nous avons mené, d‟autant que
deux jours auparavant, nous avions annoncé le début du déclenchement
de « la guerre des ventres vides » contre le pouvoir. Le lendemain,
grande fut ma consternation, quand j‟apprends par des collègues, tôt le
matin, que ce responsable avait donné l‟ordre aux gardiens de
m‟interdire l‟accès à l‟Entreprise tout autant qu‟à mon collègue
HamdiMazhoudi. Mais cette décision ne m‟a pas perturbée, tant que
268
cela, comme pouvait, certainement, l‟imaginer le nouveau responsable
qui a voulu usé, à mon égard, de ces pratiques qui consistent à affamer
et à assujettir. En route vers l‟Entreprise, je me suis sentie plus que
jamais déterminée et j‟avais le sentiment qu‟aucune ne force dans le
monde, quelle que soit sa puissance, ne pouvait me faire plier à
rejoindre Dar As-Sabah. Je pu, en effet, avoir accès à l‟entreprise malgré
l‟opposition des agents de garde, grâce à l‟aide de tous les collègues,
dans un élan de défi évident lancé au directeur avant d‟annoncer, par la
suite, le début d‟une grève de la faim illimitée.
Passées ces péripéties et après que Dar As-sabah l‟ait emporté, haut et
fort, dans sa bataille médiatique contre le pouvoir, quelques semaines
après, je reçois, curieusement, une convocation adressée par la brigade
des recherches économiques et financières, suite à un article publié au
début de l‟année 2012, sur les dépassements et autres violations
continues, avant et après la révolution, constatées dans les prisons
tunisiennes. L‟interrogatoire s‟apprêtait plus à des demandes de
renseignements qu‟à des questions en rapport avec le contenu de
l‟article, censé déranger. Quelques jours après, et concernant toujours la
même affaire, la division de la recherche et de l‟inspection de la Garde
nationale me convoque, en tant que témoin, cette fois ci, pour
m‟interroger sur des sujets en rapport avec la torture dans les prisons et
pour vérifier mes sources.
En vérité, tant au cours du premier interrogatoire qu‟au cours du
deuxième, je n‟ai eu, à aucun moment, l‟impression d‟éclairer la justice,
comme on le prétend à ces occasions. Le but de ma présence était,
plutôt, une façon de m‟intimider et de me pousser à plus de réflexion
avant d‟écrire un article sur n‟importe quel sujet. Autrement dit, il
269
s‟agissait de faire pression sur moi pour m‟inciter à pratiquer
l‟autocensure.
-Naïma charmiti : journaliste et responsable du site « Arabesque TV »
Je croyais que l‟environnement de la liberté d‟expression allait
s‟épanouir, pour nous offrir ce dont nous avions rêvé, des décennies
entières et c‟est pour cela que j‟ai fait partie des tous premiers à monter
un projet électronique indépendant, loin de tous les tiraillements
politiques, grâce à un prêt bancaire que j‟ai tout fait pour obtenir, étant
passionnée de journalisme.
Depuis le lancement du site « Arabesque TV », au mois de février 2012,
j‟ai, souvent, fait l‟objet d‟agressions, accompagnées parfois, de coups,
par des partisans du mouvement salafistes. La première fois a eu lieu à
l‟occasion du sit-in des étudiants salafistes, organisé à la faculté des
lettres de La Manouba, tout autant qu‟une autre collègue qui a fait l‟objet,
pour sa part, d‟une agression policière au cours des regrettables
événements du 9 avril 2012, qu‟à connu Tunis. J‟ai été, également,
ciblée au cours de certaines manifestations pendant que je couvrais le
déroulement. Ces agressions se manifestaient sous plusieurs formes,
dont les insultes, les injures, les coups, l‟interdiction de travailler et les
menaces de confiscation du matériel de travail et leur démolition dans le
seul but de m‟intimider.
En voici quelques exemples des agressions que j‟ai subies au cours des
sept derniers mois:
270
*les événements de Siliana où des armes de chevrotines ont été
utilisées, en novembre 2012 :
Comme il est d‟usage et motivée par l‟amour de la profession, je monte
une voiture de louage et je me dirige vers la ville de Siliana pour couvrir
les manifestations. A mon arrivée sur les lieux, je remarque que
l‟atmosphère était plutôt lourde et que la tension entre les manifestants
et les forces de l‟ordre sur place était évidente. J‟ai été cernée et la
police a tenté de me confisquer ma caméra. Faisant semblant de ne pas
avoir l‟intention de filmer ne serait-ce qu‟une scène de la manifestation,
je commence à discuter avec eux. Voilà qu‟ils se mettent à accuser la
Presse de monter contre eux, l‟opinion publique. J‟ai été, également,
séquestrée avec un groupe de journalistes dans le domicile d‟un citoyen
où nous avons été la cible de gaz lacrymogène lancé en notre direction,
empêchés de parvenir jusqu‟à la scène des événements.
*février 2013
En violation flagrante de la loi j‟ai été, à titre personnel, interdite en
compagnie d‟autres collègues de rejoindre une conférence de presse
donnée par le ministre de l‟Intérieur, au sujet de l‟assassinat de Chokri
Belaïd. L‟alibi était que mon « nom ne figurait pas sur la liste ». Au même
moment, nombreux étaient les journalistes locaux et étrangers présents,
connus pour avoir composé avec le régime de Ben Ali, qui ont été bien
accueillis.
C‟était l‟un des pires traitements auxquels j‟ai eu droit, dès lors où, j‟étais
dans mon pays ; la Tunisie post révolution et j‟étais munie d‟une carte de
presse professionnelle. Sauf que le ministère s‟est comporté avec moi
271
sur la base d‟une logique raciste et ségrégationniste qui consiste à
différencier entre les journalistes. Ce jour-là j‟attendais avec impatience
d‟obtenir des données sans plus. Mais mon ambition s‟est transformée
en une tristesse telle, que j‟ai pleuré prise par un fort sentiment
d‟injustice et de frustration. C‟est à ce moment-là, aussi, que j‟ai eu
l‟impression que mon pays, après la révolution, n‟était pas le lieu indiqué
aux jeunes créateurs ni aux laborieux mais qu‟il est devenu le fief des
corrompus.
Cependant, et en dépit de toutes les difficultés et souffrances que je
continue de subir, qu‟elles soient matérielles, verbales ou encore
morales, je demeure toute déterminée et plus que jamais conduite à
poursuivre le travail, abstraction faite de toutes intimidations et autres
menaces.
Amel Chahed : Journaliste à la télévision tunisienne :
La première remarque avant de venir aux restrictions, est que l‟attitude
et la mentalité n‟ont pas beaucoup changé, depuis le 14 janvier 2011 et
ce que je vais exposer, n‟est autre que l‟illustration du maintien d‟une
même situation et pratiques.
La diffusion de l‟émission, « Bi taouqit Al Ôula », que je prépare et
présente sur la première chaîne, depuis le mois d‟octobre 2012, a
démarré avec une moyenne de quatre jours par semaine, de 19h à 20h
et a été ainsi maintenu jusqu‟à la fin du mois de décembre de la même
année.
272
Pendant cette période, et essentiellement pendant les premières
semaines, tant la direction générale que la direction de la Chaîne m‟ont
adressé des remarques en guise de conseils, du genre « se tenir à la
neutralité » (remarques adressées, essentiellement, pour ce qui
concerne l‟émission qui a été réservée aux événements survenus, suite
aux tirs à la chevrotine à Siliana) ; ou bien des propositions qui
consistent à l‟invitation d‟un responsable politique précis, afin de lui
permettre de donner son point de vue sur certains sujets. (Lotfi Zitoun,
ex-conseiller politique du chef du gouvernement, chargé de l‟Information.
Ceci est arrivé, au moins, à deux reprises) ; ou encore, une tentative
d‟imposer la présence d‟une personnalité politique précise, dans la
même émission programmée avec un autre invité, au prétexte du droit
de réponse ou au nom de la précaution à prendre, pour répondre au cas
où cette même personne serait citée ou au cas où on lui aurait attribué
quelques déclarations (ex. le jour de l‟attaque du siège de l‟UGTT, on a
fait pression pour que soit présent le représentant du Parti Nahdha, afin
qu‟il puisse répondre et diffuser une image envoyée par courrier
électronique à un responsable de la direction générale de la télévision).
Rappelons que l‟émission, sous sa forme informationnelle est une sorte
de revue qui s‟intéresse à la synthèse des événements inhérents et à les
commenter et non une émission de débat dans le genre, l‟opinion et
l‟opinion contraire.
Dans une deuxième étape, certains responsables politiques, proches de
certaines parties gouvernementales, ont fini par signifier franchement
leur ressentiment quant à la ligne éditoriale de l‟émission, lançant,
publiquement, des accusations de partialité et de manque de
professionnalisme.
C‟est arrivé, au moins, à deux reprises. Une fois, sur le plateau de
l‟émission et une autre, dans une émission de débat, sur la même
273
première chaîne nationale, (le ministre Hassine Jaziri et l‟ex-conseiller
chargé de l‟information auprès du chef du gouvernement, Ridha
Kazdaghli).
En réaction à toutes ces pressions, révélées ou pas, on a procédé au
changement de la diffusion de l‟émission par la réduction des jours de
programmation à deux et au changement de l‟horaire de diffusion, prévu
désormais, à 18h20 au lieu de 19h, à partir du mois de janviers 2013.
Au cours de la dernière période, depuis les péripéties de ces
changements, de janvier à avril, des pratiques d‟ingérence ont été
enregistrées, sur le contenu de l‟émission, par la direction qui a formulé
des remarques au sujet des personnes interrogées sur certains sujets
(ex. pression pour que soit invité un représentant de la police dans
l‟affaire de la violente agression commise sur le journaliste Mohamed Ali
Ltifi, qui était présent à l‟émission avec des traces visibles sur les yeux et
le visage), et des commentaires qui expriment que telle consœur ou tel
confrère invité-e-s à l‟émission pour commenter le déroulement de
l‟actualité et participer au débat, n‟étaient pas désirables, au prétexte de
leur appartenance politique connue (Youssef Oueslati, TawfikAyachi…)
ou encore du fait qu‟ils ne soient pas journalistes ou du moins, non
spécialisés sauf dans des domaines particuliers dans leur écriture
journalistique, (Soufia Hamami, Amel Belhaj Ali…). A d‟autres occasions,
il s‟agit de demandes qui consistent à revenir sur l‟invitation de certaines
personnes, pour « manque de crédibilité ou d‟intégrité (Saïd Khazémi,
Mohsen Zarkouni).
Un harcèlement d‟un genre nouveau était ressenti, également, au mois
d‟avril 2013, qui consiste, cette fois, à demander le plan de l‟émission, 24
274
heures à l‟avance, en dépit de son caractère immédiat, qui traite des
événements du jour même, de la diffusion. Il a été, aussi, procédé à
l‟annulation de la diffusion, pure et simple, de l‟émission à deux reprises
et la raison avancée n‟était autre que le manque de moyens techniques
(Le bus numérique) et la multitude de la matière télévisée (les matches
de football, le tribunal militaire, les festivités de la fête nationale au palais
présidentiel). Deux émissions ont été annulées, de ce fait, les 17 et 24
avril 2013. En dépit des efforts fournis par l‟équipe de l‟émission et son
acharnement pour son maintien dans un élan défiant les conditions de
travail précaires et l‟absence de nouveaux moyens ou au moins
l‟entretien de ce qui était disponible, au tout début. (réduction du nombre
des personnes chargées de superviser l‟exécution du programme, à
cause de leur mutation pour la production de feuilletons télévisés ; le
retour sur la promesse de mettre à disposition le décor adéquat de
l‟émission qui a démarré avec un décor provisoire ; l‟interruption
d‟internet sur la télévision les dernières semaines, essentiellement, de la
page facebook, exploitée pour certaines tâches, surtout pour la
récupération de caricatures ou quelques extraits de vidéos, à même de
faciliter le travail, pour une grande partie et l‟échange de la matière entre
les journalistes de l‟émission….)
Cette perturbation dans la diffusion et le changement de la plage horaire
qui lui était réservée a eu des répercussions négatives sur le taux de
l‟audimat, puisqu‟une grande partie des téléspectateurs ne peut être
présente chez elle, à la nouvelle heure de diffusion.
Le feuilleton turc programmé par la direction générale de la télévision
tunisienne, à l‟heure initiale de l‟émission, 19h 20h, dans le but de
générer des bénéfices de la publicité, n‟a pas bénéficié d‟un taux
275
d‟audimat respectable et n‟a pas connu le succès attendu. Il est,
d‟ailleurs, possible de le vérifier et d‟en faire la comparaison avec les
chaînes de télévision concurrentes, à la même plage horaire.
Ferida Mabrouki : Directrice du bureau de l’Agence Tunis Afrique
Presse à Gafsa:
Le 7 février et pendant que je couvrais une marche de protestation
organisée suite à l‟assassinat du Secrétaire général du Parti des
nationalistes démocrates unis et chef de file du Front populaire, Chokri
Belaïd, la manifestation a tourné en violents affrontements, entre les
manifestants et les forces de l‟ordre et j‟ai fait l‟objet d‟une agression
verbale de la part d‟un officier de la Sécurité nationale de Gafsa. Près de
la recette des finances régionale, limitrophe du poste de la région, où ont
survenu les affrontements, des agents de la brigade d‟intervention qui
procédaient à l‟évacuation d‟un groupe de manifestant ont arrêté un
protestataire, que d‟autres agents ont commencé à battre et à le traîner
jusqu‟à une voiture en leur possession. Ensuite, il lui asséner des coups
de pieds. Je m‟étais approchée de la scène pour prendre quelques
photos et les interroger sur les mobiles de cette violence sur un
manifestant, d‟autant que j‟avais relevé, que la victime n‟a fait aucun
effort pour lutter contre son arrestation Je portais un gilet « presse » et je
n‟avais pour arme que ma plume et mon téléphone portable, dont je ne
me suis servi que rarement pour prendre des photos. Je m‟étais
approchée, en dépit de la densité du gaz lacrymogène et les pierres
lancées de partout par les manifestants, voulant atteindre le groupe des
forces de l‟ordre en question, me dirigeant vers un officier avec rang de
capitaine, pour l‟interroger sur les raisons d‟autant de violence à
l‟encontre de ce manifestant qui n‟a montré aucun signe de résistance.
276
Je n‟avais pas encore achevé ma question, que mon interlocuteur,
s‟adresse à moi en en ces termes, «va-t‟en, espèce de « P…». Laisse
nous travailler…» Pour quelques secondes, il m‟a semblé que ces
paroles proférées, ne m‟étaient pas adressée, à moi, personnellement.
J‟ai même oublié, pour quelques instants, que j‟étais la seule femme à
cet endroit avant de rétorquer, dans une tentative de dissiper un voile et
démentir ce que mon ouïe a capté, en disant : Regardez le «gilet », je
suis journaliste et en ce moment je travaille. Tout en s‟approchant de
moi, il me ressasse « je t‟ai déjà dit de partir, espèce de P…de P…et
laisse nous travailler…».
Blessée dans l‟âme, des larmes d‟impuissance et d‟humiliation se sont
mêlées à celles du gaz lacrymogène. Mais elles étaient de loin beaucoup
plus brûlantes. Mes mains qui ont commencé à trembler avaient
exprimé, en fait, avant même que mon esprit le conçoive clairement, que
j‟étais bel et bien cette journaliste visée par ces propos.
Les mots de réconfort exprimés par trois citoyens, jusque là abrités à
l‟entrée de la Recette des finances et qui étaient suffisamment proches
du « spectacle » pour le voir dans ses détails les plus infâmes et que je
n‟avais même pas remarqués quand ils étaient venus vers moi, m‟ont
grandement aidée à éviter l‟effondrement. C‟est que c‟est la première
fois de ma vie que je fus traitée de « P…»…
Une personne m‟a prise par la main. Pendant quelques instants, j‟ai eu
l‟impression d‟être incapable de faire un pas en avant pour la suivre. J‟ai
laissé faire et cette personne a pris la peine de m‟accompagner dans le
but clair de me protéger de cet officier, tout comme elle me l‟a expliqué
en me poussant vers la chaussée.
Sans lutter, j‟ai continué mon chemin en compagnie de ces citoyens qui
n‟ont épargné aucun effort pour alléger le poids de toutes ces
277
proférations qui me pesaient lourdement, d‟autant que je n‟arrivais pas à
faire cesser des larmes qui, à leur tour, n‟ont pu empêcher une forte
sensation d‟étouffement intérieure de grossir au fur et à mesure, que
cela a failli, enchaîner ma capacité à continuer mon travail et couvrir ces
événements.
Sans détour ni complexe, j‟avoue que j‟ai énormément souffert ce jour-là.
Par la suite aussi, d‟ailleurs. Au point qu‟à chaque fois où on m‟interroge
sur les détails de ce que j‟ai subi, les larmes m‟étouffent, sans parler du
fait que je demeure toujours incapable de prononcer le terme, dont m‟a
qualifiée l‟officier.
Néanmoins et dans mon for intérieur, je ne cesse de me dire que, ce
jour-là, j‟ai, tout de même gagné. En effet, je l‟ai emporté, en fin de
compte, sur cet officier puisqu‟en définitive, j‟ai pu, malgré tout,
poursuivre mon travail en effectuant la couverture de ces mêmes
événements, ce jour-là, avec le professionnalisme qui se doit et sans
qu‟aucun effet de ce qui m‟a personnellement touchée, ne soit ressenti
dans cette couverture.
Samira Soury : Journaliste au bureau de Gafsa de la chaîne Al
Hiwar Ettounissi:
le journalisme est un métier éprouvant et les violences répétées sur les
journalistes empêchent l‟aboutissement d‟une certaine jouissance. J‟ai
subi personnellement toutes sortes d‟agressions verbales et morales. La
dernière en date a eu lieu le 10 mars 2013, quand j‟ai fait l‟objet d‟une
agression ciblée par un motard, au moment où j‟étais en train de couvrir
la visite de Mme BesmaKhalfaoui, veuve du martyre ChokriBelaïd, dans
278
la localité d‟El Ktar, du gouvernorat de Gafsa. L‟agresseur m‟a percutée
avec sa moto atteignant la cheville droite, ce qui a nécessité un repos de
plus de 25 jours. Et comme si cela ne suffisait pas, il m‟a, aussi, traitées
des pires qualificatifs avant de prendre la fuite. A noter qu‟au moment
des faits, je portais le gilet « presse » et un matériel sur lequel était
mentionné, d‟une façon très visible « chaîne Al Hiwar Ettounissi ». J‟ai
intenté un procès en justice à cet effet.
Cette agression fait suite à une autre, en date du 24 novembre 2012,
exprimée à travers une communication téléphonique, provenant d‟un
individu originaire de la municipalité de Ksar-Gafsa, quand il a appris que
j‟étais dans l‟impossibilité de couvrir un sit- in. La personne en question
tenait absolument à ma présence pour couvrir la manifestation qui
coïncidait au même moment que d‟autres événements plus importants
que nous devions couvrir. J‟ai, également, porté plainte, à cet effet.
N‟omettons pas la manière avec laquelle composent les responsables de
l‟administration régionale avec l‟équipe de la chaîne Al Hiwar, dans le
Sud-ouest et avec moi personnellement, à chaque fois où j‟ai des
difficultés à obtenir une information ou une quelconque déclaration d‟un
responsable. Souvent, le véritable argument est le fait que je travaille
pour une chaîne, dont la ligne éditoriale « s‟oppose » au pouvoir et à ses
composantes et en est sans cesse, critique. Parfois on me signifie
clairement, que notre travail dans la manière de transmettre les
souffrances, par l‟image, des gens et de leurs problèmes, constitue une
sorte d‟incitation à l‟insurrection, aux manifestations et au blocage des
routes.
Il va sans dire que la pratique de ces intimidations me laisse tout le
temps dans l‟attente du pire et me fait sentir l‟absence de protection. Ces
279
méthodes réduisent, aussi, ma volonté, quand il s‟agit de présenter
objectivement et d‟une matière vivante, ce qui reflète la réalité sous
toutes ses facettes.
Souvent aussi, j‟ai l‟impression de m‟investir en vain au profit de ce
métier, pourtant, noble. Mais dans le fond et presqu‟à mon insu, tout ceci
ne fait que renforcer ma détermination pour continuer mon travail, avec
le même effort et la même fierté d‟obéir et de m‟attacher aux valeurs que
j‟ai apprises par mes professeurs à l‟Institut de Presse. La solidarité de
mes confrères et consœur s dans différents organes de presse, qui
m‟est exprimée quand je suis sujette à des violations, y est aussi pour
quelque chose, car elle ranime, à chaque fois, mon courage à m‟attacher
à l‟essence de mon métier et à continuer mon parcours professionnel en
toute confiance, me basant pour ce faire, sur plus de professionnalisme
et une neutralité toujours plus affirmée.
HoudaKchaou : Journaliste à Radio-Sfax:
Les agressions planifiées en tant que moyen pour dissimuler la vérité :
c‟est ce à quoi œuvrent les adeptes du Parti au pouvoir, aujourd‟hui,
nous poussant à déduire qu‟il n‟y a pas de liberté de presse, autant il y a
le courage des journalistes. C‟est, en tout cas, notre sentiment devant
les violations que nous subissons par les ligues de protection de la
révolution, à chaque fois où nous critiquons le rendement du
gouvernement ou nous donnons l‟occasion à ceux qui ont un avis
contraire de s‟exprimer au nom du pluralisme au sein de la radio.
Tout au long des derniers mois, j‟ai été l‟objet d‟une série d‟agressions
verbales et autres accusations de diffamations, orchestrées par des
membres des ligues de protection de la révolution, alliées du Parti au
280
pouvoir. Cela va jusqu‟à la délation et l‟atteinte aux mœurs, outre les
insultes et les injures ainsi que les menaces de violence. Ces tentatives
d‟intimidation ne se limitent pas uniquement aux communications
téléphoniques, à la diffamation dans les pages électroniques, mais
certains trouvent le cran d‟aller jusqu‟à protester auprès de la direction et
demander mon exclusion sous prétexte de l‟absence d‟impartialité
m‟accusant d‟œuvrer en faveur d‟un quelconque agenda politique.
Ils ont usé de différents moyens pour restreindre le champ de la liberté
d‟expression dans l‟Entreprise où je travaille, parce qu‟ils ne croient pas
à la nature du travail journalistique que nous effectuons et qui nécessite
l‟ouverture de l‟espace à toute forme d‟expression sociétale afin qu‟elle
puisse se faire entendre, en toute liberté et quelle que soit son
positionnement par rapport au processus politique, aux enjeux
économique et sociaux et les valeurs qui sont défendues. C‟est ce qui
les a poussé à organiser plusieurs sit- in de protestation devant radioSfax, avec comme slogan « Dégage » à l‟adresse des voix qui ne leur
sont pas acquises. Ils considèrent que ma place est au foyer, loin du
travail dans lequel j‟ai été élevée et que j‟ai assumé conformément aux
normes professionnelles et scientifiques. Le chemin séparant mon lieu
de travail de mon domicile est devenue miné de dangers au point que,
désormais, je me dois de prendre plus d‟une précaution, à chaque pas
que je fais. Ceci concerne, même, ma vie privée, car j‟ai toujours
considéré que les menaces peuvent me nuire, également, en dehors de
mon cadre professionnel et que je pouvais être visée tout autant que les
membres de ma famille.
Ces pressions peuvent avoir, également, des répercussions sur la valeur
de mon rendement ainsi que sur la relation que j‟entretiens avec mes
collègues. Cet environnement marqué par l‟animosité, tant envers moi
281
qu‟envers les collègues, s‟édifie, essentiellement sur la base des
campagnes tendancieuses qui nous visent, sous le slogan mercuriale et
trompeur « la Presse de la honte ». C‟est qu‟on cherche à instaurer une
presse sur mesure, qui reproduit l‟ancienne expérience, avec tous ses
inconvénients et ses erreurs, Centre de Tunis pour la liberté de la presse
mettant fin à la créativité de ceux et de celles qui travaillent dans le
secteur.
Aujourd‟hui, je suis plus que jamais déterminée à revendiquer la
nécessité d‟une protection tant pour moi que pour mes collègues, contre
toutes formes de violations. Je tiens, également, à mettre devant leurs
responsabilités, tous les agresseurs qui nous guettent nous-mêmes et
notre métier.
Pour ce faire, il est, cependant, nécessaire de procéder à la
conscientisation du large publique quant à l‟importance du rôle joué par
les journalistes quand ils sont à l‟écart de toute forme de pression quelle
que soit sa provenance et loin de toute ingérence ou autres ordres.
Auquel cas, les journalistes ne seraient pas en mesure d‟aller vers
l‟information ni de persévérer dans leur mission afin de révéler les vérités
et les présenter à l‟opinion publique sans fard ni retouches.
IV.
RECOMMANDATIONS:
Le Centre de Tunis pour la liberté de la Presse considère que s‟opposer
aux violations contre les femmes journalistes, demeure tributaire, dans
une large mesure, d‟une modification voire d‟un bouleversement, de
l‟environnement social, dont la dimension culturelle et spirituelle est
influencée d‟une mentalité bien ancrée et qui consiste à voir la femme
282
et/journaliste comme étant un être inférieur. Le Centre d‟une appelle,
clairement à:
-Une
représentation
égalitaire
dans
les
responsabilités
professionnelles, en cohérence avec la présence des femmes
journalistes dans le secteur ainsi qu‟avec leur compétence et
professionnalisme ;
-Une opposition à l‟image stéréotypée de la femme journalise dans
les médias tunisiens ;
-Une prise en compte particulière des femmes journalistes dans les
régions intérieures, où l‟environnement y est plus appauvri et plus
marginalisé,
favorisant,
par
conséquent,
les
violences
et
l‟exploitation à leur encontre. Il est, également, impératif de mettre
à disposition, suffisamment de mécanismes de protection en leur
faveur.
-Une mise en place d‟espaces informationnels permanents pour
traiter des questions spécifiques aux femmes journalistes
-Un renforcement des sanctions administratives et judiciaires
contre les agresseurs des journalistes femmes ;
-L‟encouragement des femmes journalistes à faire parvenir tous les
cas d‟agressions à leur encontre, y compris celles à caractère
sexuel, à toutes les parties concernées, allant jusqu‟à la justice.
283
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